Proposition de résolution - B8-0405/2015Proposition de résolution
B8-0405/2015

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la destruction de sites culturels par le groupe "État islamique"

27.4.2015 - (2015/2649(RSP))

déposée à la suite des questions avec demande de réponse orale B8-0115/2015 et B8-0116/2015
conformément à l'article 128, paragraphe 5, du règlement

Curzio Maltese, Patrick Le Hyaric, Miloslav Ransdorf, Marisa Matias, Stelios Kouloglou, Kostas Chrysogonos, Sofia Sakorafa, Malin Björk, Martina Michels, Kostadinka Kuneva, Barbara Spinelli, Eleonora Forenza au nom du groupe GUE/NGL

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-0375/2015

Procédure : 2015/2649(RSP)
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B8-0405/2015
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B8-0405/2015

Résolution du Parlement européen sur la destruction de sites culturels par le groupe "État islamique"

(2015/2649(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu l'article 167 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE) qui dispose que l'"action de l'Union vise à encourager la coopération entre États membres", notamment dans le domaine de "la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d'importance européenne" et que l'"Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes dans le domaine de la culture",

–       vu le règlement (CE) no 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l'exportation de biens culturels[1],

–       vu le règlement (CE) no 1210/2003 du Conseil du 7 juillet 2003 concernant certaines restrictions spécifiques applicables aux relations économiques et financières avec l'Iraq et abrogeant le règlement (CE) no 2465/1996[2],

–       vu le règlement (UE) n° 1332/2013 du Conseil du 13 décembre 2013[3] modifiant le règlement (UE) n° 36/2012[4] concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, adopté à la lumière de la décision 2013/760/PESC du Conseil du 13 décembre 2013 modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie[5],

–       vu l'action commune 2001/555/PESC du Conseil du 20 juillet 2001 relative à la création d'un centre satellitaire de l'Union européenne[6], modifiée par l'action commune 2009/834/PESC du Conseil[7],

–       vu la résolution du Conseil d'octobre 2012 sur la création d'un réseau informel d'autorités et d'experts en matière répressive, compétents dans le domaine des biens culturels (EU CULTNET),

–       vu la convention de l'Unesco de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels,

–       vu la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, signée à La Haye le 14 mai 1954,

–       vu la convention de l'Unesco concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, du 14 novembre 1970,

–       vu la convention de l'Unesco concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, du 16 novembre 1972,

–       vu la convention de l'Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, du 17 octobre 2003,

–       vu la convention de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, du 20 octobre 2005,

–       vu la convention d'Unidroit de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés,

–       vu la résolution no 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies du 12 février 2015 sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d'actes de terrorisme[8],

–       vu la charte de Venise de 1964 sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, qui fournit un cadre international pour la préservation et la restauration des bâtiments anciens,

–       vu le statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté le 17 juillet 1998, et notamment son article 8, paragraphe 2, point b) ix), qui reconnaît "le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu'ils ne soient pas des objectifs militaires" comme un crime de guerre,

–       vu sa résolution du 12 mars 2015[9] sur le rapport annuel 2013 sur les droits de l'homme et la démocratie dans le monde et sur la politique de l'Union européenne en la matière, dont le paragraphe 211 dispose que "les formes intentionnelles de destruction du patrimoine culturel et artistique, telles qu'elles se déroulent actuellement en Syrie et en Iraq, devraient être poursuivies en tant que crimes de guerre et crimes contre l'humanité",

–       vu les questions au Conseil et à la Commission sur la destruction de sites culturels par le groupe "État islamique" (O-000031/2015 – B8-0115/2015 and O-000032/2015 – B8-0116/2015),

–       vu l'article 128, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,

A.     considérant que de nombreux sites archéologiques, religieux et culturels en Syrie, en Iraq et en Tunisie ont récemment fait l'objet de destructions ciblées par des groupes d'extrémistes liés notamment au groupe "État islamique" (EI), et que la directrice générale de l'Unesco, Mme Irina Bokova, a qualifié ces attaques systématiques contre le patrimoine culturel de "nettoyage culturel";

B.     considérant que, selon l'Unesco, l'expression "nettoyage culturel" désigne une stratégie visant à supprimer intentionnellement la diversité culturelle en ciblant délibérément des personnes en fonction de leur appartenance culturelle, ethnique ou religieuse, alliée à des attaques délibérées de leurs lieux de culte, de mémoire et d'enseignement et considérant que la stratégie de nettoyage culturel que l'on peut observer en Iraq et en Syrie se reflète dans les attaques contre le patrimoine culturel, à la fois contre des expressions de la culture physiques, matérielles et édifiées telles que des monuments et des bâtiments, et contre des minorités et des expressions immatérielles de la culture telles que les coutumes, les traditions et les croyances[10];

C.     considérant que, dans certaines circonstances, des actes de destruction du patrimoine culturel ont déjà été considérés comme des crimes contre l'humanité[11]; que, lorsque ces actes visent les membres d'un groupe religieux ou ethnique, ils peuvent être assimilés à des persécutions comme l'établit l'article 7, paragraphe 1, point h), du statut de Rome de la Cour pénale internationale;

D.     considérant que de tels actes de destructions de sites et d'objets culturels et historiques ne sont pas un phénomène récent et ne se limitent pas à l'Iraq et à la Syrie, et que selon l'Unesco "le patrimoine culturel est une composante importante de l'identité culturelle des communautés, groupes et individus, et de la cohésion sociale, de sorte que sa destruction intentionnelle peut avoir des conséquences préjudiciables sur la dignité humaine et les droits de l'homme"[12]; considérant que, comme l'a exposé l'Unesco, entre autres, le pillage de sites culturels et religieux et le trafic d'objets culturels et religieux en Iraq et en Syrie, notamment par l'EI, est utilisé pour financer ses activités terroristes, si bien que les objets d'art et culturels deviennent de fait des "armes de guerre";

E.     considérant que, grâce aux fonds alloués par l'Union européenne, l'Unesco et d'autres partenaires stratégiques ont lancé le "projet de sauvegarde d'urgence du patrimoine syrien" le 1er mars 2014 pour une période de trois ans et que ce dernier vise notamment à assurer la protection d'urgence du patrimoine culturel syrien;

F.     considérant que l'Union européenne a ratifié la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, signée le 20 octobre 2005, qui a été le premier instrument international à reconnaître la double nature, économique et culturelle, des biens culturels, qui "ne doivent donc pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale";

G.     considérant que la convention de l'Unesco concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels, signée le 17 novembre 1970, et la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, signée le 24 juin 1995, constituent des instruments importants permettant de renforcer la protection du patrimoine culturel mondial;

H.     considérant que le commerce illégal de biens culturels occupe la troisième place après celui de la drogue et des armes, que le commerce illicite est dominé par les réseaux criminels organisés et qu'il manque aux mécanismes nationaux et internationaux l'équipement et le soutien nécessaires pour lutter contre ce phénomène[13];

I.      considérant que la lutte contre le commerce illicite des biens culturels n'est pas une compétence spécifique de l'Union, dans la mesure où elle n'est pas inscrite comme telle dans les traités, mais que cette lutte relève cependant de plusieurs domaines de compétence de l'Union, comme le marché intérieur, l'espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ), la culture et la politique étrangère et de sécurité commune (PESC);

J.      considérant qu'il est urgent de mieux coordonner la lutte contre le commerce illicite des biens culturels et de collaborer étroitement afin de promouvoir la sensibilisation et le partage d'informations ainsi que de renforcer les cadres juridiques; rappelant, dans ce contexte, que dans ses conclusions de décembre 2011 relatives à la prévention de la criminalité visant les biens culturels et à la lutte contre ce phénomène, le Conseil recommandaient, entre autres, aux États membres de renforcer la coordination entre les services répressifs, les autorités chargées de la culture et les entités privées;

K.     considérant qu'en octobre 2012, une résolution du Conseil a créé un réseau informel d'autorités et d'experts en matière répressive, compétents dans le domaine des biens culturels (EU CULTNET), dont les principaux objectifs consistent à améliorer les échanges d'informations portant sur la prévention du commerce illégal de biens culturels et à recenser et partager les informations relatives aux réseaux criminels soupçonnés d'être impliqués dans un tel trafic;

L.     considérant que le samedi 28 mars 2015, la directrice générale de l'Unesco, Mme Irina Bokova, a lancé à Bagdad la campagne #Unite4Heritage, qui entend mobiliser à l'échelle mondiale un soutien en faveur de la protection du patrimoine culturel grâce à la puissance des réseaux sociaux;

1.      condamne fermement les attaques brutales perpétrées par des groupes liés à l'EI contre des sites archéologiques, religieux et culturels en Syrie et en Iraq;

2.      condamne vivement le soutien (assistance financière, fourniture d'armes, entraînements, etc.) que les États-Unis, l'Union européenne, l'OTAN et les monarchies du Golfe fournissent aux groupes terroristes qui détruisent les sites culturels en Syrie et en Iraq;

3.      invite la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité à prendre des mesures appropriées au niveau politique, conformément à la résolution no 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies du 12 février 2015, afin de mettre fin au commerce illégal des biens culturels dérobés à la Syrie et à l'Iraq tant que des conditions de guerre prévalent dans ces deux pays, de manière à empêcher qu'ils soient utilisés pour financer des actes terroristes;

4.      invite la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité à recourir à la diplomatie culturelle et au dialogue interculturel pour réconcilier les différentes communautés et reconstruire les sites détruits;

5.      suggère, dans ce contexte, que la Commission envisage la création, conformément au paragraphe 17 de la résolution no 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies du 12 février 2015, d'un service transversal chargé de la prévention et de la lutte contre le commerce illicite de biens culturels, doté d'une unité spécialement consacrée aux pièces du patrimoine culturel enlevés illégalement d'Iraq depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011; ce département devrait concevoir une stratégie coordonnée de lutte contre ce commerce illégal en collaboration avec les responsables nationaux des services d'enquête et en étroite collaboration avec l'Unesco et d'autres organisations internationales comme le Conseil international des musées (ICOM), le comité international du bouclier bleu de l'ICOM (ICBS), Europol, Interpol, l'Institut international pour l'unification du droit privé (Unidroit) et l'Organisation mondiale des douanes (OMD);

6.      invite la Commission à mettre en place un mécanisme d'échange d'informations rapide et sécurisé et de partage de bonnes pratiques entre les États membres afin de lutter efficacement contre le commerce illicite des biens culturels enlevés illégalement d'Iraq et de Syrie, et à envisager le déploiement de programmes européens de formation destinés aux magistrats, aux policiers et aux douaniers, aux administrations gouvernementales et, plus généralement, aux protagonistes du marché afin de permettre à toutes les parties prenantes à la lutte contre le commerce illicite des biens culturels de développer et d'approfondir leur expertise;

7.      demande à la Commission de soutenir la campagne #Unite4Heritage de l'Unesco en lançant une campagne d'information sur l'Iraq et la Syrie afin de mieux faire connaître l'importance du patrimoine culturel de ces pays, la façon dont le pillage est utilisé pour financer les activités terroristes et les sanctions susceptibles de résulter de l'importation illicite de biens culturels originaires de ces pays ou d'autres pays tiers;

8.      demande à la Commission de réexaminer le règlement (CE) no 116/2009 du Conseil concernant l'exportation de biens culturels afin de parvenir à un niveau plus élevé d'efficacité et d'envisager la création d'un instrument de contrôle de l'importation de biens culturels dans l'Union européenne;

9.      demande à l'Union européenne d'adopter, en collaboration avec l'Unesco et la Cour pénale internationale, les mesures permettant d'élargir les crimes contre l'humanité relevant du droit international aux actes délibérés de dégradation ou de destruction à grande échelle du patrimoine culturel de l'humanité;

10.    demande aux États membres qui ne l'ont pas encore fait de ratifier la convention de l'Unesco de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels et la convention d'Unidroit de 1995;

11.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à la directrice générale de l'Unesco, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres, de Syrie et d'Iraq.