Proposition de résolution - B8-0061/2016Proposition de résolution
B8-0061/2016

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le soutien au processus de paix en Colombie

14.1.2016 - (2015/3033(RSP))

déposée à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement

Ramón Jáuregui Atondo, José Blanco López, Nicola Danti, Monika Flašíková Beňová, Karoline Graswander-Hainz, Enrique Guerrero Salom, Richard Howitt, Jude Kirton-Darling, Javi López, Marlene Mizzi, Inmaculada Rodríguez-Piñero Fernández, Elena Valenciano, Carlos Zorrinho au nom du groupe S&D

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-0041/2016

Procédure : 2015/3033(RSP)
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B8-0061/2016

Résolution du Parlement européen sur le soutien au processus de paix en Colombie

(2015/3033(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu ses nombreuses résolutions sur la situation des droits de l'homme en Colombie, et notamment celles du 18 avril 1996, du 12 juin 1997, des 12 mars et 14 mai 1998, du 11 mars 1999 et du 7 septembre 2000,

 

–  vu ses résolutions précédentes sur la situation en Colombie, et notamment celles des 14 mars et 24 octobre 1996, du 18 septembre 1997 et du 14 janvier 1999,

 

–  vu sa résolution du 1er février 2001 sur le plan Colombie et le soutien au processus de paix en Colombie ainsi que ses résolutions du 4 octobre 2001 et du 14 mars 2002 sur la Colombie,

 

–  vu les liens particuliers qui unissent l'Union européenne à la Colombie, et notamment l'accord commercial multipartite entre la Colombie et le Pérou, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, de l'autre, signé à Bruxelles le 26 juillet 2012,

 

–  vu le communiqué commun n° 60 sur l'accord de création d'une juridiction spéciale pour la paix, signé à La Havane le 23 septembre 2015,

 

–  vu le projet commun d'accord sur les victimes du conflit conclu à La Havane le 15 décembre 2015,

 

–  vu le paragraphe 44 du message de la délégation du Parlement européen à l'Assemblée parlementaire euro-latino-américaine (EuroLat) à l'occasion du deuxième sommet CELAC-UE à Bruxelles sur la fin du conflit intérieur entre le gouvernement colombien et les FARC,

 

–  vu la déclaration de Bruxelles, adoptée le 11 juin 2015 à l'issue du deuxième sommet UE-CELAC,

 

–  vu la déclaration de Federica Mogherini, haute représentante de l'Union européenne, du 24 septembre 2015, sur l'accord concernant la justice transitionnelle en Colombie, ainsi que sa déclaration du 1er octobre 2015, qui nomme Eamon Gilmore envoyé spécial de l'Union européenne pour le processus de paix en Colombie,

 

–  vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,

 

A.  considérant que, depuis 2013, il existe entre l'Union européenne et la Colombie un cadre de coopération économique et commerciale étroite créé par l'accord commercial entre la Colombie et le Pérou, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, de l'autre, dont l'objectif ultime est non seulement de renforcer les relations économiques entre les parties, mais aussi de constituer des alliances qui vont au-delà des simples échanges commerciaux afin de consolider la paix, la démocratie et le bien-être en faveur de leurs citoyens;

 

B.  considérant que cet accord prévoit notamment la suppression de l'obligation de visa pour les ressortissants colombiens se rendant dans l'Union européenne, convenue lors du deuxième sommet UE-CELAC de juin 2015;

 

C.  considérant que ces relations étroites portent notamment sur une coopération internationale en faveur de grandes causes communes telles que la lutte pour la paix et contre le terrorisme et qu'il y a lieu de souligner que, depuis la signature de l'accord-cadre UE-Colombie de 2014 pour la participation aux opérations de gestion de crises menées par l'Union européenne, des forces militaires colombiennes participent avec des forces européennes à des opérations de paix internationales dans le cadre des principes des Nations unies;

 

D.  considérant que la table de négociations entre le gouvernement colombien et les FARC instaurée à La Havane (Cuba) le 26 août 2012 après la signature de l'accord général pour l'arrêt du conflit et la construction d'une paix stable et durable a concrétisé le souhait du peuple colombien de vivre en paix en reconnaissant notamment que l'instauration de la paix est l'affaire de la population dans son ensemble, que l'État a le devoir d'encourager les droits de l'homme sur la totalité de son territoire et que le développement économique et social équitable est le garant de la paix tout en étant une condition indispensable à la croissance inclusive et durable du pays;

 

E.  considérant qu'au fil des diverses phases de négociations à La Havane, les négociateurs ont conclu des accords portant sur la nouvelle campagne colombienne et la réforme rurale intégrale, sur la participation politique et l'ouverture démocratique pour bâtir la paix ainsi que sur la solution au problème des drogues illicites;

 

F.  considérant que, le 23 septembre 2015, le gouvernement colombien et les FARC ont annoncé la conclusion d'un accord de création d'une juridiction spéciale pour la paix qui satisfait les droits des victimes et contribue à instaurer une paix stable et durable, ce pour quoi les parties ont convenu de la mise en place d'un système intégral de vérité, de justice, de réparation et de non-répétition comprenant la création d'une commission pour l'établissement de la vérité, la coexistence et la non-répétition ainsi que des accords sur le dédommagement des victimes;

 

G.  considérant qu'en concluant cet accord sur la justice dite transitionnelle, les négociateurs ont fait un pas définitif vers la paix, qui semble également irréversible du fait que les deux parties se sont donné six mois au maximum pour instaurer la paix et se sont fixé comme limite la date du 23 mars 2016;

 

H.  considérant que, le 15 décembre 2015, le gouvernement colombien et les FARC ont annoncé la conclusion d'un accord sur les victimes du conflit, intitulé "système intégral de vérité, de justice, de réparation et de non-répétition", qui comprend la juridiction spéciale pour la paix et l'engagement sur les droits de l'homme; que cet accord crée la commission pour l'établissement de la vérité, la coexistence et la non-répétition ainsi que l'unité spéciale pour la recherche des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit;

 

I.  considérant que cet accord constitue une avancée fondamentale dans l'instauration d'une paix stable et durable, qu'il reconnaît toutes les victimes du conflit en tant que victimes, mais aussi et avant tout en tant que citoyens dotés de droits, et notamment du droit à participer à l'établissement de la vérité et à obtenir réparation pour les dommages subis en raison du conflit;

 

J.  considérant que la création d'une juridiction spéciale pour la paix répond au besoin d'instaurer un système de justice particulier qui respecte le droit international, qui sanctionne les responsables de crimes de sang et qui indemnise les victimes tout en facilitant le dépôt des armes;

 

K.  considérant que le gouvernement colombien, son assemblée législative et le peuple colombien sont souverains pour fixer les paramètres de cette juridiction spéciale pour la paix et que cette juridiction comportera des chambres et un tribunal pour la paix, dont la fonction première sera de mettre un terme à l'impunité, de parvenir à la vérité ainsi que de juger et de sanctionner les auteurs des crimes commis pendant le conflit, notamment les crimes les plus graves et les plus représentatifs, afin qu'ils ne se reproduisent plus et que les victimes obtiennent réparation;

 

L.  considérant que cette juridiction spéciale:

 

  -  reconnaît la nécessité de condamner les auteurs des crimes commis pendant le conflit même s'ils ont reconnu leur responsabilité;

 

  -  envisage un régime de réclusion différencié selon que l'auteur de graves crimes ait reconnu sa responsabilité plus ou moins tardivement ou qu'il ne l'ait pas reconnue, les peines allant, en cas de condamnation, de 5 à 8 ans dans le premier cas et jusqu'à 20 ans dans le second cas, les lieux et conditions d'exécution des peines privatives de liberté variant également en fonction de la reconnaissance de la responsabilité;

 

  -  prévoit qu'à la fin des hostilités, l'État colombien accorde l'amnistie la plus large possible pour les délits politiques et les délits connexes, conformément au droit international humanitaire, sans que les auteurs de crimes contre l'humanité, de génocide, de graves crimes de guerre ou d'autres crimes graves tels que la prise d'otages, l'application de la torture, le déplacement forcé, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires ou les violences sexuelles puissent bénéficier de cette amnistie;

 

M.  considérant que l'instauration d'une paix stable et durable en Colombie, grâce à la fin d'un conflit intérieur vieux de plus de 50 ans qui a fait des millions de victimes, est une priorité pour la Colombie, mais aussi pour l'Union européenne et pour la communauté internationale, comme en témoignent les nombreuses déclarations de soutien au processus de paix émanant de divers pays et organismes régionaux et internationaux, dont l'Union européenne;

 

1.  accueille avec grande satisfaction l'accord de création d'une juridiction spéciale pour la paix, qui constitue une solution satisfaisante pour le point le plus essentiel et le plus problématique des négociations, et salue la décision commune de se donner un délai de six mois pour la signature d'un accord de paix définitif avant le 23 mars 2016;

 

2.  accueille également avec satisfaction l'accord conclu le 15 décembre 2015 sur le point 5, portant sur les victimes, de l'agenda de l'accord général entre le gouvernement colombien et les forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui comprend la création de la commission pour l'établissement de la vérité, la coexistence et la non-répétition, de l'unité spéciale pour la recherche des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit, de la juridiction spéciale pour la paix et des mesures spécifiques de réparation;

 

3.  reconnaît qu'il s'agit d'un accord unique dans l'histoire des négociations et des conflits armés dans la mesure où il place les victimes au centre de l'accord et où il a pour priorités la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition; reconnaît par conséquent qu'il s'agit d'un accord juste qui ne fait aucune place à l'impunité;

 

4.  estime que la signature du récent accord sur les victimes ainsi que la réaffirmation des autres accords conclus précédemment sur la réforme rurale intégrale, sur la participation politique et l'ouverture démocratique pour bâtir la paix ainsi que sur la solution au problème des drogues illicites constituent des avancées décisives dans la conclusion d'un accord de paix définitif bénéficiant du soutien de la société colombienne et permettant d'instaurer une paix stable et durable qui mettra fin à plus d'un demi-siècle de conflit armé intérieur et qui tiendra notamment compte du droit des victimes du conflit à une réparation complète, véritable et juste des dommages physiques, moraux et matériels subis;

 

5.  appelle à l'élargissement du processus en cours à l'ELN ou, le cas échéant, au lancement de négociations parallèles susceptibles de se dérouler dans des conditions et des délais semblables;

 

6.  souhaite que les négociations aboutissent au plus vite et, en tout état de cause, dans le délai de six mois fixé le 23 septembre 2015 à La Havane, de sorte que le 23 mars 2016 marque la fin définitive du conflit et constitue un événement sans précédent dans l'histoire moderne de la Colombie;

 

7.  salue l'effort politique gigantesque, le réalisme et la persévérance dont ont fait preuve le gouvernement colombien et les FARC pour rapprocher leurs points de vue antagonistes et parvenir progressivement à un compromis ayant permis de faire avancer les négociations vers la paix stable et durable à laquelle aspirent vivement tous les Colombiens tout en garantissant l'absence de reprise du conflit;

 

8.  réaffirme que la violence n'est pas une méthode légitime de lutte politique et demande à ceux qui partageaient ce point de vue d'embrasser la démocratie avec toutes ses implications et toutes ses exigences, dont la première est l'abandon définitif et irrévocable des armes, ainsi que d'en défendre les idées et les aspirations par l'intermédiaire des règles démocratiques et de l'état de droit; appelle, dans ce cadre, à respecter le droit de l'opposition à mener ses activités politiques sans faire l'objet des persécutions systématiques qu'elle a subies au cours de l'histoire;

 

9.  reconnaît également le rôle important joué à ce jour par Cuba et par la Norvège, pays garants du processus de paix, ainsi que par le Chili et le Venezuela, pays accompagnant le processus, et remercie tout particulièrement le Pape François pour son autorité morale et pour ses efforts en faveur de l'instauration de la paix tant souhaitée en Colombie;

 

10.  accueille avec satisfaction la décision de Federica Mogherini, haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission, du 1er octobre 2015, de nommer Eamon Gilmore, ancien vice-premier ministre et ancien ministre des affaires étrangères et du commerce de la République d'Irlande, comme envoyé spécial de l'Union européenne pour le processus de paix en Colombie; s'engage à tout mettre en œuvre pour doter au plus vite le nouvel envoyé spécial des moyens budgétaires nécessaires pour mener à bien sa mission importante et demande que l'envoyé spécial rencontre les deux parties;

 

11.  affirme une nouvelle fois sa volonté d'apporter toute l'aide possible pour soutenir l'application de l'accord de paix définitif et, pour ce faire, invite une fois de plus les États membres de l'Union européenne à créer un fonds fiduciaire destiné à accompagner la phase post-conflit; estime que ce fonds doit être administré en accord avec les deux parties et que les communautés ainsi que les organisations de la société civile doivent y avoir un accès direct;

 

12.  salue la décision d'accorder une large amnistie pour les délits politiques et les délits connexes liés au conflit ou de gracier leurs auteurs et invite le gouvernement colombien à adopter une loi ordinaire définissant précisément la portée des délits politiques et apportant des précisions sur d'autres délits de droit commun tels que le trafic de drogue et ses liens éventuels avec les crimes politiques; prend acte du fait que, conformément à la législation colombienne actuelle, sont considérés comme des crimes politiques les crimes qui portent atteinte au régime constitutionnel, et notamment la rébellion, la sédition et l'émeute;

 

13.  note avec satisfaction qu'en excluant de toute possibilité d'amnistie ou de grâce les crimes contre l'humanité, le génocide et les graves crimes de guerre, l'accord de paix se conforme au droit pénal et humanitaire international ainsi qu'aux instruments internationaux et aux normes internationales applicables dans le domaine des droits de l'homme;

 

14.  souligne la nécessité de mettre en place des mécanismes effectifs permettant d'évaluer les rapports entre les crimes liés au trafic de drogue et le conflit armé et d'éviter ainsi que la juridiction spéciale ne soit amenée à juger des délits de droit commun perpétrés en dehors du contexte du conflit armé;

 

15.  juge indispensable que les peines infligées aux auteurs des crimes contribuent à l'objectif d'indemnisation des victimes et de réconciliation politique et se dit dès lors favorable à ce que les auteurs de délits moins graves qui ont admis leur responsabilité puissent purger leur peine hors de prison afin qu'ils puissent contribuer à l'indemnisation des victimes et retisser des liens avec la société;

 

16.  accueille avec satisfaction l'accord conclu par les parties en vue de créer, après la signature de l'accord de paix définitif, une commission pour l'établissement de la vérité, la coexistence et la non-répétition, mécanisme indépendant, impartial et non juridictionnel destiné à établir conjointement la véritable chronologie des événements dans la mesure où ce n'est qu'en disposant d'une description honnête de ce qui s'est passé et en exigeant des auteurs des crimes qu'ils répondent de leurs actes qu'il sera possible de bâtir un avenir fondé sur la réconciliation et de satisfaire les droits de toutes les victimes;

 

17.  fait part de son soutien absolu aux pourparlers en cours en vue de parvenir à un accord de cessez-le-feu définitif et à la fin complète des hostilités avant le 23 mars 2016; demande, à cet effet, à toutes les forces politiques colombiennes de s'efforcer de dégager un consensus autour de cet accord afin qu'il bénéficie, au besoin, du plus large soutien possible de la population et qu'il marque ainsi le premier pas et le plus important vers la réconciliation sociale, de toute évidence indispensable pour surmonter tant d'années de violence et le très grand nombre de victimes qu'elle a provoqué;

 

18.  exige une fois de plus que le système politique colombien et ses institutions garantissent le respect intégral et permanent des droits de l'homme sur tout le territoire du pays; estime que la sous-culture de la violence doit être totalement éradiquée d'un pays où cinquante années de conflit ont parfois suscité, de la part de certaines institutions de l'État, des réponses extralégales ainsi que des habitudes et des comportements qui ne sont pas conformes à l'état de droit et au respect des droits de l'homme qu'on peut en attendre; exige, à cet effet, que les défenseurs des droits de l'homme soient protégés en Colombie et appelle ces organisations civiles à collaborer du mieux qu'elles le peuvent et le plus loyalement possible au rétablissement de la coexistence au sein d'une société réconciliée en Colombie;

 

19.  salue l'annonce récente, par les forces armées colombiennes, de la révision de la doctrine militaire colombienne afin de l'adapter et de préparer les forces armées à mieux répondre et de manière effective aux nouveaux défis de la phase post-conflit tout en se portant garantes des accords de paix; estime également que l'annonce récente, par les FARC, de l'arrêt de leur formation militaire afin de se consacrer à la formation politique et culturelle dans le cadre du processus visant à mettre fin au conflit armé constitue une nouvelle avancée tout aussi prometteuse dans la bonne direction;

 

20.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la présidence tournante de l'Union européenne, à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à l'Assemblée parlementaire euro-latino-américaine ainsi qu'au gouvernement et au Congrès de la République de Colombie.