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Procédure : 2017/2682(RSP)
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RC-B8-0369/2017

Débats :

PV 18/05/2017 - 9.2
CRE 18/05/2017 - 9.2

Votes :

PV 18/05/2017 - 11.2
CRE 18/05/2017 - 11.2

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P8_TA(2017)0219

Textes adoptés
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Jeudi 18 mai 2017 - Strasbourg
Éthiopie, en particulier le cas de Merera Gudina
P8_TA(2017)0219RC-B8-0369/2017

Résolution du Parlement européen du 18 mai 2017 sur l’Éthiopie, et en particulier sur le cas de Merera Gudina (2017/2682(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu ses résolutions antérieures sur la situation en Éthiopie,

–  vu le dernier examen périodique universel sur l’Éthiopie (2015) du Conseil des droits de l’homme des Nations unies,

–  vu le communiqué de presse du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) faisant suite à la visite rendue par Federica Mogherini, vice-présidente de la Commission européenne/Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR) au premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, à Addis Abeba, le 17 mars 2017,

–  vu la Constitution de la République démocratique fédérale d’Éthiopie adoptée le 8 décembre 1994, et notamment les dispositions du chapitre III sur les libertés et droits fondamentaux, et sur les droits de l’homme et les droits démocratiques,

–  vu le rapport verbal du 18 avril 2017 présenté au Parlement éthiopien par la Commission éthiopienne des droits de l’homme,

–  vu la déclaration du 10 avril 2017 de Stavros Lambrinidis, représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, sur la visite qu’il a effectuée en Éthiopie en vue de lancer l’engagement stratégique sur les droits de l’homme et la bonne gouvernance,

–  vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Éthiopie en 1993,

–  vu la déclaration universelle des droits de l’homme,

–  vu la déclaration du SEAE du 23 décembre 2015 sur les récents affrontements en Éthiopie,

–  vu la déclaration du 10 octobre 2016 du porte-parole de la VP/HR sur la déclaration de l’état d’urgence en Éthiopie,

–  vu le programme commun UE-Éthiopie pour les migrations et la mobilité, adopté le 11 novembre 2015,

–  vu la déclaration du 18 décembre 2015 du département d’État américain sur les affrontements à Oromia, en Éthiopie,

–  vu l’engagement stratégique entre l’Union européenne et l’Éthiopie,

–  vu la charte africaine des droits de l’homme et des peuples,

–  vu l’accord de Cotonou,

–  vu la visite en Éthiopie du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, qui s’est conclue le 4 mai 2017,

–  vu l’article 135, paragraphe 5, et l’article 123, paragraphe 4, de son règlement,

A.  considérant que l’Éthiopie joue un rôle clé dans la région et qu’elle bénéficie de l’aide des donateurs occidentaux et de la plupart de ses voisins de la région, notamment du fait qu’elle héberge le siège de l’Union africaine (UA), qu’elle contribue aux forces de maintien de la paix des Nations unies, qu’elle a engagé des coopérations avec les pays occidentaux dans le domaine de l’aide et de la sécurité et qu’elle contribue aux efforts internationaux visant à rétablir la stabilité en Somalie et à lutter contre les groupes terroristes dans la région; que l’Éthiopie est également très engagée dans les relations entre le Soudan et le Soudan du Sud et a organisé des négociations de paix sous l’égide de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD);

B.  considérant que l’Éthiopie, forte de 100 millions d’habitants, est l’une des économies d’Afrique affichant la plus forte croissance, avec un taux moyen s’établissant à 10 % sur les dix dernières années, qu’elle attire d’importants investissements étrangers, notamment dans l’agriculture, la construction et l’industrie manufacturière, les grands projets de développement tels que la construction de barrages hydroélectriques et d’installations hydrauliques, et le fermage généralisé des terres, souvent à des sociétés étrangères; que le pays demeure toutefois l’un des plus pauvres avec un PIB de 632 dollars par habitant; que l’indice de développement humain 2014 le classe 173e sur 187 pays;

C.  considérant que la crise humanitaire, dont l’épidémie de choléra et l’état de pénurie alimentaire, qui sévit actuellement dans la Corne de l’Afrique et touche la région de l’Ogaden et d’autres régions d’Éthiopie, a déjà causé la mort de nombreuses personnes et en menace des milliers d’autres, en particulier depuis le début du mois de mars 2017; que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a lancé un appel record de 96,4 millions de dollars pour venir en aide à 1,19 million de réfugiés et anciens réfugiés au Soudan, en Somalie, en Éthiopie et en République centrafricaine; qu’en janvier 2017, l’Éthiopie a déclaré une alerte à la sécheresse dans ses provinces orientales, que 5,6 millions de personnes ont besoin d’une aide d’urgence et que le pays réclame l’assistance de la communauté internationale; qu’en 2016, en raison de la sécheresse, la disette a touché dix millions de personnes et causé la mort de centaines de milliers de têtes de bétail;

D.  considérant que l’engagement stratégique entre l’Union européenne et l’Éthiopie a été adopté le 14 juin 2016; que cet accord consacre le rôle essentiel de l’Éthiopie en Afrique et dans la communauté internationale, sa croissance économique notable et ses avancées sur la voie des objectifs du Millénaire pour le développement; que l’Union européenne soutient le rôle constructif joué par l’Éthiopie en matière de paix et de sécurité dans la Corne de l’Afrique;

E.  considérant que l’Éthiopie est confrontée à un flux et un reflux permanent de migrants et qu’elle accueille environ 800 000 réfugiés, essentiellement issus du Soudan du Sud et de la Somalie, mais aussi de l’Érythrée; que, le 11 novembre 2015, l’Union européenne et l’Éthiopie ont signé le programme commun pour les migrations et la mobilité (PCMM) en vue de renforcer la coopération et le dialogue entre les deux parties sur les questions de migration;

F.  considérant que l’Éthiopie a signé l’accord de Cotonou, dont l’article 96 énonce que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales est un élément essentiel de la coopération ACP-UE,

G.  considérant que les autorités éthiopiennes ont à plusieurs reprises fait usage d’une force excessive contre des manifestants pacifiques et ont commis des violations des droits de l’homme à l’encontre de membres de la communauté Oromo et d’autres groupes ethniques, notamment des actes de persécution, des arrestations arbitraires et des assassinats, en raison de leur opposition supposée au gouvernement; que le gouvernement Éthiopien accuse régulièrement ses opposants d’être liés au terrorisme; que des journalistes, des blogueurs, des militants et des manifestants ont été poursuivis en vertu de la loi antiterroriste très répressive adoptée en 2009;

H.  considérant que la situation s’est détériorée à la mi-avril 2014, lorsque le gouvernement a annoncé la mise en œuvre du plan de développement régional intégré d’Addis Abeba, qui prévoit l’expansion d’installations dans des zones extérieures à la ville, lesquelles appartiennent à l’État régional d’Oromia, principale région jouxtant Addis-Abeba;

I.  considérant que, le 14 janvier 2016, le gouvernement a décidé d’annuler ce projet contesté d’aménagement urbain à grande échelle; que le développement urbain d’Addis-Abeba a déjà entraîné le déplacement de millions d’agriculteurs oromos et les a condamnés à la misère;

J.  considérant qu’en 2015 et 2016, la région d’Oromia a été marquée par des manifestations de grande ampleur visant à protester contre la prolongation des limites de la ville jusque sur les terres des agriculteurs oromos, où vivent plus de deux millions de personnes, les expropriations en découlant étant vécues comme une confiscation; que la Commission éthiopienne des droits de l’homme chargée d’enquêter sur les troubles a rapporté le 19 avril 2017 qu’entre les mois de juin et d’octobre 2016, 462 civils et 33 membres des forces de sécurité avaient perdu la vie et que 338 civils et 126 membres des forces de sécurité avaient été blessés;

K.  considérant que, le 9 octobre 2016, le premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, a déclaré l’état d’urgence, prévu par la Constitution éthiopienne; que l’état d’urgence autorise l’armée à assurer la sécurité nationale et fait peser de nouvelles restrictions sur la liberté d’expression et l’accès à l’information; que, le 15 mars 2017, le gouvernement a annoncé la levée de nombreuses restrictions découlant de l’état d’urgence, dont le couvre-feu et certaines restrictions imposées aux médias, et affirmé que les militaires ne pourraient plus procéder à des arrestations arbitraires ou effectuer des perquisitions sans mandat; que, le 29 mars 2017, le Parlement éthiopien est convenu à l’unanimité de proroger l’état d’urgence pour une durée de quatre mois;

L.  considérant que, le 30 novembre 2016, à Addis-Abeba, les forces de sécurité ont arrêté le professeur Merera Gudina, président du Congrès fédéraliste oromo, parti d’opposition, à la suite de la visite qu’il avait effectuée le 9 novembre 2016 au Parlement européen, et au cours de laquelle il avait participé à une table ronde avec d’autres dirigeants de l’opposition et prétendument violé la loi portant exécution de l’état d’urgence en «exerçant des pressions contre le gouvernement», en «représentant une menace pour la société de par son attitude violente» et en tentant de «perturber l’ordre constitutionnel»; que sa libération sous caution a été refusée et qu’il est toujours en détention en attente de son jugement; que, le 24 février 2017, M. Gudina et ses deux co-accusés, Berhanu Nega et Jawar Mohammed, ont été inculpés de quatre chefs d’accusation figurant dans le code pénal éthiopien;

M.  considérant que d’autres militants, journalistes et défenseurs des droits de l’homme, dont Getachew Shiferaw (rédacteur en chef de Negere Ethiopia), et Fikadu Mirkana (société de radio et télédiffusion oromo), Eskinder Nega (éminent journaliste), Bekele Gerba (défenseur de la paix oromo) et Andargachew Tsige (dirigeant d’un parti d’opposition) ont, eux aussi, été arrêtés ou sont détenus; considérant que le blogueur Yonathan Tesfaye a été condamné au titre de la législation anti-terroriste en raison de commentaires qu’il a fait sur Facebook et qu’il risque une peine de 10 à 20 années d’emprisonnement;

N.  considérant que le docteur Fikru Maru, cardiologue suédo-éthiopien a dirigé le premier hôpital de cardiologie d’Addis Abeba; qu’il est emprisonné en Éthiopie depuis 2013 sur des accusations extrêmement douteuses; qu’il a passé plusieurs années en prison sans procès; qu’il doit maintenant répondre du chef d’accusation supplémentaire de «terrorisme» alors que sa peine de prison touchait bientôt à sa fin;

O.  considérant que l’Éthiopie a récemment accueilli plusieurs personnalités chargées des droits de l’homme, dont le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et Stavros Lambrinidis, représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, afin de marquer le lancement du dialogue sectoriel en matière de droits de l’homme et de gouvernance dans le cadre de l’engagement stratégique entre l’Union européenne et l’Éthiopie; que peu de progrès ont été enregistrés concernant la situation des droits de l’homme en Éthiopie, eu égard notamment à l’incarcération de représentants politiques, à la loi antiterroriste et à la loi sur les organisations de la société civile qui continuent de s’appliquer, et à la prolongation de l’état d’urgence;

P.  considérant que, le 5 mai 2017, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a déclaré que la loi sur les sociétés et les associations caritatives et l’arsenal législatif éthiopien sur la lutte anti-terroriste et les médias ne semblaient pas être conformes aux normes juridiques internationales et devraient être modifiés;

1.  demande au gouvernement éthiopien de libérer immédiatement sous caution Merera Gudina, Fikru Maru ainsi que tous les autres prisonniers politiques et d’abandonner toutes les charges retenues contre eux et de classer les procédures à l’encontre de Berhanu Nega et Jawar Mohammed qui ont été inculpés par défaut et sont actuellement en exil; insiste sur le fait qu’un quelconque dialogue avec l’opposition ne peut être considéré comme crédible que sous réserve que les responsables de l’opposition tels que Merera Gudina soient libérés; invite la Haute Représentante de l’Union à mobiliser les États membres de l’Union afin de donner suite de toute urgence à l’ouverture, sous l’égide des Nations unies, d’une enquête internationale crédible, transparente et indépendante sur les assassinats de manifestants et à faire pression sur le gouvernement éthiopien pour qu’il l’autorise;

2.  invite instamment le gouvernement éthiopien à poursuivre la levée des restrictions et à mettre fin à l’état d’urgence qui est un obstacle à la liberté d’expression et limite gravement les points de vue légitimes et différents sur la société éthiopienne, car cela est indispensable pour faire face à la crise en Éthiopie; souligne que l’absence de dialogue menace la stabilité de l’Éthiopie;

3.  demande aux autorités éthiopiennes de ne plus recourir à la loi 652/2009 contre le terrorisme pour empêcher ou réprimer les protestations pacifiques légitimes; demande également au gouvernement éthiopien de réviser sa loi contre le terrorisme;

4.  considère que la participation démocratique en Éthiopie devrait être d’une plus grande diversité ethnique et que les perspectives économiques, sociales et culturelles offertes aux différents groupes ethniques et religieux devraient être plus équitables;

5.  invite instamment le gouvernement éthiopien à respecter pleinement la liberté d’expression, d’association et de la presse tel qu’il est prévu par la Constitution éthiopienne, et de libérer les les journalistes et les blogueurs injustement détenus; est totalement convaincu que les protestations publiques font partie du processus démocratique et qu’y répondre par un emploi excessif de la force est à éviter en toutes circonstances; invite instamment le gouvernement à mettre dûment en œuvre les recommandations formulées par la Commission éthiopienne des droits de l’homme concernant les récentes manifestations violentes, notamment pour traduire en justice les membres des forces de sécurité responsables des violences, prévenir les attaques ciblées contre certaines nationalités et défendre le droit des citoyens à la justice;

6.  rappelle au gouvernement éthiopien qu’en vertu de la charte africaine et des instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme, en particulier l’accord de Cotonou et ses articles 8 et 96, il est tenu de garantir les droits fondamentaux, notamment l’accès à la justice et le droit à un procès équitable;

7.  invite le gouvernement éthiopien à laisser les organisations de défense des droits de l’homme et les ONG accéder sans restrictions à toutes les régions du pays, en particulier celles touchées par les conflits et les protestations;

8.  exprime son inquiétude vis-à-vis d’une législation qui limite considérablement les libertés d’expression, de la presse, d’information, d’association et de réunion pacifique, et de suivi du respect des droits de l’homme;

9.  rappelle que l’Éthiopie est un important pays de destination, de transit et d’origine pour les migrants, et que c’est lui qui accueille le plus grand nombre de réfugiés en Afrique; prend acte de l’adoption par l’Union et l’Éthiopie d’un programme commun pour les migrations qui englobe la question des réfugiés, du contrôle des frontières et de la lutte contre la traite des êtres humains; demande également à la Commission de surveiller étroitement l’ensemble des projets qui viennent d’être lancés au titre du Fonds d’affectation spéciale de l’Union pour l’Afrique; rappelle que l’Éthiopie se place au deuxième rang des pays les plus peuplé d’Afrique et que s’il est l’un de ceux qui affichent la croissance la plus forte, il reste encore l’un des plus pauvres; rappelle qu’avec ses 5 328 km de frontières, l’Éthiopie doit faire face à la vulnérabilité de ses voisins et à des flux permanents de migrants, et qu’elle accueille environ 800 000 réfugiés;

10.  prend note du rôle régional majeur de l’Éthiopie, dans des domaines tels que la stabilisation politique de la Somalie, la lutte contre le terrorisme, et le processus de paix entre le Soudan et le Soudan du Sud et au sein du Soudan du Sud lui-même; estime qu’il est essentiel pour l’Union européenne d’entretenir le dialogue politique avec ce pays clé;

11.  exprime sa vive inquiétude face à la sécheresse qui sévit actuellement en Éthiopie et entraîne la dégradation de la situation humanitaire dans le pays; se félicite des 165 millions d’euros supplémentaires accordés à la région au titre de l’aide internationale pour lutter contre la crise au Soudan du Sud et dans les pays voisins, et contrer les effets de la sécheresse en Éthiopie, en Somalie et au Kenya;

12.  salue les progrès réalisés par l’Éthiopie en ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie d’une population en croissance rapide qui comprend notamment des réfugiés ayant fui les conflits dans les pays voisins, et lui exprime sa gratitude pour son rôle moteur dans la région et au sein de l’Union africaine;

13.  estime que la future coopération de l’Union avec l’Éthiopie doit être subordonnée à la réalisation de progrès substantiels concernant les indicateurs relatifs aux droits de l’homme;

14.  appelle les autorités éthiopiennes à prévenir toute discrimination ethnique et à adopter les mesures nécessaires à l’instauration d’un dialogue pacifique et constructif entre les différentes communautés;

15.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au Service européen pour l’action extérieure, à la vice-présidente de la Commission/Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu’aux coprésidents de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, à la Commission de l’Union africaine, au parlement panafricain, et au gouvernement éthiopien.

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