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Procédure : 2018/2560(RSP)
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RC-B8-0096/2018

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PV 08/02/2018 - 8.1
CRE 08/02/2018 - 8.1

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PV 08/02/2018 - 12.1

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P8_TA(2018)0034

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Jeudi 8 février 2018 - Strasbourg
Russie, le cas d’Oyoub Titiev et le centre des droits de l’homme «Memorial»
P8_TA(2018)0034RC-B8-0096/2018

Résolution du Parlement européen du 8 février 2018 sur la Russie, le cas d’Oyoub Titiev et le centre des droits de l’homme «Memorial» (2018/2560(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu ses résolutions antérieures sur la Russie, notamment ses résolutions du 13 juin 2013 sur l’état de droit en Russie(1), du 13 mars 2014 sur la Russie: condamnation de manifestants impliqués dans les événements de la place Bolotnaïa(2), et du 23 octobre 2014 sur la dissolution de l’ONG Memorial (prix Sakharov 2009) en Russie(3), du 12 mars 2015 sur l’assassinat de Boris Nemtsov, figure de l’opposition russe, et l’état de la démocratie en Russie(4), du 24 novembre 2016 sur le cas de Ildar Dadin, prisonnier d’opinion en Russie(5), et du 6 avril 2017 sur la Russie, l’arrestation d’Alexeï Navalny et d’autres manifestants(6),

–  vu la déclaration du 12 janvier 2018 des présidents de la commission des affaires étrangères et de la sous-commission «Droits de l’homme» du Parlement, par laquelle ils demandent la libération immédiate du défenseur des droits de l’homme Oyoub Titiev,

–  vu l’article 5 de la déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui disposent tous deux que nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et auxquels la Fédération de Russie est partie,

–  vu la déclaration de l’Union européenne du 19 janvier 2018 sur les violations des droits de l’homme concernant le centre des droits de l’homme «Memorial» en Russie et la déclaration de la porte-parole du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 11 janvier 2018 au sujet de la détention du directeur de l’antenne en République tchétchène de l’organisation de défense des droits de l’homme «Memorial», Oyoub Titiev,

–  vu la visite effectuée par le comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe en République tchétchène de la Fédération de Russie, en novembre-décembre 2017,

–  vu la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

–  vu la déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998,

–  vu l’accord de partenariat et de coopération en vigueur établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, et les négociations suspendues sur un nouvel accord UE-Russie,

–  vu le septième rapport périodique de la Fédération de Russie examiné par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, à ses 3136e et 3137e séances, tenues les 16 et 17 mars 2015,

–  vu les lignes directrices du Conseil européen du 24 juin 2013 visant à promouvoir et à garantir le respect de tous les droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI),

–  vu l’article 135, paragraphe 5, et l’article 123, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A.  considérant que la Fédération de Russie, en tant que membre à part entière du Conseil de l’Europe et signataire de la déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, s’est engagée à respecter les principes de la démocratie, de l’état de droit ainsi que les libertés fondamentales et les droits de l’homme; que la Russie a l’obligation et les moyens d’enquêter sur les crimes commis par les autorités tchétchènes; que la Fédération de Russie a ratifié 11 des 18 traités internationaux relatifs aux droits de l’homme;

B.  considérant qu’Oyoub Titiev, directeur de l’antenne en Tchétchénie de l’organisation de défense des droits de l’homme lauréate du prix Sakharov 2009, le centre des droits de l’homme «Memorial» (communément appelé «Memorial»), a été arrêté le 9 janvier 2018 par la police tchétchène et accusé de détention de stupéfiants; que M. Titiev a rejeté ces accusations, fabriquées de toutes pièces selon les organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres défenseurs des droits de l’homme qui les contestent également;

C.  considérant que, le 25 janvier 2018, la Cour suprême de la République tchétchène a confirmé la décision du tribunal de première instance de Shalinsky de placer Oyoub Titiev en détention provisoire pendant deux mois;

D.  considérant que le code pénal de la Fédération de Russie a été modifié et qu’un nouvel article 212.1 a été introduit, en vertu duquel une personne peut être inculpée en cas de violation de la loi sur les réunions publiques, en dépit de la restriction de la liberté d’expression et de réunion apportée par cette modification;

E.  considérant que les autorités russes ont tendance à mépriser le droit à se rassembler librement et ont arrêté plus de 1 000 citoyens ayant manifesté dans la seule ville de Moscou, et de nombreuses autres personnes dans plusieurs autres villes de la Fédération de Russie après les manifestations pacifiques organisées le 26 mars 2017;

F.  considérant l’augmentation significative du nombre de prisonniers politiques dans le pays ces dernières années, ce nombre s’élevant à 102 personnes en 2016, selon le centre des droits de l’homme «Memorial»;

G.  considérant que la loi sur les ONG de 2012 a fortement restreint la capacité des ONG à travailler de manière indépendante et efficace; qu’en application de cette loi, le ministère de la justice russe a qualifié Memorial d’«agent de l’étranger»;

H.  considérant que Iouri Dmitriev, historien de Memorial, faisait partie de l’équipe qui a découvert à Sandarmokh une fosse commune contenant les restes de plus de 9 000 personnes, dont de nombreux membres de l’intelligentsia soviétique; que, ces dernières années, Memorial est devenu la dernière organisation de défense des droits de l’homme indépendante à poursuivre ses activités en République de Tchétchénie; qu’il est très probable que les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme en République tchétchène, y compris les accusations en matière pénale montées de toutes pièces contre Oyoub Titiev et les incendies volontaires dans les républiques voisines, aient été orchestrés contre Memorial en représailles de ses travaux dénonçant les violations des droits de l’homme en Tchétchénie et visant à obtenir justice;

I.  considérant qu’il a décerné le prix Sakharov 2009 pour la liberté de l’esprit à l’organisation de défense des droits de l’homme Memorial;

J.  considérant que, dans l’indice de démocratie 2017 établi par The Economist, la Russie arrive 135e sur 167 pays, ce qui constitue un recul considérable par rapport à 2006, année où la Russie occupait la 102e place;

K.  considérant les vives inquiétudes que suscitent les violations des droits humains des personnes LGBTI en Tchétchénie; que la Fédération de Russie est signataire de plusieurs traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ainsi que, en tant que membre du Conseil de l’Europe, de la convention européenne des droits de l’homme, et qu’elle a donc l’obligation d’assurer la sécurité de toutes les personnes pouvant être menacées; que l’Union européenne a maintes fois proposé à la Russie une aide et une expertise supplémentaires pour l’aider à moderniser et à respecter son ordre constitutionnel et juridique, conformément aux normes du Conseil de l’Europe; que la Russie a l’obligation et les moyens d’enquêter sur les crimes commis par les autorités tchétchènes; que l’homosexualité a été dépénalisée en 1993 dans la Fédération de Russie;

1.  demande la libération immédiate du directeur du centre des droits de l’homme «Memorial» en République tchétchène, Oyoub Titiev, qui a été arrêté le 9 janvier 2018 puis officiellement inculpé et placé en détention provisoire pour de fausses accusations d’acquisition et de détention illicites de stupéfiants; prie instamment les autorités russes de garantir pleinement le respect des droits humains de M. Titiev et de ses droits reconnus par la loi, notamment l’accès à un avocat et à des soins médicaux, le respect de l’intégrité physique et de la dignité, et la protection contre le harcèlement judiciaire, la criminalisation des actions et les arrestations arbitraires;

2.  déplore la déclaration par laquelle les autorités tchétchènes mettent en cause le travail des défenseurs des droits de l’homme et des organisations de défense de ces droits; constate avec inquiétude que cette arrestation survient peu de temps après des propos publics de Magomed Daudov, président du Parlement tchétchène, qui semble tolérer la violence à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme;

3.  estime que l’arrestation de M. Titiev s’inscrit dans un contexte préoccupant où les journalistes indépendants et les défenseurs des droits de l’homme qui travaillent en Tchétchénie sont la cible d’une série d’arrestations, d’attaques, d’intimidations et d’actes visant à les discréditer; rappelle, parmi les autres affaires qui se rapportent à cette tendance inquiétante, l’arrestation du président de l’Assemblée des peuples du Caucase, Ruslan Kutaev, et celle du journaliste Zhalaudi Geriev, tous deux condamnés pour des motifs douteux liés aux stupéfiants, respectivement en 2014 et en 2016;

4.  fait part de sa profonde préoccupation quant au fait qu’aucun suspect n’ait été traduit en justice pour le meurtre de la prédécesseure d’Oyoub Titiev au sein de Memorial et militante des droits de l’homme, Natalia Estemirova, qui avait été enlevée devant chez elle à Grozny en juillet 2009 puis retrouvée tuée par balle quelques heures plus tard près du village de Gazi-Yurt, dans la république voisine d’Ingouchie; presse les autorités russes d’enquêter de manière rigoureuse sur ce crime; rappelle, à cet égard, qu’un autre avocat et militant des droits de l’homme, Stanislas Markelov, connu pour ses travaux sur les violations commises en Tchétchénie, a été lui aussi tué par balle en 2009, dans le centre de Moscou;

5.  exhorte les autorités russes à mettre immédiatement fin à la série inquiétante d’arrestations, d’attaques, d’intimidations et d’actes visant à jeter le discrédit qui visent les journalistes indépendants et les défenseurs des droits de l’homme travaillant dans cette région de la Fédération de Russie, dont le droit à la liberté d’expression est ainsi bafoué; condamne les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme menées par les autorités tchétchènes et prie instamment Moscou d’y mettre un terme ainsi que de développer un climat permettant aux organisations et aux défenseurs des droits de l’homme de travailler dans des conditions normales en Tchétchénie et dans d’autres régions de la Fédération de Russie;

6.  fait part de sa vive préoccupation face à la dégradation de la situation pour les voix critiques de la société civile en Russie, notamment en raison des répercussions pour les organisations actives dans le domaine des droits de l’homme et des libertés démocratiques, et qui critiquent les politiques de l’État en la matière; souligne que Memorial, lauréat du prix Sakharov 2009, reste l’une des voix les plus dignes de foi sur la question des droits de l’homme en Russie aujourd’hui et est désormais la dernière organisation indépendante de défense des droits de l’homme à poursuivre ses activités en République de Tchétchénie; fait part de sa solidarité et de son soutien ferme au travail assidu accompli par Memorial;

7.  demande aux autorités russes de protéger tous les citoyens russes contre les exactions; demande également aux autorités russes de mettre immédiatement fin à la répression de la liberté d’expression en Tchétchénie, d’apporter de réelles garanties de sécurité aux victimes et aux témoins d’exactions, et de traduire les auteurs des exactions en justice; souligne que c’est à la Russie et à son gouvernement qu’incombe la responsabilité ultime d’enquêter sur ces actes, de traduire leurs auteurs en justice et de protéger tous les citoyens russes contre les exactions;

8.  souligne que d’autres événements témoignent de la persécution et du harcèlement subis par les organisations de défense des droits de l’homme dans la région du Caucase Nord, à savoir l’incendie volontaire, le 17 janvier 2018, des bureaux de Memorial dans la république voisine d’Ingouchie et l’attaque du 22 janvier 2018, au cours de laquelle des incendiaires inconnus ont mis feu à une voiture appartenant à l’antenne locale de Memorial au Daghestan; condamne ces attaques et exhorte les autorités russes à mener de véritables enquêtes sur ces actes et d’autres attaques contre les biens de Memorial, ainsi que sur les menaces visant son personnel, et à veiller à ce que les responsables répondent de leurs agissements;

9.  demande aux autorités russes de mener d’urgence des enquêtes immédiates, indépendantes, objectives et approfondies sur les faits déplorés en Tchétchénie; demande aux autorités tchétchènes, ainsi qu’à celles de la Fédération de Russie, de respecter leur législation nationale et leurs engagements internationaux, de faire respecter l’état de droit et les normes universelles des droits de l’homme, et de garantir la sécurité et les libertés démocratiques de toutes les personnes pouvant être menacées;

10.  prend acte de la demande présentée par Memorial pour que l’affaire Titiev fasse l’objet d’une enquête hors de Tchétchénie;

11.  condamne les attaques contre d’autres groupes de la société civile et ONG en Tchétchénie, notamment les attaques et la campagne de dénigrement visant le Groupe mobile conjoint de défenseurs des droits de l’homme en Tchétchénie, qui ont poussé ce dernier à quitter la Tchétchénie pour des raisons de sécurité en 2016;

12.  exprime sa profonde inquiétude face aux informations faisant état de tortures et de détentions arbitraires de personnes considérées comme LGBTI en République de Tchétchénie; invite les autorités à mettre fin à cette campagne de persécution et à autoriser les organisations internationales de défense des droits de l’homme à mener une enquête crédible sur ces crimes présumés; condamne également les meurtres de personnes assassinées par des membres de leur famille, dits «crimes d’honneur», et déplore que les autorités tchétchènes soutiennent et encouragent ces crimes;

13.  invite la Commission, le SEAE et les États membres à aider ceux qui ont fui la Tchétchénie et à révéler au grand jour cette campagne d’exactions; se félicite que plusieurs États membres aient accordé l’asile à ces victimes et invite l’ensemble des États membres à maintenir ou à accélérer les procédures de demande d’asile pour les victimes, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, conformément au droit européen et national;

14.  demande à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), ainsi qu’au SEAE, de veiller à ce que les cas de toutes les personnes poursuivies pour des raisons politiques soient abordés lors des consultations entre l’Union européenne et la Russie sur les droits de l’homme, une fois qu’elles auront repris, et qu’il soit officiellement demandé aux représentants russes de fournir une réponse pour chaque cas; prie également la VP/HR et le SEAE de lui rendre compte de leurs échanges avec les autorités russes;

15.  charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la commission/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ainsi qu’au président, au gouvernement et au parlement de la Fédération de Russie, et aux autorités tchétchènes.

(1) JO C 65 du 19.2.2016, p. 150.
(2) JO C 378 du 9.11.2017, p. 250.
(3) JO C 274 du 27.7.2016, p. 21.
(4) JO C 316 du 30.8.2016, p. 126.
(5) Textes adoptés de cette date, P8_TA(2016)0446.
(6) Textes adoptés de cette date, P8_TA(2017)0125.

Dernière mise à jour: 28 septembre 2018Avis juridique - Politique de confidentialité