Les régimes commerciaux applicables aux pays en développement

La politique de développement de l’Union s’attache à développer les échanges et se concentre sur les pays qui en ont le plus besoin. Le système de préférences généralisées (SPG) offre à certains produits originaires de pays en développement un accès préférentiel au marché de l’Union. Les accords de partenariat économique (APE) garantissent un traitement commercial préférentiel aux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), alors que le régime «Tout sauf les armes» s’applique aux pays les moins avancés (PMA). Ces régimes sont conformes aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Base juridique

La base juridique de la politique commerciale commune (PCC) est l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE). L’article 188, alinéa 2, du traité FUE, dispose que la procédure législative ordinaire, qui requiert l’approbation du Parlement, s’applique à la mise en œuvre de la PCC.

En application de l’article 218 du traité FUE, l’approbation du Parlement est requise pour la conclusion d’accords commerciaux internationaux tels que les APE.

Commerce et développement dans l’Union

La communication de 2012 de la Commission intitulée «Commerce, croissance et développement: ajuster la politique commerciale et d’investissement aux pays qui ont le plus besoin d’aide»[1] marque un changement conséquent de paradigme de la part de l’Union en matière de commerce et de développement. Cette communication continue certes de placer le commerce au cœur des stratégies de développement, mais souligne aussi la nécessité croissante de faire une distinction entre les différents pays en développement afin d’axer l’aide principalement sur ceux qui en ont le plus besoin. Elle vise à renforcer les synergies entre les politiques commerciales et de développement, conformément au principe de cohérence des politiques au service du développement et dans le respect de la communication de 2011 sur le programme pour le changement[2], et réaffirme l’importance du respect des valeurs fondamentales de l’Union telles que les Droits de l'homme.

Au niveau multilatéral, l’Union soutient le programme de Doha pour le développement, lancé par l’OMC en 2001. En octobre 2015, elle a ratifié l’accord sur la facilitation des échanges conclu lors de la neuvième conférence ministérielle de l’OMC à Bali, accord qui revêt une importance particulière pour les pays en développement sans littoral. Lors de la dixième conférence, à Nairobi, l’Union et d’autres membres de l’OMC se sont employés à développer d’autres thèmes touchant particulièrement les pays en développement. Cependant, ni les résultats de la onzième Conférence ministérielle de l’OMC à Buenos Aires en 2017, ni ceux de la douzième, organisée à Genève en 2022, n’ont permis de renforcer les dispositions relatives au traitement spécial et différencié en les rendant plus précises, efficaces et opérationnelles ou en rééquilibrant le régime réglementaire.

L’initiative Aide pour le commerce lancée lors de la conférence ministérielle de l’OMC de décembre 2005 complète le programme de Doha pour le développement et fournit une aide au renforcement des capacités commerciales afin d’instaurer la croissance et de lutter contre la pauvreté. En 2007, l’Union européenne a adopté une stratégie en faveur de l’aide pour le commerce, qui a par la suite été mise à jour et harmonisée avec le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, le consensus européen pour le développement et la stratégie globale de l’Union. En juillet 2017, la Commission a publié un rapport, suivi d’une nouvelle communication en novembre 2017. Le 11 décembre 2017, le Conseil a adopté des conclusions sur la communication, et le Parlement a organisé une audition en août 2017. Le rapport 2022 sur l’avancement de la mise en œuvre de la stratégie de l’UE en faveur de l’aide pour le commerce confirme que l’Union et ses États membres sont les premiers fournisseurs d’aide pour le commerce au monde, avec une contribution de 23 milliards d’euros en 2020, un chiffre en augmentation par rapport aux 17,9 milliards d’euros versés en 2019, en faveur d’environ 140 pays et territoires éligibles à l’aide publique au développement. En augmentation de 44 % par rapport aux chiffres de 2018, l’aide de l’Union pour le commerce représente aujourd’hui environ 38 % de ce type d’aide à l’échelle mondiale.

Système de préférences généralisées

L’objectif du système de préférences généralisées (SPG) est de réduire les droits de douane sur les produits issus des pays et territoires en développement pour leur faciliter l’accès au marché de l’Union. Initialement, l’Union accordait des préférences tarifaires unilatérales afin que ces pays puissent dégager des recettes d’exportation supplémentaires et les réinvestir dans leur propre développement durable. La réforme de 2012[3], a permis de davantage axer le SPG sur les pays qui en avaient le plus besoin, à savoir les pays les moins développés (PMA) tout en conservant les trois composantes du système. La première est le SPG standard: accord commercial autonome en vertu duquel l’Union donne à certaines marchandises étrangères un accès préférentiel non réciproque à son marché après réduction, voire suppression, des droits de douane. La deuxième, le SPG+, est un régime spécifique d’encouragement qui prévoit des réductions des droits de douane pour des pays vulnérables ayant ratifié et appliquant des conventions internationales en matière de Droits de l'homme et de droits des travailleurs, d’environnement et de bonne gouvernance. La troisième est l’initiative «Tout sauf les armes» (TSA), qui garantit aux 48 PMA de pouvoir exporter vers le marché de l’Union toutes leurs marchandises en franchise douanière et sans quota à l’exception des armes et des munitions.

Les critères d’éligibilité pour le SPG «standard» (qui réduit les droits de douane pour environ 66 % des lignes tarifaires) ont été durcis de manière à ne couvrir que les pays les plus vulnérables et à revenu faible ou intermédiaire de la tranche inférieure. En conséquence, le groupe des bénéficiaires s’est considérablement réduit, passant de 176 à 23 pays au cours de la période 2016-2017, et à seulement 15 en 2020, au fur et à mesure que des pays classés à revenu élevé ou intermédiaire de la tranche supérieure par la Banque mondiale étaient progressivement retirés du système.

L’accord spécial en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance (SPG+) prévoit, pour les pays en développement considérés comme vulnérables, la suppression des droits de douane sur les quelque 66 % des lignes tarifaires auxquelles s’applique également l’accord standard. Cette suppression est toutefois subordonnée à la ratification et à la mise en œuvre de 27 conventions internationales sur le développement durable, dont les conventions de base en matière de Droits de l'homme et de droits des travailleurs, certaines conventions sur la protection de l’environnement ainsi que les conventions sur la lutte contre la production et le trafic de drogues illicites. Le non-respect de ces exigences entraîne la suspension des concessions tarifaires. La liste des bénéficiaires comporte huit pays. Les deux schémas SPG devaient initialement expirer en décembre 2023, mais ont été prolongés jusqu’en décembre 2027, étant donné qu’un nouveau règlement SPG fait actuellement l’objet de discussions entre le Parlement et le Conseil. Le nouveau règlement devrait poursuivre la même politique visant à favoriser le développement économique, social et environnemental durable des pays bénéficiaires, la bonne gouvernance et des Droits de l'homme, et plus particulièrement l’éradication de la pauvreté.

L’initiative TSA continue d’accorder un accès en franchise de droits et sans contingent pour une période illimitée à tous les produits, à l’exception des armes et des munitions, importés de 48 PMA. Au nombre de ces pays, on compte 34 pays d’Afrique, huit pays d’Asie, cinq pays de la zone Pacifique et un pays des Caraïbes (Haïti). Tous les pays qui ont signé et ratifié un accord de libre-échange (ALE) avec l’Union européenne cesseront automatiquement de bénéficier du régime préférentiel, quel que soit leur niveau de développement.

Accords de partenariat économique (APE)

Les APE sont devenus les principaux instruments de promotion des échanges commerciaux entre l’Union et les pays ACP en vertu de l’accord de Cotonou de 2000. Ils constituent les fondements des relations commerciales UE-ACP, et l’un des trois piliers de l’accord, et sont conçus pour être compatibles avec les règles de l’OMC. Ils remplacent progressivement le régime commercial préférentiel unilatéral de l’Union.

Ouvertes en 2002, les négociations sur les APE devaient en principe aboutir en 2008. Étant donné que le processus de négociation a pris beaucoup plus de temps que prévu, l’Union européenne a adopté un règlement concernant l’accès au marché afin d’assurer un régime temporaire d’accès au marché jusqu’en 2014, lequel a ensuite été prorogé de deux ans dans l’attente que les APE soient conclus, signés et ratifiés. Le processus n’a pas apporté la dimension régionale escomptée, vu qu’à la date d’expiration du règlement sur l’accès au marché (le 1er octobre 2016), seules deux régions avaient signé un APE (non encore ratifié) et un seul APE régional était en vigueur. Le 28 juillet 2016, ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) 2016/1076 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016[4]. Les APE devraient être maintenus, même si l’accord de Cotonou a expiré en décembre 2020, et continueront de jouer un rôle central dans le partenariat après cette date, d’autant plus qu’un projet d’accord a été approuvé par le Conseil le 20 juillet 2023 et est en cours d’examen par le Parlement européen.

État d’avancement

Le premier accord régional a été l’APE du Forum des Caraïbes (Cariforum), signé en octobre 2008 et approuvé par le Parlement le 25 mars 2009. Il est actuellement provisoirement en vigueur, ses institutions mixtes se réunissent régulièrement depuis 2010 et il a été révisé pour la première fois en 2015. Les deux parties mettent en place un système de suivi conjoint pour mesurer la mise en œuvre et les incidences de l’APE. Les négociations sur l’accord visant à protéger certaines indications géographiques sont en cours, de même qu’une étude d’évaluation ex post portant sur les 10 premières années de mise en œuvre.

Afrique de l’Ouest: les négociations relatives à un APE régional entre l’Union et 16 pays d’Afrique occidentale ont été conclues en février 2014. L’APE a été signé par tous les États membres de l’Union et par 15 États d’Afrique de l’Ouest à l’exception du Nigeria. Le 9 août 2017, la Mauritanie et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont signé un accord d’association définissant la participation de la Mauritanie à la politique commerciale de la CEDEAO, dont l’APE. Dans l’intervalle, des APE bilatéraux intérimaires ont été signés par la Côte d’Ivoire le 26 novembre 2008 et par le Ghana le 28 juillet 2016. Les deux accords intérimaires ont été approuvés le 1er décembre 2016 par le Parlement et sont maintenant appliqués à titre provisoire. Le Ghana et l’Union ont approuvé l’offre de plein accès au marché et le calendrier proposé par le Ghana. Ce pays a commencé à libéraliser son marché pour les produits de l’Union en 2020, processus qui devrait se terminer en 2029. Les parties se sont également mises d’accord sur la version finale du protocole relatif aux règles d’origine.

Afrique centrale: le Cameroun est le seul pays de la région à avoir signé un APE avec l’Union européenne, le 15 janvier 2009. L’accord a été approuvé par le Parlement en juin 2013. En juillet 2014, le parlement camerounais a ratifié l’accord, qui est entré en application à titre provisoire le 4 août 2014. Entretemps, les contacts se poursuivent entre la région et l’Union en vue de l’adhésion d’autres pays d’Afrique centrale à l’accord, mais aucun APE régional n’a encore été signé.

Afrique orientale et australe: en 2009, quatre pays de la région (Maurice, les Seychelles, le Zimbabwe et Madagascar) ont signé un APE qui est appliqué à titre provisoire depuis le 14 mai 2012. Il a été approuvé par le Parlement le 17 janvier 2013. L’accord, ouvert aux autres pays, a été signé par les Comores en juillet 2017. Son application provisoire a débuté le 7 février 2019. Des négociations sont en cours pour étendre le champ d’application de l’APE à toutes les questions ayant trait au commerce, telles que le lien entre commerce et développement durable, et l’établissement d’organes consultatifs pour la société civile et les parlements. Le dernier cycle de négociations a eu lieu en juillet 2023.

Communauté de l’Afrique de l’Est: les négociations de l’APE régional ont été conclues avec succès le 16 octobre 2014. Le 1er septembre 2016, le Kenya et le Rwanda ont signé l’APE, de même que l’Union européenne et ses États membres. Le Kenya a ratifié l’accord et, en septembre 2023, la Commission a présenté un APE intérimaire au Conseil pour approbation. L’Ouganda et le Burundi envisagent sérieusement de signer l’APE. Malheureusement, les députés du Parlement tanzanien ont voté contre la ratification de l’APE le 11 novembre 2016.

Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA): après dix ans de discussions, les négociations de l’APE ont abouti en juillet 2014. L’accord a été signé en juin 2016 par l’Union et le groupe de l’APE CDAA, qui se compose de six des quinze membres de la CDAA (Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Eswatini et Afrique du Sud), et est entré en vigueur à titre provisoire en octobre 2016, après l’approbation du Parlement en septembre 2016. Le Mozambique a ratifié l’accord en avril 2017, lequel est maintenant appliqué à titre provisoire depuis le 4 février 2018. L’Afrique du Sud s’est officiellement retirée du protocole de la CDAA en 2019. L’Angola a le statut d’observateur et a entamé en 2021 des négociations sur un accord de facilitation des investissements durables, et la Commission a transmis ses propositions au Conseil en juin 2023.

Pacifique: l’Union a signé un APE avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée en juillet 2009, et avec les Fidji en décembre 2009. Ils ont tous deux été approuvés par le Parlement en juin 2011. Le Parlement de Papouasie-Nouvelle-Guinée a ratifié l’APE en mai 2011, et en juillet 2014, les Fidji ont commencé à appliquer l’accord à titre provisoire. En juillet 2018, les Tonga ont fait part de leur intention d’adhérer à l’APE. Plus récemment, le Samoa a achevé le processus d’adhésion à l’APE en décembre 2018, et les Îles Salomon en mai 2020.

 

[2]«Accroître l’impact de la politique de développement de l’UE: un programme pour le changement» [COM(2011)0637].
[3]Règlement (UE) nº 978/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées et abrogeant le règlement (CE) nº 732/2008 du Conseil (JO L 303 du 31.10.2012, p. 1).
[4]Règlement (UE) 2016/1076 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 appliquant aux produits originaires de certains États appartenant au groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) les régimes prévus dans les accords établissant ou conduisant à établir des accords de partenariats économiques (JO L 185 du 8.7.2016, p. 1).

Wolfgang Igler