Directive sur la conservation des données : la Commission doit agir

Conçu comme outil décisif dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, la directive européenne sur la conservation des données est restée une arme peu tranchante, selon les critiques de plusieurs députés européens. Mardi soir, ils ont interrogé la commissaire européenne Cecilia Malmström sur la réforme qui se fait attendre.

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Directive sur la conservation des données

Chaque fois que vous passez un coup de fil, naviguez sur Internet ou envoyez un courriel, certaines de vos données sont sauvegardées pendant 6 à 24 mois. Depuis 2006, la directive européenne sur la conservation des données demande aux Etats membres de conserver des données relatives au trafic et des données de localisation (non le contenu). Les Etats membres demandent donc aux prestataires de services de pouvoir détecter la source, la destination et le lieu de toute communication.


La directive aurait dû être mise en œuvre avant 2007 mais elle a suscité des controverses dans plusieurs Etats membres. Les cours constitutionnelles de Roumanie, de République Tchèque et d'Allemagne ont soulevés des objections.


En 2011, la Commission européenne a publié un rapport d'évaluation qui a souligné l'utilité de la conservation des données dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Elle estime néanmoins que les effets négatifs sur le droit à la vie privée nécessitent des modifications.


Suite à diverses questions orales et écrites au premier semestre 2012, des députés de cinq groupes politiques (Libéraux et Démocrates, Socialistes et Démocrates, Parti populaire, Verts, Gauche unitaire) ont demandé une date-butoir précise pour la publication de leur rapport.


Mardi soir à Strasbourg, la commissaire Cecilia Malmström s'est vue confrontée aux critiques des députés. Elle a rétorqué que la conservation des données est "nécessaire pour protéger les gens", bien que pour une période limitée et sous réserve de confidentialité.


Toutefois, Mme Malmström a admis que "certaines parties de la directive ont besoin d´être revues". Une nouvelle directive devrait proposer l'harmonisation et la réduction de la durée de conservation des données, une liste des types de données qui peuvent être conservées, des normes minimales pour l'accès aux données et leur utilisation, ainsi qu'une une approche cohérente pour rembourser les frais induits pour les opérateurs.


Alexander Alvaro (Libéraux et Démocrates, Allemagne) a exprimé l´impatience croissante du Parlement : "Le débat dure depuis 2005, mais les questions techniques n'ont pas été résolues ; les questions juridiques et économiques n'ont pas été clarifiées". D'ailleurs, beaucoup de citoyens se sont opposées à la conservation des données. "On espère trouver une solution européenne", a déclaré M. Alvaro.


Judith Sargentini (Verts/ALE, Pays-Bas) a demandé "un cadre réglementaire garantissant le respect de la vie privée des citoyens". Le cadre actuel ne ferait que porter atteinte à la vie privée sans bénéfice avéré. "Le temps est venu d'en finir avec cette directive et de chercher une alternative", a-t-elle complété.


"L'enjeu pour nous est de parvenir à un équilibre entre sécurité et protection des libertés", selon Sylvie Guillaume (Socialistes et Démocrates, France). La protection des données personnelles est ancrée dans la Charte européenne des Droits fondamentaux et "c'est pour cela que nous devons agir".


Axel Voss (Parti populaire, Allemagne) a signalé le nombre grandissant des cas d'intimidation sur Internet et de cybercriminalité. "Nous ne voulons pas que les gens se fassent justice eux-même", d´où la nécessité de normes internationales relatives à la protection des données. Pour lui, il est important qu'une nouvelle proposition assure la bonne mise en œuvre de la directive. "Nous avons des engagements européens, mais nous devons nous assurer que nous pouvons les respecter".


"La Commission devrait affronter la réalité et reconnaître que le projet a échoué", a affirmé Cornelia Ernst (Gauche unitaire, Allemagne). La mise en œuvre de la directive s'est faite différemment dans chaque Etat membre. "Si la Commission n'a rien d'autre à proposer, on devrait retarder la directive jusqu'à ce que la Cour européenne de justice prenne une décision."