Viviane Reding : « Les négociations du TiSA constituent une véritable rupture »

L'Union européenne négocie en ce moment avec vingt-deux autres pays un accord sur le commerce des services, plus connu sous l'acronyme anglais TiSA. Le Parlement devra approuver le texte final et les députés suivent donc les négociations de près, plaidant notamment pour davantage de transparence. Leurs recommandations seront votées à la commission du commerce international le 18 janvier. Nous avons demandé à la rapporteur Viviane Reding (PPE, Luxembourg) de nous en dire plus sur cet accord.

Portrait de Viviane Reding
La députée démocrate-chrétienne luxembourgeoise Viviane Reding | ©European Union 2016 - EP

L'accord sur le commerce des services est négocié entre vingt-trois membres de l'organisation mondiale du commerce, y compris l'Union européenne. L'objectif est de libéraliser davantage le commerce des services entre ces pays. En facilitant l'exportation et l'importation de services, l'Union européenne, qui est le plus grand exportateur mondial de services, souhaite créer un marché plus large pour les entreprises européennes et offrir un plus grand choix aux consommateurs.

 

Les négociations ont débuté en mars 2013. À la fin de l'année 2015, quinze réunions de négociations avaient déjà été organisées. La Commission européenne représente l'Union européenne dans les négociations.

 

Jusqu'à présent, comment évaluez-vous les négociations du TiSA ? Les jugez-vous plus transparentes que les négociations des accords précédents ?


Les négociations du TiSA constituent une véritable rupture. Nous avons demandé davantage de transparence et nous avons été écoutés. Les députés ont accès à tous les documents de négociations. Les citoyens peuvent consulter en ligne le mandat de négociations de l'Union européenne, la liste des engagements pris ainsi que d'autres documents autour de cet accord. Nous allons continuer à demander encore davantage de transparence.


Nous avons dit très clairement que le Parlement européen n'attendra pas que le texte final soit prêt. Nous souhaitons être impliqués durant toute la procédure afin de modeler le cours des négociations. En 2014, nous avons créé un groupe de suivi chargé de suivre en continu toutes les étapes des négociations, et d'analyser constamment tous les documents de négociations.


Avant et après chaque session de négociations, tous les partis politiques se retrouvent autour de la table pour échanger avec le chef des négociations de l'Union européenne. Nous travaillons également de manière intensive en dehors des institutions européennes, en particulier avec la société civile. Ce groupe de suivi fonctionne extrêmement bien.


Il en va désormais de notre responsabilité, nous les membres du Parlement européen, de définir des lignes directrices claires sur l'accord que nous souhaitons avoir, nos lignes bleues, et sur l'accord que nous ne souhaitons pas avoir, nos lignes rouges. Si nos recommandations ne se trouvent pas dans l'accord final, le Parlement pourra exercer son veto.


Quelles sont les recommandations du Parlement européen afin d'obtenir un accord équilibré ?


Nous ne souhaitons pas que le TiSA mette en péril nos services publics, notre culture, notre législation du travail, nos normes en matière d'environnement, la protection de nos consommateurs et de nos données : en d'autres termes, la manière dont nous vivons en Europe. Cela est indispensable. Notre modèle politique, social et culturel est un atout et non un fardeau. Aucun accord commercial ne viendra modifier nos normes. Si tel est le cas, le Parlement n'approuvera pas cet accord à la fin. Nous devons être extrêmement clairs. Le droit à réglementer doit être préservé. Rien ne doit empêcher les autorités européennes, nationales et locales de maintenir, d'améliorer et d'appliquer les lois : ceci est d'une importance capitale.


Cela étant dit, en tant que leader mondial du commerce des services, l'Union européenne doit se montrer à la hauteur. Le TiSA est l'occasion de façonner la mondialisation, d'assurer davantage de réciprocité en termes d'accès aux marchés étrangers et de conférer plus de droits aux consommateurs, à la fois lorsqu'ils voyagent à l'étranger et lorsqu'ils achètent en ligne.

 

Les négociations du TTIP ont soulevé et soulèvent encore de nombreuses inquiétudes. Comment éviter cela avec le TiSA ?


Grâce à un accord très large au niveau parlementaire. Chacun s'est assis autour de la table et a eu son mot à dire. Au final, nous sommes parvenus à un consensus sur ce que nous souhaitons vraiment. Ce consensus nous rend forts, et parce que nous sommes forts, nous sommes en mesure d'imposer à la Commission européenne la façon dont les négociations doivent être menées.


Les citoyens doivent et vont comprendre que les membres directement élus du Parlement européen travaillent pour la préservation de leurs droits, et pas seulement pour aujourd'hui mais aussi pour demain. Les citoyens peuvent être assurés que leurs droits sont entre de bonnes mains : cela représente beaucoup de travail, mais cela en vaut la peine. Voilà ce que les citoyens attendent de nous, à mon avis.


Depuis les élections européennes de 2014, les choses changent en matière de politique commerciale de l'Union européenne. Davantage de changements encore verront le jour avec ce rapport.

Alors que les députés formulent des recommandations pour les négociations relatives à l'accord sur le commerce des services, l'Union européenne devrait-elle imposer certaines lignes rouges ?

Les 23 membres de l'OMC qui participent aux négociations du TiSA

  • Australie, Canada, Chili, Hong Kong (Chine), Colombie, Corée, Costa Rica, États-Unis d'Amérique, Islande, Israël, Japon, Liechtenstein, Maurice, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Panama, Pérou, Suisse, Taïwan, Turquie et Union européenne.