Critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Refonte  
2016/0133(COD) - 04/05/2016  

OBJECTIF : refondre et remplacer le règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil sur la détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride (règlement dit de «Dublin III»).

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil.

CONTEXTE : dans sa communication du 6 avril 2016 intitulée «Vers une réforme du régime d'asile européen commun et une amélioration des voies d'entrée légale en Europe», la Commission indique que la crise migratoire et des réfugiés actuelle a mis en lumière des faiblesses et des lacunes structurelles importantes dans la conception et la mise en œuvre du système d'asile européen, et des règles de Dublin en particulier.

Le système de Dublin tel que mis en œuvre actuellement n’a pas été conçu pour les situations d’arrivées massives et incontrôlées de migrants et ne garantit pas une répartition durable et équitable des responsabilités à l’égard des demandeurs d’asile dans l’ensemble de l’Union. Il en a résulté des situations où un petit nombre d’États membres traitent de la majorité des demandeurs d’asile, ce qui met leurs capacités d’asile sous pression et retarde le traitement des demandes.

En outre, le manque d’équité du système actuel — où une poignée d’États membres sont soumis à une pression disproportionnée — est aussi un frein à l’application intégrale des règles.

La réglementation actuelle sur la détermination de la responsabilité peut aussi entraîner des procédures d’une longueur et d’une complexité telles qu’elles dissuadent à leur tour les demandeurs d’asile de respecter les règles. Ceci est notamment le cas dans le cadre de l’application actuelle des règles de transfert de responsabilité des demandeurs entre les États membres après une durée déterminée.

Il est donc apparu clairement nécessaire que le système de Dublin soit réformé, à la fois pour le simplifier et pour améliorer son efficacité dans la pratique, ainsi que pour prendre en compte le fait que certains États membres étaient confrontés à des pressions disproportionnées en termes de demandes.

Plus précisément, cette proposition s’inscrit dans un train de mesures qui constitue la première étape de la réforme globale du régime d’asile européen commun (RAEC) et qui comprend:

  • le présent projet de règlement établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride;
  • le projet de règlement qui vise à étendre le champ d'application du règlement EURODAC pour y inclure la possibilité pour les États membres de stocker et de rechercher des données appartenant à des ressortissants de pays tiers ou apatrides qui ne sont pas demandeurs de protection internationale et se trouvant en séjour irrégulier dans l'UE;
  • un projet de règlement établissant une Agence européenne pour l'asile qui vise à renforcer le mandat du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO).

Une 2ème série de propositions législatives devrait inclure la réforme des procédures d'asile et les directives «qualification» et «conditions requises» pour assurer la réforme totale de l’ensemble du système d'asile européen.

CONTENU : la présente proposition entend réformer le règlement de Dublin III afin d’en simplifier les contours et de prendre en considération le fait que certains États membres sont confrontés à une pression disproportionnée de leurs systèmes d’asile.

Les principaux éléments de la proposition peuvent se résumer comme suit :

Mise en place d’un mécanisme dit «d’équité» : la proposition instaure un mécanisme correcteur de répartition (le mécanisme d’équité), qui sera activé automatiquement lorsqu’un État membre est confronté à un nombre disproportionné de demandes d’asile. Le nouveau système déterminera automatiquement quand un pays traite un nombre disproportionné de demandes d’asile par rapport au nombre total des demandes d’asile déposées dans l’UE. Il se référera, à cet effet, à la taille de la population et à la richesse du pays.

Ainsi, si un même pays reçoit un nombre de demandes qui dépasse de manière disproportionnée sa part de référence (plus de 150%), les nouveaux demandeurs dans ce pays seront répartis dans l’ensemble de l’UE jusqu’à ce que le nombre de demandes retombe en dessous de ce niveau.

Le mécanisme d’équité tiendra également compte des efforts déployés par un État membre pour réinstaller des personnes ayant besoin d’une protection internationale directement au départ d’un pays tiers.

Critères utilisés pour la clé de répartition du mécanisme d’équité : la clé de répartition repose sur 2 critères affectés tous 2 d’une pondération de 50%:

  • la taille de la population et
  • le PIB de l’État membre.

Le nombre de demandes dont un État membre donné est responsable et le nombre de personnes effectivement réinstallées par cet État membre sont les éléments de base pour le calcul utilisant la clé de répartition et le seuil.

NB : un État membre aura la possibilité de ne pas participer au mécanisme d’équité, temporairement. Dans ce cas, il devrait verser une contribution de solidarité financière de 250.000 EUR par demandeur aux États membres qui se voient confier la responsabilité de l’examen de la demande à sa place.

Simplification des procédures : les procédures seront rationalisées, notamment grâce au raccourcissement des délais fixés pour les différentes étapes de la procédure de détermination, les transferts et l’accès à la procédure d’asile:

  • les requêtes aux fins de prise en charge, demandant à un autre État membre d’assumer la responsabilité de l’examen d’une demande, doivent être envoyées dans un délai d’un mois, tandis que le pays qui la reçoit dispose d’un mois pour prendre une décision à partir du moment où il reçoit la demande. Aucune réponse n’équivaudra à une acceptation de la demande;
  • les demandes d’un État membre à un autre État membre pour que ce dernier reprenne en charge un demandeur dont il est responsable et qui a pris la fuite («requêtes aux fins de reprise en charge») seront transformées en simples notifications de reprise en charge. Tous les États membres seront explicitement tenus de reprendre en charge les demandeurs dont ils ont la responsabilité;
  • les recours contre les décisions de transfert seront traités dans les 15 jours;
  • l’enregistrement en bonne et due forme de toutes les demandes d’asile dans l’UE devrait faciliter la détection des demandes multiples et empêcher les mouvements secondaires irréguliers.

Obligations pour les demandeurs : le nouveau système impose des obligations légales claires aux demandeurs:

  • obligation explicite de demander l’asile dans l’État membre dans lequel les requérants sont entrés irrégulièrement pour la première fois, ou dans l’État membre où ils ont séjourné légalement avant la demande d’asile. Ces dispositions clarifieront le fait que les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de choisir l’État membre dans lequel ils déposent leur demande. Dans le cas où un demandeur d’asile ne se conforme pas à cette nouvelle obligation, les États membres doivent examiner sa demande dans le cadre d’une procédure accélérée;
  • obligation pour les demandeurs de fournir tous les renseignements utiles pour déterminer l’État membre responsable de l’examen de leur demande en temps utile; le non-respect de cette disposition aura des conséquences procédurales proportionnées, telles que la non-prise en considération d’informations communiquées avec un retard injustifiable;
  • pour éviter les mouvements secondaires, les demandeurs ne pourront bénéficier des conditions matérielles d’accueil (exception faite des soins de santé d’urgence) que dans le pays où ils sont tenus de séjourner;
  • obligation pour l’État membre où la demande est déposée, de vérifier si le demandeur arrive d’un premier pays d’asile ou d’un pays tiers sûr. L’État membre qui effectue ce contrôle de recevabilité sera considéré comme responsable de ces demandes. L’État membre où la demande est déposée doit aussi vérifier si le demandeur présente un risque pour la sécurité, auquel cas il doit examiner la demande selon une procédure accélérée.

Intérêt supérieur de l’enfant et mineurs non accompagnés : le système protégera l’intérêt supérieur des demandeurs d’asile. Les recours seront accélérés mais auront un effet suspensif automatique, ce qui signifie qu’aucun transfert n’aura lieu tant que la procédure de recours n’est pas terminée. Les droits des mineurs non accompagnés ont été renforcés par une meilleure définition du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et la mise en place d’un mécanisme visant à déterminer, dans toutes les circonstances impliquant le transfert d’un mineur, l’État membre responsable dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Garanties nouvelles pour les demandeurs d’asile :

  • droit au regroupement familial renforcé : le droit au regroupement familial des demandeurs d’asile présents sur le territoire de l’UE sera renforcé et son champ d’application sera élargi de manière à inclure les frères et sœurs d’un demandeur, ainsi que les familles constituées en transit, c’est-à-dire après avoir quitté le pays d’origine mais avant l’arrivée sur le territoire de l’État membre;
  • rétention : la période de rétention aux fins de transfert d’un demandeur en vue de sa reprise en charge par l’État membre responsable a été considérablement réduite, passant de 6 à 4 semaines.

Clause de réexamen : la Commission réexaminera le fonctionnement du mécanisme d’équité 18 mois après l’entrée en vigueur du règlement, puis tous les ans par la suite, afin d’évaluer si l’objectif consistant à assurer une répartition proportionnée des responsabilités entre les États membres et à alléger la pression disproportionnée qui pèse sur certains États membres est atteint. Cet examen vérifiera notamment si le seuil de déclenchement du mécanisme donne des résultats satisfaisants.

Dispositions territoriales : le Royaume-Uni et l’Irlande peuvent participer à l’application du futur règlement mais ne sont pas tenus de le faire, en vertu du protocole pertinent annexé aux traités.

En ce qui concerne le Danemark, il existe une clause de non-participation aux politiques dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Le Danemark applique toutefois le règlement actuel sur la base d’un accord international conclu en 2006, en vertu duquel il peut choisir d’appliquer le règlement de refonte.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : les ressources financières totales nécessaires pour assurer la mise en œuvre de la proposition se montent à 1,828 milliard EUR pour la période 2017-2020. Cela devrait couvrir : i) les coûts de transfert une fois que le mécanisme d'équité aura été déclenché au profit d'un État membre, ii) la mise en place et le fonctionnement du système informatique pour l'enregistrement et iii) l'allocation automatique des demandeurs d'asile.