Huile de palme et déforestation des forêts tropicales humides  
2016/2222(INI) - 04/04/2017  

Le Parlement européen a adopté par 640 voix pour, 18 voix contre et 28 abstentions, une résolution sur l’huile de palme et la déforestation des forêts tropicales humides.

Le Parlement rappelle qu'il existe de nombreuses causes à la déforestation dans le monde, dont la production de produits agricoles comme le soja, le bœuf, le maïs et l'huile de palme. Il indique également que les écosystèmes tropicaux essentiels, qui couvrent seulement 7% de la surface de la Terre, sont soumis à une pression croissante de la déforestation. Les monocultures de palmiers produisant de l'huile de palme causent par ailleurs d’énormes incendies, l'assèchement des rivières, l'érosion des sols, le drainage des tourbières, la pollution des cours d'eau et la perte générale de biodiversité.

Remarques générales : le Parlement rappelle que l'agriculture durable, la sécurité alimentaire et la gestion durable des forêts sont des priorités des Objectifs pour le développement durable (ODD). Il indique toutefois que 73% de la déforestation mondiale provient du défrichage des terres en vue de la production agricole, avec 40% de la déforestation mondiale causée par la plantation de monocultures de palmiers producteurs d’huile de palme.

L'exploitation de l'huile de palme n'est toutefois pas la seule cause de la déforestation. La demande est également stimulée par la progression mondiale de biocarburants et par la spéculation opérée sur les terres et les produits agricoles. Pour le Parlement, la lutte contre la déforestation doit donc tenir compte de cet ensemble de facteurs.

Le Parlement souligne au passage que la Malaisie et l'Indonésie sont les principaux producteurs d'huile de palme. Mais l'Indonésie est aussi considérée comme le 3ème plus grand pollueur de CO2 dans le monde et souffre d'une diminution de sa biodiversité.

Rappelant que l'huile de palme représentait environ 40% du commerce mondial de toutes les huiles végétales dans le monde et que l'UE en était le 2ème importateur mondial avec 7 millions de tonnes par an, le Parlement s’alarme du fait que près de la moitié de la superficie des forêts illégalement déboisées soient utilisées pour la production d'huile de palme pour le seul marché européen.

Il précise que l'huile de palme est utilisée comme ingrédient et/ou substitut par l'industrie agroalimentaire en raison de sa productivité et de ses propriétés chimiques, par exemple sa facilité de stockage, son point de fusion et son prix inférieur en tant que matière première.

Responsabilité collective de la question de la production d’huile de palme : pleinement conscient de la complexité de la question de la production d'huile de palme, le Parlement recommande vivement qu’une solution globale soit trouvée sur cette question sur la base de la responsabilité collective de toutes les parties prenantes, à savoir : l'UE et les autres organisations internationales, les États membres, les institutions financières, les gouvernements des pays producteurs, les populations autochtones et les communautés locales mais aussi les multinationales chargées de sa production, de sa distribution et de son traitement ainsi que les associations de consommateurs et les ONG. Mais c’est d’abord la responsabilité de l'industrie alimentaire qui est pointée par le Parlement pour trouver des solutions de production durable en la matière.

Zéro déforestation : le Parlement constate que plusieurs producteurs et négociants d’huile de palme se sont engagés à une production et un commerce de produits zéro déforestation, ce qui va dans le sens d’une plus grande durabilité de la production. Toutefois, les efforts visant à stopper la déforestation doivent inclure le renforcement des capacités locales et le partage des meilleures pratiques entre les communautés ainsi qu’un véritable soutien aux petits producteurs locaux, notamment ceux qui se spécialisent dans les techniques d’agroécologiques (techniques de plantation mixte, agroforesterie et permaculture, sans recours aux intrants chimiques ou à la monoculture).

Le Parlement se réjouit par ailleurs de l’existence de systèmes certifications volontaires (labels, etc.) mais considère que cela reste insuffisant pour affronter le problème. Il invite la Commission, et tous les États membres à œuvrer à l’établissement d’un engagement, au niveau de toute l’Union, consistant à s'approvisionner en huile de palme 100% certifiée durable (CSPO) d'ici à 2020, et à œuvrer à demander au secteur de prendre des engagements, notamment en signant et en appliquant la déclaration d’Amsterdam en faveur d’une chaîne de production entièrement durable pour l’huile de palme à l'horizon 2020.

Autres recommandations : le Parlement fait par ailleurs une série d’autres recommandations allant toutes dans le sens d’une plus grande durabilité de la production mondiale d’huile de palme, notamment en termes d’engagements internationaux.

Entre autres recommandations, le Parlement appelle à :

  • des campagnes d’information des consommateurs sur les effets bénéfiques d’un point de vue social, économique et environnemental de la production d’huile de palme durable ;
  • la fixation de critères minimaux de durabilité pour l'huile de palme et des produits contenant de l'huile de palme entrant sur le marché de l'UE ;
  • des mesures de traçabilité des huiles de palme importées dans l’UE ;
  • un dialogue avec les pays producteurs de sorte que ces derniers gèlent toute nouvelle zone de production en créant un moratoire sur les nouvelles concessions ;
  • la mise en place de mesures effectives de responsabilité sociale et environnementale d’entreprises pour toutes les entreprises productrices ;
  • la collaboration étroite avec d'autres grands consommateurs d'huile de palme, comme la Chine, l'Inde et les pays producteurs, afin de les sensibiliser et étudier des solutions communes au problème de la déforestation tropicale et de la dégradation des forêts ;
  • l’introduction dans les États membres, d’exigences obligatoires favorisant l'huile de palme durable dans toutes les procédures de passation des marchés publics.

Biocarburants : enfin, le Parlement constate que 46% de l'huile de palme totale importée par l'UE est utilisée pour la production de biocarburants et que cela induit l'utilisation d'environ un million d'hectares de sols tropicaux. Il souligne également que 70% des biocarburants consommés dans l’Union sont cultivés et produits dans l’Union et que sur les biocarburants importés dans l’Union, 23% sont de l’huile de palme principalement originaire d’Indonésie, et 6% du soja.

Il demande dès lors à la Commission de prendre des mesures pour éliminer l'utilisation d'huiles végétales qui conduisent à la déforestation, y compris l'huile de palme, comme composant des biocarburants, d'ici 2020. Le Parlement précise en effet que l'interdiction ou l'élimination progressive de l'utilisation de l'huile de palme peut donner lieu à l'utilisation d'huiles végétales tropicales de remplacement pour la production de biocarburants qui, selon toute vraisemblance, seraient cultivées dans les mêmes régions écologiquement sensibles que celles où est produite l'huile de palme. Il sollicite dès lors la mise en place de solutions alternatives plus durables pour l'utilisation des biocarburants, comme les huiles européennes produites à partir de graines de colza et de tournesol.