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Compte rendu in extenso des débats
Mardi 14 novembre 2000 - Strasbourg Edition JO
1. Approbation du procès-verbal de la séance précédente
 2. Charte des droits fondamentaux
 3. Turquie
 4. VOTES
 5. Turquie (suite)
 6. Conférences euro-méditerranéennes à Marseille
 7. Aide à la reconstruction
 8. Heure des questions (Conseil)
 9. Aide à la reconstruction (suite)
 10. ASEM III (Séoul, les 20 et 21 octobre 2000)
 11. Organisations régionales de pêche (ORP)
 12. Viande de porc (OCM)


  

PRÉSIDENCE DE MME FONTAINE
Présidente

(La séance est ouverte à 9 heures)

 
1. Approbation du procès-verbal de la séance précédente
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  La Présidente. - Le procès-verbal de la séance d'hier a été distribué.

Y a-t-il des observations ?

 
  
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  Aparicio Sánchez (PSE). - (ES) Madame la Présidente, c'est pour une petite modification du procès-verbal. Lors de la modification de l'ordre du jour de la séance de ce jeudi, il a été question du sous-marin britannique à Gibraltar et trois orateurs sont intervenus. Les interventions de MM. Poettering et Barón Crespo ont fidèlement été reprises dans le procès-verbal : l'un a demandé et l'autre a donné l'engagement politique du groupe du parti populaire pour que ce point soit inscrit à l'ordre du jour de la période de session de décembre. Mais il y a eu une troisième intervention, celle de M. Galeote Quecedo, qui ne figure pas dans le procès-verbal. Seul son nom y figure.

Permettez-moi de donner une explication, qui reflète des craintes, selon nous injustifiées, pour ceux qui lisent objectivement la proposition de résolution que nous avons présentée, et cela nous fait craindre un nouvel escamotage en décembre. Mais bon, c'est une explication. Ce que je demande, avec respect, c'est que l'intervention de M. Galeote Quecedo figure dans le procès-verbal.

 
  
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  La Présidente. - Merci, Monsieur Aparicio Sánchez. Nous compléterons donc le procès-verbal avec la déclaration de M. Galeote Quecedo.

 
  
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  Bethell, (PPE-DE). - (EN) Madame la Présidente, certains d'entre nous s'attendaient hier à ce que la présidence fasse une communication sur le prix Sakharov - à qui celui-ci a été décerné, les chiffres du vote et la date où celui-ci serait présenté en séance plénière. Pourriez-vous nous communiquer certaines informations en la matière, aujourd'hui ou le plus tôt possible ?

 
  
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  La Présidente. - Monsieur Bethell, cela ne concerne pas l'approbation du procès-verbal, mais, très volontiers, je peux vous dire que la Conférence des présidents a voté pour que ce soit l'association 'Basta Ya' qui soit retenue pour le prix Sakharov de cette année. Ce prix sera délivré à l'association 'Basta Ya' pendant la période de session de décembre prochain.

(Le procès-verbal est approuvé)(1)

 
  

(1) Ordre du jour - Dépôt de documents - Débat d'actualité (annonce de propositions de résolution déposées) : cf. procès-verbal.


2. Charte des droits fondamentaux
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  La Présidente. - L'ordre du jour appelle la recommandation de MM. Duff et Voggenhuber, au nom de la commission des affaires constitutionnelles, sur l'approbation du projet de Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (A5-0325/00).

 
  
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  Voggenhuber (Verts/ALE), rapporteur. - (DE) Madame la Présidente, permettez-moi tout d'abord, en tant que député originaire de Salzbourg, de vous adresser mes vifs remerciements pour les paroles de consolation et de réconfort que vous avez trouvées hier. Lorsque, vendredi, se tiendront en la cathédrale de Salzbourg les funérailles des victimes de la plus grande catastrophe qui ait touché mon pays ces dernières décennies, je saurai que ce Parlement s'associe au deuil qui nous frappe et je vous remercie des paroles de solidarité et de réconfort que vous avez adressées à leurs proches.

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, au terme de neuf mois de travail et d'une longue recherche de compromis, voici donc le projet de Charte des droits fondamentaux. Aujourd'hui, il ne nous incombe que de dire "oui" ou "non" et les rapporteurs proposent à l'Assemblée plénière d'accepter et d'approuver cette Charte. C'est notre entière conviction. Je sais que nombre d'entre vous - c'est également mon cas - regrettent que nous ne puissions répondre que par "oui" ou par "non" et ne puissions transmettre au Conseil d'autres messages politiques qui auraient peut-être été nécessaires en la matière et auraient exprimé le soutien critique que manifeste cette Assemblée à l'égard de la Charte des droits fondamentaux, laquelle ne peut être qu'un premier pas, attendu qu'elle est encore fort éloignée de ce que ce Parlement avait exigé de ce projet politique en mars de cette année.

Il est néanmoins nécessaire également de rappeler à ce stade ce qui fait la valeur de cette Charte - pour autant qu'elle soit adoptée. Je pense qu'il est un premier droit fondamental, non écrit, qui est celui qu'ont les citoyens de connaître leurs droits. Ce droit fondamental est à présent concrétisé. Des vagues formulations et principes juridiques fondamentaux de l'Union émerge un système clair de droits fondamentaux qui est contraignant pour toutes les institutions de l'UE et pour toute application du droit européen par les États membres. La valeur de cette Charte est aussi de faire de droits reconnus par le droit international - reconnus, mais non contraignants ; reconnus mais non exigibles ; reconnus mais sans garantie - des principes juridiques fondamentaux, je dirais même des principes constitutionnels de l'Union. À coup sûr, il en découlera une dynamique qui mènera un jour à ce que cette Charte des droits fondamentaux soit juridiquement contraignante.

Mais ce qui constitue une révolution dans le débat et l'histoire des droits fondamentaux et des droits de l'homme, c'est que cette Charte place les droits sociaux - fait sans précédent - sur le même pied que les droits de l'homme et les droits fondamentaux traditionnels, ce qui n'est le cas d'aucun catalogue des droits fondamentaux proclamé par un État membre. Cette Charte est également l'expression d'une base de valeurs communes pour tous les pays candidats à l'adhésion, pour tous les États qui veulent adhérer à l'Union européenne, et, dans le domaine précis des droits sociaux, elle signale sans équivoque aux pays candidats de satisfaire à ces normes sociales.

Je suis intimement convaincu qu'elle implique aussi, même si certains chefs d'État et de gouvernement ne veulent pas l'admettre, l'ouverture du processus constitutionnel si souvent et si obstinément demandé par ce Parlement. Je suis persuadé qu'on a posé, avec cette Charte, la première pierre d'une future constitution européenne et du futur processus constitutionnel. Je pense que cela peut tous nous inciter à approuver cette Charte, même si, sur certains détails, il est difficile d'admettre ou d'accepter que de nombreux droits - dont certains droits essentiels - réclamés à bon droit par le Parlement en faveur des citoyens d'Europe ne se retrouvent pas dans la Charte. Difficile de comprendre l'absence du droit à un salaire décent ; de comprendre que nous ayons fait face à des résistances insurmontables lorsqu'il s'est agi de faire accepter le droit à un minimum d'existence respectueux de la dignité humaine, le droit au travail, le droit au logement. Je pense que, si on veut que cette Charte soit la première pierre d'une constitution européenne, elle devra être complétée à l'avenir. Cela ne peut néanmoins pas nous empêcher d'accomplir résolument ce premier pas.

Même s'il se contente aujourd'hui de dire "oui" à cette Charte, j'espère que ce Parlement ne laissera planer aucun doute, au cours des prochaines semaines, sur le fait qu'il exige du Conseil que cette Charte soit juridiquement contraignante et que cette dernière doit garantir l'accès des citoyens à la Cour de justice européenne. J'espère que la grande majorité de cette Assemblée insistera sur ces demandes dans sa résolution sur le Sommet de Nice.

Pour finir, si vous me le permettez, je voudrais juste remercier le co-rapporteur pour son travail important, engagé et admirable et vous remercier pour votre appui.

(Applaudissements)

 
  
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  Duff (ELDR), rapporteur. - (EN) Madame la Présidente, quel qu'ai été le sentiment de certains en ce qui concerne le mandat du Conseil européen de Cologne, il a été assez surprenant que la Convention établie en vue de rédiger la Charte ait pleinement réussi à réaliser le mandat. Nous avons été confrontés à une tâche extraordinairement complexe qui a consisté à inscrire les droits et libertés fondamentaux présents dans les traditions constitutionnelles des États membres, ainsi que dans les principes généraux du droit communautaire.

À mes yeux, la Convention a réussi à établir un équilibre stable entre modération et aspiration. Nous nous sommes abstenus de supplanter les Traités, mais nous avons maximisé leur impact en rendant, pour la première fois, la relation entre les citoyens et l'Union claire et visible. D'aucuns seront déçus du fait que la Charte n'ait pas été en mesure d'aller plus loin, mais elle constitue, bien sûr, un compromis façonné dans le creuset de la Convention et représente un équilibre entre des tendances politiques concurrentes, entre les nationalités et les cultures.

Cet équilibre a imposé un large consensus au sein de la Convention et devrait faire de même au sein du Parlement européen. Le Parlement a joué un rôle fort dans la formulation de la Charte. Nous avons tiré profit de notre participation forte au processus et les citoyens que nous représentons bénéficieront de sa proclamation solennelle, à la lumière, en particulier, de l'article 52, paragraphe 3, qui dispose que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue, au fur et à mesure de l'intégration européenne.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs les Députés, je voudrais avant toute chose associer les condoléances de la présidence à celles du Parlement européen à l'occasion de la catastrophe survenue près de Salzbourg, en Autriche, et dire que nous partageons absolument la douleur des familles des victimes, face à ce très grave accident.

Je suis particulièrement heureux d'être devant vous aujourd'hui pour débattre de façon approfondie de ce beau projet qu'est la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avant que vous n'adoptiez la position finale de votre Assemblée sur ce texte. Certes, nous avons déjà eu des échanges à ce sujet à deux reprises, une première fois le 3 octobre dernier, dans le cadre d'une question orale posée par le président de votre commission constitutionnelle, Giorgio Napolitano, puis le 24 octobre, lorsque je suis venu vous présenter les résultats du Conseil européen informel des 13 et 14 octobre, à Biarritz, dont la Charte était justement un des points majeurs de l'ordre du jour.

Mais le débat d'aujourd'hui est loin, à mes yeux, de constituer pour autant une redite. Il est au contraire particulièrement important, puisque c'est aujourd'hui que votre Assemblée va décider si, comme l'y invitent les conclusions du Conseil de Cologne, elle proclamera, conjointement avec le Conseil et la Commission, ce texte lors du Conseil européen de Nice, qui se tiendra dans moins d'un mois maintenant. Il s'agit là à l'évidence d'une décision politique majeure et d'une occasion nouvelle de montrer aux citoyens européens toute l'ampleur de cette initiative.

S'agissant de la position préconisée par votre commission constitutionnelle, dont je veux saluer les rapporteurs MM. Duff et Voggenhuber qui viennent de s'exprimer, je comprends qu'elle vous invite à adopter le texte de la Charte en l'état et, par conséquent, à donner mandat à votre Présidente pour proclamer, en votre nom, la Charte à Nice, conjointement avec les présidents du Conseil et de la Commission. Cette position rejoint, vous le savez, celle prise par les chefs d'État et de gouvernement lors du Conseil européen de Biarritz qui ont eux-mêmes approuvé, unanimement et sans réserve, la Charte et je ne peux donc que vous inviter, au nom du Conseil, à suivre cette position, peut-être en vous en indiquant quelques raisons.

Cette charte symbolise, aux yeux de la présidence du Conseil, une double réussite. Tout d'abord, réussite quant à la méthode retenue : celle d'une instance, la Convention, composée de membres du Parlement européen, des parlements nationaux, de la Commission européenne - et je saisis l'occasion pour saluer la présence de M. Vitorino qui a apporté toute sa compétence - et de représentants personnels des chefs d'État et de gouvernement, l'ensemble étant placé sous la présidence éclairée de M. Roman Herzog, ancien président à la fois de la Cour de Karlsruhe et de la République fédérale d'Allemagne.

La diversité et la qualité des membres désignés ont constitué, je le crois, c'est indéniable, un facteur de richesse. De même, le double souci qu'a eu la Convention de travailler en toute transparence et en parfaite interactivité avec les citoyens, notamment à travers Internet, me paraît tout aussi remarquable. Ainsi, dans un souci d'ouverture qui a été payant, elle a auditionné, au cours de ses travaux, les grandes organisations non gouvernementales européennes, les partenaires sociaux de notre continent et, ce qui est important aussi pour l'avenir, les pays candidats à l'adhésion. Cette transparence et cette ouverture ont activement contribué à l'amélioration progressive des différentes versions du projet de charte et permis que la dernière fût la bonne.

Je sais que l'expérience de la Convention apparaît déjà clairement comme un des chemins, je ne dis pas comme le chemin, mais un des chemins, que l'Europe pourrait désormais suivre afin d'être plus transparente et plus à l'écoute de ses citoyens. Des membres de votre Assemblée, lors de notre précédent débat notamment, ont déjà exprimé le souhait de pouvoir réitérer cette expérience. Je n'ai, pour ma part, aucun doute que cette occasion se présentera.

La deuxième réussite et la principale, c'est le résultat auquel est parvenue la Convention. La Charte est en premier lieu - et c'est suffisamment rare pour être souligné, je le vois notamment en préparant la CIG - un document clair et bien ordonné. En rassemblant une cinquantaine d'articles, ce qui en fait un texte court, répartis en six chapitres, dont les titres sonnent juste, peut-être une nouvelle devise pour l'Europe : dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté, justice, elle répond indéniablement aux soucis de concision et de clarté et donc, aussi, aux soucis, aux attentes de nos concitoyens.

La Charte est ensuite un texte tout à fait cohérent. Ses rédacteurs ont su respecter une double exigence qui n'était pas facile à satisfaire : d'une part, ne pas créer de droit ex nihilo et, d'autre part, de faire la photographie exacte, mais évolutive, dynamique, de l'étendue des droits fondamentaux en vigueur dans l'Union.

Mais c'est surtout par la force de son contenu que la Charte, j'en suis persuadé, fera date. Elle réaffirme tout d'abord, avec netteté, les droits fondamentaux tels qu'ils sont issus, pour l'essentiel, de la Convention européenne des droits de l'homme. À ce titre, les rédacteurs de la Charte ont eu le souci constant d'éviter - ce qui figurait aussi dans le cahier des charges - tout risque de divergence de jurisprudence entre la Cour européenne des droits de l'homme, responsable du respect de la Convention, et la Cour de justice des Communautés européennes, notamment en reprenant la rédaction issue de la Convention du Conseil de l'Europe lorsque celle-ci paraissait suffisamment aboutie. De même, au titre des dispositions générales, l'article 52, alinéa 3, précise que, lorsque la Charte contient des droits correspondants à des droits garantis par la Convention, "leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère la Convention".

Je pense très sincèrement que, de cette façon, les rédacteurs ont avec précision limité le plus possible le risque de jurisprudence divergente entre la Cour de Luxembourg et celle de Strasbourg. Par ailleurs, et alors que nous venons de fêter les 50 ans de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, je crois que nous pouvons faire confiance aux juges des deux juridictions pour nourrir et prolonger un dialogue qu'ils entretiennent déjà et qui constitue, sans aucun doute, une assurance contre tout risque d'une Europe des droits de l'homme à deux vitesses que certains ont pu évoquer.

Bien évidemment, la Charte, sans quoi elle aurait été un peu décevante, ne se contente pas de réaffirmer, quitte à les réactualiser, des droits préexistants. Elle consacre de nombreux droits nouveaux qui ne figurent pas dans la Convention et qui correspondent aux évolutions de nos sociétés, qu'il s'agisse du développement des technologies, de l'apparition de nouvelles dépendances, ou encore de la complexité croissante de nos systèmes administratifs et publics. Il est particulièrement important que les citoyens sachent, par exemple, que l'Union prohibe tout clonage humain à des fins reproductrices, ou encore qu'elle garantit à ses citoyens une protection des données personnelles.

Je me réjouis, enfin, bien sûr, de l'importance que ce texte accorde aux droits économiques et sociaux. La France a plaidé avec force pour que ce volet soit substantiel, mais c'était aussi la volonté de beaucoup d'autres États membres, la volonté du Parlement européen, la volonté de nombre de parlementaires nationaux, ce dont la présidence du Conseil ne peut que se réjouir. Il en allait, en effet, de la force novatrice et de la capacité d'entraînement de la Charte et de la consolidation du modèle social européen, auquel nous sommes si profondément attachés.

Il faut tout d'abord souligner l'importance de l'inclusion d'un chapitre intitulé "Solidarité". Je veux donc saluer à nouveau la personne du président Herzog qui, je crois, en est à l'origine. Cette valeur de solidarité est en effet bien celle qui résume le mieux le modèle social européen, qui est consubstantiel à la construction communautaire. Et c'est bien cette solidarité que la Charte garantit, à travers le droit à une éducation gratuite, à travers le droit des travailleurs à être informés et consultés, à travers le droit de négociation et d'action collective, y compris la grève, même si cela n'a pas été facile à inscrire dans le texte, mais aussi à travers le droit de protection contre tout licenciement injustifié, le droit à la protection sociale ou encore l'interdiction du travail des enfants.

J'insisterai aussi sur l'article 23, qui énonce de façon particulièrement claire l'égalité entre les hommes et les femmes, en précisant que cette égalité doit exister en tous domaines, et que ce principe n'empêche pas le recours à des dispositifs prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté.

Au total, je dirai que ce texte marque indéniablement la plus grande avancée collective en matière d'affirmation des droits sociaux, à la fois par l'importance des droits inscrits, et aussi parce que ces droits figurent pour la première fois dans un même texte que les droits civiques et politiques, ce qui marque de façon solennelle l'indivisibilité de l'ensemble des droits fondamentaux.

Il est vrai cependant que quelques critiques ont pu être formulées concernant le contenu de la Charte. Certains fustigent ainsi ce texte comme reflétant "les choix politiques des promoteurs d'une Europe libérale". Ils critiquent "l'obligation de consensus" comme modalité d'adoption de la Charte au sein de la Convention. Je cite là les termes d'un appel de quelques parlementaires, notamment européens, lancé récemment et qui demande une révision de la Charte. Sur la méthode, je veux rappeler que la Convention a elle-même déterminé ses règles de procédure, sans que quiconque de l'extérieur ne l'y oblige, et que la règle du consensus apparaît comme une voie particulièrement constructive dans une enceinte aussi diverse que l'était la Convention. Je suis sûr que les membres de la Convention qui s'exprimeront ici pourront le confirmer. Pour moi, ce choix a certainement contribué à obtenir un texte que je crois équilibré et ambitieux.

De son côté, la Confédération européenne des syndicats a pu se plaindre de ce qu'elle estime être des lacunes, comme l'absence de référence au droit à un revenu minimum par exemple. Je voudrais donc repréciser certaines choses à ce sujet. La Charte avait pour mission, on peut le regretter, cela viendra peut-être plus tard, de regrouper les droits fondamentaux et non pas de constituer, à ce stade, un traité social, et le mandat de la Convention, précisé par le cahier des charges initial, ne lui permettait pas de créer ex nihilo des droits sociaux entièrement nouveaux. Je suis certain qu'il y aura d'autres étapes dans cette voie.

Par ailleurs, la Charte ne constitue pas l'unique initiative de la présidence français de l'Union en matière sociale, bien au contraire. La présidence a, en effet, placé au cœur de ses priorités la promotion d'une Europe plus solidaire. Ainsi, vous le savez, la présidence, s'appuyant sur les conclusions du Conseil de Lisbonne, a lancé l'initiative d'un Agenda social, qui doit permettre de déterminer les actions que l'Union européenne engagera dans les prochaines années pour prendre en compte les besoins existants, en assurant notamment une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi, ainsi qu'une plus grande cohésion sociale.

Ces démarches - la Charte, d'une part, et l'Agenda social, de l'autre - sont pour moi complémentaires et elles traduisent bien la volonté de mettre la dimension sociale au cœur de notre construction européenne.

Je veux d'ailleurs aussi signaler des motifs de satisfaction pour la présidence, et je crois pour les autres institutions, dans la position globale de la Confédération européenne des syndicats, qui souligne le lien qu'il y a entre la Charte et l'Agenda social et qui indique, en conclusion, que la proposition de la Convention, adoptée par les chefs d'État et de gouvernement, constitue un pas important dans "le cheminement vers une Europe sociale et des citoyens". Je crois qu'il s'agit là d'une prise de position importante et que je salue.

C'est soucieux de cette volonté que les chefs d'État et de gouvernement ont donc, pour leur part, sinon adopté - cela viendra à Nice - du moins approuvé le texte de la Charte. L'équilibre trouvé par les rédacteurs a été salué par tous et la présidence ne souhaite pas la réouverture des discussions, pas davantage, je crois, que vos rapporteurs.

J'en viens maintenant, pour terminer, à une question que nous avons déjà abordée, celle de la valeur juridique de la Charte. J'ai bien entendu vos rapporteurs souhaiter à nouveau que la Charte soit le préambule d'un traité constitutionnel et on sait que j'y suis, pour ma part, favorable. Mais je voudrais vous rappeler, parce que nous sommes tenus à une grande précision eu égard à ce qui se passe aujourd'hui, qu'à Biarritz, le Conseil européen n'a pu que constater qu'une majorité des États membres n'étaient pas prêts à discuter, en tout cas pour le moment, de l'intégration de cette Charte dans les traités. Je peux donc vous assurer, puisque cette question ne pourra être formellement posée qu'après Nice, que la présidence française a bien l'intention de faire en sorte d'inscrire cette perspective dans les conclusions du Conseil européen de Nice.

Il n'en reste pas moins que plusieurs personnalités, et notamment des membres du Parlement européen, ont proposé qu'une référence explicite à la Charte des droits fondamentaux soit insérée à l'article 6 du traité sur l'Union, qui fait déjà référence à la Convention européenne des droits de l'homme. Ils ont ainsi souligné ce qui constitue effectivement un paradoxe, à savoir une situation où le Traité n'évoquerait pas un texte nouveau et propre à l'Union européenne, alors qu'il évoque déjà un texte existant qui, lui, appartient au Conseil de l'Europe.

Vous savez qu'à titre personnel, j'ai manifesté mon ouverture, et même mon soutien, à cette proposition, et je le réitère ici. Mais la présidence, une fois encore sur la base des contacts bilatéraux qu'elle a, ne peut que constater que plusieurs États membres ne le souhaitent pas. Et je voudrais d'ailleurs informer le Parlement européen qu'à l'initiative de la présidence, il y a eu, hier, une discussion au sein du groupe préparatoire sur cette question, qui m'informe que la discussion n'a pas été complètement concluante, ce qui veut dire que, peut-être, certains des gouvernements pourraient s'inspirer d'une prise de position claire du Parlement européen dans son ensemble.

Il reste que ce texte, j'en suis convaincu, par sa clarté, par sa cohérence, par son contenu, s'imposera comme le texte de référence dont l'Union avait un si criant besoin. Et donc, au nom de la présidence du Conseil, je ne peux donc que vous encourager, une fois encore, à adopter la Charte des droits fondamentaux en vue d'une proclamation conjointe et solennelle à Nice. Je suis persuadé que ce sera là un des moments importants de ce Conseil européen concluant la présidence française.

(Applaudissements)

 
  
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  Poettering (PPE-DE) . - (DE) Madame la Présidente, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, chers collègues, l'une des missions essentielles des élus directs que sont les parlementaires européens, qui représentent 370 millions de citoyens de l'Union européenne, est de rapprocher l'Europe, l'œuvre d'unification européenne, des citoyens. Il était donc judicieux et important que le Parlement européen attache une importance exceptionnelle à l'élaboration d'une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et y contribue de manière constructive.

Ce fut un grand succès pour nous autres, parlementaires - et les groupes ont fait front sur ce point, ce qui est un résultat positif -, d'avoir obtenu que seize députés représentent le Parlement européen au sein de la Convention. Le résultat qui nous est soumis montre aussi qu'il était indiqué d'impliquer comme il se devait le Parlement européen.

Permettez-moi d'exprimer notre reconnaissance et nos remerciements particulièrement chaleureux à nos représentants au sein de la Convention, sous la conduite de notre collègue Méndez de Vigo. Chers collègues - et je pense à tous les membres du Parlement européen qui ont travaillé sur ce dossier -, vous avez contribué de manière décisive à mener à bien, dans un délai très court mais avec le plus grand soin, la difficile mission confiée par le Conseil européen de Cologne. Au nom de notre groupe, je voudrais expressément remercier non seulement tous les collègues de mon groupe mais aussi, plus particulièrement, Ingo Friedrich, vice-président du Parlement, qui a coordonné nos travaux. Mais nos remerciements vont également à tous les membres de la Convention et, en particulier, à son président, l'ancien président de la république fédérale d'Allemagne, Roman Herzog, à qui j'adresse aussi mes vœux de prompt rétablissement.

Notre groupe a approuvé la Charte à l'unanimité, à l'exception de la délégation britannique. Le projet qui nous est présenté est équilibré et a déjà fait l'objet, en tant que consensus européen, de maintes louanges émanant de toutes parts. Certes, la Charte ne peut satisfaire tous les vœux. Aucun compromis ne le peut. L'Europe ne peut progresser et donc se trouver que si tous sont prêts à contribuer à la recherche d'un bon résultat. C'est le cas en ce qui concerne la Charte des droits fondamentaux.

Cette Charte découle d'une multitude de sources juridiques européennes et nationales. Elle se réclame tant de l'héritage spirituel, religieux et moral de notre continent que des valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité. La Charte qui nous est présentée repose sur les principes de la démocratie et de l'État de droit. En plaçant en son centre la personne, l'être humain en tant que personne, en fondant la citoyenneté de l'Union et un espace de liberté, de sécurité et de justice, cette Charte crée une profonde transparence. Elle signifie sans équivoque aux citoyennes et citoyens les droits fondamentaux qui leur sont conférés. Elle indique aux institutions, aux organes et aux instances de l'Union européenne quelles sont les positions juridiques qu'ils doivent absolument prendre en considération et respecter dans le cadre de leur action en faveur des citoyens d'Europe.

J'estime que cette Charte est un coup de maître et qu'elle peut devenir, comme le titrait un grand journal européen le 26 septembre dernier, la carte de visite de l'Europe. J'ai déjà signalé, lors du débat en séance plénière du 3 octobre relatif au Sommet de Biarritz et de la discussion entamée quant au traitement futur de cette Charte, qu'il était désormais question de l'avenir de l'Union européenne.

Chère Madame la Présidente, nous sommes d'accord de vous mandater afin de proclamer cette Charte, avec le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne, lors du Sommet qui aura lieu dans quelques semaines à Nice. Toutefois, nous pensons que cet acte solennel ne peut être qu'une étape intermédiaire. L'Union européenne est aujourd'hui bien davantage qu'une communauté économique. Si nous voulons, en tant que représentants et mandataires des citoyens de l'Union européenne et de l'Europe tout entière, poursuivre avec ambition et détermination l'unification de notre continent, la proclamation solennelle ne peut être qu'un premier pas. En tant que parti populaire européen, nous sommes unanimement favorables à l'inclusion aussi rapide que possible de la Charte des droits fondamentaux dans les Traités, afin qu'elle ait force de loi immédiate pour les citoyens de l'Union européenne.

(Applaudissements)

Monsieur le Président du Conseil, vous vous êtes exprimé sur cette question et je comprends tout à fait la problématique évoquée dans votre intervention mais je déclare très clairement, au nom du parti populaire européen, que nous attendons de Nice un résultat ambitieux, non seulement pour ce qui est des conditions nécessaires à l'élargissement de l'Union européenne mais aussi en ce qui concerne cette Charte. C'est pourquoi, au nom des députés du parti populaire européen, j'invite une nouvelle fois la présidence du Conseil à s'atteler à l'élaboration d'un calendrier relatif à la transposition juridique de la Charte des droits fondamentaux dans le traité sur l'UE. Nos vœux de succès accompagnent la présidence française du Conseil. Car votre succès serait celui du Parlement européen et de tous les citoyens au sein de l'Union européenne.

(Applaudissements)

 
  
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  Barón Crespo (PSE). - (ES) Madame la Présidente, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, chers collègues, l'histoire de l'intégration européenne a été marquée par des moments que l'on peut considérer comme des points d'inflexion historique. C'est aujourd'hui le cas, parce que l'adoption de la Charte par le Parlement sera un pas de plus vers la réalisation des rêves et projets des pères fondateurs. Je tiens à rappeler que la première fois que l'on a évoqué la déclaration des droits, c'est au congrès du mouvement européen qui s'est tenu à La Haye en 1948 et qui est à l'origine de la convention européenne des droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Aujourd'hui, nous réaffirmons, au niveau de l'Union européenne, que nous formons une communauté de valeurs. Nous avons donné un véritable contenu à la citoyenneté européenne, reconnue dans le traité sur l'Union, et nous avons consolidé notre espace, non seulement en tant que marché intérieur mais également en tant qu'espace de droit où sont reconnus les droits fondamentaux des personnes.

Pour les socialistes et les sociaux-démocrates de l'Europe entière, l'approbation de la Charte nous permet également de tenir un engagement que nous avions pris devant nos électeurs. Nous nous étions présentés aux élections en proposant un manifeste qui énonçait vingt et une priorités, dont l'une, fondamentale, était de lancer une charte européenne des droits afin de consacrer les droits fondamentaux civiques, économiques, sociaux et culturels des citoyennes et citoyens de l'Union.

Le sommet européen de Cologne, sous la présidence allemande du chancelier Schröder, a précisément proposé, d'une part, l'enceinte qui s'est transformée en convention et, de l'autre, la rédaction de cette Charte. Il a lui donné le mandat et a nommé un ancien président de la République, M. Roman Herzog, à la présidence de cette instance. Je crois qu'il faut le souligner aujourd'hui parce que le travail que nous avons réalisé n'est le patrimoine exclusif d'aucune famille politique et je pense que ce geste honore la présidence allemande d'alors et montre que nous devons avancer tous ensemble vers la concrétisation des valeurs fondamentales. Je crois que nous l'avons fait au Parlement européen également. J'ai eu l'occasion d'exprimer mon admiration pour le travail réalisé par Íñigo Méndez de Vigo, en tant que président de la délégation du Parlement européen. Je tiens également à souligner le rôle essentiel qu'a joué ma camarade Pervenche Berès lorsqu'elle a dirigé la délégation du groupe socialiste. Je crois que nous pouvons tous nous enorgueillir de cette réussite, réussite partagée.

Aujourd'hui, l'Europe est davantage qu'un marché commun et nous avons en outre un élément fondamental de ce qui devra être une constitution. Toutefois, malgré tous les efforts déployés, il reste encore un pas fondamental à accomplir pour nous considérer satisfaits - je dis cela en pensant au sommet de Nice -, à savoir le dernier point que le président du Conseil a mentionné : l'intégration de la Charte dans l'article 6 du Traité. Je crois que, outre l'adhésion personnelle répétée du président en exercice du Conseil, une série d'élément y sont favorables. La plupart des chefs d'État et de gouvernement appartiennent à notre famille politique ; d'autres non, mais ils sont favorables à cette intégration et à une Europe réformée et démocratique.

La Charte donne une légitimité fondamentale à l'Union en tant que communauté de valeurs et il faut le souligner, parce que nous avons également vécu des événements montrant que l'article 7 doit avoir une assise bien plus solide. Nos gouvernements doivent obtenir à Nice des résultats concrets à offrir aux citoyens - les thèmes institutionnels sont importants, mais, comme le savent bien le président du Conseil et le commissaire, ils sont difficiles à vendre à l'opinion publique.

La Charte représente en outre une concrétisation des critères de Copenhague, que nous considérons essentiels pour les négociations d'adhésion. Je dirais même plus, en pensant aux pays qui négocient actuellement avec nous, elle leur offre également des garanties face à nous. Il ne s'agit pas d'une simple déclaration, mais bien d'un élément qui s'inscrit parfaitement dans le processus de négociation. Par conséquent, mon groupe continue de penser qu'il est absolument fondamental d'inclure une référence à la Charte dans l'article 6, paragraphe 2, du Traité. Comme je pense que le président du conseil va passer un week-end très chargé avec le prochain conclave, je lui demande d'y transmettre un message, pour que les ministres des Affaires étrangères le transmettent à leur tour aux chefs d'État et de gouvernement. Le voici : si le Conseil européen de Nice ne parvient pas à intégrer la Charte de cette manière, je crains bien que le Parlement européen éprouvera des difficultés à approuver la réforme des Traités. Il s'agit là, je pense, d'un message positif, que le président du Conseil doit envoyer à ses collègues, parce que nous avons encore le temps d'intégrer la Charte dans l'article 6 des Traités. Après Nice, nous pourrons commencer à parler de la constitution européenne. Pour l'heure, ce qui est fondamental, c'est de consolider cette étape.

Telle est notre proposition.

 
  
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  Malmström (ELDR). - (SV) Madame la Présidente, permettez-moi de commencer par féliciter, au nom du groupe ELDR, les rapporteurs et tous ceux qui ont participé à la convention.

Ils ont montré que l'on pouvait travailler sur des questions européennes d'une manière nouvelle et exemplaire, supérieure à celle de la conférence intergouvernementale, puisqu'elle donne à ces travaux un caractère ouvert et démocratique, en permettant aux citoyens d'exercer pleinement leur droit de regard et d'y participer.

Le fait que la coopération européenne ne repose pas uniquement sur des accords économiques a été évoqué plus d'une fois. Cela est apparu de façon encore plus claire au cours de l'année écoulée. L'apparition de mouvements xénophobes et antidémocratiques a révélé dans toute son acuité la question des valeurs communes européennes.

À mesure que s'accroît le pouvoir des institutions européennes vis-à-vis des citoyens, il est également important de fixer des limites à leur influence. La Charte proposée place, comme cela n'a jamais été fait, le citoyen et ses droits au centre des préoccupations de l'UE. Bien entendu, ce texte a aussi donné lieu à des compromis politiques, il y a eu du donnant, donnant. Mais globalement, nous avons affaire à une liste de droits communs à nos pays et modernes dans leur caractère, qui concrétisent clairement la communauté de valeurs de l'Europe. Face à une certaine inquiétude qui se fait jour, il est important de préciser que la Charte a pour vocation de compléter la convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme, et non pas de lui faire concurrence. C'est pourquoi il sera capital, dès le sommet de Nice, de créer les conditions juridiques nécessaires pour que l'UE puisse signer la convention du Conseil de l'Europe.

Lors du sommet de Nice, la Charte sera adoptée sous la forme d'une déclaration politique. Il ne faudrait surtout pas que cette initiative débouche uniquement sur une cérémonie où seront faites des déclarations sans teneur. Les citoyens sont las de ce types d'événements à grand spectacle. Il faut affirmer clairement que la Charte est conçue comme ayant un caractère obligatoire sur le plan moral.

Dès que possible après le sommet, la présidence suédoise devra fixer les méthodes de travail qui permettront de déterminer le futur statut de la Charte, l'objectif étant de lui donner valeur de loi, après un certain nombre de modifications, et de faire en sorte qu'elle constitue une partie de la future constitution européenne.

 
  
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  Boumediene-Thiery (Verts/ALE). - Madame la Présidente, chers collègues, la charte des droits fondamentaux - étape essentielle de la construction européenne - a suscité de nombreux débats. Pour les uns, c'est un succès ; pour les autres, c'est aujourd'hui un espoir déçu. Nombreux furent ceux qui pensèrent que l'Europe détenait enfin la possibilité de sortir de l'unique zone de libre-échange et de l'ornière libérale pour jeter les bases d'une Europe des citoyens.

Tout concourait à renforcer cet espoir : la composition de la Convention qui constituait un précédent original par rapport à la méthode intergouvernementale habituelle, des débats publics et l'ensemble des textes disponibles sur un site Internet accessible à tous, ainsi que la société civile appelée à faire entendre sa voix. Mais la transparence ne remplaça pas le déficit démocratique, puisque les ONG ne purent s'exprimer que cinq minutes et que leurs réflexions ne furent que rarement prises en compte.

Oui, quelques avancées existent, mais c'est insuffisant par rapport aux lacunes. Il a fallu plusieurs semaines de bataille pour y inscrire le droit de grève. Le droit au travail s'est transformé en droit de travailler. Le droit à la santé, à la sécurité sociale, au logement ou au revenu minimal sont inexistants ou seulement de l'ordre de la solidarité. La liberté de la presse n'est plus une "garantie" elle est "respectée". Le droit des minorités est minimaliste. La discrimination entre Européens et résidents des pays tiers est entérinée, comme pour la liberté de circulation prévue dans le traité d'Amsterdam, ou pour le droit de vivre en famille pourtant reconnu dans le droit international. Nombre de droits, dont les droits politiques, sont l'objet d'une préférence européenne se substituant à la préférence nationale.

Où sont donc nos sacro-saints principes d'universalité, d'indivisibilité et d'unicité du droit ? Qu'est devenue la citoyenneté européenne, cœur de cette Europe de l'égalité pour tous les citoyens ? Reste un sentiment amer. Cette Charte constitue le prolongement d'une Europe libérale contre l'Europe sociale des citoyens. Quelle attitude adopter aujourd'hui vis-à-vis de ce texte, qui n'est pas mieux que rien car il est en deçà de l'existant ?

En l'état actuel, cette Charte n'est pas en mesure de devenir "signifiante" pour les citoyens d'Europe. Elle n'apporte qu'une plus-value ; elle ne répond en rien à leurs attentes, ni à leurs besoins. En termes de droits fondamentaux, peut-on accepter un dénominateur commun minimal alors que l'Europe se veut un modèle en ce qui concerne les droits humains ? Il faut refuser de se contenter de cette Charte minimaliste comme semble s'y résigner la social-démocratie européenne. La Charte ne peut pas être un faire-valoir pour la présidence française afin de masquer une CIG moribonde.

Lors du sommet européen de Nice, en décembre, la société civile a décidé de se mobiliser pour faire entendre sa voix et clamer son désir d'une charte offrant de véritables garanties pour les citoyens d'Europe. Nous devons soutenir ces actions et, plutôt que d'accepter un texte boiteux, demander la poursuite des travaux de la Convention après Nice, avec de nouvelles procédures et un large débat public. Il y va de l'avenir de notre démocratie, ainsi que de nos droits et de nos libertés.

 
  
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  Kaufmann (GUE/NGL) . - (DE) Madame la Présidente, la Charte des droits fondamentaux est un projet politique très important pour l'avenir de l'intégration européenne et elle rencontre mon approbation. Pourquoi ? Premièrement, elle garantit les droits des citoyennes et citoyens vis-à-vis des organes et institutions de l'Union européenne. Deuxièmement, elle comble une lacune dans la protection des droits fondamentaux des personnes vivant dans l'Union. Troisièmement, la Charte garantit aussi le niveau de protection existant au sein de l'Union de la Convention européenne des droits de l'homme et va même, sur certains points, au-delà de ce niveau. Quatrièmement, et c'est particulièrement significatif pour moi, la Charte part du principe de l'indivisibilité des droits civils et politiques, d'une part, et des droits sociaux, d'autre part. En tant que membre de la Convention, j'ai plaidé pour des droits sociaux encore plus étendus, en particulier pour l'ancrage du droit au travail et pour un revenu minimum d'existence, ce qui aurait sans aucun doute dû être repris au vu de la Charte sociale.

Toutefois, je partage l'évaluation générale formulée par la Confédération des syndicats européens qui juge que la Charte des droits fondamentaux constitue, en dépit de l'interprétation étroite qui y est faite des droits sociaux, un pas important sur la voie d'une Europe sociale et d'une Europe des citoyens et offre une valeur ajoutée par rapport à la situation actuelle.

Madame la Présidente, je pense que ce dont nous avons besoin à présent, en particulier en vue du Sommet de Nice, est un large débat public avec les citoyens sur le texte de la Charte. Je pense aussi que nous devons envisager de leur donner la possibilité d'approuver cette Charte. C'est la raison pour laquelle je suis personnellement favorable à la tenue d'un référendum européen sur cette Charte afin que la construction européenne dispose enfin d'une légitimité démocratique directement accordée par les citoyens.

 
  
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  Muscardini (UEN). - (IT) Madame la Présidente, on accorde souvent une grande importance à la signature de chartes ; souvent, les signatures sont mythifiées. C'est ce qui arrivé avec la Charte des droits des travailleurs, signée à Strasbourg au cours d'un Conseil européen qui semblait avoir résolu l'engagement des institutions dans le sens de la solution des problèmes liés à la protection de la dignité des travailleurs. Le démenti est arrivé ensuite : à Maastricht en effet, la Grande-Bretagne ne souscrit pas au protocole social, infirmant ainsi la copieuse rhétorique répandue à pleines mains sur l'importance fondamentale de la signature de la Charte des droits des travailleurs.

Eh bien, faisons en sorte qu'il n'arrive pas la même chose à la Charte des droits fondamentaux. Pour ce faire, au-delà des signatures, il est essentiel que tous les pays et toutes les forces politiques prennent un engagement effectif et le respecte tous les jours. La Charte n'est pas amendable. Il en naît un déficit démocratique qui nous fait partager les conclusions de Biarritz de ne pas la considérer comme juridiquement contraignante. En effet, si la Charte était amendable, si l'on rappelait qu'elle est muette sur les devoirs et lacunaire sur les droits, ce serait plus facile. La Charte est trop faible dans la défense de la famille naturelle, dans la protection de l'enfance ; elle ignore la nécessité de règles pour toutes les nouvelles technologies concernant l'information mondiale ; elle crée une discrimination entre l'instruction privée et l'instruction publique ; elle ne parle pas, dans la défense de l'environnement, de la protection de la santé et des droits des animaux ; elle est générique pour ce qui est de la défense des consommateurs et laisse la porte ouverte à la commercialisation d'aliments gravement nocifs pour la santé. De plus, elle présente des lacunes politiques : par exemple, elle n'aborde pas le problème des réfugiés politiques.

C'est pourquoi nous estimons que la Charte est importante, en tant que position de principe, uniquement parce qu'elle lance un débat. Un débat que nous jugeons utile pour l'avenir mais qui doit également encore se développer, qui doit avoir lieu parallèlement au processus d'unification. Nous donnerons à cette Charte la valeur d'une déclaration politique qui nous lie tous. Nous voterons donc en faveur de la recommandation et Alleanza nazionale s'engage à mener un débat démocratique qui devra intégrer et perfectionner le contenu de la Charte au cours des prochains mois et qui devra procéder contextuellement à l'adhésion et à la nouvelle citoyenneté européenne.

 
  
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  Dupuis (TDI). - Madame la Présidente, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, chers collègues, je crois que cette Charte est tout simplement la énième démonstration de la capacité de l'Union et de nos États membres à multiplier les textes vides, les déclarations d'intention.

Cette Charte, vous le savez, n'a aucune base juridique. Cette Charte ne prévoit aucun organisme en mesure de faire respecter les principes et les droits qu'elle énonce. Cette Charte est un nouveau texte vide et ce ne sont pas les appels lancés par M. Barón et d'autres pour introduire la question de la Charte à l'article 6 et à l'article 7 du traité qui vont changer quelque chose. Nous savons, de par l'exemple autrichien, que l'Europe a réagi en-dehors du traité avec des mesures bilatérales, et qu'elle n'a pas eu la force, parce que l'article 6 et l'article 7 ne le permettaient pas, de faire respecter les grands principes dont elle se réclame.

La question est plus importante. À Cologne, le Conseil a eu cette idée géniale de s'inventer un os pour le chien, le chien étant le Parlement européen. Il a inventé cette Charte, et notre Parlement - comme il a de plus en plus coutume de le faire - s'est jeté sur l'os à ronger et l'a rongé tant et plus, si bien que nous avons l'impression aujourd'hui de participer à un événement historique ; or les vraies questions auxquelles nous sommes confrontés, ce sont les pages blanches du document de synthèse de la présidence française, la question de la Commission et la question de la pondération des voix au sein du Conseil, et notre Parlement, qui a toujours été fort avec les faibles et faible avec les forts, qui se montre de plus en plus vil dans sa manière d'affronter les choses, ne trouve rien à dire sur cette destruction programmée de la Commission. Il accepte cette dérive qui transforme la Commission exécutive en sous-conseil, exécutant d'un Conseil qui est et qui sera toujours plus fort.

Ce qui figure à l'ordre du jour du sommet de Nice, c'est la dérive intergouvernementale ancrée dans les textes. Vous pouvez l'accepter, vous pouvez vous défouler sur de grands textes vides, mais voilà la réalité et il est désolant de constater que les petits pays de l'Union européenne, en persistant à vouloir un commissaire par État membre, renforcent ce dessein qui est celui de l'affaiblissement de la Commission.

Nous sommes en train de programmer un assassinat de la Commission, un assassinat qui est aussi un suicide dès lors que, la semaine dernière, la Commission s'est rangée aux propositions du Conseil. Alors pleurons ou faisons semblant d'être joyeux, célébrons ce grand événement qui n'en est pas moins un grand événement vide. Je pense qu'il est utile de se le rappeler.

Que nous votions pour cette Charte, que nous votions contre, que nous nous abstenions, cela ne changera rien.

 
  
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  Bonde (EDD). - (DA) Madame la Présidente, on n'a pas l'impression que M. Dupuis et moi-même parlons du même texte. On peut deviner derrière le vote sur la Charte un programme visant à instaurer la première partie d'une constitution de ce qu'on pourrait appeler les États unis d'Europe. Le texte ne sera pas inscrit dans le Traité avant que ne soit organisée une conférence spécifique sur ce problème en 2004, mais la signature solennelle de ce texte par la Commission, le Conseil et le Parlement offrira déjà à la Cour de justice européenne une nouvelle base de référence pour ses arrêts et le représentant de la Cour de justice a déjà déclaré que la Cour s'inspirerait de la Charte. Le représentant de la Commission à la convention de Turin a ajouté au document une portée juridique. Les déclarations du gouvernement danois selon lesquelles la Charte n'apportera absolument rien de nouveau est donc absurde. Que faut-il donc faire de ce texte ?

Il y a évidemment de nouveaux éléments dans la Charte par rapport au droit actuel. On y trouve, par exemple, une interdiction de discrimination des minorités nationales, ce qui est un bon point ; il y a aussi une nouvelle formulation du traitement positif en faveur du sexe sous-représenté ainsi que de nouvelles règles concernant le clonage, la protection des personnes et le droit d'accès aux documents. Le problème ne concerne pas le contenu de la Charte, mais son objectif, qui consiste à damer le pion aux constitutions nationales ainsi qu'à la déclaration européenne des droits de l'homme. La Cour de justice européenne deviendra notre nouvelle cour suprême et notre nouvelle cour constitutionnelle, y compris pour toutes les questions liées aux droits fondamentaux et aux droits de l'homme, et elle deviendra également l'organe supérieur d'interprétation de la déclaration européenne des droits de l'homme. J'ai présenté, à l'occasion de la convention, un amendement demandant que la Charte s'aligne sur les cours constitutionnelles nationales ainsi que sur la Cour européenne des droits de l'homme. Il n'a pas été accepté, ce qui témoigne bien de l'objectif visé, à savoir l'établissement d'une constitution. Je suis donc obligé, Madame la Présidente, de voter contre le document.

 
  
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  Friedrich (PPE-DE) . - (DE) Madame la Présidente, je voudrais tout d'abord remercier chaleureusement mon ami Méndez de Vigo, en tant que chef de délégation, qui vient de s'entretenir avec moi car je dois diriger tout à l'heure une conciliation au nom du Parlement. La Convention a accompli de l'excellent travail. Par le résultat obtenu, Monsieur le Ministre, l'Europe s'est également penchée sur ses bases spirituelles. Cela nous permet de juger ce qui constitue la cohésion la plus intime de l'Europe. De nombreux droits nouveaux sont évoqués en faveur des enfants, des seniors, des handicapés mais il est aussi question - ce qui me paraît intéressant - d'un droit à la liberté d'entreprise, ce qui s'assimile pour ainsi dire à une interdiction du socialisme.

(Interruptions)

Dans la pratique, c'est ainsi. D'ailleurs, vous êtes à présent des sociaux-démocrates et non plus des socialistes. Je trouve également important que le préambule de la Charte évoque très clairement les fondements spirituels et religieux car celui qui nie ses racines ne peut croître et celui qui ne peut croître ne peut prospérer. Or, nous voulons une Europe florissante, prospère, une Europe qui grandisse. C'est pourquoi nous voulions et devions évoquer ces racines.

Quid de la suite ? La Charte des droits fondamentaux doit faire partie du futur traité constitutionnel européen - pas d'une future constitution - afin qu'il apparaisse clairement que l'Union européenne n'est pas un État, n'est pas un État national, mais qu'elle va sa propre voie. Les États nationaux conservent une place prépondérante. Eux et eux seuls peuvent modifier les Traités par la voie d'une ratification. Ce point apparaît clairement si nous parlons d'un traité constitutionnel plutôt que d'une constitution. Si nous voulons être crédibles, nous ne pouvons nous contenter de recopier les concepts de droit public hérités des XIXe et XXe siècles en vue de développer l'Union européenne : il nous faut élaborer des concepts idoines. Nous avons donc tout à fait raison de parler d'association d'États plutôt que d'État ; de parler de Commission ou d'exécutif plutôt que de gouvernement ; de parler de traité constitutionnel plutôt que de constitution. Celui qui veut la réussite de l'Europe doit clairement définir les concepts ; celui qui veut la réussite de l'Europe a besoin d'une Europe qui garde la ligne. Nous voulons la réussite de l'Europe et les bases doivent donc être correctes ; les concepts doivent être corrects et clairement définis ; les compétences doivent être correctes : nous pourrons alors éventuellement, à l'occasion des prochaines élections européennes de 2004, présenter un traité constitutionnel dont émergera un ensemble qui recueillera la confiance des citoyens et pourra convaincre les spécialistes. La clarté des concepts est le début du succès.

(Applaudissements)

 
  
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  Berès (PSE). - Madame la Présidente, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, chers collègues, je crois que le vote que notre Parlement va émettre pour vous permettre, Madame la Présidente, de proclamer cette Charte au nom de notre institution, est un vote important. Après l'heure du marché, l'heure de l'Europe des droits est peut-être enfin arrivée. Le concept de citoyenneté dans l'Union européenne est un concept relativement neuf.

Souvenons-nous, c'était une initiative de Felipe Gonzales, qui nous avait proposé ce beau concept. Depuis, il s'est développé et il a vécu. Jusqu'à présent, il ne vivait qu'à travers un hymne, un passeport. Maintenant, il me semble qu'avec cette Charte, il aura aussi un contenu, la définition de droits tels que nous les déclinons dans ce beau texte. C'est un beau texte parce qu'il est lisible, clair, précis, rédigé "comme si" - nous verrons pour demain - mais en attendant, dès aujourd'hui, il peut être lu comme un texte de droit, et c'est ce que nous voulions. C'est aussi un texte qui, pour les femmes, représente un progrès, puisqu'il est rédigé dans un genre neutre.

Mais c'est aussi un texte dont nous pouvons être fiers sur le fond, parce qu'il est équilibré. Son premier droit, c'est celui de la dignité. Comment ne pas reconnaître qu'au XXIe siècle, derrière le concept de dignité, c'est l'ensemble des droits, dans leur indivisibilité, qui l'emporte. C'est à la fois les droits de la personne, les droits du citoyen, mais aussi les droits sociaux.

Je le sais, le mandat de Cologne était difficile. C'était un mandat équilibré, diront certains, mais insuffisant, pour d'autres ; c'était un mandat que nous avons utilisé dans toute sa dynamique, et je dirais presque jusqu'au bout de sa dynamique. Certains, dans cette Assemblée, y compris dans ma propre famille politique au sens large, regretteront l'absence du revenu minimum, du droit au logement, ou l'absence de référence explicite à la Charte sociale du Conseil de l'Europe et à la Charte communautaire dans les dispositions générales du texte. Et pourtant, je les invite à lire le texte avec sérieux. Dans les interventions que j'ai entendues ce matin, je ne suis pas sûre que tout le monde ait vraiment lu ce texte, dans toute sa portée.

Cette portée, je veux en dire un mot. Lorsqu'il est dit, en matière de droits sociaux, que ce texte ne va pas assez loin, j'invite ceux qui sont sur cette ligne de pensée à regarder la valeur juridique des textes dont nous sommes jusqu'à présent dotés au plan européen en matière de droits sociaux. La Charte est en effet rédigée comme un texte pouvant avoir une valeur contraignante. Elle va bien au-delà de textes avec lesquels nous nous identifions politiquement, mais qui, du point de vue du dispositif juridique qui les met en œuvre, même s'ils reposent, bien sûr, sur des politiques communes, en termes de droit, ne définissent cependant pas de réels droits, pouvant un jour ou l'autre être reconnus par un juge.

Ce texte, il faut le faire connaître, il faut le faire vivre. Pour reprendre une expression de Catherine Lalumière, je dirais "il faut le mettre sur orbite". Pour cela, nous avons tous besoin de travailler main dans la main, sur la base d'un vote le plus large possible, j'espère, de cette Assemblée. Cela suppose notre mobilisation à nous, parlementaires européens, celle de nos collègues parlementaires nationaux, du Conseil, bien sûr, celle des gouvernements, mais aussi celle de cette société civile qui nous a accompagnés dans le processus d'élaboration du texte.

Un mot de la valeur juridique. Monsieur le Président en exercice du Conseil, vous avez bien voulu vous faire l'écho des travaux de la CIG, hier soir. J'ai eu l'impression que, même si plusieurs gouvernements ne le souhaitent pas, une majorité pourrait presque se dégager en faveur d'une inscription dans l'article 6. Ce n'est pas l'alpha et l'omega du statut de cette Charte. Elle devra avoir sa juste place comme préambule à une constitution, mais cela, c'est pour une histoire institutionnelle future. Dans l'immédiat, nous restons attachés à cette référence à l'article 6. C'est le mandat que nous avons donné à nos représentants. Pour notre Parlement, l'étape que nous allons franchir est le fruit d'un long combat, que nous avons engagé dès 1975 et qui, au fil de nos résolutions, de nos projets Spinelli, de nos projets de constitution européenne, a été rappelé en permanence. J'espère qu'au moment du vote nous pourrons être le plus nombreux possible dans cette Assemblée, pour que votre voix, Madame la Présidente, soit une voix forte au moment de la proclamation.

 
  
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  Thors (ELDR). - (SV) Madame la Présidente, la Charte comporte plusieurs points qui sont bienvenus. Le droit à la bonne administration, qu'a aussi évoqué Mme Malmström, représente l'un des progrès les plus significatifs. Ce droit n'existe dans aucune autre convention internationale et il fait défaut dans bon nombre des constitutions de nos États membres.

Le droit à un mode d'administration plus ouvert est l'une des améliorations les plus concrètes que la Charte offre aux citoyens de l'UE. La Charte représente également une ouverture en faveur des droits des minorités, puisque l'article 22 stipule que l'Union doit respecter la diversité culturelle, religieuse et linguistique. Allié à l'interdiction d'exercer des discriminations, ce respect constitue le fondement sur lequel pourront s'appuyer, par la suite, les mesures visant à garantir la position des minorités.

La méthode de travail utilisée s'est avérée un succès. Ce succès est tel que le Premier ministre finlandais, dans son allocution de vendredi dernier, a indiqué cette méthode comme un moyen de présenter des idées en vue de la future constitution européenne. C'est à mes yeux un fait important. Cependant, il est tout aussi important que l'UE adhère aux conventions internationales en matière de droits de l'homme. Les deux démarches sont indissociables.

Enfin, je constate avec satisfaction que les droits des enfants sont également cités. J'espère que cela fournira à M. le commissaire Vitorino la base nécessaire pour prendre des mesures qui puissent permettre à l'UE d'apporter une contribution au prochain sommet mondial de l'enfance, cet automne. Je note également avec une grande fierté qu'un représentant du groupe dont je fais partie au parlement finlandais, M. Gunnar Jansson, a joué un rôle très important lors de l'élaboration de cette Charte. Je pense qu'il a contribué à la clarté évoquée dans cet hémicycle par Mme Berès. La Charte est claire et concise, et constitue un exemple, comparé à de nombreux textes constitutionnels.

 
  
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  MacCormick (Verts/ALE). - (EN) Je voudrais me joindre aux félicitations et remerciements adressés à M. Méndez de Vigo et à tous ceux qui y ont travaillé. Non seulement je les remercie, mais je les envie. Un travail extraordinaire a été accompli.

Nous disposons d'un texte qui énonce de manière concise en quoi consiste l'Europe et qui énonce quels droits nous défendons en tant que citoyens de cette grande Union. Je suis triste, en effet, de voir les conservateurs britanniques exprimer leur opposition à l'idée de rendre les institutions de l'Union responsables en matière de violation des droits des citoyens de l'Union. Il est déplorable que le parti de Churchill et de Maxwell Fyfe, au moment où nous nous efforçons enfin de garantir que les institutions de l'Union ne soient pas représentés par des tyrans à Bruxelles, mais soient composées de personnes sujettes, aux termes de l'article 51, aux obligations liant toutes les institutions de l'Union, en soit arrivé au point où les conservateurs britanniques disent "non".

Dans quelle mesure M. Blair accordera à sa meute la liberté de s'exprimer sur ce projet brillant, je n'en sais rien, car je ne l'ai pas encore entendue. J'espère que M. Martin, qui a contribué de manière si remarquable à cette Convention, persuadera ses collègues qu'il est non seulement temps d'adopter cette Charte, mais également de l'intégrer dans notre législation, liant les personnes qui nous gouvernent, et qu'il ne suffit pas de la proclamer, mais qu'il convient de l'intégrer dans les Traités en tant que partie contraignante. À l'heure actuelle, la meilleure manière de procéder serait d'y faire référence dans l'article 6, mais cela ne constitue qu'un début.

Ce n'est pas un document parfait ; nous savons tous que ce n'est pas un document parfait. Dans la vie, rien n'est parfait et le fait de déclarer des droits mais de ne pas les défendre de manière effective ne relève pas de la perfection non plus. Je note cependant qu'il y a des articles relatifs à la présomption d'innocence, au principe de légalité et au droit de la défense. Comme je l'ai dit hier soir - je le répète aujourd'hui -, il y a trop de manquements en la matière, partout au sein de cette Union, et, parfois, emportés par notre désir de développer la coopération judiciaire et policière, nous négligeons l'importance de garantir que les innocents ne deviennent pas des victimes passives, des dégâts collatéraux de la guerre contre le crime.

Ne nous contentons pas d'adopter ces droits, mais faisons en sorte qu'ils soient réels dans le cœur et l'expérience de nos citoyens et intégrons-les dans notre législation.

 
  
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  Ainardi (GUE/NGL). - Madame la Présidente, je ne sous-estime pas l'ambition très importante d'affirmer une communauté des valeurs humaines ni le fait que, pour la première fois, dans ce type de texte, soient mis sur le même plan des droits civils, politiques et sociaux. Je pense aussi que la méthode inaugurée avec la Convention a été innovante dans un souci de plus d'information et de transparence. Pourtant, à côté de tout cela, reste une grande insatisfaction.

Il y a un décalage important entre l'ambition de départ et ce à quoi nous sommes arrivés. Bien sûr, il est possible de mettre en avant tel ou tel article, de saluer des avancées réelles dans l'affirmation d'un certain nombre de droits nouveaux liés à l'évolution de nos sociétés ou la réaffirmation de droits fondamentaux décisifs. On peut aussi relever des articles bien en deçà des droits reconnus de par ailleurs, notamment concernant le domaine social.

Il ne s'agit pas de faire une colonne du positif et une du négatif, Madame la Présidente. La dernière fois, vous aviez parlé du verre à moitié vide ou à moitié plein. Il s'agit bien d'appréhender la Charte dans la globalité de sa démarche et de son ambition et de se poser la question : "est-elle à la hauteur des exigences et des attentes des citoyens européens, leur donne-t-elle des points d'appui pour affronter les défis de la période ?

Oui, j'ai lu le texte, je l'ai lu et relu. C'est effectivement un texte lisible. J'entends les arguments qui ont été avancés par mes collègues, mais je continue à estimer qu'il y a des ambiguïtés très dangereuses dans la Charte et que le dénominateur commun reste un minima.

Enfin, malgré les innovations de la Convention, dont j'ai parlé, il faut dire les choses franchement. Les citoyens européens sont restés sous-informés et s'ils avaient été sollicités - comme cela aurait dû être nécessaire - pour contribuer à l'élaboration de la Charte, son contenu aurait été certes différent.

Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Nice ne devrait pas être seulement un point d'arrivée pour la Charte, le lieu d'une autosatisfaction proclamée, mais il serait judicieux d'en faire le point de départ d'un débat "citoyen" le plus large possible sur cet enjeu si important des droits fondamentaux.

Enfin, justement parce que la décision sur la Charte est une décision politique majeure, je suis de ceux qui considèrent dans ce Parlement qu'il est prématuré de se prononcer aujourd'hui.

 
  
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  Berthu (UEN). - Madame la Présidente, le projet de résolution du Parlement européen sur la Charte des droits fondamentaux est fondé sur la même ambiguïté que les travaux de l'enceinte. Dans l'un et l'autre cas, on vous demande d'approuver un texte sans vous dire à quoi il servira. Est-ce une déclaration politique ? Est-ce un complément au Traité ? Est-ce la première partie d'une future constitution ? On vous le dira plus tard, sans doute après Nice. Cette incertitude introduit un vice fondamental dans les consentements donnés lors de la clôture des travaux de l'enceinte ou dans les votes d'aujourd'hui. Certains se rassurent en effet en pensant qu'un vote positif n'engage à rien, car la Charte devrait rester une simple déclaration. C'est une erreur. Au minimum, ce texte, s'il est adopté tel quel - et c'est une réserve importante, j'y reviendrai - deviendra contraignant, par le biais de la jurisprudence de la Cour de justice.

Dans ce processus, deux aspects me paraissent fascinants. Le premier, c'est que la Charte ainsi adoptée nous emmènerait tout droit vers une Europe uniformisée, dont l'immense majorité des membres de cette Assemblée dit qu'elle a horreur et dont ses électeurs ne veulent absolument pas. Mais la jurisprudence de la Cour de justice qui, demain, va interpréter les droits dans le détail s'appliquera de manière uniforme à toute l'Europe, en privant chaque démocratie nationale de son droit de décision autonome. Vous ne pourrez pas dire demain, Messieurs et Mesdames les Députés, que vous ne saviez pas.

Second aspect fascinant : nous sommes en train de discuter aujourd'hui d'un sujet - les droits de l'homme et du citoyen - sur lequel l'Union n'a aucune compétence. Mais le Conseil de Cologne, aidé par l'enceinte, qui a joué à merveille son rôle de semeur de confusion, a fini par faire oublier à tout le monde qu'il s'agit là d'une compétence des parlements nationaux, que ces derniers sont en train de se faire subtiliser par glissements progressifs.

En effet, sur la base des traités actuels, la discussion d'aujourd'hui est parfaitement illégitime. Voilà un bien mauvais présage pour une Europe qui prétend vouloir faire respecter les droits fondamentaux.

C'est pourquoi je pense - et là je m'adresse tout particulièrement à la présidence du Conseil - que si les gouvernements réunis à Nice adoptent la Charte comme déclaration politique, ils devraient la faire précéder d'une déclaration préliminaire rappelant que la définition et l'évolution des droits des citoyens sont, dans tous les cas, du ressort exclusif des parlements nationaux.

 
  
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  Speroni (TDI). - (IT) Madame la Présidente, nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme. La présente Charte me semble en être une mauvaise copie. Elle crée la perplexité sous le profil juridique, par exemple quand elle dit, au point 2 de l'article 2 "Nul ne peut être condamné à la peine de mort" - ici, pas de problème -, et ajoute "ni exécuté". Mais comment peut-on être exécuté avant d'avoir été condamné à mort ? C'est superflu et absurde. On parle de liberté des rites religieux, mais sans aucune limite. La constitution italienne prévoit par exemple la limite des bonnes coutumes ; la Convention prévoit la limite des droits d'autrui, de l'ordre public. Les rites sataniques ou orgiaques sont-ils autorisés ou non ? Ce n'est vraiment pas clair.

Ensuite, d'un point de vue politique, il manque la reconnaissance du droit à l'autodétermination des peuples, ainsi qu'une définition claire protégeant la famille naturelle. Enfin, cette procédure, qui ne permet pas aux parlements nationaux et au Parlement européen d'amender la Charte ou le projet de décision, d'une part, consacre selon moi les droits des citoyens et, de l'autre, ne fait rien d'autre que priver les représentants des citoyens que nous sommes, nous les députés, du droit à proposer des amendements.

Voilà pourquoi, m'estimant favorable à l'Europe des citoyens, je ne me reconnais pas pleinement dans cette Charte et n'émettrai donc pas un vote favorable.

 
  
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  Van Dam (EDD). - (NL) Madame la Présidente, à la question de savoir si le Parlement européen doit s'associer à la proclamation solennelle de la Charte, je réponds purement et simplement "'non" ! Cela n'aurait aucune utilité ! Qui servons-nous en proclamant cette Charte ? Certainement pas les citoyens des États membres, car la plupart des droits de la Charte sont formulés de manière si vague que tout le monde, y compris les institutions, peut en déduire ce qui lui plaît. En outre, aucun système de protection juridique valable n'est prévu pour le cas où la Charte deviendrait, par malheur, juridiquement contraignante.

Ensuite, de nombreux droits formulés dans le document n'ont aucun rapport avec la délimitation des compétences des institutions. La Charte vise donc avant tout les États membres. Or, ceux-ci ont déjà intégré les droits fondamentaux nécessaires par le biais de leur propre constitution. En outre, chaque État membre offre une garantie supplémentaire et valable en matière de protection des droits fondamentaux en étant partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Que peut encore apporter la Charte, dans sa forme actuelle, si ce n'est une sérieuse confusion ? Joseph Weiler a dit que, dans un avenir proche, le citoyen européen souffrira plutôt d'un excédent que d'une insuffisance de protection en matière de droits fondamentaux… Je suis de tout cœur d'accord avec lui. Lorsqu'il s'agit de protection des droits fondamentaux, un excédent peut s'avérer tout aussi dangereux qu'une insuffisance ! La Charte tourne autour d'un projet de prestige. Un projet auquel le Parlement européen, en tant que défenseur des intérêts des citoyens, ne devrait pas collaborer.

 
  
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  Hager (NI) . - (DE) Madame la Présidente, dès le début, j'ai été un défenseur de la Charte des droits fondamentaux. De même, j'ai toujours dit qu'il fallait la doter d'un caractère juridiquement contraignant. Cela ne change toutefois rien au fait que je ne peux m'associer à l'évaluation euphorique qui prévaut quant à la Convention et qui en fait l'instrument des futurs développements constitutionnels. Outre les problèmes de fond dont souffre la Charte et qui ont déjà été évoqués aujourd'hui, la simple consultation de parlementaires nationaux ne peut remplacer l'examen minutieux par les parlements nationaux des questions d'ordre constitutionnel. Gardons-nous toutefois de voir dans cet instrument un Deus ex Machina de l'Union européenne.

Une remarque encore à l'adresse du président du Conseil : en tant qu'ancien membre d'une haute juridiction, je peux vous assurer que le chevauchement des compétences de différentes juridictions engendrera très rapidement une jurisprudence divergente et qu'on peut donc s'attendre à cette divergence. Nous ne pouvons en aucun cas perdre ce problème de vue.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE M. SCHMID
Vice-président

 
  
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  Méndez de Vigo (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, aujourd'hui, lors du vote qui aura lieu à midi, nous mettrons un terme à un processus qui a débuté en 1984, lorsque le Parlement européen a approuvé le projet de traité sur l'Union européenne, où apparaissait déjà la demande d'une déclaration de droits, processus que nous avons poursuivi en 1989 avec la résolution de M. De Gucht.

La Charte des droits fondamentaux a toujours constitué une priorité pour ce Parlement, premièrement parce que ce dernier voulait voir les principes et valeurs unissant les Européens se refléter dans un texte. C'est particulièrement important en ce moment où nous entamons un ambitieux processus d'élargissement.

Deuxièmement, parce que la Charte des droits fondamentaux est un facteur essentiel de la voie menant à l'union politique.

Troisièmement, Monsieur le Président, et il s'agit assurément de la raison la plus importante, parce qu'une Charte des droits fondamentaux renforcera le sentiment d'appartenance à l'Union européenne.

Pour toutes ces raisons, mon groupe - son président, M. Poettering, l'a déjà annoncé - votera pour cette Charte.

Par ailleurs, cette Charte reflète l'avis du Parlement, tel que nous l'avions exprimé dans notre résolution Duff/Voggenhuber le 16 mars dernier. La Charte a été élaborée avec la participation d'une délégation du Parlement et, en qualité de président de cette délégation, je souhaite remercier tous les membres qui en ont fait partie de leur travail, de leur engagement et de leur soutien tout au long de ces mois.

Certes, comme certains orateurs l'ont dit, nous devons faire un effort d'information sur la Charte, effort qui peut commencer au sein de ce Parlement. Lorsque l'on entend les interventions de certains députés, on se rend compte que cette information est plus nécessaire que jamais. Certains devraient lire la Charte avant d'intervenir, pour ne pas tenir les propos qu'ils tiennent.

Monsieur le Président, permettez-moi de dire quelques mots sur les effets de la Charte. Je pense qu'il y a un faux débat. La référence à l'article 6 me semble logique et je pense que la présidence du Conseil doit prendre bonne note des propos de M. Barón. Le président du groupe de la plupart des gouvernements de l'Union européenne a dit très clairement que le Parlement - du moins son groupe - n'approuvera pas la réforme du traité de Nice s'il n'y a pas de référence dans l'article 6.

La Charte produira des effets. Elle en produira, qu'elle figure ou non dans le Traité. Je dirais même plus, elle en a déjà produit. Si vous lisez le rapport des trois sages sur la situation en Autriche, vous constaterez que la Charte est citée à trois occasions. Ce rapport a été élaboré entre le 29 août et le 6 septembre, alors que la Charte n'avait pas encore été rédigée. En conséquence, la Charte, qu'elle soit ou non intégrée dans les Traités, qu'elle figure ou non à l'article 6, paragraphe 2, liera la Commission - et je tiens à saluer l'important travail du commissaire Vitorino concernant la rédaction de la Charte -, liera le Parlement et liera le Conseil, et produira des effets, Monsieur le Président, que cela plaise ou non à certains membres de cette Assemblée.

 
  
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  Martin, David (PSE). - (EN) Monsieur le Président, il semble que les arguments avancés par nos collègues ce matin - la Charte ne reflète pas suffisamment, voire pas du tout, tel ou tel droit, la Charte ne revêt pas un caractère suffisamment démocrate-chrétien, socialiste ou vert - n'ont absolument rien à voir avec l'objet de cette Charte. Celle-ci réunit des droits qui n'appartiennent à aucun parti et à tous les partis en même temps. C'est une synthèse contemporaine et imaginative de valeurs européennes existantes. Tous les bords de l'hémicycle intéressés par le développement de l'Union européenne devraient s'en féliciter.

Comme la Commission le déclare dans son excellente communication - et M. Moscovici nous l'a rappelé ce matin -, cette Charte est unique car elle réunit des droits civils, politiques, économiques et sociaux d'une manière particulière, à la différence de tout autre charte des droits humains ou des droits fondamentaux existant dans le monde. Comme la Commission le souligne, elle est également contemporaine parce qu'elle traite de sujets tels que la bioéthique, le génie génétique et la protection de données, ainsi que de l'accès à l'information. C'est donc un pas dans la bonne direction. La Convention et son président, M. Méndez de Vigo, devraient en être félicités.

La grande question qui nous divise est de savoir à quoi sert cette Charte. À mes yeux, elle poursuit trois objectifs. Premièrement, elle sert à dire aux citoyens la chose suivante : l'Europe ne constitue pas simplement un événement que vous subissez, c'est une communauté qui vous accorde des droits, des garanties et une protection dans certaines circonstances. Deuxièmement, elle sert à signifier aux institutions qu'elles ont le devoir, inscrit dans cette Charte, de traiter les citoyens d'une certaine manière. Lorsque vous adoptez une législation, lorsque vous prenez des mesures administratives, lorsque vous rédigez des documents, vous devez vous conformer au contenu de cette Charte. Troisièmement, elle signifie, à la fois aux États membres et aux pays candidats, que, lorsque vous devenez membre de la Communauté, vous devenez membre d'une communauté de valeurs. Il existe certains critères que vous devez maintenir ou remplir en vue de devenir ou de demeurer membre de l'Union européenne. C'est un message très clair, non seulement à l'adresse des pays candidats, mais également des États membres existants. C'est un message important à émettre à l'heure actuelle, eu égard à la situation politique fragile régnant au sein de l'un ou l'autre État membre.

De quelle manière la Charte sera-t-elle utilisée ? Je partage l'opinion de mes collègues selon laquelle la Cour n'ignorera pas une Charte proclamée solennellement par les trois institutions : la Commission, le Conseil et le Parlement. Elle tiendra compte de cette Charte lorsqu'elle rendra des arrêts. C'est à saluer et non à craindre, comme semble le penser M. Bonde. M. Dupuis, ainsi que mon propre ministre en charge des affaires européennes, ont insinué que c'était un document nul ou vide. Je ne peux l'accepter. C'est un pas en avant essentiel dans la construction de l'Europe. Je m'en félicite.

(Applaudissements)

 
  
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  Caveri (ELDR). - Monsieur le Président, chers collègues, une Charte pour l'Europe, pour les citoyens de l'Union, c'est bien. Je le dis en tant que fédéraliste, sachant que le principe auquel il faudra se référer un jour sera celui de la subsidiarité, pour obtenir plus de liberté pour les peuples européens, y compris mon petit peuple, le peuple valdotain, qui a toujours cultivé le fédéralisme en Italie et en Europe. Mais bien sûr il faut souligner que la Charte est seulement le point de départ, et non pas le point d'arrivée. Je tiens à signaler que c'est une bonne chose de parler des minorités nationales et de la différence culturelle linguistique dans le chapitre dédié à l'égalité. Il faut avancer sur le terrain d'une réelle constitution européenne pour donner une garantie internationale aux minorités linguistiques.

 
  
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  Frassoni (Verts/ALE). - (IT) Monsieur le Président, le contenu de la Charte aurait pu être meilleur. Le problème de sa nature juridique aurait pu être résolu maintenant et non dans un avenir plus qu'hypothétique. Ce qui nous a empêchés d'atteindre les deux résultats, Monsieur le Ministre, nous empêchera d'atteindre un résultat satisfaisant, en termes de démocratie et d'efficacité, au Sommet de Nice : l'obligation de l'unanimité sur chaque partie du texte. Une fois de plus, les plus rétrogrades ont battu ceux qui, dans la société civile et dans les institutions, se battent pour que les droits fondamentaux s'appliquent à tous et constituent une réponse efficace et juridiquement contraignante aux nouvelles questions comme les risques de la science, les droits des nouveaux citoyens, le droit à un environnement sain, etc. Nous sommes donc, une fois de plus, déçus et mécontents. Nous voterons certes en faveur de la Charte, mais avec le sentiment que cela ne permettra pas de mobiliser l'enthousiasme et l'implication tant nécessaires des citoyens à l'égard de l'Europe. Comme d'habitude, les gouvernements - et certains plus que d'autres - en assumeront la responsabilité historique.

 
  
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  Di Lello Finuoli (GUE/NGL). - (IT) Monsieur le Président, il est difficile de nier que, depuis quelques années, les politiques sociales des États membres de l'Union ont été conditionnées par les politiques économiques et monétaristes, par les compatibilités budgétaires, par les pactes de stabilité, par la flexibilité et par la précarité du travail subordonné, dans l'obséquiosité envers le dieu marché et son inséparable compagne, la concurrence. Le fossé entre les riches et les pauvres s'élargit, et les riches demandent au nom des principes sacrés précités de plus en plus de sacrifices à ceux qui ont peu ou rien.

La Charte des droits fondamentaux, avec le renvoi permanent aux législations et aux pratiques nationales pour l'application effective des droits sociaux, tend à rendre irréversibles cette subordination, ce mécanisme d'appropriation inique de la richesse par quelques-uns, ce modèle de société libéralo-libérales qui renaît à une vitesse impressionnante des cendres de la pensée social-démocrate européenne. Cette Charte des droits sociaux marque un recul par rapport aux législations de nombreux États membres et, justement par ce jeu des renvois, servira d'instrument pour les modifier ou les amoindrir. Les droits civils et politiques resteront vides de sens s'ils ne reposent pas sur les droits sociaux appliqués et non seulement énumérés.

Il semble que toutes les luttes pour l'émancipation des classes sociales désavantagées du siècle qui prend fin ont été inutiles et ne nous ont rien appris. Nous ne pouvons nous bercer d'illusions et penser que cette Charte représente un premier pas vers une Union plus solidaire. C'est au contraire le niveau le plus bas des politiques sociales que nous aurons à l'avenir. Je souhaite seulement qu'elle ne sera pas intégrée dans les Traités et que des mouvements croîtront au sein de la société civile, des syndicats, des organisations politiques et qu'ils demanderont une Europe plus juste et réellement plus solidaire.

 
  
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  Bigliardo (TDI). - (IT) Monsieur le Président, chers collègues, avec le débat sur la Charte des droits fondamentaux, notre Parlement accomplit aujourd'hui une nouvelle étape importante sur le chemin de l'Union européenne, d'une Europe plus unie et - je l'espère - plus juste et honnête.

Je voterai en faveur de cette Charte, non seulement parce que je suis convaincu qu'elle sera appliquée de manière correcte et efficace, mais aussi parce que l'on ne peut qu'être d'accord sur les principes qui l'inspirent. Il subsiste des doutes profonds, des inquiétudes compréhensibles : je pense aux pays de la Communauté où le droit à la vie est et reste exclusivement une déclaration de principe quand on supprime sans distinction la vie humaine dès sa conception ; je pense aux consommateurs européens qui, selon la Charte, jouissent d'un grand nombre de droits nouveaux et essentiels et auxquels, pour le moment, on ne donne que ce qui reste des vaches folles, comme ce capitalisme qui permet à certains de s'enrichir sur le dos des gens de peu ; je pense aux ouvriers des usines qui auraient droit à un emploi stable et auxquels, au nom de la mondialisation des marchés, on vole l'avenir en délocalisant la production là où elle coûte moins cher ; je pense aux étudiants, aux enseignants et aux droits à l'instruction, et je pense aux structures délabrées et obsolètes des nombreux pays qui renoncent à ce rôle ; je pense, chers collègues, à la liberté et aux droits d'opinion, ainsi qu'à tous ceux qui surpeuplent les prisons européennes uniquement parce qu'ils ne pensent pas comme les autres ; je pense au droit au logement et à une qualité de vie digne ; je pense aux jeunes qui, souvent en raison d'intérêts mafieux, n'ont même plus le droit d'aimer.

Je pense à tout cela et à bien d'autres choses encore et je m'inquiète, mais je voterai en faveur de la Charte, même si c'est une utopie parce que l'on nous demande à tous une révolution qui, pour avoir réellement lieu, a besoin d'une semence, d'une semence d'utopie raisonnable.

 
  
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  Titford (EDD). - (EN) Monsieur le Président, dans la recommandation qui fait l'objet de ce débat, le Parlement approuve la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ensuite, elle charge sa présidente, les présidents du Conseil et de la Commission de proclamer la Charte de Nice. Cependant, cette Charte vise clairement à poursuivre l'union toujours croissante des peuples d'Europe. Selon le co-rapporteur, M. Duff, elle constitue un pas crucial vers l'amélioration de la qualité de l'intégration européenne.

En tant que représentant des citoyens en Angleterre, et non des citoyens européens, je ne peux que dire que je n'ai pas de mandat en vue de poursuivre l'intégration européenne - et s'il représente réellement ses citoyens, le gouvernement du Royaume-Uni n'en a pas non plus. À vrai dire, la vaste majorité des citoyens du Royaume-Uni sont tout à fait opposés à la poursuite de l'intégration. Dès lors, en tant que démocrate, je le suis également. Je me désolidarise de cette initiative et je voterai contre.

 
  
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  Cederschiöld (PPE-DE). - (SV) Monsieur le Président, la Charte met en relief les droits existants, tout en faisant accomplir à l'Europe un progrès historique. En fin de compte, le débat consiste à savoir si l'UE doit se fonder sur les principes normaux de l'État de droit. La Charte comble un vide dans le droit de la CE, elle renforce la protection des personnes contre les atteintes dont elles pourraient faire l'objet de la part de la police européenne, des autorités qui combattent la fraude et de celles chargées de surveiller la concurrence. Même si, dans la pratique, nous prononçons déjà des sanctions, il nous manque les possibilités de vérification dont il serait normal que nous disposions en matière de violations des droits de l'homme, et qui sont nécessaires dans un État de droit.

Tout individu, qu'il soit homme ou femme, employé ou employeur, doit être protégé contre les abus politiques et administratifs que l'UE pourrait éventuellement lui faire subir. Aucun argument raisonnable ne saurait justifier qu'on s'oppose à une telle démarche. Quiconque est injustement victime de l'action des organes de justice de l'Union doit avoir droit à un recours. Si nous voulons qu'une Europe élargie et compétitive puisse se constituer, il faut qu'elle soit fondée sur les principes de l'État de droit. Il faut que le droit des personnes à exercer un recours en cas d'abus fasse l'objet d'un large soutien politique. Comment un espace judiciaire qui compte 500 millions de personnes pourrait-il sinon fonctionner ?

La Charte représente une base équilibrée et solide pour l'élargissement . Il existe de nombreux malentendus sur son contenu concret et ses conséquences. Ces malentendus doivent être tirés au clair. Pour ceux qui en ressentent le besoin, je recommande de lire les explications contenues dans la convention 49, et de prendre connaissance de la jurisprudence des deux tribunaux qui sont liés à la Charte.

La Charte va influer sur l'évolution du droit au sein de l'UE et il est probable qu'elle recevra un soutien de plus en plus important. J'estime que les tribunaux, en particulier, devront se laisser influencer par les points de ce texte qui ont trait à la liberté économique, à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété. Pour terminer, je voudrais adresser de chaleureux remerciements à M. Méndez de Vigo, notre chef de délégation, qui a fait preuve d'une grande compétence.

 
  
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  Paciotti (PSE). - (IT) Monsieur le Président, la proposition et l'approbation du projet de Charte des droits fondamentaux devrait trouver un consensus assez large. À mes yeux, le dissentiment n'est justifié que dans le chef de ceux qui sont opposés à l'Union européenne, et nous en avons entendu quelques-uns ici. Je ne comprends pas ceux qui s'opposent à la Charte sous prétexte qu'elle ne contient pas tout ce qu'ils voudraient y voir figurer. Je crois que personne d'entre nous n'y retrouve toutes ses aspirations, parce que la Charte ne peut être le reflet d'une partie, mais bien le point de référence commun de tous ceux qui se sentent citoyens européens respectueux des différences et de la cohabitation.

Était-il possible de faire mieux ? Je crois que oui, ne fût-ce que parce que tout ce que j'ai proposé n'a pas été retenu. Vaut-il alors mieux ne rien faire du tout ? Ne pas approuver cette Charte ? Bien sûr que non ! Cette Charte, je le répète, fait de l'Union une communauté de droits ; elle représente un pas dans le processus de constitutionnalisation de l'Union, le premier document international qui reprenne, selon le principe de l'indivisibilité des droits fondamentaux, les droits civils et politiques, les droits économiques et sociaux et d'autres nouveaux droits. Je ne comprends pas ceux qui disent qu'elle ne sert à rien, que ce sont seulement des belles paroles. Ceux qui disent cela ignorent l'histoire des institutions : "liberté, égalité, fraternité" sont également de grands mots, mais ils ont constituent le fondement de nombre d'ordres juridiques de notre Europe. C'est sur la base de formules telles que ces articles que nos cours ont au fil du temps assuré nos droits fondamentaux.

Laissons au cynisme des réactionnaires le soin de soutenir que seule la force ou l'argent comptent et que le reste n'est que paroles. Non, les mots qui incarnent nos principes, nos valeurs, nos droits fondamentaux ont force et pouvoir si nous les utilisons comme instruments de notre vie civile. Adoptons donc la Charte et prenons ces mots au sérieux, empêchons qu'ils soient minimisés, dévalués, négligés. Prenons nos droits au sérieux si nous entendons que les gouvernements les respectent et que les juges les garantissent !

 
  
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  Gahrton (Verts/ALE). - (SV) Monsieur le Président, j'ai longtemps eu des doutes. La Charte comporte des parties positives mais aussi certains points qui appellent des scrupules de principe. Ma position a été marquée de façon déterminante par l'appel qu'a lancé le mouvement populaire progressiste qui connaît actuellement le développement le plus rapide en Europe, je veux parler de l'organisation française Attaque, qui désigne la Charte comme un instrument de régression sociale.

Attaque constate que la Charte représente un pas en arrière par rapport aux règles déjà en vigueur dans les États membres, au sein des Nations unies, du Conseil de l'Europe et de l'OIT. Attaque note en outre que les droits syndicaux y sont passés sous silence, et considère que le texte, au fond, a pour but d'établir la libre circulation du capital.

Si le mouvement populaire progressiste qui croît le plus rapidement en Europe, et qui a ses racines en France, le pays de la première révolution démocratique qui ne peut être suspecté d'une quelconque forme d'euroscepticisme à la scandinave, refuse avec autant de vigueur la proposition de Charte, il m'est de mon côté impossible de voter en sa faveur.

 
  
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  Frahm (GUE/NGL). - (DA) Monsieur le Président, je poursuivrai dans le même ordre d'idées que M. Gahrton. Il est étonnant, selon moi, que l'on puisse prétendre à la fois que les droits sociaux doivent être indivisibles et universels et que, en toute logique, dans le chapitre intitulé "Solidarité", référence soit faite aux législations et aux jurisprudences nationales. On atténue ainsi le caractère universel et indivisible des droits dans ces secteurs. C'est cette partie du texte qui m'indispose. J'ai également du mal à accepter l'édifice que nous sommes en train d'ériger. Si nous voulons véritablement renforcer les droits de l'homme à l'échelon européen, nous devrions plutôt consacrer notre énergie au renforcement des actions du Conseil de l'Europe et faire en sorte que l'UE ratifie la convention européenne des droits de l'homme ainsi que les conventions analogues sur les droits culturels et sociaux plutôt que d'ériger à petits pas, comme nous sommes en train de le faire, un système concurrent au Conseil de l'Europe. Le Conseil de l'Europe représente l'ensemble du continent européen, tous les pays européens. Nous n'en avons encore que quinze. Il y a enfin un autre problème - celui de vouloir créer une constitution sans le soutien populaire requis. Cela n'augmentera pas le nombre de suffrages lors des prochaines élections européennes.

 
  
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  Maij-Weggen (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, nous pouvons être fiers de la Charte qui est soumise ici à notre approbation. Pour la première fois depuis la création de l'Union européenne, nous disposons des fondements d'une constitution, une constitution pour la structure supranationale qu'est l'Union.

Selon nous, il s'agit d'un bon texte, un texte dont nous pouvons dire, en tant que démocrates-chrétiens, qu'il reflète bien nos normes et nos valeurs. Le droit à la dignité humaine et le droit à l'intégrité de la personne y sont formulés de façon satisfaisante. Il en va de même du respect de la famille et de la vie familiale ainsi que des droits des enfants, des parents et des personnes handicapées. Ainsi, cette Charte offre une protection supplémentaire aux citoyens les plus vulnérables de notre société européenne, ce qui est positif.

Par ailleurs, la Charte est équilibrée. Outre les droits sociaux qui y sont formulés de façon satisfaisante, nous y trouvons les droits à la liberté d'entreprise et à la liberté professionnelle. Un bon équilibre a donc été trouvé entre, d'une part, un certain nombre de droits sur lesquels insistent généralement les syndicats et, d'autre part, des droits défendus plus souvent par les organisations patronales et par les petites et moyennes entreprises.

Je voudrais faire une troisième remarque au sujet des droits des ressortissants de pays tiers. Dans ce domaine aussi, la Charte nous propose des articles qui protègent les citoyens contre la discrimination, telle que la discrimination sur le marché du travail. C'était aussi un souhait de notre groupe.

Mais la section la plus "forte" de la Charte reste le long article 21, celui de la non-discrimination, qui interdit la discrimination dans seize domaines. À mes yeux, cet article est le couronnement de cette Charte. Il s'avérera souvent utile, si l'on songe à ce qui se passe dans nos États membres, si l'on songe aux discriminations, au racisme et à la xénophobie qui y sévissent.

Monsieur le Président, j'ai été très honorée de pouvoir œuvrer à la rédaction de cette Charte conjointement avec mes collègues du Parlement et des parlements nationaux. Nous remercions Roman Herzog et Iñigo Méndez de Vigo, qui ont dirigé la Convention de manière extraordinaire, et nous espérons de tout cœur que notre Présidente, Nicole Fontaine, apposera elle aussi, à Nice, sa signature au bas de la Charte.

Espérons surtout que les citoyens européens recourront souvent à la Charte lorsqu'il sera porté atteinte à leurs droits. Car c'est à eux qu'elle est destinée, et nous espérons qu'ils l'accepteront avec gratitude.

 
  
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  Van den Burg (PSE). - (NL) Monsieur le Président, le 6 décembre, j'irai manifester à Nice en réponse à l'appel lancé par les mouvements syndicaux européens et par les ONG. Soixante mille personnes y sont attendues rien qu'au niveau des organisations membres de la CES. Cette manifestation n'est pas une manifestation contre la Charte. Certes, il semble que dans ces milieux aussi, l'on trouve des personnes qui adhèrent à cette pensée et qui voudraient la concrétiser. Mais ces personnes n'ont rien compris. La manifestation est un appel à une Europe sociale et démocratique, une Europe des citoyens. La Charte constitue un élément de cette évolution, de la dynamique vers une Europe forte et sociale.

Comme vous le savez, ce sont surtout les droits fondamentaux sociaux et économiques qui ont retenu mon attention. La Charte de l'UE doit s'inspirer et se baser sur la CEDH, mais aussi sur la Charte sociale du Conseil de l'Europe. Savez-vous ce qui m'a frappé lorsque MM. Prodi et Verheugen ont présenté, la semaine passée, le rapport relatif aux progrès de l'élargissement ? C'est ce tableau sur la ratification des traités relatifs aux droits fondamentaux. Si vous y juxtaposez un tableau traitant des États membres actuels, il apparaît que ces derniers font moins bien que les pays candidats à l'adhésion sur le plan de la Charte sociale révisée du Conseil de l'Europe. Voilà qui est très gênant selon moi.

La nouvelle Charte aura son effet juridique, même si elle ne sera pas encore juridiquement contraignante. La Cour de Justice l'a indiqué de façon très claire, le 2 octobre, lors de la dernière réunion de la Convention. Les institutions qui signeront solennellement la Charte ne doivent cependant pas s'en remettre aux seuls juges. Tout d'abord, elles doivent inclure un renvoi à la Charte dans l'article 6 du traité sur l'UE. Il faut préparer le chemin menant à l'intégration, contraignante, des articles de la Charte dans le Traité, il faut prévoir des procédures de contrôle, des exigences de rapport, des experts indépendants et des procédures de règlement des conflits. Tout comme la Cour des droits de l'homme, le Conseil de l'Europe possède lui aussi une solide expérience en ce qui concerne de telles formes de contrôle. Nous pouvons la prendre pour base.

Bref, il doit être clair que Nice n'est pas l'étape finale, mais bien le commencement de la Charte. Le slogan de la campagne de la plate-forme de la CES et des ONG, "Droits fondamentaux : le cœur de l'Europe", restera très actuel dans les prochains temps. C'est avec ce slogan à l'esprit que nous irons manifester à Nice.

 
  
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  Meijer (GUE/NGL). - (NL) Monsieur le Président, les droits sociaux fondamentaux, les droits à la liberté individuelle et la protection de l'environnement ne sont pas cités ou n'occupent qu'une place trop timide dans les lois fondamentales nationales existantes. Certains partisans d'une constitution européenne ou d'une Charte constituant une étape intermédiaire dans cette direction y voient la possibilité de combler ces lacunes d'un seul coup. Mais parmi les partisans d'une constitution européenne, il en est également qui veulent un document de propagande décrivant avant tout l'Union européenne actuelle et justifiant les évolutions futures vers un super-État européen, sans que les citoyens européens ne puissent en tirer un quelconque nouveau droit.

Je soutiens le premier dessein mais je rejette le second. Le projet de Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est un compromis équivoque entre ces deux conceptions contradictoires, compromis dans lequel la seconde conception pèse plus lourd que la première. Pour certains droits, la Charte signifie même un retour en arrière. C'est pourquoi ce document n'est pas mûr pour faire l'objet d'une décision. Il est beaucoup plus important, dans un premier temps, que l'Union européenne se lie à l'actuelle Charte des droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Le projet de Charte peut être utilisé, à titre provisoire, par les partis, les syndicats, les organisations environnementales, les églises et beaucoup d'autres groupements des États membres de l'Union et des pays candidats, comme un intéressant document de réflexion sur l'avenir de la collaboration entre les peuples européens.

 
  
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  Rack (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, chers collègues, le pouvoir doit être contrôlé. Les institutions européennes sont investies de pouvoir et nous devons limiter ce pouvoir au service des citoyens. Il est plus que temps de combler les lacunes existantes de la protection européenne des droits fondamentaux. Pendant de nombreuses années, on a discuté de l'opportunité pour l'Union européenne d'adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme, comme c'est le cas de ses États membres. Je me réjouis que, pour toute une série de raisons, l'adhésion de l'Union à cette Convention n'ait pas eu lieu.

Au vu du texte de la Charte que nous allons approuver - à une grande majorité, j'espère - aujourd'hui, il est manifeste que nous parviendrons à une protection des droits fondamentaux plus importante et plus actuelle que ne l'aurait permis l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme. Un tiers seulement de cette Charte réitère les garanties de cette Convention. Le reste du texte va plus loin en matière de droits politiques des citoyens de l'Union, dans le domaine des droits économiques et sociaux et, last but not least, dans les importantes questions d'avenir que sont la protection de l'environnement, de la santé et des consommateurs.

La Charte doit faire partie du droit européen pour réellement remplir sa fonction. Le pas que nous accomplissions aujourd'hui n'est que le premier d'une longue route. La proclamation solennelle doit déboucher sur un droit constitutionnel européen contraignant.

Entamons-nous, par ce pas, une évolution au terme de laquelle émergera un super-État européen ? Non ! L'exigence de droits fondamentaux au sein de l'Union, assortie de la demande de constitutionnalisation des Traités, ne signifie pas qu'au bout de la route, il y aura les États-Unis d'Europe. Néanmoins, nous devons disposer aussi vite que possible pour l'Europe d'un texte constitutionnel dans lequel les citoyens puissent trouver des déclarations claires et compréhensibles à propos de leur Europe, d'un texte qui énumère les droits des citoyens, qui reprenne les domaines de responsabilité de l'Union et les compétences présentes et futures devant être assumées par les États membres et qui indique comment l'Europe assumera ses missions en offrant toutes les garanties de protection des droits de l'homme et de l'État de droit. Nous devons continuer de nous atteler à cette tâche. Engageons-nous sur cette voie.

 
  
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  Seguro (PSE). - (PT) Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, je voudrais premièrement m'associer aux félicitations adressées fort justement à tous les participants de la convention, en particulier à M. Méndez de Vigo et à ma camarade Pervenche Berès. Permettez-moi aussi d'insister avec orgueil sur la participation active et engagée du commissaire António Vitorino.

Je voudrais m'arrêter sur trois points qui ont déjà été abordés ce matin. Premièrement, le mérite du fonctionnement de cette convention. C'est un mérite qu'il faut retenir et encourager pour les travaux futurs, notamment les révisions futures des traités de l'Union européenne. Deuxièmement, le caractère contraignant de cette charte. Les citoyens européens ne comprendraient pas que l'Europe accélère dans le domaine du marché et de la monnaie, et qu'elle ralentisse dans celui de la concrétisation effective des droits des citoyens et des droits élémentaires. Troisièmement, je voudrais insister, comme cela a été fait ici, pour que les conclusions de Nice, notamment la révision du traité, fassent référence à la charte des droits fondamentaux dans l'article 6, paragraphe 2. Le caractère solennel et la signature de cette charte et sa proclamation ne suffisent pas ; il faut que ces droits connaissent une traduction effective. D'où, une fois de plus, notre appel et notre insistance pour que la présidence exerce une fonction pédagogique auprès du Conseil.

Enfin, deux propositions : que la signature et la ratification parlementaire de cette charte des droits fondamentaux fasse partie de l'acquis communautaire des pays candidats à l'adhésion ; et que les conclusions de Nice établissent un calendrier précis pour que les prochaines présidences puissent passer de cette charte au traité, je suggérerais qu'elle coïncide en terme de délai avec la ratification par tous les parlements de la nouvelle révision des traités qui découlera de Nice.

 
  
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  Tajani (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, chers collègues, la Charte que nous nous apprêtons aujourd'hui à voter avec conviction européaniste représente certainement une avancée dans le sens de la construction de l'Europe politique en laquelle nous croyons fermement. De nombreux orateurs ont toutefois estimé que ce texte ne possède pas la valeur juridique d'un traité. Voilà pourquoi il est nécessaire d'accomplir d'autres pas en avant. L'objectif final est d'avoir une constitution européenne, une loi fondamentale d'une Union qui ne peut se limiter à avoir seulement une monnaie unique, mais qui doit être une réalité politique, avec une politique étrangère et de défense vraiment commune, une interlocutrice égale aux États-Unis qui sache affronter le grand défi de la mondialisation qui verra apparaître au cours des années qui viennent d'autres acteurs, notamment les pays asiatiques, à commencer par la Chine.

La Charte ne représente donc, Monsieur le Président, que le début d'un travail difficile et absorbant, mais aussi enthousiasmant. Le texte que nous approuverons aujourd'hui et qui, étant le résultat d'un compromis - le président Poettering l'a déjà dit - ne nous satisfait pas pleinement, doit contribuer au lancement d'un grand débat sur l'avenir et sur la future constitution européenne. La Charte fondamentale devra conférer aux droits une valeur juridique contraignante, établir quels sont les niveaux de compétence de l'Union, des États et des régions et être marquée du sceau de la volonté populaire. Voilà pourquoi elle devra être discutée et approuvée par cette Assemblée et par les parlements nationaux.

Convaincus que l'Europe de demain devra de plus en plus protéger les droits des personnes et des familles et empêcher l'apparition de nouvelles formes de racisme et d'antisémitisme, les députés de Forza Italia, associés à l'ensemble du parti populaire européen, voteront en faveur de la recommandation qui accompagne la Charte des droits fondamentaux.

 
  
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  Lund (PSE). - (DA) Permettez-moi, en premier lieu, Monsieur le Président, de remercier les participants à la convention - tant les participants du Parlement que ceux de la Commission et du Conseil. Le travail qui a été réalisé est, selon moi, de très grande qualité. La Charte qui sera adoptée aujourd'hui renforcera et mettra en évidence les valeurs et droits fondamentaux communs sur lesquels notre communauté doit reposer. Il s'agit d'une Charte qui met surtout l'être humain en point de mire. Je voudrais souligner quelques points importants. J'approuve principalement le souhait d'établir expressément la nécessité de respecter la Convention des droits de l'homme ainsi que la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. Il est important de ne pas anéantir l'autorité de ces deux instances. J'estime également qu'il convient de préciser clairement la nécessité de déterminer des valeurs communes sur la base des différentes cultures et traditions européennes. Ce point est capital si nous voulons gagner le soutien de la population européenne à l'égard de la Charte.

Je voudrais également souligner un élément particulièrement important de la Charte, à savoir la nécessité de définir des dispositions très vastes en faveur des minorités, des dispositions très vastes en matière de non-discrimination. Ce point est, selon moi, très positif. Je me réjouis également de la clairvoyance dont ont fait preuve les auteurs de la Charte ainsi que de l'inclusion de nouveaux champs de protection. Je pense ici au domaine de l'environnement et à la biotechnologie. L'adoption de la Charte à Nice représentera, selon moi, un signal puissant lancé à certains pays candidats sur l'importance qu'accorde l'UE au respect des libertés et des droits fondamentaux. Je me réjouis enfin de savoir que la Charte sera adoptée à Nice en tant que document politique. Elle constituera une bonne base au dialogue qui doit s'établir avec les citoyens européens sur le développement futur de l'Europe.

 
  
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  Mombaur (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Mesdames et Messieurs, une chose est claire : si l'un des groupes de l'Assemblée ou l'un de nos quelque cent groupes politiques avait rédigé la Charte, elle aurait été différente sur bien des points. Mais tout cela est sans importance. Cela dépendait du consensus européen et ce consensus nous est présenté. Il s'agit du document le plus moderne dont on dispose à l'échelle mondiale en matière de droits fondamentaux et il mérite vraiment d'être comblé de louanges. Si je ne me trompe pas, la Convention a tiré de plus de 31 sources juridiques ce qui était digne de compter parmi les droits fondamentaux. Elle a clarifié les valeurs qui fondaient l'Union européenne et je voudrais inviter ceux d'entre nous qui ont pris la parole pour regretter que la Charte ne fasse pas référence - par exemple - à la responsabilité du politique devant Dieu à considérer que ce texte affirme, dans son préambule, être formulé en pleine conscience de l'héritage spirituel, religieux et moral de l'Union.

Permettez-moi d'évoquer encore un point. Il n'a malheureusement pas été possible d'inclure de manière suffisante le droit des minorités dans la Charte. La délégation du Parlement européen voulait qu'il soit tenu compte des minorités ethniques. Il a été impossible de l'imposer à l'ensemble de la Convention. J'estime que c'est une lacune qui doit être mentionnée dans cette enceinte. Je voudrais ensuite dire quelques mots à ceux qui nous critiquent. Il est de coutume que les journalistes critiquent le monde politique. Cela est juste et bon et ne devrait pas changer mais je voudrais, pour une fois, inverser les rôles et retourner ce compliment à nos détracteurs, les journalistes : vous avez failli sur toute la ligne. Pendant neuf mois, on a travaillé à ce texte en toute publicité et dans le cadre de la procédure la plus transparente qui ait jamais été et la presse européenne, dans son ensemble, a failli à sa tâche et n'a pas informé les citoyens sur le travail qui était fait.

 
  
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  Cornillet (PPE-DE). - Monsieur le Président, je ne reviendrai pas longuement sur les effets de cette Charte aux différents niveaux : sur le plan interne, le citoyen européen sait que maintenant l'Europe n'est pas qu'économique ; sur le plan de l'élargissement, nul pays ne pourra prétendre intégrer l'Union s'il ne respecte pas, dans son ordre juridique interne, les principes de la Charte et, enfin, sur le plan mondial, c'est le message de l'Europe.

Mais il y a d'autres effets, notamment sur notre ordre juridique interne. Je me joins, naturellement, à celles et ceux qui souhaitent inscrire, à l'article 6, une référence à la Charte et son intégration ultérieure dans les Traités. Par ailleurs, qui peut croire un seul instant que l'adoption par notre Parlement n'entraînera pas de conséquences juridiques ? Les parlements sont traditionnellement les gardiens des libertés publiques et nous avons, ici, une méthode un peu particulière parce qu'en droit parlementaire, la proclamation n'existe pas.

Nous allons tout à l'heure adopter officiellement, le plus solennellement possible et, je le souhaite, à la plus large majorité, cette Charte, et il se trouvera bien des tribunaux pour en tirer quelques conclusions, même si cette Charte ne devait pas être immédiatement intégrée dans les Traités.

Il y a aussi un autre effet, qui concerne nos propres méthodes de travail. Je vais vous en donner un exemple. Mes collègues de la commission des libertés publiques m'ont fait l'honneur de me désigner comme rapporteur sur le respect des droits de l'homme dans l'Union. Bien entendu, il y a un "avant" et un "après" Charte. Après son adoption par ce Parlement, la Charte des droits fondamentaux sera ma grille d'analyse pour ce rapport et, autant que mes moyens personnels, intellectuels et les moyens en collaborateurs qui me seront donnés me le permettront, je ferai une analyse droit par droit, pays par pays du respect de la Charte dans les quinze pays de l'Union. Nous sommes en effet, nous, Parlement, comptables des propres règles que nous adoptons avec une philosophie qui ne doit pas être celle de l'atteinte "zéro" aux droits de l'homme : ne faisons pas d'angélisme, il y aura sûrement des atteintes aux droits de l'homme. Mais nous avons ensemble le devoir de voir si l'on peut porter plainte contre ces atteintes, s'il y a un tribunal pour les condamner, une administration publique pour enquêter et en éviter la reproduction. En tout cas, ce sera la philosophie de votre rapporteur, Mesdames et Messieurs les députés, après l'adoption, tout à l'heure, de la Charte des droits fondamentaux.

 
  
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  Tannock (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, à mes yeux, le premier problème de la Charte européenne des droits fondamentaux, pour nobles que soient ses intentions, réside dans l'incohérence interne d'un document qui, tout en se référant uniquement aux institutions européennes, s'égare dans des domaines de juridiction pour lesquels l'UE n'a aucune compétence - ce qui pourrait entraîner des conséquences indésirables.

Dans le domaine du droit pénal, par exemple, l'abrogation du droit d'extrader des fugitifs vers des pays qui autorisent la peine capitale pourrait signifier que l'Europe deviendra un sanctuaire pour les meurtriers américains. La consécration du principe ne bis in idem embarrasserait le gouvernement britannique, qui a décidé de l'abolir. Deuxièmement, les dispositions relatives à la non-discrimination sont ridicules tant elles ratissent large et sont ouvertes à des abus. Ces droits ouvrent la porte aux demandes de mariage et d'adoption homosexuels. En outre, les clauses de discrimination fondée sur la langue pourraient interdire le refus d'employer, au Royaume-Uni, des médecins ressortissants de l'UE qui ne parlent pas l'anglais. Elles pourraient même menacer les réformes relatives aux syndicats mises en œuvre par Mme Thatcher au Royaume-Uni dans les années quatre-vingts.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est la possibilité, digne d'un roman d'Orwell, de suspendre, au titre de l'article 52, les droits fondamentaux si les intérêts de l'Union européenne sont en jeu. Rappelons-nous du cas de Bernard Connolly, dont le livre critique sur la Commission a été interdit par le tribunal de première instance. Allons-nous en arriver à ce que seules les déclarations politiquement correctes concernant l'UE soient tolérées à l'avenir ? Cette Charte est non seulement dangereuse mais également inutile, étant donné que nous disposons déjà de la Convention européenne des droits de l'homme, soutenue en 1950 par le grand homme politique conservateur, Winston Churchill, ainsi que des articles 6 et 7 du traité d'Amsterdam.

L'hypocrisie de cette Assemblée nous est apparue lorsque la gauche de l'hémicycle a refusé de soutenir ma motion sur la restauration des droits de la famille royale italienne. Nous constatons déjà les conséquences de l'activisme judiciaire en Grande-Bretagne, activisme qui s'arroge des pouvoirs de notre parlement national. Il se peut que des juges non élus étendent cela de manière considérable en Europe, ce qui aura pour seul résultat d'engendrer des conflits de juridiction entre la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l'homme et de faire le jeu, ou devrais-je plutôt dire remplir les poches d'avocats déjà surpayés. Enfin, cela alimentera les propos des personnes qui affirment que l'UE s'acharne à proclamer une constitution fédérale dont la Charte constituerait le premier chapitre.

 
  
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  Bodrato (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, le vote sur la Charte marque la reprise de la marche vers une constitution européenne. L'Union est un géant de l'économie mondiale, mais si elle reste sans âme, si la zone de libre échange et le déficit démocratique grandissent ensemble, nous courons le risque que la compétitivité entre en conflit avec la solidarité et qu'un marché débridé alimente la nostalgie du passé pour les réalités sociales et territoriales qui se sentent menacées dans leurs traditions et leur sécurité.

La Charte compte de nombreux partisans mais aussi de nombreux ennemis ; nous avons écouté les critiques de ceux qui ne veulent pas d'une Europe politique. Ce contraste fait partie des droits de liberté reconnus par la Charte elle-même.

Les arguments des adversaires de la Charte rendent toutefois plus évidentes la portée politique et la valeur juridique qui n'est pas en opposition aux Traités, mais qui en renforce plutôt les perspectives démocratiques. Pour certains, la Charte est un trop petit pas ; pour d'autres, c'est un pas trop important. Pour les députés du parti populaire européen, qui ont des racines démocrates-chrétiennes, sont convaincus que le renvoi au patrimoine spirituel et moral de l'Europe renforcera la cohésion d'une Union qui valorise les diversités culturelles et politiques. La méthode suivie par une convention transparente et ouverte et le travail accompli par M. Méndez de Vigo et par les autres collègues méritent notre vif soutien. Nous attendons maintenant du sommet de Nice une stratégie qui fasse de l'Europe une union de droits économiques, sociaux et politiques.

 
  
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  Vitorino, Commission. - Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les Députés, la Commission voudrait tout d'abord s'associer aux propos de M. le président Moscovici, et saluer la contribution essentielle que les membres du Parlement européen ont apportée au débat, à la Convention, en particulier le rôle que M. Mendes de Vigo a joué au praesidium de la Convention pour la rédaction de la Charte des droits fondamentaux.

Je voudrais aussi souligner le rôle très important qu'a joué M. le président Herzog en nous incitant non seulement, chose essentielle, à élaborer la Charte comme si elle devait devenir contraignante, mais qui a aussi joué un rôle crucial dans la négociation politique, ce qui nous a permis de parvenir à un consensus que, je crois, nous pourrons présenter à nos citoyens comme la vision commune des Européens sur le rôle des droits fondamentaux dans notre aventure commune pour faire naître l'Union européenne du XXIe siècle.

On a déjà beaucoup parlé de la question de la valeur ajoutée de cette Charte. Je voudrais seulement souligner deux points qui, de l'avis de la Commission, sont essentiels. Tout d'abord, le principe de l'indivisibilité des droits. On ne peut pas envisager le principe de l'indivisibilité des droits politiques et des droits économiques et sociaux, comme une chose mineure ou comme un règlement de comptes avec le passé. Tout au contraire. Le principe de l'indivisibilité des droits fondamentaux est un compromis politique vis-à-vis de l'avenir, surtout au moment où certains pensent que la globalisation sauvage, ou que l'hégémonie des marchés financiers, doit être garantie, moyennant le sacrifice des droits sociaux des citoyens.

Il est important de dire que cette Charte n'est pas l'otage d'une idéologie. Elle est l'otage de la valeur centrale de la personne humaine dans la construction européenne d'un côté, et de l'autre côté, la Charte est l'otage d'une certaine vision du modèle social, d'un modèle social où la solidarité et le respect des droits fondamentaux sont compatibles avec la compétitivité économique à l'échelle globale. Ce n'est pas là chose mineure, c'est une charte politique pour l'avenir.

Il y a une deuxième valeur ajoutée : c'est le principe de l'universalisme des droits fondamentaux. À cet égard, je tiens à souligner que, pour la première fois, dans un document de l'Union européenne, il devient tout à fait clair que les droits énumérés dans la Charte sont, pour la plupart, accordés à toute personne, indépendamment de sa nationalité ou même de son droit de résidence. Cette synthèse est importante, au moment où l'Union est appelée à définir le statut juridique, en termes de droits et d'obligations, des ressortissants des États tiers qui sont légalement dans l'Union européenne.

Bien sûr, cette Charte n'est qu'un début. Je la vois comme un socle solide sur la base duquel l'évolution sociale pourra se poursuivre, même en ce qui concerne sa valeur juridique. Je crois que l'objectif de l'indivisibilité des droits fondamentaux est essentiel et que le Conseil, la Commission, le Parlement devront faire un effort spécial de publication, de propagation de la Charte auprès des citoyens, mais je suis tout à fait sûr qu'au-delà de la pédagogie politique de la Charte, celle-ci va déployer ses effets juridiques, notamment vis-à-vis des institutions qui la proclament. Je suis sûr que la Commission, le Conseil, le Parlement même, ne pourront pas ignorer la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans l'avenir, lorsqu'ils agiront en tant que législateurs ou en tant qu'exécutif. Et je suis sûr que la Cour de justice européenne ne va pas non plus ignorer la Charte. Et là je suis désolé d'entendre les critiques faites à l'activisme judiciaire, car je me demande si la meilleure invitation à cet activisme n'est pas justement contenue dans l'article 6, paragraphe 2, du traité, qui renvoie à un concept vague et abstrait tel que la tradition constitutionnelle commune des quinze États membres, au lieu de renvoyer à une Charte qui a 48 articles clairs et lisibles.

(Applaudissements)

Finalement, vous savez que la Commission est d'avis que la Convention a élaboré un texte qui a vocation à être intégré dans les traités, tôt ou tard. On pourrait même dire que l'intégration de la Charte dans les traités, la reconnaissance de sa valeur juridique contraignante, pourrait être une valse à deux temps. Elle a la vocation d'être intégrée dans les traités et la Commission considère que cette vocation doit être pleinement exercée dans le cadre de la réorganisation des traités que nous avons suggérée à la Conférence intergouvernementale et que nous attendons que le Conseil européen puisse approuver à Nice. Mais, dans l'immédiat, il serait incompréhensible que, le jour même où les chefs d'État et de gouvernement vont proclamer solennellement la Charte, ils puissent ignorer celle-ci dans l'article 6, paragraphe 2, des traités. Je fais confiance à l'engagement de la présidence française à obtenir un consensus pour reconnaître au moins la référence à la Charte en tant que source inspiratrice de l'interprétation des droits fondamentaux dans l'Union européenne, déjà à Nice.

(Applaudissements)

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs les Députés, je ne saurais parler mieux qu'Antonio Vitorino, donc je serai bref pour souligner la qualité des débats dans ce Parlement, qualité qui n'a d'égale que celle qui s'est manifestée au sein de la Convention, et je salue avec vous l'implication de vos membres - notamment M. Méndez de Vigo et Mme Pervenche Berès - dans cette enceinte. Je me réjouis, à l'écoute de ce débat, de voir se dessiner dans vos rangs, me semble-t-il, une majorité claire et nette en faveur de ce texte, même si certains d'entre vous demandent encore à être convaincus. Pour les uns le texte serait trop contraignant, voire trop avancé par rapport à certaines réformes qu'il risquerait de démanteler, et pour d'autres il serait vide ou insuffisamment contraignant. J'en déduis peut-être que ce texte est à l'image de notre Europe, qui avance par compromis entre des conceptions diverses, entre des nations diverses, entre des traditions diverses, et on pourrait là reprendre la formule de Galilée : "Et pourtant, elle tourne".

Je ne reprendrai que quelques-uns des points saillants de ce débat. Tout d'abord, M. Dupuis, je ne crois pas, très sincèrement, que ce texte soit vide. Je crois, au contraire, comme l'a dit M. Antonio Vitorino, qu'il illustre une vision commune de notre Union, qu'il lui donne, comme l'a dit M. Enrique Barón, une légitimité fondamentale et, pour ma part, j'ai la conviction que c'est un apport majeur, qui va dans le sens des attentes de nos concitoyens. Ils ont besoin de sens, ils ont besoin de valeurs ; ils ont besoin de reconnaissance de leurs droits. Ce texte, avec ses imperfections et ses limites, répond à ces besoins. Et cela vaut aussi pour les pays candidats, dont les citoyens ont également soif de droits et de valeurs. La Charte, j'en ai la conviction, s'intègre ainsi pleinement dans l'acquis politique communautaire.

Bien sûr, au cours de ce débat vous avez repris la discussion sur la valeur juridique de la Charte. Je veux vous assurer, en tant que Président en exercice du Conseil, que j'ai bien entendu votre message, notamment celui qui a été exprimé avec beaucoup de force par M. Enrique Barón. Mais je redis que, si nous avions posé d'emblée le principe que la Charte devait être contraignante, alors ce texte vous aurait déçu. Car le choix était clair : c'était soit un texte substantiel, qui risquait de ne pas être contraignant dans l'immédiat, soit un texte qui aurait peut-être eu quelque chance d'être contraignant dans l'immédiat mais qui, du coup, aurait perdu tout contenu. En outre, je constate qu'une majorité ne semble pas se dessiner aujourd'hui, au sein du Conseil européen, en faveur de cette valeur contraignante.

Nous bâtissons un édifice politique majeur, et chaque étape compte. C'est pour cela que je crois que l'attitude raisonnable consiste à consolider la fondation que représente cette Charte, puis à préparer le niveau suivant. Je ne doute pas qu'il viendra en temps utile.

Le commissaire vient de rappeler dans quel esprit cette Charte a été rédigée, comme si elle devait être contraignante un jour. Je suis, quant à moi, exactement comme lui, convaincu, d'une part, qu'elle aura des effets uniques immédiats et, d'autre part, qu'elle sera contraignante prochainement.

Sur la méthode, j'ai le sentiment que le compromis n'a en rien affaibli le texte et, qu'au contraire, il a permis de souligner une certaine unité, voire une certaine unanimité, autour des valeurs et des droits que nous partageons.

Pour ce qui concerne le rôle des citoyens, qui aurait été insuffisant, je considère cette critique partiellement injuste. Jamais le principe de transparence n'a été appliqué avec autant de détermination et de succès dans l'histoire de la construction européenne. Je rappelle que la CES, par exemple, qui a été entendue, représente 60 millions de salariés en Europe, que plusieurs centaines d'ONG ont été consultées, que des citoyens, tout simplement, ont pu acheminer leur contribution et que certaines de leurs propositions ont été retenues par la Convention.

J'en termine par l'essentiel, qui est le contenu, pour dire qu'à mon sens la Charte a vraiment un contenu significatif - c'est-à-dire qui aura du sens pour les citoyens - et un contenu ambitieux. La Convention a choisi d'inscrire des droits fondamentaux inspirés des différents instruments du Conseil de l'Europe, des traités et des constitutions des États membres. Les droits de l'homme inscrits dans la Charte sont percutants. Je pense, par exemple, à l'inviolabilité de la dignité humaine, au droit à la vie avec l'interdiction de la peine de mort. Ils sont modernes. Les enjeux éthiques et de liberté des nouvelles technologies et de la science sont abordés. Je pense, par exemple, au droit à l'intégrité de la personne, à la protection des données personnelles et, comme l'a rappelé Mme Pervenche Berès, ma conviction est que les droits sociaux ne doivent pas être dénigrés.

La Charte affirme les valeurs sociales de la construction européenne. Elle garantit que l'Union respecte et respectera leur mise en œuvre au sein des États. Cela contribuera à renforcer la confiance que les citoyens doivent mettre dans l'Union. La Charte, en outre, accorde une attention particulière à certaines catégories de personnes plus fragiles, comme les personnes handicapées, les enfants et les personnes âgées. Elle affirme aussi avec beaucoup de vigueur l'égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines, ainsi que la non-discrimination. Ces droits, me semble-t-il, sont énoncés avec une force remarquable, dont l'Union peut s'enorgueillir.

Enfin, la Charte reprend les principes fondateurs de l'Union. Elle rappelle les libertés fondamentales de la Communauté tout en mettant en valeur la citoyenneté européenne. Là aussi, en énonçant un droit à une bonne administration, la Charte se veut ambitieuse.

J'ai entendu, au cours de ce débat, quelques formules percutantes : la Charte serait un os pour le chien - le chien étant le Parlement européen - ou bien le cache-sexe des renoncements d'une présidence française moribonde, notamment dans sa conduite de la CIG. Je laisse à leurs auteurs ces jugements forts, que je ne partage pas nécessairement et que j'espère d'ailleurs voir démentis au moment où nous adopterons le traité de Nice.

Ce que je voulais dire en reprenant ce qui précède, c'est que Nice est un point important. Je pense notamment qu'il faut articuler l'article 6 mais aussi l'article 7, et j'espère que nous parviendrons à des réformes sur ces deux points. Nice est un point important, mais ce n'est pas un point d'arrivée : c'est une étape dans la construction européenne, étape dont je crois que la Charte constituera un des éléments majeurs, et je me réjouis de voir se dessiner les options de votre Parlement.

 
  
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  Le Président. - Le débat est clos.

Le vote aura lieu à 12 heures.

 

3. Turquie
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  Le Président. - L'ordre du jour appelle en discussion commune les deux rapports suivants :

- (A5-0297/00) de M. Morillon, au nom de la commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense, sur le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion (COM(1999) 513 - C5-0036/2000 - 2000/2014 (COS)) ;

- (A5-0303/00) de M. Seppänen, au nom de la commission des budgets, sur la proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2000/24/CE afin de mettre en place un programme d'action spécial de la BEI pour la consolidation et le resserrement de l'union douanière CE-Turquie (COM(2000) 479 - C5-0454/2000 - 2000/0197(CNS)).

 
  
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  Morillon (PPE-DE), rapporteur. - Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, le 13 décembre 1999 le Conseil européen de Helsinki décidait d'accorder à la Turquie le statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne et de mettre en place un partenariat d'adhésion ainsi qu'un cadre financier unique pour aider la candidature de la Turquie à progresser en conformité avec les critères de Copenhague.

C'est dans cet esprit que les travaux qui ont abouti au présent rapport ont été menés au sein de la commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense, et je salue ici la contribution de l'ensemble de mes collègues à la mise au point de ce rapport, qui conclut - en rejoignant la Commission - que la Turquie ne remplit pas aujourd'hui les critères de Copenhague.

Depuis la décision de Helsinki, il faut saluer les efforts accomplis par la Turquie dans la définition d'un programme d'évolution de son arsenal juridique pour mieux satisfaire, en particulier, les exigences de l'Union en matière de respect des droits de l'homme. En témoigne, entre autres, le rapport établi sous la direction de M. Demiroc, secrétaire du Haut Conseil de coordination turc des droits de l'homme, proposant un très volumineux ensemble de réformes de la constitution. Mais force est aussi de constater et de comprendre l'émotion suscitée au sein des différents partis politiques et dans l'opinion publique turcs par la prise de conscience de l'importance de ces réformes. Les citoyens turcs mesurent que leur entrée dans l'Union nécessitera non seulement une révision sans douleur de leurs institutions et l'abandon partiel d'une souveraineté à laquelle ils restent jalousement attachés, mais aussi un changement radical de leurs habitudes et de leurs mentalités.

C'est la raison qui a amené notre Parlement à proposer la mise sur pied d'un forum euro-turc, associant dans une réflexion approfondie les représentants qualifiés de la communauté turque et les parlementaires européens qui en auront reçu le mandat. La décision relative à l'adhésion de la Turquie aura trop d'importance pour l'avenir de l'Union et de la Turquie elle-même pour qu'elle puisse être prise dans le silence feutré - voire dans le secret - des cabinets. Il y faudra de longs débats, tant au Parlement européen que dans les parlements nationaux, et c'est pourquoi tout le monde s'accorde à reconnaître que la route sera longue et difficile.

La mise sur pied du forum proposé par notre Parlement devrait permettre de surmonter ainsi les premiers obstacles rencontrés sur cette route. Notre Parlement devra, à l'intérieur de ce forum et au cours de ses débats, dire très clairement à nos partenaires turcs qu'ils n'ont pas à craindre une quelconque volonté européenne d'ingérence dans leurs affaires intérieures, mais que nous leur proposons un contrat en cours de définition plus précise, à l'occasion du partenariat d'adhésion, Monsieur le Commissaire, et bien sûr de la Convention sur la Charte des droits fondamentaux. Il appartiendra aux Turcs de l'accepter ou de le refuser.

Dans l'état actuel des choses, il appartient aussi à notre Parlement de dire au peuple turc qu'il y a aujourd'hui trois conditions à son adhésion. Tout d'abord : le respect du besoin d'identité, manifesté d'autant plus clairement à travers l'Europe par nos concitoyens qu'ils ont un plus ferme désir de préserver leurs racines face aux inéluctables progrès de la mondialisation. L'Europe, consciente que sa richesse est faite de sa diversité, est résolue à reconnaître ce besoin d'identité, et c'est pourquoi elle insiste sur les droits et aussi sur les devoirs des minorités. C'est dans cet esprit qu'elle est prête à aider la Turquie à trouver, en particulier, une solution au problème kurde. Le deuxième problème qui devra, à l'évidence, trouver sa solution dans les meilleurs délais, est celui de Chypre, dont personne ne comprendrait aujourd'hui qu'elle demeure divisée par un mur, comme il s'en est heureusement abattu beaucoup d'autres au cours de la décennie écoulée, par exemple à Berlin, à Sarajevo et, plus récemment encore, entre les deux Corée. Enfin, dans la mesure où le combat contre le terrorisme peut être considéré comme achevé, le poids de l'armée turque dans l'élaboration des décisions politiques devrait progressivement diminuer.

J'ai parlé de trois conditions préalables. Notre Parlement a reconnu le génocide arménien en 1987. Certains voudraient faire de la reconnaissance de ce génocide par le gouvernement turc une autre condition à l'adhésion. Cela irait à l'encontre de l'esprit et de la lettre du processus défini à Copenhague pour tous les pays candidats. J'ai trop souffert, avec toutes les communautés de Bosnie-Herzegovine, des conséquences tragiques du rappel systématique des atrocités d'autrefois pour croire que l'on puisse bâtir un avenir de paix et de stabilité en ne cessant de ranimer les rancœurs du passé.

 
  
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  Seppänen (GUE/NGL), rapporteur. - (FI) Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Monsieur le Commissaire, nous examinons aujourd’hui deux rapports, dont l’un, celui de M. Morillon est plutôt de nature politique, tandis que le mien est plutôt d’ordre technique. Le Conseil propose d’inclure la Turquie dans la liste des pays pouvant bénéficier de prêts de la BEI, de telle sorte que ceux-ci soient couverts par une garantie communautaire. Le Conseil propose à l’unanimité que la Turquie fasse partie des bénéficiaires des garanties, et la commission des budgets du Parlement européen a également été unanime sur la question.

L’unanimité ne signifie pas que nous soyons tous satisfaits de la démocratie en Turquie et de la manière dont la Turquie respecte les droits de l’homme : nous ne le sommes pas. Étant donné que la Turquie a déposé sa demande d’adhésion à l’Union européenne, elle connaît certainement très bien les critères d’adhésion définis à Copenhague. Et comme, à Helsinki, l’Union européenne a admis la Turquie dans le groupe des pays avec lesquels sont conduites des négociations d’adhésion, la situation des droits de l’homme en Turquie n’est plus seulement une affaire intérieure. Par sa demande d’adhésion, la Turquie a donné à l’Union européenne le droit de prendre position sur les affaires intérieures du pays.

La tentation de poser des conditions rappelant au respect de la démocratie a été grande, mais il était techniquement impossible de le faire pour ce qui est du présent rapport. Il ne s’agit en effet que de compléter la décision antérieure 2000/2024/CE du Conseil. Si on avait voulu poser des conditions, il aurait fallu le faire l’an dernier, à l’occasion de la décision antérieure. À cette époque-là, on ne savait pas que, du fait de l’évolution positive des négociations d’adhésion, la Turquie compterait parmi les bénéficiaires des garanties. En outre, il n’aurait pas été possible de fixer des conditions uniquement par une décision du Parlement européen.

J’attire votre attention sur le peu de moyens dont le Parlement européen dispose pour influer sur les activités de la BEI et à quel point l’Union européenne, d’un point de vue général, contrôle mal ces activités. Le fonds de garantie communautaire qui servira à garantir les prêts à la Turquie, fait partie des dépenses obligatoires et de ce fait le Conseil n’a pas eu besoin de tenir compte des positions du Parlement européen. Au Parlement européen, nous voudrions de façon générale que l’Union européenne fixe aux prêts consentis par la BEI des conditions en matière d’environnement et de protection sociale des citoyens des pays tiers. Dans le cas de la Turquie il s’agirait de conditions liées au respect des droits de l’homme, mais la base juridique actuelle du fonds de garantie ne le permet pas. Une meilleure coordination entre les institutions communautaires est nécessaire. Les problèmes liés à la surveillance et au contrôle des activités de la BEI sont aussi dus au fait que les organes directeurs de la banque ne sont composés que de représentants des États membres et qu’une partie d’entre eux veulent empêcher la Commission et le Parlement européen de prendre position sur les affaires de la banque. Résultat : la Banque européenne d'investissement est l’un des derniers ports sûrs de l’activité bancaire mondiale ; on n’y entend pas le clapotis des vagues du dialogue social.

En conclusion, j’attire l’attention sur un point dont la Commission a conscience, et c’est pourquoi j’attire en particulier l’attention du Conseil là-dessus : les ressources du fonds de garantie pour 2001 ne suffiront pas à couvrir tous les engagements. Ce sera sans doute aussi le cas en 2002. Si on veut respecter les engagements, il faudra revoir les plafonds. C’est le seul point sur lequel le Parlement européen peut légalement donner son avis. Le Conseil se dispose à accorder des prêts et des garanties au-delà de ce qui lui est légalement possible.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Messieurs les Rapporteurs, Mesdames et Messieurs les Députés, vous avez souhaité que nous procédions à un débat sur la relation de l'Union européenne avec la Turquie, et vous savez l'importance que la présidence du Conseil apporte au renforcement de ces relations qui ont pris un nouveau cours depuis la reconnaissance à Helsinki de la candidature de ce pays. Le débat sur les deux rapports présentés par MM. Morillon et Seppänen vient donc à point nommé, puisque la Commission vient de nous communiquer deux documents très importants, d'une part, son dernier rapport sur les progrès accomplis par la Turquie sur la voie de l'adhésion et, d'autre part, sa proposition de partenariat pour l'adhésion de la Turquie.

Je commencerai, si vous le permettez, par le très intéressant rapport de M. Morillon, qui porte sur l'ensemble de la relation euro-turque, et plus particulièrement sur le rapport de progrès présenté en 1999 par la Commission, quelques semaines avant le Conseil européen d'Helsinki. Celui-ci, en reconnaissant la candidature turque, avait suivi les recommandations formulées par la Commission dans son rapport, aux analyses duquel, je crois, nous souscrivons tous.

Depuis lors, des mesures ont été prises par l'Union et par la Turquie pour traduire en actes concrets les décisions d'Helsinki. Je pense bien sûr aux travaux engagés au sein du Conseil d'association en vue de l'alignement de la législation turque sur l'acquis communautaire. Mais je pense surtout, comme l'a également souligné M. Morillon, aux efforts déployés par la Turquie pour s'adapter aux normes et aux pratiques européennes, en particulier en matière de respect des droits de l'homme et de consolidation de l'État de droit. Beaucoup reste à faire, nous le savons, mais je crois que le pli des réformes commence à être pris en Turquie. Il nous appartient donc, à nous, Européens, d'accompagner ce pays sur son très long et difficile chemin vers l'adhésion. À cet égard, je ne doute pas que la volonté de chacun d'entre nous d'aider la Turquie a progresser sur la voie de la démocratisation l'emportera. Qui mieux que votre Assemblée pourrait le faire ? Ainsi, je ne peux que me réjouir de la proposition que vous avez avancée de créer un forum euro-turc des droits de l'homme et de permettre ainsi aux citoyens turcs de prendre toute la mesure de la perspective européenne qui s'offre à eux, mais aussi de ses exigences.

Ceci posé, je sais bien sûr que la candidature de la Turquie continue de susciter des interrogations. Je perçois les réserves de beaucoup, pas seulement au sein de votre Parlement, mais aussi dans l'ensemble des États membres. J'ai bien pris note de votre souhait, dont M. Morillon s'est parfaitement fait l'interprète, d'être pleinement associés aux destinées de la relation euro-turque. Sur ce point, je veux être parfaitement clair. Je ne pense pas que quiconque ait l'intention d'esquiver le débat sur cette question, bien au contraire. Il y a déjà eu nombre de discussions, parfois difficiles, mais, j'en suis convaincu, salutaires, ici même au Parlement européen ainsi qu'au sein des parlements nationaux des États membres. Pour sa part, la présidence française n'entend pas se soustraire à ce légitime souci de transparence, d'information et de débat. Je crois que l'excellent rapport de M. Morillon témoigne de la volonté qui est la vôtre de mener à bien ce processus de pré-adhésion de la Turquie, tout en faisant preuve d'une grande et légitime vigilance en ce qui concerne les réformes toujours considérables que ce pays doit encore engager.

Nous sommes tous d'accord sur le fait que les négociations ne pourront en aucun cas - et j'y insiste - être engagées avant que la Turquie n'ait rempli pleinement les critères politiques de Copenhague. C'est pourquoi j'ai bien pris note des suggestions formulées par M. Morillon portant sur les conditions préalables à l'adhésion de la Turquie et elles méritent le plus grand intérêt. Nous sommes tous conscients, en effet, vous-mêmes, la présidence du Conseil et je crois la Commission, qui l'a encore souligné dans son dernier rapport concernant les progrès de la Turquie, des efforts que ce pays doit encore accomplir, des réformes qu'il doit mettre en œuvre dans des domaines aussi essentiels que le respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et des minorités notamment - domaines dans lesquels, nous ne pouvons que le regretter, les progrès sont encore trop lents, voire insuffisants. Mais il convient aussi de se garder - et là votre rapport y insiste avec beaucoup de sagesse - d'imposer des conditions nouvelles ou exhorbitantes à la candidature turque.

Je me permets d'insister sur cette question de l'égalité de traitement de la Turquie par rapport aux autres candidats, parce qu'il s'agit, à mes yeux, d'un principe fondamental affirmé à Helsinki et qui doit guider le renforcement de la relation euro-turque. En effet, de façon générale, je crois qu'il serait regrettable de donner à la Turquie le sentiment que nous revenons sur les engagements que nous avons pris et sur les principes que nous avons nous-mêmes arrêtés à Helsinki. C'est pourquoi, dans le même esprit, l'Union doit tenir les autres engagements qu'elle a souscrits à l'égard de ce pays et qu'il me paraît indispensable de respecter, notamment en matière d'assistance financière. La présidence française en a fait l'un de ses objectifs et je crois que nous avançons. Votre Assemblée a, bien sûr, été invitée à se prononcer à plusieurs reprises sur ce dossier, qu'il s'agisse du programme MEDA ou des règlements financiers proposés par la Commission pour le rapprochement euro-turc et pour l'accompagnement de l'Union douanière, mais il y aussi les interventions de la Banque européenne d'investissement, essentielles pour accompagner le développement économique de la Turquie et pour poursuivre la reconstruction entreprise après le tremblement de terre.

Je me réjouis, à cet égard, des conclusions du rapport présenté par M. Seppänen concernant le programme d'action spéciale de la BEI pour le renforcement de l'Union douanière avec la Turquie. La France, lors de sa précédente présidence, en 1995, n'avait pas ménagé ses efforts pour parvenir à la conclusion de cet accord d'union douanière désormais en vigueur depuis le 1er janvier 1996. Force est cependant de reconnaître que l'octroi des crédits à la Turquie n'a pas toujours reflété le niveau de ses engagements pris alors par l'Union. Mais les choses avancent, en particulier depuis un an, et je me réjouis de l'augmentation annoncée par la Commission des crédits à l'égard de ce pays. Il est important, en effet, que les moyens financiers mis à la disposition de la Turquie soient à la hauteur des objectifs qui ont été assignés. Pour sa part, la présidence souhaite que ce programme d'action spéciale de prêt de la BEI puisse être adopté par le Conseil très rapidement, sans doute dès la session des ministres de l'économie et des finances du 27 novembre prochain.

J'ajoute que nous attendons tous avec intérêt la proposition annoncée par la Commission d'un règlement unique destiné à coordonner l'ensemble des sources d'aide communautaire à la Turquie, comme prévu à Helsinki. Il est naturel, en effet, d'harmoniser les modalités de l'aide de pré-adhésion à ce pays, avec celles prévalant pour les autres candidats sur le modèle du programme PHARE. Votre Assemblée aura, bien sûr, l'occasion de se prononcer, le moment venu, sur cette question. Mais, comme vous le savez, cette aide de pré-adhésion sera plus particulièrement destinée à aider la Turquie à atteindre les objectifs arrêtés dans le futur partenariat pour l'adhésion. Il s'agit là d'un instrument essentiel de la stratégie de pré-adhésion de ce pays dont la Commission, dans son dernier rapport de progrès, souligne à juste titre, l'importance. L'examen détaillé de cette proposition va donc être engagé dans les enceintes compétentes du Conseil et vous comprendrez qu'en tant que président du Conseil, je ne puisse effectivement préjuger. Mais, sans préjudice du débat qui commence cette semaine, je crois pouvoir dire que la Commission a fait une proposition très constructive, porteuse d'exigences fortes, à la fois pour l'Union et pour la Turquie.

À cet égard, je me réjouis que cette proposition rejoigne nombre des recommandations tout à fait bienvenues qui ont été faites par M. Morillon. Je pense à l'approfondissement des efforts de démocratisation, notamment dans le domaine de la séparation des pouvoirs ou de la levée de l'état d'urgence dans certaines provinces de la Turquie. Le souhait de la présidence est que ce projet soit adopté rapidement, si possible en fait dès le 20 novembre, par le prochain Conseil "Affaires générales" et, comme je l'ai déjà indiqué, dans le respect des décisions très précises prises à Helsinki. Il reviendra ensuite à la Turquie de s'en inspirer pour élaborer son programme national d'adoption de l'acquis et pour mettre en place les réformes, toutes les réformes nécessaires, avec le soutien de l'Union.

Un grand chantier s'offre donc à nous et nous le savons, il est long, il est complexe. Soyons exigeants, soyons vigilants, mais, en même temps, restons dans la logique de notre propre choix, c'est-à-dire un pari, une certaine confiance à la Turquie, à sa volonté de rapprochement avec l'Union et aussi aidons-la à renforcer sa capacité à mettre en place les réformes nécessaires, réformes nécessaires que nous sommes tout à fait en droit d'attendre d'elle.

(Applaudissements)

 
  
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  Verheugen, Commission. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Mesdames et Messieurs, je voudrais avant tout remercier très chaleureusement MM. Morillon et Seppänen pour leurs rapports très constructifs et avisés sur le plan politique et dire que ce débat se tient à un moment très favorable, à un moment où nous sommes en effet en mesure de donner une tournure peut-être décisive aux relations entre l'Union européenne et la Turquie.

La semaine dernière, vous le savez, la Commission a non seulement présenté le rapport régulier pour l'an 2000 mais aussi, fait sans précédent dans l'histoire de nos relations, une proposition de partenariat pour l'adhésion. Je suis heureux de pouvoir dire que, dans l'intervalle, le gouvernement turc a accepté ce partenariat comme base de coopération future, ce qui nous laisse bon espoir de parvenir à nos fins, c'est-à-dire d'aider, par notre politique, les forces réformatrices en Turquie, de donner un nouvel élan au processus de réforme et de le faire avancer en vue de l'adhésion recherchée à l'Union européenne.

La présente proposition de résolution du Parlement souligne d'ailleurs notre objectif commun qui est de rapprocher la Turquie de l'Union européenne. Il faut régulièrement affirmer, avec toute la clarté nécessaire, qu'il est dans l'intérêt stratégique de l'Europe d'ancrer solidement et durablement la Turquie dans notre communauté de valeurs. Nous voulons que la Turquie soit un pays moderne et ouvert dans lequel soient respectés la démocratie et les droits de l'homme, où règne l'État de droit et où les minorités soient protégées et respectées. Nous pouvons d'ores et déjà dire que le processus d'Helsinki a engendré toute une série de développements intéressants et importants.

En Turquie même, on a pu déceler les premiers signes de l'entame d'un processus de réforme, d'un processus de réformes politiques profondes et de grande ampleur. Les relations gréco-turques se sont nettement améliorées. Il y a quelques jours à peine, les ministres grec et turc des Affaires étrangères ont confirmé que les deux pays voulaient convenir de nouvelles mesures porteuses de confiance, tant sur le plan bilatéral que dans le cadre de l'OTAN, et mettre en œuvre lesdites mesures. Enfin, je dois également signaler que les discussions relatives à Chypre ont repris dans le cadre des Nations unies. À ce jour, cinq réunions de négociation ont déjà eu lieu. En soi, c'est déjà un succès important.

Il n'en demeure pas moins - comme la Commission l'a très clairement affirmé dans son rapport régulier - que la Turquie doit, comme tous les autres pays candidats, respecter les critères de Copenhague dans le cadre du processus de rapprochement. Notre attention porte actuellement avant toute chose sur les critères politiques car, si ceux-ci ne sont pas pleinement remplis, la question d'entamer des négociations ne se posera pas. Je le répète : la question d'entamer des négociations d'adhésion ne se posera qu'une fois que nous pourrons constater que les conditions politiques sont remplies. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Des préoccupations ont très souvent été exprimées au sein de ce Parlement. Je confirme une fois encore que nous devons être préoccupés par le respect insuffisant des droits de l'homme et des droits des minorités, que nous devons être préoccupés par le rôle octroyé à l'armée par la constitution, que nous demeurons profondément préoccupés par la situation de la population d'origine kurde et l'état d'urgence qui est maintenu dans les quatre province du Sud-Est du pays.

J'ai déclaré que le processus d'Helsinki fait néanmoins montre, d'ores et déjà, d'évolutions positives, de résultats positifs. Pour moi, l'élément essentiel est qu'Helsinki a déclenché en Turquie, dans l'opinion publique turque, un débat sur les conditions d'une adhésion de la Turquie à l'UE et que ce débat soutient et favorise les forces réformatrices du pays. Un exemple en est le rapport de la commission des droits de l'homme de l'Assemblée nationale turque sur la torture en Turquie mais aussi la décision prise par le gouvernement turc quant à l'adaptation de la constitution et du système juridique turcs aux valeurs de l'Union européenne.

L'élément déterminant est que tout ce qui est annoncé et discuté en Turquie est désormais également réellement mis en œuvre. Je pense que le partenariat à l'adhésion que nous avons présenté constitue la meilleure voie pour faciliter cette mise en œuvre et garantir par la même occasion que l'Union européenne exerce l'influence nécessaire sur le processus en tant que tel. Nous avons indiqué les priorités à court et moyen terme que la Turquie devrait mettre en œuvre dans le cadre d'un programme national afin de remplir les critères de Copenhague. C'est sur celles-ci que devra porter la coopération financière.

Dans son volet politique, notre document décrit les réformes politiques profondes et de grande ampleur qui doivent être entreprises. Celles-ci comprennent les garanties constitutionnelles de liberté d'opinion, de réunion et de religion ; l'abolition de la peine de mort ; l'arrêt des tortures ; l'adaptation du rôle de l'armée aux règles du jeu d'une société démocratique ; la levée de l'état d'urgence dans le Sud-Est du pays ainsi que la garantie des droits culturels pour l'ensemble des Turcs, quelle que soit leur origine nationale.

Dans mes contacts avec le gouvernement turc, je n'ai eu de cesse de souligner que l'Union européenne attendait de la Turquie qu'elle s'engage fermement à entreprendre des démarches concrètes en vue de la mise en œuvre de ces objectifs. Cependant, je dois également vous dire que je suis convaincu que le gouvernement turc a la volonté inébranlable de s'attaquer résolument à ces nécessaires projets de réforme. Dans son discours du mois dernier devant le parlement turc, le président Sezer a exposé très clairement pourquoi la Turquie n'avait pas d'alternative à l'engagement de réformes. Je rejoins totalement ce qu'a dit le président turc : la Turquie doit devenir une démocratie à part entière non seulement parce que l'Union européenne le demande mais aussi parce que le peuple turc le mérite.

Tout ceci signifie que nous avons encore beaucoup de travail. Cela vaut en outre aussi pour le respect des critères économiques et la capacité à intégrer l'acquis communautaire. Sur ce point aussi, je rejoins largement le rapport de M. Morillon.

Comme vous le savez, la Commission a émis, en juillet de cette année, une proposition de règlement pour le partenariat à l'adhésion qui expose la base juridique de ce partenariat tout en créant un cadre financier uniforme. Ce texte vous est soumis pour avis. Je voudrais profiter de ce débat pour vous prier d'appuyer cette proposition. Sans cette base juridique, le partenariat à l'adhésion ne pourra déployer ses effets politiques que je crois positifs car il ne pourra être décidé.

Nous exigeons de la Turquie, en raison de sa candidature à l'Union européenne, des réformes de grande ampleur. Cela signifie toutefois que nous devons aussi être prêts à appuyer la Turquie dans son processus de réforme, comme nous le faisons d'ailleurs aussi pour tous les autres pays candidats par le biais de ressources financières infiniment plus importantes. Comme contribution potentielle, la Commission a proposé d'allouer à la Turquie un crédit de la Banque européenne d'investissement d'un montant de 450 millions d'euros. Il devrait en particulier contribuer à l'amélioration de la compétitivité de l'économie turque sur le marché intérieur européen.

La mise en œuvre des réformes politiques indispensables constituera une clé - si pas la clé - des relations entre l'Union et la Turquie. Je me réjouis que vous procédiez, la semaine prochaine, à un échange de vues sur cette question avec vos collègues turcs à l'occasion de la réunion de la commission parlementaire mixte. Je salue également les propositions émises dans le présent rapport quant à l'intensification de la coopération parlementaire et au renforcement du rôle de la société civile. Je vous remercie de votre attention.

(Applaudissements)

 
  
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  Garriga Polledo (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, je tiens à féliciter le rapporteur, M. Seppänen, de son rapport tellement utile dans le cadre général du débat sur l'adhésion de la Turquie à l'Union. Nous parlons ici d'établir un programme spécial pour la consolidation de l'union douanière et d'étendre le mandat confié à la Banque européenne d'investissements, pour l'octroi de nouveaux prêts à la Turquie durant la période 2000-2004 d'une valeur de 450 millions d'euros.

Le rapport a été approuvé à l'unanimité en commission des budgets. Compte tenu que ce programme spécial de 450 millions, dont l'Union garantira 65 %, spécifie que sur la base d'un taux de provisionnement de 9 %, le montant qui devrait être viré de la réserve vers le Fonds de garantie ne s'élève qu'à 26 millions d'euros, il n'y aurait d'incidence budgétaire qu'en cas de défaut de paiement, parce qu'il faudrait alors faire appel à la garantie.

Ces prêts de la Banque européenne d'investissement nous permettent de soutenir les investissements destinés à l'industrie turque et à ses infrastructures en matière de transport, énergie et télécommunications. Le tout pour accroître la compétitivité de la Turquie au sein de l'union douanière et atténuer ainsi les effets négatifs du démantèlement tarifaire sur l'économie turque.

Le problème fondamental, concernant la Turquie, ne se pose donc pas au sein de la commission des budgets - il faut le dire très clairement. Le problème de fond de l'adhésion de la Turquie demeure un problème politique et relève d'autres commissions parlementaires. L'union douanière et les prêts de la Banque européenne d'investissements fonctionnent avec la Turquie depuis de nombreuses années déjà. Ce que l'on entend faire à présent, c'est donner un élan nécessaire dans le cadre d'une adhésion future. Je répète que les seuls graves problèmes que nous pourrions rencontrer seraient que l'aide macrofinancière promise atteigne le montant maximal prévu, auquel cas la réserve résiduelle pour les garanties se réduirait presque à néant pour les années 2001 et 2002. Rappelons qu'il est dans l'intérêt de l'Union européenne de financer des projets de sécurité nucléaire dans des pays tiers dans le cadre d'Euratom. Une réserve résiduelle ramenée à zéro pourrait créer certains problèmes pour le financement de ces investissements.

La situation générale que pose le rapport s'inscrit dans une situation de négociation Parlement/Conseil pour le budget 2001, où le Parlement européen désire élargir ses droits d'information et de consultation dans le cas des engagements extérieurs de l'Union européenne revêtant une très grande importance financière. C'est la position que le groupe du parti populaire européen défend et que ce Parlement a votée en première lecture. Espérons que nous l'aborderons lors du dialogue tripartite et de la conciliation.

 
  
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  Swoboda (PSE) . - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, je voudrais tout d'abord, au nom de mon groupe, féliciter chaleureusement les deux rapporteurs pour leur travail. Il n'est en effet jamais aisé d'établir un rapport sur la Turquie, en raisons des développements somme toute fort contradictoires. Il y a une, d'une part, des évolutions positives : je pense au nouveau ministre pour les questions européennes, je pense à la création d'un secrétariat général aux affaires européennes attaché au Premier ministre. Il faut toutefois également noter des lacunes déplorables en matière de progrès de la Turquie sur la route vers l'Union européenne. Rien n'a été entrepris pour abolir la peine de mort. Presque rien n'a été entrepris pour renforcer l'ancrage juridique des minorités et des droits de l'homme, en dépit de la signature de quelques conventions des Nations unies.

Le fait d'avoir nommé à la tête de la commission des droits de l'homme du parlement turc une personne qui n'est pas nécessairement garante d'une plus grande attention envers les droits de l'homme est aussi un signe déplorable. La situation est similaire pour ce qui est de la question kurde. Là aussi, il y a eu quelques signaux légèrement positifs. On a constaté qu'il serait tout à fait envisageable d'émettre des informations en langue kurde à la radio et à la télévision et qu'une certaine forme de reconnaissance de la culture kurde pourrait suivre. D'un autre côté, on a assisté à l'arrestation de certains maires et le parti Hadep a dû faire face à des difficultés dans le Sud-Est, dans des régions kurdes.

Je pense que cette contradiction même montre bien que se déroule en Turquie une lutte entre les forces progressistes et les forces d'inertie qui ne veulent tout simplement pas s'engager sur la voie de l'Europe, chose que je déplore fortement. Je donne toutefois tout à fait raison au commissaire. Nous devons tout faire pour appuyer et soutenir les forces positives et progressistes en Turquie.

À cet égard, je voudrais également me pencher sur ce qu'on appelle la question arménienne. Lors d'une réunion à laquelle je n'ai hélas pu participer, la majorité de mon groupe a décidé d'appuyer la proposition d'amendement 25. Sur le fond, il y a d'ailleurs peu de choses à redire à cet amendement, même si je déplore que beaucoup veuillent abuser des amendements relatifs à l'Arménie et au massacre des Arméniens pour poser, par des voies détournées, des objections de fond à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne : j'estime que c'est erroné et dangereux. Je ne sais pas comment se déroulera le vote mais j'inviterais instamment la Turquie à traiter cette question avec sérieux. Nous devons tous débattre ouvertement et honnêtement de notre propre histoire et de celle des pays et des États qui nous ont précédé. Je pense que la Turquie devrait prendre un nouveau départ et charger, avec l'Arménie, des historiens d'enquêter sur les événements afin de découvrir la vérité, d'expliquer les faits, de prendre une position claire sur ce sujet et de reconnaître les faits établis.

Je pense que ce serait la meilleure manière de sortir de cette situation difficile car imposer un tel travail de l'extérieur est toujours plus difficile que d'entreprendre soi-même ce travail d'information. En ce sens, je voudrais revenir sur les propos du commissaire. Il a déclaré qu'il était de notre intérêt stratégique d'ancrer fermement et durablement la Turquie à la communauté européenne de valeurs - j'espère restituer assez fidèlement ses propos. Voilà de quoi il s'agit et la Turquie devrait elle aussi en prendre acte. Même si ce Parlement se montre critique et peut-être plus critique que ne le peuvent le Conseil et la Commission, nous souhaitons que la Turquie s'engage sur cette voie et qu'elle devienne membre de l'Union européenne sitôt qu'elle y parviendra.

 
  
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  Duff (ELDR). - (EN) Monsieur le Président, le groupe des libéraux européens accueille chaleureusement le rapport de M. Morillon, dont nous estimons qu'il est habile, franc et fort. Nous résisterons aux tentatives, parfois fallacieuses, de rompre l'équilibre que le rapport a réussi à atteindre, et nous résisterons en particulier aux amendements qui cherchent à faire du Parlement européen un tribunal pour juger le passé.

C'est clairement en Turquie que le débat sur le passé doit se dérouler, débat qui doit s'inscrire dans un examen plus large des droits fondamentaux. Une telle autocritique équivaudra à une véritable révolution culturelle. Nous devrions nous réjouir de voir que ce processus a été entamé.

Le rapport Morillon et l'accession au partenariat engagent l'Union européenne à la candidature de la Turquie. Il revient maintenant à la Turquie de faire preuve de son engagement à devenir membre. Le Parlement européen jouera son rôle dans la promotion des relations avec les partis politiques, les ONG et la presse, ainsi que dans le développement de sa relation complexe et parfois tendue avec la Grande Assemblée Nationale. Les libéraux européens sont certainement prêts à participer au rapprochement de la perspective d'adhésion de la Turquie et à l'extension de la prospérité, de la stabilité et de la sécurité à tous les peuples européens.

 
  
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  Cohn-Bendit (Verts/ALE). - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Monsieur Morillon je vous félicite pour votre rapport, mais malheureusement, vous n'avez pas, nous n'avons pas réussi à résoudre tous les problèmes.

D'abord, il est évident que la stratégie consistant à accepter la candidature de la Turquie a été la bonne. Elle a été la bonne stratégie - comme l'a remarqué le commissaire - parce que le débat qui a lieu, en Turquie, aujourd'hui, pour l'intégration à l'Europe est égal au débat pour une réforme radicale de la situation politique dans le pays.

Nous sommes dans une phase historique importante pour la Turquie, qui est passée du stade du débat au stade de la pratique, c'est-à-dire de la mise en place des réformes de la Constitution et des lois, avec par exemple une amnistie pour les prisonniers pour des délits d'opinion.

La Turquie a ce stade devant elle. Nous devons être clairs : il ne peut y avoir d'autre phase sans que la Turquie soit passée du stade de débat au stade de la pratique. C'est exactement ce que dit le rapport Morillon.

Par ailleurs, il y a la situation de Chypre. Et à ce sujet, nous devons dire à la Turquie qu'il est inconcevable qu'elle n'accepte pas ce qui a été décidé à la Cour européenne de justice de Strasbourg. La Turquie a été condamnée plusieurs fois. Elle doit sans attendre se plier aux décisions de la Cour de justice européenne, en signe d'acceptation des relations internationales telles qu'elles ont été définies par nous, et pas seulement par elle.

Nous en arrivons ainsi au problème fondamental. Il existe dans ce Parlement et dans les États membres plusieurs stratégies. Il y a ceux qui sont pour la candidature de la Turquie et l'adhésion de la Turquie et qui veulent que cette candidature passe par la réforme en profondeur de la société turque. Et puis il y a ceux qui sont contre l'adhésion et qui instrumentalisent le nécessaire débat sur la politique et les réformes en Turquie pour repousser la Turquie loin de l'Europe. Il est évident que la société turque ressent exactement cette contradiction.

C'est pour cela que le dernier problème à résoudre, le génocide en Arménie, a une telle importance. Personne ici, et surtout pas moi, ne nie qu'il y a eu un génocide contre les Arméniens à la dernière époque de l'Empire ottoman. C'est une évidence claire, comme il est évident que la Turquie devra, à l'instar de toute société civilisée, se faire à l'idée d'affronter son passé, aussi horrible que celui-ci ait été. C'est une condition idéologique et civilisationnelle sine qua non pour entrer dans l'Europe.

Il est une autre question : si nous devons voter cela aujourd'hui, la majorité de mon groupe votera en faveur de cette résolution. Personnellement, je ne suis pas sûr de l'utilité de cet acte, parce que je veux porter ce débat à l'intérieur de la Turquie. C'est-à-dire que je propose que le Parlement européen organise lui-même un débat sur le génocide en Arménie, la majorité suivra et nous prolongerons le débat en Turquie.

 
  
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  Brie (GUE/NGL) . - (DE) Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord expressément remercier nos collègues Morillon et Seppänen pour leurs rapports. Monsieur Morillon, votre rapport est, à mon sens, tout a fait réaliste et responsable. Au cours des mois qui ont suivi la décision du Conseil d'Helsinki, le gouvernement turc a en effet posé des actes symboliques intéressants. Toutefois, la situation déprimante qui règne dans les prisons turques, la discrimination des Kurdes et la politique turque vis-à-vis de Chypre n'ont connu aucun changement. Il est certain que le rôle constitutionnel dévolu aux militaires turcs - rôle inconciliable avec l'État de droit et les habitudes démocratiques - est devenu une question clé dans la relation future entre l'UE et la Turquie et que cette question ne pourra être résolue que si les militaires renoncent au pouvoir. Même s'il règne des opinions divergentes au sujet du rapport Morillon au sein de mon groupe, il est clair - mais je pense que cela vaut aussi pour d'autres groupes - que nous n'atténuerons en aucune manière la critique formulée sur les questions évoquées. Si les compromis sont presque toujours possibles, ils ne le sont pas dans le cas présent.

À ce jour, le résultat le plus important et véritablement tangible est qu'une discussion et une certaine différenciation politique ont vu le jour en Turquie. Il faut le reconnaître et l'appuyer activement. Toutefois, il n'est pas uniquement question de satisfaire les critères de Copenhague ; il en va aussi de normes démocratiques indispensables. L'adhésion de la Turquie sur une telle base - et non en raison de considérations géostratégiques des USA ou de l'OTAN - constituerait un enrichissement pour l'Union européenne et un pas significatif vers l'unification de l'Europe.

Cela dit, je ne perds pas de vue les problèmes qui y seraient liés : le fait, par exemple, que l'UE s'étendrait bien au-delà de l'Europe sur le plan géographique et atteindrait des régions extrêmement instables sur le plan de la sécurité. Que ce soit pour ce qui est du statut de candidat de la Turquie ou pour ce qui est de l'élargissement à l'Est, j'estime inacceptable, au vu des conséquences potentielles, que les questions stratégiques liées à la perspective d'intégration européenne ne soient abordées et discutées avec ce Parlement ni par les gouvernements, ni, Monsieur le Commissaire, par la Commission. Je conclus de mon expérience - l'expérience d'une vie qui a connu des bouleversements sociaux radicaux ainsi que le refus de reconnaître à temps leur nécessité - qu'il n'y a pas d'alternative à l'esprit critique. Toute autre route profiterait à ceux qui, dans l'UE et en Turquie, ne veulent pas de cette adhésion. Et c'est là, Monsieur Verheugen, que je commence à ne plus comprendre le rapport régulier que vous nous présentez. À l'occasion de votre visite en Turquie en mars dernier, tout comme aujourd'hui, vous avez au moins évoqué nommément le problème de la population kurde. Dans votre rapport, ce problème n'apparaît pas en tant que problème concret. Je pense que c'est un malheureux pas en arrière par rapport au rapport de l'ancienne Commission pour 1999. La vérité est l'adéquation entre le concept et sa réalité. Tout au moins est-ce ce que pensait Georg Wilhelm Hegel. Je ne note jusqu'ici aucun progrès réel en Turquie mais je les tiens pour possibles. Toutefois, le rapport de la Commission est selon moi un réel pas en arrière.

(Applaudissements)

 
  
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  Le Président. - Chers collègues, je vous prie de vous asseoir et de cesser de parler. Le débat n'est pas encore clos.

 
  
  

(Intervention de M. Ferber : dites-le donc en allemand !)

Le Président. - Cher Monsieur Ferber, cela ne sert à rien car il y a des gens qui n'ont pas leurs écouteurs et qui, tout comme vous, ne maîtrisent pas l'allemand mais parlent le bavarois.

 
  
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  Queiró (UEN). - (PT) Monsieur le Président, chers collègues, dans l'exposé des motifs de son rapport, le général Morillon dit que la décision relative à l'adhésion de la Turquie aura trop d'importance pour l'avenir de l'Union et de la Turquie elle-même pour qu'elle puisse être prise dans le silence feutré - voire dans le secret - des cabinets. Nous sommes entièrement d'accord avec cette affirmation mais nous constatons que la décision du Conseil européen d'Helsinki, de reconnaître à la Turquie le statut de pays candidat, n'a pas été précédée de l'indispensable débat public et parlementaire également réclamé dans cet exposé des motifs.

La candidature de la Turquie a toujours divisé l'opinion européenne et nous sommes surpris qu'elle continue de provoquer un débat considérable sur les motifs justifiant la modification de la position de réserve traditionnelle entourant cette candidature. Voyons tout d'abord le problème géographique. Oublie-t-on qu'une petite partie seulement du territoire turc fait partie du continent européen ? Que la nouvelle doctrine relative à l'espace européen permet d'envisager le nouveau concept de frontière extérieure qui découle de l'inclusion de la Turquie dans l'Union européenne ? Aujourd'hui, l'Europe possède une frontière de paix, mais si la Turquie entre un jour dans l'Union européenne, l'Europe héritera d'une nouvelle frontière non seulement extra-européenne, mais aussi d'une frontière de guerre et de conflit. Il suffit de penser à l'Iran, à l'Irak, à la Syrie, à l'Arménie ou à la Géorgie.

D'autre part, comment résoudre le conflit avec le modèle démocratique commun voulu et accepté par les Européens, conflit qui découle des innombrables restrictions constatées en Turquie en matière d'exercice des droits fondamentaux, le maintien de la peine de mort n'étant que le pire exemple ; ou encore la question kurde, le fait que l'État turc ne respecte pas les droits élémentaires d'identité culturelle des millions de Kurdes qui vivent dans le pays ?

Enfin, on ne parle pas de la dimension démographique de la candidature de la Turquie et des difficultés que cela impliquera non seulement pour la géographie, mais surtout pour l'équilibre déjà difficile entre les États membres de grande, petite et moyenne dimension. Je terminerai là par où j'ai commencé : le sens et le propos de mon intervention étaient d'attirer l'attention sur le fait que les changements de cette envergure ne doivent pas avoir lieu sans un important débat démocratique, sous peine d'aggraver le déficit de citoyenneté et de participation que de nombreux Européens reprochent au modèle de construction européenne.

 
  
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  Lang (TDI). - Monsieur le Président, le rapport Morillon est, à lui seul, parfaitement révélateur des contradictions fondamentales de la démarche européenne à l'égard de la Turquie.

On trouve tout et son contraire dans cette proposition de résolution. D'abord beaucoup d'illusions, beaucoup de considérants incantatoires, qui sont, heureusement, immédiatement rattrapés par la réalité, et cette réalité turque n'est évidemment pas conforme aux illusions ou aux rêves européens. Il y a à la fois une grande naïveté et une grande suffisance à considérer que les Européens vont amener les Turcs, je cite : "à un changement radical de leurs habitudes et de leur mentalité". Quelle arrogance de la part de l'Union européenne à vouloir imposer au peuple turc ses propres valeurs, ses principes institutionnels, sa culture politique ! Le XXe siècle nous a pourtant démontré combien les constructivismes, les volontarismes, coupés des réalités, et les idéologies de toute sorte, pouvaient mener au désastre. Laissons donc au peuple turc son droit à disposer de lui-même, à décider de son avenir, son droit à la différence, son droit à préserver des valeurs de civilisation qui ne sont manifestement pas les nôtres.

Ainsi, le seul vrai considérant qui devrait s'imposer à nous tous est un considérant de réalité et d'évidence. La Turquie n'est pas un pays européen, sa culture n'est pas européenne, ses valeurs ne sont pas européennes. En conséquence, la Turquie ne doit pas intégrer l'Union européenne. Cela d'ailleurs n'interdirait en rien à l'Europe de développer des relations économiques, diplomatiques, politiques et pacifiques, avec une Turquie libre et indépendante. Cette position claire aurait, entre autres, le mérite de ne plus souffler le chaud et le froid à l'égard des gouvernements turcs, de cesser de leur dire : oui, mais plus tard, oui, mais à telles conditions, oui, mais ceci ou cela. Les contradictions de l'Europe et ses atermoiements sont porteurs d'incompréhension et d'humiliation. On ne peut pas jouer avec la dignité des peuples.

Nous voterons donc contre ce rapport, comme nous avons voté contre tous les rapports visant à intégrer la Turquie dans l'Union européenne.

 
  
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  Belder (EDD). - (NL) Monsieur le Président, la Turquie est-elle réellement prête à se plier à la volonté de l'Union européenne pour régler d'importants problèmes nationaux et internationaux tels que le conflit à propos de Chypre et la question des minorités ?

Cette question préoccupante a été posée récemment par l'ancien ministre turc des Affaires étrangères, Mümtaz Soysal. Une question tout à fait opportune, d'ailleurs, car quel est en fait le poids de l'adhésion à l'Union européenne aux yeux d'Ankara ? Le prix est connu : satisfaire aux critères de Copenhague. Or, il n'en est toujours pas question, constate avec raison le rapporteur Morillon dans son rapport équilibré.

Monsieur le Président, permettez-moi de m'arrêter brièvement sur trois points élémentaires abordés dans le rapport Morillon : l'influence politique de l'armée turque, la question kurde et le problème, déjà abordé, de la "tolérance à l'égard des autres religions et cultures".

Pour ce qui est de l'influence de l'armée turque - laquelle s'est exercée de façon ininterrompue jusqu'à ce jour - ce n'est rien d'autre que le primat de la politique civile qui est en cause. Pourquoi les hommes politiques du pays renoncent-ils sur cette question cruciale ? Se retrancheraient-ils derrière l'appareil militaire lorsque sont abordées les exigences de réforme posées par l'Europe ?

L'octroi d'une autonomie culturelle totale aux quelque 12 millions de Kurdes neutraliserait en grande partie et de manière efficace l'épineuse question kurde.

Mais comme il est difficile de rallier l'establishment politique turc à cette solution pourtant avantageuse pour les deux parties ! Voyez l'intransigeance du président de la commission parlementaire en charge des affaires étrangères, M. Kamran Inan. Ce mentor de la politique étrangère turque exclut toute concession au sujet de Chypre et des Kurdes. Il a d'ailleurs déclaré que l'incertitude de l'adhésion de son pays à l'Union européenne ne pesait pas face à la perspective de devoir renoncer à ses intérêts nationaux.

Entre parenthèses, il y a une dizaine de jours, le parti ultranationaliste MHP a affirmé en toute solennité, lors de son congrès, "la supériorité de la race turque." Et selon les derniers sondages, le MHP est le mouvement politique le plus populaire en Turquie.

Les héritiers du légendaire Atatürk ne doivent pas considérer l'Union européenne comme un "club chrétien exclusif", avance notre collègue Morillon dans le considérant D. Non, poursuit-il, l'Union européenne est une communauté partageant les mêmes valeurs, parmi lesquelles figure en particulier la "tolérance à l'égard des autres religions et cultures".

La réalité est là : la situation de la minorité chrétienne en Turquie est, grosso modo, pire que celle des groupes musulmans en Europe. Il est indubitablement beaucoup plus facile de construire une mosquée en Europe qu'une église en Turquie. Voilà un point que doivent considérer avec sérieux la Commission et le Parlement dans leurs contacts avec les autorités turques.

 
  
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  Raschhofer (NI) . - (DE) Monsieur le Président, chers collègues, le rapport qui nous est présenté éveille en moi de graves préoccupations. Les problèmes sont tels qu'une adhésion plus ou moins proche de la Turquie est tout à fait exclue. Je voudrais faire valoir trois réserves : primo, le problème des minorités qui vivent en Turquie n'est en aucune façon résolu. Secundo : aucune solution au conflit latent qui l'oppose à la Grèce quant à l'île de Chypre n'est en vue. Tertio : la Turquie dispose d'un système pénal qui repose toujours sur la peine de mort, indigne d'une démocratie occidentale, et sur la torture pratiquée par les forces de police. Il y a peu de temps encore, la télévision allemande diffusait des images atroces des traitements infligés à des détenus par des policiers.

Bref, la Turquie a encore à parcourir une route longue et pénible et il ne fait aucun doute qu'elle a besoin de notre aide. Notre objectif est d'aider la Turquie a devenir un État libre et démocratique au sein duquel prévalent les principes de l'État de droit. Le Conseil devra se demander s'il n'a pas davantage desservi cette cause qu'il ne l'a servie en octroyant à la Turquie le statut de candidat. Le plus grand dommage serait d'éveiller en Turquie des espoirs qui ne peuvent être satisfaits en raison de la situation politique. À coup sûr, les forces islamistes sauront faire de cette déception un succès politique.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE MME FONTAINE
Présidente

La Présidente. - Le débat se poursuivra cet après-midi. Nous passons maintenant aux votes.

 

4. VOTES
  

Procédure sans débat

- Rapport (A5-0274/2000) de M. Nisticò, au nom de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs, sur la proposition de directive du Parlement et du Conseil portant vingt et unième modification de la directive 76/769/CEE relative à la limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses (substances classées cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction) (COM(1999) 746 - C5-0017/2000 - 2000/0006(COD))

(Le Parlement adopte la résolution législative)

Rapport (A5-0279/2000) de Mme Paciotti, au nom de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes de la Communauté et à la libre circulation de ces données (COM(1999) 337 - C5-0149/2000 - 1999/0153(COD))

(Le Parlement adopte la résolution législative)

Recommandation (A5-0325/2000) de MM. Duff et Voggenhuber, au nom de la commission des affaires constitutionnelles, sur l'approbation du projet de Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (4487/1/00 - C5-0570/2000 - 2000/2233(AVC))

(Le Parlement adopte la décision)

Rapport (A5-0313/2000) de M. Marinho, au nom de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures, sur une initiative de la République française en vue de l'adoption de la décision-cadre du Conseil concernant le blanchiment d'argent, l'identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime (10232/2000 - C5-0393/2000 - 2000/0814(CNS))

(Le Parlement adopte la résolution législative)

Rapport (A5-0312/2000) de Mme Karamanou, au nom de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures, sur l'initiative de la République portugaise en vue de l'adoption de l'acte du Conseil établissant, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la Convention portant création d'un Office européen de police (convention Europol), le protocole modifiant l'article 2 et l'annexe de ladite convention (9426/2000 - C5-0359/2000 - 2000/0809(CNS))

(Le Parlement adopte la résolution législative)

Rapport (A5-0314/2000) de Mme Roure, au nom de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures, sur l'initiative de la République française en vue de l'adoption d'une convention relative à l'amélioration de l'entraide judiciaire en matière pénale, notamment dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée, le blanchiment du produit d'infractions et la criminalité en matière financière (10213/2000 - C5-0394/2000 - 2000/0815(CNS))

(Le Parlement adopte la résolution législative)

 
  
  

Rapport (A5-0317/2000) de Mme Gebhardt, au nom de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures, sur l'initiative de la République portugaise, de la République française, du Royaume de Suède et du Royaume de Belgique en vue de l'adoption de la décision du Conseil instituant une Unité provisoire de coopération judiciaire (10356/2000 - C5-0395/2000 - 2000/0816(CNS))

(Le Parlement adopte la résolution législative)

Rapport (A5-0310/2000) de Mme Langenhagen, au nom de la commission du contrôle budgétaire, sur le rapport spécial n° 9/1999 de la Cour des comptes relatif aux actions de recherche dans le domaine de l'agriculture et de la pêche - Programme FAIR (Fisheries, Agriculture and Agro-Industrial Research) - accompagné des réponses de la Commission (C5-0227/2000 - 2000/2133(COS))

(Le Parlement adopte la résolution)(1)

EXPLICATIONS DE VOTE

 
  
  

- Rapport Paciotti (A5-0279/2000)

 
  
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  Fatuzzo (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, j'ai voté en faveur du rapport Paciotti surtout parce que cette directive entend protéger les identités, les données, les noms, les prénoms, les adresses, les signes particuliers des citoyens de l'Union européenne. Les personnes âgées et les retraités, que j'ai le plaisir de représenter en cette Assemblée, sont trop souvent considérés comme des numéros. Les personnes âgées ne veulent toutefois pas être considérées comme des numéros, mais comme des êtres humains en chair et en os. Telle est la principale raison de mon soutien à cette directive, même si on n'a pas accepté l'amendement 65 introduit par les députés Ferri et Fiori, qui demandait que l'organe chargé de la surveillance et des contrôles soit un collège composé de plusieurs personnes.

 
  
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  Ferri (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, je ressens le devoir de souligner qu'avec le rapport Paciotti et avec les autres directives et règlements qui nous seront présentés, nous sommes appelés à réglementer un grand pouvoir, à savoir le pouvoir informatique. La saisie des données n'est pas indolore, les banques de données sont de divers types. Il y a les banques de données confidentielles, de la police judiciaire, des services ; bref, il y a un pouvoir énorme. Je rappelle qu'avoir confié ce grand pouvoir de contrôle sur les banques de données européennes à un organe monocratique - avec tout le respect et la confiance que nous devons au contrôleur - me semble être un moment d'inattention vis-à-vis de la position centrale de la personne humaine qui, face au pouvoir informatique, doit avoir un cadre de référence de droits et de libertés garantis. Pour moi, la proposition d'un organe collégial aurait mieux répondu à cette exigence. Quoi qu'il en soit, nous devrons, les prochaines fois que nous discuterons du pouvoir informatique, nous rendre compte qu'il faut un contrôle plus large et donc plus à même de respecter la personne humaine.

 
  
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  Krivine et Vachetta (GUE/NGL), par écrit. - Le rapport Paciotti représente un premier pas pour tenter de combler le retard pris en matière de défense de la vie privée et des données personnelles. Dans ce sens, la création d'un "organe indépendant de contrôle" est positif.

Cependant, aucune des questions essentielles concernant la défense des droits et libertés des personnes n'est abordée de façon réellement explicite et le texte, souvent techniquement confus, peut prêter à des interprétations divergentes. De plus, il est bien en deçà de la législation française "informatique et libertés".

D'autres propositions auraient dû y figurer : il faut rendre la déclaration de l'existence de toutes bases de données obligatoire ; il faut interdire le croisement des fichiers (dans les domaines, notamment, de la vie privée, de la santé, des situations sociales, etc.) pour empêcher la création de gigantesques bases de données ; il faut aussi donner aux salariés qui manipulent des données privées les moyens de résister aux pressions de leurs employeurs, par l'instauration d'une charte de déontologie et d'une clause de conscience du type de celle des journalistes.

Enfin, il faut donner aux citoyens les moyens de protéger eux-mêmes leur vie privée en laissant libre toute forme de chiffrement dans la transmission des données. Dans ce cadre, il faut que les techniques de chiffrement soient garanties par des organismes indépendants.

Ces quelques dispositions essentielles doivent être prises en compte pour une réelle défense des données personnelles. C'est pourquoi nous nous sommes abstenus.

 
  
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  Martin, David (PSE), par écrit. - (EN) Je me réjouis de ce rapport et je voterai pour. Les citoyens européens nourrissent des inquiétudes au sujet de la protection de leur vie privée et ces inquiétudes ne sont pas injustifiées. Chaque jour, d'énormes quantités de données à caractère personnel sont interceptées, mises en mémoire et traitées. Il en va ainsi des paiements effectués au moyen de cartes de crédit, des téléphones portables dont les déplacements sont identifiés, des communications téléphoniques mémorisées, de la navigation sur Internet, du traitement d'autres données extraites, par exemple, de formulaires antérieurement remplis, etc.

À l'échelle de l'Union européenne, deux directives parent au risque d'une utilisation abusive des données personnelles, à savoir la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et la directive 97/66/CEE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications.

Aucune de ces directives ne s'applique aux institutions de l'Union européenne. Or, il est nécessaire d'adopter un ensemble de règles gouvernant la protection des données, car les institutions traitent non seulement des données internes (telles les données relatives à leurs activités autonomes, à leur budget et aux rapports de notation), mais aussi des données sur des citoyens collectées dans le cadre de l'accomplissement de missions de l'Union européenne (par exemple, l'octroi de subventions, les enquêtes sur des affaires de concurrence, les adjudications publiques, les travaux et études statistiques ou les données relatives à la préparation et à la mise en œuvre des textes législatifs).

Ce rapport devrait contribuer à combler cette lacune.

 
  
  

- Recommandation Duff/Voggenhuber (A5-0325/2000)

 
  
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  Fatuzzo (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, comment le parti des retraités pouvait-il ne pas voter en faveur de la Charte fondamentale ? C'est le premier document d'une telle importance qui contient un article, l'article 25, intitulé "Droits des personnes âgées" et qui dit "L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle". L'Union européenne, la plus grande organisation d'États qui existe au monde, et son organe le plus important, le seul élu directement par les citoyens, le Parlement européen, reconnaissent enfin que les personnes âgées ont des droits en tant que telles. Voilà la raison pour laquelle j'ai si volontiers voté en faveur de cette Charte.

 
  
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  Laguiller (GUE/NGL). - Arlette Laguiller, Armonia Bordes et Chantal Cauquil ont voté contre la Charte. Nous savons que, dans cette société de classes où seuls comptent les rapports de force, les chartes ne constituent pas une véritable protection pour les travailleurs. Cette Charte refuse d'inclure des droits aussi élémentaires que les droits à une retraite décente, à un revenu minimum, à un logement décent, à des soins de santé. Quant à l'article interdisant le travail des enfants avant la fin de la scolarité obligatoire, il admet des dérogations, ce qui est grave quand on sait que, dans plusieurs pays européens, un nombre inacceptable d'enfants travaillent, sont exploités, n'ont pas le droit à une véritable éducation. Ce texte n'offre pas de protection supplémentaire et donne aux gouvernements et aux classes riches des moyens supplémentaire pour attaquer sur ces terrains. Le droit de grève lui-même n'est reconnu qu'avec la restriction "conformément aux législations et pratiques nationales".

La Charte n'a donc aucune valeur d'obligation pour les pays dont la législation sociale est en-dessous du peu contenu dans la Charte. En revanche, dans les pays où la législation est plus favorable aux travailleurs, la Charte pourrait lui être opposable. Au lieu de tirer les droits de l'homme et les droits sociaux vers le haut, elle facilitera les opérations destinées à les tirer vers le bas.

 
  
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  Speroni (TDI). - (IT) Madame la Présidente, je n'ai pas participé au vote sur la Charte des droits fondamentaux parce que je ne suis pas d'accord avec la procédure : le Parlement n'a pu examiner ni les amendements éventuels apportés au texte de la Charte, ni ceux relatifs au texte de la recommandation. C'était à prendre ou à laisser. N'étant pas d'accord sur cette procédure, j'ai estimé ne pas devoir prendre part au vote.

 
  
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  Alyssandrakis (GUE/NGL), par écrit. - (EL) La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne se trouve loin derrière la déclaration des droits de l’homme de l’ONU, ou la Convention européenne des droits de l’homme, mais aussi loin derrière nombre de constitutions de pays membres de l’Union européenne. Prétendre que, pour la première fois, il est fait référence à des droits sociaux, ne tient pas debout, puisque l’on trouve de telles références dans des conventions internationales, telles que les conventions internationales du travail.

À titre indicatif, citons :

- l’article 15 qui précise que " tout personne a le droit de travailler ", mais qui ne lui reconnaît pas le droit d’avoir un travail salarié ;

- l’article 16 dans lequel, pour la première fois dans un texte international, est reconnue la liberté d’entreprise ;

- l’article 28 qui donne aux employeurs la possibilité de décider un lock-out et de tenir les syndicats ouvriers à l’écart des négociations avec le patronat ;

- l’article 3 qui laisse de larges marges à toutes sortes d’expérimentations génétiques ;

l’article 14 qui, certes, reconnaît le droit à l'éducation, mais l’interprète simplement comme une faculté de suivre gratuitement l'enseignement, et cela, uniquement pour l'enseignement obligatoire.

Il s’agit d’un rétrécissement, et non d’un élargissement des droits, et les raisons en sont évidentes. Les inspirateurs de la Charte visent à promouvoir, par un document de poids, leur politique d’agression contre ce que la classe ouvrière, au cours des 150 dernières années, a conquis au prix de combats, de sacrifices et de sang versé. L’adoption éventuelle de la Charte, lors de l’imminent sommet de Nice, qu’elle soit intégrée aux Traités ou ne prenne la forme que d’une simple proclamation, constituera un développement négatif. Il ne fait pas l’ombre d’un doute que son objectif final est de servir de préambule à une Constitution européenne à venir qui, à son tour, constituera le couronnement de la marche de l’UE vers la fédéralisation où, dorénavant institutionnalisées, les décisions seront prises par quelques puissants pour être appliquées par tous. L’objectif principal est de servir les intérêts du capital monopolistique de l’Union européenne au détriment des intérêts des travailleurs et, plus généralement, des peuples.

Nous n’ignorons pas que, pour certains pays, la Charte peut traduire quelque progrès dans certaines questions. Pour la plupart des pays, toutefois, comme en rapport avec les dispositions en vigueur au niveau international, il s’agit d’une régression. Notre but doit être de progresser et non de nous diriger vers le pire.

Nous, les députés du parti communiste de Grèce, votons contre le texte qui est, non seulement inutile, mais aussi dangereux.

 
  
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  Bernié (EDD), par écrit. - L'adoption de la Charte des droits fondamentaux se justifierait si un État européen, fondé sur une constitution adoptée au suffrage universel, existait déjà. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Les droits contenus dans la Charte sont déjà inscrits dans les constitutions nationales et défendus par des parlements nationaux proches des peuples et de leurs cultures.

La Charte est de plus un compromis, fondé sur le plus petit dénominateur commun, qui nuira aux avantages sociaux acquis dans nombre de nos États membres.

Le droit au logement est ainsi réduit au "droit à une aide au logement" tandis que le droit au travail est remplacé par un droit "d'accès aux services de placement".

Aucune restriction n'est prévue dans la liberté d'expression, ce qui sous-entend que les déclarations délictueuses (incitation à la violence, à la haine raciale) ne sauraient désormais être condamnées.

Enfin, la Charte ne prévoit pas d'articles consacrés aux devoirs qui sont, pourtant, la contrepartie des droits.

Nous ne voyons donc aucune raison d'adopter aujourd'hui un tel texte, si ce n'est pour masquer l'échec programmé de la Conférence intergouvernementale et du Conseil européen de Nice.

 
  
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  Berthu (UEN), par écrit. - Dans mon intervention de ce matin, j’ai exposé des raisons de principe d’opposition à la Charte, auxquelles d’ailleurs les membres de l’intergroupe SOS Démocratie m’ont signalé qu’ils s’associaient pleinement. Je voudrais maintenant énumérer des réserves qui portent sur certains articles particuliers, au sujet desquels j’avais eu l’occasion de présenter des amendements au cours des travaux de l’enceinte. Ces réserves peuvent être regroupées en cinq grandes catégories :

Articles qui empiètent sur les compétences des États. Un cas typique est présenté par l’article 2-2 "nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté". Cette affirmation ne correspond à aucune compétence européenne. Sa présence dans la Charte, comme celle de nombreux autres articles du même genre, laisse planer un doute sur l’honnêteté de l’article 51-2 qui déclare de son côté : "la présente Charte ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour la Communauté et pour l’Union, et ne modifie pas la compétence des tâches définie par les traités". Bien entendu, si la Charte devenait contraignante, l’article 2-2 le deviendrait aussi, avec un pouvoir bien plus fort que la Convention européenne des droits de l’homme, d’où un pays a toujours le droit de se retirer.

Articles qui tendent à instituer des obligations nouvelles non fondées. Plusieurs articles vont au-delà du droit existant. Par exemple, l’article 19-1, qui mentionne que : "les expulsions collectives sont interdites", ne précise pas que cette interdiction peut être suspendue en cas de guerre ou de troubles graves à l’ordre public. Certes, l’article 52-2 prévoit que, "dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondants à ceux garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite Convention". Mais cette phrase est beaucoup trop vague. Déjà, nous avons entendu affirmer que les expulsions collectives sont interdites dans tous les cas.

Autre obligation nouvelle : l’article 21 ajoute de nouveaux cas de non-discrimination à ceux déjà prévus par l’article 13 TCE. L’article 21-2 prévoit même que toute discrimination fondée sur la nationalité est interdite dans le domaine du traité sur l’Union européenne, ce qu’aucun texte n’établit aujourd’hui.

Troisième exemple : l’article 45 énonce que "la liberté de circulation et de séjour peut être accordée aux ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire d’un État membre", alors qu’un tel droit, effectivement envisagé par l’article 62 TCE, n’est pas en vigueur actuellement, et ne le sera peut-être jamais si les conditions ne sont pas réunies.

Articles qui figent de manière illégitime des situations évolutives. C’est le cas notamment des droits économiques et sociaux énumérés au chapitre IV de la Charte. Par exemple, l’article 29 prévoit que "toute personne a le droit d’accéder à un service gratuit de placement". Mais il s’agit là d’une affirmation tout à fait circonstancielle, qu’une autre époque pourra apprécier différemment.

Articles qui méconnaissent les règles naturelles de vie des sociétés. Alors même que les pays d’Europe se trouvent dans une situation démographique alarmante, la Charte traite les problèmes familiaux de manière très légère. Nulle part il n’est dit, malgré nos demandes, que la famille est formée d’un homme et d’une femme qui élèvent des enfants, et qu’elle constitue la cellule fondamentale de la société. L’article 24, relatif aux droits de l’enfant, réussit même à ne pas dire, malgré nos demandes, là aussi, que tout enfant a le droit de vivre avec ses parents. Parallèlement, la Charte est beaucoup trop discrète sur l’existence des communautés nationales et sur leur droit d’établir des règles qui leur soient propres. Par exemple, l’exigence nouvelle de non-discrimination en fonction de la langue, que l’on trouve aux articles 21 et 22, contredit la Constitution française, qui prévoit que la langue de la République est le français.

Articles qui obscurcissent ou qui faussent le cadre général de la Charte. J’ai déjà mentionné l’article 51-1 qui déclare contre toute évidence que la Charte ne modifie en rien les compétences définies par les traités. En réalité, la Charte recèle tant de contradictions qu’il faudra bien que quelqu’un les dénoue un jour ou l’autre. De même, j’ai mentionné l’article 52-2 qui prétend que le sens et la portée des droits de la Charte sont les mêmes que ceux de la Convention européenne des droits de l’homme. En réalité, ce rapprochement est très difficile à effectuer, car on ne sait jamais, à la lecture de la Charte, si on se trouve dans le cas d’un article qui a entendu respecter la Convention, ou dans le cas d’un article qui a entendu volontairement s’en écarter. Enfin, il faut rappeler aussi l’article 52-1, qui signale que des limitations peuvent être apportées aux droits si elles… "répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union"… Si la Charte devenait contraignante, une phrase comme celle-là deviendrait redoutablement limitative de la souveraineté des États.

Plus largement, nous regrettons que le préambule de la Charte n’ait pas remis ce document en perspective, en rappelant que l’Union européenne est une association de nations et que les citoyens ont le droit fondamental de voir respectées les décisions qu’ils prennent démocratiquement dans le cadre national. Comme je l’ai dit dans le débat qui a précédé ce vote, j’espère que les gouvernements réunis à Nice, s’ils veulent adopter cette Charte comme une déclaration politique, la feront précéder d’une déclaration liminaire rappelant cette situation, ainsi que la compétence fondamentale des parlements nationaux quant aux droits des citoyens.

 
  
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  Berthu, Bonde, Camre, Deva, Hannan, Helmer, Ribeiro e Castro et Sumberg, par écrit. - (EN) SOS Démocratie rejette la Charte des droits fondamentaux pour trois raisons. Premièrement, elle est inutile. Deuxièmement, elle est antidémocratique. Et troisièmement, il est probable qu'elle restreindra, plutôt qu'elle ne renforcera, la liberté des peuples d'Europe. Nous donnons une brève explication des ces trois objections dans l'ordre.

La ratification de la Charte des droits fondamentaux constituerait un des pas les plus ambitieux jamais accomplis par l'Union européenne. Avant d'entreprendre une tâche d'une telle amplitude, nous devrions poser la question suivante : où, en Europe occidentale, ont lieu les monstrueuses violations des droits de l'homme auxquelles ce document répondrait ? Il s'agit, après tout, de quinze démocraties modernes, et non de quinze Rwanda.

Tous les États membres sont déjà liés par la Convention européenne des droits de l'homme, par la Déclaration universelle de l'ONU et toute une série d'accords moins importants. Pourquoi l'UE, en tant que telle, a-t-elle besoin de s'immiscer dans ce domaine ?

Personne n'a encore répondu à cette question. En effet, Roman Herzog, président de la Convention, s'est évertué à déclarer que la Charte ne créera pas de quelconques nouveaux droits. Si tel est le cas, il semble étrange de décréter une révolution constitutionnelle d'une telle importance pour de prétendus avantages si minimes.

Les droits de l'homme ne sont probablement pas directement menacés au sein de l'UE. Tel n'est pas le cas, par contre, de la responsabilité démocratique. La Charte impliquera la Cour de justice des Communautés européennes dans un certain nombre de décisions politiques, dans des domaines aussi divers que la législation en matière d'emploi, la politique d'extradition, l'immigration et la famille. Dans la mesure où les juges n'ont pas été élus, cela représente un recul en matière de gouvernement démocratique.

Au-delà de cela, la Charte obligera la CJCE à battre en brèche des actes législatifs nationaux, voire même des dispositions de constitutions d'États, dans plusieurs nouveaux domaines de politique. Étant donné que la CJCE, sur la base du texte bien plus restreint des Traités européens existants, a déjà fait montre d'une tendance inquiétante à l'activisme judiciaire, il est probable que ce problème ne devienne particulièrement aigu.

Même ceux qui acceptent les arguments en faveur d'une constitution écrite de l'UE devraient hésiter à la lumière de certaines dispositions de la Charte.

C'est l'article 52 pour lequel nous nourrissons le plus d'inquiétude. Celui-ci dispose que les droits mentionnés en d'autres endroits du document peuvent être ignorés lorsqu'ils entrent en conflit avec les "objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union". Par ce biais, on réintroduit la raison d'État, que le Conseil a cherché a éradiquer durant ces cinquante dernières années. Le droit pour un gouvernement d'écarter arbitrairement sa constitution est la définition caractéristique d'une tyrannie. Dans l'Allemagne nazie, par exemple, cette disposition existait au titre de ce qu'on appelle la "loi des pleins pouvoirs".

D'une manière moins dramatique, mais tout aussi importante, la Charte est mal rédigée. J'en veux pour exemple l'article 21 qui interdit " toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle." Cet article, s'il est interprété littéralement, signifierait qu'un parti socialiste ne serait pas autorisé à discriminer des conservateurs qui voudrait se présenter en tant que candidat de ce parti, ou qu'un opéra devrait offrir des rôles de soprano à des hommes. Personne ne peut deviner de quelle manière ces dispositions rédigées de manière si vague seront utilisées par un tribunal activiste.

Les droits de l'homme sont respectés au sein de l'UE et protégés par des dispositions contenues dans les constitutions nationales, conformément aux diverses traditions des États membres. La Charte fournit à présent un mécanisme pour circonscrire ces droits, voire les fouler aux pieds, sans même se donner l'apparence d'en offrir de nouveaux.

De nombreux Européens sont fier de cette liberté qui leur permet de faire tout ce qui n'est pas expressément interdit par la loi. Cependant, il nous est à présent proposé de "recevoir" ces droits des juges européens. SOS Démocratie rejette le concept selon lequel nous devrions dépendre de l'UE pour nous voir accorder par elle nos propres libertés. Selon les termes d'Aldols Huxley : "la liberté ne se mendie pas, elle se prend".

 
  
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  Bonde, Eriksson, Frahm, Krarup, Sandbæk, Seppänen et Sjöstedt (GUE/NGL), par écrit. - (SV) Dans le chapitre VII, Dispositions générales, article 51.2 du projet de Charte des droits fondamentaux, on peut lire : "La présente Charte ne crée aucune compétence, ni aucune tâche nouvelles pour la Communauté et pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités". C'est la raison pour laquelle elle manque réellement d'impact sur les droits des citoyens.

Le débat à propos de cette Charte a recueilli les applaudissements enthousiastes des partisans d'une Europe fédérale, qui veulent y voir un embryon de constitution pour l'Union européenne.

Pour notre part, nous voyons se profiler un réel danger avec l'adoption de cette Charte. Elle risque de miner le travail effectué par le Conseil de l'Europe en faveur des droits de l'homme et de mener à ce que ceux-ci soient, à l'avenir, traités de façon différente dans les pays européens.

Nous voterons contre cette Charte parce que nous la refusons d'une façon générale. Cela ne signifie pas que nous soyons contre les droits de l'homme eux-mêmes. Mais nous estimons que ces droits peuvent être garantis par d'autres instances que l'Union européenne. Nous considérons que la proposition de Charte est un texte mauvais qu'il serait raisonnable de laisser de côté. Nous appelons l'Union européenne à ratifier plutôt la Convention européenne des droits de l'homme et d'autres conventions portant sur les droits sociaux et culturels.

 
  
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  Caudron (PSE), par écrit. - La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que notre Parlement européen a adoptée aujourd’hui est un document particulièrement important.

Certes, cette Charte présente encore des lacunes sur le fond comme sur la forme.

Certes, j’aurais personnellement aimé que sa dimension sociale soit beaucoup plus conséquente !

Certes, je l’aurais voulue directement intégrée dans nos traités européens !

Au demeurant, il ne faut pas "bouder notre plaisir" et il ne faut nier ni le travail considérable accompli ni les résultats importants obtenus aujourd’hui.

La Charte des droits fondamentaux est un document et une Charte commune à tous les citoyens européens !

Il nous faut maintenant la diffuser largement, la faire connaître de chacun, faire réfléchir sur ses propositions un maximum de citoyens. Et c’est ainsi qu’elle imprégnera progressivement, via la jurisprudence, l’ensemble de nos droits nationaux et européens !

C’est un résultat très positif, pour la Présidence française de l’Union européenne et pour notre Parlement européen.

Il nous faudra sans doute, demain, la faire évoluer et la compléter. Il nous faudra, très vite, l’intégrer dans nos Traités. Il nous faudra, dans la foulée, mettre en chantier une Constitution européenne pour une Europe démocratique, transparente, efficace et citoyenne.

Mais, je le répète aujourd’hui, nous avons tout lieu d’être fiers des conditions dans lesquelles nous avons franchi cette étape importante pour l’Europe.

 
  
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  Crowley (UEN), par écrit. - (EN) J'ai voté en faveur de la Charte et je partage l'opinion selon laquelle nous ne devrions pas nous opposer aux droits qu'elle énumère.

Toutefois, comme je l'ai déjà déclaré au sein de cette Assemblée, je suis opposé au caractère contraignant de la Charte. Mon gouvernement et moi-même la considérons comme une déclaration politique.

Nous devons garantir que les droits existants découlant de la Convention européenne des droits de l'homme - étayés par la décision de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg - ne soient pas restreints ou rendus confus.

Tous les États membres sont signataires de la Convention européenne des droits de l'homme et l'ont ratifiée. Celle-ci a élaboré un corpus considérable de lois et de droits et a démontré sa capacité à évoluer avec la société.

C'est la raison pour laquelle je soutiens la Charte telle qu'elle a été adoptée aujourd'hui, mais je ne la soutiendrai pas en tant que texte contraignant.

 
  
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  Gahrton (Verts/ALE), par écrit. - (SV) Dans le chapitre VII, Dispositions générales, article 51.2 du projet de Charte des droits fondamentaux, on peut lire : "La présente Charte ne crée aucune compétence, ni aucune tâche nouvelles pour la Communauté et pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités". C'est la raison pour laquelle elle manque réellement d'impact sur les droits des citoyens.

Le débat à propos de cette Charte a recueilli les applaudissements enthousiastes des partisans d'une Europe fédérale, qui veulent y voir un embryon de constitution pour l'Union européenne.

Pour ma part, je vois se profiler un réel danger avec l'adoption de cette Charte. Elle risque de miner le travail effectué par le Conseil de l'Europe en faveur des droits de l'homme et de mener à ce que ceux-ci soient, à l'avenir, traités de façon différente dans les pays européens.

Je voterai contre cette Charte parce que je la refuse d'une façon générale. Cela ne signifie pas que je sois opposé aux droits de l'homme eux-mêmes. Mais j'estime que ces droits peuvent être garantis par d'autres instances que l'Union européenne. Je considère que la proposition de Charte est un texte mauvais qu'il serait raisonnable de laisser de côté.

 
  
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  Goebbels (PSE), par écrit. - Je considère la Charte des droits fondamentaux comme une avancée valable. Je me suis néanmoins abstenu lors du vote final, parce que j'estime que certains droits sociaux sont formulés d'une manière moins franche que les droits économiques. Tant le "droit au travail" que le "droit de grève" ne sont repris que de façon indirecte. Les Européens ont le "droit de travailler" (le contraire aurait été surprenant) ; ils ont le droit de défendre leurs intérêts sociaux par des "actions collectives", "y compris la grève". Pourquoi ne pas reconnaître directement le "droit de grève" ?

De plus, j'aurais préféré une Charte non seulement sur les "droits" des citoyens, mais également sur les "devoirs" de ceux-ci envers la société. L'article 17 dit bien timidement que "l'usage des biens" peut être réglementé dans l'intérêt général. Mais il n'y a aucune trace sur l'obligation sociale du droit à la propriété.

La Charte énumère les libertés fondamentales dont doivent pouvoir jouir mes concitoyens. Mais il n'est question nulle part de l'obligation pour tout un chacun de respecter les droits des autres. Une société ne connaissant que des droits, mais pas de devoirs, devient une société égoïste.

 
  
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  Hager (NI), par écrit. - (DE) Bien qu'on ne puisse nier l'importance des droits fondamentaux pour les citoyens de l'Union, les députés libéraux au Parlement européen se sont abstenus car, d'une part, certains problèmes de fond de la Charte (tels que l'interdiction du clonage reproductif mais non du clonage thérapeutique d'êtres humains) ne permettent pas de l'approuver et, d'autre part, la Convention apparaît être un instrument plus que douteux en vue de développements constitutionnels futurs. Nous percevons toutefois au premier chef le danger de voir apparaître des jurisprudences divergentes en raison du chevauchement prévisible des compétences de la CJCE et de la CEDH et, dès lors, une inégalité de traitement entre les citoyens sur ces questions sensibles, ce qui serait précisément contraire aux droits fondamentaux. De plus, nous sommes convaincus que la simple consultation de parlementaires nationaux ne peut remplacer l'examen minutieux par les parlements nationaux des questions d'ordre constitutionnel.

 
  
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  Inglewood (PPE-DE), par écrit. - (EN) Une des grandes critiques adressées à l'UE en Grande-Bretagne est qu'il semble qu'elle dépasse les compétences qui lui ont été octroyées, tant du point de vue de la profondeur des détails que du champ d'application. Nous, au sein du parti conservateur, nous efforçons de trouver des moyens de limiter les compétences qui respecteront l'esprit et la lettre des Traités et reconnaîtront que la place des États membres est au cœur du processus politique européen.

L'énumération et le renforcement des caractéristiques inaliénables du système qui garantissent - à travers un certain nombre d'États membres constituant un espace juridique unique et presque national - des droits aux individus et définissent les limites du processus politique offrent une voie fructueuse à explorer, en vue de réaliser ces objectifs souhaitables.

Le problème de la Charte des droits fondamentaux réside dans son caractère hybride, à savoir qu'elle ne constitue ni un système arrêté sur le plan juridique, ni un code de conduite politique réunissant d'une manière donnée des droits juridiques, économiques et sociaux, ce qui mène à la confusion et à un manque de clarté.

 
  
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  Jonckheer (Verts/ALE), par écrit. - Je vote contre l'approbation de la Charte des droits fondamentaux principalement parce que je ne veux pas m'associer à une opération symbolique et médiatique qui vise à lancer un message d'identité et d'espoir auprès des opinions publiques européennes alors qu'il est largement bâti sur des faux-semblants.

La méthode consensuelle adoptée par les membres de la Convention a abouti, comme à l'habitude lorsque l'unanimité est imposée, à une Charte minimale dont la rédaction est empreinte de lacunes importantes et d'ambiguïtés. L'idée initiale de la Convention était d'avoir un texte consensuel qui permettrait aux quinze gouvernements de le rendre contraignant par son incorporation dans les Traités. C'est finalement un marché de dupes qui a prévalu : le texte est effectivement faible et il n'est pas contraignant.

Les citoyens européens n'ont guère besoin d'une déclaration solennelle sur les droits fondamentaux qui leur sont par ailleurs déjà reconnus par des conventions internationales et par les ordres juridiques nationaux. Je ne pense pas qu'un tel résultat convainque grand monde de l'intérêt de développer l'Union européenne. Tournons la page ! la Charte est un mauvais exercice. Trop de symbolique et d'unanimisme tuent la politique.

Pour que les citoyens se sentent concernés par l'Union européenne, ses politiques et ses institutions, il appartient notamment aux parlementaires de révéler davantage les choix cruciaux, les contradictions, les différences d'intérêts et de projets qui animent les acteurs économiques et sociaux sur la scène européenne. L'actualité quotidienne - transport maritime ou farines animales - nous indique qu'il faut réguler et contrôler beaucoup plus les marchés et les opérateurs économiques et s'opposer aux intérêts établis de profit et de court terme. Nous avons besoin d'une meilleure législation européenne au service d'une qualité de vie pour tous et de la solidarité sociale. C'est notre combat prioritaire pour que l'affirmation de droits fondamentaux soit concrétisée dans des choix politiques.

 
  
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  Krivine et Vachetta (GUE/NGL), par écrit. - La social-démocratie nous avait promis que l'Europe ne serait plus uniquement un marché économique, une monnaie et une machine à libéraliser. Enrichie d'une charte des "droits fondamentaux", l'Europe sociale deviendrait enfin sociale.

Mais il n'en est rien. Cette Charte est une régression sociale du point de vue démocratique et des libertés, bien en deçà des Traités en vigueur. Il aura fallu de nombreuses pressions pour que le droit de se syndiquer et de faire grève soit finalement intégré. Hormis quelques généralités, les femmes ont le droit de "se marier et de fonder une famille". Les immigrés, eux, ont le droit de ne pas être "expulsés collectivement".

Quant aux droits sociaux, ils sont absents. Pas de droit au travail, mais "le droit de travailler" ; pas de droit à la protection sociale ou à un logement, mais "le droit à une aide sociale et à une aide au logement" ; pas de droit à la retraite ou à un revenu minimum ; pas d'interdiction des licenciements, mais une "protection contre tout licenciement injustifié". En réalité, la lutte contre l'exclusion sociale est reléguée au rang de l'assistance, au lieu de poser l'exigence de droits élémentaires contraignants pour les employeurs et les États. Par contre, la Charte fait évidemment la part belle au droit de propriété et à la liberté d'entreprise.

Pour toutes ces raisons, cette Charte ne doit pas être intégrée dans les traités de l'Union, et nous ne pouvons accepter ce texte en l'état.

 
  
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  Lienemann (PSE), par écrit. - La procédure choisie pour l'élaboration et l'adoption de la Charte des droits fondamentaux ne laisse en fait au Parlement européen qu'une seule alternative : accepter ou refuser la Charte actuelle. Devant un choix aussi binaire, mon vote est sans ambiguïté, il approuve l'avancée que constitue cette Charte, une avancée toutefois très relative, à la fois quant au contenu et quant à la portée de ce texte.

Il convient d'abord de revenir sur la démarche suivie. Autant la méthode de la Convention est intéressante et féconde pour établir un texte de base, recherchant un large compromis, autant rien ne justifie que l'on prive le Parlement européen, incarnant la représentation des peuples européens, de la possibilité d'amender, d'enrichir le texte.

Pourtant, quand l'historien se penche sur la façon dont ont été établies la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou les déclarations internationales du même ordre, il découvre à quel point le débat parlementaire, le mécanisme de l'amendement ont su donner souffle, pertinence, mais aussi ambition à ces textes fondateurs, encore plein de force aujourd'hui.

Alors que le débat institutionnel s'engage concomitamment à l'adoption de la Charte, toutes celles et ceux qui, comme moi, souhaitent une constitution européenne et qui estiment que cette Charte peut servir d'ossature au préambule d'une telle constitution devraient exiger que le Parlement européen soit en mesure d'en voter le contenu, dans le cadre de son intervention parlementaire normale, à savoir délibérative au fond.

En liaison avec ce débat institutionnel, l'inscription de la Charte dans nos traités de l'UE est essentielle, afin que les droits ainsi édictés puissent être garantis pour tous et que les politiques publiques nécessaires à leur mise en œuvre puissent être développées, soit par les États membres, soit par l'Union elle-même, sans être en contradiction avec les textes juridiques existants. Force est en effet de constater que la loi de la libre concurrence, du marché unique s'impose trop souvent face à toutes les autres exigences et, de fait, bafoue les droits sociaux et fondamentaux. On a trop vu de textes déclaratifs non suivis d'effets. Là est donc la première priorité : donner à cette Charte une portée juridique effective.

D'autre part, le contenu actuel est, sur certains points, ambigu et insuffisant. En premier lieu, les différences de traduction entre l'allemand et le français laissent entières les interrogations sur la référence aux valeurs "religieuses" ou "spirituelles". Pour ma part, je suis convaincue que la laïcité est une valeur émancipatrice et d'actualité. Je regrette l'ambiguïté des termes et l'absence de référence plus nette à la laïcité.

En second lieu, le droit au travail n'est pas énoncé de façon directe. Chacun mesure combien une référence disant que "toute personne a le droit de travailler" est peu ambitieuse en la matière. Entre le fait de ne pas interdire l'accès au travail et l'action pour le permettre, il y a plus qu'une nuance. Notre Charte aurait dû clairement énoncer le droit au travail, comme d'ailleurs le droit au logement, lui aussi exprimé en une formule détournée et peu protectrice.

Cette Charte doit être améliorée et notre Parlement doit proposer une stratégie permettant son actualisation et son enrichissement.

 
  
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  Martin, David (PSE), par écrit. - (EN) Je voterai en faveur de ce rapport et je souhaite adresser mes félicitations à MM. Duff et Voggenhuber pour avoir été à la pointe du Parlement européen dans cette matière cruciale.

Je me réjouis de la proclamation solennelle de la Charte des droits fondamentaux à Nice.

 
  
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  Meijer (GUE/NGL), par écrit. - (NL) Je ne nie pas que la Charte renferme des éléments avec lesquels je peux être d'accord. Ces mêmes éléments sont déjà consignés dans les constitutions nationales, dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et dans la Charte sociale du Conseil de l'Europe. Par ailleurs, la Charte passe beaucoup de points sous silence, malgré l'insistance des syndicats, des mouvements environnementaux et des organisations militant pour les droits de l'homme. Aussi, la Charte est un document superflu, un document de propagande donnant l'impression que l'on a réglé quelque chose qui en valait la peine, alors que ce n'est pas le cas. En outre, ce document est confus sur le plan juridique : les compétences de la Cour de justice européenne de Luxembourg font concurrence à celles de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. Sous cette forme, la Charte n'est rien d'autre qu'un instrument de propagande destiné à montrer combien l'existence de l'Union européenne est utile - une Union européenne dont tout le monde doit se féliciter. Non contente d'écorner les compétences nationales, cette Charte n'apporte rien aux citoyens européens. Je ne peux accepter cette Charte si elle ne fait pas l'objet d'amendements insistant davantage sur les droits sociaux fondamentaux et sur l'environnement.

 
  
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  Modrow (GUE/NGL), par écrit. - (DE) La "Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne" est un pas important pour définir les valeurs générales communes de l'Union européenne. Si je me suis néanmoins abstenu à son propos, c'est pour les raisons suivantes :

1. La Charte établit d'importants droits fondamentaux. Sous sa forme actuelle pourtant, elle ne donne aucune suite, sur des questions importantes, aux exigences de justice sociale telle que je la conçois. Ainsi, elle ne reprend pas le droit au travail, le droit au logement. Manque aussi l'obligation sociale liée à la propriété. Aujourd'hui, déjà, on part du principe que la Charte pourrait être la base d'une constitution européenne. L'ancrage de droits sociaux fondamentaux est d'autant plus indispensable.

2. La Charte résulte du travail d'une convention siégeant en réunion publique et composée d'un large éventail de représentants. C'est sans conteste un progrès en matière d'élaboration de documents d'une telle importance. Ce faisant toutefois, on ne répond pas à l'ambition de l'UE qui est d'être une Union des peuples et de leurs citoyens. Pour être l'expression des valeurs communes des peuples de l'Union européenne, la Charte doit également pouvoir être débattue par les peuples. Dès lors, elle ne devrait pas être adoptée et proclamée à l'occasion de la réunion du Conseil à Nice : ce Sommet devrait plutôt engager un débat européen sur cette Charte. J'y vois une chance de faire progresser une Europe fondée sur les peuples et une large participation citoyenne.

3. Pour une part, cette Charte formule de grandes ambitions mais les engagements correspondants sont absents : les citoyens ne peuvent donc s'en réclamer. L'Europe des citoyens à laquelle on aspire doit offrir de telles possibilités.

Compte tenu de ces considérations, je me suis abstenu lors du vote en séance plénière du Parlement européen.

 
  
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  Provan (PPE-DE), par écrit. - (EN) J'ai voté en faveur de la Charte des droits fondamentaux en tant que déclaration d'intention.

Les clauses fondamentales ne prêtent pas à controverse et devraient être soutenues par tout un chacun. Il n'y aura pas de rupture dans l'équilibre des pouvoir entre l'UE et les États membres. Cette Charte constitue un document rhétorique et clarifie la position de l'UE - en particulier vis-à-vis des pays qui cherchent à rejoindre l'Europe élargie.

Toutefois, nous devons nous opposer fermement à toute campagne en vue d'une Charte juridiquement contraignante qui ne ferait rien d'autre que de créer de l'incertitude juridique. Il est clair que ce document n'est pas conçu pour revêtir un caractère juridiquement contraignant, étant donné qu'il ne constitue pas un texte juridique.

 
  
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  Queiró (UEN), par écrit. - (PT) Je me suis abstenu lors du vote sur la Charte des droits fondamentaux parce qu'avant de l'adopter ou de la rejeter j'estime qu'il était indispensable de connaître le sort que le Conseil européen de Nice lui réservera. Ses dispositions auront-elles à l'avenir une simple valeur de proclamation ou, au contraire, deviendront-elles contraignantes pour les institutions communautaires et, partant, les citoyens européens ?

Nous connaissons la position de la majorité de ce Parlement. Pour les partisans du fédéralisme européen, ce catalogue de droits constitue l'embryon de la future constitution européenne, dont les constitutions nationales des États membres devront s'accommoder. Nous comprenons leur position lorsqu'ils tentent d'attribuer une autre signification politique à un texte sur les droits fondamentaux, qui est non seulement vague et général, mais qui se révèle aussi d'une utilité discutable pour une UE qui ne connaît pas de déficits sérieux ni sur le plan des règles, ni sur celui de la défense et de l'application de ces droits.

Heureusement, la tendance dominante des gouvernements nationaux semble marquée au coin du bon sens, c'est-à-dire celui d'une Charte à la portée purement politique et non contraignante. Le grand débat politique concernant la Charte aura donc lieu tout d'abord entre les gouvernements nationaux et ensuite, éventuellement, quand ce Parlement sera confronté à sa décision. Pour l'heure, comme je l'ai dit au début de mon explication de vote, je ne peux adopter d'autre attitude que celle de l'abstention.

 
  
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  Sacrédeus (PPE-DE), par écrit. - (SV) Ce projet de texte pour une Charte des droits fondamentaux contient de nombreuses formulations importantes, qui attribuent une place centrale au principe de la dignité humaine, et que les chrétiens-démocrates suédois estiment par conséquent tout à fait bienvenues.

Cependant, les communes et conseils généraux de Suède se montrant très sceptiques lorsqu'il s'agit de savoir s'il est souhaitable et opportun de donner à cette Charte un caractère juridiquement obligatoire, et même si l'UE est capable de répondre à toutes les attentes qu'elle prétend garantir, j'ai décidé de m'abstenir lors de ce vote.

 
  
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  Scallon (PPE-DE), par écrit. - (EN) Aujourd'hui, dans cette enceinte, lors des débats menés sur la Charte des droits fondamentaux, le représentant de la Commission a déclaré que cette Charte constituait le premier pas vers un document juridiquement contraignant. Au fil de interventions, à quelques exception près, les orateurs ont mentionné la nécessité d'une Europe dotée de droits constitutionnels.

Ces déclarations confirment les préoccupations exprimées dans mon pays, à savoir que cette Charte est destiné à devenir le préambule d'une Constitution européenne.

Récemment, notre Taoiseach (Premier ministre), M. Ahern, a clairement déclaré que la Charte des droits fondamentaux devrait demeurer un document politique et non juridique. Certains membres du gouvernement irlandais ont soulevé, il y a peu, des questions quant au fait de savoir si Bruxelles menaçait l'identité irlandaise et M. Ahern, tout en affirmant que l'appartenance de l'Irlande à l'UE était fondamentale pour sa prospérité et sa réussite économique, s'est fermement opposé à tout mouvement rapide vers une Europe plus fédérale - centralisée -, étant donné que cela irait bien au-delà de ce que la plupart des Européens désirent ou sont prêts à accepter en ce moment.

À la lumière de la position nationale de l'Irlande et en accord avec les souhaits des habitants de ma circonscription, je dois voter contre cette Charte des droits fondamentaux. Celle-ci, bien qu'à l'heure actuelle, elle ne constitue qu'une simple déclaration politique, est, de toute évidence, destinée à devenir le préambule d'une constitution européenne qui aura la préséance sur la constitution de mon pays et la volonté du peuple irlandais.

 
  
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  Souchet (UEN), par écrit. - J’ai voté contre, résolument contre, le projet de Charte des droits fondamentaux qui nous était soumis.

Je l’ai fait avant tout pour dénoncer le processus anti-démocratique dont elle est l’aboutissement. De bout en bout, son élaboration aura donné lieu à une série de coups de force.

Coup de force sémantique, dès l’origine, avec la question du nom de l’instance dont émane cette Charte. Créée en tant "qu’enceinte" par le Sommet de Cologne, celle-ci s’est auto-proclamée "Convention", un nom qui rappelle fâcheusement 1793 et les dérives terroristes de la Révolution française mises en œuvre par une autre Convention.

Coup de force contre les parlements. Ce texte, dont la version définitive a été mise au point par un Presidium au fonctionnement opaque, va être imposé par la Cour de justice aux citoyens de nos pays, alors qu’il n’aura même pas été ratifié par nos parlements nationaux, qui détiennent pourtant une compétence exclusive en matière de droits de l’homme ! Quant aux parlementaires européens, non seulement il n’ont pas eu le droit de déposer d’amendements sur le texte de la Charte, mais on leur a imposé que la résolution elle-même ne puisse être votée qu’en bloc, au mépris des règles démocratiques les plus élémentaires.

Coup de force contre une série de droits fondamentaux qui, de manière inquiétante, ont été évacués du texte. Ainsi, le droit absolument élémentaire et fondamental de l’enfant de vivre avec son père et sa mère, bien que son inscription ait été expressément et instamment demandée par un certain nombre de "conventionnels", n’a pas été retenu. Le droit élémentaire à une nation, également réclamé, également fondamental, a lui aussi été censuré. Toute référence à l'héritage religieux de nos nations, pourtant expressément mentionné dans la plupart des textes fondamentaux régissant nos États, y compris en France, avec la référence à l’Être Suprême, a été, alors qu’elle figurait dans le texte initial de la Charte, évacuée sous des pressions diverses, exercées notamment, semble-t-il, par les représentants, au plus haut niveau, de certains États membres, au nom d’un obscurantisme confondant légitime laïcité et exclusion de toute référence religieuse du champ des activités publiques.

Au final, le marchandage auquel conduit immanquablement ce type de processus a abouti à placer en balance la notion "d’héritage religieux" des Européens et la promotion de la "libre entreprise"… Devinez qui l’emporta ? On mesure les limites de la règle du consensus appliquée dans un tel cadre en constatant les choix ubuesques auxquels elle conduit.

Le texte de la Charte n’a finalement rien d’européen. Il pourrait être adopté en l’état par n’importe quelle contrée de la planète. C’est le lot des processus de cette sorte que d’aboutir à des textes qui s’alignent forcément sur le plus petit commun dénominateur. D’un tel exercice, au-delà même de son caractère illégitime, puisque l’Union européenne n’a aucune compétence en matière de droits de l’homme, on ne voit même pas bien l’intérêt sur le fond, alors que nos libertés sont en Europe remarquablement protégées par les textes fondateurs de nos nations et la Convention européenne des droits de l’homme. En revanche, la méthode qui a été utilisée, les exclusions qui ont été prononcées et l’ambiguïté qui entoure la nature même de ce texte jettent une lumière assez crue sur les nouveaux ferments totalitaires qui sont à œuvre au cœur même du processus d’intégration européenne.

 
  
  

- Rapport Marinho (A5-0313/2000)

 
  
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  Fatuzzo (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, ce document de M. Marinho commence à créer le futur droit pénal européen. Les retraités sont favorables à un renforcement du droit pénal, non seulement national mais surtout européen, parce que la délinquance n'est malheureusement plus seulement le fait de nos concitoyens, mais aussi de ressortissants d'autres pays. Les retraités et les personnes âgées sont plus que les autres victimes des actes de délinquance. Bien sûr, pas de la grande délinquance qui blanchit l'argent sale et que nous combattons, mais des petits actes de criminalité qui en dérivent et qui rendent difficile la vie de tous, en particulier des personnes âgées.

 
  
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  Berthu (UEN), par écrit. - Nous avons examiné hier soir quatre projets de textes relatifs à la lutte contre le crime organisé, qui nous paraissent dans l’ensemble bienvenus, même si les rapports et les amendements du Parlement européen sont, de leur côté, plus contestables.

Ces textes présentent deux points communs. Tout d’abord, ils se complètent entre eux, en étendant les compétences d’Europol, en installant une unité provisoire de coopération judiciaire, en améliorant l’aide judiciaire que les pays membres peuvent s’apporter mutuellement et en définissant mieux les conditions de la lutte contre le blanchiment d’argent sale, qui est le résultat, la cause, ou en tout cas le point de passage obligé de nombreux crimes très graves.

Ensuite, ces textes sont tous fondés sur des initiatives de pays membres, puisqu’ils relèvent, soit du troisième pilier, soit de l’article 67 du TCE, pour lesquels la Commission n’a pas le monopole de l’initiative. Je souligne au passage qu’au cours de cette période de session, sept rapports au total trouvent leur origine dans des initiatives nationales, ce qui prouve que ce système, là où il existe, est finalement très productif. De plus, il développe une coopération plus respectueuse des souverainetés nationales, comme le prouve l’initiative de la République française relative à l’entraide judiciaire en matière pénale, objet du rapport Roure, qui réussit à concilier l’entraide judiciaire et le respect des intérêts essentiels des États membres.

Nous avons en général soutenu ces initiatives, sauf lorsque les amendements du Parlement européen tendaient à trop les dénaturer dans le sens fédéraliste. En revanche, nous regrettons vivement le renvoi en commission d’un cinquième texte, le rapport Ceyhun relatif aux deux initiatives de la République française visant à mieux réprimer l’immigration clandestine. Les arguments mis en avant par le Parlement européen sont tout à fait fallacieux. En réalité, notre Assemblée veut se mêler de tout, mais répugne à soutenir les décisions qui sont pourtant au cœur des responsabilités des États pour protéger leurs peuples. Heureusement, le Parlement européen n’a encore dans ce domaine qu’un rôle consultatif, en attendant l’application complète du traité d’Amsterdam, mais il trouve le moyen de le faire jouer dans le mauvais sens, en freinant les bonnes décisions.

 
  
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  Caudron (PSE), par écrit. - Je me suis déjà exprimé, cette année, sur la proposition de modification de la directive de 1991 relative au blanchiment d’argent. Le Parlement européen avait déjà mis en évidence les lacunes de cette directive. La Commission a récemment présenté une proposition qui tient compte des observations du Parlement. La position commune du Conseil n’est pas connue officiellement.

Le rapport dont nous discutons aujourd’hui se situe dans le droit fil de l’engagement qui a été pris lors du Conseil européen de Tampere, en Octobre 1999, de lutter contre ce fléau que constitue le blanchiment d’argent, qui représente chaque année entre 2 et 5 % du PIB mondial.

La présidence française en a fait une priorité de son agenda. C’est pourquoi, par l’intermédiaire d’un ensemble de mesures législatives, la présidence française entend créer un cadre juridique suffisamment ample pour englober le délit de blanchiment de capitaux.

D’un côté, il est proposé d’étendre les compétences d’Europol au blanchiment de capitaux (rapport Karamanou) ; de l’autre, il est proposé une série de mesures favorisant la coopération internationale dans le domaine de l’entraide judiciaire en matière pénale (rapport Roure). Ces deux rapports ont été soumis au vote aujourd’hui. Je les ai votés.

Le rapport Marinho entend, quant à lui, étendre le principe de la reconnaissance mutuelle des mesures nationales d’identification, de dépistage, de gel ou de saisie et de confiscation des instruments et des produits du crime, instauré par la position commune 98/6399/JAI en 1998, aux décisions précédant la phase du jugement, en particulier celles qui permettraient aux autorités compétentes d’agir rapidement pour obtenir des éléments de preuve et saisir des avoirs faciles à transférer.

Ces mesures volontaristes sont tout à fait indispensables pour lutter contre ce phénomène, qui n’a cessé de se développer et de s’internationaliser. "Il est au cœur même de la criminalité organisée. Il faut l’éradiquer partout où il existe." (Conseil européen de Tampere en sa conclusion 51).

C’est pourquoi j’ai voté le rapport Marinho, soutenant ainsi les efforts de la présidence française.

 
  
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  Eriksson, Frahm, Seppänen et Sjöstedt (GUE/NGL), Bonde, Krarup et Sandbæk (EDD), par écrit. - (DA) Bien que nous soyons favorables à la lutte contre le blanchiment d'argent et que nous approuvions la nécessité de doter les autorités compétentes des instruments adéquats leur permettant d'atteindre cet objectif, nous ne pouvons voter en faveur du rapport Marinho. Dans la mesure où ce rapport, à l'instar des rapports Karamanou et Roure sur lesquels les députés doivent également se prononcer aujourd'hui, prévoit un rapprochement des procédures pénales des États membres en vue de l'établissement de cadres pénaux pour le blanchiment d'argent, une étape est indirectement franchie vers la création d'un système judiciaire communautaire doté d'une cour de justice, d'une police, de juges, d'une organisation judiciaire, etc., ce que nous refusons.

La lutte contre le blanchiment d'argent se déroule, dans tous les cas, à divers échelons et nous ne croyons pas à la nécessité de devoir définir des cadres pénaux pour ce type de criminalité à l'échelon communautaire.

 
  
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  Hager (NI), par écrit. - (DE) La pertinence et la nécessité absolue de la lutte contre le blanchiment de capitaux ne fait aucun doute. Quant à la manière de procéder, les conceptions divergent. Ainsi, le fait que cette décision-cadre fixe des peines minimales soulève des problèmes fondamentaux en matière d'État de droit. Établir des peines minimales est en contradiction avec les systèmes pénaux nationaux minutieusement mis en place. En outre, si un rapprochement des cadres pénaux s'impose, ce n'est pas le cas de leur uniformisation.

L'établissement d'un cadre pénal doit, en raison de considérations fondamentales relatives à l'État de droit et à la démocratie, demeurer du ressort de la souveraineté des États membres.

 
  
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  Martin, David (PSE), par écrit. - (EN) Je me réjouis de ce rapport. Des actions spéciales contre le blanchiment d'argent ont été proposée à Tampere en 1999. Le Conseil européen, notant que les formes graves de criminalité ont de plus en plus d'incidences en matière fiscale et douanière, a engagé les États membres à fournir sans réserve l'entraide judiciaire pour les enquêtes et les poursuites concernant ce type de criminalité et à œuvrer au rapprochement des dispositions légales et réglementaires en matière pénale sur le blanchiment d'argent. Il a également été convenu que le principe de reconnaissance mutuelle devrait aussi s'appliquer aux décisions précédant la phase de jugement, en particulier à celles qui permettraient aux autorités compétentes d'agir rapidement pour obtenir des éléments de preuve et saisir des avoir faciles à transférer.

Par le biais de cette initiative, la présidence française propose l'adoption d'une décision-cadre en vue du rapprochement des lois et procédures en matière pénale sur le blanchiment d'argent (par exemple, dépistage, gel et confiscation de fonds).

L'adoption de ce rapport et l'initiative française contribueront sans aucun doute à la lutte contre le blanchiment d'argent.

 
  
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  Meijer (GUE/NGL), par écrit. - (NL) Il est parfois difficile de tracer la frontière entre le monde des affaires et celui de la criminalité en col blanc. Le trafic de stupéfiants, le commerce des armes, les rejets illégaux de déchets, la duperie des consommateurs avec des produits de mauvaise qualité, le secret bancaire et les paradis fiscaux contribuent sans aucun doute à la croissance économique dont on nous fait si souvent valoir la nécessité. Pourtant, ces pratiques vont clairement à l'encontre des intérêts de l'humanité et du maintien de notre environnement de vie. Le droit à la propriété semble presque sacré. En fait, il en était ainsi il y a un siècle d'ici et, après qu'il ait été quelque peu limité, ce droit fait à présent un retour en force. C'est pourquoi tout ce qui peut faciliter la confiscation des biens de ceux qui profitent de pratiques financières illégales constitue un pas en avant. Dans le même temps, on s'attaque à ce problème dans le but de renforcer la coopération policière en Europe. Mais l'on a parfois l'impression que cet objectif importe plus que la lutte contre la criminalité en col blanc. Dans la pratique, une telle collaboration pourrait être mise à profit essentiellement à d'autres fins que la lutte contre le blanchiment d'argent. Elle a des conséquences négatives sur les droits des citoyens qui ne se rendent pas coupables de cette forme de criminalité. Aussi, la meilleure solution réside dans une publicité totale des livres de comptes des banques et d'autres entreprises ainsi que dans la mise en place d'un contrôle démocratique sur l'économie.

 
  
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  Titley (PSE), par écrit. - (EN) Je félicite mon collègue socialiste, M. Marinho, pour son excellent rapport sur le renforcement de la lutte contre le blanchiment d'argent au niveau international et la criminalité organisée. La criminalité compte parmi les préoccupations majeures des habitants de nos circonscriptions et nombreux sont ceux qui plaident fermement pour que les criminels soient mis sous les verrous. Nous devons nous montrer sévères vis-à-vis de la criminalité et des causes de la criminalité, afin que de Manchester à Madrid, les citoyens soient en sécurité et bénéficient d'une protection totale contre les criminels, partout en Europe.

Le blanchiment d'argent alimente le trafic de drogue. La législation UE existante est clairement insuffisante pour endiguer le flot des USD 590 milliards blanchis chaque année dans le monde entier. Nous nous réjouissons de l'initiative française visant à améliorer la coopération entre les autorités nationales en charge du problème du blanchiment d'argent et visant à établir des sanctions communes. Tous les États membres devraient traiter le blanchiment d'argent comme un crime passible d'un minimum de quatre années d'emprisonnement.

Cette semaine, le Parlement européen procède à l'adoption de mesures supplémentaires, dans le cadre de nos efforts en vue de renforcer la lutte contre la criminalité organisée. Nous nous efforçons d'étendre les attributions d'Europol - l'Unité européenne de coopération policière - en vue de couvrir la criminalité internationale grave. Nous voulons également lever les barrières juridiques qui s'opposent à l'extradition de criminels suspectés de blanchiment d'argent ou d'autres délits faisant intervenir des fonds illicites. Cela constituera un instrument important qui permettra de traduire les criminels en justice, partout en Europe.

Ces rapports revêtent une importance cruciale si nous ne voulons pas que le marché unique se transforme en libre marché pour les criminels. La dernière chose que nous voulons est que le marché unique permettre aux criminels de s'y introduire par une porte dérobée. Ces mesures, rédigées par les parlementaires européens socialistes, constituent un pas important en vue de combattre la criminalité internationale et j'invite instamment l'Assemblée à soutenir ces rapports.

 
  
  

- Rapport Karamanou (A5-0312/2000)

 
  
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  Fatuzzo (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, j'ai voté en faveur du rapport Karamanou, qui comporte un autre objectif important de la lutte contre la criminalité, c'est-à-dire la création d'une police européenne. Il m'est toutefois venu un doute, parce qu'une retraitée, Mme Lucia Boroni, m'a dit l'autre jour : "Je marchais en rue et on m'a volé mon sac. J'ai alors vu un policier qui portait un uniforme européen et je lui ai demandé pourquoi il ne courait pas derrière celui qui avait volé mon sac. Il m'a alors répondu que c'était en raison du principe de non-interférence avec les compétences nationales, du principe de subsidiarité. Le voleur étant italien, c'est un policier italien qui doit le poursuivre. Moi, je suis le futur policier européen."

J'espère que cela restera un doute et que cela ne se vérifiera pas !

 
  
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  Kirkhope (PPE-DE), par écrit. - (EN) Bien que nous voterons en faveur du rapport, nous, les conservateurs britanniques, émettons des réserves particulières quant à certains aspects du rapport : extension du vote à la majorité qualifiée - en ce qui concerne Europol, le Conseil statue à la majorité des deux tiers, conformément à l'article VI du Traité (article 1, paragraphe 1b, amendement 3) ; centralisation des pouvoirs d'Europol - la Cour de justice est compétente pour statuer sur le règlement des différends et contentieux entre les États membres portant sur l'interprétation ou l'application de la Convention (article 1, paragraphe 1d, amendement 5).

 
  
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  Martin, David (PSE), par écrit. - (EN) Si je me réjouis d'une coopération plus étroite entre les services de police des États membres, aussi bien entre eux que par l'intermédiaire d'Europol, je partage les préoccupations du rapporteur concernant le manque de responsabilité démocratique d'Europol.

Étant donné que le blanchiment d'argent prend des proportions énormes au niveau mondial, il est évident qu'Europol devrait bénéficier des pouvoirs pour le combattre, afin d'élaborer une stratégie européenne de coopération policière et judiciaire. Toutefois, il est crucial que les parlements nationaux, ainsi que le Parlement européen, aient accès aux informations ayant trait aux activités d'Europol, afin de garantir la responsabilité politique et le rôle de la Cour de justice en vue d'assurer la responsabilité judiciaire.

 
  
  

- Rapport Roure (A5-0314/2000)

 
  
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  Fatuzzo (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, j'ai voté en faveur du rapport Roure. C'est ici aussi un document qui vise à lutter contre la criminalité par le biais de l'adaptation des lois pénales. À ce sujet également, je dois toutefois dire que samedi dernier je me trouvais à Curno, mon lieu de résidence, devant la banque où, chaque mois, les retraités vont toucher leur pension. J'ai vu une queue interminable de personnes âgées. L'une d'entre elles, la dernière de la queue, m'a reconnu et m'a demandé : "Mais pourquoi y a-t-il une file si longue ?". Je me suis renseigné et je lui ai répondu : "Ils sont en train de contrôler s'il n'y a pas d'argent sale en vertu des nouvelles lois". "Peu importe, m'a dit cette retraitée, sale ou propre, je le prendrai quand même, l'argent de ma pension".

Voilà ce qui, j'espère, ne se produira pas avec l'application de ce document.

 
  
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  Knörr Borràs (Verts/ALE), par écrit. - (ES) Les partis que je représente dans cette Assemblée, Eusko Alkartasuna et Esquerra Republicana de Catalunya, soutiennent pleinement le rapport Roure relatif à l'amélioration de l'entraide judiciaire en matière pénale, notamment dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée, le blanchiment du produit d'infractions et la criminalité en matière financière. Nous soutenons également la future création d'une convention facilitant la lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment d'argent, ainsi que les différentes mesures proposées à ces fins. L'idée de créer, en Europe, un espace de liberté, de sécurité et de justice est clairement une aspiration que nous partageons.

La limitation stricte des motifs de refus d'entraide judiciaire aux seuls "intérêts essentiels" invoqués par l'État, qui dépasse ainsi les notions de souveraineté, d'ordre public et de sécurité nationale jusqu'ici en vigueur, nous semble un pas en avant, mais encore insuffisant. Et ce, principalement parce qu'il nous semble encore inadmissible que l'on permette à un État de recourir à un "intérêt général" pour refuser l'entraide judiciaire en matière pénale. Une fois de plus, cela démontre que les États ont encore beaucoup à apprendre sur la signification de souveraineté partagée. En outre, je dois rappeler, en tant que député représentant Basques et Catalans, que l'on continue d'insister sur la coopération entre États sans tenir compte de l'existence dans l'Union de corps de police qui ne sont pas de nature nationale.

Ce rapport et, en général, l'espace de liberté, de sécurité et de justice en Europe, se fonde sur la démocratie et sur l'État de droit qui doit régner au sein de l'UE. En conséquence, ce qui m'inquiète le plus, concernant l'avenir de l'entraide judiciaire dans l'UE, c'est que certains États proposent actuellement des réformes pénales qui frôlent la violation des droits de l'homme. Vous n'êtes pas sans savoir, Mesdames et Messieurs, que le gouvernement espagnol a lancé une réforme pénale visant à renforcer les peines applicables à certains types de délits. Concrètement, cette législation spéciale envisage, entre autres choses, des peines d'emprisonnement allant jusqu'à dix ans pour des enfants de 14 ans.

Mesdames et Messieurs, nous sommes convaincus que l'Europe doit construire cet espace de liberté, de sécurité et de justice que nous mentionnons si souvent dans nos interventions. Nous serons les premiers à le soutenir. Mais j'attire votre attention sur d'éventuelles réformes pénales auxquelles peuvent se livrer différents États - l'État espagnol, par exemple, avec le parti populaire au pouvoir -, qui profitent d'une conjoncture déterminée, parce que ces réformes sont inquiétantes pour l'Europe des libertés et de la démocratie.

 
  
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  Martin, David (PSE), par écrit. - (EN) Je salue le rapport de Mme Roure sur une nouvelle initiative de la présidence française - en vue, cette fois, d'améliorer la coopération juridique, afin de garantir qu'aucune barrière n'empêche l'extradition de criminels suspectés de blanchiment d'argent ou d'autres délits faisant intervenir des fonds illicites.

Le projet de Convention propose qu'il ne soit pas fait usage du secret bancaire pour justifier un refus de requête, émanant d'un autre État membre, concernant des informations sur une personne suspectée d'être impliquée dans un crime financier. En outre, l'idée émise est qu'un État membre devrait fournir, sur demande, les détails de tous les comptes bancaires appartenant aux suspects. L'objectif de la nouvelle convention est d'obliger les États membres à traquer activement les transactions suspectes.

 
  
  

- Rapport Gebhardt (A5-0317/2000)

 
  
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  Fatuzzo (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, c'est ici un document - en faveur duquel j'ai voté - qui entend petit à petit arriver à l'institution d'un juge unique européen. En effet, on crée une unité provisoire composée d'un représentants des juges ou des policiers qui exercent une activité de juge dans nos quinze États membres. J'aurais toutefois souhaité que l'on intègre dans cet organisme un représentant des avocats des quinze pays parce que je crois que quand on doit instituer quelque chose de nouveau dans le domaine juridique, il est bon d'écouter non seulement les juges qui jugent, mais aussi les avocats qui ont une longue expérience en la matière. Et je ne dis pas seulement cela parce que ma fille vient de décrocher son diplôme d'avocate.

 
  
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  Frahm et Sjöstedt (GUE/NGL), Bonde, Krarup et Sandbæk (EDD), par écrit. - (DA) Les intentions non voilées du rapport Gebhardt consistant à institutionnaliser et à supranationaliser la coopération judiciaire par le biais de la création d'Eurojust reposent sur un postulat qui est particulièrement problématique. Il n'existe pas une seule, mais quinze traditions différentes en matière de politique judiciaire, comme il existe quinze systèmes judiciaires différents au sein de l'UE. L'idée d'inscrire ces différentes traditions juridiques dans les bureaucraties de l'UE pourrait conduire à un système élitiste et opaque, qui ne bénéficierait d'aucun soutien populaire. Un tel système ne serait pas en mesure de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les États membres.

Nous sommes également farouchement opposés à la volonté de faire de l'UE un État de droit par le biais de l'établissement d'une "coexistence équilibrée et indépendante des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire". Ce sont les États membres qui, en tant qu'États de droit, doivent continuer à représenter le noyau de la coopération européenne. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre le rapport.

 
  
  

- Rapport Langenhagen (A5-0310/2000)

 
  
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  Fatuzzo (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, c'est le seul rapport au sujet duquel j'ai voté défavorablement. J'ai voté contre ce document parce que j'ai été frappé en lisant l'exposé des motifs de Mme Langenhagen, qui affirme clairement que les procédures appliquées pour la réalisation de ce programme, qui a distribué 665 millions d'euros, n'ont pas été correctes. On lit malheureusement que certains membres des commissions qui devaient allouer les fonds européens pour la recherche dans les secteurs de la chasse et de la pêche étaient eux-mêmes bénéficiaires de ces recherches. Je pense donc que l'on doit faire preuve de plus d'attention dans l'accomplissement de nos activités financières concernant les plans de recherche.

 
  
  

(La séance, suspendue à 12 h 52, est reprise à 15 heures)

 
  
  

PRÉSIDENCE DE M. MARTIN
Vice-président

 
  

(1) Ordre du jour : cf. procès-verbal.


5. Turquie (suite)
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  Sommer (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, en tant que membre de la commission parlementaire mixte UE-Turquie, je m'occupe énormément de la question de la perspective d'adhésion de la Turquie. Je voudrais particulièrement souligner aujourd'hui la demande avancée par notre collègue Morillon de mettre en place le forum euro-turc de cette Assemblée et y ajouter, à l'adresse des parlements de nos États membres, la demande de débattre ouvertement de la perspective d'adhésion de la Turquie. C'est important, d'une part, pour la Turquie mais ce l'est aussi particulièrement pour les États membres et pour nos concitoyens. À Helsinki, nos gouvernements ont approuvé la perspective d'adhésion pour la Turquie. Cette décision a surpris la population et nombre de citoyens ne peuvent la comprendre jusqu'à présent car on n'offre aucun forum de discussion - pas même à son propre peuple. Cela mène à une discussion officieuse sur ce thème, dénuée de toute connaissance du sujet et ignorante des dessous de la décision d'Helsinki. Il en découle une attitude "anti" que nous ne pouvons nous permettre dans l'Union compte tenu des nombreux migrants turcs qui vivent déjà parmi nous et que nous ne devons tolérer au vu du regain de xénophobie.

Mes collègues de l'Assemblée nationale turque déplorent également que, manifestement, personne ne veut parler avec eux ; aucun membre des gouvernements ou parlements nationaux mais aucun membre non plus des institutions européennes. Il y a bien entendu des conversations informelles mais il n'y a pour ainsi dire aucune rencontre officielle. On pourrait avoir l'impression qu'il y a une sorte de gentleman's agreement à ce sujet qui veut qu'on ne discute de l'adhésion de la Turquie que dissimulés dans des alcôves. De quoi a-t-on peur ? La décision d'Helsinki a-t-elle donc été précipitée ? L'euphorie initiale du Conseil et de la Commission a clairement diminué. Jusqu'ici, la Turquie n'a accompli aucun progrès substantiel dans le domaine précis des critères politiques, à l'exception de déclarations d'intention.

Il importe d'autant plus, près d'un an après Helsinki, de discuter de la perspective d'adhésion de la Turquie au sein de nos parlements nationaux et avec nos concitoyens. Nous le devons à la Turquie et à notre propre population. Une telle discussion pourrait peut-être aussi contribuer à l'intégration des migrants turcs qui vivent chez nous.

 
  
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  Färm (PSE). - (SV) Monsieur le Président, si la Turquie faisait partie de l'Union, elle serait l'État membre le plus peuplé après l'Allemagne. Ce serait le premier État membre qui jette une passerelle géographique par-dessus le gouffre qui nous sépare de l'Asie, et le premier encore de tradition principalement musulmane. Malheureusement, ce pays est non seulement grand mais sa démocratie s'avère instable.

Tous ces facteurs indiquent que la demande d'adhésion de la Turquie est l'une des questions les plus importantes qui se posent pour l'avenir de l'UE. Le rapport régulier de la Commission sur l'élargissement confirme les progrès accomplis mais révèle également des défaillances importantes du point de vue de la démocratie, des droits de l'homme et de la condition des minorités ethniques, des Kurdes par exemple. La Turquie n'a pas évolué autant qu'on l'avait espéré. La torture existe toujours et l'armée joue un rôle politique beaucoup trop important. L'attitude de la Turquie sur la question chypriote est également inacceptable.

J'ai pour rôle de représenter les députés du groupe PSE à la commission des budgets, où il est bien entendu essentiellement question d'économie. De ce point de vue, la pauvreté, l'inflation et le déficit budgétaire sont les problèmes que connaît la Turquie d'une façon générale, de même que la mauvaise répartition sociale des progrès économiques. Des réformes structurelles de grande ampleur sont ici nécessaires.

Le rapport Seppänen porte sur un élargissement éventuel des compétences de la Banque européenne d'investissement et de son mandat concernant les sommes attribuées à la Turquie. D'un point de vue institutionnel, cette question repose sur l'existence, depuis de nombreuses années, de notre union douanière avec la Turquie. Celle-ci doit toutefois être renforcée par le biais d'un programme de mesures spécial lancé par la BEI, puisque la Turquie, aux yeux de la Banque, ne fait pas encore partie du cercle des pays ayant droit à l'aide de pré-adhésion.

Il nous paraît tout à fait urgent que l'UE soutienne, par l'intermédiaire de la BEI, le développement de la Turquie, afin que ce pays puisse s'engager au plus vite dans un processus concret visant à remplir les critères de Copenhague. C'est la raison pour laquelle les exigences relatives à la démocratie et aux droits de l'homme doivent être exprimées également à l'occasion de l'activité de financement exercée par la BEI. D'une façon concrète, il s'agit de la possibilité d'accorder des prêts destinés à des projets en Turquie, pour un montant de 450 millions d'euros, d'ici à l'an 2004. Certes, la Turquie s'est déjà vu accorder le droit de contracter des emprunts dans plusieurs contextes mais la Commission voudrait à présent miser sur la remise sur pied économique, en particulier la réhabilitation des infrastructures, afin de renforcer la compétitivité du pays.

Permettez-moi de laisser de côté la question proprement dite, pour exprimer un commentaire de principe concernant la procédure. Nous sommes engagés dans une procédure de concertation, alors qu'il serait de toute évidence approprié d'appliquer la codécision, puisque ce qui va être décidé est tout à fait susceptible d'entraîner un réajustement du budget. Ceci est particulièrement vrai au moment où nous engageons en quantité croissante des ressources de la BEI et ce, sans couvrir totalement les risques économiques que nous prenons. Quand la BEI accorde des prêts à des pays tiers, il devrait y avoir concertation avec le Parlement sur les priorités politiques à définir, puisque cette partie de l'activité de la Banque est principalement motivée par des considérations de politique étrangère.

Le problème budgétaire auquel nous nous heurtons dans le cas présent réside dans le fait que la marge des réserves du Fonds de garantie risque de disparaître. Nous renforçons l'engagement de la Banque européenne d'investissements mais sans augmenter dans la même proportion la réserve constituée pour la garantie des prêts du budget de l'UE et nous nous sommes engagés à assumer 65 % des amortissements d'un prêt que l'emprunteur ne serait pas en mesure de rembourser. La réserve résiduelle pour le Fonds de garantie est désormais si faible que cela pourrait bien empêcher l'Union de recourir à la BEI, s'il devait se produire de nouveaux événements nécessitant des efforts financiers de ce type.

Malgré cette inquiétude, la commission des budgets propose que le Parlement accepte la proposition de la Commission. Nous approuvons néanmoins la critique du rapporteur, qui estime qu'il manque, à l'heure actuelle, une évaluation efficace des résultats de l'activité de prêt de la BEI, et qu'il existe aussi des défaillances du point de vue du droit de regard du public et du contrôle démocratique de l'activité de la Banque.

Nous voterons tout de même en faveur de la proposition parce que nous considérons comme important de contribuer à une évolution plus positive dans les domaines où la Turquie reste en retard, et notamment sur le plan économique dont il est ici question.

 
  
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  Ludford (ELDR). - (EN) M. Morillon a rédigé un rapport de bonne qualité, soulignant le fait que ni des objections religieuses, ni des considérations géostratégiques ne constituent des facteurs décisifs pour l'adhésion de la Turquie.

Le défi que pose à la Turquie la réalisation des critères de Copenhague consiste non seulement à réformer la constitution, mais également ses inspirations politiques et intellectuelles. Au sein de l'Europe occidentale, les idées de pluralisme et les différentes identités dans un même État ont conduit à la reconnaissance de droits et à la décentralisation en matière culturelle, linguistique et politique. La Turquie doit adopter ces notions européennes modernes de diversité et de droit à la différence. L'idéologie kémaliste était moderne en 1930, mais ne l'est pas en l'an 2000. D'où mes amendements sur la nécessité d'une solution politique en faveur du peuple kurde.

Il est inacceptable que la Commission ait omis toute mention des Kurdes, mentions contenues dans le document de partenariat pour l'adhésion, bien qu'on y ait fait référence dans des rapports réguliers successifs et que M. Verheugen en ait parlé ce matin.

J'espère que le Parlement et le Conseil répareront cette omission. Il n'est d'aucun secours pour la Turquie ou l'Union européenne d'éluder la question qui constitue la cause la plus importante du passif de la Turquie en matière de droits de l'homme. Tant qu'une solution au problème kurde ne sera pas trouvée, les critères de Copenhague ne seront pas remplis et c'est la raison pour laquelle j'appelle le Parlement à adopter mes amendements et j'invite le Conseil et le Parlement à insister sur le fait que la recherche d'une solution au problème kurde constitue la clé pour que la Turquie remplisse les critères de Copenhague.

 
  
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  Isler Béguin (Verts/ALE). - Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, en tant que membre de la délégation des trois pays du Caucase méridional - Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan - j'appuie totalement le rapport de M. Morillon et soutiens tout particulièrement son article 18, qui invite le gouvernement turc à améliorer ses relations avec ses voisins du Caucase.

Si des relations privilégiées existent entre l'Azerbaïdjan et la Turquie, c'est loin d'être le cas pour l'Arménie, pays à l'encontre duquel la Turquie maintient un blocus commercial inacceptable après avoir obtenu le statut de pays candidat à l'Union européenne. Le différend relatif à la reconnaissance du génocide arménien devrait également être levé, afin que des relations diplomatiques et commerciales puissent être normalisées, d'autant que la Turquie joue un rôle primordial dans le projet de construction d'un oléoduc qui acheminera le pétrole de la mer Caspienne vers le port turc de Djian, sur la Méditerranée.

La Turquie devra aussi intégrer la notion d'environnement, notamment dans les projets tels que la création de grands barrages, qui auront forcément des influences sur le fonctionnement hydraulique des pays voisins.

 
  
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  Zacharakis (PPE-DE). - (EL) Monsieur le Président, je tiens à féliciter le général Morillon de son rapport qui, en dépit des circonstances, est aussi équilibré que possible. Nous savons tous combien il est difficile d’envisager efficacement, dans des circonstances aussi problématiques, tous les désirs de servir des buts et des intérêts politiques, économiques et autres, au détriment des principes et des règles du droit, habituellement selon la méthode des deux poids, deux mesures.

C’est pourquoi j’admire le courage caractérisant l’ensemble du rapport Morillon, bien qu’une formulation plus franche, sur certains points, aurait donné, à mon avis, une image plus précise des données sur lesquelles repose l’évaluation du processus d’adhésion de la Turquie. Dans ce cadre, je signale la conclusion essentielle du paragraphe 22 qui affirme que la Turquie ne remplit pas les critères de Copenhague et je souligne les nombreuses condamnations des actes et manquements, dont la Turquie a fait l’objet dans les domaines des droits de l’homme, des libertés démocratiques et dans son comportement international, ainsi que les recommandations de se conformer aux valeurs européennes afférentes que le Parlement européen a adressées à ce pays.

De l’autre côté, malgré la référence expresse des paragraphes I, J, 12 et 17 à des violations intolérables de ces valeurs par la Turquie, principalement par l’armée d’occupation turque à Chypre que la Turquie est appelée à retirer, il est certain qu’il serait préférable de dénoncer sans détour la responsabilité historique actuelle de la Turquie, dans des problèmes, tels que la constante intransigeance turque et l’impasse qu’il en résulte dans la question chypriote - où transparaissent clairement les intentions turques de provoquer une nouvelle crise -, la méconnaissance des traités internationaux attestée par la poursuite d’une politique expansionniste à l’égard de la Grèce, l’occultation de la vérité historique du génocide arménien, le mépris des droits fondamentaux des minorités dans la question kurde.

Un tel discours apporterait peut-être une aide plus efficace à la Turquie même, du fait qu’il émettrait un signal plus juste à ceux qui souhaitent véritablement sa modernisation et qu’il renforcerait leurs efforts d’assurer les conditions requises à son adhésion à l’UE, afin de convaincre ceux - et ils sont nombreux- qui, forts de puissants arguments, mettent en doute le bien-fondé de cette perspective.

 
  
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  Katiforis (PSE). - (EL) Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, chers collègues, notre débat, ainsi que l’a remarqué le président en exercice du Conseil ce matin, est brûlant d’actualité, car il arrive à point avec les textes que la Commission a préparés, le rapport sur les progrès de la Turquie, et surtout, bien entendu, avec le texte sur le partenariat.

Il s’agit du premier pas sérieux accompli dans le processus d’adhésion de la Turquie, afin que ce processus en arrive au stade de l’application pratique. Pour notre part, nous pensons qu’il s’agit d’un fait dont il faut se réjouir. La Turquie, en dépit de toute sa différence, a toujours appartenu et appartient encore à part entière à la réalité européenne. Les antagonismes passés ne peuvent effacer la présence de la Turquie de la vie des États européens. Si l’Europe parvient à accepter positivement la Turquie et à l’intégrer en son sein, avec toute sa différence, elle aura fait, à mon avis, un saut politique et culturel d’une grande importance. Elle aura prouvé l’universalité de nos valeurs, qui ne reposent pas sur le nivellement de la nature des partenaires, mais sur la synthèse de leurs différences et de leurs particularités.

Bien entendu, pour qu’il y ait synthèse, il est indispensable qu’il existe un terrain commun. C’est ce terrain commun que notre rapporteur a cherché et dont il a démontré l’existence en Turquie dans son rapport vraiment remarquable, pour lequel je tiens, à mon tour, à le remercier. Le terrain commun s’appelle démocratie, ce qui suppose, d’une part, la liberté d’expression, c’est-à-dire les mêmes droits humains et politiques accordés à tous, indépendamment de l’origine ethnique, et, d’autre part, la liberté de choisir son gouvernement par des élections libres, des élections vraiment libres et seulement par des élections libres, ce qui, bien sûr, est incompatible avec l’existence de centres de pouvoir autonomes, qui plus est de centres autonomes de super-pouvoir militaire. S’il y a quelque chose de plus à demander au rapport Morillon, c’est une plus grande clarté sur l’impossibilité d’envisager la démocratie et l’adhésion de la Turquie, sans abolir ce super-pouvoir militaire qui, du reste, est constitutionnellement reconnu. La démocratie s'accommode de forces armées dans le cadre de politiques institutionnelles et, naturellement, elle est contraire à l’intervention de l’armée dans la vie politique, avec ou sans couverture constitutionnelle.

Il est naturel qu’on attende d’un pays démocratique qu’il adopte un comportement pacifique à l’égard de ses voisins, notamment quand il se trouve que ces voisins sont de futurs partenaires. Et, de ce point de vue, la référence à la réprobation du bombardement du Kendakor par l’aviation turque est particulièrement pertinente, de même que le rappel insistant de l’obligation impartie au gouvernement turc d’encourager, sans conditions préalables, la négociation entre chypriotes turcs et chypriotes grecs.

Nous sommes inquiets, Monsieur le Président, de ne pas entendre, aujourd’hui, de tels encouragements de la part des officiels turcs et de la presse turque, mais sans doute y a-t-il une tentative de réaction. J’espère que la Turquie reconsidérera les choses avec plus de sérieux et prendra conscience de ses obligations.

 
  
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  Nicholson of Winterbourne (ELDR). - (EN) Monsieur le Président, il est regrettable que le débat d'aujourd'hui ait été entaché par un petit nombre d'amendements hostiles, avancés par les groupes TDI, GUE et alii. J'estime que ces amendements sont inconvenants, mal avisés, inopportuns et inappropriés parce qu'ils utilisent trois mots - "génocide", "musulmans" et "asiatique" - d'une manière raciste, désobligeante et discriminatoire et qu'ils lèvent des barrières impénétrables et fausses contre l'adhésion de la Turquie à l'Union.

Les musulmans sont adeptes d'une des trois religions issues d'Abraham. L'islam est le frère du christianisme et du judaïsme. Le mot "asiatique", dans ce contexte, est utilisé en tant que terme raciste qui doit être déploré et rejeté. Pour ce qui est du génocide, la Turquie n'est pas responsable du massacre arménien. Si nous acceptons cette assertion, imputerons-nous ensuite tous les crimes de l'empire ottoman à la Turquie moderne ? La Convention des Nations unies de 1948 n'a en effet pas été élargie pour inclure la tragédie arménienne. Tant que ce ne sera pas le cas, je ne pense pas que ce Parlement devrait agir de manière différente. Je me réjouis des étapes prudentes franchies par la Turquie vers l'Union et je soutiens la Commission, ainsi que le rapport Morillon.

 
  
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  Boudjenah (GUE/NGL). - L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne est devenue une question plus que jamais à l'ordre du jour.

Je ne suis pas de ceux qui agitent l'argument religieux pour repousser cette perspective. Celle-ci ne peut cependant être une formalité. Je pense ici à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Alors que la France préside l'Union, le Sénat vient enfin d'effectuer cet acte fort, deux ans et demi après l'Assemblée nationale.

Reconnaître ce génocide ne signifie pas pour autant que la Turquie d'aujourd'hui soit une nation barbare. Au contraire, une nation ne peut que se grandir en regardant son passé en face. Comment l'Europe pourrait-elle être crédible face aux violences d'États perpétrées aujourd'hui dans le monde, parfois jusqu'au génocide, si elle accueillait la Turquie en balayant l'histoire ? Ensuite, la négation et la répression qui se poursuivent contre le peuple kurde sont toujours autant révoltants qu'inacceptables. La députée Leyla Zana, titulaire du Prix Sakharov, incarcérée depuis 1995 pour le seul fait d'avoir parlé en kurde au sein du parlement turc, est toujours en prison. Notre Parlement a réaffirmé ces faits à plusieurs reprises. Rien ne justifierait que nous les omettions aujourd'hui.

 
  
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  Sacrédeus (PPE-DE). - (SV) Monsieur le Président, le point 17 du rapport Morillon établit que le Parlement européen "demande au gouvernement turc de retirer ses troupes d'occupation de la partie nord de Chypre". Je suis moi-même l'auteur de cette formulation, par le biais de l'amendement 72 qui a été adopté le 10 octobre 2000 par la commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense.

Je voudrais m'adresser spécialement à M. Verheugen, commissaire responsable de l'élargissement, et à la présidence française. Près de 40 % du territoire de Chypre sont occupés par des troupes étrangères, des militaires turcs. Onze ans après la chute du Mur de Berlin, Nicosie est la seule capitale d'Europe qui reste divisée. À Chypre, l'île de Saint-Paul et Saint-Barnabé, la division n'est pas un fait inscrit dans l'histoire mais c'est une réalité depuis l'invasion étrangère qui remonte maintenant à 26 ans.

À cause de cette division, il n'est pas possible d'appliquer les quatre libertés promues par l'Union européenne sur tout le territoire de Chypre. Est-il pensable que la Turquie puisse s'engager dans des négociations d'adhésion à l'UE sans que ces quatre libertés soient appliquées à Chypre ? Ne faut-il pas impérativement que Nicosie redevienne une ville entière et Chypre un pays unifié ? Ne faut-il pas que les troupes d'occupation s'en aillent ?

Le génocide du peuple arménien a été évoqué dans des interventions précédentes. Cela s'est passé vingt-quatre ans seulement avant l'ère nazie et la Seconde guerre mondiale, avant que Hitler ne lance l'extermination des juifs. Lui-même évoquait ce génocide comme un fait oublié. La Turquie doit reconnaître la vérité !

 
  
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  Schulz (PSE) . - (DE) Monsieur le Président, chers collègues, au point D de son rapport, M. Morillon nous livre une indication essentielle dont je pense qu'elle jouera un rôle significatif dans ce débat.

M. Morillon déclare que la Turquie devrait s'efforcer de ne pas voir l'Union européenne comme un "club chrétien exclusif" qui voudrait l'exclure, elle, la Turquie. Inversement, cette constatation implique que nous devons constater, au sein de l'Union européenne, que nous ne sommes pas un "club chrétien exclusif" qui veut, peut ou doit exclure la Turquie pour des raisons religieuses ou liées à la relativité des cultures. La constatation doit être qu'un État doté d'une constitution laïque et dont la population est essentiellement musulmane peut constituer un enrichissement pour l'Union européenne dès lors qu'il s'appuie sur les valeurs qui fonde l'Union européenne - liberté, égalité, tolérance. L'Union ne repose pas, en effet, sur des valeurs religieuses mais sur des valeurs qui, indépendamment de l'orientation religieuse de l'individu ou d'un État et de ses habitants, découlent de la philosophie des Lumières et se répercutent dans les constitutions de nos États membres et - comme nous l'avons constaté aujourd'hui lors du débat sur la Charte des droits fondamentaux - dans la conception qu'a l'UE de ces droits fondamentaux. Cela signifie qu'une Turquie qui serait un État de droit démocratique assorti de la séparation des pouvoirs et des valeurs fondamentales telles que nous les concevons représente un enrichissement pour l'Union européenne.

Dans le même temps toutefois, le rapport de M. Morillon montre que la Turquie est très éloignée de ces exigences. Si les critères de Copenhague sont, dans une certaine mesure, des critères économiques, il s'agit aussi de critères qui portent sur ces points précis. La question est de savoir dans quelle mesure la tolérance, l'État de droit démocratique, la séparation des pouvoirs et le respect de cette séparation sont des réalités en Turquie. Nous devons constater - et le rapport de M. Morillon le montre également - que ce n'est pas suffisamment le cas. Les progrès indispensables n'ont pas été accomplis dans une proportion suffisante et la Turquie doit poursuivre ses efforts.

 
  
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  Papayannakis (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, nous ne discutons pas de la manière dont l’Union européenne adhérera à la Turquie, mais de celle dont la Turquie adhérera à l’Union européenne, ce avec quoi je suis absolument d’accord. Je considère d’ailleurs que le rapport de M. Morillon ouvre la voie vers les modalités de réalisation de cette adhésion. C’est pourquoi j’aimerais m’adresser à M. le commissaire et à M. le président en exercice et leur demander, puisque - comme ils nous l’ont dit - ils sont tout à fait d’accord avec le rapport Morillon, pourquoi ils ne s’en inspirent pas pour enrichir et reformuler leur texte sur le partenariat, dans lequel des questions, telles que celles des Kurdes, de Chypre, de la coexistence pacifique et sans menaces avec les pays voisins de la Turquie, sont absentes du débat substantiel avec la Turquie.

Pour ce qui est du génocide des Arméniens, je conviens pleinement, Monsieur le Président, qu’il ne doit pas faire obstacle à l’adhésion de la Turquie. Néanmoins, ici, nous discutons de ce que nous, nous disons, de ce que nous, nous nous rappelons. La Turquie accédera véritablement à la démocratie, lorsqu’elle apprendra à vivre avec son passé, comme l’Allemagne démocratique a appris à vivre avec le sien, et à elle aussi, nous le lui avons demandé.

 
  
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  Langen (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, je voudrais sincèrement féliciter le général Morillon pour ce rapport car il fait avant tout preuve de mesure tout en ne renonçant pas à la clarté. Ayant constaté à quel point la Turquie est encore éloignée du respect des critères de Copenhague, M. Morillon énumère et dénombre en outre les conditions supplémentaires que doit satisfaire la Turquie. Il y a tout d'abord la question de Chypre ; le rôle de l'armée turque et, en particulier, du conseil national de sécurité dont la position dominante va à l'encontre du principe de démocratie ; mais aussi et surtout la question kurde et le conflit virulent avec la Grèce qui doit être apaisé à l'initiative de la Turquie également.

M. le commissaire Verheugen a déclaré qu'il s'agissait surtout de satisfaire les critères politiques. Vous savez tous qu'un grand scepticisme régnait au sein de notre groupe au sujet du statut de candidat mais il est réjouissant que, maintenant que ce statut est une réalité, la décision incombe à la Turquie d'entreprendre des réformes en vue de satisfaire aux exigences de l'Union européenne. La Turquie est responsable d'elle-même.

Je voudrais ajouter quelques critères économiques : le taux d'inflation conséquent - il était supérieur à 100 %, il est encore de plus de 50 % - ; l'importance de la dette publique, qui découle du poids exagéré que font peser les dépenses militaires et le conflit armé avec le PKK sur le budget de l'État ; le niveau élevé des taux d'intérêt réel ; un secteur public toujours dominant , des différences régionales considérables ; un écart de prospérité de un pour dix à l'intérieur du pays, écart que l'Union européenne ne pourra jamais absorber ; des conditions éducatives fort différentes ; l'analphabétisme qui touche encore 27,6 % des femmes... Bref, autant de choses que la Turquie doit régler elle-même.

À mon sens, l'optimisme du Vice-premier ministre Mesut Yilmaz, selon lequel les critères de Maastricht pourraient être satisfaits dès 2002, est exagéré. La Turquie doit savoir qu'elle s'engage sur une route difficile, qu'elle doit renoncer à une part de sa souveraineté et faire des efforts. Nous voulons l'accompagner sur cette route, ne lui poser aucune embûche et, surtout, respecter nos engagements financiers.

 
  
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  Poos (PSE). - Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, chers collègues, c'est en ma qualité de rapporteur pour l'adhésion de Chypre que je souhaite prendre la parole dans ce débat. La Turquie et Chypre étant candidats à l'adhésion à l'Union européenne, il est de plus en plus apparent que la solution de la question chypriote devient un problème de politique intérieure. Il nous a été confirmé par le commissaire Günther Verheugen que Chypre joue un rôle important dans les discussions actuellement menées avec la Turquie. Il ne saurait en être autrement, eu égard au poids politique et militaire de la Turquie dans la partie nord de l'île de Chypre.

Notre rapporteur, M. Morillon, mérite nos félicitations pour avoir cité la solution du problème de Chypre parmi les conditions préalables de l'adhésion de la Turquie. Personne ne comprendrait, écrit-il, que Chypre demeure divisée par un mur, comme il s'en est heureusement abattu beaucoup au cours de la dernière décennie. Pour que tombe ce mur anachronique, il est à présent nécessaire que la Turquie se conforme aux résolutions du Conseil de sécurité qui lui demandent de retirer ses troupes d'occupation du nord de l'île. Le paragraphe 17 de notre proposition de résolution le demande explicitement.

Il est temps que la Turquie écoute les Chypriotes turcs, dont la très grande majorité veut surmonter les clivages du passé et intégrer l'Europe avec les citoyens chypriotes grecs. Si par contre la Turquie continue à nourrir les velléités indépendantistes, voire annexionnistes, du régime non reconnu du nord de Chypre, elle fera échouer les négociations de proximité et elle en portera la responsabilité. À moyen terme, une telle attitude constituera un obstacle insurmontable à l'adhésion de la Turquie. L'une des trois conditions énoncées dans le rapport Morillon et que le Parlement européen fera sienne resterait alors toujours en souffrance.

Dès que les autorités d'Ankara auront compris que le statu quo est inacceptable pour l'Europe et pour le reste du monde, des progrès importants pourront être accomplis : l'île pourra être réunifiée et un règlement global juste, durable et conforme au droit international sera apporté demain.

 
  
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  Van Orden (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, la résolution sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion est à saluer à maints égards - en particulier, l'appel lancé à la Commission pour mettre en œuvre une stratégie de pré-adhésion convenablement dotée. Cependant, on ne trouve nulle trace d'un accueil réellement favorable à la décision d'Helsinki d'accorder à la Turquie le statut de candidat. Nulle trace, dans la résolution, de la reconnaissance - et je renvoie à l'exposé des motifs qui accompagne cette résolution - des efforts remarquables effectués par la Turquie en vue d'adapter ses structures aux exigences de l'UE. En réalité, il est regrettable que les débats plus généraux menés dans le cadre de l'élargissement et de celui des autres pays candidats n'aient pas porté sur la Turquie.

Bien sûr, les peuples d'origine kurde, ainsi que d'autres minorités culturelles et linguistiques, ne doivent pas faire l'objet de discriminations politiques, économiques ou autres et doivent pouvoir s'exprimer librement, mais cette expression devrait recourir à des moyens entièrement pacifiques, sans intimidation ni terrorisme. Nous devrions nous rappeler que l'éloignement de la Turquie de la sphère occidentale a constitué un objectif crucial de la politique soviétique tout au long de la guerre froide et que le PKK a été soutenu en tant qu'instrument de cette politique. Dans cette résolution, je ne vois nulle trace de la demande adressée aux représentants des minorités de renoncer à la violence. La paix civile est une condition sine qua non pour les investissements et le progrès économique. Le terrorisme a barré le chemin à un tel progrès.

Nous devrions également avoir conscience que frustrer la Turquie dans sa marche vers l'adhésion ne contribuera pas à la résolution des problèmes extraordinairement difficiles, tels que le problème chypriote, qui nécessite l'assentiment de tout le peuple de Chypre. Après tout, la Turquie, comme la Grèce et le Royaume-Uni, est l'une des puissances garantes de Chypre.

Je perçois une nervosité croissante au sein de ce parlement en ce qui concerne l'impact potentiel de l'adhésion de la Turquie sur l'Union. Je dirais qu'il règne une nervosité croissante parmi les citoyens de nombres d'États membres concernant le rythme et l'intensité de l'intégration au sein de l'UE, mais aussi quant à la tendance gauchiste, de plus en plus visible, dont est empreinte cette évolution. Il serait infiniment plus souhaitable et acceptable d'avoir pour objectif une communauté d'États-nations moins étroitement liée, commerçant librement, et agissant à l'unisson dans le cadre d'un éventail limité de politiques et beaucoup plus facile, dès lors, d'accueillir un pays tel que la Turquie.

 
  
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  Korakas (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, il ne nous est pas possible de voter le rapport Morillon, parce que nous sommes convaincus que, contrairement à ce qu’il affirme et à ce qu’un grand nombre de personnes espèrent, en Turquie également, l’adhésion n’améliorera pas la vie des peuples. Bien au contraire, elle l’aggravera. Le but objectivement visé par le rapport apparaît dans le projet de résolution, à travers les références faites au produit national brut de la Turquie, au volume élevé de ses échanges avec l’Union européenne, aux réformes économiques libérales, à l’accélération des privatisations et au renforcement des règles du marché libre voté par le parlement turc, après que le Fonds monétaire international l’eut exigé.

Tout aussi révélatrice est la joie qui se fait jour dans la résolution concernant l’intention de la Turquie de mettre à disposition un effectif militaire, dans le cadre de la politique européenne commune de sécurité et de défense. Il s’agit donc d’une soumission encore accrue de la Turquie aux objectifs économiques, politiques et militaires du grand capital de l’Union européenne.

Nous n’ignorons pas, bien sûr, les points positifs de la résolution, tels que les droits de l’homme, bien qu’elle interprète comme progrès des manœuvres du régime et passe sous silence les 10 000 à 15 000 détenus politiques. Sont également positives les références à la question chypriote et au retrait des troupes d’occupation, ainsi qu’à la nécessité de respecter les décisions du Tribunal européen, dans l’affaire Loïzidou, par exemple, à la nécessité de trouver une solution politique au problème kurde, aux bombardements de l’Irak. Nous craignons toutefois qu’une fois de plus, toutes ces déclarations ne soient qu'un catalogue d'intentions. À vrai dire, pourquoi donc tout cela reste-t-il absent du rapport de la Commission européenne ?

Pour nous, la question fondamentale subsiste : malgré ce que beaucoup en disent, la Turquie, malgré son union douanière en 1995 et sa demande de candidature en 1999, non seulement n’a pas amélioré la vie de ses peuples, mais aussi, dans certains domaines, l’a aggravée. Il est certain que le processus d’adhésion et l’adhésion en elle-même détérioreront encore leurs conditions de vie, notamment dans le domaine économique et social. Il est tout aussi certain que son financement, quel qu’en soit la forme, servira à renforcer ses mécanismes de répression et encouragera le régime à poursuivre sa politique actuelle.

Par ailleurs, nous ne reconnaissons pas aux milieux dirigeants de l’Union européenne le rôle de défenseur des droits de l’homme. Jusqu’à aujourd’hui, leur action a démontré le contraire. C’est précisément pour cette raison que, animés par des sentiments de solidarité à l’égard des peuples de la Turquie, nous nous opposons à son adhésion et, par conséquent, aux rapports qui la promeuvent.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, Monsieur le Commissaire, comme plusieurs parlementaires l'ont souligné aujourd'hui, le chemin vers l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne sera long et difficile.

Plusieurs intervenants ont fait part de leurs préoccupations sur la situation des droits de l'homme, sur le traitement des minorités, en particulier la question kurde, sur le poids de l'armée dans la vie politique, sur le système judiciaire, sur la peine de mort, toutes questions très sérieuses. Nous ne pouvons que partager ces préoccupations, dont la Commission s'est d'ailleurs parfaitement fait l'interprète dans son dernier rapport annuel.

Mais je crois en même temps qu'il ne faut pas brosser un tableau trop noir de la situation. Des progrès ont été accomplis, des signes encourageants sont perceptibles. Le gouvernement a annoncé toute une série de réformes. Le président Sezer s’est personnellement engagé en faveur du processus de modernisation de son pays. Il me semble donc que nous devons encourager les autorités turques à aller de l'avant pour se mettre en conformité avec les critères politiques de Copenhague, ce qui est nécessaire. Nous devons en même temps rester vigilants quant à la mise en œuvre effective des mesures annoncées. Il me semble que c'est cet équilibre-là que préconise le rapport de M. Morillon.

La stratégie retenue à Helsinki en décembre dernier a marqué un tournant dans les relations entre l'Union européenne et la Turquie. C'est dans ce cadre équilibré que nous devrons poursuivre résolument notre action pour favoriser le rapprochement entre l'Union et la Turquie.

Donc je conclus en disant : soyons exigeants, soyons vigilants, marquons nos conditions, n'en rajoutons peut-être pas trop, car il nous faut aussi respecter nos engagements et l'Union européenne a fait, à Helsinki, un choix important.

 
  
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  Verheugen, Commission. - (DE) Monsieur le Président, au terme de ce débat, je voudrais signaler qu'il y a bien entendu un lien entre le rapport de la Commission sur les progrès accomplis ou non par la Turquie et le partenariat à l'adhésion.

Plusieurs orateurs ont prétendu que la Commission n'aurait pas abordé certains problèmes. Je ne peux qu'en conclure que ces personnes n'ont pas lu le rapport car tous les problèmes qui ont été cités ici et dont on prétend que la Commission n'aurait pas parlé sont traités dans le rapport. Il est également faux de dire que le problème kurde n'est pas nommément abordé. Lorsqu'il est question de langue kurde, de culture kurde, d'établissements kurdes, de partis kurdes, on emploie naturellement le mot "kurde". Celui qui prétend que le mot ou le concept de kurde n'apparaît pas n'a manifestement pas lu le rapport. Je dois m'élever contre l'impression donnée par certains que le rapport 2000 s'écarterait de la terminologie utilisée dans le rapport 1999. Ce n'est pas le cas.

La nouveauté, c'est le partenariat à l'adhésion et celui-ci renferme une constatation très importante. Il y est dit, en effet, que le pays candidat doit traiter tous les thèmes abordés dans le rapport régulier. Il y a donc une relation interne. En tant que tel, le partenariat à l'adhésion est un document très équilibré qui repose pour l'essentiel sur les conclusions d'Helsinki. Je dois d'ores et déjà faire savoir au Parlement que, manifestement, l'un ou l'autre orateur s'est laissé gagner par l'impression fausse que ce serait déjà la réalité. Nous en sommes au stade de la proposition et je ne suis pas en mesure de vous dire, cet après-midi, si ce projet ira au-delà du stade de la proposition, en particulier si ce Parlement suit les propositions qui ont été faites aujourd'hui dans cette enceinte. Je n'ai pas à formuler des conseils ou des critiques à l'adresse du Parlement et je m'en garderai. Seulement, je dois attirer votre attention sur les conséquences que peuvent avoir les décisions prises. Si vous traitez la question arménienne en relation avec l'adhésion à l'UE - je vous prie de faire attention à mes propos : traiter la question arménienne en relation avec l'adhésion à l'UE -, le projet dont nous avons parlé aujourd'hui ne démarrera pas. C'est aussi simple que ça.

Si les conclusions d'Helsinki relatives à la résolution de la question chypriote sont modifiées conformément aux requêtes de certains intervenants, c'est-à-dire qu'on en fait une condition préalable à l'adhésion, le projet échouera également. C'est d'ailleurs un élément que nous avons justement modifié l'année dernière, avec l'assentiment notable du Parlement européen. Dans le passé, nous avons dit que ce n'était pas une condition préalable et que tout ce qu'on pouvait exiger de la Turquie était qu'elle fasse tout son possible, de manière sérieuse, pour parvenir à une solution. Nous n'oublierons cependant en aucun cas que la résolution de ce problème dépend de deux parties et non d'une seule. En conséquence, vous ne pouvez pas attendre davantage de la Turquie que des efforts sérieux, constructifs et crédibles. Pour ce qui est de la résolution du problème, vous ne pouvez l'exiger que de l'ensemble de ceux qui se sont fixés cet objectif.

Pour conclure, il me tient à cœur de signaler une fois encore qu'avec la stratégie d'Helsinki, nous avons fait une offre à la Turquie. Il s'agit à présent d'accomplir le premier pas de cette stratégie d'Helsinki et je trouve injuste de juger que cette stratégie a d'ores et déjà échoué bien qu'on ait pas encore fait le premier pas. Il s'agit à présent de faire le premier pas et il est de votre responsabilité, en tant que membres du Parlement européen, de décider si nous pouvons ou non faire ce premier pas.

 
  
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  Le Président. - La discussion commune est close.

Le vote aura lieu demain à 11h30.

 

6. Conférences euro-méditerranéennes à Marseille
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  Le Président. - L'ordre du jour appelle les questions orales au Conseil (B5-0551/2000) et à la Commission (B5-0522/2000) posées par M. Brok, au nom de la commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense, sur les Conférences euro-méditerranéennes à Marseille en novembre 2000.

L'auteur des questions - M. Brok - devait normalement être le premier à prendre la parole, mais il est en réunion avec la Présidente et va bientôt arriver. Étant donné que nous manquons de temps, pourrais-je demander à M. Moscovici de répondre à la question avant que celle-ci ne soit posée officiellement, puisqu'il en connaît son contenu ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Monsieur le Président, Messieurs les Commissaires, Mesdames et Messieurs les Députés, je vais effectivement répondre avant que M. Brok ne revienne de sa réunion avec la Présidente, car moi-même je dois me retrouver à une réunion avec la Présidente, et donc nous sommes tenus par cet ordre du jour très chargé.

Je remercie le président Brok de me permettre de faire le point sur la politique méditerranéenne de l'Union, puisque nous nous trouvons aujourd'hui, vous le savez, à la veille de la tenue, à Marseille, de la quatrième Conférence des ministres des Affaires étrangères du partenariat euroméditerranéen.

Vous savez combien la présidence française du Conseil, qui en a d'ailleurs fait l'une de ses priorités au cours de ce semestre, est attachée au renforcement de la dimension méditerranéenne des relations extérieures de l'Union. C'est d'ailleurs aussi la raison de notre insistance pour qu'un bilan soit dressé des cinq premières années de mise en œuvre du processus de Barcelone, afin qu'à Marseille, justement, nous soyons en mesure d'arrêter les orientations nécessaires. Le commissaire Patten, que je salue, dans sa communication "Revitaliser le processus de Barcelone", a d'ailleurs formulé des pistes de réflexion intéressantes à cet égard.

M. Brok s'est référé à la stratégie commune pour la Méditerranée, adoptée en juin dernier à Feira. Il s'agit là d'une contribution importante et utile. Mais il s'agit surtout, à la différence du partenariat euroméditerranéen qui unit les Quinze à douze partenaires de la rive sud de la Méditerranée, d'un outil de discipline interne à l'Union, en quelque sorte, destiné à renforcer la cohérence et la coordination de l'ensemble des instruments communautaires et des politiques des États membres à l'égard de la Méditerranée.

Des priorités pour la mise en œuvre de cette stratégie commune ont d'ores et déjà été établies par la présidence et présentées au Conseil de ministres en septembre dernier. La présidence s'est plus particulièrement attachée à identifier les domaines sur lesquels l'Union et ses partenaires du Sud devaient faire porter leurs efforts pour relancer le processus de Barcelone, en particulier le renforcement du dialogue en matière politique et économique, une meilleure efficacité de l'aide communautaire, la mise en œuvre d'une coopération sous-régionale et de l'intégration Sud-Sud, ou encore la montée en puissance d'initiatives dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.

Tel est bien également notre objectif pour la conférence de Marseille. Au cours des deux jours de la réunion, la présidence compte parvenir, avec l'aide de tous, à donner un nouvel élan à ce processus. Il serait sans doute superflu que je rappelle en détail ici le contexte politique dans lequel se tient cette conférence. Mais je pense très sincèrement que les difficultés actuelles au Proche-Orient rendent plus nécessaire que jamais ce dialogue euroméditerranéen.

Donc, ce n'est pas parce que la situation est difficile au Proche-Orient que la conférence de Marseille doit revoir ses ambitions à la baisse. Je ne dis pas, bien sûr, que le contexte actuel n'aura aucun impact sur cette rencontre. Je pense en particulier à la charte de paix et de stabilité, qui a fait l'objet d'une discussion très approfondie entre les 27 partenaires, mais dont l'adoption appelle probablement un environnement régional apaisé.

M. Brok, qui nous a rejoints, s'interrogeait précisément sur les retards constatés dans la négociation. Faut-il parler de retard ? Que la discussion soit longue et parfois délicate, c'est certain, je dirais même que c'est normal, compte tenu notamment du contexte politique au Proche-Orient. L'essentiel est, à mon sens, que nous poursuivions les travaux et que ce projet ne soit pas abandonné.

À cet égard, je crois que les 27 partenaires sont résolus à adopter ce texte dès que les circonstances le permettront. N'oublions pas que le processus de Barcelone est récent, il a cinq ans seulement. Et lorsque nous avons lancé le partenariat en 1995, nous avions d'ailleurs conscience d'engager une œuvre de long terme. Il n'y avait rien d'évident à faire cohabiter du jour au lendemain 27 partenaires aussi différents dans un contexte politique souvent tendu, même parfois plus que cela, et dans un cadre original comme celui de Barcelone. Or, nous sommes parvenus à maintenir le dialogue et sur des sujets parfois sensibles : la stabilité, le terrorisme, l'émigration, les droits de l'homme, par exemple. Croyez que nous comptons bien poursuivre en ce sens.

Cette coopération en matière politique et de sécurité, ce que l'on appelle le "premier volet" de Barcelone, est essentielle, même si nous savons qu'elle est la plus délicate et la plus longue à mettre en œuvre. Mais il y a aussi les autres "volets" de Barcelone, le volet économique et financier, d'une part, le volet social, culturel et humain, d'autre part. Et ceci me conduit à souligner un principe fondamental de la politique méditerranéenne de l'Union, et je répondrai ainsi directement à la question de M. Brok.

Je veux parler de la globalité du processus du développement parallèle et équilibré de ces trois volets, qui fonde l'esprit et l'originalité de Barcelone et que nous devons préserver. Et même s'il est vrai que c'est le volet économique de Barcelone qui, malgré ses lenteurs, fonctionne le mieux, l'essentiel est de ne pas perdre de vue cette globalité, sans laquelle le processus serait condamné à n'être qu'une simple zone de libre-échange parmi d'autres, sans vision politique, sans vision humaine à long terme, et ce serait regrettable. Nos partenaires méditerranéens sont nos voisins immédiats. Nous avons beaucoup en partage avec eux, un patrimoine, une histoire, une culture, des échanges, des intérêts partagés. Enfin, comme M. Brok l'a souligné, nous avons des défis à relever ensemble contre le racisme, l'intolérance et la xénophobie.

De vastes chantiers s'offrent également à la coopération en matière de lutte contre les trafics de toute sorte, de migrations, et de renforcement de l'État de droit. Nous avons, nous Européens, une expérience à faire valoir. Il est aussi de notre intérêt d'accompagner nos partenaires dans leur processus de réformes structurelles, de mise à niveau et d'ouverture à la concurrence de leurs économies. Ainsi, à Marseille, cette nouvelle impulsion que nous voulons donner au processus devra s'appuyer sur toutes ses composantes politiques et économiques, qui sont, je le répète, complémentaires et indissolublement liées entre elles.

Il est vrai que Barcelone est un processus, un partenariat ambitieux, qui requiert des moyens adaptés aux objectifs qui lui sont assignés. M. Brok évoque les ressources financières. Bien sûr, elles ne seront jamais suffisantes. Les défis sont tels, les besoins des pays du Sud sont tellement importants que les moyens de l'Union paraîtront toujours insuffisants, d'autant que les engagements extérieurs de l'Union se sont accrus de façon extraordinaire au cours des dernières années. C'est un débat que nous avons eu à plusieurs reprises au Conseil, vous le savez, et qui est au cœur, je crois pouvoir le dire, de la réforme engagée à l'initiative du commissaire Patten.

Il reste que le Conseil s'est efforcé, en particulier depuis 1995, de doter la Méditerranée de moyens plus importants, à la mesure des défis du partenariat. La présidence française, dès 1995, s'y était employée, notamment lors du Conseil européen de Cannes, où nous avions réussi à rééquilibrer les moyens de la politique méditerranéenne par rapport à ceux justement consacrés aux pays d'Europe centrale et orientale.

C'est dans cet esprit que le programme MEDA I a été lancé avec 3,4 milliards d'euros engagés entre 1995 et 1999. Le montant pluriannuel doit maintenant être arrêté pour 2000-2006, et je ne peux que souhaiter - je ne peux pas donner de chiffre à ce stade - qu'il soit à la hauteur des ambitions méditerranéennes de l'Union.

Vous savez que nous nous efforçons en ce moment même de dégager un accord à Quinze, au besoin en tenant une session extraordinaire du Conseil demain, à Marseille. Nous sommes d'ores et déjà parvenus à nous entendre sur les modalités du règlement financier MEDA II. Je crois que nous disposerons à l'avenir d'un instrument plus efficace, plus rapide, plus visible, donc au total plus crédible. La gestion du programme sera simplifiée, le rythme des remboursements et déboursements accéléré. Et puis, il y a encore les prêts de la BEI qui sont essentiels au développement des pays partenaires, notamment grâce à ses grands projets d'infrastructure.

Je crois qu'avec un mandat de plusieurs milliards d'euros pour la Méditerranée sur la période 2000-2007, nous serons en mesure de répondre aux attentes des partenaires du Sud au cours des prochaines années, et c'est indispensable. Aujourd'hui, à la veille de Marseille, la présidence française souhaite bien entendu voir confirmée cette priorité méditerranéenne de l'Union, y compris en termes financiers. En réalité, il ne s'agit plus seulement, comme en 1995, de rétablir un équilibre avec l'Est de l'Europe, il s'agit aussi de préparer le futur élargissement de l'Union.

N'oublions pas que Barcelone, comme l'ensemble des relations extérieures de l'Union, fait partie intégrante de l'acquis communautaire et qu'il convient que les États candidats se préparent à voir dans les pays méditerranéens des partenaires privilégiés, car ce sont les partenaires privilégiés de notre Europe. Il y a là un défi majeur pour l'Europe future, dont le centre de gravité, c'est vrai, se déplacera vers l'Est du continent, mais sans contradiction avec le Sud. Raison de plus, à nos yeux, pour affirmer la dimension méditerranéenne de l'Union qui se veut un acteur global dans le monde et pour lequel la Méditerranée doit rester, et restera, une "mer qui unit", en latin une "mare nostrum".

 
  
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  Brok (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, le fait que le président du Conseil ait déjà répondu aux questions que je n'ai même pas encore posées démontre ses facultés. Je voudrais expressément remercier la présidence française du Conseil pour tenter de redonner l'élan nécessaire au processus de Barcelone. Il s'agit en effet - et je voudrais également le dire en tant que personne originaire d'Europe centrale - d'un dossier extrêmement important. Nous autres, ressortissants d'Europe centrale, devons admettre que le débat sur le processus de Barcelone vise à notre intérêt commun, tout comme nous demandons aux Européens méridionaux de comprendre que l'élargissement aux États d'Europe centrale et orientale se fait dans notre intérêt commun. Si nous le comprenons tous ainsi et y attachons le poids nécessaire, nous serons sur une voie sage et juste.

Il s'agit, d'une part, d'élargir l'Union européenne et, d'autre part, d'entretenir de bonnes relations avec nos voisins. Ces deux éléments relèvent de notre intérêt commun et, pour chacun d'entre eux, l'Union européenne était prête et reste prête à dégager les ressources budgétaires nécessaires. Naturellement, nous posons la question de savoir comment on peut continuer de financer l'ensemble du processus, aux termes des données actuelles des perspectives financières et en tenant compte de la politique envers les Balkans, car on doute peu à peu que ce soit tenable à long terme. Nous espérons bien entendu que le concept "Patten" s'impose et que la Commission soit en mesure de mettre en œuvre ces projets plus rapidement que ce n'était le cas dans le passé.

Il importe tout particulièrement que nous percevions les avantages du processus de Barcelone. Notre aide peut en effet contribuer à ce que ces pays voient poindre le développement économique et social indispensable pour offrir une perspective aux habitants de ces régions. C'est également lié à la maîtrise de l'émigration. À terme, il pourrait ne plus être nécessaire, dans l'ensemble du bassin méditerranéen ainsi que dans l'Union européenne, d'émigrer pour des raisons de détresse sociale : ce souhait naîtrait d'autres considérations. J'estime que nous devrions y contribuer. Si une telle perspective économique et sociale existe, une condition importante en matière de mise en œuvre des droits de l'homme et de démocratisation de ces sociétés sera également remplie.

Tout ceci revêt bien entendu pour nous un intérêt gigantesque en termes de politique de sécurité. Bref, ce n'est pas seulement une possibilité d'augmentation des échanges économiques ; cela relève aussi, dans une très large mesure, de la politique de sécurité au sens le plus strict. Nous devons le faire comprendre clairement à nos concitoyens afin de recueillir leur adhésion. La xénophobie, le terrorisme d'État ou d'autres formes de terrorisme relèvent également de ce domaine et j'espère que nous aurons également la possibilité d'y mettre bon ordre. On peut y ajouter l'évolution dans certains États d'Afrique du Nord - évolution que nous avons observée et que nous continuons d'observer avec une grande préoccupation - et j'espère que nous parviendrons à impliquer tous les États d'Afrique du Nord dans ce processus sans que soient soulevés des "mais" et des "si".

La situation actuelle au Proche-Orient montre de plus en plus quelles mesures s'imposent dans le cadre de nos politiques communes et de notre coopération. Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour exprimer mon espoir qu'aucun des deux partenaires qui s'affrontent aujourd'hui au Proche-Orient ne prendra, au cours de cette semaine, de mesure unilatérale qui compliquerait à l'extrême le retour à la table des négociations dans les prochaines semaines. Nous devrions tenter de contribuer à offrir au peuple de Palestine la chance d'œuvrer à son propre développement, à son propre avenir et à la naissance de son propre État par le biais d'un accord avec Israël et sur la base de la sécurité de l'État d'Israël.

J'espère qu'à Marseille, l'Union européenne se décidera à faire avancer ce processus euroméditerranéen et qu'il nous sera possible de veiller à nouveau ensemble à ce que M. Moscovici a justement nommé la mare nostrum, c'est-à-dire la Méditerranée autour de laquelle sont nées les trois grandes religions monothéistes qui sont partiellement impliquées dans des conflits à l'heure actuelle. Il faut parvenir à reprendre la discussion, et ce aussi sur cette base tout à fait fondamentale. Je pense que l'Union européenne a un rôle particulier en la matière car les États et les habitants de ces régions attendent que l'Union européenne y exerce une influence politique, attendu qu'elle peut amener un haut degré d'équité et de crédibilité. J'espère que le fait que cette influence politique est souhaitée et qu'on attend de nous que nous soyons un acteur dans la région contribuera à faire avancer le processus à Marseille et à le doter de la crédibilité nécessaire afin que nous puissions, ce faisant, contribuer à la paix dans la région et à notre propre stabilité.

 
  
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  Patten, Commission. - (EN) Monsieur le Président, comme vous le savez, il existe un dicton en Anglais qui dit que lorsqu'une vedette n'apparaît pas lors d'un spectacle, cela ressemble à une représentation d'Hamlet sans le premier fossoyeur. En l'absence temporaire, mais tout à fait compréhensible, de notre honorable ami à l'entame de ce débat, j'ai été tenté de dire que cela ressemblait à Hamlet sans le prince, mais je suis ravi qu'il soit parmi nous pour apporter sa sagesse et son bon sens dans ce débat d'une extrême importance et qui a lieu à l'initiative de l'honorable député.

Comme M. le ministre l'a évoqué il y a un instant, la Conférence euro-méditerranéenne a lieu, cette semaine, dans un contexte de crise persistante du processus de paix au Proche-Orient. Nous avions tous espéré que les circonstances s'amélioreraient de manière significative et il s'en est fallu de peu. Nous avons été nombreux à être ravis, voire surpris, par l'ampleur des progrès qui semblaient avoir été accomplis cet été lors du sommet de Camp David et nous avons chaleureusement applaudi le président Clinton et son administration pour tous les efforts accomplis pour faire avancer la situation. Nous étions si proches du but, ce qui rend les difficultés et la tragédie de ces dernières semaines d'autant plus tristes. Au fur et à mesure des communiqués des agences transmis ce matin et cet après-midi, les nouvelles demeurent sombres. Les difficultés actuelles devraient nous encourager à redoubler d'efforts pour promouvoir la coopération dans le cadre euro-méditerranéen.

Nul ne chercherait à nier que le processus de Barcelone et le processus de paix au Proche-Orient sont interconnectés. Les progrès dans les relations euro-méditerranéennes ont été en partie rendus possibles par les progrès à Madrid et ensuite par les accords d'Oslo. Il est également vrai que les revers du processus préalable de paix ont ralenti les progrès de Barcelone. C'est un fait dont nous devons, hélas, nous accommoder. Mais nous ne devrions pas perdre de vue que le processus de Barcelone a fait des progrès sur une période de cinq ans, et ce malgré toutes les difficultés survenues au Proche-Orient.

Une chose est tout à fait claire. Nous ne devons pas laisser le processus de Barcelone devenir l'otage du processus de paix au Proche-Orient. Le processus de Barcelone s'est vu imprimer son propre élan. Il poursuit ses propres objectifs qui demeurent pleinement valides. Il est de notre intérêt à tous de faire montre à la fois de résistance et d'ambition cette semaine à Marseille.

La Commission a été encouragée par la réaction généralement positive aux propositions que nous avons avancées en vue de raviver le processus de Barcelone, à la fois au sein de l'Union européenne et parmi les partenaires méditerranéens. Permettez-moi d'aborder quelques-uns des éléments principaux de l'approche stratégique que nous avons suggérée et qui, je l'espère, recueillera quelque assentiment à Marseille.

Premièrement, accélération des négociations et de la ratification des accords d'association, avec l'Égypte dans un premier temps, mais également avec l'Algérie, la Syrie et le Liban. En fait, nous avons clos les négociations avec l'Égypte il y a dix-huit mois et je souhaite à présent procéder rapidement à la mise en œuvre de l'accord et ensuite à sa signature complète en temps opportun.

Je voudrais également que nous entamions des négociations plus sérieuses portant sur des accords d'association avec les autres pays. Nous avançons l'argument selon lequel nous devrions aborder le thème sensible du commerce agricole. Nous devrions reconsidérer, à notre sens, ce qui doit être fait pour garantir que les accords soient pleinement compatibles avec l'OMC, d'ici la fin de la période transitoire. Nous plaidons en faveur d'une intensification du commerce sud-sud par le biais de l'encouragement de la signature d'accords de libre-échange entre les partenaires. Dans ce contexte, la Commission s'engage à fournir une aide technique dans des domaines cruciaux tels que les règles d'origine et les questions douanières. Nous voulons voir réunies les politiques portant sur les thèmes relatifs au marché unique et aboutir à un accord en vue d'introduire l'origine cumulative, parallèlement aux accords sub-régionaux de libre-échange pour tous les partenaires s'engageant dans cette voie et adoptant le protocole harmonisé en matière de règles d'origine.

Nous voulons également que ces régions deviennent plus attractives pour les investisseurs. Outre les réformes économiques, les réseaux de coopération nouvellement crées parmi les agences de promotion d'investissement et parmi les fédérations d'employeurs y contribueront, tout comme l'introduction d'une nouvelle capacité régionale de capital-risque. La conclusion d'un accord sur un nouveau programme régional en matière de justice et d'affaires intérieures couvrant la migration au sens le plus large, la lutte contre la criminalité organisée et la coopération judiciaire constitue un sujet supplémentaire sur lequel nous espérons procéder à un échange de vues de qualité.

J'aborde à présent le thème dont je sais qu'il a fait l'objet de maints débats au sein de cette Assemblée, à savoir l'amélioration de l'aide fournie au titre de MEDA. La révision du règlement MEDA, ainsi que la réforme déjà annoncée du système d'aide externe de la Commission, contribuera à atteindre cet objectif et entraînera une augmentation des ressources humaines. En décentralisant la fourniture de l'aide, nous ferons davantage participer les partenaires à tous les stades de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques.

Il est de notre intérêt à tous de garantir que le programme MEDA se concentre étroitement sur les objectifs pertinents. C'est ce que nous avons l'intention de faire, par le biais d'un dialogue étroit avec les partenaires à tous les stades. Toutefois, nous ne pouvons éluder le fait que les partenaires ayant relevé le défi inhérent au processus d'association sont ceux qui devraient bénéficier de la plus grande part de l'aide.

En ce qui concerne les droits de l'homme, nous proposons une approche structurelle qui tienne compte des performances des pays dans le temps. Mais, une fois encore, nous devrions être francs. Un pays qui suscite de sérieux doutes quant à son respect des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit et qui n'est pas préparé à discuter de ces thèmes d'une manière transparente éprouvera des difficultés à s'adapter au nouveau schéma mondial et aura moins de chances de prospérer à long terme.

En ce qui concerne MEDA et la réforme de notre aide extérieure, permettez-moi d'ajouter un dernier élément d'importance pour les débats que les députés mènent en d'autres lieux.

Afin de garantir que nous apportions notre aide plus rapidement en Méditerranée et en d'autres endroits du monde, nous avons besoin de ressources accrues - les députés l'acceptent, tant du point de vue rationnel qu'intellectuel -, afin de gérer véritablement nos programmes et, pour ce faire, la Commission a avancé des propositions sensées. Certains députés estiment que nous devrions placer ces ressources supplémentaires dans la réserve jusqu'à ce que nous ayons réalisé d'autres objectifs.

Je dis aux députés du Parlement, en toute bonne foi, qu'il vient un moment où vous devez nous faire confiance et vous devez nous laisser essayer de faire notre travail, parce qu'il est inconcevable que nous mettions en œuvre nos plans d'une manière plus efficace si les personnes dont nous avons besoin pour les gérer ne sont pas disponibles jusqu'à ce que nous ayons véritablement démontré que nous étions à même de gérer nos affaires plus efficacement. Nous nous retrouverions dans une situation délirante et c'est la raison pour laquelle j'implore les honorables députés qui exercent une quelconque influence en la matière de reconnaître que, si nous voulons que le processus de réforme soit mené sérieusement, vous devez nous donner l'occasion de démontrer que nous tenons parole. Si nous ne pouvons pas le faire, nous en subirons les conséquences et le commissaire en charge des relations extérieures en subira les conséquences en temps voulu, mais ne nous acculez pas à une situation dans laquelle, les objectifs étant fixés, vous ne nous accordez pas les moyens nécessaires jusqu'à ce que nous ayons démontré que nous étions capables de réaliser ces objectifs. Cela n'a absolument aucun sens. C'est une question qui revêt une importance cruciale pour tous les pays méditerranéens et j'espère que je serai en mesure de leur garantir cette semaine que nous avons la ferme intention d'améliorer grandement la mise en œuvre de nos programmes à l'avenir.

J'espère que les ministres qui se réunissent à Marseille reconnaîtront la nécessité de s'accorder sur cet ensemble de propositions réalistes, en vue de relancer le processus de Barcelone, au moment précis où le Proche-Orient connaît de graves difficultés.

Je serai heureux d'informer le Parlement des résultats de la réunion de Marseille dans les plus brefs délais possibles. Nous avons engagé par le passé d'énormes ressources dans ce partenariat. Nous ne les avons pas gérées aussi bien que nous aurions dû le faire, mais nous avons engagé d'énormes ressources et cela reflète la priorité que le Parlement, la Commission et le Conseil accorde au renforcement du partenariat autour de "notre mer".

Ces quelques prochaines années, le succès de ce partenariat revêtira encore plus d'importance que jamais et j'espère que, cette semaine, à Marseille, et les semaines suivantes, nous serons en mesure de garantir que toute cette entreprise acquière encore plus d'élan et d'énergie que cela n'a été le cas par le passé.

(Applaudissements)

 
  
  

PRÉSIDENCE DE M. COLOM I NAVAL
































Vice-président

 
  
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  Fiori (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, il semblerait facile de donner une réponse aux événements de la Méditerranée si le ministre Moscovici parvenait à interpréter les souhaits de M. Brok et expliquait la situation que nous vivons avec grande appréhension dans cette région. Nous apprenons avec grande satisfaction que la Commission a l'intention de donner un nouvel élan au processus de Barcelone. Nous pensons toutefois que cette zone limitrophe de l'Union européenne est le théâtre de rencontres extrêmement importantes et les engagements et propositions que le commissaire vient d'énumérer doivent être effectivement concrétisés plus vite que ces dernières années.

Nous considérons le processus de paix indispensable au développement du partenariat en Méditerranée, mais tout le monde connaît les difficultés qui ont empêché l'aboutissement de la charte de paix et de stabilité. Dès lors, des propositions nouvelles, peut-être à des moments plus opportuns, permettant d'arriver au pacte de stabilité sont nécessaires avant la fin de cette année, au plus tard au cours du premier semestre de l'année prochaine. Il y a ensuite tout l'éventail des accords d'association, des questions commerciales et du programme MED. Certes, certains accords ont été conclus, mais il reste trop de questions non résolues ou tout au moins ouvertes : la longueur des délais, les échéances pour la ratification des accords, les nombreuses difficultés nées de l'absence de flexibilité dans le mandat de négociation que le Conseil a confié à la Commission. Je ne reviendrai pas sur les difficultés bureaucratiques rencontrées ces dernières années.

Nous pensons que les initiatives d'aide à l'amélioration de la gestion du programme MED sont essentielles et peuvent représenter une contribution fondamentale pour que le partenariat économique et financier réalise les progrès significatifs qui nous permettront d'atteindre d'importants résultats pour la région de la Méditerranée. Ces résultats contribueront à la stabilisation économique, au processus de libéralisation et privatisation, aux adaptations structurelles nécessaires aux investissements et, mais ce n'est pas la moindre des choses, à la coopération décentralisée, ainsi qu'à une politique de gestion commune des flux migratoires et de l'emploi. Ces politiques permettront à l'Union européenne de poursuivre à l'avenir le développement de ses territoires méridionaux.

Dernière remarque au sujet des questions budgétaires : il faut demander à la Commission si les ressources humaines actuellement disponibles dans le budget pour relancer le processus de Barcelone sont vraiment suffisantes. Cette préoccupation découle du fait que, dans le budget général, on n'a pas parlé de revoir les ressources financières. Je ne m'appesantirai pas sur les réserves parce qu'elles sont déjà le résultat d'un débat passionné en commission. Donc, au cas où les dotations financières destinées aux régions en question devraient changer, comme le demande le Parlement européen, comment la Commission modulera-t-elle ses interventions ?

 
  
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  Napoletano (PSE). - (IT) Monsieur le Président, cinq ans après la conférence de Barcelone, le temps des bilans est arrivé. Le Parlement européen a adopté, en mars dernier, une résolution qui examine d'un œil critique les politiques et les instruments du partenariat, en proposant quelques corrections importantes. Le Conseil européen de Feira de juin 2000 a adopté une stratégie commune pour la Méditerranée et la Commission européenne, après avoir proposé et obtenu la réforme du règlement MEDA, a récemment présenté un document sur la relance du processus de Barcelone. Tout cela montre la conscience de l'inadaptation des résultats atteints jusqu'ici, même si les réponses ne sont pas encore, à mes yeux, à la hauteur de la situation, et même s'il faut reconnaître que cinq ans, ce n'est pas beaucoup pour des processus aussi complexes.

Toutefois, le processus entamé à Barcelone, basé sur trois piliers - politique, économique et culturel - s'est caractérisé par trois limites désormais généralement reconnues et dont le commissaire Patten a fait écho dans son intervention. La première concerne la préférence donnée au libre échange, lié au processus de libéralisation économique et commerciale, par rapport au codéveloppement, à l'intégration économique, aux politiques sociales, au dialogue culturel, à la formation et à la valorisation des ressources humaines. La deuxième relève du type de relation entre l'Union européenne et les pays partenaires du bassin méditerranéen. On observe en effet que la dimension bilatérale, difficile à négocier, longue à ratifier et pour l'instant dominante, risque de modeler de plus en plus les économies de ces pays en fonction de leurs échanges commerciaux avec l'Union, entravant le développement de la dimension sud-sud, également en raison des difficultés rencontrées par les pays partenaires pour tisser des liens de coopération entre eux. La troisième touche la participation insuffisante des sociétés civiles européennes et méditerranéennes à ce processus qui est trop dominé par le centralisme et par le rôle presque exclusif des gouvernements.

J'ai souligné ces aspects parce que c'est là qu'il faut chercher la clé de la relance du processus et qu'il faut ajouter à tout cela l'enrichissement de l'agenda politique de Barcelone. Il est en effet impensable que la politique agricole, la gestion des flux migratoires et la dette ne figurent pas aujourd'hui au centre du partenariat euroméditerranéen. Pour ce qui est de l'agriculture, je voudrais rappeler que le Parlement s'est engagé à organiser une conférence au printemps prochain.

La tragique interruption du processus de paix au Proche-Orient change complètement la donne. Malheureusement, l'Union européenne avait basé toute sa politique sur le succès des accords d'Oslo. La stratégie commune du Conseil allait en effet dans ce sens. La Conférence ministérielle euroméditerranéenne qui s'ouvrira demain à Marseille, tombe au contraire à un moment dramatique qui rend plus délicate encore la fonction de l'Europe dans la région et oblige l'Union à jouer un rôle politique plus significatif dans le conflit israélo-palestinien. Le fait que, dans ce cadre, les 27 partenaires aient confirmé, pour l'instant du moins, la volonté de se retrouver à Marseille constitue déjà en soi un geste qui laisse à penser que tout n'est pas perdu, même si je suis tout à fait d'accord avec le commissaire Patten quand il dit que la politique euroméditerranéenne de partenariat ne peut être la prisonnière du processus de paix. Je dirais même plus : par le passé, elle a servi d'alibi non seulement à l'Europe mais aussi aux pays partenaires méditerranéens pour ne pas faire preuve de davantage d'audace. C'est pourquoi je crois que le débat d'aujourd'hui peut servir à nous rendre conscients de l'importance centrale de cette politique pour l'Union tout entière.

 
  
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  Gasòliba i Böhm (ELDR). - (ES) Monsieur le Président, chers collègues, nous souhaitons tout d'abord saluer l'initiative de notre collègue, M. Brok, qui a favorisé ce débat avant le début de la réunion de Marseille.

Comme l'a signalé le commissaire Patten, force est de constater que l'absence d'une paix consolidée au Moyen-Orient crée des distorsions sur l'ensemble du processus qui s'est dessiné lors de la conférence euro-méditerranéenne et, en particulier, sur l'application adéquate et correcte des fonds MEDA.

Bien entendu, le parti européen des libéraux soutient les actions de la Commission en faveur d'une politique méditerranéenne, comme celle qui s'est dessinée il y a cinq ans à Barcelone, et nous souhaitons sa consolidation. Il y a quelques jours, au cours de réunions du Cercle d'Économie de Barcelone, le secrétaire général du Conseil, M. Solana, nous disait que les priorités de l'action extérieure européenne étaient, tout d'abord, nos voisins. Or, nos premiers voisins sont les Méditerranéens. Nous savons bien que la source de conflits potentiels à moyen terme, compte tenu de l'évolution démographique, du déséquilibre des revenus, de l'évolution des perspectives, des différences culturelles, se situe également là-bas. Dès lors, il faut que notre priorité soit de garantir la paix et la sécurité de l'Union européenne dans la Méditerranée et nous devons déployer tous les efforts possibles au nom de cette coopération et pour que les fonds engagés soit efficacement mis en œuvre, conformément à la - disons - générosité égoïste de l'Union européenne. Nous devons être généreux à l'égard de la Méditerranée, mais selon une position égoïste, qui consiste à sauvegarder la stabilité dont nous avons tant besoin pour les citoyens de l'Union européenne, pour la société européenne.

 
  
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  Piétrasanta (Verts/ALE). - Monsieur le Président, nous avons présenté le rapport MEDA début septembre, et ce rapport nous a permis de constater, certes, des dysfonctionnnements, mais aussi et surtout il a été l'occasion de proclamer haut et fort la volonté euroméditerranéenne tant de notre Assemblée que de la Commission.

J'ai lu, Monsieur le Commissaire Patten, l'article que vous avez publié dans Le Monde aujourd'hui. J'y adhère totalement. J'ai entendu ce qu'a dit M. le ministre Moscovici, tout à l'heure : c'est exactement ce que vous avez dit vous-même. Et ce que nous avons voté ici à une énorme majorité (502 voix pour, à peine 17 petites voix contre) montre bien que nous sommes tous unanimes pour relancer et enrichir ce processus euroméditerranéen.

Je voudrais préciser, au moment où va avoir lieu la Conférence de Marseille, un certain nombre de points, pour être sûr que nous aurons les réponses, car il ne suffit pas de faire des incantations - puisque que nous sommes tous d'accord. Il faut aussi agir de façon concrète, avoir des réponses précises. D'ailleurs j'ai fait le point jeudi soir avec M. Josselin, ministre français qui s'occupe de ces questions, et je sais aussi que la présidence française est tout à fait d'accord pour promouvoir le processus tel que nous le voyons.

Premièrement, je voudrais parler du budget. Où en sommes-nous sur ce point ? On a dit qu'en gros huit milliards d'euros étaient prévus de 2000 à 2006, mais cette somme paraît fluctuante. Quel est le budget 2001, finalement ? Il faudrait au moins 1 milliard d'euros par an, mais ils ne sont pas attribués pour l'instant et on parle de 200 millions d'euros qui seraient tirés d'une zone de flexibilité en relation avec les crédits du Kosovo et de la Serbie. Tout cela n'est pas clair. Ce n'est pas d'une concurrence entre tous ces besoins qu'il s'agit, mais ce sont des fonds nouveaux que nous devons trouver.

Je suis totalement d'accord avec M. le commissaire Patten : pour faire quelque chose de concret et de correct, il faut absolument que les crédits soient accordés. Je lance un appel vibrant à tous nos collègues de prévoir les crédits nécessaires pour que nous puissions agir et que nous puissions prendre les dossiers en considération. Deuxièmement, je voudrais signaler qu'il faut relancer la coopération décentralisée, qui a l'air bien mal en point. C'est un grand souci des collectivités locales, des organisations non gouvernementales. Le forum qui a eu lieu le 12 novembre à Marseille a bien précisé ces points-là.

Ensuite, il faut augmenter l'enveloppe régionale pour permettre les relations transversales, les échanges commerciaux, mais aussi la protection de l'environnement, la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue, l'émigration et l'intégration, et progresser vers les droits de l'homme, comme nous l'avons demandé.

Nous demandons quelles dispositions la Commission envisage de prendre pour faire des appels à projets, avec la participation de la société civile, et pour le traitement et le suivi des dossiers.

Voilà les questions importantes et concrètes que je voudrais poser, et je remercie M. Brok d'avoir permis ce débat juste avant que la présidence et la Commission puissent débattre de ces sujets.

 
  
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  Boudjenah (GUE/NGL). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je partage la volonté exprimée de relancer sans délai le partenariat euroméditerranéen. Ses initiateurs eux-mêmes le mesurent : le processus de Barcelone est en panne - c'est l'expression employée - et il est loin d'avoir rempli toutes ses promesses. La résolution proposée aujourd'hui est, de ce point de vue, bien en deçà de l'ambition affichée. Les peuples du Sud sont souvent critiques et s'inquiètent de cet échec. Je partage leur impatience, voire leur déception et leur colère, devant les lenteurs mais aussi les insuffisances et les premiers dégâts de ce partenariat.

Les disparités entre les deux rives de la Méditerranée restent très importantes et maintiennent les populations du Sud dans une situation économique et sociale explosive : pauvreté et chômage, notamment chez les jeunes. Le chemin vers la zone de prospérité partagée s'est donc soldé pour l'instant par des accords d'association guidés par des intérêts strictement économiques et financiers niant les besoins des populations. Celles-ci subissent pourtant déjà le poids de la dette, la chute des prix des matières premières, les agissements structurels imposés.

La zone de libre-échange risque d'accentuer considérablement ces déséquilibres, alors que l'urgence appelle au contraire une plus grande collaboration pour répondre aux besoins. Je pense particulièrement aux services publics, et plus particulièrement aux domaines de l'eau, de l'éducation, de la santé, des transports collectifs, ou encore du logement. Ce partenariat n'aura d'avenir que s'il est l'objet d'étroites coopérations avec les représentants des citoyens concernés, les associations, les ONG, les syndicats et l'ensemble des sociétés civiles.

Par ailleurs, le rêve de paix sur les deux rives devrait être entendu et exaucé au plus vite. L'engrenage de la violence au Proche-Orient, la guerre menée avec violence et détermination contre la population palestinienne, à qui Israël continue de refuser son droit à un État, menacent l'avenir de toute la région. Les dirigeants palestiniens le demandent expressément : l'Union européenne doit désormais s'engager sans retenue pour faire taire le bruit des balles, encourager le dialogue efficace et militer activement pour l'application des résolutions de l'ONU.

La conférence de Marseille aurait pu être utilisée dans cet esprit. L'échec - enfin, l'échec relatif - de la charte de paix et de stabilité prouve que la "sécurité" de l'Europe ne peut être obtenue sur la base de la marginalisation du Sud et de la fermeture des frontières. Je l'ai vérifié à Marseille ces derniers jours, de multiples voix se sont exprimées en ce sens à l'intention de la conférence ministérielle pour une annulation de la dette, pour substituer au libre-échange des relations de codéveloppement solidaire...

(Le président retire la parole à l'orateur)

 
  
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  Turchi (UEN). - (IT) Monsieur le Président, il faut, à mon avis, aborder les thèmes du dialogue euroméditerranéen du point de vue social, politique et culturel, dans la lignée de ce processus - la Conférence euroméditerranéenne - lancé à Barcelone en novembre 1995, quand on a parlé pour la première fois de politique méditerranéenne malgré les difficultés inhérentes à la complexité du sujet.

Le monde va dans le sens d'une mondialisation désormais inéluctable. Dans un tel contexte, il est nécessaire de s'organiser en grands blocs agissant en tant qu'acteurs dans le grand panorama de la concurrence mondiale. Cette exigence oblige l'Europe des États à se profiler comme un bloc politique, économique et commercial unique pour organiser et donner de l'impulsion à un marché de plus de 350 millions de consommateurs et de le mettre en rapport avec les autres marchés. Pour ce faire, nous devons créer des structures appropriées, qui peuvent être à la fois politiques et économiques. Il faut toutefois surtout des stratégies politiques qui ne laissent aucune place à la bureaucratie.

L'Europe est porteuse de grandes valeurs : la paix, la liberté et le progrès social, des valeurs qui doivent être défendues jour après jour, justement parce qu'elles sont le résultat de conquêtes qui ont coûté tant de sacrifices.

Le progrès économique de l'Europe est aujourd'hui remis en question par un processus de mondialisation qui fait courir à notre continent un grand risque de récession en raison des défis lancés par le sud-est asiatique - où le coût du travail est dix fois inférieur au nôtre -, les États-Unis et le Japon. La politique méditerranéenne s'articule aujourd'hui dans un monde d'intérêts fort variés et de stabilisation latente, et doit de ce fait aborder divers aspects : le développement des initiatives visant au maintien de la paix - mais, selon moi, pas seulement, et je tiens à le souligner -, la création de projets de partenariat impliquant l'Europe du nord et du sud, parce que l'objectif de faire de la Méditerranée un espace de dialogue, de tolérance, de coopération et de garantie de la paix et de la stabilité ne peut être atteint sans une volonté politique forte, sans un développement socio-économique durable et équilibré des peuples moins favorisés, sans un développement social des populations riveraines qui affine les possibilités d'emploi, pour mettre un terme aux problèmes nés de l'émigration massive en provenance de cette région et qui frappent désormais tous les pays de l'Union.

Nous sommes donc convaincus que la politique méditerranéenne de l'Union doit tenir compte de ses origines méditerranéennes et doit aider la Méditerranée à devenir un projet sans oublier que les droits des peuples passent avant ceux des individus, ne serait-ce que parce que les conflits entre nations finissent par porter préjudice à la vie et au développement des citoyens. Les "mille méditerranéens" de Braudel, les vieilles civilisations qui pendant des années se sont regardées avec hostilité d'une rive à l'autre ont aujourd'hui l'occasion d'entamer un chemin commun qui, dans la force du dialogue et de la volonté politique, offrira de vraies possibilités de progrès et de développement socio-économique.

 
  
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  Stenzel (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, tout comme l'Union européenne doit trouver, à Nice, l'équilibre entre approfondissement et élargissement, elle devrait développer, à Marseille, une relation équilibrée entre sa fonction européenne centrale et sa responsabilité méditerranéenne. Il s'agit d'arrêter des priorités, ce qui signifie de consolider l'Europe, via le processus d'élargissement, à partir de son centre, d'imposer un processus de stabilisation en Europe du Sud-Est et dans les Balkans et de ne pas négliger le processus de Barcelone qui prend l'eau depuis cinq ans.

On peut se demander, à ce propos, si une politique résolue et uniforme de l'UE à l'égard des Balkans aurait pu éviter les guerres des Balkans et épargner à l'Union européenne les coûts qui en ont découlé. À présent, à la veille de la Conférence de Marseille, il s'agit de garantir que l'aide aux Balkans ne se fera pas aux dépens des programmes MEDA - et vice versa - et que tout cela respectera le cadre financier convenu à Berlin. Sous ces conditions, il devrait être possible de parvenir, lors du Sommet extraordinaire de Marseille, à un accord qui ne se contente pas de mettre en lumière de nouvelles lignes de partage au sein de l'UE.

Il est indispensable que les programmes d'aide MEDA ne soient pas retardés par des obstacles bureaucratiques posés par la Commission et qu'à l'avenir, les pays concernés de l'espace méditerranéen procèdent plus rapidement à l'identification des projets. Il est décevant que les pays méditerranéens n'aient sollicité qu'un quart des crédits du programme MEDA-I venu à échéance en 1999 et dont la dotation était de 4,7 milliards d'euros. Toutefois, cela montre également que la capacité d'absorption des pays riverains de la Méditerranée doit être évaluée de façon réaliste. À cet égard, je salue expressément le fait que la Commission envisage d'accélérer la conclusion des accords d'association et je juge très positive la révision entreprise du règlement MEDA.

Jusqu'ici, j'ai sciemment évité d'opérer un lien entre la rencontre euroméditerranéenne et le conflit au Proche-Orient. Il faut déjà considérer comme un succès le fait que cette réunion puisse seulement avoir lieu, qu'Israël et les Palestiniens aient assuré de leur participation et que les menaces de boycott formulées par la Ligue arabe ne soient manifestement que des paroles en l'air. Espérons que la Conférence de Marseille ne se transformera pas en plate-forme polémique et que l'importante ébauche de politique communautaire à l'égard de la Méditerranée et la relance du processus de Barcelone n'en feront pas les frais.

 
  
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  Obiols i Germà (PSE). - (ES) Monsieur le Président, si l'on organise demain et après-demain la conférence euro-méditerranéenne à Marseille avec la présence de tous les pays signataires de la déclaration de Barcelone, je crois que nous pourrons nous en féliciter. Ce sera un succès qui démontrera que le processus de Barcelone, qui a débuté dans la lignée des accords d'Oslo, a atteint une maturité et une solidité suffisantes pour ne pas rester bloqué dans les vicissitudes du processus du Proche-Orient. Qui plus est, sa continuité peut apporter la meilleure contribution qui soit, collatérale mais significative, à la reprise des dialogues au Proche-Orient.

Cependant, l'idée générale des bilans que l'on dresse en ce cinquième anniversaire du processus de Barcelone est que nous pouvons nous considérer satisfaits de la simple continuité du processus, du fait qu'il y ait eu des réunions ministérielles avec la présence de représentants d'Israël, de l'Autorité palestinienne, de Syrie, du Liban, etc. C'est peut-être une maigre consolation. Le bilan est aujourd'hui contrasté et le développement stratégique de la politique euro-méditerranéenne ne peut demeurer conditionné à un bilan de conjoncture. C'est la continuité dans le temps qui peut offrir des résultats et les résultats positifs seront finalement mesurés en fonction du développement des pays du sud de la Méditerranée. Ces pays éprouvent une difficulté énorme à trouver un modèle de développement et d'intégration économique dans le cadre de la mondialisation et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour contribuer au rééquilibrage d'une situation marquée par un fossé abyssal entre le Nord et le Sud.

Si les tendances actuelles se poursuivent, il y a des raisons d'être pessimistes. Aujourd'hui, un Européen est statistiquement douze fois plus riche qu'un Maghrébin et il le sera vingt fois dans dix ans, à moins que nous ne parvenions à renverser la situation. En ce sens, la proposition d'un nouvel élan de la part de la Commission est positive et nous sommes tout à fait d'accord avec les deux priorités que M. Patten a soulignées dans ses interventions et répétées cet après-midi devant cette Assemblée. Il faut accélérer les procédures des accords d'association. Il faut surtout empêcher que, dans cinq ans, nous devions dresser un bilan de l'application de MEDA nous menant à la conclusion qu'il n'a été utilisé qu'à concurrence de 26 %.

Cependant, ce n'est pas suffisant. Il faudra probablement ouvrir une perspective de plus à moyen terme et je ne puis qu'énumérer les trois thèmes qui me semblent, à cet égard, essentiels. Primo, des projets européens structurant un espace régional dans les pays du sud. Secundo, une politique sur l'aspect humain de la gestion des flux migratoires, de manière fondamentale. Tertio, la réflexion et la recherche d'associations et de consensus dans le développement d'une politique agricole commune dans le bassin méditerranéen, sans laquelle nous ne pourrons probablement pas atteindre un bilan positif à moyen terme.

 
  
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  Morgantini (GUE/NGL). - (IT) Monsieur le Président, redonner de l'élan et une direction précise au processus de Barcelone signifie non seulement se préoccuper des aspects de libre marché, économiques et commerciaux, mais aussi relancer effectivement une politique de coopération et de développement et de défense des droits de l'homme dans toute la région ; cela signifie affronter les réformes sociales nécessaires, en considérant comme centrale la question de l'emploi, ainsi que la nécessité, pour la relance de l'économie du sud, de la réduction et de l'annulation de la dette ; cela signifie favoriser un échange économique, culturel et politique non seulement avec les pays du nord, mais aussi entre les pays du sud eux-mêmes ; enfin, cela signifie faire jouer un rôle plus important à la société civile. Il est inutile de feindre d'ignorer que le processus de Barcelone est dans une phase critique non seulement en raison de l'absence d'impulsion ou du ralentissement de l'engagement européen à la suite des événements dans les Balkans ou de l'élargissement de l'Union, mais aussi du drame des conflits ouverts dans la région, qui en conditionnent la relance.

Une fois de plus, la question palestinienne occupe une place centrale. Le commissaire Patten dit qu'il ne faut pas être prisonnier de la situation israélo-palestinienne. D'accord, mais elle ne peut pas non plus être éludée. Si on n'affronte pas d'urgence le problème de la reconnaissance d'un État palestinien, d'un État qui puisse coexister avec Israël, si l'occupation militaire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ne cesse pas, la question ne pourra être résolue et on ne pourra mettre un terme aux souffrances du peuple palestinien, ni stabiliser la région. J'espère qu'à Marseille, la conférence des ministres de l'Union pourra adopter sur ce point une position en phase avec ce qui est pompeusement dit et répété, à savoir que les droits de l'homme ne doivent pas être violés. La relance est indispensable et doit avoir lieu, mais en sachant que l'on n'évitera pas la question centrale qui se pose dans la région de la Méditerranée.

 
  
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  Hernández Mollar (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, après la conférence de Barcelone et à la veille de la conférence de Marseille, comme on l'a précisé ici, beaucoup de choses ont changé dans la région méditerranéenne. Il est vrai que cette conférence se tiendra dans un contexte de violence et de crise de paix à cause du conflit au Moyen-Orient, mais il n'est pas moins vrai qu'elle permettra d'entretenir la flamme du processus euro-méditerranéen et que celui-ci ne sera pas contaminé par ce conflit tragique. Les problèmes communs qui frappent la région méditerranéenne sont légion : immigration illégale, pauvreté, dette extérieure, droits de l'homme, sécheresse et terrorisme, qui détruit impitoyablement la vie d'êtres humains et de familles innocentes, comme nous le vivons tragiquement en Espagne, en Algérie ou au Moyen-Orient.

Aujourd'hui, nous devons plus que jamais proclamer que seuls la coopération régionale, le dialogue avec la société civile, les échanges économiques et culturels, la solidarité et l'entente mutuelle peuvent faire des deux rives méditerranéennes une région prospère et pacifique. La Commission et le Conseil doivent d'urgence exécuter ce qui a été décidé à Feira. Ils doivent rendre viable une politique commune de développement de la région méditerranéenne. Nous ne pouvons ni ne devons nous permettre de ne pas tirer profit de nos ressources humaines, de nos ressources agricoles, industrielles ou artisanales, qui, unies à des produits aussi vitaux que le pétrole, le gaz ou les nouvelles technologies, doivent représenter des instruments de base du développement d'une société méditerranéenne beaucoup plus équilibrée, juste et compétitive que celle d'aujourd'hui.

Monsieur le Président, pour en revenir au conflit du Moyen-Orient, il y a moins de deux mois, le président du parlement d'Israël et celui de l'assemblée palestinienne ont, dans cette enceinte, uni leurs mains à celles de la présidente du Parlement européen pour invoquer la paix et la concorde. Les députés s'y sont uni en applaudissant vivement ce geste. Quand les armes remplacent les mots, le dialogue et la compréhension, le fondement et la substance de la démocratie qu'est le parlement échouent. Cet échec est également nôtre. C'est une mise en garde pour que l'Union européenne joue un rôle beaucoup plus actif dans la région méditerranéenne qui, historiquement et culturellement, a contribué à la richesse et à la grandeur notre continent européen. Ce serait une erreur de ne pas assumer le rôle de premier plan que l'histoire exige de nous.

D'autre part, je crois également, Monsieur le Commissaire, que les frontières que la géopolitique exige doivent servir pour empêcher la libre circulation de ceux qui font de la criminalité organisée, du trafic d'armes, de drogue ou d'êtres humains, et tout particulièrement du terrorisme, un mode de vie condamnable par tous les pays civilisés. Transformons les frontières en véritable filtre de la criminalité et des criminels et non en une barrière au développement, à la culture ou à la prospérité des peuples. L'Union européenne a besoin d'une nouvelle culture de l'immigration et d'une meilleure gestion des flux migratoires. L'Union européenne est, avec les pays d'origine, responsable de l'immigration, du règlement de ces flux migratoires, tant utiles pour le développement de la région.

 
  
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  Caudron (PSE). - Monsieur le Président, chers collègues, chaque jour qui passe est rythmé par la crise actuelle au Moyen-Orient et chaque jour qui passe nous montre, s'il le fallait encore, que tout ce qui se déroule au Sud - autour de la Méditerranée - nous concerne directement, y compris dans notre vie quotidienne. Quand le Sud va bien, la paix est possible. Des progrès démocratiques se font, il y a davantage de développement économique et moins d'émigration sauvage : somme toute, il y a l'espoir. Mais quand le Sud va mal, ce sont des guerres, de la violence, de l'intégrisme - y compris chez nous dans nos quartiers - et je ne parle pas des risques d'une nouvelle crise pétrolière.

Aujourd'hui, le pire est à nouveau possible. On le sent bien quand on regarde l'actualité. Tout cela, nous sommes ici quelques-uns à le répéter depuis des années. Malheureusement, depuis quelques années aussi, l'élargissement de l'Europe à l'Est, les crises dans les Balkans et les guerres ont éloigné le Sud de l'esprit du plus grand nombre d'Européens, d'où de multiples retards dans les processus et les politiques méditerranéennes.

On assiste à des baisses de crédit et surtout à des difficultés de mobiliser ces crédits. Les négociations générales s'enlisent, les négociations des contrats d'association prennent du retard et les ratifications encore davantage. Cela génère de très graves déceptions chez nos partenaires du Sud et notre poids politique, le poids de l'Europe, en a diminué d'autant alors que nous restons, malgré tout, les premiers financeurs au Sud.

Il nous faut donc - et nous sommes plusieurs à l'avoir dit cet après-midi - resserrer dès maintenant nos objectifs politiques en direction du Sud, conforter les crédits inscrits, accélérer les contrats d'association avec les pays partenaires, redonner priorité à la Charte pour la paix et la stabilité, faire des efforts pour aider au développement et agir sur le poids des dettes des pays les plus pauvres, enfin ouvrir nos marchés à leurs produits et harmoniser nos règles d'accueil et d'asile des personnes qui immigrent chez nous.

En résumé, il faut redonner confiance en l'Europe dans sa volonté d'un vrai partenariat avec le Sud. Chacun en est conscient. Il faut un effort quantitatif, mais surtout un effort qualitatif. La Commission et le Conseil nous disent le vouloir. Nous sommes prêts à les croire, mais les pays du Sud ont besoin d'autres choses que de promesses ou de discours : il nous appartient de le leur donner.

Marseille est sans doute la dernière chance pour cela. C'est un des grands enjeux de la présidence française.

 
  
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  Vachetta (GUE/NGL). - Monsieur le Président, le Sommet de Marseille se veut un pas de plus vers la création d'une zone de libre-échange, une sorte de marché unique favorisant l'adhésion à l'OMC, telle que vous la décrivez très bien, Monsieur Patten, dans le journal Le Monde aujourd'hui.

C'est le pilier économique qui est mis en avant. L'Union européenne cherche ici encore - comme lors de la réunion d'ASEM III à Séoul, il y a un mois, à exporter son modèle économique et ses capitaux. À Marseille également, l'autre sommet, réunissait des membres d'association de syndicats, d'organisations politiques de toutes les rives de la Méditerranée. Ceux-là recherchaient ensemble, de manière déterminée, des réponses aux besoins de leurs populations. Pour moi, cela passe forcément par des moyens nouveaux, donc par l'annulation de la dette.

Mais bien plus grave encore, au moment même où dans cet hémicycle nous échangeons sereinement des points de vue parfois fort divergents, toujours plus de Palestiniens sont massacrés. L'Union européenne - et cela est une urgence, - doit condamner fermement l'agression israélienne contre le peuple palestinien, dont la revendication à vivre en paix dans un État est légitime et doit donc être satisfaite.

 
  
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  Gutiérrez-Cortines (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, l'Union européenne agit quelquefois à la hâte or il arrive que dans l'empressement, on oublie quelques points. Et je constate que dans tous ces documents relatifs au renforcement de l'accord de Barcelone, certains aspects ont été oubliés. Par exemple, on ne saurait envisager la libéralisation, la mise en œuvre d'un marché unique sans aborder quelques sujets aussi importants que les individus et la culture ou l'éducation. Si nous libéralisons les marchés et favorisons leur intégration en oubliant le passé, nous risquons, en fin de compte, de voir la coopération céder le pas à la colonisation.

Il est indispensable que l'Europe se détache du principe de subsidiarité ou se place au-dessus de ce principe et qu'elle se rende compte de la nécessité de fournir une aide substantielle afin d'élever le niveau des pays bénéficiaires, aussi bien pour les hommes que pour les femmes, non seulement en matière d'éducation de base mais également en matière d'accès à une éducation minimale qui, en Europe, est censé être un droit pour tous les citoyens. Par conséquent, nous ne pouvons parler de produits et d'organisation des marchés sans penser aux citoyens.

Par ailleurs, il me semble que nous oublions un autre thème important, à savoir l'environnement. L'Europe n'a entrepris aucune politique en matière de désertification ou d'eau dans les pays méditerranéens ; il conviendrait d'entreprendre une politique spécifique à l'environnement méditerranéen qui reprendrait les paramètres, les logiques et même la diversité du climat en Méditerranée.

La politique telle qu'elle est envisagée aujourd'hui ne pourrait s'appliquer qu'à très peu de pays du sud de la Méditerranée. À cet égard, il est opportun de signaler qu'en Europe, les citoyens du nord exercent une forte pression sur ceux du sud de la Méditerranée par le biais du tourisme. Et la flambée des prix du pétrole brut ne fera qu'accroître cette pression sur la Méditerranée. Cela se traduit par une occupation du territoire, par une politique de déchets environnementaux totalement inacceptable. Et nous ne pouvons exiger des citoyens européens qu'ils soient responsables en matière d'environnement sans en demander autant aux autres pays.

 
  
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  Le Président. - Je vous communique que j'ai reçu, conformément à l'article 42, paragraphe 5 du règlement, une proposition de résolution pour clore le débat.(1)

Le débat est clos.

Le vote aura lieu demain mercredi à 11h30.

 
  

(1) Cf. procès-verbal.


7. Aide à la reconstruction
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  Le Président. - L'ordre du jour appelle en discussion commune les rapports suivants :

- A5-0324/2000 de M. Lagendijk, au nom de la commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense, sur la proposition modifiée de règlement du Conseil relatif à l'Agence européenne pour la reconstruction [COM(2000) 628 - C5-0526/2000 - 2000/0112(CNS)] ;

- A5-0330/2000 de M. Westendorp y Cabeza, au nom de la commission de l'industrie, du commerce extérieur, de la recherche et de l'énergie, sur la proposition modifiée de règlement du Conseil concernant l'aide à l'Albanie, à la Bosnie-Herzégovine, à la Croatie, à la République fédérale de Yougoslavie et l'ancienne République yougoslave de Macédoine et modifiant le règlement (CEE) n° 3906/89, la décision 97/256/CE et le règlement (CEE) n° 1360/90 [COM(2000) 628 - C5-0525/2000 - 2000/0111(CNS)].

 
  
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  Lagendijk (Verts/ALE), rapporteur. - (NL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, il a fallu un certain temps à la Commission pour qu'elle nous présente une proposition définitive relative à l'aide en faveur des pays de l'ouest des Balkans. Comme vous le savez, il était déjà question d'une proposition en mai, mais nous avons dû attendre jusqu'au mois de septembre avant d'avoir une proposition définitive. La raison de ce retard réside dans la discussion qu'a menée la Commission sur une autre manière d'octroyer son aide extérieure. Bref, la proposition qui est aujourd'hui devant nous est le reflet de cette discussion et constitue, selon moi, un premier exemple de la manière dont il conviendrait de procéder à l'avenir. Cela veut également dire que l'attente en valait la peine, car cette nouvelle proposition de la Commission indique de façon claire, tant pour le règlement général relatif aux Balkans que pour le règlement sur l'Agence au Kosovo, comment la Commission européenne compte octroyer son aide à l'avenir. Je dirais, en adoptant un ton quelque peu solennel, que cette aide prend peut-être un nouveau départ, sur la base des expériences particulièrement négatives de la Bosnie, mais aussi des expériences positives du Kosovo. Nous avons à présent une proposition de règlement qui, à mes yeux, permettra à l'Union européenne d'octroyer son aide de façon efficace et à temps et de dépenser les fonds communautaires de façon judicieuse dans les pays de l'ouest des Balkans. Il a ainsi été trouvé, et c'est très important - j'y reviendrai tout à l'heure -, un bon équilibre entre, d'une part, la responsabilité de la Commission et, d'autre part, la nécessité d'impliquer d'une manière ou d'une autre les États membres. Je pense que cet équilibre - et c'est aussi, selon moi, l'avis de la Commission - faisait défaut dans le passé. Les États membres essayaient alors beaucoup trop d'avoir leur mot à dire dans l'octroi de l'aide. Les propositions qui sont devant nous aujourd'hui sont beaucoup plus équilibrées. Bien sûr, et j'en viens aux rapports de M. Westendorp et de moi-même, des améliorations sont toujours possibles. Toute personne qui voit et lit les rapports déposés remarquera qu'un certain nombre d'améliorations sont proposées pour certaines sections : attention explicite au rétablissement de la société civile, attention explicite au soutien des médias, attention explicite à l'importance du rôle de l'enseignement, etc. La semaine passée, j'ai assisté par hasard à une conférence à Zagreb, de laquelle il ressort une fois de plus combien il est important que les générations à venir des "petits habitants des Balkans", si j'ose dire, ne soient plus éduquées avec ces vieilles images d'ennemis stéréotypées et qu'un renouveau s'amorce sur le terrain. J'estime important le fait que ce règlement prévoie que la Commission européenne affectera, à l'avenir aussi - comme elle le fait maintenant -, des fonds à ce genre de projet. Je souhaite toutefois en dégager deux grands axes politiques.

Le premier, et je regrette de devoir à nouveau importuner le commissaire à ce sujet, concerne les finances. Pour dire les choses très clairement, si nous parvenons aujourd'hui et demain à émettre un avis positif sur ce règlement, nous aurons déjà fait une partie de notre travail - je dirais même la moitié. Nous aurons alors mis sur papier la manière dont il faudra procéder à l'avenir. Si nous ne trouvons toutefois pas les moyens, en décembre, de mettre en œuvre ce règlement, cela veut dire que le débat que nous menons aujourd'hui porte sur une coquille vide. Ce n'est pas un reproche à la Commission. Cette dernière a pu voir que je demande expressément que le montant auquel elle est arrivée dans son estimation, les fameux 5,5 milliards d'euros pour les sept années à venir, soit explicitement inclus dans ce règlement, sans quoi nous ferions preuve d'hypocrisie, pour dire les choses crûment. Nous ne pouvons adopter un règlement au sein de ce Parlement tout en sachant que nous n'aurons pas les moyens de le mettre en œuvre. Aussi, cette étape constitue le premier pas dans la lutte pour une aide efficace en faveur des Balkans. Le second pas viendra en décembre, lorsque nos collègues de la commission des budgets, et finalement l'ensemble de ce Parlement, devront prendre la décision d'assortir ce règlement de bases financières solides. En ce sens, il est regrettable que M. Moscovici ne soit pas ici en ce moment, car j'estime que le Conseil et les États membres ont une responsabilité à assumer sur ce point. Ils doivent en effet être prêts à reconnaître que ce qu'ils veulent et que ce que nous voulons atteindre par le biais de ce règlement coûte de l'argent et qu'il faudra trouver cet argent dans le budget de l'Union européenne.

Le second axe que je souhaite aborder, l'axe général de l'aide, concerne l'équilibre qu'il conviendrait de trouver - d'où l'amendement sur ce point - entre, d'une part, la nécessité pour l'Union européenne d'être "visible" dans les Balkans et, d'autre part, la nécessité de soutenir également de plus petits projets. Il est un fait - et toute personne qui s'est rendue dans les Balkans pourra le confirmer - que les États-Unis sont particulièrement doués pour donner l'impression qu'ils peuvent faire beaucoup plus avec beaucoup moins d'argent. Le fait que l'Union européenne dépense en réalité beaucoup plus d'argent mais est beaucoup moins visible a amené de nombreuses personnes à conclure qu'il faut être présent de façon beaucoup plus visible dans les Balkans. Je suis d'accord avec cette estimation. Cela veut dire presque automatiquement que des fonds considérables seront affectés à des grands projets : des routes, des ponts, des projets sur lesquels pourra flotter le drapeau de l'Union européenne. Encore une fois, cela est nécessaire pour renforcer notre visibilité. Cela dit, et je lance un avertissement, il serait inacceptable que de plus petits projets que nous avons soutenus jusqu'à ce jour en subissent les frais sur l'échelle des priorités. Aussi, je lance cet appel pour que l'on trouve, dans ce règlement, un équilibre valable entre la visibilité - en d'autres termes, les grands projets - et une attention continue aux projets de démocratie, aux projets de sécurité, aux projets qui sont souvent moins visibles mais qui n'en sont pas moins nécessaires pour garantir la stabilité dans les Balkans.

J'en viens à présent à l'Agence au Kosovo. Dans une disposition d'esprit positive, je pense et j'espère que l'Agence, telle qu'elle a fonctionné jusqu'à présent et telle qu'elle devrait fonctionner à l'avenir, devrait être un exemple de la manière dont l'aide devrait être organisée dans les Balkans, mais également dans d'autres parties du monde. Les différentes visites que j'ai rendues à l'Agence sont extrêmement positives. À mon sens, il est en effet clair que l'aide y est octroyée d'une manière nouvelle et efficace et ce, je le répète, malgré toutes les erreurs qui y sont commises. Si nous visons au renforcement de l'efficacité, l'objectif global du présent règlement, si nous voulons l'appliquer à l'Agence au Kosovo, cela ne peut signifier rien d'autre qu'une réduction du rôle des États membres. Très concrètement, la réduction de leur présence au conseil de direction de l'Agence. Nous avons également, par le passé, critiqué à maintes reprises la manière dont la Commission européenne octroie son aide. Celle-ci est souvent trop bureaucratique et passe souvent par des procédures trop complexes. Mais nous ne devons et ne voulons pas fermer les yeux, et j'espère que les États membres ne le font pas non plus, sur le rôle que ces derniers ont joué à cet égard. Beaucoup trop souvent, les États membres ont essayé d'avoir leur mot à dire dans l'octroi de l'aide. Beaucoup trop souvent, cela s'est traduit par des retards, par une inefficacité et par une défense des intérêts nationaux. Pour ma part, et c'est l'un des principaux messages de mon rapport sur l'Agence, les États membres auront, à l'avenir, voix au chapitre moins souvent et dans une moindre mesure, car il a été prouvé que cela retarde l'octroi de l'aide.

Enfin, Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je voudrais faire une dernière remarque. Certains de mes collègues ont tendance à vouloir étendre les activités de l'Agence au-delà de ce qui a été décidé jusqu'à présent. L'Agence est présente pour l'instant au Kosovo et le Conseil a décidé, à juste titre selon moi, d'étendre ses activités à la Serbie et au Monténégro. Je pense qu'il est temps de s'arrêter, car nous pouvons nous baser sur le travail effectué actuellement par l'Agence - la reconstruction physique - pour faire le même travail, de manière efficace, en Serbie et au Monténégro. L'aide aux Balkans dans le cadre du programme CARDS dans des pays tels que la Croatie, l'Albanie et la Macédoine répond à d'autres particularités et exige d'autres capacités. J'ai donc envie de dire qu'il faut confier à l'Agence la tâche qu'elle fait le mieux, à savoir la reconstruction physique. Il sera très difficile d'effectuer à nouveau correctement cette tâche en Serbie. Restons-en donc là et ne nous égarons pas en étendant les capacités de l'Agence au-delà des frontières de l'ancienne Yougoslavie.

 
  
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  Westendorp y Cabeza (PSE), rapporteur. - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je suis conscient que parler des Balkans ne suscite pas l'optimisme. Toutefois, je pense ne pas pécher par optimisme en disant que l'Union européenne recueille aujourd'hui les fruits d'une action coordonnée et constante. Et ces résultats, que l'on a pu voir après la tragédie qui a bouleversé les Balkans, sont apparus il y a quelques mois, par la tenue d'élections libres en Croatie, par la constitution d'un système désireux de respecter les droits de l'homme et nous le voyons aujourd'hui à Belgrade, où les citoyens ont affirmé leur volonté de vivre en paix et en liberté entre eux et de faire partie de la famille européenne.

Nous ne pouvons les décevoir et, aujourd'hui plus que jamais, ces pays ont besoin de notre aide. Nous devons persévérer dans ce processus de stabilisation de la région et préparer ces pays afin qu'à plus long terme, ils puissent s'intégrer aux institutions européennes. Il est clair que, dans ce processus, nous mettons en jeu notre crédibilité et notre propre stabilité. Si nous voulons les aider, nous devons le faire de manière plus efficace et mieux coordonnée que jamais sous peine de voir se produire ce que M. Lagendijk appelle la perte de visibilité de l'Union européenne, principal investisseur dans les Balkans mais dont la visibilité est nettement inférieure à celle de pays tel que les États-Unis, capables de réagir pratiquement en temps réel à tout besoin du pays. La situation est telle que lorsque je me suis rendu en Bosnie-Herzégovine et ai visité un village, les habitants réjouis m'ont accueilli en disant : "c'est une bonne chose que vous, les Américains, soyez ici pour nous aider". La perte de visibilité de l'action de l'Union européenne en était à ce point.

Dans le rapport relatif à l'aide aux Balkans occidentaux que j'ai préparé en étroite collaboration avec M. Lagendijk sur les deux sujets qui nous occupent aujourd'hui et qui constitue un exemple de coopération entre deux commissions, nous avons relevé une série de limites : d'une part, de type géographique ; cela signifie qu'il faut étendre le champ d'action de l'Agence non seulement au Kosovo mais également à la Yougoslavie. D'autre part, nous avons rencontré des limites de type logistique ; en effet, les organisations internationales qui mènent ces opérations, telle que la MINUK au Kosovo ou l'office du Haut représentant à Sarajevo, ont également besoin de cette aide.

Par ailleurs, il existe toute une série d'initiatives - je pense concrètement au programme CARDS -, qui doivent aller au-delà de la reconstruction et s'étendre à la formation, à l'éducation, à la reconstruction de la société civile et ce, en collaborant étroitement avec les ONG. Il est capital que les ONG y participent mais aussi qu'elles fassent preuve d'une certaine coordination entre elles si nous voulons que leur action soit plus efficace et qu'elle s'étende partout dans ces régions.

De même, il est indispensable de mettre l'accent sur les moyens de communication. Les médias dans cette région ont souvent été responsables de la tragédie qu'elle a subi ; ils doivent pouvoir être libres pour travailler conformément aux règles en vigueur dans nos démocraties. Il est tout aussi capital que le pouvoir judiciaire soit indépendant. Nous avons également rencontré quelques limites dans les modes de fonctionnement, qui sont une des causes du manque de visibilité. Dans le domaine de la gestion de l'aide par exemple. Il y a parfois trop de bureaucratie, trop de "red-type" et trop de tergiversation à l'heure d'octroyer l'aide. Par conséquent, il est primordial que, en ce qui concerne le programme CARDS, le comité de gestion se limite aux grandes lignes de programmation pluriannuelle et ne s'engage pas dans un "micro-management" trop détaillé, journalier, au risque d'être à nouveau confronté aux problèmes du passé.

Il est également important que les travaux du comité de gestion de CARDS et que les travaux de l'Agence pour la reconstruction au Kosovo ne s'entremêlent, ne fassent double emploi ou ne se chevauchent mais que les fonctions soient clairement départagées. Le rôle du Parlement européen doit également être renforcé et je pense que grâce aux amendements qui seront vraisemblablement votés demain, le Parlement européen tiendra un plus grand rôle consultatif dans le processus de collaboration interinstitutionnelle.

Je voudrais évoquer, enfin, le volet financier. Monsieur le Président sait combien il est peu probable que se reproduise aujourd'hui le miracle de la multiplication des pains et des poissons et, étant donné le peu de pain et de poisson dont nous disposons, il sera pratiquement impossible pour l'Union européenne de faire face à toutes ses obligations extérieures. Nous devons procéder à une aide plus efficace et mieux coordonnée en regroupant les éléments dispersés.

En guise de conclusion - et je reprendrai les mots de la Commission -, je dirais que ces deux propositions constituent la pierre angulaire d'un processus qui doit permettre à ces pays, qui ont souffert et souffrent encore, de pouvoir s'intégrer pleinement dans les structures européennes. Je suis intimement convaincu que le problème des Balkans a sa solution et que le mauvais sort balkanique peut être conjuré mais cette région a besoin de notre soutien et c'est précisément ce que ces deux programmes sous-tendent.

 
  
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  Gargani (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation, des médias et des sports. - (IT) Monsieur le Président, je crois que le contenu de cette disposition essentielle a été expliqué de façon correcte et suffisante par le président Westendorp. En tant que commission de la culture - commission dont j'ai l'honneur d'être le président -, nous avons contribué par notre avis à souligner l'importance que revêt cette œuvre de reconstruction dans les Balkans et la possibilité d'intégrer ces zones dans l'Europe. En même temps, pour lui donner un contenu et une signification culturels, non en termes abstraits ou génériques mais en termes de solidarité, nous avons introduit des amendements qui ont reçu un écho favorable au sein de la commission de l'industrie. Selon moi, ces amendements permettent de caractériser, d'une part, l'aide économique, civile et solidaire par le retour de régions aussi touchées à une réalité et à une vie normales et, d'autre part, une possibilité de solidarité culturelle et institutionnelle - j'insiste sur ce mot : institutionnelle - pour que ces régions se sentent liées à l'Europe, mais aussi sur le plan civil, sur le plan des initiatives culturelles.

Le fait que les amendements, exprimés en tant qu'avis de la commission de la culture, aient été adoptés à l'unanimité, constitue à mon avis une donnée importante qui est soumise à l'observation et à l'évaluation de cette Assemblée.

 
  
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  Staes (Verts/ALE), rapporteur pour avis de la commission du contrôle budgétaire. - (NL) Monsieur le Président, chers collègues, Monsieur le Commissaire, vous avez devant vous un homme heureux, un homme heureux en tant que rapporteur pour avis, car la commission compétente quant au fond a accepté la majorité des amendements de la commission du contrôle budgétaire. Cela ne peut donc que nous réjouir. Notre travail a porté ses fruits.

Mais je suis également heureux car je pense que le Parlement a réussi, grâce à une pression ininterrompue, à amener une issue heureuse à une situation qui n'était pas particulièrement réjouissante au départ. Le rapporteur Lagendijk a souligné avec raison que la proposition originale de la Commission n'avait tiré aucune leçon du passé, aucune leçon des remarques déjà formulées par la Cour des comptes, aucune leçon des expériences de l'Agence européenne pour la reconstruction, aucune leçon des remarques que nous avions déjà pu lire l'année passée dans le rapport de Mme Pack et aucune leçon des résultats de la délégation ad hoc que nous avions envoyée au Kosovo et qui, sous la conduite de Doris Pack et de Terry Wynn, avait formulé de très importantes recommandations.

Lorsque j'ai couché mon rapport par écrit en juillet, je me suis dit tout de suite que cette proposition originale n'était pas bonne. J'ai alors demandé à la Commission de retirer sa proposition. Je suis content qu'elle l'ait fait et qu'elle en ait élaboré une nouvelle.

Depuis le 4 octobre, nous avons devant nous une nouvelle proposition, à laquelle nous travaillons en ce moment. Je pense que nous pouvons en être satisfaits et ce, grâce à la persévérance de ce Parlement.

De quoi retourne-t-il ? Nous devons veiller à ce que les propositions de règlement soumises à notre examen fassent en sorte que l'aide fournie par l'Union européenne dans les Balkans occidentaux soit acheminée sur place de manière rapide, souple et non bureaucratique, en collaboration avec la population et les autorités locales. Ce qui n'a pas été assez le cas au cours des années passées. Nous avons besoin pour cela d'un instrument flexible, d'une structure légère, qui ne soit pas bureaucratique. Il est regrettable que le président du Conseil ne soit pas parmi nous en ce moment. En effet, ce sont surtout le Conseil et les États membres qui, ces dernières années, se sont comportés tels des grains de sable dans un grand engrenage, rendant ainsi impossible ce qui aurait pu être possible.

Je suis donc satisfait de la présente proposition. Au nom de la commission du contrôle budgétaire, je puis vous dire que nous soutenons tous les amendements. Nous sommes également très satisfaits que l'amendement concernant l'OLAF ait été accepté. Car l'office de lutte antifraude doit lui aussi être à même d'effectuer pleinement son travail dans l'ouest des Balkans.

Pour conclure, je souhaiterais faire une petite remarque, plus à titre personnel qu'au nom de la commission du contrôle budgétaire. Je travaille en ce moment à un rapport consacré à l'affectation de moyens financiers en Bosnie-Herzégovine. Il s'agit d'un rapport de suivi faisant suite à un rapport spécial de la Cour des comptes. Chers collègues, nous devrons veiller, dans le règlement CARDS, à ce que les fonds affectés à la Bosnie-Herzégovine soient suffisants. Notre mission n'y est en effet pas terminée. La route est encore longue. Cet État est fragile et instable. Ne perdons surtout pas de vue cet aspect à l'avenir.

 
  
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  Le Président. - Je regrette de devoir ouvrir le débat des groupes en l'absence de la Présidence du Conseil. On me fait savoir qu'elle sera là d'un moment à l'autre.

 
  
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  Pack (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, les rapports Lagendijk et Westendorp qui traitent de l'Agence et du programme CARDS - à vrai dire, on ne peut les dissocier - reposent, dans leurs propositions de modification, sur les découvertes que nous avons faites dans le cadre du précédent programme, Obnova, et de l'Agence pour le Kosovo. Je pense qu'il est clair pour nous tous que seules des structures plus légères et plus efficaces permettront de consolider réellement, à l'avenir, le bon travail qu'a pu effectuer l'Agence pour le Kosovo au cours des derniers mois.

À l'avenir, nous devons conférer la responsabilité à un plus petit nombre - à un directeur aussi, si vous voulez - afin que quelqu'un assume véritablement la responsabilité vis-à-vis de l'organe qui sélectionne les différents programmes. Je pense que ce n'est qu'en lui conférant à un très petit nombre de responsables que le travail européen effectué sur place gagnera en visibilité. En Bosnie, nous avons régulièrement constaté que les Américains étaient parvenus à une excellente visibilité avec des ressources financières infiniment moindres. Dans nombre de domaines où nous avons amené et continuons d'amener l'essentiel des fonds, nous sommes en fait invisibles car l'aide attribuée manque de cohérence et ne peut être réellement rattachée à une seule institution.

Je pense aussi qu'il faudra éviter les doubles emplois entre le conseil de direction et le conseil de gestion et les réunions inutiles et rituelles de leurs membres, alors que le directeur responsable doit tout de même prendre les décisions nécessaires au moment opportun. J'espère que la Commission et le Conseil accepteront les propositions du Parlement. Je le répète : il faut vraiment éviter de dépenser inutilement de l'argent dans des réunions superflues. On en a un besoin urgent sur place et il peut être utilisé à meilleur escient dans la région.

Si le Conseil pouvait enfin - contrairement à ce qui s'est passé dans le cadre de mon rapport sur l'Agence pour le Kosovo - tirer les leçons des erreurs qu'il a commises, ce serait naturellement très utile pour le contribuable également. Les objectifs fixés pour le programme CARDS étaient bons, à proprement parler. Mais il manquait un élément très important dans ce programme, il manquait un objectif très important : le soutien à l'éducation et à la formation dans ces pays. Sans éducation et sans formation, le reste n'est rien. C'est pourquoi je suis très heureuse que les collègues de toutes les commissions m'aient aidée à déposer cette proposition d'amendement. Si j'ai bien compris, le commissaire est lui aussi d'avis qu'il doit s'agir d'un objectif important du programme CARDS.

Il doit toutefois également s'agir d'un objectif que le Conseil ait à cœur de poursuivre. J'espère vraiment que Jack Lang, le ministre français de l'Éducation, pourra veiller, au sein de son cabinet, à ce que le gouvernement français ne se prononce pas contre l'inclusion de cet objectif dans le programme CARDS lors de la prochaine réunion du Coreper. Je pense que cette attitude est contre-productive et je suis convaincue que M. Jack Lang fera tout son possible et que M. Moscovici, s'il était présent, ferait peut-être de même. Je remercie donc tous les collègues qui ont estimé que cet objectif était important et me réjouis qu'à l'avenir, nous pourrons renforcer ce domaine - en termes de contenus - au sein de ces pays.

(Applaudissements)

 
  
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  Wiersma (PSE). - (NL) Monsieur le Président, je souhaite aujourd'hui faire quelques remarques générales sur ce que j'ai envie d'appeler "la reconstruction politique de la région des Balkans". M. Swoboda, quant à lui, vous en dira un peu plus, au nom de mon groupe, sur ce que j'appellerais "la reconstruction de l'UE, les efforts de reconstruction", qui sont aussi à l'ordre du jour à la lumière des rapports de MM. Lagendijk et Westendorp, que je félicite.

En soi, les développements dont les Balkans ont été le théâtre l'année passée peuvent être qualifiés de positifs. En un an, alors que la crise du Kosovo est encore fraîche dans nos mémoires, de nombreux progrès ont été accomplis, et la dynamique interne de plusieurs pays renforce en fin de compte le rôle de la communauté internationale. Le Kosovo est et reste notre souci principal.

Le résultat des élections locales est positif. Il en est bien sûr toujours ainsi lorsque ce sont des modérés qui l'emportent. Néanmoins, la situation interne reste tendue, comme en témoigne le récent meurtre de quatre Roms qui étaient retournés au Kosovo après s'être réfugiés en Belgique. Bien entendu, une question domine : quel est l'avenir du Kosovo au sein de la Yougoslavie ? Le PSE s'oppose aux fantasmes d'un Kosovo indépendant. C'est pourquoi nous attendons avec anxiété la première rencontre entre le président Kostunica et M. Rugova. Peut-être l'Union européenne pourra-t-elle y jouer un rôle de médiateur.

Nous ne devons toutefois pas nous concentrer uniquement sur le Kosovo. Il y a également, et surtout, des développements positifs, que je qualifierais de retour à la normale - un retour qui se fait lentement, certes. L'année passée, les développements étaient placés sous le signe de l'avènement de la vraie démocratie et d'hommes politiques refusant de faire du nationalisme exclusif leur véhicule politique. Ces derniers ont remplacé trois hommes politiques qui incarnaient mieux que quiconque le mauvais côté de l'ex-Yougoslavie des années quatre-vingt dix. Je fais bien sûr allusion à Tudjman, Milosevic et Izetbegovic.

Le gouvernement en place à Zagreb réfléchit avec nous à l'avenir de la région et s'investit de façon réelle dans la démocratie et la stabilité. Demain, nous accueillerons au sein de cette Assemblée le nouveau président de la Yougoslavie. Ces hommes sont à mon sens les nouveaux héros des Balkans. Aussi sont-ils plus que les bienvenus, cela va de soi.

La Croatie doit à présent pouvoir renforcer rapidement ses liens avec l'Union européenne. Après la Slovénie, elle est selon moi le premier pays de l'ancienne Yougoslavie entrant, à terme, en ligne de compte pour l'adhésion à l'UE.

La Serbie a surtout besoin en ce moment d'un soutien matériel, dans des délais aussi brefs que possible. L'Europe doit montrer clairement que son aide change les choses en Serbie et ce, dès avant les élections législatives qui vont s'y dérouler. Toutefois, j'estime que le premier prix doit aller cette semaine au leader des sociaux-démocrates en Bosnie et, par parenthèse, à la population slovaque, qui n'est pas tombée dans le piège du référendum que l'opposition avait tendu au gouvernement, mais c'est une autre histoire.

J'ai lu dans certaines communications sur les élections en Bosnie que les nationalistes extrémistes ont remporté les élections législatives en Bosnie-Herzégovine. Il semble à première vue que cela soit vrai, surtout dans la République Sprska et dans la partie croate. Dans la partie bosniaque, les nationalistes ont vu pour la première fois leur position ébranlée. Les changements intervenus en Croatie et en Serbie commencent en tous cas à se faire sentir là aussi.

Les sociaux-démocrates y ont obtenu d'excellents résultats, ce qui n'est pas si exceptionnel que cela en Europe, ni même dans les Balkans ; en revanche, ce qui est exceptionnel, c'est que ce parti est multi-ethnique et qu'il affiche et défend ouvertement ce caractère multi-ethnique. Récemment, lors d'une série de réunions à Sarajevo, le chef de ce parti, Zlatko Lagumdzija, a introduit le concept de "reconstruction de l'esprit", en compagnie de Serbes, de Croates, de Monténégrins, d'Albanais et d'autres représentants de la région. Il a ainsi mis sur le doigt sur le fond du problème. Certes, nous devons avant tout investir dans la reconstruction physique de l'ancienne Yougoslavie, mais ces efforts n'ont du sens que si quelque chose change dans la tête des gens.

Les hommes politiques qui s'engagent ouvertement dans cette direction ne méritent pas que notre admiration, mais également notre soutien. Ils sont les seuls à pouvoir détruire le bastion nationaliste. La stabilité de la région dépendra de la capacité des nouveaux dirigeants à contenir l'esprit nationaliste et à favoriser le développement d'une nouvelle mentalité. Leur sort politique dépendra entre autres du succès de l'aide de l'Union européenne. Les rapports de nos collègues Westendorp et Lagendijk contiennent les fondements d'une approche efficace dans ce domaine.

 
  
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  Haarder (ELDR). - (DA) Monsieur le Président, le groupe libéral soutient les rapports que nous examinons aujourd'hui et nous apprécions les tentatives faites par la Commission en vue d'améliorer l'efficacité des actions difficiles menées par l'Union européenne en faveur des Balkans. L'aide a été trop bureaucratique et trop lente étant donné le centralisme et le dirigisme avec lesquels la Commission a travaillé. On est allé trop dans les détails et, sur certains points, le Parlement a sa part de responsabilité. Je regrette profondément que l'Agence ait été scindée entre un siège principal à Thessalonique et un centre opérationnel à Pristina. Nous avons toujours été opposés à cette scission. Et la Cour des comptes la critique maintenant aussi. Je me réjouis de constater que le budget de cet exercice alloue 175 millions au Kosovo et 200 millions à l'aide d'urgence en faveur de la Serbie, mais je déplore profondément la décision de mettre en réserve les crédits en faveur de l'administration des Nations unies au Kosovo, en faveur de la mer Baltique ainsi que pour la force de réaction rapide.

Il est très regrettable que nous n'ayons aucune certitude quant aux crédits qui seront disponibles l'année prochaine pour la Serbie. C'est d'autant plus regrettable que le président serbe démocratiquement élu nous rendra visite demain. Je regrette également qu'une série de programmes aient été mis dans la réserve de performance, la réserve de comportement. Je sais que le Parlement veut ainsi obliger la Commission à adopter un meilleur comportement mais il ne faut pas prendre ses propres enfants en otages ; il est préférable que la Commission garde les mains libres afin qu'elle puisse améliorer son travail et, si tel n'est pas le cas, nous devons nous réserver le droit de critiquer la Commission. Nous ne pouvons encourir une part de responsabilité si les programmes que nous souhaitons ne donnent éventuellement pas satisfaction. Octroyons à la Commission davantage de crédits ainsi que la possibilité de déléguer des responsabilités afin de faciliter la prise rapide de décisions et le réajustement de nos efforts. Fêtons demain la visite du président serbe démocratiquement élu en offrant à la Commission une véritable chance d'accroître notre aide dans une voie nouvelle et meilleure.

 
  
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  Alyssandrakis (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, les financements que nous examinons constituent un nouveau mécanisme d’intervention étrangère dans cette région extrêmement sensible de l’Europe. L’impérialisme mondial est expert en la tactique du bâton et de la carotte, il sait alterner les raids avec l’aide humanitaire, la destruction avec la reconstruction. Son objectif final est de soumettre les peuples au nouvel ordre mondial.

Je me demande comment il est encore possible à ceux qui ont semé la catastrophe de parler de reconstruction et où les assassins d’enfants et de civils puisent l’audace de donner à leurs victimes des leçons de démocratie, d'État de droit et de droits de l’homme. Ce que les forces impérialistes doivent à la Yougoslavie, ce sont des indemnités de guerre, et non une aide humanitaire. Les événements qui se sont produits en Yougoslavie, il y a quelques semaines, cette prétendue émeute populaire, dissimulaient les cent millions de dollars, au bas mot, de la contribution étrangère à ladite " opposition démocratique ". Il se peut que ces événements aient créé un climat de joie dans les cercles dirigeants de l’impérialisme, mais, eux-mêmes savent fort bien qu’ils ne sont pas venus à bout de l’esprit de résistance du peuple yougoslave et des autres peuples. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils préparent des forces militaires et policières mobiles.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs les Députés, nous sommes tous conscients que les Balkans occidentaux constituent un défi majeur pour l'Union européenne et la crédibilité de sa politique extérieure, à la fois par l'ampleur de notre engagement humain, politique et financier dans la région, mais aussi par notre volonté de favoriser la stabilisation par la construction, le développement et in fine la réintégration des Balkans dans la famille européenne.

Cette année s'est heureusement ouverte avec le changement démocratique en Croatie, à la suite des élections législatives et présidentielles. Elle s'est poursuivie avec un autre événement majeur, qui est la victoire des forces démocratiques en République fédérale de Yougoslavie et la chute de Milosevic. Elle s'achèvera, nous le souhaitons, par la consolidation de la démocratie le 23 décembre prochain, à l'occasion des élections législatives en Serbie.

L'Union européenne - vous le savez - s'est impliquée avec détermination pour contribuer à ces changements historiques. Elle a immédiatement réagi à la nouvelle donne en Croatie, en engageant le processus qui conduira, à l'occasion du sommet de Zagreb, le 24 novembre prochain, donc dans dix jours, à l'ouverture des négociations d'un accord de stabilisation et d'association avec ce pays. Comme elle s'y était engagée à l'égard du peuple serbe, elle a pris les dispositions nécessaires dès l'élection du président Kostunica que vous recevrez demain : levée des sanctions contre la République fédérale yougoslave, aide d'urgence de 200 millions d'euros décidée par le Conseil européen à Biarritz et intégration de la République fédérale yougoslave dans la communauté internationale, afin de soutenir le processus de consolidation de la démocratie.

Je voudrais revenir un peu plus longuement sur les priorités de la présidence en faveur des Balkans occidentaux. En vue du sommet de Zagreb, nous avons souhaité concentrer l'action de l'Union sur la consolidation de la démocratie et la valorisation du processus de stabilisation et d'association. Nous poursuivons ainsi deux objectifs : d'abord le développement de la coopération régionale, ensuite la mise en œuvre d'une véritable politique de rapprochement entre ces pays et l'Union européenne.

À Cologne, le Conseil européen avait offert une perspective d'adhésion à l'Union. À Feira, il a reconnu la qualité de candidats potentiels à l'adhésion aux pays participant au processus de stabilisation et d'association. Nous souhaitons confirmer cette offre au sommet de Zagreb, mais aussi aller plus loin en définissant, pour chaque pays, les étapes à franchir et les réformes à accomplir sur cette voie. Enfin, nous souhaitons concrétiser un soutien communautaire de première importance pour accompagner ce processus.

À l'initiative de la France, le sommet de Zagreb réunira, pour la première fois, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne et des pays des Balkans occidentaux participant au processus de stabilisation et d'association : l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la République fédérale de Yougoslavie. Ce sommet sera donc l'occasion de tirer, au plus haut niveau, les conséquences des changements démocratiques décisifs intervenus dans la région et, partant, permettra de réaffirmer que la voie est désormais ouverte pour le rapprochement de tous les pays de la région avec l'Union dans le cadre du processus de stabilisation et d'association.

Nous souhaitons valoriser ce processus, notamment en marquant, à Zagreb, la conclusion des négociations du premier accord de stabilisation et d'association avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine, ou confirmant une approche individuelle adaptée à la situation de chaque pays, et comme je l'ai déjà indiqué, en traçant les perspectives pour chacun d'entre nous.

Le sommet aura également pour objectifs de consolider la démocratie en RFY, de soutenir le processus de réconciliation entre ce pays et les pays voisins et d'encourager le développement d'une coopération confiante entre les pays de la région. Ainsi, sans attendre l'entrée en vigueur des accords de stabilisation et d'association, l'Union rappellera qu'elle attend des cinq pays concernés qu'ils s'engagent à établir entre eux, dès à présent, des conventions de coopération régionale. Ces conventions de coopération régionale, prévues au titre des accords de stabilisation et d'association, devront, selon nous, inclure l'établissement d'un dialogue politique, d'une zone régionale de libre-échange, ainsi que d'une coopération étroite dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, en particulier pour le renforcement de la justice et de son indépendance dans la lutte contre le crime organisé, la corruption, le blanchiment d'argent et tout autre trafic criminel. Le rapprochement avec l'Union européenne est en effet étroitement lié, aux yeux du Conseil, au développement de la coopération régionale.

L'examen des rapports Westendorp et Lagendijk sur les propositions de règlements relatifs, l'un au programme-cadre et, l'autre, à l'Agence européenne pour la reconstruction nous donne l'occasion de revenir sur l'ampleur du soutien que l'Union entend accorder aux Balkans occidentaux, afin d'accompagner le processus de stabilisation et d'association. Ces deux rapports vont dans la bonne direction. La présidence partage en effet votre souci que le programme-cadre mette en œuvre les principes de la réforme de la gestion de l'aide extérieure de l'Union : moins de procédures, plus de coordination sur le terrain, moins d'arriérés d'engagements. De même, nous soutenons l'extension à l'ensemble de la République fédérale yougoslave du champ d'intervention de l'Agence européenne pour la reconstruction qui a fait ses preuves au Kosovo. Nous souhaitons qu'elle soit plus efficace et plus rapide dans la mise en œuvre des programmes dont la Commission lui déléguera l'exécution.

L'objectif de la présidence est de parvenir à un accord sur les propositions de règlements relatifs au programme CARDS et à l'Agence pour la reconstruction lors du Conseil "Affaires générales" de la fin novembre, la semaine prochaine donc, pour les annoncer à Zagreb le 24 novembre. Je rappelle les priorités principales assignées au programme CARDS : le renforcement institutionnel dans le sens de la démocratie et de l'État de droit, le développement économique et la reconstruction, la coopération régionale. CARDS devrait ainsi donner plus de cohérence, plus d'efficacité, plus de visibilité à l'aide de l'Union dans la région.

À l'unanimité, notamment lors du Conseil "Budget" du 20 juillet dernier, les États membres ont souhaité replacer le débat sur le montant de l'enveloppe financière prévue pour CARDS pour la période 2000-2006 dans le contexte du respect du plafond de la rubrique 4 des perspectives financières arrêtées au Conseil européen de Berlin. Ce montant, qui intégrera une aide en faveur de la République fédérale yougoslave, résultera d'un arbitrage global sur la répartition des 10 milliards d'euros disponibles à l'intérieur du plafond de la rubrique 4 entre les deux programmes d'aide, MEDA II et CARDS, dont l'adoption figure parmi nos priorités.

Enfin, la présidence a fait adopter, lors du Conseil "Affaires générales" du 18 septembre dernier, des préférences commerciales asymétriques en faveur des pays participant au processus de stabilisation et d'association. Ces mesures accordent un accès préférentiel au marché communautaire pour les produits agricoles et industriels de ces pays. L'Union a ainsi consenti un geste exceptionnel, puisque cette libéralisation, notamment pour les produits agricoles, est presque totalement offerte sans contingents et à droits zéro. Ces mesures sont entrées en vigueur le 1er novembre. Le Conseil travaille actuellement à leur extension à la République fédérale yougoslave.

La présidence française s'était assignée, en faveur des Balkans occidentaux, des objectifs ambitieux qui sont en passe d'être atteints : le développement du processus de stabilisation et d'association, l'adoption du programme CARDS, l'adoption des préférences commerciales asymétriques, pour ne parler que des mesures communautaires les plus saillantes. La victoire tant attendue de la démocratie en Croatie, puis en République fédérale yougoslave, impose, nous le savons, à l'Union européenne d'aller bien au-delà. C'est la raison pour laquelle il nous faut délivrer, au sommet de Zagreb, un message politique très fort, à la hauteur des espoirs de paix et de réconciliation que les peuples des pays de la région ont placés dans ce changement démocratique. À l'Union européenne de ne pas avoir peur de dire à ces pays : oui, votre place, votre avenir sont au sein de la famille européenne.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE M. PUERTA
Vice-président

 
  
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  Collins (UEN). - (EN) Monsieur le Président, mon impression initiale quant au président Kostunica est qu'il a mené une politique très pragmatique depuis qu'il a pris le pouvoir au sein de la République fédérale de Yougoslavie. Il a consolidé sa victoire, mais, en même temps, s'est montré habile dans ses relations avec d'autres dirigeants de la région. Il s'est déjà rendu à Sarajevo, a participé à une réunion régionale informelle à Skopje et s'est également rendu à Moscou. L'Union européenne a eu raison de réagir positivement à l'accession du président Kostunica au pouvoir. Les restrictions en matière de visa ont été assouplies et l'embargo pétrolier et aérien ont à présent été levés. Le fait que la Commission ait octroyé un crédit de 200 millions d'euros au titre de l'aide d'urgence fournies par les ONG est à saluer. J'espère que le président Kostunica et ses partisans consolideront progressivement leur position de nouveaux dirigeants démocrates à tous les niveaux politiques au sein de la République fédérale de Yougoslavie.

Les élections pour le Parlement serbe sont prévues le 23 décembre. Je me réjouis de ce que le président Kostunica ait reconnu l'importance de la coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye pour l'ex-Yougoslavie. Le président Kostunica a été invité à participer au prochain sommet de Zagreb, en tant que nouveau président de la Yougoslavie. Ce sommet, au lieu de constituer une vitrine venant récompenser les efforts de démocratisation accomplis par la Croatie, se transformera inévitablement en célébration des réalisations du président Kostunica. Il est crucial de garantir aux autres pays balkaniques participants que le retour de la Yougoslavie dans le giron de la communauté internationale ne diminuera en rien le soutien qui leur est accordé par l'Union européenne. Il convient d'être dûment attentif aux sensibilités de tous les pays de la région des Balkans et de leur garantir qu'on ne les négligera pas dans l'euphorie générale qu'a provoquée l'accession du président Kostunica au pouvoir.

D'autres objectifs du sommet de Zagreb doivent inclure une annonce de l'aide et de la reconstruction fournies par la Communauté, de programmes de démocratisation et de stabilisation pour les Balkans occidentaux, une confirmation de l'établissement progressif d'une zone de libre-échange entre l'Union européenne et les Balkans occidentaux et un engagement des pays de la région en faveur de la coopération régionale et de l'établissement d'un régime de libre-échange entre eux.

 
  
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  Le Président. - Je déclare interrompu ce débat qui reprendra à 21h00. Mme Pack demande une motion de procédure. Je lui demanderais de s'en tenir à une motion de procédure et de ne pas poursuivre le débat avec M. Moscovici.

 
  
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  Pack (PPE-DE) . - (DE) M. Moscovici ne pouvait hélas être présent lorsque je me suis exprimée. J'aurais souhaité qu'il me dise s'il est favorable à ce que les objectifs énumérés dans le programme CARDS soient complétés par un objectif supplémentaire, à savoir le soutien à l'éducation et à la formation dans l'Europe du Sud-Est. C'est là un nouvel objectif important dans le programme CARDS. La Commission y est favorable et j'aurais voulu savoir si le Conseil l'était également.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Voilà une question qui me paraît intéressante et qui me semble avoir le soutien de la Commission ; nous allons donc l'examiner au sein du Conseil.

 

8. Heure des questions (Conseil)
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  Le Président. - L'ordre du jour appelle l'heure des questions au Conseil (B5-0553/2000).

 
  
  

J'appelle la

question n° 1 de William Francis Newton Dunn (H-0818/00) :

Objet : Force de réaction rapide

Pourquoi cette proposition n’a-t-elle pas fait l’objet d’un débat en bonne et due forme sous la présidence française bien que les travaux afférents aient déjà été entamés par la présidence précédente ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - La Commission a présenté, le 10 mai dernier, au Coreper, une proposition visant à établir un dispositif de réaction rapide en vue de répondre aux attentes exprimées par les chefs d'État et de gouvernement à Helsinki. Ceux-ci avaient demandé, lors du Conseil européen et dans le cadre du rapport sur le développement des capacités européennes de gestion militaire et civile des crises, que des mécanismes de financement rapide, par exemple la création par la Commission d'un fonds de réaction rapide, soient institués afin de permettre un financement accéléré des activités de l'Union européenne pour contribuer aux opérations conduites par d'autres organisations internationales et de financer, le cas échéant, l'activité des ONG.

Conformément au mandat donné par le Coreper, l'étude de ce projet se poursuit dans le cadre du groupe des conseillers en relations extérieures du Conseil. Un premier examen a eu lieu le 6 novembre. L'objectif est l'adoption d'un règlement dans les meilleurs délais, étant entendu que, pour ce faire, le Conseil doit disposer d'un avis en bonne et due forme de la part de votre Assemblée.

 
  
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  Newton Dunn (PPE-DE). - (EN) Je vous remercie pour cette réponse. Au moment où j'ai posé cette question, le Conseil se trouvait en fait dans une impasse et ne menait aucune discussion, d'où l'objet de la question que j'ai posée. Mais je me réjouis du fait qu'à présent, les choses bougent au sein du Conseil et que nous disposions au sein de la commission des affaires étrangères de votre document le plus récent esquissant la forme du compromis.

Monsieur le Président en exercice, vous voulez l'avis du Parlement et, si nous avons bien compris, vous proposez de prendre une décision au mois de décembre. Si je vous dis que le Parlement en débattra au mois de janvier, attendrez-vous notre avis avant de prendre votre décision ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je ne peux que répéter la conclusion de ma réponse, à savoir que notre objectif est l'adoption d'un règlement dans les meilleurs délais, mais que, pour ce faire, le Conseil doit disposer d'un avis en bonne et due forme de la part du Parlement européen. Il le doit.

 
  
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  Le Président. - Leurs objets étant apparentés, j'appelle simultanément les questions 2 et 3.

J'appelle la

question n° 2 de Yasmine Boudjenah (H-0819/00) :

Objet : Sahara Occidental

Une délégation de l'intergroupe "Paix pour le peuple sahraoui" du Parlement européen, dont je faisais partie, s'est rendue les 13, 14 et 15 septembre derniers dans les campements de réfugiés sahraouis installés dans le sud-est algérien.

Nous y avons rencontré les plus hautes autorités de la RASD (République Sahraouie Démocratique), notamment son président, ainsi que les représentants de la Minurso. Cette dernière a effectué un travail remarquable d'identification pour l'élaboration des listes électorales, préalable à la tenue du référendum d'autodétermination prévu par le plan de règlement du Secrétaire général des Nations unies signé par le gouvernement marocain et le Front Polisario. Les très nombreux recours déposés - notamment par le Maroc - font visiblement obstacle à la concrétisation du référendum.

La délégation a constaté les terribles conditions de vie des réfugiés. Le report perpétuel du référendum, l'échec constaté des négociations à Berlin le 28 septembre dernier, suscitent de très lourdes inquiétudes et une grande déception parmi la population.

Nous avons pu mesurer la forte attente d'un engagement plus clair de l'Union européenne dans le sens d'un règlement de ce conflit qui empêche toute stabilité dans la région.

Comme le Parlement européen l'a demandé dans sa résolution du 16 mars 2000, qu'elles initiatives la présidence du Conseil européen compte-t-elle prendre pour jouer un rôle plus actif afin de garantir l'application pleine et entière du plan de paix de l'ONU ?

et la

question n° 3 de Laura González Álvarez (H-0846/00) :

Objet : Référendum sur l'autodétermination du Sahara Occidental

Les discussions qui ont lieu actuellement entre le médiateur international James Baker, délégué du secrétariat général de l'ONU, et les parties en conflit au sujet de la tenue d'un référendum sur l'autodétermination du Sahara Occidental, se trouvent dans une impasse. Au cours de la réunion du 28 septembre à Berlin, les autorités marocaines avaient laissé entendre qu'elles pourraient abandonner le plan de paix pour l'organisation du référendum. D'autre part, le Président de la Commission se propose de se rendre au Maroc et en Algérie au mois de novembre.

Quelles mesures le Conseil déploie-t-il ou se propose-t-il de déployer à l'appui du plan de paix afin que le référendum puisse avoir lieu le plus tôt possible, ce qui mettrait la région à l'abri des dangers liés à une reprise du conflit ? Que pense le Conseil de l'impasse actuelle et comment envisage-t-il de contribuer à une solution juste du conflit ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Le Conseil de l'Union européenne apporte son soutien au processus en cours aux Nations unies. Il appuie les efforts poursuivis actuellement par l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, M. James Baker, qui me semble actuellement un peu pris par d'autres obligations, mais cela finira par passer, afin de trouver une solution juste et mutuellement acceptable au Sahara occidental. Le Conseil est prêt à aider à un climat de confiance entre les parties et à chercher à l'instaurer. Un règlement du conflit du Sahara occidental doit contribuer à la stabilité du Maghreb et à son développement économique et social. Mais il demeure que ce dossier est du ressort de l'Organisation des Nations unies et de l'envoyé personnel du secrétaire général, dont l'action persévérante dans ce dossier complexe doit être soutenue.

Depuis plusieurs mois, la mission de M. Baker poursuit un double objectif. En effet, il s'agit à la fois de tenter de résoudre les difficultés que présente la mise en œuvre du plan de règlement, qui doit conduire à la tenue d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui, et d'autre part d'essayer de parvenir à un accord politique. Un nouveau délai de quatre mois vient d'être accordé aux parties - c'est la résolution 1324 - pour s'efforcer de progresser sur les deux fronts. Le Conseil est néanmoins préoccupé par la situation des populations des camps de Tindouf sur le plan humanitaire et alimentaire. L'engagement actif de l'Union européenne mérite à cet égard d'être souligné. L'Union européenne est le plus important fournisseur d'aide humanitaire aux réfugiés sahraouis par le biais du programme ECHO - 10,58 millions d'euros sont prévus pour la période 1999-2000, et une aide de 9 millions d'euros à partir de novembre 2000 pour une durée de huit mois est actuellement en cours.

 
  
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  Boudjenah (GUE/NGL). - Merci pour votre réponse. Vous parlez de solution mutuellement acceptable. Je me suis moi-même rendue dans les camps de Tindouf où la situation, très difficile, perdure depuis 25 ans.

Force est de constater quand même qu'une des deux parties - le Maroc en l'occurrence - qui a un poids diplomatique et qui bénéficie de tous les moyens d'un État, fait moins d'efforts pour garantir l'application du plan de paix, c'est-à-dire les accords de Houston qu'il a pourtant signés. Il continue à parler de problème d'intégrité territoriale : ce sont les termes employés par le roi, notamment lors de son dernier discours du trône. Or, il s'agit du processus d'autodétermination d'un peuple et de l'application de résolutions des Nations unies. Quel que soit le résultat du référendum - l'indépendance ou le rattachement au Maroc - il me semble que c'est la voie démocratique, et donc efficace, qui permettra de résoudre enfin ce conflit. Sinon, l'exacerbation de la tension actuelle et la possible reprise des armes seraient dangereuses pour toute la région au moment où on parle - on en parlait ici même tout à l'heure - de relance du partenariat euroméditerranéen.

Comment parvenir à cette relance sans règlement de ce conflit ? On connaît les liens étroits qui existent entre l'Union européenne et le Maroc, et plus particulièrement entre la France et le Maroc. Je voudrais poser à M. Moscovici la question suivante : quel contenu, quel type de discussion entretenez-vous actuellement avec le gouvernement marocain sur le Sahara occidental ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Le ministre des Affaires étrangères du Maroc a remis en fin de réunion à Berlin, le 28 septembre 2000 - je crois que vous le savez - une déclaration réaffirmant sa disponibilité à épuiser tous les moyens en vue d'élaborer une solution durable et définitive. Rabat semble maintenant avoir compris que sa proposition ne répondait pas aux attentes du secrétaire général de l'ONU et de son envoyé personnel, et qu'elle devait être le point de départ de l'exploration d'une solution juste et définitive.

Donc, le Maroc a dépêché son ministres des Affaires étrangères et de la coopération à New York le 26 octobre, afin qu'il soit auditionné en séance privée par le Conseil de sécurité après l'audition du secrétaire général du Polisario, qui a eu lieu le 19 octobre. Au cours de son intervention, M. Ben Aïssa a indiqué qu'un dossier complet sur la dimension et le contenu de la proposition marocaine sera présenté à la prochaine réunion des parties, sous l'égide de M. Baker. Selon M. Ben Aïssa, le Maroc n'avait avancé à Berlin qu'une proposition de dialogue et esquissé des contours.

La position de la France est de considérer que la disponibilité affichée par le Maroc à Berlin constitue un premier pas en vue de sortir de l'impasse actuelle du processus de règlement, que ce pas doit être compris comme le point de départ de l'exploration d'une solution mais qu'il devra être précisé et gagner en substance pour constituer une offre politique qui puisse être prise en considération par toutes les parties. Voilà ce que nous exposons à nos partenaires marocains.

 
  
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  Posselt (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, je pense que l'UE aurait bien plus d'influence dans le Maghreb si les liens avec le processus de réforme au Maroc étaient renforcés. Je voudrais vous interroger sur l'état de l'accord d'association avec le Maroc. Vous savez que nous avons débattu de l'accord de pêche. Ce problème doit également être résolu. Mais je pense que la question de l'accord d'association est très urgente.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 4 de Nuala Ahern (H-0820/00) :

Objet : Transport en toute sécurité de produits radioactifs au sein de l'UE

Quelles ont été les consultations menées entre le Conseil des ministres (transports, environnement et énergie), la présidence française et le groupe de travail réunissant des experts quant au transport en toute sécurité de produits radioactifs au sein de l’UE, avant ou après la reprise, annoncée en septembre 2000 par le gouvernement allemand, des transports transfrontaliers de produits radioactifs suspendus en mai 1998 pour des raisons de sécurité ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Le transport de matières nucléaires en France est effectué conformément à une législation pertinente. Il s'agit notamment de la directive n° 94/55/CEE du Conseil, du 21 novembre 1994, relative au rapprochement des législations des États membres concernant le transport de marchandises dangereuses par route, et de la directive n° 96/49/CEE du Conseil, du 23 juillet 1996, relative au rapprochement des législations des États membres concernant le transport des marchandises dangereuses par chemin de fer, qui s'appliquent au transport de matières nucléaires et fixent diverses prescriptions techniques quant aux véhicules, marques et emballages.

L'organisation du transport de matières nucléaires entre la France et l'Allemagne fait l'objet de consultations bilatérales entre les deux pays. Ni le Conseil de ministres, ni la présidence française en tant que telle ne sont impliqués dans ces consultations. Je peux simplement indiquer que la France et l'Allemagne - là, je ne m'exprime plus en tant que Président du Conseil - ont évoqué ces questions au cours d'un sommet bilatéral à Vittel, la semaine dernière, et qu'il a été décidé de constituer un groupe de travail afin de porter remède au problème.

 
  
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  Ahern (Verts/ALE). - (EN) J'ai le regret d'informer M. le ministre qu'il n'a vraiment pas répondu à ma question. Je lui ai demandé quelles ont été les consultations menées entre le Conseil, la présidence française et le groupe permanent d'experts. J'ai posé cette question, parce que trois semaines à peine après que le groupe d'experts du Conseil, le groupe de travail permanent sur le transport en toute sécurité de produits radioactifs, a publié un rapport en avril 1998, constatant que le transport de déchets nucléaires ne posait aucun problème, les véhicules de transport se sont avérés être contaminés, comme M. le ministre le sait pertinemment bien. Étant donné que les transports sont sur le point de reprendre, d'après ce que nous savons - et je suis heureuse d'apprendre que toutes ces consultations ont lieu -, pouvons-nous accorder une quelconque crédibilité à ce groupe de travail sur les déchets ? Celui-ci a déclaré que tout allait pour le mieux et, cependant, les véhicules de transport se sont avérés contaminés. Dans ce contexte, pourquoi le groupe d'experts n'est-il composé que de représentants du secteur nucléaire et des gouvernements ? Pour quelle raison n'y a-t-il pas d'experts indépendants possédant des informations détaillées qui pourraient être utiles ? Puis-je demander au ministre de répondre à cette question ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Nous avons décidé - encore une fois, je le répète - la mise en place d'un groupe de travail. Il s'agit d'une question bilatérale pour l'essentiel. Mais soyez certaine que nous avons vraiment l'intention d'aboutir. Ce n'est pas pour écarter tel ou tel élément, mais pour en finir avec ce problème.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 5 de Ioannis Souladakis (H-0826/00) :

Objet : Initiatives de l'Union européenne dans le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan

Après des années de conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, qui ont provoqué une stagnation catastrophique du développement économique et détérioré gravement le tissu social des deux pays, on a constaté récemment que les deux parties déployaient des efforts de rapprochement qui devraient leur permettre de sortir de l'impasse actuelle et de procéder à leur reconstruction. Au cours de la dernière année, il y a eu au moins 11 rencontres entre les présidents de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, à savoir Robert Koraijan et Aidar Aliev (International Herald Tribune du 7 septembre 2000). Jusqu'ici, l'Union européenne se cantonne dans un rôle de spectateur passif des efforts consentis par les deux pays et n'a entrepris aucune initiative particulière, laissant ainsi le champ libre à l'intervention d'autres facteurs stratégiques.

Quelles initiatives diplomatiques le Conseil compte-t-il entreprendre pour favoriser le rapprochement entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et le règlement des différends qui les opposent, et encourager leurs efforts de coopération ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - La stabilité et le développement du Caucase représentent une des priorités stratégiques pour l'Union européenne. Comme vous le savez, l'Union européenne soutient les efforts de médiation en cours pour trouver un règlement politique à tous les conflits dans la région, sur la base du respect de l'intégrité territoriale des États concernés et d'un degré d'autonomie adéquat. L'Union suit donc de près les contacts entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan en vue de trouver une solution à la question du Haut-Kharabakh. C'est pourquoi elle salue les rencontres qui ont régulièrement lieu entre les deux présidents et elle émet le vœu que ces rencontres permettront de parvenir à un règlement politique.

L'Union européenne demeure convaincue que le groupe de Minsk, de l'OSCE, a un rôle central à jouer dans la perspective d'un règlement du conflit du Haut-Kharabakh, même si les différents plans de règlement proposés par ce groupe en 1997 et 1998 ont été repoussés à la fois par Erevan et Baku. L'Union utilise en outre tous les instruments dont elle dispose dans le cadre de l'accord de partenariat et de coopération pour contribuer à une amélioration des relations entre les deux pays. Grâce aux différentes instances de coopération, il a été possible d'établir un dialogue politique régulier visant à faciliter les échanges entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

En même temps, l'Union continue d'apporter une aide matérielle importante à ces deux pays, par le biais de ses différents programmes, notamment TACIS. Elle a offert de financer des projets transfrontaliers d'intérêt commun afin de contribuer au rétablissement de relations de bon voisinage entre les deux pays. L'engagement de l'Union européenne a été publiquement reconnu par l'Arménie et l'Azerbaïdjan qui se sont déclarés ouverts à un renforcement des relations entre leurs pays et l'Union.

 
  
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  Souladakis (PSE). - (EL) Que Monsieur le Président en exercice me permette de dire que sa réponse me laisse insatisfait. Elle ressemble davantage à une dépêche de service qu’à une initiative politique. Nous devons signaler que la stabilisation de la région du Caucase nécessite un plan et des initiatives plus larges. Or, il est clair qu’une Union européenne qui, récemment - comme je l’ai lu dans les journaux - a changé de stratégie pour ses problèmes énergétiques et qui, désormais, s’oriente davantage vers l’ex-Union soviétique - avec tout ce que cela signifie pour la région - ne peut rester passive face à l’évolution des événements. En ce sens donc, et parce que, bien entendu, ma question n’a pas été posée pour donner le sentiment que tout va bien, mais pour énoncer un problème, je considère qu’elle peut constituer le point de départ d’une politique intégrée, telle que celle dont nous discutons dernièrement à propos des Balkans ; il s’agit bien, pour la région du Caucase, d’un nouvel accord de stabilité, qui serait conclu à l’initiative politique de l’Union européenne, et dont les objectifs et les priorités politiques seraient en rapport avec le développement, l’autonomie et la démocratie dans cette région.

 
  
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  Alavanos (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, j’aimerais tout d’abord me joindre à la question posée par M. Souladakis, à savoir quels types d’initiatives ont été lancées par l’Union européenne dans ce grand problème qui s’enlise et condamne une région riche à rester dans cette situation. Plus particulièrement, étant donné que l’une des raisons aux problèmes affectant la région est l’embargo décidé par la Turquie contre l’Arménie, j’aimerais demander à M. le président en exercice si, dans les négociations et les débats qui se tiennent aujourd’hui avec la Turquie, on discute, ne serait-ce qu’en théorie, de la levée de l’embargo de la Turquie contre l’Arménie, d’un embargo qui condamne cette région à la pauvreté et au malheur.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je comprends les points de vue exprimés par les deux honorables députés. Je n'ai pas grand chose à ajouter sur l'action de l'Union, telle qu'elle a été conduite.

Quant à la discussion avec la Turquie, nous sortons d'un très important débat à ce sujet et vous connaissez très exactement les positions de l'Union européenne sur ce point.

 
  
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  Le Président. - Son auteur étant absent, la question n° 6 est caduque.

J'appelle la

question n° 7 de Jonas Sjöstedt, remplacé par Mme Frahm (H-0832/00) :

Objet : Mesures législatives visant à sanctionner quiconque dissimule des réfugiés

La Présidence française a proposé un certain nombre de mesures visant à renforcer la législation applicable aux personnes qui transportent ou cachent des réfugiés n'ayant pas le droit de séjourner dans l'UE, y compris lorsqu'elles agissent sans en tirer de bénéfice. Les mesures proposées offrent également aux États membres la possibilité de sanctionner, voire de démanteler les organisations qui cachent des réfugiés. La Présidence estime-t-elle que la possibilité de démanteler de telles organisations doit également s'étendre à celles qui, à l'instar des églises, couvents et partis, poursuivent un idéal ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Le drame de Douvres, en juin dernier, a mis cruellement en lumière la nécessité de lutter plus efficacement contre les filières d'immigration clandestine.

Le Conseil européen de Feira, en juin dernier, a demandé au Conseil une mise en œuvre accélérée des mesures de lutte contre les filières clandestines prévues dans les conclusions du Conseil européen de Tampere d'octobre 1999.

Les mesures auxquelles se réfère l'auteur de la question consistent en un projet de directive du Conseil et un projet de décision-cadre visant, pour le premier, à définir la notion d'aide à l'entrée, à la circulation en séjour irrégulier et, pour le second, à renforcer précisément le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier ainsi défini.

Ces textes, qui ont été transmis au Parlement européen pour consultation, sont actuellement en cours d'examen dans les groupes compétents du Conseil. Ils visent essentiellement à lutter contre le trafic des êtres humains, à travers l'aide à l'immigration clandestine par des filières organisées. L'objectif est de pouvoir démanteler et sanctionner les organisations criminelles qui se livrent à ce type de trafic.

La question de l'honorable parlementaire donne donc à la présidence l'occasion de dissiper certaines confusions. Les textes concernés n'ont pas pour but d'empêcher les réfugiés potentiels d'exercer leur droit de demander l'asile sur le territoire de l'Union.

M. le député conviendra en effet qu'un réfugié potentiel n'est pas ipso facto un immigrant clandestin. Ces textes n'ont pas non plus pour but d'empêcher les organisations sans but lucratif d'accomplir leur tâche, pour autant qu'elles respectent, bien sûr, les lois applicables. Il s'agit donc bien de lutter contre des organisations criminelles impliquées dans le trafic d'êtres humains et non pas de démanteler des organisations non gouvernementales, caritatives, politiques ou confessionnelles, sauf si, bien entendu - mais je ne peux même pas l'imaginer - leurs activités servaient de couverture à des agissements illégaux.

 
  
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  Frahm (GUE/NGL). - (DA) Il est vrai que la situation à Douvres nous oblige à réagir, mais j'estime qu'elle reflète également d'autres choses. Les médias danois ont montré un jeune afghan de 14 ans, qui déclarait qu'il était indispensable d'avoir un agent pour pouvoir s'enfuir. C'était l'expression utilisée - un agent - mais cela montre à quel point il est difficile pour des gens en fuite d'arriver dans un endroit où ils peuvent demander le droit d'asile ; et c'est là que réside l'ensemble du problème. Je voudrais demander au Conseil comment il considère cette contribution supplémentaire à la criminalisation des actes humanitaires. On est en train de patauger dans une situation où on mélange souvent les immigrés et les réfugiés. Qu'en pense le Conseil ? Si nous continuons à criminaliser ce domaine, seules les personnes sans scrupule et les cyniques ainsi que celles qui veulent gagner de l'argent resteront, et nous aurons notre part de responsabilité. La politique du Conseil est-elle réellement de contribuer à ce que l'argent des personnes pauvres recherchées aboutisse dans les griffes de la mafia et autres organisations similaires ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je crois que l'esprit des textes européens veut que chaque État membre prenne les mesures nécessaires pour considérer comme une infraction le fait de faciliter intentionnellement, par aide directe ou indirecte, l'entrée et la circulation, ou le séjour irrégulier sur son territoire, d'un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union. Voilà ce qu'est la philosophie générale.

 
  
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  Martin, David (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je salue la réponse du Conseil à la question principale. Je veux simplement que le ministre insiste sur le fait que les mesures législatives proposées visent ceux qui exploitent et tirent profit de personnes se trouvant dans des situations désespérées et n'a pas pour but de criminaliser davantage les immigrants ou les immigrants potentiels. Il s'agit de mettre un terme à l'exploitation des immigrants par les gangs. C'est ce qui s'est passé à Douvres. Il s'agissait d'un trafic organisé qui a conduit à la mort de personnes à l'arrière d'un camion parce que d'autres personnes les ont exploitées. C'est à cela que nous devrions mettre un terme.

D'autre part - et en ce point, je rejoins Mme Frahm -, le Conseil a-t-il également l'intention d'encourager les États membres à établir une distinction plus nette entre les demandeurs d'asile et les immigrants clandestins ? À l'heure actuelle, il semble que les États membres commencent à oublier leurs obligations internationales. Nous sommes tenus, en vertu d'une obligation internationale, de traiter les demandeurs d'asile d'une manière convenable et de traiter leur demande par le biais de procédures spécifiées. À l'heure actuelle, certains États membres semblent confondre demandeurs d'asile et immigrants clandestins.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je confirme la lecture qui est faite par M. Martin. Il s'agit bien de lutter contre des organisations criminelles impliquées dans le trafic d'êtres humains, et non pas de revenir sur les textes de tradition qui permettent aux réfugiés potentiels d'exercer leur droit de demander l'asile sur le territoire de l'Union. C'est bien de cela dont il s'agit et de rien d'autre. Et j'ajoute une précision supplémentaire : il s'agit notamment, dans ces deux textes, de renforcer le cadre pénal pour lutter contre les filières organisées de passeurs. C'est bien ce type d'événement et ce type d'organisation que nous voulons résolument combattre.

 
  
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  Schmidt, Olle (ELDR). - (SV) Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, même après avoir reçu des explications, je ne comprends pas bien pourquoi cette proposition imprécise et à certains égards inhumaine nous a été présentée. Ne serait-il pas plus judicieux et plus raisonnable que les gouvernements de l'UE et le Conseil réfléchissent aux raisons qui forcent des gens à venir illégalement en Europe ? Je voudrais demander à Monsieur le Ministre quel est le nombre des pays dont les États membres de l'UE exigent aujourd'hui des visas d'entrée, est-ce que ce sont dix pays, cinquante pays, ou peut-être cent ? D'après la dernière information que l'on m'a communiquée, ils seraient au nombre de cent vingt-sept. Ce chiffre est-il exact ? Si tel est le cas, considérez-vous cela comme raisonnable, estimez-vous qu'il s'agit là d'une politique humaine envers les réfugiés ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je n'ai pas d'élément complémentaire de réponse à apporter.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 8 de Maj Britt Theorin (H-0836/00) :

Objet : Crimes d'honneur en Turquie

Chaque année, des dizaines de femmes sont victimes de "crimes d'honneur" en Turquie. Certes, la législation turque prévoit des droits égaux pour les femmes et les hommes mais, dans la pratique, de nombreux hommes continuent à condamner des femmes à mort pour avoir été violées, pour avoir commis un adultère ou, tout simplement, pour avoir rencontré d'autres hommes. Les hommes qui se rendent coupables d'un tel crime sont rarement condamnés à de lourdes peines de prison, lesquelles ne sont parfois pas supérieures à deux ans.

Si la nouvelle législation en cours d'élaboration en Turquie visant à interdire une réduction des peines est indispensable, il importe avant tout que les responsables musulmans prennent officiellement leurs distances à l'égard du crime d'honneur qui est tout à fait contraire à l'islam. Tant des mesures législatives que des actions destinées à accroître le débat et à développer la prise de conscience sont nécessaires.

Quelles initiatives le Conseil entend-il prendre pour obtenir que la Turquie adopte des mesures efficaces pour lutter contre le crime d'honneur ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - L'honorable parlementaire a appelé l'attention du Conseil sur la question des crimes d'honneur en Turquie. Ces pratiques semblent en forte régression et ne seraient plus, nous dit-on, que résiduelles dans les zones rurales. Le Conseil reste cependant préoccupé par ces crimes qui se déroulent souvent dans des conditions intolérables. Le gouvernement turc a engagé des réformes importantes qui visent à mieux lutter contre de tels actes, naturellement interdits par la législation nationale.

Dans le rapport que le Conseil de ministres turc a adopté le 21 septembre dernier comme programme de réforme, figurent dans la partie des modifications législatives plusieurs projets : inscrire dans le code civil des mesures renforçant l'égalité effective des hommes et des femmes dans les domaines socio-éducatifs : mieux lutter contre les violences familiales ; mieux condamner ces violences, par la création de juges familiaux spécialisés et enfin interdire la possibilité d'une réduction de peine pour crime d'honneur.

Soyez certaine que le Conseil se montrera particulièrement vigilant sur la mise en œuvre de ces mesures qui participent du respect des critères de Copenhague longuement évoqués tout à l'heure. En tout état de cause, les crimes d'honneur ne sont pas un problème spécifique à la Turquie, car ils affectent un grand nombre de pays dans le monde. Le Conseil a donc soutenu l'initiative néerlandaise d'introduire cette année, dans le cadre du troisième comité de l'Assemblée générale des Nations unies, un projet de résolution contre ces crimes, qui est toujours en cours d'examen. Le Conseil note que la Turquie a également apporté son soutien à cette initiative.

 
  
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  Theorin (PSE). - (SV) Même si l'on ne peut comprendre comment un phénomène aussi barbare que le celui des crimes d'honneur est explicable, on peut en tout cas noter que chaque année, des dizaines de femmes turques sont froidement assassinées par leurs frères, leurs pères, leurs cousins ou leurs maris, sous le prétexte explicite de sauvegarder l'honneur familial.

Pour la famille, et en particulier pour les hommes, le statut social, l'honneur et la réputation sont liés à la quantité de biens possédés, dont font partie les membres féminins du clan. Selon cette manière d'envisager les choses, les hommes de la famille ont le droit et le devoir de tuer une femme qui a perdu sa valeur, parce qu'elle apparaît, pour une raison ou une autre, comme déshonorée. Il importe peu de savoir si ledit déshonneur résulte d'un acte commis délibérément de sa part, ou subi lors d'un viol.

Il est bon que le Conseil attire l'attention sur les initiatives qui ont été prises, il est important d'interdire les réductions de peines, mais il est plus important encore de lutter contre l'acceptation générale des crimes d'honneur. Je voudrais poser la question suivante au Conseil : êtes-vous prêts à agir de façon vigoureuse pour rompre la spirale de la violence, par exemple en demandant aux dirigeants musulmans de déclarer officiellement leur refus des crimes d'honneur ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je crois qu'il faut effectivement lutter contre ces crimes par tous les moyens, absolument tous les moyens, et je constate que tant le Conseil de l'Union que l'Assemblée générale des Nations unies et, je pense, le gouvernement turc, sont prêts à ce faire. Il faut que ce type de pratiques régressives, d'un autre âge, disparaissent.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 9 de Othmar Karas (H-0839/00) :

Objet : Attitude de M. Moscovici, ministre français des affaires européennes, à l'égard de l'Autriche

Dans une interview accordée à la chaîne de télévision française France 3, Pierre Moscovici, ministre français des affaires européennes, a une nouvelle fois souligné son rejet du gouvernement fédéral autrichien. Il s’est en outre déclaré convaincu que la coalition gouvernementale formée par l’ÖVP et le FPÖ était "anormale" et que le FPÖ était un "parti raciste et xénophobe".

Comment le Conseil peut-il justifier qu’un représentant officiel de la Présidence française du Conseil continue d’afficher sans rencontrer aucune opposition - en dépit du jugement positif formulé dans le rapport des experts sur l’Autriche et de la levée des "sanctions" injustifiées contre l’Autriche qui en a résulté - une telle attitude de rejet, agressive et blessante à l’égard d’un État qui est un membre à part entière et égal en droit de l’Union européenne ? Le Conseil pourrait-il préciser si ces déclarations du ministre français des affaires européennes représentent aussi l’attitude de la Présidence française ou s’il s’agit d’une opinion privée de M. Moscovici ? Enfin, le Conseil peut-il certifier que les déclarations et l’attitude de M. Moscovici n’entraîneront aucune sorte de désavantages et d’inégalités de traitement pour l’Autriche et son gouvernement fédéral dans la poursuite de grands projets européens d’importance majeure ? Quand compte-t-il prendre officiellement ses distances à l’égard des déclarations de M. Moscovici et effectuer une mise au point à ce sujet ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - C'est vrai que, en découvrant cette question, je me suis demandé ce qu'avait raconté ce ministre français des Affaires européennes, qui avait, je cite la question : "une nouvelle fois souligné son rejet du gouvernement fédéral autrichien. Il s'est en outre déclaré convaincu que la coalition gouvernementale formée par l'ÖVP et le FPÖ était anormale et que le FPÖ était un parti raciste et xénophobe." L'auteur de la question poursuit : "Comment le Conseil peut-il justifier qu'un représentant officiel de la présidence française du Conseil continue d'afficher sans rencontrer aucune opposition une telle attitude de rejet, agressive et blessante, à l'égard d'un État qui est un membre à part entière et égal en droit de l'Union européenne ?

Le Conseil pourrait-il préciser si ces déclarations du ministre français des Affaires européennes représentent aussi l'attitude de la présidence française, ou s'il s'agit d'une opinion privée de M. Moscovici ? Enfin, le Conseil peut-il certifier que les déclarations et l'attitude de M. Moscovici n'entraîneront aucune sorte de désavantages et inégalités de traitement pour l'Autriche et son gouvernement fédéral dans la poursuite de grands projets européens d'importance majeure ? Quand le Conseil compte-t-il prendre officiellement ses distances à l'égard des déclarations de M. Moscovici et effectuer une mise au point à ce sujet ?"

Pas ce soir, et là, j'en viens à la réponse, car je connais le ministre et je vais vous faire une réponse du Conseil. En réponse à la question posée par l'honorable parlementaire, la présidence rappelle que la situation politique en Autriche et les mesures bilatérales qui ont été adoptées par les autres États membres à son endroit, puis levées, ne relèvent pas du Conseil, puisqu'il s'agissait de mesures bilatérales. Donc, la présidence n'a pas de réponse à apporter sur ce point. Mais il va de soi que, ces mesures étant levées, il ne saurait être question désormais d'aucune sorte de désavantage ou d'inégalité de traitement pour l'Autriche et son gouvernement fédéral, puisqu'il n'y a pas de mesures.

En revanche, à titre personnel, je peux vous confirmer que les propos tenus par ce ministre sur France 3 reflètent bien sa pensée sur cette question.

(Applaudissements)

 
  
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  Karas (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, par votre réponse, vous avez montré que vous prenez le Conseil en otage. Vous avez également montré que vos préjugés personnels - que contredisent la réalité autrichienne et le rapport des sages - influencent fortement votre fonction de président du Conseil, comme le montrent l'itinéraire que vous avez préparé pour le tour des capitales du président de la République française, qui est le président en exercice du Conseil. Je vous demande donc quand vous assumerez votre fonction en vous basant entièrement sur la pensée de Robert Schuman, sur le contenu du rapport des sages et sur la réalité autrichienne plutôt que de vous laisser guider par vos préjugés personnels.

(Applaudissements)

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je n'ai pas sur cette affaire de préjugés personnels. Je peux avoir, comme tout un chacun, ici et ailleurs, une analyse politique sur la nature du gouvernement. Je note d'ailleurs que les sages se sont prononcés, et que, par exemple, les adjectifs racistes et xénophobes figurent dans leur rapport, en tout cas en tant que question.

Pour le reste, je puis vous assurer que, en tant que président en exercice, ces points de vue personnels n'ont aucune espèce d'influence. Je dis bien : aucune. Le gouvernement autrichien est le gouvernement légitime d'un pays de l'Union européenne. On peut approuver sa forme ou la désapprouver. C'est d'ailleurs parce que les 14 autres pays désapprouvaient qu'ils ont pris des mesures. Aujourd'hui, il n'y a plus de mesures et, donc, nous allons traiter avec ce gouvernement comme avec un autre. D'ailleurs cela a toujours été le cas dans le cadre de l'Union, puisque les mesures évoquées étaient bilatérales, je le rappelle.

Donc, je vous rassure pleinement, dans le cadre de l'Union, le gouvernement autrichien est considéré tout à fait sur un pied d'égalité avec les autres. Il participe à tous les Conseils dans le cadre de cette présidence. Quant à la tournée du chef de l'État, du président de la République, Jacques Chirac, bien sûr, elle s'arrêtera à Vienne, c'est évident. J'ajoute que le président de la République sera accompagné, comme c'est de tradition, par un ministre de son gouvernement, soit le ministre des Affaires étrangères, soit moi-même. La semaine prochaine, il y aura une réunion de la conférence européenne, à mon invitation, en France, c'est-à-dire avec les pays candidats. On m'annonce que Mme Ferrero-Waldner viendra. Je la recevrai bien volontiers.

Tout cela fait donc qu'il faut bien distinguer entre les choses. Il y a la présidence française de l'Union européenne, qui a ses devoirs et qui les exerce en toute objectivité, et il y a l'opinion politique qu'un homme politique peut avoir concernant une situation politique. Et là, je n'en change pas.

 
  
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  Flemming (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, je suis d'accord avec le président du Conseil : les partis d'extrême-droite n'ont pas leur place dans un gouvernement. Ce ne serait d'ailleurs pas possible en Autriche car de tels partis sont interdits chez nous. La question que je pose au président du Conseil est la suivante : comment se fait-il, en fait, que les partis d'extrême-droite ne sont pas interdits en France et quelle est l'opinion du président du Conseil sur la présence de partis d'extrême-gauche dans des gouvernements ? Autorisez-moi une petite remarque, Monsieur le Président : j'aime la France, j'aime les Français et le charme des hommes français est en règle générale - je dis bien, en règle générale - inégalé.

 
  
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  Le Président. - Les commentaires sur la France et sur le charme des Français exprimés au sein de cette Assemblée sont très intéressants mais le président en exercice du Conseil doit répondre en sa qualité de président du Conseil. Et non en tant qu'homme français ni en terme de politique intérieure.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je me demandais simplement pourquoi vous avez utilisé l'expression "par exemple", s'agissant du charme des Français, je crois qu'il est tout à fait général, du moins je l'espère.

Je voulais simplement dire qu'en la matière il n'y avait pas de discrimination à l'égard de tel ou tel autre pays. Je prends un exemple : si demain dans mon pays, la France - et là je m'exprime en tant que ministre - venait au pouvoir un parti d'extrême-droite, je souhaiterais que l'on prenne contre mon pays des mesures du type de celles qui ont été prises à l'encontre de l'Autriche. Donc, il n'y a pas de discrimination à l'égard de tel ou tel pays. Je crois qu'il y a un certain nombre de valeurs qui sont les valeurs de l'Union européenne et qui tolèrent mal, effectivement, l'accession de certains pays à certaines responsabilités. Voilà la position politique.

Cela dit, je voudrais préciser, chère Madame, que j'aime l'Autriche et que j'aime les Autrichiens en général.

 
  
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  Rübig (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, il va être question, à Nice, de la réforme des institutions. Pensez-vous que le modèle "autrichien" - à savoir la prise de décisions majoritaires bilatérales - constituera à l'avenir un instrument permettant de prendre des décisions en ignorant les institutions européennes et de fonder une nouvelle institution, ou un nouveau groupe, pour pouvoir contourner la règle de l'unanimité au sein du Conseil ?

J'y ajouterai une question complémentaire : quelle est votre attitude à l'égard des partis d'extrême-gauche et quelle est votre opinion à leur propos ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je vais vous répondre sur le premier point de façon très claire. Ces mesures bilatérales ont prouvé leur portée et leurs limites. Elles ont été prises et elles ont été levées, et je crois qu'il faut effectivement proposer un mécanisme juridique inscrit dans les traités. Et à cet égard, plusieurs pays, dont l'Autriche, ont fait des propositions de modification de l'article 7 du traité sur l'Union européenne, afin d'instituer un mécanisme de prévention et d'alerte, qui permettrait à un pays dont on pourrait penser qu'il n'est pas en conformité avec les valeurs de l'Union européenne, de se voir adresser des recommandations tout en étant écouté. C'est la proposition du gouvernement autrichien, par exemple. Je peux vous assurer que cette proposition est parfaitement prise en considération, et ma conviction est que nous devons parvenir, dans le cadre de la CIG, à une réforme du traité allant dans ce sens.

Pour ce qui concerne le reste, je n'ai pas prononcé ici les mots "extrême gauche" et "extrême-droite" parce que nous risquerions d'avoir un débat de définition. Quand vous expliquez que les partis d'extrême droite sont interdits en Autriche, c'est très bien. Mais on peut aussi s'interroger sur ce qu'est ou n'est pas l'extrême droite. Pour ma part, j'ai voulu parler de valeurs : j'ai parlé des valeurs telles qu'elles figurent dans nos textes, j'ai parlé des valeurs telles qu'elles sont réaffirmées dans la Charte des droits fondamentaux et j'ai parlé notamment - c'est vrai - de la lutte contre toutes les discriminations, qui est inscrite au frontispice des textes européens. C'est cela que nous devons faire respecter.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 10 de Alexandros Alavanos (H-0842/00) :

Objet : Réponse du Conseil à la lettre de M. I. Cem, ministre des Affaires étrangères de Turquie

Dans une question complémentaire (Heure des questions du 5 septembre 2000-Question H-0610/00(1)), l'occasion m'a été donnée de demander à la présidence en exercice du Conseil quelle était sa réponse à la lettre envoyée par le ministre des Affaires étrangères de Turquie, M. I. Cem, aux quinze ministres des Affaires étrangères de l'UE, où il tentait de faire valoir son interprétation des décisions du Sommet d'Helsinki.

Le président en exercice, en répliquant qu'il ne disposait pas d'une réponse précise sur ce point, et en renvoyant plus généralement au Sommet d'Helsinki, considéré comme notre point commun de référence, ne répondait certainement pas aux observations très concrètes de la lettre de M. Cem.

Le Conseil peut-il dès lors indiquer quelle réponse il apporte au point de la lettre de M. Cem où celui-ci soutient que l'on ne peut associer dans l'accord de partenariat le problème chypriote et les relations UE-Turquie et que cette association constituerait une violation des conditions établies à Helsinki ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Le ministre des affaires étrangères de la Turquie, M. Cem, a effectivement adressé une lettre à ses homologues des États membres de l'Union européenne. Le Conseil n'a pas été saisi de cette lettre mais la présidence a, bien entendu, répondu à M. Cem. Les termes de cette réponse ont été communiqués à l'ensemble des États membres.

En ce qui concerne le partenariat d'adhésion de la Turquie que vous évoquez, la Commission a présenté ses propositions le 8 novembre dernier, en même temps que ses rapports sur les progrès accomplis par chacun des 13 candidats sur le chemin de l'adhésion. Le Conseil doit à présent examiner cette proposition. La présidence maintient son objectif d'adoption du partenariat lors du Conseil "affaires générales" du 20 novembre. Cette question du partenariat n'a donc pu être évoquée sur le fond dans la réponse adressée par M. Vedrine à M. Cem ? La présidence a cependant fait valoir à cette occasion l'importance qui s'attache à faire de ce partenariat un instrument utile pour les définitions du futur programme national de reprise de l'acquis par la Turquie et pour la mise en œuvre de la stratégie de pré-adhésion de ce pays, conformément à la lettre et à l'esprit des conclusions du Conseil européen de Helsinki. Je crois par ailleurs que le débat que nous avons eu tout à l'heure sur la Turquie permet d'illustrer l'esprit dans lequel souhaitent travailler à la fois le Conseil et la Commission.

 
  
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  Alavanos (GUE/NGL). - (EL) Je remercie M. le président en exercice qui a bien fait d’évoquer la proposition de décision du Conseil sur le partenariat, qui est un élément nouveau. Pour cette raison, mes questions seront très précises et reposeront sur le texte de la Commission. Premièrement, est-il possible que le Conseil agrée un texte sur la Turquie, d’où les mots " minorité " et " Kurde " sont absents ? Deuxièmement, est-il possible que le Conseil agrée un texte dans lequel, parmi les objectifs à long terme, ne figure même pas le positionnement d’Helsinki, relatif, comme il est dit, aux différends frontaliers entre un pays candidat et un pays membre de l’Union européenne ? Et, troisièmement, est-il possible que, dans un tel texte se rapportant à la question chypriote, ne figure que cette ridicule position adoptée par la Commission, à savoir que la Turquie soutienne les efforts déployés par le secrétaire général des nations unies au lieu que la Turquie accepte une solution qui soit fondée sur les décisions des Nations unies ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - S'agissant des minorités, notamment du problème kurde, je crois que celui qui aura écouté le débat tout à l'heure sait bien que ces questions sont connues et prises en compte à la fois par la Commission et par le Conseil.

S'agissant du règlement politique à Chypre auquel vous faites référence, Monsieur Alavanos, cette question continuera bien entendu d'être évoquée avec la Turquie ainsi que nous nous y sommes engagés à Helsinki. Je rappelle que ce dialogue politique constitue, aux côtés du futur partenariat pour l'adhésion, l'un des éléments de la stratégie de pré-adhésion de la Turquie définis à cette occasion. Le Conseil "affaires générales" de lundi prochain, 20 novembre, débattra précisément de la proposition de partenariat d'adhésion que vient de formuler la Commission et qui comporte des références extrêmement claires, explicites, précises, aux conclusions d'Helsinki. C'est dans cet esprit que nous allons travailler. La présidence du Conseil fera tout pour parvenir à un bon accord.

 
  
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  Korakas (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, j’aimerais exprimer ma surprise. Nous nous trouvons face à une situation à propos de laquelle je voudrais que M. le ministre me réponde. Tout d’abord, dans les conclusions d’Helsinki, il est dit que la solution de la question chypriote n’est pas une condition préalable à l’adhésion de Chypre. Et la question chypriote n’est pas une affaire quelconque. Il s’agit de l’invasion et de l’occupation d’une partie considérable du territoire d’un pays membre de l’ONU, candidat à l’adhésion à l’Union européenne, par un autre pays également membre de l’ONU et également candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Et on affirme que la fin de cette occupation ne constitue pas une condition préalable à la résolution de la question chypriote ? De quel œil M. le président en exercice voit-il la position de M. Cem - M. Moscovici n’a pas répondu à cela - qui prétend qu’il n’est pas possible de tenir compte de la question chypriote, si l’on veut promouvoir le partenariat entre la Turquie et l’Union européenne ? Serait-il donc possible d’encourager ce partenariat et l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne sans mettre fin à l’occupation de Chypre et sans que la Turquie fasse revenir les colons de Chypre ? S’il en est ainsi, ne nous accusez pas de considérer l’Union européenne comme un organisme impérialiste.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - J'étais présent au Conseil européen d'Helsinki, y compris dans la salle, au moment où on a traité de ces questions. Je sais que nous avons accepté, quand je dis nous, c'est les Quinze, donc y compris la Grèce, la candidature de la Turquie. Nous l'avons fait en prenant des conclusions qui sont extrêmement précises, qui nous engagent, qui continuent de nous engager. Et c'est de cela dont il s'agit. Tout cela, rien que cela.

 
  
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  Korakas (GUE/NGL). - C'est une question de traduction. Je n'ai pas dit qu'il est vrai qu'il y a un régime impérialiste en Turquie, mais j'ai dit que si l'Union européenne accepte cette logique, c'est-à-dire la possibilité que la Turquie adhère à l'Union européenne tout en occupant une grande partie de Chypre, il ne faut pas dire que nous n'avons pas raison de traiter l'Union européenne d'impérialiste.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Il n'y avait pas de problème de traduction dans ma réponse.

 
  
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  Le Président. - Son auteur étant absent, la question n° 11 est caduque.

J'appelle la

question n° 12 de María Izquierdo Rojo (H-0850/00) :

Objet : Conséquences de l'accord de pêche avec le Maroc et ses caractéristiques

Au vu des dernières négociations entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc en vue de la conclusion d’un accord de pêche, cet accord pourrait-il intervenir avant la fin de novembre 2000 ? Quelles seraient les caractéristiques de ce nouvel accord de pêche ? Satisfait-il aux besoins fondamentaux du secteur ? Sera-t-il tenu compte des besoins des régions de l’objectif 1 concernées ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - L'objectif de la Communauté est de conclure le plus rapidement possible les négociations visant à un nouvel accord de pêche avec le Maroc. Dans ce sens, le calendrier des négociations récemment convenu consistant en une réunion par semaine, nous permet d'être optimistes quant à la conclusion rapide de ces négociations.

Quoi qu'il soit difficile, à ce stade, d'envisager les caractéristiques finales d'un tel accord, il paraît clair qu'il devra établir un cadre de coopération et de partenariat dans le domaine halieutique plus vaste que l'accord qui l'a précédé tout en élargissant son champ d'action à l'ensemble de la filière pêche. L'accord tiendra compte aussi du besoin d'assurer une exploitation durable des ressources et du besoin de contribuer au développement du secteur marocain de la pêche.

S'il est encore trop tôt pour évaluer les caractéristiques du futur accord par rapport aux attentes du secteur, le Conseil peut toutefois assurer l'honorable parlementaire que son objectif principal pour la Communauté est de sauvegarder l'intérêt du secteur communautaire de pratiquer une pêche durable dans les eaux marocaines. Le Conseil est bien conscient, je vous l'assure, des besoins de toutes les régions concernées et particulièrement de celles dont les économies sont largement tributaires de cet accord. La Communauté fera en sorte que ces besoins soient pris en compte dans l'accord.

 
  
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  Izquierdo Rojo (PSE). - (ES) Monsieur le Président, je remercie sincèrement le président du Conseil pour cette réponse si positive, voire optimiste et encourageante. Il faut savoir que l'accord de pêche avec le Maroc est bien plus qu'un simple accord de pêche et, comme il le sait, si nous n'étions parvenu à un tel accord, et tout ce que cela implique, cela aurait pu cacher une détérioration des relations entre l'Union européenne et le Maroc.

Je souhaiterais savoir si la présidence française va encourager, dans les prochaines semaines, la conclusion de cet accord.

Il est indispensable, Monsieur le Président du Conseil, que la présidence française encourage cette dernière ligne droite car le commissaire Fischler n'a pas l'imagination méditerranéenne nécessaire pour pouvoir parvenir à un accord. Il est plus ardu pour lui de trouver le succès dans une question typiquement méditerranéenne que pour Pitres, village grenadin des Alpurrajas, d'obtenir son port et je dirais même plus, l'expansion de son port.

Ceci étant, ma question est de savoir si la présidence française, qui a de la volonté et de l'imagination, rendra possible cet accord de pêche, nécessaire après onze mois de mise à quai. L'Andalousie et la Galice, régions de l'objectif 1, en ont besoin et nombreux sont les Européens de la mer et du continent qui l'attendent.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Je ne sais pas, d'autant que ce n'est pas exactement un méditerranéen qui négocie cet accord de pêche, mais le commissaire pour l'agriculture et la pêche, Franz Fischler. Mais je ne doute pas qu'il fera pour autant preuve d'imagination. Ma réponse ne se voulait pas tellement empreinte d'optimisme ou d'espoir, mais surtout elle indique une volonté, celle de la présidence française de l'Union européenne, à savoir que nous souhaitons pouvoir conclure un accord, un bon accord.

Qu'est-ce qu'un bon accord ? C'est un accord qui soit respectueux des idées communautaires, qui soit soucieux des intérêts de l'ensemble des régions de l'Union européenne, et j'ai bien entendu les soucis que vous avez exprimés et qui permettent en même temps de parvenir à trouver de bons termes d'entente avec le Maroc. C'est à cela que nous nous employons et c'est dans cette ligne-là et dans aucune autre que nous allons nous engager.

 
  
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  Nogueira Román (Verts/ALE). - (ES) Monsieur le Président, je poserai une question, ne vous inquiétez pas. Permettez-moi toutefois de dire que M. Fischler n'est ni un méditerranéen ni un Atlantique et, qui plus est, nous avons, par malheur, un Directeur général de la pêche originaire du nord de l'Atlantique, qui a pris connaissance des problèmes de la pêche à l'occasion de sa récente nomination à ce poste. À cet effet, la question que je poserai à M. le Ministre est la suivante : la proposition émanant du Maroc vise, en principe, à réduire de 25 % au moins la flotte en provenance de Galice, d'Andalousie, des Canaries et du Portugal qui exercent dans les eaux marocaines. L'accord que le Maroc propose aurait une durée de deux ans au lieu de cinq et il veut, en outre, que l'Union européenne continue à lui verser les 21 milliards de pesetas qu'elle lui verse actuellement. Permettez-moi de dire que la volonté politique manifestée dans la pratique - pas dans la théorie - par les négociateurs communautaires fut inexistante ou, en tout cas, insuffisante. Et c'est pour cette raison que je tiens à manifester mon scepticisme quant au résultat. Je souhaiterais savoir M. le Ministre : pensez-vous qu'il est admissible de négocier la réduction que je viens de mentionner et le maintien du coût que représente pour l'Union européenne l'accord avec le Maroc ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Ma réponse sur les origines nordiques ou méditerranéennes était une réponse à une boutade du président, c'était une boutade elle-même. Le commissaire est en charge de l'agriculture et de la pêche, au nom de toute l'Union européenne, peu importe qu'elle vienne du sud, du nord, du centre ou de l'est.

Je peux simplement vous rappeler ce qu'a été le développement des négociations en matière de pêche. Le commissaire Fischler s'est entretenu avec les plus hautes autorités marocaines à différentes occasions. Deux réunions techniques se sont tenues à Rabat le 25 juillet 2000 et à Bruxelles les 27 et 28 septembre 1999. Lors de ces réunions techniques, la délégation communautaire, conduite par le directeur général Smith, a présenté les actions qu'elle pouvait envisager dans le cadre d'un nouveau partenariat de pêche avec le Maroc, afin de favoriser le développement du secteur de pêche marocain.

Elle a aussi essayé de préciser un calendrier des négociations. À cette occasion, force est de reconnaître que la partie marocaine n'a pas répondu à l'offre communautaire. L'impression, ressentie par nous, d'enlisement des négociations a amené le commissaire Fischler à demander une nouvelle réunion avec le Premier ministre Youssoufi, le 16 octobre 2000. Il a rencontré le roi Mohammed VI, le Premier ministre Youssoufi et le nouveau ministre des pêches maritimes, M. Chbaatores. Ces rencontres semblent avoir enfin lancé les négociations et une nouvelle réunion avec une délégation marocaine a eu lieu le 30 octobre 2000. C'est donc tout récent. C'est pour cela que je crois qu'il faut fixer un cap, ne pas faire preuve d'un optimisme excessif, mais ne pas non plus faire preuve d'un pessimisme déraisonnable.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 13 de Neil MacCormick (H-0854/00) :

Objet : Droits fondamentaux et justice pénale

Le Conseil sait-il que les conditions de détention préventive des camionneurs étrangers arrêtés dans les ports de la Manche (côté anglais) vont en fait à l'encontre des conditions fixées par la Convention européenne des droits de l'homme en ce qui concerne les arrestations et le droit à un procès équitable ? Le Conseil sait-il que le système de droit pénal portugais suscite également une profonde inquiétude ? Dans ces conditions, le Conseil a-t-il l'intention de reporter toutes les propositions relatives à la reconnaissance mutuelle des arrêts dans les affaires pénales jusqu'à ce que les conditions minimales en matière de droits de l'homme soient pleinement respectées par tous les États membres ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Monsieur le Président, Monsieur le Député, il n'appartient pas au Conseil de se prononcer sur les comportements mentionnés par l'honorable parlementaire, des comportements constatés sur le territoire de l'un ou l'autre des États membres et qui seraient contraires aux principes énoncés dans la Convention européenne des droits de l'homme signée et ratifiée par chacun de ceux-ci.

S'agissant de la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere, il convient de noter que ce principe doit permettre le renforcement de la coopération des États membres, mais aussi de la protection des droits des personnes. Le principe d'une reconnaissance mutuelle des décisions pénales suppose une confiance réciproque des États membres dans leurs systèmes de justice pénale. Cette confiance reposera précisément sur des standards minimaux, en matière de procédure notamment, dont l'adoption constitue un préalable à la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle.

Les États membres de l'Union européenne ont en commun l'attachement aux principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'État de droit. C'est en restant attentif à ces valeurs inscrites dans le traité sur l'Union européenne que le Conseil poursuivra ses travaux en matière de reconnaissance mutuelle des décisions pénales.

 
  
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  MacCormick (Verts/ALE). - (EN) Monsieur le Président, j'ai sur ma tablette un document qui a été présenté à un habitant de ma circonscription dans la prison de Longuenesse, dans le nord de la France, trois mois après sa première mise en détention pour avoir été soupçonné d'un délit en matière de drogue. Ce document est rédigé en français - aucune traduction ni interprétation n'a été fournie à la personne en question. Cela fait maintenant cinq mois qu'il est incarcéré. J'ai une lettre rédigée par la sœur d'un autre habitant de ma circonscription dans laquelle elle attire mon attention sur le fait que son frère est incarcéré depuis le 28 avril 2000 pour des faits similaires.

On ne permet pas à ces prisonniers de choisir leur avocat. On leur assigne un avocat commis d'office qui se déplace rarement pour leur rendre visite ou leur expliquer les charges qui pèsent sur eux.

Ce sont des citoyens d'Écosse, où, après 110 jours de détention, toute personne accusée d'avoir commis un délit doit soit être jugée, soit être libérée et ne plus jamais être accusée de ce délit. Nous ne disposons pas des mêmes normes en matière de justice au sein de l'Union européenne et, puisque les normes divergent à ce point et que l'article 6 de la Convention des droits de l'homme n'est nullement respecté, il est inacceptable de poursuivre l'examen des propositions du Conseil.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Oui, je voulais simplement répondre que c'est justement parce que nous y sommes sensibles qu'un programme de mesures destinées à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales est possible. C'est bien de cela dont il est question.

 
  
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  MacCormick (Verts/ALE). - (EN) Monsieur le Président, c'est une motion de procédure : il reste vingt minutes avant la fin de l'heure des questions et, étant donné qu'il y a très peu de députés présents, nous ne risquons pas d'être en retard. Je vous demande de faire en sorte que deux questions complémentaires puissent être posées.

 
  
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  Le Président. - Les questions complémentaires doivent être formulées par d'autres députés. Vous avez reformulé votre question conformément au règlement.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 14 de Mihail Papayannakis (H-0855/00) :

Objet : Politique énergétique de l'Union européenne

Le membre de la Commission responsable de l'énergie a récemment déclaré que la question énergétique en Europe ne correspond pas à une responsabilité communautaire mais bien nationale. Au début des discussions préparatoires à la conférence intergouvernementale de 1996-1997, il avait été proposé d'incorporer dans le traité d'Amsterdam des dispositions spécifiques qui ouvriraient la voie à une politique énergétique commune. Cette proposition avait été rejetée par les Quinze, comme cela avait déjà été le cas pour le traité de Maastricht. Certes, des activités sont consacrées à ce secteur (livre blanc, programme SAVE, octroi d'un milliard d'euros dans le contexte du 5e programme-cadre de recherche et de développement technologique, énergies de substitution, etc.), qui n'empêcheront toutefois pas l'augmentation de la dépendance énergétique globale de l'Union (gaz, pétrole, charbon et uranium confondus) dans l'avenir, comme l'indiquent toutes les prévisions en la matière. Dès lors que l'évolution du marché pétrolier impose à l'Union de se doter d'une politique plus dynamique dans le secteur énergétique, de quelle façon le Conseil pense-t-il parvenir à réduire la dépendance de l'économie européenne à l'égard du pétrole ? Des mesures concrètes ont-elles été prises (sécurité des approvisionnements, efficacité énergétique) pour rendre l'économie des États membres moins sensible aux crises extérieures ? Quels sont les moyens et les priorités du Conseil à court, moyen et long terme, s'agissant du rendement énergétique et des économies d'énergie ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Le Conseil est conscient de l'importance croissante de la dépendance énergétique globale de l'Union européenne et rappelle à l'honorable parlementaire ses conclusions de mai 2000.

Dans ce contexte, le Conseil accorde la plus grande priorité à la poursuite de ses travaux dans les domaines suivants : promotion des sources d'énergie renouvelable, efficacité énergétique, sécurité d'approvisionnement énergétique et diversification des sources d'énergie.

En ce qui concerne le dossier des énergies renouvelables, une proposition relative à la promotion de l'électricité provenant de ce type d'énergie occupe actuellement les instances compétentes du Conseil, afin de parvenir à un accord lors de la prochaine session du Conseil en décembre, pour autant que le Parlement européen ait rendu son avis en temps utile.

Quant à l'efficacité énergétique, la Commission a présenté un plan d'action lors de la session du Conseil de mai dernier. Sur la base de ce plan, le Conseil devrait adopter, en décembre prochain, des conclusions contenant une liste d'actions prioritaires qui devraient permettre à la Commission d'évaluer les thèmes pour lesquels les États membres souhaitent des mesures communautaires ou, au contraire, préfèrent se limiter à des mesures coordonnées.

Par ailleurs, la Commission, dans la communication qu'elle a adoptée le 4 octobre 2000 sur l'approvisionnement pétrolier de l'Union européenne, indique qu'elle entend présenter, au Conseil européen de Göteborg, un plan d'économies énergétiques et de diversification des sources d'énergie qui devrait contribuer à renforcer l'efficacité énergétique, particulièrement dans les bâtiments et les transports.

Pour ce qui est de la sécurité de l'approvisionnement énergétique, la Commission a l'intention de présenter, dans le courant du mois de novembre 2000, un Livre vert sur l'avenir et la place des différentes sources d'énergie dans le cadre d'une meilleure sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Union européenne. Cette communication abordera aussi bien l'énergie nucléaire que les énergies renouvelables. Dès sa transmission, le Conseil ne manquera pas de lui accorder la plus grande priorité. La présidence a d'ailleurs convoqué une conférence sur la sécurité des approvisionnements, à Paris, le 24 novembre 2000.

 
  
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  Papayannakis (GUE/NGL). - Monsieur le Président en exercice du Conseil, je ne vous cache pas que le but de ma question était d'abord de disposer d'une liste de projets et d'un calendrier. Vous les avez présentés et je vous en remercie, mais c'était aussi pour voir si vous pouviez donner des informations ou des estimations que le Conseil pourrait avancer, peut-être, vers une coopération renforcée, vers une sorte de communautarisation de la politique énergétique, étant donné, comme on l'a vu récemment lors de la récente crise, que les pays membres avancent en rangs dispersés et se font concurrence entre eux, tant pour les approvisionnements que pour les prix, et que le résultat est plutôt minable pour l'ensemble de l'Europe.

Je ne vous cache pas aussi que je cherchais peut-être des idées. Certains collègues ont proposé - et j'y souscris aussi - de disposer d'informations, d'intentions qui iraient par exemple dans le sens d'une politique qui imposerait l'euro comme moyen de paiement du pétrole dans certains pays. Ce sont ces questions-là surtout qui m'intéressent et qui intéressent beaucoup je pense, tous les citoyens de l'Union, parce que ce n'est pas seulement une question de dépendance quantitative, c'est aussi une dépendance économique et financière.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Il s'agit là de suggestions intéressantes et qui méritent un débat, mais je ne peux pas répondre au nom du Conseil ici. Je crois effectivement que sur les questions énergétiques en général nous devons rechercher les conditions d'une meilleure expression commune, car il s'agit effectivement de problèmes qui devraient être traités à tout le moins en coordination au sein de l'Union européenne.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 15 de Konstantinos Alyssandrakis (H-0858/00) :

Objet : Nouveau projet de loi des États-Unis visant le décret d'embargo contre Cuba

Un projet de loi en cours de vote au Congrès des États-Unis a soulevé une tempête de protestations à Cuba, certes, mais aussi dans plusieurs pays européens. Sous prétexte de lever l'interdiction faite aux industriels américains de vendre des produits de première nécessité, des médicaments et du matériel médical à Cuba, ce projet durcit en fait l'embargo et multiplie les obstacles aux échanges : renforcement des restrictions relatives aux voyages de ressortissants américains à Cuba, réglementation - inacceptable au regard des règles du commerce international - concernant la non-garantie des ventes par des institutions ou des banques américaines, obligation de garantie desdites ventes par des pays tiers et paiement au comptant.

Quelles initiatives le Conseil compte-t-il engager pour arrêter la procédure de vote du projet de loi en question, lequel contrevient aux règles du commerce international ? Quelles mesures envisage-t-il de prendre en faveur de la levée intégrale de l'embargo décrété contre Cuba et du rétablissement d'échanges commerciaux normaux entre ce pays et le reste du monde, dont les États membres de l'Union européenne ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - Les mesures auxquelles se réfère l'honorable parlementaire figurent dans le projet de loi budgétaire signé par le président Clinton le 28 octobre 2000. La position de l'Union sur les mesures extraterritoriales décrétées par les États-Unis n'a pas changé. Je crois qu'elle est bien connue des membres du Parlement européen. L'Union saisit chaque occasion pour la rappeler aux États-Unis. Il faut cependant constater, avec regret, que le gouvernement américain n'a pas encore donné suite à ses propres engagements dans le contexte de l'accord conclu au Sommet de Londres en mai 1998. Nous invitons le gouvernement américain à le faire, car nous considérons qu'il s'agit là d'un point essentiel de la solution de ce différend.

L'objectif de l'Union européenne concernant Cuba, tel qu'il a été établi dans la position commune sur Cuba, adoptée par le Conseil le 2 décembre 1996, consiste à encourager un processus de transition pacifique vers le pluralisme démocratique, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'un relèvement et une amélioration durable du niveau de vie du peuple cubain. Inciter le régime cubain à rendre la législation cubaine, ainsi que sa mise en œuvre, conformes aux normes internationales relève également de cet objectif.

Dans cet esprit, nous avons lancé, lors du vote de la résolution sur l'embargo, dans le cadre de la troisième commission de l'Assemblée générale des Nations unies le 9 novembre dernier, un appel aux autorités cubaines pour qu'elles coopèrent pleinement avec les organismes internationaux qui défendent les droits de l'homme. L'Union européenne relève avec satisfaction que Cuba a continué à être très actif dans différents forums internationaux et régionaux. Elle reconnaît aussi que des mesures ont été prises par le gouvernement cubain pour mieux intégrer économiquement son pays dans la région. L'Union marque la nécessité d'une ouverture progressive et irréversible de l'économie cubaine vers l'extérieur. Elle affirme son souhait d'être le partenaire de Cuba dans ce processus.

Enfin, l'Union européenne prend note avec préoccupation des constatations sur place des agences et programmes des Nations unies. Elle déplore les conséquences négatives, et souvent dramatiques, de l'embargo économique américain pour la population cubaine, en particulier pour les femmes et les enfants.

 
  
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  Alyssandrakis (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président en exercice, je vous remercie de votre réponse. Pendant que vous répondiez, je me suis retenu de faire des commentaires sur le fait qu’à Cuba, les droits de l’homme et les libertés fondamentales ne sont pas respectés. Bien entendu, vous vous doutez bien que je ne suis pas d’accord avec ce point de vue, mais, d’une façon ou d’une autre, je considère qu’un tel jugement constitue une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. Et, à vous entendre, je me demande s’il y a finalement une différence entre l’objectif final de la politique de l’Union européenne et l’objectif final de la politique américaine à l’égard de Cuba. Il me semble que toutes deux souhaitent le renversement du régime socialiste de ce pays.

 
  
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  Moscovici, Conseil. - C'est drôle comme il peut y avoir des problèmes de traduction car je n'ai pas le sentiment que ce soit du tout ce que j'ai dit. J'ai rappelé les divergences très claires entre les États-Unis et l'Europe sur les mesures extraterritoriales décrétées par les États-Unis. J'ai relevé avec satisfaction, au nom du Conseil, que Cuba a continué à être très actif dans différents forums internationaux et régionaux. J'ai reconnu que des mesures ont été prises par le gouvernement cubain pour mieux intégrer économiquement son pays dans sa région et j'ai réaffirmé le souhait, qui était celui de l'Europe, d'être le partenaire du Cuba dans ce processus. Enfin, j'ai rappelé que l'Union européenne prenait note avec préoccupation des observations faites sur place par les agences et programmes des Nations unies et déplorait donc les conséquences négatives et souvent dramatiques de l'embargo économique américain pour la population cubaine. Donc, j'ai dit un peu l'inverse de ce que vous venez de dire.

Et en même temps, je dois vous rappeler la position de l'Union européenne envers Cuba, telle qu'elle a été fixée par le Conseil, le 2 décembre 1996, qui est d'encourager un processus de transition pacifique vers le pluralisme démocratique, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'un relèvement et une amélioration durable du niveau de vie du peuple cubain ; il n'y a donc pas de prise de position par rapport à la nature du régime mais peut-être un certain nombre d'encouragements ou d'incitations à l'évolution des pratiques de ce régime.

Si vous ne voyez pas de différence entre cela ou telle ou telle autre position, c'est peut-être qu'il y a certaines incompréhensions éventuellement volontaires.

 
  
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  Le Président. - J'appelle la

question n° 16 de Efstratios Korakas (H-0859/00) :

Objet : Violation des droits souverains de la Grèce par la Turquie

La Turquie a contesté de facto les droits souverains de la Grèce : elle a intercepté des aéronefs grecs qui participaient à l’exercice Destined Glory de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, n’a respecté ni la région d’information de vol (FIR) grecque des dix milles ni les couloirs aériens à l’aplomb de Limnos et d’Icarie, est passée outre l’avis du service juridique de l’OTAN et a dérogé aux plans d’exercice établis par l’état-major allié, ce qui a conduit les autorités grecques à retirer leurs troupes.

Que pense le Conseil de cette mise en cause des droits souverains d’un État membre de l’Union dans le contexte d’un exercice de l’OTAN ? Envisage-t-il d’intervenir auprès du gouvernement turc pour obtenir de celui-ci qu’un terme soit mis à de telles provocations ? Si tel est le cas, de quelle façon ? Quelles seront les conséquences desdites provocations pour les relations entre l’Union et la Turquie, s’agissant notamment de la PESC, dès lors que ce pays figure parmi les candidats à l’adhésion ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - En ce qui concerne l'incident ayant impliqué des aéronefs grecs et turcs pendant l'exercice Destined Glory, il est à souligner que celui-ci se situe dans le cadre d'un exercice de l'OTAN entre deux membres de l'Alliance atlantique. Il appartient donc à l'OTAN de prendre les dispositions qu'elle jugera nécessaire pour que de tels faits ne puissent se reproduire. Cet incident n'a d'ailleurs pas été évoqué au sein du Conseil de l'Union européenne.

Sur le fond des litiges opposant, en mer Égée, la Turquie et la Grèce, le Conseil rappelle les conclusions du Conseil européen d'Helsinki qui insistent sur le principe du règlement pacifique des différends, conformément à la Charte des Nations unies, et qui invitent instamment les pays candidats à tout mettre en œuvre pour régler leurs différends frontaliers éventuels, ainsi que d'autres questions du même ordre. À défaut, ils devraient porter leurs différends devant la Cour de justice dans un délai raisonnable. D'ici à la fin 2004, au plus tard, le Conseil européen fera le point de la situation en ce qui concerne les différends qui subsisteraient, en particulier pour ce qui est de leurs implications sur le processus d'adhésion et afin de promouvoir leur règlement par le biais de la Cour internationale de justice.

D'une manière générale, les questions relatives au règlement des différends gréco-turcs font partie du dialogue de politique renforcée dans le cadre de la stratégie de pré-adhésion pour la Turquie et du partenariat d'adhésion que la Commission vient de proposer et que la présidence française du Conseil - je le confirme - souhaite faire adopter rapidement. Par ailleurs, le Conseil se félicite du fait que les ministres des Affaires étrangères turcs et grecs, lors de leur rencontre à Budapest, le 31 octobre dernier, se soient mis d'accord pour poursuivre la mise en place de mesures de confiance dans le cadre de l'OTAN et sur le plan bilatéral.

 
  
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  Korakas (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, tout d’abord, nous estimons inadmissible que, ainsi que l’a dit M. le président en exercice, le gouvernement grec n’ait pas porté la question devant le Conseil, malgré les protestations justifiées qui se sont élevées en Grèce.

Deuxièmement, dans sa réponse, le Conseil, à l’instar de Ponce Pilate, renvoie la question devant l’OTAN, sans prendre position face à la contestation provocante des droits fondamentaux de la Grèce par la Turquie, contestation qui s’est manifestée, cette fois-ci, à l’occasion d’un exercice de l’OTAN. Le Conseil ne comprend-il pas qu’il s’agit d’un problème politique par excellence et qu’il est inadmissible qu’il se tienne à égale distance de la victime et du bourreau ?

De même, chacun sait que la Turquie conteste la FIR grecque des 10 milles et de l’espace aérien au-dessus de Lemnos et d’Icarie, alors que ces questions ont été réglées, non seulement par les traités de Lausanne et de Montreux, mais aussi par les traités intergouvernementaux Turquie-Italie, Italie-Grèce.

Troisièmement, il ne tient pas compte du conseil juridique de l’OTAN, qui a rendu un avis en faveur des droits de la Grèce, mentionnés ci-dessus, conformément aux traités internationaux, même si, par la suite, l’OTAN, sous la pression de la Turquie, a modifié son exercice au dernier moment. Le conseil juridique même de l’OTAN !

Quatrièmement, enfin, ne croit-il pas qu’une telle réponse encourage la Turquie, candidate à l’adhésion à l’Union européenne, à poursuivre sa politique de contestation des droits fondamentaux de la Grèce, pays membre de l’Union européenne, en reconnaissant indirectement qu’il y a des problèmes de frontières qui sont résolus, comme nous l’avons dit, sur la base de traités internationaux ?

 
  
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  Moscovici, Conseil. - J'ai rappelé ce que le Conseil avait fait ou pas fait, ce qu'il devait faire, ou croyait devoir faire, mais pour le reste, je crois que nous avons maintenant un cadre pour traiter ces problèmes particuliers, à savoir les conclusions d'Helsinki, dont je rappelle qu'elles sont notre règle commune car elles ont été adoptées - cela va de soi - à l'unanimité de tous les États membres. C'est là le mandat que se fixe le Conseil pour la suite de l'examen de cette candidature, qui a déjà fait l'objet aujourd'hui d'un débat long et approfondi.

 
  
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  Le Président. - Je tiens à signaler, chers députés - et bien que vous soyez peu nombreux je ferai une déclaration solennelle -, que pour la première fois au cours de cette législature nous avons eu le temps de terminer l'heure des questions. Je ne sais pas si cela plaira à tout le monde mais il s'agit d'un fait pratiquement historique dont nous prenons bonne note.

L'heure des questions au Conseil est close.

(La séance, suspendue à 18h55, est reprise à 21h00)

 
  
  

PRÉSIDENCE DE M. IMBENI
Vice-président

(2)

 
  

(1) Réponse orale du 5.9.2000.
(2) Ordre du jour : cf. procès-verbal.


9. Aide à la reconstruction (suite)
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  Le Président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion commune sur l'aide à la reconstruction.

 
  
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  Folias (PPE-DE). - (EL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers confrères, la Commission devra tout d’abord appliquer à ses propositions les conclusions de Feira. Pour nous tous qui nous trouvons dans l’Union européenne et qui sommes supposés y occuper un poste de responsabilité, se présente un grand défi. Je considère qu’aujourd’hui, nous avons l’occasion historique de prouver que nos actes coïncident à la manifestation de bonnes intentions à l’égard des Balkans occidentaux. Les fonds qu’il faudrait mobiliser pour les Balkans devraient rappeler, en qualité et en quantité, un nouveau plan Marshall ; être suffisants pour pouvoir constituer le tremplin d’un nouveau départ pour les pays des Balkans occidentaux. Et il faudrait garder à l’esprit que les pays des Balkans occidentaux ne sont pas des pays tiers, mais des pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne et que nous nous devons de les considérer en tant que tels.

Il est vrai que l’Union européenne est souvent accusée, lorsqu’elle promet de l’aide à des pays qui ont été frappés par diverses calamités ou catastrophes, de tarder à tenir, à concrétiser ces promesses économiques, si bien qu’elle donne l’impression de regretter les promesses qu’elles a faites ; ou encore, lorsqu’elle accorde effectivement ces sommes d’argent, on estime que c’est trop tard. Heureusement, il se trouve une lumineuse exception à cette règle, qui, c’est vrai, est bien la règle. Cette exception, c’est le Bureau de reconstruction dont le siège se trouve à Thessalonique et le centre opérationnel au Kosovo. D’une part, ce bureau est conforme à la décision de la Commission de décentraliser ; d’autre part, il présente d’excellents résultats de gestion dans la tâche qu’il accomplit. Fait notable, il a déjà signé des contrats couvrant 90 % du budget de 2000. Il a déjà décaissé environ 30 % des sommes mises à disposition pour 2000. Et encore quelque chose de jamais vu : pour l’année 2001, il a demandé une réduction des dépenses destinées aux salaires. Je propose donc, Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, non seulement de laisser ces personnes, qui montrent un zèle si remarquable, faire leur travail comme elles l’entendent, non seulement de ne pas perturber la manière dont fonctionne ce bureau, sans omettre, bien sûr, de lui donner la responsabilité pour la République fédérale de Yougoslavie et d’autres régions, s’il en est besoin, mais aussi de leur demander de transmettre leur savoir à d’autres comités dont nous connaissons fort bien le mauvais fonctionnement, l’inefficacité et les résultats dérisoires. Je veux donc croire que, par ces avis, nous pourrons offrir quelque chose de mieux à cette région, si douloureusement mise à l’épreuve.

 
  
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  Swoboda (PSE) . - (DE) Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs les quelques Députés, qui avez trouvé le chemin de cet hémicycle, je voudrais avant toute chose féliciter cordialement les rapporteurs, et en particulier le rapporteur ici présent, pour son travail et pour la très bonne collaboration.

L'orateur qui a pris la parole avant moi a parlé d'une sorte de plan Marshall pour cette région, et je crois qu'il a raison. Quand on parle d'argent, ceux qui donnent cet argent ont tout de même le privilège de définir clairement les objectifs politiques, et c'est ce que le commissaire a toujours fait. Aujourd'hui, je voudrais cependant, une nouvelle fois, retracer brièvement ces objectifs politiques, au nom de mon groupe.

Premièrement, dans cette région, nous sommes toujours, trois fois hélas, dans la même situation : les droits de l'homme et les droits des minorités ne sont pas assez respectés. C'est un fait. Notre premier objectif doit donc être d'apporter de l'aide là où nous le pouvons, et là où nous voyons la volonté d'accepter à l'avenir, de manière plus forte, les droits de l'homme et les droits des minorités.

Deuxièmement, dans cette région, les accords internationaux sont toujours remis en question, y compris les accords de Dayton. Si je pense à la campagne électorale de Bosnie-Herzégovine, l'une des scènes les plus tristes à laquelle on ait assisté durant ce processus électoral a été de voir des hommes politiques importants prendre leurs distances par rapport à Dayton, mais non, comme ils le disaient, parce qu'ils voulaient aller plus loin et stabiliser davantage la situation. Ils ont pris leurs distances par rapport à Dayton dans le sens de la déstabilisation. Ici, il faut dire clairement non. Au respect des accords internationaux - y compris ceux de Dayton -, s'ajoute aussi la coopération avec le Tribunal de La Haye. Nous devons être déterminés - même si nous devons faire preuve de tolérance - y compris face à M. Kostunica, que nous accueillerons dans cette enceinte demain, et aux nouvelles autorités yougoslaves. Il y a quelques signaux positifs, mais ce n'est certainement pas assez.

Troisièmement, pas de modification unilatérale des frontières. Cela vaut pour le Monténégro, et aussi pour le Kosovo. Ici aussi, nous devons parler clairement et d'une seule voix. Je veux dire aussi que nous devons donner une chance à la nouvelle Yougoslavie. J'espère qu'elle la saisira. Je n'exclus pas les modifications de frontière, mais je veux clairement les exclure si elles sont décidées unilatéralement ; par qui que ce soit. De telles modifications ne peuvent avoir lieu que sur la base d'accords.

Quatrièmement, et ce point est très important pour nous, de nouvelles frontières ont été érigées, mais il y a ceux qui, en permanence, les traversent allègrement, je veux parler des organisations criminelles, avec leurs activités criminelles. Celles-ci ne reconnaissent pas les frontières. Nous devons combattre les activités illégales transfrontalières, que ce soit dans le domaine du trafic de drogues, de la coopération transfrontalière ou de la traite d'êtres humains.

Les frontières sont là pour être abolies, mais pas par les activités criminelles, qui prennent dans cette région des proportions qui dépassent malheureusement celles que l'on peut observer dans d'autres secteurs. Ce sont ces objectifs, que nous définissons maintenant et que nous dotons d'instruments et de moyens financiers, qui devront être atteints. Je crois que la Commission et le Conseil sont aussi d'avis que nous atteignions cet objectif en toute logique avec nos moyens financiers. Nous ne devons d'ailleurs pas dépenser notre argent si la volonté d'atteindre les objectifs fait défaut !

 
  
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  Souladakis (PSE). - (EL) Monsieur le Président, demain, le nouveau président de la République fédérale de Yougoslavie, M. Kostunica, viendra parler dans notre Parlement. Cette présence, en principe, peut ouvrir une nouvelle perspective pour l’ensemble de la politique que nous menons. Ma deuxième observation est que les précédents orateurs ont dit, à regret, que c’est l’Union européenne qui paie, mais c'est l’Amérique qu’on écoute. C’est bien logique, puisque c’est l’Amérique qui a posé des actes politiques en Bosnie par le biais de l’accord de Dayton, puisque c’est l’Amérique encore qui a posé des actes politiques au Kosovo, en prenant l’initiative des bombardements ou d'autres choses.

Qu’est-ce que cela signifie pour nous ? Que la politique doit avoir la préséance ou, en tout cas, suivre une voie parallèle pour poursuivre des objectifs politiques. Quels doivent être ces objectifs politiques ? Il est clair que la part institutionnelle, le bon fonctionnement de la démocratie, est une priorité dans toute la région. Parce que ce bon fonctionnement de la démocratie créera les conditions propices au respect des minorités des diverses régions. Ce bon fonctionnement agira en faveur de la normalité dans la région. Cependant, il doit prendre appui sur des individus. Nous devons voir que, dans bien des cas, les personnes qui se sont mises au service de certains desseins durant cette période transitoire, n’étaient pas les porte-parole sains de la vie politique dans la région. En ce sens, il nous faut réviser notre conception des personnes, des choses et des situations.

La deuxième question que j’aimerais aborder est ce qui a trait à la stratégie dans la région. Il est plus qu’évident que l’unification des politiques, avec les perspectives économiques et institutionnelles qu’elle entraîne, est un développement positif. Toutefois, pour que les développements positifs aient un résultat, ils doivent avoir un horizon et une portée stratégiques. De ce point de vue, je considère que la réactivation d’une question, close depuis près d’un an, depuis le rapport Pack, au sujet du siège de l’Agence pour la reconstruction, n’offre rien de positif. Il conviendrait que M. le commissaire Patten, qui possède une grande expérience - pour ne pas dire sagesse - dans le traitement des crises internationales, et qui, de plus, a visité diverses régions de la péninsule balkanique, se rende au siège de l’Agence pour la reconstruction, à Thessalonique, pour voir comment fonctionne ce service. En ce sens, je suis d’accord avec tout ce qu’a dit mon confrère, M. Folias, et je joins ma voix à la sienne.

En tout cas, finies les jérémiades, nous passons à la phase positive. Le rapport Lagendijk, même si j’en ai critiqué un point, est un très bon texte, de même que la proposition de la Commission. Je crois qu’ils forment un cadre d’initiatives politiques dont il convient de poursuivre l'élaboration, afin que nous puissions y apporter de nouvelles conceptions. Nous devons voir cette région comme une région de l’Europe, non pas comme une région d’antagonismes entre les États et les politiques nationales de l’Europe et de l’Amérique. Si nous considérons la région comme une région d’antagonismes politiques en puissance, nous ferons fausse route. Quoi qu’il en soit, je considère que nous sommes sur la bonne voie.

 
  
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  Gawronski (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier les rapporteurs pour les excellents rapports présentés aujourd'hui. Le message que le Parlement lance avec ces documents est clair et ferme. J'espère que la Commission et le Conseil l'entendront avec l'intérêt qu'il se doit et modifieront les deux règlements de manière appropriée.

Nous sommes tous conscients de l'importance que l'aide de l'Union européenne revêt pour la région des Balkans. La restauration d'un système politique démocratique en Serbie constitue le début d'un nouveau chapitre. L'Union européenne doit toutefois être protagoniste de cette nouvelle phase, et plus seulement une observatrice passive, comme cela a été le cas jusqu'ici. Notre intervention économique et technique doit être considérable et efficace, c'est le moins que l'Union puisse faire pour assurer un avenir stable à la région et à tout notre continent. Nous devons savoir que le chemin de la paix dans les Balkans est encore long et qu'il subsiste encore des points de friction potentiels qui risquent de nous rejeter dans le passé. Mais cette région, la région la plus tourmentée d'Europe, n'a jamais été aussi remplie d'espoir qu'aujourd'hui. Le régime quasi-despotique croate a été remplacé par un régime démocratique et pro-occidental. Les pays fragiles entourant ce qui reste de la Yougoslavie sont parvenus à survivre à la crise et même plus : la Bulgarie, l'Albanie et la Macédoine ont également accompli des progrès économiques.

Dans le jeu des subtils équilibres qui gouvernent aujourd'hui la région balkanique, la responsabilité de l'Union européenne est grande, énorme, et si nous parlons d'Union, nous parlons des États membres mais aussi de la Commission européenne et du Parlement. Les États membres font de grandes déclarations d'intentions qui doivent cependant être suivies d'un engagement financier concret. La Commission européenne doit assumer la responsabilité du bon fonctionnement de ces programmes, tel est le premier objectif des deux rapports mis aux voix demain. Le Parlement doit être consulté et informé régulièrement ; voilà la seconde requête des rapporteurs, requête que nous devrions tous soutenir.

 
  
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  Schröder, Ilka (Verts/ALE) . - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la Commission et le Parlement ont, dans les textes présentés, chiffré à 4 milliards d'euros les dommages de guerre résultant, rien qu'en Serbie, et non au Kosovo, des bombardements de l'Otan. Les deux institutions ont ainsi indirectement reconnu qu'elles avaient une part de dette matérielle dans cette guerre. L'Otan prétendait intervenir pour abréger davantage les souffrances. Et pourtant, cette guerre a fait bien plus de réfugiés, de morts et de blessés qu'il n'y en a eu durant les 12 mois, soi-disant décisifs, qui ont précédé l'action militaire de l'Otan. La région n'a-t-elle pas été déstabilisée, de façon décisive, avant tout par la guerre menée par l'Otan ? Enfin, l'attaque de l'Otan dans les Balkans a servi de moyen de légitimation de la nouvelle stratégie de l'Otan et de sa politique d'autodécision.

Afin de montrer que l'on reconnaît les dommages de guerre occasionnés et le fait que la situation a subi une escalade avec l'intervention de l'Otan, il ne faut pas calculer le coût des dommages de guerre à moitié, mais dans sa totalité. L'Union européenne ne devrait donc surtout pas mettre des crédits à disposition, elle devrait verser des sommes en réparation des dommages de guerre qu'elle a elle-même causés - et cela concerne surtout les États membres qui sont membres de l'Otan.

 
  
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  Patten, Commission. - (EN) Ce débat fut excellent, même si, à cette heure tardive, l'Assemblée ne compte plus que quelques habitués. Il est néanmoins toujours agréable de voir dans cet hémicycle des têtes que l'on connaît.

Je n'ai pas l'intention d'aborder les sujets évoqués précédemment par le ministre dans les remarques qu'il a faites concernant le Sommet de Zagreb. Je souscris totalement à tous les objectifs qu'il a exposés. Ce Sommet se déroule dans des conditions tant soit peu meilleures que nous ne l'imaginions peut-être au moment où la présidence le préparait.

Je voudrais parler surtout des règlements. Mais je tiens avant tout à remercier l'Assemblée pour l'excellente qualité et la rapidité de son travail lors de l'examen de ces deux propositions de règlement. Je voudrais féliciter les rapporteurs des commissions concernées : tout d'abord, M. Westendorp y Cabeza, qui possède une solide expérience sur le terrain dans ces domaines en Bosnie, ainsi que M. Lagendijk, avec qui nous menons un dialogue régulier sur l'Europe du Sud-Est. Voilà au moins un autre être humain avec qui je peux me targuer d'avoir lu ce qu'a écrit Misha Glenny sur les Balkans. Je souhaite également remercier les députés Staes, Färm et Gargani pour la qualité de leurs rapports et de leurs avis.

Ces deux propositions répondent à deux priorités clés de l'Union : fournir une aide à l'Europe du Sud-Est et fournir cette aide aussi rapidement et efficacement que possible. Les Conseils européens de Lisbonne et de Faro ont souligné l'importance qu'attache l'Union à l'intégration de cette région dans le courant économique et politique dominant de l'Europe. Notre politique pour arriver à cette intégration consiste en un processus de stabilisation et d'association. Bien sûr, par le biais de ce processus, l'Union européenne apporte une contribution de premier plan au pacte de stabilité. Les chefs de gouvernement ont également confirmé la détermination de l'Union à soutenir ce processus au moyen d'une assistance technique et économique. Le retour de la démocratie en Serbie, rendu possible grâce à la détermination et au courage du peuple et des forces démocratiques serbes, nous donne à présent l'occasion de favoriser la prospérité dans toute la région.

Plus que jamais, l'Union européenne doit respecter les engagements qu'elle a pris. À cette fin, nous devons disposer des instruments juridiques idoines, de procédures flexibles et d'une gestion efficace. La réforme de l'aide extérieure adoptée par la Commission le 16 mai illustre notre détermination à améliorer radicalement la rapidité, la qualité et la visibilité de l'aide extérieure. Cette détermination a déjà abouti à des résultats concrets en Europe du Sud-Est.

Au Kosovo, la task force que nous avons déployée sur place quelques jours avant la fin du conflit et, au cours de ces six derniers mois, l'Agence européenne pour la reconstruction ont toutes les deux atteint des niveaux record en matière de rapidité et d'efficacité d'octroi de l'aide. Les chiffres le confirment : 84 % des fonds affectés à la reconstruction dans le cadre du programme Obnova - soit 444,5 millions d'euros de 1998 à 2000 - avaient été engagés à la fin du mois d'octobre 2000. Soixante-dix pour cent des fonds engagés avaient été contractés et 43 % des fonds contractés avaient été versés.

Nous avons également atteint des résultats rapides en Serbie, où la Commission a mis en place, en l'espace de quatre semaines seulement, un programme d'aide d'urgence d'un montant total de 200 millions d'euros. Le programme a été adopté par la Commission la semaine dernière, et les premiers camions chargés de fuel domestique entraient déjà en Serbie pendant le week-end, en avance sur le calendrier et sur la plupart des autres donateurs. À partir de maintenant, ce programme ne va cesser de se développer chaque jour : un contrat pour des importations d'électricité à hauteur de 30 millions d'euros a été signé aujourd'hui avec la compagnie d'électricité serbe et devrait entrer en application dans les jours à venir. Chaque jour compte dans cette situation.

Nos réformes ont également commencé à porter leurs fruits en Bosnie, où la mise en œuvre de l'aide, en termes de montants contractés et déboursés, s'est considérablement améliorée depuis que notre délégation a été renforcée l'année passée et depuis qu'elle a été investie d'une autorité. Les résultats obtenus sont extrêmement encourageants.

Le Parlement européen peut être fier de ces résultats lui aussi. Car c'est le Parlement européen qui a sonné l'alarme face à la faiblesse de la gestion en Bosnie. C'est le Parlement qui a soutenu la proposition de la Commission visant à créer l'Agence européenne pour la reconstruction. C'est le Parlement qui a insisté pour uniformiser le cadre réglementaire de l'assistance à cette région et c'est le Parlement, en sa qualité d'autorité budgétaire, qui a veillé à ce que des fonds soient débloqués rapidement pour l'aide d'urgence en Serbie. Ces progrès sont positifs, mais nous devons aller plus loin. Beaucoup d'améliorations sont encore possibles. C'est d'ailleurs l'objectif de ces deux propositions.

Les membres de cette Assemblée ont déposé un nombre important d'amendements. Je voudrais les commenter brièvement dans la mesure où ils ont trait à nos deux propositions sur l'Agence et le règlement.

La Commission a proposé un règlement en matière d'aide qui est délibérément simple et clair. Il expose les principaux objectifs de l'aide ainsi que des principes essentiels gouvernant la programmation et la comitologie appliquée aux programmes, mais pas aux projets individuels. Par ailleurs, il propose des accords simples en matière de décision pour les programmes gérés par l'Agence européenne pour la reconstruction.

Permettez-moi d'aborder un certain nombre des points généraux qui ont été soulevés par le Parlement, et tout d'abord, le rôle de la Commission et ses responsabilités financières en ce qui concerne la gestion de l'Agence. La Commission prend très au sérieux ses responsabilités relatives à l'exécution du budget communautaire. Plusieurs nouveaux amendements soulignent cette responsabilité par une référence à l'article 274 du Traité. Mais, pour assumer cette responsabilité, nous avons besoin d'instruments juridiques qui nous permettent d'agir de façon rapide et flexible.

Ensuite, le Parlement veut que nous nous référions plus spécifiquement à des priorités sectorielles. Nous souhaitons, à la lumière de l'expérience, conserver la plus grande souplesse possible. Mais nous sommes en mesure d'accepter plusieurs amendements du Parlement nous invitant à faire référence aux priorités sectorielles clés telles que l'aide destinée à l'enseignement, aux formations professionnelles, à l'environnement, à la société civile et aux ONG, à la réconciliation ethnique et au retour des personnes déplacées. Dans le même esprit, nous pouvons accepter la proposition visant à inclure une référence aux conclusions du Conseil européen de Faro dans le préambule du règlement. La résolution du Parlement sur la communication de la Commission concernant le processus de stabilisation et d'association mérite elle aussi d'être mentionnée dans le préambule. Nous pensons qu'il est plus sensé de l'intégrer à cet endroit que dans l'article relatif à la conditionnalité.

Bien entendu, nous pouvons également accepter la proposition voulant que les lignes directrices adoptées à l'avenir par la Commission reflètent cette même recherche d'une plus grande efficacité qui sous-tend nos réformes.

Je voudrais simplement ajouter qu'il est important, après avoir proposé un règlement tendant à simplifier la situation, d'empêcher les règlements de rester en suspens à cause de notifications d'opposition, de conditions et d'impressionnantes quantités de paperasserie.

Comme l'a dit M. Staes, nous ne voulons pas de grains de sable dans l'engrenage. Si nous ne pouvons avoir un règlement clair et simple, alors, je pense très franchement que nous aurions plutôt intérêt à ne pas avoir de règlement du tout. Pour être clair, nous pouvons accepter quant au fond, et pourvu que des modifications soient apportées dans certains cas à leur formulation, les amendements 1, 2, 5, 6 et 7, la première partie du 11, la première partie du 13, le 16 partiellement, le 17, le 18, le 19 partiellement, le 20, le 21, le 24, la première partie du 28, le 31 et le 37 partiellement.

La position de la Commission sur l'enveloppe globale qu'elle a estimée nécessaire pour la région, ledit montant financier de référence, et sur sa compatibilité avec les perspectives financières, est bien connue. Comme le sait l'Assemblée, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de prévoir une référence explicite à ce sujet dans le règlement. Malgré toute l'éloquence de M. Lagendijk, je ne pense pas que cela soit nécessaire. Mais M. Lagendijk ainsi que M. Westendorp, dans un autre sens, ont tous deux fait une remarque fondamentalement correcte, lorsqu'ils ont affirmé qu'il est bien beau d'avoir des règlements mais que, sans budget adéquat pour financer les priorités politiques de l'Union européenne, nous perdrions notre temps.

M. Westendorp a dit - je crois que c'est la signification de ses remarques - que le Conseil ne pouvait imiter le Nouveau Testament et faire des miracles avec des pains et des poissons. Certains membres de certains Conseils verront peut-être une touche de cruauté dans cette évaluation des pouvoirs du Conseil, mais c'est tout à fait vrai. Nous devons nous débrouiller avec des budgets limités, mais j'espère réellement que le budget disponible pour les actions extérieures de l'Union européenne reflète ses priorités politiques. Voilà la discussion que nous menons depuis plusieurs semaines et depuis plusieurs mois avec le Conseil - discussion dont la Commission et le Parlement ne se tirent pas trop mal. Je pense que l'expérience de ces deux derniers mois montre que la proposition de financement de la Commission n'était pas aussi excentrique que certains l'affirmaient alors.

Laissez-moi à présent en venir à la seconde proposition à l'examen, celle relative à l'Agence européenne pour la reconstruction. Ce faisant, je voudrais rendre un vibrant hommage, comme M. Lagendijk l'a fait dans sa propre intervention, à l'excellent travail effectué sur place, au Kosovo, par le directeur, le conseil de direction et le personnel, qui constituent une équipe fantastique. Je ne suis pas étonné que les résultats auxquels ils sont arrivés soient si impressionnants. Ils n'ont pas usurpé leur réputation d'arriver à des résultats, et je sais que la délégation envoyée au Kosovo par le Parlement au mois de mai a été tout autant impressionnée que moi par leur travail.

Il est clair qu'il est utile de tirer des enseignements des activités menées par l'Agence au cours des six derniers mois et de voir comment nous pouvons l'aider à travailler plus efficacement. Cela est essentiel dans la mesure où l'Agence va désormais être responsable de l'ensemble de la RFY.

Notre objectif principal est de clarifier le rôle du conseil de direction. Celui-ci doit devenir responsable de l'examen et de l'approbation des programmes de reconstruction qui seront soumis à la décision de la Commission. Nous souhaitons également simplifier le processus de prise de décision. Le nouveau règlement permet à la Commission d'adopter des programmes proposés par l'Agence sans consulter le comité de gestion.

Laissez-moi être clair : la responsabilité de l'adoption formelle des programmes incombera toujours à la Commission. C'est la Commission qui décide de l'opportunité de ces programmes, c'est la Commission qui est responsable de l'exécution du budget, c'est la Commission qui adopte les programmes.

Plusieurs amendements visent à faire en sorte que l'Agence agisse sous la responsabilité directe et unique de la Commission et donc que la Commission soit la seule responsable de la gestion de l'Agence devant le Parlement européen, la Cour des comptes et l'OLAF. Je voudrais éclaircir ce point. L'Agence dispose d'un certain degré d'autonomie, à l'instar de toutes les agences européennes. C'est ce que prévoit le cadre institutionnel actuel et il convient de respecter l'autonomie que possède actuellement l'Agence, à moins que la structure institutionnelle de l'Agence ne soit modifiée. Cela ne diminue pas l'entière responsabilité qu'assume la Commission, comme le requiert le Traité, en matière d'exécution budgétaire. Je voudrais remercier le Parlement pour la sensibilité et le pragmatisme dont il a fait preuve en acceptant la structure actuelle de l'Agence. Je connais les opinions du Parlement sur cette matière et la Commission les prendra en considération au moment de concevoir toute nouvelle agence à l'avenir.

Le régime linguistique constitue un autre sujet sensible. J'espère que le Parlement comprendra la signification des propositions que j'ai présentées en mai et qu'il continuera de travailler de façon constructive avec les autres à cette question très difficile. Toutefois, je ne puis offrir mon soutien à l'amendement du Parlement visant à supprimer l'exigence de l'unanimité, car cela irait à l'encontre de l'opinion du Collège.

Nous pouvons accepter les amendements destinés à supprimer l'exigence d'une nouvelle décision du Conseil pour étendre le mandat de l'Agence à l'ensemble de la RFY. Je puis également accepter les amendements qui font référence à la décision du 9 octobre du Conseil "Affaires générales", à la coopération avec les ONG, à la restauration de la société civile et de l'État de droit, au paiement des services fournis par l'Agence, aux tierces parties, à la possibilité de créer d'autres centres opérationnels, à la responsabilité que doit avoir le directeur de mettre en œuvre le programme de travail et à la structure budgétaire de l'Agence.

Cela veut dire que nous pouvons accepter quant au fond, pourvu que des modifications soient apportées dans certains cas à leur contenu, les amendements 1, 2, 6, 8, le 10 partiellement, 11, 37, 16, 27 et 33. Nous étudierons attentivement l'opportunité de produire une liste explicite de sujets devant être examinés par le conseil de direction et ce, afin de clarifier le rôle de ce dernier ; sont concernés les amendements 21 et 22. Nous examinerons également le calendrier que vous proposez pour l'adoption du budget de l'Agence tout en respectant le principe d'une bonne programmation budgétaire et de compatibilité avec les procédures budgétaires de la Communauté. Sont concernés les amendements 29 et 30.

Permettez-moi de remercier une nouvelle fois le Parlement pour le travail intense qu'il a fourni sur ces questions. Nous avons accomplis de véritables progrès en Europe du Sud-Est. Cette proposition devrait nous permettre de saisir l'occasion nouvelle qui se présente à l'Union européenne de contribuer à la durabilité de la paix et de la prospérité dans toute cette région.

Je dois dire que les résultats obtenus en Europe du Sud-Est par l'Union européenne dans les années 1990 ne sont pas éblouissants. J'espère que nous ferons beaucoup mieux au cours de la prochaine décennie et que ce règlement mettra à notre disposition des moyens matériels pour arriver à nos fins.

 
  
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  Le Président. - Merci beaucoup, Monsieur le Commissaire.

La discussion commune est close.

Le vote aura lieu demain à 11 h 30.

 

10. ASEM III (Séoul, les 20 et 21 octobre 2000)
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  Le Président. - L'ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur la troisième rencontre Asie-Europe (ASEM III - Séoul, 20 et 21 octobre 2000).

 
  
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  Patten, Commission. - (EN) Monsieur le Président, je vais donc sauter, si vous me le permettez, d'un continent à l'autre. Avant de vous faire le compte-rendu de l'ASEM III et d'évaluer ses résultats, laissez-moi dire un mot sur le processus ASEM. Le premier sommet Asie-Europe, en 1996, débordait d'optimisme au sujet de l'Asie : les gens parlaient alors du miracle économique asiatique. Le deuxième sommet, en 1998, s'est déroulé sur fond de crise économique : nombreux disaient alors que l'Asie était perdue et que l'on avait fait preuve d'un optimisme beaucoup trop grand. Ce troisième sommet a fait preuve d'un certain réalisme. Certes, il n'était plus question de miracle économique asiatique, mais l'Asie a été le théâtre de nombreux événements très encourageants et s'est remise très rapidement, dans la plupart de ses régions, de la crise de 1997-1998. Elle est parvenue à ses meilleures résultats là où on a combiné réformes économiques et politiques. C'est donc dans ce contexte que se sont déroulés ces sommets.

Le défi de ce troisième sommet organisé à Séoul consistait à approfondir le processus ASEM tant pour les participants des gouvernements que pour le grand public. Il devait, par ailleurs, fournir la preuve qu'il n'y a pas besoin d'événements dramatiques pour justifier des réunions entre des chefs d'État et de gouvernement européens et asiatiques. Nous avons souligné nos objectifs pour l'ASEM III au sein de notre groupe de travail, nous en avons discuté à deux reprises avec le Parlement européen, avant le sommet, au sein du groupe de travail ANASE et lors de la plénière, ce qui a débouché, me semble-t-il, sur votre résolution du 5 octobre, dont nous avons pris en considération et atteint, dans la plupart des cas, les objectifs.

En plus d'adopter trois documents importants, les dirigeants qui ont pris part au sommet se sont lancés activement dans une discussion sur des sujets sensibles tels que les droits de l'homme, la mer de Chine du Sud, le Timor oriental et la Birmanie. Ils se sont engagés à promouvoir et protéger les droits humains fondamentaux et à veiller au respect de la démocratie, de l'État de droit, de l'égalité, de la justice et de l'environnement. Il se sont mis d'accord pour intensifier le dialogue politique de haut niveau de l'ASEM en puisant leur force dans la diversité des membres, tout en n'excluant aucun thème. Les dirigeants sont convenus d'étendre et d'actualiser le cadre de coopération euro-asiatique 2000, lequel constitue le programme de travail pour les dix années à venir. La nécessité d'allier nos efforts pour mettre en œuvre le Protocole de Kyoto a été confirmée et on a plaidé pour un dialogue consommateurs-producteurs visant à stabiliser les prix mondiaux du pétrole ainsi que pour un renforcement de la coopération en vue de développer des technologies permettant d'économiser de l'énergie. Ont été également abordés la criminalité transnationale, l'exploitation des immigrés, le trafic des êtres humains, la lutte contre les drogues illégales, toutes ces questions qui, hélas, incarnent la face cachée de la mondialisation.

Le sommet a adopté la déclaration séparée de Séoul pour la paix dans la péninsule coréenne et a salué l'organisation du sommet intercoréen en juin, exhortant les deux parties à continuer sur cette voie positive et soulignant l'importance d'engager la République populaire démocratique de Corée dans un dialogue multilatéral. En ce qui concerne l'élargissement, l'approche double a été adoptée, cette dernière prévoyant qu'un pays candidat doit d'abord s'assurer du soutien de ses partenaires régionaux avant de chercher l'appui de l'autre région. La décision finale doit être prise par consensus, par les chefs d'État et de gouvernement. Aucun candidat spécifique n'a été mentionné lors du sommet.

Pour ce qui est de la coopération économique et financière, les dirigeants sont convenus de collaborer afin de relever les défis posés par la mondialisation, les technologies de l'information, le commerce électronique et le fossé numérique en étendant les réseaux de recherche et d'information communs aux deux régions. Les dirigeants ont également confirmé la préparation de rapports annuels volontaires sur l'état des efforts déployés pour surmonter les barrières commerciales tels qu'identifiées dans le trade facilitation action plan, plan d'action visant à faciliter le commerce.

Tous les partenaires de l'ASEM ont accepté de faire en sorte que l'on organise le plus tôt possible un nouveau round de négociations globales au sein de l'OMC, qui prendrait en considération les besoins spécifiques des pays en développement. Sur le plan social et culturel, les dirigeants ont reconnu qu'il est vital d'améliorer les liens dans le domaine de l'éducation, en organisant des initiatives spécifiques visant à promouvoir la reconnaissance mutuelle, en ce compris un renforcement de la coopération entre les universités et une amélioration de la mise en réseau électronique entre les écoles. S'agissant du domaine "interpersonnel" (people-to-people), le principe d'ouverture du processus ASEM à une plus grande section de la société civile a été maintenu, bien que les initiatives des ONG visant à établir un forum social n'aient pas pu voir le jour à cause de la réticence de certains partenaires asiatiques.

Je suis sûr que le Parlement verra que ces résultats sont en phase avec la résolution du 5 octobre à laquelle j'ai fait référence tout à l'heure. Les droits de l'homme et l'État de droit font partie intégrante du processus ; la nécessité d'entamer rapidement des négociations globales au sein de l'OMC a été clairement comprise, mais je ne suis pas certain que cela se soit totalement reflété, jusqu'à présent, dans les discussions qui ont lieu aux réunions de la CEAP à Brunei. Même si la proposition visant à mettre en place un forum social n'a pas été acceptée, nous nous sommes engagés activement avec la société civile et les ONG et j'espère du fond du cœur que nous constaterons de nouveaux progrès au cours de la période nous séparant de l'ASEM IV à Copenhague.

Enfin, les dirigeants ont décidé d'encourager une intensification des contacts interparlementaires, comme cela est prévu dans le cadre de coopération. Ce troisième sommet Asie-Europe a été inévitablement dominé par les événements majeurs survenus dans la péninsule coréenne et qui se sont traduits par la nomination, tout à fait méritée, du président de la Corée du Sud pour le prix Nobel de la paix. Voilà en effet un homme dont la carrière s'est distinguée tant par son engagement en faveur de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit que par son engagement, plus récent, en faveur de la réconciliation avec le nord de la péninsule.

Je pense que cela nous rappelle, en Europe, le rôle important que nous jouons en Asie et ce, pas seulement dans le domaine de l'économie et du commerce, encore qu'il faille préciser que l'une des raisons du rétablissement de l'Asie tient au fait que nous avons tenu notre promesse de garder nos marchés ouverts aux exportations asiatiques au cours des deux dernières années. Il semble très probable que la Chine aura, cette année, un excédent de 40 milliards d'euros avec l'Union européenne. Nous avons tenu notre parole sur le plan économique et commercial, ce qui incite, entre autres choses, l'Asie à nous prendre plus au sérieux. Il importe de se rappeler que nous avons également un rôle politique à jouer en Asie, un rôle qui consiste non seulement à promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance mais également à contribuer, dans la péninsule coréenne et ailleurs, à la stabilité et à la sécurité pour l'avenir. Le processus ASEM est important. Ce sommet s'est révélé très précieux. Ce processus se développe et se renforce avec le temps et j'attends impatiemment l'ASEM IV, qui aura lieu dans deux ans au Danemark, car j'ai la conviction que nous pourrons alors tirer profit des progrès déjà accomplis et aller encore plus loin.

 
  
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  Jarzembowski (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je crois que notre présence en nombre si réduit est due au fait que les négociations de ce soir se sont déroulées très rapidement et que certains collègues, qui voulaient intervenir, ne sont pas encore là parce qu'ils sont encore en train de dîner. Je vous prie donc de ne pas considérer que la présence réduite de députés signifie qu'ils ne jugent pas le thème du débat important.

Tout d'abord, Monsieur le Commissaire, je partage votre point de vue selon lequel le processus ASEM revêt une grande importance. Ce processus est très important sur le plan politique comme sur le plan économique. Je souhaitais qu'aussi bien cette Assemblée que certains de vos collègues de la Commission reconnaissent à leur juste valeur l'importance des relations de l'Asie avec l'Europe, y compris en ce qui concerne la politique de la pêche de l'Union - que ma collègue espagnole et que le commissaire Fischler veuillent bien m'excuser. Si on regarde le développement politique et économique à long terme dans un monde multipolaire, les relations entre l'Asie et l'Europe sont d'une importance capitale. Aussi sommes-nous très heureux que le sommet de Séoul a eu lieu, et que tous les chefs de gouvernement, sauf un ou deux, y étaient présents. C'était très important.

Vous avez raison, les événements des deux Corées ont un peu fait de l'ombre, mais positivement, au sommet ASEM, de sorte que l'on a passé plus de temps à juger et à évaluer le rapprochement des deux Corées qu'à parler concrètement du processus ASEM. Cela dit, nous voulons tous exprimer notre satisfaction vis-à-vis de ce développement positif. Je me permets une remarque à l'adresse de ce pauvre représentant du Conseil, qui doit diriger le protocole à tout moment : il est bien sûr dommage qu'à Séoul, certains États membres de l'Union européenne aient annoncé un échange d'ambassadeurs avec la Corée du Nord, et d'autres non. Au lieu de voir quelques chefs d'État et de gouvernement prendre des décisions à caractère médiatique, il eut été beaucoup plus intelligent - si nous devons avoir une politique étrangère et de sécurité commune - que les Quinze prennent tous ensemble la décision d'entamer des relations avec la Corée du Nord au même moment et dans les mêmes conditions.

Il est positif - je tiens absolument à le souligner - qu'il y ait eu accord sur un programme-cadre en matière de collaboration entre l'Asie et l'Europe. Mais, franchement, Monsieur le Commissaire, avez-vous compris la substance de l'accord-cadre ? J'éprouve encore de grande difficultés à vraiment comprendre la substance de ce qui a été convenu pour les dix années à venir. Et à ce propos, je crois que le Parlement - même si peu d'entre nous sommes là, mais quiconque lit le procès-verbal, comme nous, les quelques experts, voudra l'étudier plus avant - finira par s'impliquer dans ce processus de formulation du cadre de la collaboration entre l'Asie et l'Europe. Je crois en tout cas que le Parlement se montre beaucoup trop réactif. Vu que nous avons en vous un bon interlocuteur, Monsieur le Commissaire, nous devrions tenter, avant Copenhague et avant les conférences, de nous mettre d'accord sur le fond et, en tant que Parlement, nous devrions formuler des propositions et pour dire comment nous pouvons, nous aussi, donner de la substance au cadre que vous avez décidé.

Je suis très satisfait que la partie européenne se soit exprimée de façon claire et nette sur les droits de l'homme. Mais nous devrons encore discuter calmement des conséquences de ce que cela signifie. Je crois que c'était une très bonne déclaration politique, mais nous avons encore quelques problèmes à régler.

Je crois que, en tant que Parlement, nous avons le devoir de reprendre ce que la partie européenne a introduit dans les conclusions - et nous devons lui en être reconnaissants -, je veux parler de la collaboration entre le Parlement européen et les parlements des États asiatiques, que nous avions déjà entreprise à Strasbourg, il y a quelques années, après la première conférence ASEM. C'est une tâche importante, et je souhaite que, l'année prochaine peut-être, avant Copenhague, le Parlement encourage la tenue de cette deuxième réunion. Elle devrait se tenir en Asie car, la dernière fois, elle a eu lieu à Strasbourg. Car si nous regardons la collaboration entre l'Asie et l'Europe sous l'angle de la démocratie et des droits de l'homme, j'estime très important que nous ayons une collaboration plus étroite avec les parlements des États asiatiques afin de promouvoir un développement positif.

 
  
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  Le Président. - Monsieur Jarzembowski, nous pouvons dire au sujet de votre remarque sur le nombre - réduit - de personnes présentes que, si nous tenons également compte du commissaire, les orateurs sont présents à 75 %. C'est donc que tout ne va pas si mal !

 
  
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  Maaten (ELDR). - (NL) Monsieur le Président, nous avons déjà discuté de ce sujet il y a un mois et nous avons eu à cette occasion une excellente conversation avec le commissaire. Notre cœur était rempli d'espoir. L'ouverture qui a pu être obtenue avec la Corée du Nord constitue évidemment un aspect positif. Il est dommage en revanche que les fonds nécessaires n'aient pas été rendus disponibles de notre part. En outre, en ce qui nous concerne, le résultat atteint paraît un peu mince, pour ne pas le dire d'une manière trop critique. Le problème en ce qui concerne l'ASEM III n'est pas tant ce qui a pu être réalisé, puisque les projets relatifs au blanchiment d'argent, au VIH et au SIDA, à la sécurité alimentaire et autres sont bien sûr des démarches positives. Il y a même eu deux propositions concrètes qui ont été adoptées, à savoir la table ronde sur la mondialisation et le duo fellowship program, lequel prévoit 4 300 fellowships à concurrence de 25 millions de dollars américains. Ce n'est évidemment pas rien, mais nous nous posons néanmoins certaines questions à ce sujet. J'y reviendrai.

Plus important est ce qui n'a pas été accepté. Tant d'autres choses auraient pu se faire en matière de stabilité financière, de commerce et d'investissements, d'infrastructures. La création d'une agence ASEM pour l'environnement a été suggérée. Toutes ces choses auraient été valables. Ce qui nous semble grave, c'est que rien de tout cela n'a eu d'effet positif sur la situation des droits de l'homme. Des déclarations ont été faites, mais nous n'en trouvons aucune trace dans les projets sur lesquels il y a eu un accord et ce, même pas en ce qui concerne la réserve adéquate, ce qui eût tout de même pu. Cette réserve adéquate est d'ailleurs à mettre en relation avec la mondialisation. Nous avons convenu de nous pencher sur la mondialisation et en particulier sur les effets négatifs qu'elle entraîne. En ce qui nous concerne, la mondialisation a justement des effets positifs. Les effets négatifs existent, certes, mais il faut aussi considérer les effets positifs.

Du point de vue du fellowship program, nous trouvons incompréhensible que son secrétariat ait son siège à Séoul. L'ASEF à Singapour fonctionne parfaitement. Pourquoi n'y a-t-il pas également été installé ?

Nous savons que la Commission considère l'ASEM avec le plus grand sérieux, et nous la soutenons sincèrement dans cette attitude. La question que nous nous posons est de savoir si nos ministres ont eux aussi pris l'ASEM suffisamment au sérieux. Nous pensons qu'ils ont fait preuve d'un manque d'ambition déplorable et qu'ils ne méritent donc pas nos applaudissements.

Des progrès ont bien été réalisés sur le plan du dialogue interparlementaire Asie-Europe. Peut-être pouvons nous réussir en tant que parlementaires ce que les ministres ont raté sur ce plan. La Commission européenne mérite notre soutien parce que nous sommes convaincus qu'elle va dans la bonne voie. Nous pensons toutefois que les ministres auraient dû arriver à un bien meilleur résultat.

 
  
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  Le Président. - Je communique avoir reçu sept propositions de résolution déposées sur la base de l'article 37, paragraphe 2, du règlement.(1)

Le débat est clos.

Le vote aura lieu jeudi.

 
  

(1) Cf. procès-verbal.


11. Organisations régionales de pêche (ORP)
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  Le Président. - L'ordre du jour appelle le rapport (A5-0275/2000) de M. Jové Peres, au nom de la commission de la pêche, sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Participation de la Communauté européenne aux organisations régionales de pêche (ORP) [COM(1999) 613 - C5-0108/2000 - 2000/2068(COS)].

 
  
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  Jové Peres (GUE/NGL), rapporteur. - (ES) Monsieur le Commissaire, les organisations régionales de pêche jouent un rôle de plus en plus important, notamment dans les lieux de pêche où la souveraineté est partagée ou pour la gestion de stocks migratoires ou transzonaux. Étant donné leur adaptation aux caractéristiques spécifiques de leurs pêches, elles constituent un instrument particulièrement approprié pour la gestion rationnelle des ressources. C'est pourquoi il est prioritaire que l'Union européenne se dote des mécanismes lui permettant de participer pleinement et dignement. La communication de la Commission se borne à aborder les aspects relatifs aux compétences correspondant à la Communauté et aux États membres dans les tâches découlant de la participation aux ORP. Cette approche est nécessaire mais insuffisante, car il convient d'adopter un schéma clair, uniforme et homogène pour la participation de l'Union européenne dans les organisations régionales de pêche ; compte tenu de la diversité des organisations régionales existantes, la participation de la Communauté à chacune d'entre elles doit être adaptée à leur particularité. Il faut toutefois qu'elle réponde aux mêmes principes de base d'un point de vue juridique et institutionnel. C'est la raison pour laquelle le projet de rapport de la commission de la pêche du Parlement européen soutient la recherche d'une répartition uniforme des fonctions entre la Communauté et les États membres pour l'ensemble des organisations régionales de pêche.

C'est à la Commission, garante de l'intérêt communautaire, que revient le rôle principal dans le cadre de l'action communautaire. Ses services devront assumer davantage que les fonctions de représentation auxquelles, faute de moyens, ils semblent actuellement se limiter. À l'avenir, les services de la Commission ne pourront plus se borner à ne jouer qu'un rôle de façade ; ils devront assumer clairement et précisément tous les aspects relatifs à la participation de la Communauté à ces organisations régionales dans le cadre de la représentation, du contrôle, de la transmission, de la vérification des données et de la participation aux forums scientifiques : en général, de la direction de l'action communautaire, y compris le contrôle des pêches mené dans le cadre de ces organisations.

Le contrôle des pêches empiète sur les pouvoirs juridictionnels des États membres et, partant, touche dans une certaine mesure au cœur de leur souveraineté. Ce contrôle doit être transféré à un organe clairement communautaire pour que la politique commune de la pêche soit applicable à tous les États membres et à tous les navires et professionnels indépendamment de leur nationalité, évitant ainsi tout risque de non-respect du principe de l'égalité de traitement. Par conséquent, la direction du contrôle, puis, progressivement, son exécution sur le terrain doivent être confiés aux services de la Commission et, par la suite, leur coût porté à la charge du budget communautaire.

Il est nécessaire d'améliorer les mécanismes existants au niveau de la transposition du droit communautaire afin d'augmenter la sécurité juridique et de surmonter la lenteur actuelle. Cela dit, l'accélération de la transposition dans le droit communautaire des dispositions adoptées au sein des organisations régionales ne doit pas empêcher le Conseil et le Parlement d'assumer leurs fonctions consistant à orienter la politique commune de la pêche.

Face à l'importance croissante des organisations régionales de pêche (ORP), l'Union européenne doit assumer pleinement ses compétences en matière de pêche ; cela pose, avant tout, un problème de ressources humaines et matérielles. Cherchant peut-être à esquiver ce problème de ressources, la Commission a choisi de reformuler les fonctions à remplir par la Communauté et les États membres, sans modifier leurs compétences respectives. Cette démarche, éventuellement acceptable à titre transitoire, peut présenter, si elle doit devenir permanente, des problèmes graves de cohérence et, avant tout, d'ordre institutionnel.

La répartition des fonctions proposée par la Commission réserverait à la Communauté la représentation, qui pourrait être qualifiée de haut niveau, en déléguant aux États membres la représentation aux comités scientifiques et techniques ; la contribution aux travaux des organisations régionales de pêche demeurerait également entre les mains des États membres, ainsi que les missions d'inspection et de contrôle. Cela revient à dire que la Communauté, partie contractante, se contenterait de continuer à jouer un rôle de façade.

L'édification de l'Europe ne peut se limiter à des déclarations vides de contenu, tant qu'il existera une politique commune de la pêche et que la Communauté possédera des compétences en matière de pêche ; elle doit se doter des moyens humaines et matériels lui permettant de respecter ses obligations, comme l'exige le principe de suffisance de moyens de la politique commune de la pêche. De même, si la Communauté est partie contractante aux ORP, elle doit se comporter en conséquence et jouer le rôle qui lui est dévolu. L'application de ce principe entraîne des répercussions financières et requiert une évolution juridique, voire des transferts de souveraineté ; mais si l'on opte pour un modèle déterminé de construction politique, il est nécessaire de fournir les moyens permettant à ce modèle de devenir réalité.

 
  
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  Fraga Estévez (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que les organisations régionales de pêche sont à l'heure actuelle, et doivent l'être encore plus à l'avenir, la meilleure garantie, sinon la seule, de la gestion des ressources halieutiques mondiales. Le rapporteur a parfaitement compris leur importance et a élaboré un excellent rapport, qui met en évidence le véritable point faible de la communication. De très bonnes intentions qui ne pourront se concrétiser que s'il existe une volonté politique réelle.

Si l'on part du principe que, de tous les pays côtiers existant dans le monde, rares sont ceux qui bénéficient du potentiel économique, juridique, législatif et politique dont dispose l'Union européenne, on comprendra à quel point il est important de nous demander quelle est notre responsabilité. Pourtant, la Communauté ne s'implique pas et ne dirige pas ; elle réagit, tout au plus. Mais elle réagit avec des moyens tellement faibles et si peu de prévoyance qu'en fin de compte, c'est comme si elle envoyait David contre Goliath. Sauf que dans la Bible, David a gagné, ce qui n'est pas le cas ici.

J'ai été observatrice dans quelques organisations régionales et je peux vous assurer qu'il est pathétique de voir comment deux ou trois fonctionnaires de grade moyen tentent de réagir, épuisés et presque sans dormir, face à des problèmes que l'on voyait venir depuis des mois et face à des délégations extrêmement puissantes, soit de par leur propre condition de grandes puissances, comme les États-Unis ou le Japon, soit parce qu'elles ont adopté très vite une politique intelligente d'alliances. Comme la direction générale de la pêche est en cours de restructuration et que cela pourrait demander plus de personnel et des moyens plus importants, je pense que nous devons exiger que ce domaine soit renforcé en priorité. Cela impliquerait, tout d'abord, de ne pas se borner à réagir face à des actions telles que celle de l'accord des Galapagos et son intention manifeste d'élargir unilatéralement les eaux juridictionnelles de quatre pays, au mépris des normes minimales du droit international de la mer ou contre les tentatives d'expulsion arbitraire de flottes communautaires, quelques-unes des rares qui emportent avec elles des normes et règlements stricts.

De même, il est du devoir de la Commission non seulement de nous représenter dignement dans le domaine maritime international, mais également de prendre l'initiative. Elle devrait donc inciter la création de nouvelles organisations régionales, en commençant là où il y a déjà une présence communautaire, comme c'est le cas dans le Pacifique occidental et le Pacifique sud. Face à la restructuration prévue, je voudrais demander expressément la création d'une unité de grands migrateurs, dont la Commission elle-même a déjà décelé la nécessité en rédigeant une série de règlements exclusifs pour ces espèces, principal objectif des pavillons de complaisance, une fléau pirate qui, inexplicablement, ne cesse de s'étendre.

Je conclus en réitérant mon soutien à l'excellent rapport du rapporteur.

 
  
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  Stihler (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je remercie le rapporteur et le commissaire.

Les organisations régionales de pêche et la participation de la Communauté dans celles-ci constituent un sujet important. Couvrant pratiquement toute les hautes mers, ces organisations fournissent un instrument permettant d'assurer une conservation et une gestion actives des ressources halieutiques. C'est justement de ces précieuses ressources dont je voudrais vous parler.

Nous sommes déjà confrontés à un épuisement des stocks qui plonge la pêche dans une situation de crise. Nous sommes confrontés aux phénomènes de la surpêche, de la pollution des mers, du changement climatique - sujet abordé en ce moment à la conférence de La Haye - et la dégradation physique de l'environnement exerce une pression grandissante sur ces ressources limitées.

La réforme de la PCP sera vitale, mais il sera encore plus important de mettre en place les réformes adéquates. En Écosse, la Scottish Fishermen's Federation et le Fonds mondial pour la nature se sont joints pour proposer le concept de gestion régionale et zonale. Le plan de gestion des pêcheries concernerait tous les groupes concernés dans une région précise. Bien qu'il ne puisse, au départ, qu'émettre des recommandations à titre consultatif, il faut espérer qu'à force d'incarner, à la longue, l'efficacité, ce plan se verra attribuer un rôle de gestion.

Le développement de la régionalisation de la PCP sera cruciale pour la mise en place d'actions locales. Les organisations régionales de pêche ont joué un rôle à l'échelle internationale, et la gestion régionale ou zonale peut transformer le mondial en local. Ce sera vital pour la durabilité de la pêche.

 
  
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  Nogueira Román (Verts/ALE). - (PT) Monsieur le Président, je ne dispose que d'une minute pour apporter mon soutien à l'excellent rapport de M. Salvador Jové, qui traite de manière avisée d'une partie de la politique commune de la pêche, que l'Union ne reconnaît pas comme un de ses éléments fondamentaux.

Obsédés par leurs disputes dans les eaux communautaires, les États européens ignorent, dans la pratique, que la pêche possède une dimension mondiale, tant en ce qui concerne la préservation des ressources marines et la production, que les marchés et la nature des flottes. Par conséquent, des régions de l'Union, comme la Galice, que je représente, souffrent tout spécialement et gravement de cette situation, ainsi que de l'insuffisance de moyens humains et matériels, dont la Commission européenne pâtit dans l'application de la politique commune par les organisations régionales de pêche.

Le rapporteur critique à juste titre ces carences et propose des solutions appropriées, avec lesquelles nous sommes d'accord.

 
  
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  Langenhagen (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, nous le savons tous maintenant, les stocks de pêche sont dans un état préoccupant, partout dans le monde. Cela provient, d'une part, des nombreux cas de pollution de l'environnement, comme nous venons de l'entendre, qui, par exemple, ont été causés ces derniers temps par les naufrages de bateaux-citernes - et les naufrages de bateaux-citernes sont hélas nombreux.

Mais la raison principale est aussi l'épuisement des stocks halieutiques dû à la capacité d'exploitation surdimensionnée des flottes de pêche. Dans l'intérêt de l'environnement, mais aussi des pêcheurs, nous devons nous fixer l'objectif d'arriver à une gestion durable des ressources halieutiques. Pour atteindre cet objectif, la Communauté doit encore prendre quelques mesures importantes. Mais en réalité, il ne nous reste plus beaucoup de temps.

Dans sa communication au Conseil et au Parlement, la Commission déplore l'absence d'une réglementation unique de la pêche à l'intérieur et en dehors des zones économiques exclusives. En haute mer, c'est toujours la loi du plus fort qui prévaut. Ce droit se base sur le principe de liberté. La mer ne connaît pas de frontières. Aucun poisson n'a de domicile fixe. Je pense ici aux poissons migrateurs. La surexploitation locale revient à faire tomber la première pièce du jeu de domino. Toute action visant à préserver les ressources de pêche ne donnera aucun résultat si d'autres continuent à agir sans scrupules, suivant leurs intérêts économiques et foulant ainsi aux pieds les règles de protection des stocks.

L'Union européenne représente globalement la quatrième puissance de pêche mondiale. Mais cette situation ne lui permet pas de décider de mesures pour elle seule ; ces mesures doivent être prises conformément à ses engagements internationaux. Si l'on se base sur cet aspect global, une collaboration internationale est nécessaire, mais au sein des organes les plus importants, ce sont surtout les organisations régionales de pêche qui comptent - et nous revenons ainsi à la base de cette collaboration. Elles ne sont pas seulement importantes en raison des compétences que leur a attribuées l'Accord de New York de 1995, elles sont aussi, fondamentalement, les mieux placées pour promouvoir une pratique responsable de la pêche. Elles seules ont la possibilité d'appliquer aux conditions particulières d'un lieu donné les réglementations décidées au niveau suprarégional. Elles mènent aussi des programmes de statistiques et sont compétentes en matière d'inspection et de surveillance. Ces sont elles qui peuvent définir la manière la plus efficace pour que les règles soient respectées.

Vu cette grande importance qu'ont les organisations régionales de pêche en vue d'établir une pratique durable de la pêche, j'estime qu'il est absolument indispensable que l'Union européenne siège dans chaque ORP, afin que nous ayons tous enfin une seule approche.

 
  
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  Varela Suanzes-Carpegna (PPE-DE) , président de la commission de la pêche. - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, étant sur le point de rejoindre l'une de ces organisations régionales de pêche, à Marrakech, où je me rendrai après-demain pour participer en tant qu'observateur de ce Parlement, au nom de la commission de la pêche, je voudrais prendre part à ce débat sur le rapport de notre collègue Salvador Jové, un rapport magnifique, dans lequel la position de notre commission est très claire.

Nous soutenons les organisations régionales de pêche, nous demandons qu'il y ait plus d'organisations régionales de pêche et que la Commission y ait plus de poids. Lorsque nous parlons de plus d'organisations, nous pensons à celles qui peuvent et doivent être créées dans l'Atlantique sud ou dans le Pacifique sud - comme il a déjà été dit ici - et au fait que la Commission puisse les diriger. Je pense que l'avenir de la pêche dans les eaux internationales dépend de ces organisations et l'ensemble des efforts de la Commission, Monsieur le Commissaire, se résument à peu de choses. Pour défendre la position des Nations unies, tant dans la convention de 1982 que dans celle de New York, laquelle a été mentionnée ici, notre présence dans ces organisations en faveur de la pêche responsable doit être très active. Elle pourra compter sur le soutien de la commission de la pêche de ce Parlement, y compris quand il s'agira d'adopter l'augmentation des ressources matérielles et humaines qui, comme cela a déjà été dit, font défaut. Nous sommes une autorité budgétaire et je pense que nous devons agir sur cette ligne, parce que, dans ces organisations et dans ces eaux, nous allons jouer l'avenir de la pêche au cours des prochaines années.

Je voudrais, par conséquent, souligner la position presque unanime du Parlement européen et faire dès lors comprendre à la Commission que nous sommes unis dans la lutte constructive pour lui donner plus de poids - plus de fonctionnaires, a-t-on dit. Évidemment, face à d'autres nations, la représentation de l'Union européenne est peu importante, raison pour laquelle nous devons chercher à être plus et mieux représentés, Monsieur Fischler. Je tiens à préciser que nous allons poursuivre cette stratégie qui consiste à convoquer préalablement notre commission pour qu'elle nous informe des questions qui seront défendues. Nous le ferons avec le secteur de pêche de manière à avoir une opinion conjointe et commune. Il faudra ensuite revenir devant la commission parlementaire, afin que la Commission puisse y rendre des comptes.

Je conclus, Monsieur le Président, en félicitant, une fois de plus, notre rapporteur, M. Jové, pour le magnifique rapport qu'il a élaboré.

 
  
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  Nicholson (PPE-DE). - (EN) Je voudrais tout d'abord profiter de cette occasion pour saluer le rapport et dire que tous les aspects de cette question - la gestion, le contrôle et la conservation des stocks halieutiques - constituent un problème majeur en tout lieu. Nous en sommes tous conscients, dans toute l'Union européenne et bien au-delà.

Ce sujet est également une source de profond désaccord entre les pêcheurs et les scientifiques. Dans une certaine mesure, les hommes politiques parmi nous se trouvent entre ces deux groupes. Nous ne sommes en effet ni des pêcheurs ni des scientifiques, et nous essayons de discerner la vérité dans ce que ces deux groupes nous disent. Nous sommes dans une position extrêmement difficile, qui consiste à essayer de trouver un juste milieu.

Je dirai à cette Assemblée et au commissaire que nous avons besoin d'informations de la plus haute qualité et du meilleur niveau, des informations que nous puissions tous accepter, que nous soyons scientifiques, pêcheurs ou hommes politiques. C'est pourquoi je pense que la Commission peut jouer un rôle de premier plan en allant sur place et en encourageant les pêcheurs à coopérer avec elle et à proposer une solution à laquelle nous puissions tous nous rallier.

La Commission doit prendre en considération les opinions des autorités régionales des États membres et de l'industrie. En réagissant à mon rapport le mois dernier, le commissaire semblait quelque peu embrouillé dans sa géographie : il ne savait pas s'il se rendait en Écosse, en Irlande ou en Irlande du Nord. J'ai tout d'un coup découvert qu'il irait en Écosse et en République d'Irlande, mais pas en Irlande du Nord. J'espère qu'à l'avenir, il saura beaucoup mieux se situer - géographiquement parlant. Je sais qu'il sait où se trouve l'Irlande du Nord et j'espère sincèrement qu'il s'y rendra à l'avenir pour rendre visite aux pêcheurs.

Je voudrais dire, avant que nous ne prenions une décision qui mettra fin au chaos - car je pense que nous sommes tous conscients de la situation qui nous attend au mois de décembre prochain lorsque nous aborderons les TAC et les quotas -, que ce sera tout sauf facile, tant pour les zones régionales et nationales et les pêcheurs que pour la Commission. Nous devons trouver un meilleur moyen de régler cette question, à un meilleur moment de l'année, après avoir accompli davantage de progrès et sur la base d'une meilleure coopération que par le passé. J'invite donc la Commission à prendre ces éléments en considération.

 
  
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  Fischler, Commission. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je voudrais tout d'abord vous remercier du soutien que vous accordez aux efforts que nous réalisons pour promouvoir et renforcer l'action de la Communauté dans les organisations régionales de pêche. Je partage l'avis de tous ceux qui disent que nous avons besoin de plus d'organisations régionales de pêche, et je suis aussi de l'avis de M. Varela Suanzes-Carpegna et d'autres députés, pour qui la Commission doit jouer un rôle adéquat dans les ORP.

Nous pensons aussi, comme le Parlement, que la question du contrôle doit être centrale dans le domaine de la politique régionale de la pêche. Je veux encore insister sur le point de vue de la Commission, qui estime qu'elle ne peut pas assumer toute la responsabilité du contrôle dans les organisations régionales de pêche. Car enfin - cela correspond à la structure de base de l'Union européenne -, ce sont d'abord les États membres qui doivent assurer les contrôles. Dans l'exercice du droit d'autorité qu'ils détiennent en tant qu'États de pavillon, ils doivent mettre à disposition les ressources humaines, financières et matérielles nécessaires, afin que la Communauté puisse répondre à ses engagements internationaux.

La Commission s'en tient à la conclusion de sa communication : en ce qui concerne les activités de contrôle, l'OPANO est une exception à la règle, elle ne peut devenir la règle. La Commission doit se concentrer sur la tâche qui lui revient, à savoir la coordination et la supervision de la mise en œuvre des mesures de contrôle dans les organisations régionales de pêche. De plus, la Commission doit assumer une série de tâches dans le domaine des négociations qui doivent être menées dans le cadre des ORP.

Il serait tout simplement inconvenant de passer outre la pratique institutionnelle courante dans la Communauté en matière de compétence de contrôle pour les bateaux de pêche hauturière.

Je veux rappeler deux points importants. Premièrement, la Communauté doit agir de manière cohérente, qu'il s'agisse d'activités de contrôle dans les eaux territoriales communautaires ou des activités de contrôle en haute mer.

Deuxièmement, les points de vue que l'on adopte sur ce sujet doivent concorder avec les points de vue qui sont adoptés dans le cadre du débat en cours sur ce qu'on appelle les activités de base de la Commission. La discussion sur les mesures de contrôle dans le domaine des ORP doit partir de là. Il faut choisir une manière de procéder qui tienne compte de toutes les activités de pêche de la Communauté, aussi bien dans les eaux territoriales communautaires qu'en haute mer.

Si l'on entreprend de nouvelles réflexions en rapport avec les tâches que la Commission doit remplir relativement aux activités de contrôle à l'intérieur et hors des eaux communautaires, j'estime qu'il convient que nous le fassions dans le contexte de la préparation de la réforme de la politique commune de la pêche. Cela signifie que nous aurons, l'an prochain, une série d'occasions de discuter intensivement de ces questions. Voilà pour ce qui concerne le thème central de ce rapport.

Permettez-moi de faire encore l'une ou l'autre courte remarque sur d'autres points. En ce qui concerne la durée de la mise en œuvre des décisions des ORP, je suis d'accord avec vous pour dire que le bilan de la Commission peut et doit être amélioré. Jusqu'à présent, quelques progrès ont certes déjà pu être enregistrés, mais il faut avant tout s'employer à trouver une meilleure planification dans le temps.

En ce qui concerne les infractions et les sanctions : la Commission s'est toujours efforcée d'inclure des sanctions dans les règles de contrôle. Car, sans sanctions, tout contrôle est tout simplement inoffensif. Malheureusement, il n'a pas encore été possible d'appliquer de telles propositions, parce que le Conseil s'y est toujours opposé. Nous tenterons cependant d'avancer aussi sur cette question dans le cadre des travaux en cours pour la création d'un espace de liberté, de sécurité et de droit, tel qu'il a été formulé et décidé au sommet de Tampere.

Encore une remarque, concernant le reproche exprimé au point 16, selon lequel la Commission aurait l'intention d'exclure le Parlement du processus de participation de la Communauté dans les différentes ORP. Je dois vous dire que c'est tout à fait faux et qu'en réalité, c'est le contraire qui se passe. La Commission s'est toujours exprimée en faveur des règles qui visent la collaboration entre le Parlement et la Commission, et elle s'en est toujours tenue aux règles de l'Accord interinstitutionnel.

 
  
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  Le Président. - Le débat est clos.

Le vote aura lieu demain à 11 h 30.

 

12. Viande de porc (OCM)
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  Le Président. - L'ordre du jour appelle le rapport (A5-0305/2000) de M. Garot, au nom de la commission de l'agriculture et du développement rural, sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2759/75 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de porc [COM(2000) 193 - C5-0225/2000 - 2000/0076(CNS)].

 
  
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  Ford, Glyn (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je rencontre le même problème que M. Nicholson, mais dans une forme encore plus aiguë. Je suis arrivé à l'heure indiquée pour prendre part au débat sur l'ASEM III, mais je me suis alors rendu compte qu'il était terminé. Je ne sais pas quel est le problème. À mon avis, il tient au fait qu'un ou deux députés sont absents, ce qui accélère la discussion et fait que de plus en plus de personnes arrivent après celle-ci. Je ne sais pas comment nous pouvons résoudre ce problème, mais je m'excuse en tout cas auprès de l'Assemblée d'avoir été absent alors que j'aurais dû être présent. Je ne sais pas comment nous pourrions régler ce problème à l'avenir.

 
  
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  Garot (PSE), rapporteur. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, nous avons à débattre ce soir de la situation du secteur porcin et de son OCM qui s'est révélée inadaptée face à la dernière crise qui vient de se produire.

Entre 1998 et 2000, en effet, la production s'est emballée démesurément, avec une augmentation de 20 millions de têtes pour atteindre le niveau annuel de 205 millions de porcs abattus dans l'Union européenne. Nous avons alors enregistré une chute des cours de 30 %, avec son cortège de conséquences souvent insoutenables pour les producteurs, en particulier pour les jeunes et les plus endettés. En faillite, certains éleveurs n'ont eu d'autre choix que de changer de statut social pour devenir de simples salariés de firmes coopératives ou privées, tout en restant sur leurs anciennes exploitations. Ce n'est pas là, Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, la traduction du modèle agricole européen que l'Union entend faire reconnaître sur la scène internationale.

À l'évidence, un constat s'impose au regard des objectifs contenus dans le règlement 2759/75 modifié, celui de l'inadaptation et de l'insuffisance des outils de l'OCM du secteur de la viande porcine, à savoir le stockage privé et les restitutions : le stockage privé, qui intéresse d'autant moins les opérateurs qu'il est mis en œuvre dans un contexte de crise structurelle, et les restitutions, toujours utiles, mais dépendantes des accords internationaux qui les limitent de plus en plus sévèrement. Il convient donc d'imaginer de nouveaux instruments pour se prémunir contre toute crise grave qui pourrait ressurgir, malgré un niveau très élevé de la consommation intérieure et une bonne utilisation des opportunités d'exportation.

En effet, l'amélioration continue de la productivité des élevages génère déjà une croissance de l'offre et si celle-ci devait s'accompagner d'une extension sans bornes de l'appareil de production, il s'ensuivrait à nouveau, inéluctablement, un lourd déséquilibre du marché. Or, et c'est la dernière crise qui nous l'a appris, le redressement des marchés s'opère maintenant d'autant moins rapidement que, pour la plupart, les élevages spécialisés maintiennent globalement leur production en attendant des jours meilleurs.

Dans ces conditions, chers collègues, le problème concerne moins l'avenir de la production que l'avenir des producteurs. Voilà pourquoi il est impératif de doter l'Union d'instruments souples de prévention et de gestion des crises du secteur porcin.

La Commission nous propose à cet égard d'incorporer à l'OCM un nouvel outil : les fonds de régulation. L'idée est bonne, certes, mais comme son application est facultative pour les États membres et les producteurs, et qu'en contrepartie d'un gel des productions exigé elle n'apporte, en période de crise, aucune solution appropriée pour les éleveurs, elle présente en définitive peu d'intérêt. En l'état, elle serait vraisemblablement inopérante.

C'est pourquoi, consciente de l'importance du problème, la commission de l'agriculture et du développement rural, sur la base de mon rapport, a introduit des amendements pour rendre cette proposition plus attractive et plus efficace. En l'occurrence, il s'agit de permettre l'établissement de prévisions fiables concernant le marché par une bonne connaissance des moyens de production ; d'instaurer des fonds de régulation dans tous les États membres, avec une aide communautaire à leur mise en place afin que tout éleveur de l'Union, naisseur ou engraisseur, désireux d'y adhérer puisse le faire moyennant un engagement à stabiliser sa production pendant cinq ans ; d'établir le cofinancement de ces fonds par les éleveurs ou leurs regroupements et par l'Union européenne, afin d'encourager l'adhésion des producteurs ; d'introduire des modulations dans les versements des aides de ces fonds pendant les périodes de crise ; d'engager, enfin, les États membres à prendre, avec la Commission, les mesures qui leur paraîtront les mieux adaptées au rétablissement de l'équilibre des marchés en cas de crise avérée, étant entendu que cet effort de redressement du marché doit s'appliquer en tenant compte des évolutions de la production dans chaque État membre et doit être répercuté sur les éleveurs non adhérents au fond de régulation.

Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, voilà donc les solutions que préconise la commission de l'agriculture. Nous sommes convaincus, pour notre part, qu'elles sont de nature à prévenir les crises porcines, voire à les gérer si d'aventure elles devaient se reproduire. Ainsi, par des instruments souples, complémentaires et, partant, indissociables, et pour un coût raisonnable pour l'Union, reconnaissons-le, nous pouvons rendre l'avenir moins problématique pour nos éleveurs.

(Applaudissements)

 
  
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  Keppelhoff-Wiechert (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, en tant que rapporteur fictif pour le rapport Garot sur une organisation commune des marché dans le secteur de la viande de porc, je voudrais encore une fois attirer l'attention sur les pages cachées de ce rapport. Ce rapport, qui prévoit en substance la création d'un fonds de régulation pour les producteurs de viande porcine, allant ainsi au-delà de ce que la Commission propose, a été approuvé par la commission de l'agriculture et du développement rural. Au nom de notre groupe, j'ai demandé pour demain un vote séparé, car personnellement, je refuse l'idée d'un fonds de régulation pour les producteurs de viande porcine. Je dis oui à une tirelire pour les producteurs de viande porcine, mais je dis non à un fonds de régulation, qu'il faudrait encore financer avec de l'argent européen.

Je suis d'avis que nous n'avons pas besoin de nouvelles réglementations et de nouvelles interventions des États. En fin de compte, la caractéristique du libre marché réside dans le fait que l'offre et la demande s'équilibrent à un niveau de prix déterminé. Il est juste que les producteurs de viande porcine aient subi des pertes après une chute des prix historique. Avant cela, il y a tout de même eu une phase où les rapports économiques étaient stables. Une offre relativement réduite, provoquée par la peste porcine et la discussion sur l'ESB, ainsi que par de fortes exportations vers des pays tiers, a joué en faveur des prix, et nos agriculteurs ont toujours exigé que la politique se tienne si possible à l'écart. Voici à nouveau une bonne opportunité de le faire. Je trouve que l'hystérie n'a pas sa place ici.

Dans tout bon manuel d'agriculture, il est question de deux cycles traditionnels du porc. Ce que nous avons vécu au cours des trois dernières années, même si c'était dans des proportions extrêmes, correspond à un partie de cycle traditionnel du porc. Le marché du porc est finalement un des rares marchés agricoles qui n'a pas subi l'influence des interventions d'État. Les engraisseurs de porcs de mon pays souhaitent par dessus tout que cela se maintienne. La création d'un fonds de régulation accélérerait considérablement la concentration de l'élevage du porc d'abattage, parce que le risque de vois affluer de gros capitaux d'investissements se déplacerait sur le fonds commun.

Je suis consciente du fait que nous avons en Europe des conceptions de l'agriculture très différentes : elles prennent leur place dans un système fédéral en Allemagne mais aussi dans un système centralisé en France. Je refuse fermement l'idée d'un cofinancement par l'Union européenne. Je refuse les multiples interventions d'État. Les réglementations européennes : autant qu'il en faut, mais aussi peu que possible ! Qu'avons-nous donc l'intention de faire si de nouvelles crises agricoles se produisent, dans le secteur avicole par exemple ? Nous ne pouvons pas à chaque fois remplir une nouvelle tirelire européenne ? Ce serait sans fin. Au lieu de cela, il est beaucoup plus sensé que chaque producteur de viande porcine constitue ses propres économies. À chaque éleveur de porcs sa tirelire. Voilà ce que je souhaiterais !

 
  
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  Martínez Martínez (PSE). - (ES) Monsieur le Président, la proposition de la Commission reconnaît que le marché de la viande de porc dans l'Union européenne est sujet à des mouvements cycliques avec des périodes où l'offre est équilibrée et les prix satisfaisants, suivies par des périodes au cours desquelles l'offre est abondante et les prix s'effondrent. L'intensité des périodes de crise est toujours plus importante. La dernière, qui s'est étendue du milieu de l'année 1998 au début de l'année 2000, a entraîné une chute des prix de plus de 30 %. Cela a provoqué la disparition des exploitations familiales, dont l'unique porte de sortie est d'arrêter leurs activités ou d'entrer dans ce que l'on appelle la production intégrée, à savoir celle où le producteur perd son autonomie en tant qu'éleveur et est intégré à une structure d'entreprise - chaînes de distribution, supermarchés - qui lui dicte les règles de production en échange d'une certaine stabilité économique. Parfois, nous en arrivons à nous demander si la crise cyclique du marché n'est pas, dans une certaine mesure, le résultat de l'action spéculative desdites structures d'entreprise, qui s'assurent ainsi le contrôle du secteur en fonction de leurs intérêts.

Bien que la Commission reconnaisse que les deux seules mesures de soutien au marché, le stockage privé et les restitutions, sont insuffisantes pour lutter contre la crise, elle nous fait une proposition insignifiante et inefficace. Son manque d'imagination et d'ambition est surprenant. Plus qu'une mesure pour garantir les revenus des producteurs lorsque les prix s'effondrent, cela ressemble tout au plus à un conseil paternaliste : épargnez pendant les périodes de vaches grasses pour résister ensuite quand arrivent les vaches maigres.

Ce que la proposition appelle mécanisme de régulation consiste à autoriser l'État membre qui le souhaite à créer un fonds financé par les producteurs qui, sur une base volontaire, adhèrent à celui-ci pour une période de minimum cinq ans, en s'engageant à ne pas augmenter leur cheptel. La contribution du budget communautaire est nulle et la Commission se contente d'autoriser au sein du comité de gestion les seuils de prélèvement et le versement de fonds. Le caractère volontaire du système implique que l'effort de contrôle de la production retombera sur quelques-uns, tandis que les autres annuleront cet effet en produisant sans limite jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle crise. C'est pour toutes ces raisons que le texte de la Commission nous déçoit et nous paraît inacceptable. Il ne résout pas l'instabilité cyclique du secteur, il rompt avec le principe de solidarité financière de la PAC et constitue un élément clair de renationalisation et de distorsion des compétences.

Dès lors, nous défendons le rapport de notre coordinateur socialiste, notre ami Georges Garot, et les amendements approuvés au sein de la commission de l'agriculture. Ceux-ci font de la proposition quelque chose de très différent en introduisant, tout d'abord, le caractère obligatoire de cette mesure pour les États membres ; deuxièmement, le cofinancement communautaire du fonds et l'octroi d'aides à son démarrage de manière régressive ; troisièmement, la participation de la Commission aux mesures de gestion de la crise et, quatrièmement, l'élargissement du champ d'application de cette mesure aux producteurs de porcelets et aux exploitations en cycle fermé. Il y est également fait mention de la nécessité d'encourager les organisations de producteurs, dont l'implantation diffère fortement d'un État membre à l'autre.

Les amendements approuvés par la commission de l'agriculture constituent pour les socialistes un cadre acceptable pour la création des fonds qui nous sont suggérés et c'est pourquoi nous voudrions demander à la Commission, si elle n'est pas disposée à assumer ces amendements, de retirer sa proposition, qui, dans sa formulation actuelle, mérite notre rejet et celui du secteur.

 
  
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  Busk (ELDR). - (DA) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, permettez-moi de remercier, en premier lieu, M. Garot pour son rapport bien que je ne sois pas d'accord avec son contenu. Il est vrai que le secteur de la viande de porc a connu une crise, mais je ne suis pas d'accord avec les solutions proposées par M. Garot pour résoudre les crises futures. Le secteur de la viande de porc est le seul secteur à avoir pu s'adapter jusqu'à présent aux conditions du marché sans trop d'interventionnisme, tel que des aides à l'exportation et le stockage privé, et il faut que cela reste ainsi. Le fonds de régulation proposé par M. Garot bénéficiera peut-être encore à court terme aux petits producteurs si une aide de l'UE est octroyée et ce fonds contribuera à les maintenir artificiellement en vie au détriment des producteurs plus importants et plus productifs, qui représentent l'avenir du secteur de la production de viande de porc en Europe.

L'aide complémentaire de l'UE proposée par M. Garot dans son rapport est, selon moi, contraire au bon sens en ces années d'Agenda 2000, d'élargissement à l'Europe centrale et orientale et de réforme de la politique agricole. Nous n'arriverons pas à réformer la politique agricole par le biais de nouveaux régimes d'aide, et le budget ne prévoit d'ailleurs aucun crédit à cette fin. J'aimerais que la Commission nous explique dans quelle mesure cette proposition est conforme aux accords commerciaux conclus avec l'OMC ainsi qu'à l'Agenda 2000. L'idée de créer des fonds nationaux entraînant une concurrence déloyale parmi les producteurs de viande de porc européens va, selon moi, directement à l'encontre des principes de la politique agricole commune. Et pire encore peut-être : il pourrait en résulter une renationalisation de la politique agricole. Je vous invite donc à voter contre le rapport de M. Garot ainsi que contre la proposition de la Commission afin de permettre la poursuite de la ligne libérale, qui a toujours régné dans le secteur de la viande de porc.

 
  
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  Graefe zu Baringdorf (Verts/ALE) . - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, on voit une nouvelle fois tout ce que l'on peut faire avec les organisations communes des marchés ! Je félicite le rapporteur. Si toutes les OCM étaient conçues de façon aussi anticyclique que ce que M. Garot a proposé, ou si toutes les OCM étaient aussi favorables aux petites entreprises, ce que M. Busk vient de critiquer, alors les entreprises agricoles européennes auraient une autre structure. Les organisations des marchés, ainsi qu'elles ont fonctionné jusqu'ici, ont favorisé le processus de concentration plus qu'elles ne l'ont empêché.

Il est intéressant de constater que les deux fronts se sont inversés sur ce sujet. Ceux qui, comme moi, sont plutôt contre l'organisation de marchés dans le sens traditionnel du terme, soutiennent la proposition. Mme Keppelhoff-Wiechert, qui s'est opposée avec véhémence à ce que les autres organisations de marché soient retirées ou que l'on introduise le cofinancement pour ces OCM, dit maintenant qu'il ne peut y avoir de cofinancement. Si nous introduisions le cofinancement qui est proposé ici, à savoir un cofinancement à hauteur de 50 %, pour d'autres organisations de marchés, comme celle du sucre, secteur pour lequel le PPE s'oppose violemment à toute modification, d'énormes moyens seraient alors libérés d'un seul coup.

Si M. Busk s'inquiète de ce que l'OMC pourrait ne pas accepter cela, il est d'un tout autre avis lorsqu'il s'agit de l'organisation des marchés du sucre. Nous devons défendre les OCM devant l'Organisation mondiale du commerce ! C'est une proposition que les Américains ont déjà faite eux aussi. Nous introduisons un système d'assurance, et nous pouvons très bien mettre en avant le fait que les aspects sociaux ont leur rôle à jouer. J'estime qu'il est tout à fait remarquable que le rapporteur ait montré ici ce que l'on peut faire avec un peu d'administration quand on poursuit un projet défini, ce qui figure clairement dans le rapport. Ce projet ne vous convient pas, Madame Keppelhoff-Wiechert. Vous devez alors le dire, et on peut en discuter. Ce projet me convient, et je dis que si nous l'avions suivi pour d'autres organisations de marchés, nous aurions aujourd'hui une structure différente.

Quelques mots à propos du cofinancement et de la participation européenne : la Commission a proposé d'élargir l'organisation de marchés actuelle à un système d'assurance, mais uniquement avec de l'argent des entreprises elles-mêmes. Dites-moi, s'il vous plaît, quel genre de proposition est-ce là ? Vous pouvez la retirer à nouveau, vous en restez ainsi à l'autre proposition, car c'est précisément cela qui a favorisé la concentration. Si l'on fait quelque chose, on doit poursuivre dans cet esprit-là, comme M. Garot l'a fait. À partir d'une mauvaise proposition de la Commission, il a présenté une proposition raisonnable, anticyclique et qui renforcera la structure. C'est pourquoi notre groupe soutiendra cette proposition, et j'espère que celle-ci obtiendra la majorité des voix demain. Je suis seulement curieux de savoir, Monsieur Garot, ce que l'on fera de cette proposition au niveau européen, ce qu'en feront les membres du Conseil, qui prendront la décision finale. Je ne crois que cette proposition ait une chance, et cela en raison du projet que j'ai décrit ici. Elle sera très probablement écartée, à moins que la présidence française ait encore dans son sac quelque chose qu'elle puisse proposer, et imposer. Il en résultera à coup sûr un enterrement de première classe, et pourtant très intéressant !

(Applaudissements)

 
  
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  Fiebiger (GUE/NGL) . - (DE) Monsieur le Président, il est toujours difficile de décider de modifier les organisations de marchés. Au moment de la décision, il est important de promouvoir, de la façon la plus juste possible, les interventions de réglementation du marché, qui porteront sur l'offre et sur la demande ; il faut promouvoir ces interventions de façon telle que la production, dans ce cas-ci, la production de viande porcine, assure les revenus de l'agriculteur. Pendant longtemps, cela n'a pas été le cas.

Certains s'opposent et refusent le rapport. Certaines revendications dépassent le cadre du rapport, parce que beaucoup de choses ne vont pas bien dans le secteur de la production de viande porcine et de viande bovine. Les cas d'ESB les plus récents vont avoir pour conséquence une baisse de la production, et rendre caduc tout ce qui a été fait jusqu'ici. La globalisation de l'économie se présente ici comme un piège, et cela n'a rien à voir avec les crises cycliques. On transporte du bétail d'abattage d'un bout à l'autre de l'Europe, des cheptels sont démantelés avec des subventions d'État, et on construit par ailleurs de grandes installations écologiques. Ce rapport ne présente pas non plus de solutions toutes prêtes ; bien autre chose serait nécessaire pour cela. Le rapport cherche toutefois à contrôler la production selon le principe du libre choix, et au-delà de la formation de communautés de producteurs. Cet aspect est honnête et crédible. Je conseillerai à mon groupe de ne pas s'opposer au rapport.

 
  
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  Souchet (UEN). - Monsieur le Président, à l'heure où la sécurité alimentaire est plus que jamais à l'ordre du jour et surtout à l'heure où l'ensemble de la filière viande, en Europe, est touchée par la crise de la vache folle, il est particulièrement important que la réforme de l'OCM-viande de porc soit adoptée sans délai.

Le marché de la viande de porc connaît des fluctuations cycliques, bien connues des économistes, mais la crise de 98/99 a connu une durée et une ampleur sans précédent qui a mis en évidence l'amplification de ce phénomène, qui met chaque fois en faillite de nombreuses exploitations familiales et pousse chaque fois davantage à la concentration et à l'intégration de la filière.

Cette crise a démontré très clairement l'insuffisance des mécanismes actuels très légers de l'OCM-viande de porc et la nécessité de prévoir un mécanisme de régulation permettant de stabiliser les revenus des producteurs grâce à un système de prélèvements, en période de bonne conjoncture, et de versements, en période de crise, comme le propose enfin la Commission européenne sur le modèle du système français stabi-porc. Mais cette proposition serait tout à fait insuffisante, si elle laissait aux États membres la possibilité de refuser ces systèmes de régulation et si on laissait aux seules cotisations des producteurs le soin de constituer les réserves destinées à soutenir les revenus en période de crise car on verrait alors se créer une production porcine à deux vitesses.

D'un côté, les plus gros producteurs ou ceux qui sont intégrés avec les entreprises d'aval se tiendraient à l'écart de ce dispositif, préférant les systèmes dont ils disposent déjà : épargne individuelle, prêt bancaire, caisse de péréquation. Ils n'auraient à prendre aucun engagement de limitation de production et garderaient leurs droits de croissance. Ils seraient ainsi la source même de la prochaine crise de surproduction qui causerait immanquablement la faillite des caisses de régulation.

D'un autre côté, les producteurs les plus modestes, les exploitations familiales joueraient le jeu de la solidarité, accepteraient de limiter leur production, cotiseraient à une caisse de régulation nationale qui les entraînerait dans sa faillite à l'occasion de la prochaine crise de surproduction.

L'actuelle OCM-viande porcine est extrêmement légère et beaucoup trop timide. Ce projet de réforme est le premier, un tant soit peu significatif, que propose la Commission depuis 1975. Les amendements de notre commission de l'agriculture, sous l'impulsion de Georges Garot, dont je salue le travail, transforme ce texte limité en un texte d'envergure. Les modifications apportées par notre commission sont en effet capitales. La participation de tous les États membres à ce nouveau système sera obligatoire. Tout éleveur, où qu'il soit dans l'Union, pourra souscrire à ce dispositif. La participation du budget communautaire est également essentielle car sans elle, ceux qui adhéreraient à un de ces fonds de régulation, n'auraient en fait que des contraintes et le système ne serait pas du tout attractif.

Les efforts ne peuvent pas être faits par les producteurs seuls. C'est pourquoi notre rapporteur propose un engagement plus important de l'Union par le biais d'un cofinancement des fonds de régulation. Loin de créer ainsi un système exceptionnel au regard de la pratique internationale, on s'approche au contraire, avec ce mécanisme souple, et au coût raisonnable, de prévention et de gestion des crises, de ce qui se pratique dans certains pays tiers comme les systèmes d'assurance-revenus en vigueur aux États-Unis et au Canada.

Nous soutenons donc la proposition de la Commission exécutive telle qu'elle a été profondément amendée par les travaux de notre commission de l'agriculture et nous voterons en faveur du rapport Garot.

 
  
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  Schierhuber (PPE-DE) . - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs les Députés, permettez-moi de dire avant tout que, sur le fond, et en considération de l'agriculture autrichienne, je salue favorablement la proposition de la Commission de constituer un fonds de régulation.

Ce fonds peut être un bon instrument pour réduire les pertes des éleveurs de porcs durant les périodes de crise. La crise porcine des années 98 et 99 a montré que les instruments prévus par le règlement sur les OCM de la viande de porc, actuellement en vigueur, sont insuffisants, qu'il s'agisse du stockage privé ou de la restitution à l'exportation. Je crois que, pour éviter et pour combattre de telles crises dans le futur, la proposition de la Commission représente la première voie à emprunter.

Le cofinancement est un point essentiel, que la Commission n'a pas abordé dans sa proposition. Je suis d'avis que le principe fondamental du financement européen des OCM doit s'appliquer également à l'OCM de la viande de porc. On garantirait ainsi une participation intensive des éleveurs, et on aboutirait, de manière indirecte, à la limitation de la production.

La proposition prévoit que le fonds soit instauré par les États membres. Je pense qu'il faut garantir que tous les États membres instaurent ce fonds, afin de donner aux éleveurs de toute l'Europe la même possibilité d'y participer. En ce qui concerne l'administration de ce fonds, l'administration par l'État devrait se réduire au minimum, c'est-à-dire que les États membres devraient allouer et contrôler les fonds, mais ne pas les administrer eux-mêmes ; ils devrait laisser cette tâche par exemple aux communautés de producteurs. Il faudrait laisser à chaque éleveur la liberté de participer ou non à ce fonds de régulation. Mais s'il y participe, il devrait s'y engager pour une durée de cinq ans.

Je suis convaincue que cet éventail d'instruments peut donner au marché une plus grande stabilité, et aux agriculteurs d'Europe la possibilité de combattre plus efficacement les crises cycliques.

 
  
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  Pesälä (ELDR). - (FI) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, l’auteur du rapport, M. Garot, a traité avec sérieux et précisé cette proposition de la Commission en vue de l’instauration de fonds de régulation du secteur de la viande porcine. S’efforcer de prévoir un mécanisme d’équilibre entre la production et le marché est dans l’intérêt de la chaîne de production, et de tout le monde. Je voudrais insister cependant sur le fait qu’à ce stade nous ne devrions pas nous orienter vers une économie dirigiste dans le secteur de la viande porcine. Je rejoins tout à fait l’opinion de M. Busk quand il dit que nous sommes à la veille de l’élargissement de l’Union européenne vers l’est, et dans une telle situation, où dans quelques années nous devrons revoir sérieusement toute la politique agricole, je ne pense pas qu’il soit opportun de mettre tel ou tel secteur dans le cadre d’une économie réglementée. Ce ne serait pas très judicieux en ce moment.

Sur ce point, le nord et le sud s’opposent de façon tout à fait nette : dans le sud, on penche plutôt pour le financement commun, alors que dans le nord le secteur de la viande porcine part du principe que le financement commun devrait reposer essentiellement sur une base volontaire, laquelle permet ensuite de concevoir des systèmes auxquels, comme vient de le dire Mme Schierhuber, les éleveurs de porc des divers pays d’Europe pourraient participer. Le financement communautaire pourrait se limiter au niveau technique, au stade du lancement, et favoriser ainsi la mise en place du système. À l’avenir, les fonds de régulation non obligatoires aideront, à mon avis, à équilibrer le marché dans le secteur de la viande porcine comme ils l’ont fait dans d’autres secteurs.

 
  
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  Nicholson (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord dire que nous aurions eu tout à fait tort de venir ici ce soir pour critiquer le rapport ou pour reprocher à la Commission d'avoir présenté une proposition. Je voudrais remercier le rapporteur pour son rapport. C'est la première fois - du moins depuis ces onze années que je siège au sein de ce Parlement - que nous menons un débat constructif sur les problèmes que rencontre le secteur de la viande de porc dans toute l'Union européenne. Je ne dis pas que les opinions avancées ce soir sont bonnes, je ne dis pas que j'y souscris, mais, au moins, c'est la première fois que nous menons une discussion constructive sur cette question.

Il n'y a aucun doute que cette période est la plus difficile qu'aient traversée les éleveurs de porcs, quel que soit leur pays d'origine. J'ai vu des exploitations familiales faire faillite, j'ai entendu des femmes d'éleveurs se demander comment elles allaient survivre dans ce secteur en difficulté. La question que je dois me poser est très directe et simple : cette proposition les aidera-t-elle à soulager leurs difficultés, à court ou à long terme ? J'ai de très sérieuses réserves quant à sa capacité à venir en aide aux éleveurs de porcs, que ce soit à court ou à long terme. Le cofinancement est une chose, mais je crains fortement qu'il ne crée des conditions inéquitables dans de nombreux pays de l'Union européenne.

Je dois demander au commissaire - parce que c'est justement cet aspect qui serait susceptible d'intéresser certains d'entre nous - si cette proposition sera imposée aux États membres. Si elle est mise en œuvre dans tous les États membres, elle sera relativement équitable. En revanche, il ne serait pas loyal qu'elle ne soit pas mise en œuvre dans tous les États membres. Des suspicions se feraient alors jour et l'on se demanderait si les producteurs d'un autre État membre ne bénéficient pas d'un avantage déloyal. Le commissaire pourrait-il apporter une réponse à ma question ? Mon intention de vote dépend de la manière dont il pourra m'éclaircir sur ce point.

Il faut éviter à tout prix la concurrence déloyale. Comme l'a dit Mme Keppelhoff-Wiechert, le prix du porc a toujours varié considérablement. Lorsque les prix sont élevés, le producteur s'en sort bien. Lorsque les prix sont bas, la famille ne s'en sort pas bien. C'est une question d'équilibre.

Voilà le problème du secteur porcin à l'heure actuelle. Le commissaire compte-t-il également s'attaquer à ce problème dans le secteur de la volaille, des champignons, des tomates ou d'autres secteurs qui connaîtront des difficultés particulières à un moment ou un autre ? C'est la question que nous devons nous poser : la politique agricole commune peut-elle réellement relever les défis auxquels elle est confrontée à l'heure actuelle ?

Si cette politique est bonne, si je la salue, nous devons toutefois la reconsidérer. Nous devons la réexaminer. Nous devons poursuivre nos consultations et renforcer la coopération afin de trouver un moyen de parvenir à une proposition plutôt que de demander aux producteurs, déjà fortement sous pression en ce moment, de financer quelque chose qu'ils ne peuvent pas se permettre. Tentons de trouver le meilleur moyen de soutenir le secteur à long terme.

 
  
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  Maat (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, ce qu'il y de bien dans ce débat, c'est qu'il met en évidence ce que la politique agricole commune peut réglementer et ce qu'elle ne peut pas. En ce sens cette soirée est mémorable, notamment en ce qui concerne le groupe des Verts. J'ai bien compris que l'on veut une organisation commune des marchés dans le secteur de l'élevage intensif et un démantèlement de la politique agricole dans la mesure où elle est connectée au territoire, où il s'agit de production connectée au territoire. Or, c'est précisément cette forme d'agriculture que nous avons reconnue comme étant la plus durable et la plus respectueuse de l'environnement. En soi, c'est une chose remarquable. Nous y reviendrons sûrement dans nos futures discussions avec le groupe des Verts.

Je tiens en tout premier lieu à féliciter le rapporteur, M. Garot, pour les grands efforts qu'il a consentis dans sa recherche de solutions à un moment où l'élevage porcin entre en crise. Le seul fait mérite déjà un compliment. Mais le remède qu'il propose est-il le bon ? J'en doute fort. Franchement, je ne crois pas à l'efficacité de son remède et je vais vous expliquer pourquoi. Je crois qu'une organisation commune des marchés n'a de sens que si l'on envisage un cofinancement, un financement européen et si des accords sont conclus quant à la quantité que l'on va produire. Sans cela, le risque est grand que l'uniformisation du marché et des revenus se produise certes, mais selon une spirale descendante, ce qui ne saurait être le but. Dans une telle hypothèse, je préfère un marché libre dans le secteur de l'élevage porcin avec des prix qui évoluent avec le marché. Si nous choisissons l'option d'un organisation commune des marchés et d'un renforcement de la politique dans ce secteur, je privilégierais une promotion plus active des groupements de producteurs pour renforcer leur position sur le marché, un marché qui continue à se concentrer du côté de la demande et dont la position se renforce. On peut se demander dans quelle mesure l'agriculture et l'horticulture en Europe peuvent apporter une réponse valable à cet égard. Quoiqu'il en soit, je fais le choix du renforcement des groupements en vue notamment de conquérir une position plus concurrentielle sur le marché et de conclure de meilleurs accords.

En ce sens, je dois dire que mes conclusions sont différentes de celles de mon collègue M. Garot. En ce qui concerne la proposition de la Commission, je pourrais presque l'approuver telle qu'elle a été présentée, quoique, si nous voulons être honnêtes, nous devons reconnaître qu'elle n'apporte rien de concret pour résoudre la problématique.

Voilà l'approche que je voudrais choisir, Monsieur le Président, en répétant que je rejette la solution avancée par M. Garot, malgré toute l'estime que j'éprouve pour l'intense effort qu'il a déployé dans sa recherche d'un moyen de procurer une meilleure assise sociale au secteur de l'élevage porcin.

 
  
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  Fischler, Commission. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d'abord vous remercier de tout cœur, Monsieur Garot, pour votre excellent rapport, que vous avez axé sur l'instauration d'un fonds de régulation dans l'organisation commune des marchés de la viande de porc. Le point de départ de la proposition de la Commission avait été la crise du secteur porcin, crise qui heureusement a été dépassée depuis lors. Nous nous trouvons actuellement, et c'est tant mieux, dans la phase économiquement favorable du cycle du porc, laquelle se caractérise par une remontée de la demande et un niveau des prix qui s'est clairement amélioré pour les agriculteurs. Depuis plusieurs mois, les prix de production se situent autour des 140-150 euros les 100 kilos, et les perspectives pour le futur sont jugées positivement par les experts. L'évolution du marché nous montre que le cycle du porc est toujours en cours, qu'il est toujours et encore une réalité, et aussi que les temps difficiles font place à des temps meilleurs. Nous ne devons pas oublier cela quand nous débattons de cette proposition.

Nous débattons d'un instrument de soutien des revenus des producteurs en temps de crise. Nous ne parlons pas d'une nouvelle organisation des marchés de la viande de porc. Il existe déjà une OCM de la viande porc, et nous ne devons pas commettre l'erreur de la remettre en question alors que, fondamentalement, elle fonctionne bien.

Concernant les amendements présentés dans le rapport, je voudrais d'abord me concentrer sur les points qui s'écartent nettement des propositions de la Commission. Il y a en premier lieu la question du cofinancement, qui constitue sûrement, dans une certaine mesure, la question clé du débat de cette proposition, et qui est aussi abordée dans les amendements 11 et 12. Je dois souligner ici que ce sont les producteurs de viande porcine qui ont la responsabilité principale du maintien de l'équilibre du marché, et du niveau des prix qui en résulte. Ce sont les producteurs de viande porcine qui décident des volumes de production, et donc, indirectement, de l'évolution future des prix. Mais, selon moi, ce serait une erreur de retirer cette responsabilité aux producteurs. En outre, le cofinancement amène le risque que les signaux du marché arrivent au producteur de manière estompée. Je ne peux donc pas approuver l'idée que le fond de toute cette affaire puisse exister dans le cadre d'une politique de prix anticyclique. Si nous voulions entamer une politique de prix anticyclique, nous ne ferions en réalité rien d'autre qu'augmenter l'amplitude du cycle du porc.

J'ai appris un chose aujourd'hui : il y a apparemment certains députés qui soutiennent l'idée que nous devrions maintenant introduire le cofinancement dans toutes les organisations de marchés. Donc, si nous le faisions dans toutes les OCM, nous n'exclurions vraisemblablement pas la question du porc. Mais, si j'ai bien compris, ce n'est pas précisément l'objet de notre débat.

La deuxième question importante concerne le caractère facultatif du système. La proposition de la Commission laisse aux États membres le choix d'instaurer ou non un fonds, tandis que les amendements prévoient l'obligation de créer ce fonds pour tous les États membres. Nous ne devrions cependant pas oublier que la production européenne de viande porcine, ainsi que l'organisation de cette production, revêt des formes très différentes d'un pays à l'autre ; la collaboration entre les acteurs des différentes étapes de la chaîne de production est organisée, elle aussi, de façon très variée. Pour cette raison, il y a toute une série d'États membres, mais aussi toute une série de producteurs de viande porcine dans ces États, qui refusent a priori un fonds de régulation, parce qu'ils disent qu'ils n'en ont pas besoin, parce qu'ils ont prévu d'autres formes de garantie de leurs revenus durant la phase critique du cycle.

En revanche, d'autres pays veulent absolument ce fonds de régulation, et je dois leur dire très clairement que, si nous devions proposer l'introduction obligatoire de ce fonds de régulation, la conséquence en serait que nous pourrions tout abandonner, car il n'y aura jamais de majorité au Conseil pour une telle proposition.

Ensuite, il y a l'implication des producteurs spécialisés de porcelets dans le système proposé, telle que les amendements 7 et 13 la soulignent. J'estime que cela pose de gros problèmes parce que, premièrement, la production de porcelets est très hétérogène, et deuxièmement, le soutien aux producteurs de porcelets n'a pas lieu automatiquement dans la même phase du cycle que le soutien aux engraisseurs. De plus, le poids des porcelets oscille énormément, entre 8 et 30 kilos. Il n'y a pas non plus de système unique de notation des prix des porcelets standard, si vous me passez l'expression, et donc il n'y a pas de base sur laquelle on puisse s'appuyer. Je crois qu'il est bien meilleur que l'équilibre économique entre le prix du porcelet et le prix du porc d'abattage soit décidé par le marché, et non par des mesures artificielles. En particulier, nous ne devrions pas oublier que, dans beaucoup de pays, les agriculteurs engraissent eux-mêmes les porcelets qu'ils ont produits, et qu'ils ont ainsi directement accès au fonds de régulation pour les porcs à l'engrais qu'ils ont vendus.

L'amendement 16 n'est pas acceptable pour la Commission, car son application aurait pour conséquence de limiter sévèrement la liberté de choix des agriculteurs qui ne participent pas au fonds de régulation, pour pouvoir préserver leur liberté. Des mesures n'ont pas encore été décidées à ce sujet, de sorte que les États membres conservent encore essentiellement la décision sur les mesures à adopter. L'application de cet amendement donnerait lieu à une véritable renationalisation, ce que je ne peux pas accepter.

La réduction prévue de la production dans chaque État membre, en fonction de la production déjà enregistrée, a par contre tous les aspects, inquiétants, d'un régime de quotas. Cela mettrait en outre en mouvement une énorme bureaucratie - y compris pour ce qui est du contrôle. Selon la Commission, il est juste de ne soumettre à une discipline que les agriculteurs qui participent au fonds de régulation, parce que ceux-ci reçoivent en échange une certaine garantie de revenu, tandis que ceux qui ne participent pas au fonds ne reçoivent pas cette garantie. En plus de ces quatre questions centrales, qui se posent dans le débat sur ce rapport, il y a encore une série d'amendements, qui sont moins de nature fondamentale, et qui concernent surtout des détails du règlement. Ces détails ne doivent pas figurer, selon moi, dans le règlement du Conseil, mais bien dans les modalités d'application.

En ce qui concerne la modulation des aides en fonction du nombre d'animaux, je peux signaler que la proposition de la Commission prévoit déjà une base juridique pour ce procédé.

Permettez-moi, pour conclure, d'aborder un thème dont il est surtout question à l'amendement 6, à savoir l'amélioration des informations statistiques sur l'évolution des cheptels de porcs, et des possibilités d'évaluation du développement de la production. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de produire une nouvelle loi ou de nouvelles prescriptions. Il est bien plus nécessaire que les États membres et leurs services statistiques appliquent correctement, et dans leur ensemble, les textes qui existent déjà. Mes services ont, sur ces problèmes, attiré l'attention de nos collègues d'Eurostat, qui sont compétents pour l'exécution de ces mesures, et leur ont demandé avec insistance que les résultats s'améliorent dans ce domaine. Ces derniers mois, plusieurs discussions ont eu lieu, et il est apparu très clairement que nous ne manquons pas de règles, mais que ce qui nous manque, c'est que l'on prenne ces règles au sérieux, que l'on établisse un relevé correct des cheptels de porcs, et que l'on ait une réponse fiable aux questions qui sont posées aux États membres.

Vous pouvez conclure de ce que j'ai dit que je ne me vois pas dans la situation d'accepter vos amendements. Je vous suis toutefois très reconnaissant pour le débat sérieux que nous avons eu, et j'espère qu'il sera possible d'arriver, au Conseil, à un résultat sur la base de la proposition de la Commission, car, quoi qu'il en soit - et je vous le dis très clairement -, nous sommes ici confrontés au problème que les avis sur cette question divergent totalement entre les États membres.

 
  
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  Graefe zu Baringdorf (Verts/ALE) . - (DE) Monsieur le Président, permettez-moi de poser une question au Commissaire, car je suis quelque peu irrité : il a dit que la Commission n'a pas du tout l'intention de modifier l'OCM de la viande de porc. Mais le titre du document dit ceci : "sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2759/75 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de porc". Qu'est-ce donc, je vous prie, que la Commission nous a présenté ? Si vous ne voulez pas modifier les choses aussi radicalement que nous, alors nous pouvons nous entendre, mais si vous ne voulez rien modifier, alors le texte serait faux. Peut-être pouvez-vous nous expliquer cela. Lorsque vous nous présentez un texte, le Parlement prend la liberté de faire ses propositions. C'est notre droit !

 
  
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  Fischler, Commission. - (DE) Monsieur le Président, afin d'expliquer cela, je n'ai pas dit que, par cette proposition, que la Commission a introduite, on n'arriverait pas à une modification de l'organisation des marchés de la viande de porc. Bien sûr que ceci constitue une modification de l'OCM de la viande de porc, mais au cours du débat, j'ai entendu des avis qui prétendaient qu'il s'agissait maintenant de créer une OCM de la viande de porc, et je me suis permis de faire remarquer que nous en avons déjà une.

 
  
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  Le Président. - Je vous remercie, Monsieur le Commissaire.

Le débat est clos.

Le vote aura lieu demain à 11 h 30.(1)

(La séance est levée à 23 h 10)

 
  

(1) Ordre du jour de la prochaine séance : cf. procès-verbal.

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