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Compte rendu in extenso des débats
Mercredi 14 mai 2003 - Strasbourg Edition JO

4. Accord d’extradition UE/États-Unis et Cour pénale internationale
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle la déclaration du Conseil sur l’accord d’extradition UE/États-Unis et la Cour pénale internationale.

Je cède la parole à M. Petsalnikos, ministre grec de la justice et représentant du Conseil.

 
  
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  Petsalnikos, Conseil. - (EL) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous avons aujourd’hui l’occasion de vous tenir au courant de l’état d’avancement des négociations menées entre la présidence et les États-Unis d’Amérique sur deux accords qui concernent l’un, l’extradition et l’autre, l’entraide judiciaire. Ces négociations sont à présent entrées dans leur dernière phase. Le texte des projets d’accords a été envoyé au Parlement européen il y a deux semaines. La présidence espère qu’ils seront approuvés et signés lors du Conseil "justice et affaires intérieures" du 6 juin. Cela permettra à la présidence de procéder à la signature de ces accords dans le cadre du sommet entre l’Union européenne et les États-Unis, qui se tiendra le 25 juin à Washington.

Si je suis en mesure d’être optimiste aujourd’hui quant à l’issue de ces négociations, je le dois aussi, dans une large mesure, aux importants efforts des présidences précédentes. Après un premier cycle de négociations sous la présidence espagnole, de vastes pourparlers ont été menés sous la présidence danoise, avec l’aide de la Commission et le soutien du secrétariat du Conseil.

Lors de sa réunion du 28 février 2003, le Conseil a convenu de ce que la présidence avait conduit les négociations efficacement, obtenu un résultat encourageant, et qu’il était indiqué de suspendre la négociation de ces accords pour laisser aux États membres le temps d’examiner ces textes dans tous leurs aspects. Certains États membres n’ont pas encore conclu le processus de consultation de leur parlement national et c’est pourquoi le Conseil a décidé, lors de sa réunion de la semaine dernière, de faciliter la conclusion du processus d’information. Je vous rappellerai que le Conseil a informé le Parlement européen à plusieurs reprises de l’évolution des négociations avec les États-Unis d’Amérique; la dernière occasion s’étant située dans le cadre d’une réunion de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures, le 20 mars dernier. Si, le 5 juin prochain, le Conseil autorise la présidence à signer les accords au nom de l’Union européenne, certains États membres devront solliciter, conformément aux procédures prévues par leur Constitution, l’approbation ou la ratification de ces accords par leur parlement national. L’article 24 du traité sur l’Union européenne autorise en effet explicitement les États membres à déclarer qu’ils doivent se conformer à leurs propres règles constitutionnelles avant d’être lié par un accord. Certains États membres nous ont d’ailleurs d’ores et déjà fait savoir qu’ils recourraient à cette déclaration. L’Union européenne ne sera liée par ces accords qu’à la suite de l’échange des actes législatifs avec les États-Unis d’Amérique, lequel n’aura lieu qu’après que le Conseil aura pris une seconde décision autorisant la présidence à procéder à l’échange des actes de ratification avec les États-Unis d’Amérique. Entre la signature des conventions et l’échange des documents de ratification, la présidence informera le Parlement européen sur le texte des accords sur une base ad hoc, bien que le traité sur l’Union européenne ne contienne pas une telle exigence. Il est logique qu’une telle information ait lieu à ce stade, dès lors que les procédures constitutionnelles exigent traditionnellement des gouvernements qu’ils sollicitent l’accord ou l’avis des parlements nationaux sur le texte final de l’accord. Bien entendu, un texte ne devient définitif qu’une fois signé par les parties contractantes.

La présidence juge que cet accord recèle une valeur ajoutée par rapport aux accords bilatéraux actuels qui existent entre les États membres de l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique dans les domaines de l’extradition et de l’entraide judiciaire. Je ne peux que souligner le fait que, faute de parvenir à un accord, nous devrons nous satisfaire des accords bilatéraux conclus par les États membres. En tout état de cause, les accords UE/USA n’abrogeront pas les accords bilatéraux conclus entre les États membres et les États-Unis. Les accords dont je vous parle aujourd’hui sont basés sur les articles 24 et 38 du traité sur l’Union européenne. Ils existeront parallèlement aux accords bilatéraux, qu’ils viendront compléter et dont ils remplaceront, dans certains cas, certaines dispositions.

Il importe également que nous comprenions que les États membres resteront en mesure d’invoquer les raisons - incluses dans les accords bilatéraux d’extradition et d’entraide judiciaire - pour lesquelles ils refusent d’autoriser l’extradition ou de fournir une entraide judiciaire. Si un accord passé entre un État membre et les États-Unis d’Amérique prévoit certaines raisons pouvant motiver le refus, ledit État membre pourra continuer d’invoquer ces raisons une fois entrés en vigueur les accords UE/USA.

De plus, le projet d’accord d’extradition contient une disposition qui - pour autant que je le sache - n’a pas de précédent dans le droit international en matière d’extradition. Cette disposition prévoit qu’un État membre invité à extrader un individu donné peut invoquer ses principes constitutionnels, lesquels ne doivent pas être nécessairement inclus dans le texte de sa constitution mais peuvent être inscrits dans un texte de même valeur juridique pour des raisons historiques ou autres, qui ont force de loi et qui empêchent l’État en question d’honorer son obligation d’extradition. Dans de tels cas, il va de soi que l’État requérant et celui qui fait l’objet de la demande se doivent d’engager des consultations pour résoudre le problème. Cette disposition revêt une importance toute particulière au vu de la référence explicite, inscrite dans le préambule, au principe d’un jugement équitable prononcé par un tribunal impartial établi par la loi. Cette disposition permet en effet aux États membres qui ne disposeraient pas de cette possibilité aux termes de l’accord bilatéral qu’ils auraient conclu avec les États-Unis de refuser d’extrader une personne si elle doit comparaître devant un tribunal d’exception.

Les États membres qui viendraient à conclure de nouveaux accords avec les États-Unis à l’avenir devront bien évidemment se conformer aux accords passés par l’UE, puisque ceux-ci feront partie de l’acquis de l’Union européenne. Tout accord bilatéral futur en la matière devra par conséquent être compatible avec les accords UE/USA.

La présidence juge que ces négociations ont été fructueuses. Nous sommes parvenus à apporter une contribution positive au niveau actuel d’assistance, à en augmenter l’efficacité et - point le plus important - à convenir de garanties supplémentaires. Il est de la plus haute importance que chacun comprenne que ces accords apportent des garanties supplémentaires aux accords bilatéraux existants et que, si ces accords n’avaient pas été conclus, la protection juridique actuelle témoignerait de lacunes par rapport à ce qu’elle sera une fois les accords conclus. Le projet d’accord UE/USA d’extradition contient une disposition qui interdit l’extradition en cas de prononcé ou d’exécution de la peine de mort. Cette disposition dépasse le niveau de protection prévu dans les accords bilatéraux, car elle octroie à cette condition un caractère général et qu’elle ne fait pas dépendre la non-exécution de la peine capitale aux assurances données par le gouvernement des États-Unis dans le cas en question. Contrairement à ce que prévoyait jusqu’ici la plupart des accords bilatéraux, la non-exécution de la peine capitale ne dépendra pas des assurances données par le gouvernement américain dans le cas en question - sur une base ad hoc - et sera probablement exigée par l’État membre dès réception de la demande d’extradition formulée par les États-Unis. En outre, les États membres de l’Union européenne peuvent exiger des États-Unis qu’ils ne prononcent pas de condamnation à mort avant d’accéder à la demande d’extradition. Les États-Unis seront alors liés au respect de cette condition, à moins que cela soit impossible pour des questions de procédure: ce sera le cas si la peine de mort a déjà été prononcée avant la remise de l’inculpé ou si les poursuites pénales afférentes au délit commis ouvrent automatiquement la possibilité pour le tribunal compétent de prononcer la peine de mort, ce qui est le cas dans quelques rares États des États-Unis d’Amérique. Toutefois, les États membres qui désirent opter pour les pratiques mises en place au niveau bilatéral pourront le faire si ils n’appliquent pas cette disposition et/ou si ils procèdent à une déclaration commune bilatérale avec les États-Unis.

Permettez-moi d’évoquer un certain nombre d’autres questions pour lesquelles les projets d’accords apportent une valeur ajoutée en matière d’extradition:

Pour ce qui est des informations sensibles, le projet d’accord permet de solliciter la tenue de consultations afin de déterminer dans quelle mesure les informations mentionnées dans une demande peuvent être protégées par l’État requérant.

Pour ce qui est des demandes multiples, l’accord traite la question de la formulation simultanée de demandes d’extradition par les États-Unis d’Amérique et un autre État et du cas où cet autre État est concerné par le mandat d’arrêt européen. À cet égard, je voudrais évoquer la question de la Cour pénale internationale, la présidence étant consciente de ce qu’il s’agit d’une question particulièrement sensible pour le Parlement. Lorsque les négociations ont débuté, les deux délégations ont convenu que l’accord n’aurait pas la moindre répercussion sur les positions adoptées par les États membres et les États-Unis d’Amérique quant aux demandes de remise d’un inculpé formulées par la Cour pénale internationale. Les négociateurs de l’UE et des USA ont convenu d’arrêter ce point par écrit dans un mémorandum qui affirme que l’article 10 ne préjuge en rien des obligations des États signataires du statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale. Il en découle que la question soulevée par des demandes simultanées de remise d’un inculpé formulée par la Cour pénale internationale, d’une part, et d’extradition formulée par les États-Unis, d’autre part, est et demeure du ressort exclusif des États membres et que le Conseil ne sera pas habilité à faire la moindre déclaration à ce sujet.

En ce qui concerne l’entraide judiciaire, les principaux acquis des négociations menées avec les États-Unis résident notamment dans les secteurs suivants: le projet d’accord améliore la coopération dans le domaine des enquêtes portant sur les éventuels éléments financiers des délits graves, y compris le crime organisé, le terrorisme et la fraude. Les États membres qui n’ont pas, en l’état, conclu d’accord d’entraide judiciaire avec les États-Unis d’Amérique, peuvent invoquer des raisons d’ordre public, de sécurité, de souveraineté nationale ou autres pour refuser, dans certains cas, la transmission d’informations. L’accord renferme des dispositions détaillées en matière de protection des données et de fourniture de preuves et d’informations. Il contient des dispositions qui facilitent le recours à des équipes d’enquête communes et l’organisation de téléconférences entre les États membres et les États-Unis. Ces dispositions, pour faciliter le recours à ces options par les États membres, ne les obligent pas pour autant à y recourir. Le projet d’accord autorise le recours aux moyens modernes de télécommunications, aux fac-similés ou au courrier électronique afin d’échanger des demandes d’entraide judiciaire et d’y répondre avec accusé de réception. Pour autant qu’il n’en aille pas déjà ainsi aux termes d’accords bilatéraux, l’entraide judiciaire peut être sollicitée par les autorités administratives des USA et des États membres, lorsque celles-ci mènent des enquêtes sur des délits passibles de poursuites pénales ou en vue de signaler ces délits aux services d’enquête ou judiciaires.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je souhaiterais une fois encore vous remercier pour nous avoir permis de rendre compte au Parlement de l’état d’avancement des négociations menées par l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique en vue de la conclusion d’accords d’extradition et d’entraide judiciaire.

 
  
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  Hernández Mollar (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Mesdames et Messieurs, je tiens tout d’abord à vous remercier pour les informations mais, malheureusement, je pense que vous n’avez pas répondu à la question orale que mon groupe vous a posée et qui reste donc sur la table.

De toute évidence, nous nous trouvons face à un accord d’une importance particulière, tant pour l’Union européenne que pour les États-Unis, qui ont effectivement décidé d’encourager une coopération plus étroite, notamment dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. C’est pour cette raison, Monsieur le Président en exercice du Conseil, que je me sens obligé, en tant que rapporteur, d’accueillir favorablement une telle initiative, particulièrement dans la mesure où l’Union européenne va signer pour la première fois un accord de coopération judiciaire et pénale qui, de surcroît, pourra également servir de modèle à la signature de compromis de la même nature avec d’autres pays tiers.

Je voudrais néanmoins apporter quelques précisions articulées autour de trois questions. Est-ce que cet accord apportera une plus grande efficacité dans la lutte contre la criminalité internationale? Je suppose que la réponse est affirmative puisqu’une coopération d’une telle ampleur favorisera bien entendu la lutte contre le blanchiment d’argent, la traite des êtres humains, le trafic de drogues et le terrorisme.

Est-ce que cet accord va renforcer l’espace judiciaire européen? Je pense que oui, dans la mesure où les États membres et les pays candidats se verront obligés d’accélérer les procédures de ratification des textes européens qui servent de base à cet accord, comme par exemple le protocole sur le blanchiment d’argent ou les décisions relatives à la détention et à l’extradition ou aux équipes d’enquête communes.

La troisième question est de savoir si ces textes représentent une valeur ajoutée par rapport aux accords bilatéraux actuellement en vigueur. Et je répondrai à nouveau par l’affirmative, dans la mesure où s’ajouteront à ces accords une coopération plus fluide et davantage de garanties qui pourront être imposées dans l’intérêt des accusés.

Cela étant dit, je me dois d’attirer l’attention de la présidence du Conseil sur les doutes qui sont soulevés au sein de ce Parlement et dont nous vous avions justement fait part dans la question qui a donné lieu à cette déclaration.

Premièrement, Monsieur le Président en exercice du Conseil, nous voulons être certains qu’existent les mêmes garanties que celles qu’offre le mandat d’arrêt européen dans le cas d’une demande d’extradition de la part des États-Unis.

Deuxièmement, bien qu’il y ait une note explicative dans le texte de l’accord sur la Cour pénale internationale, que vous avez mentionnée, nous estimons qu’il aurait été beaucoup plus clair d’introduire cette référence dans le texte de l’accord, afin de ne laisser aucun doute quant à savoir si un État membre a le choix de décider si une personne doit être envoyée aux États-Unis ou devant la Cour pénale internationale.

Troisièmement, en ce qui concerne la procédure, je voudrais souligner deux aspects, l’un positif, l’autre négatif. Pour ce qui est du premier aspect, nous remercions la présidence grecque d’avoir publié le texte d’un accord international avant même qu’il n’ait été signé, ce qui nous a permis de nous tenir au courant de ce texte depuis le Parlement européen. C’est un précédent très important mais du point de vue du contrôle démocratique, cela ne peut être considéré comme suffisant.

Ensuite, je vais vous exposer l’aspect négatif: jusqu’à présent, le Parlement européen n’a jamais été consulté en matière d’accords internationaux de cette nature, bien qu’il s’agisse d’aspects fondamentaux de la politique extérieure et de la coopération judiciaire. Cela nous semble acceptable, étant donné que ce type d’accord ne requiert pas non plus, malheureusement, de ratification au niveau national, par les parlements nationaux, ni au niveau européen, par cette Assemblée. Sans le Parlement européen et sans les parlements nationaux, comment peut-on considérer que l’Union européenne agit, à cet égard, en respectant le principe démocratique sur lequel elle est fondée, selon l’article 6 du traité sur l’UE? Voilà pourquoi il est opportun que ce Parlement soit non seulement informé, comme vous l’avez dit, mais aussi consulté.

À nos yeux, il s’agit là d’une question centrale et de la plus haute importance, comme je l’ai fait savoir à la présidence du Conseil dans une lettre que je lui ai envoyée au mois de décembre de l’année dernière, à laquelle, inexplicablement, je n’ai toujours pas reçu de réponse, et comme je l’ai également fait savoir à l’actuelle présidence lors de vos apparitions à la commission que je préside.

Monsieur le Président en exercice du Conseil, nous parlons de libertés et d’intérêts fondamentaux des citoyens européens et de la coopération judiciaire et pénale, qui est une matière pour laquelle le Traité prévoit une coopération entre les États membres plus intense que celle prévue dans le cadre de la PESC. Par conséquent, je vous prie de bien vouloir reconsidérer votre position de ne pas prévoir de consultation, et de faire parvenir le message de cette Assemblée, que je vous transmets en toute fermeté, au Conseil dont vous êtes le président. Je ne vous cache pas que dans le cas contraire, ce Parlement envisagerait la possibilité d’introduire un recours devant la Cour de justice.

Pour terminer, je voudrais remercier une fois de plus la présidence pour son attitude positive face à un dossier si sensible, à nouveau confirmée par sa présence au sein de cette Assemblée.

(Applaudissements)

 
  
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  Terrón i Cusí (PSE). - (ES) Monsieur le Président, tout d’abord, je voudrais aussi remercier le Conseil pour avoir distribué ce document et facilité ce débat. Merci, sincèrement, d’être ici.

J’ai vigoureusement défendu, au sein de cette Assemblée, le mandat d’arrêt européen. Parallèlement, j’ai vigoureusement soutenu que la coopération internationale, et non la limitation des droits et des libertés, est ce qui nous rendra plus forts face à ces nouveaux problèmes de sécurité. Je pense donc qu’il est en principe positif d’étendre la collaboration dans ce sens avec les États-Unis.

Quoi qu’il en soit, Monsieur le Président, je voudrais et je dois exprimer ici, aujourd’hui, certaines questions relatives au contenu de cet accord avec un pays qui reste considérablement différent par rapport à nous en matière judiciaire.

La première question - je pense que cela n’a pas été clarifié - est qu’il y a effectivement des garanties de ne pas condamner à mort une personne extradée. Je le sais et cela me semble clair. Mais je voudrais savoir quelles peuvent être les garanties que la coopération judiciaire et la remise de preuves n’amèneront pas une personne à être effectivement exécutée. Je voudrais davantage d’explications à ce sujet.

Voici ma deuxième question: étant donné que le mandat d’arrêt européen n’entrera en vigueur que dans quelques mois, et que celui-ci envisage la prédominance de la cour pénale internationale, quelles garanties aurons-nous à l’avenir, quand cela sera une obligation pour les États membres, qu’une requête émanant de cette cour prévaudra sur une requête d’extradition de la part des États-Unis? Il y a effectivement une protection contre le Patriot Act et contre les lois extraordinaires, et il est évident que nous n’allons pas remettre une personne qui pourrait être jugée dans ces conditions. Cependant, cela m’amène à vous poser une question, non pas relative au contenu de la proposition, mais en matière de politique: il y a des preuves de la "détention" - pour l’appeler ainsi - d’au moins douze citoyens européens à Guantánamo. Est-ce que le Conseil a fait quelque chose ou en a-t-il instruit la Commission afin de garantir le droit des citoyens européens à jouir d’une réelle protection consulaire, comme c’est prévu depuis Maastricht, ou allons-nous admettre qu’il y a différentes classes de citoyens? A-t-on fait quelque chose pour que les États-Unis amènent ces personnes devant un juge?

Enfin, Monsieur le Président, est-il acceptable, du point de vue politique, de signer un accord privilégié de coopération judiciaire avec un État qui détient des ressortissants de nos pays dans de telles conditions? Comment allons-nous, à l’avenir, demander justice à d’autres pays tiers quand nous nous trouverons dans une situation similaire?

 
  
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  Watson (ELDR). - (EN) Monsieur le Président, il y a 18 mois, alors que j’avais l’honneur de présider la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures, cette Assemblée avait adopté une résolution sur la coopération judiciaire entre l’Union et les États-Unis. Ce texte conditionnait tout assentiment à une demande d’extradition au respect de quatre exigences essentielles: le respect intégral de la Convention européenne des droits de l’homme; le refus d’extradition de toute personne passible d’être traduite devant un tribunal militaire; le refus d’extradition de personnes susceptibles d’être condamnées à mort; et le caractère proportionné, réel et limité dans le temps de toute mesure affectant la protection des données.

Les actions terroristes menées lundi soir en Arabie Saoudite nous rappellent une fois encore que le terrorisme demeure une menace mortelle, à laquelle nous devons apporter une réponse sérieuse et efficace. Quoi qu’il en soit, les députés libéraux démocrates de cette Assemblée insistent sur le fait que toute mesure de lutte contre le terrorisme doit respecter les droits fondamentaux et être soumise aux mesures appropriées en matière de surveillance et de contrôle démocratique. Il est essentiel de parvenir au bon équilibre si l’on veut mener une lutte fructueuse contre ceux qui tentent de saper la cohésion des sociétés démocratiques.

Les accords actuellement envisagés entre l’UE et les USA en matière d’extradition et de coopération judiciaire ne doivent pas échapper au contrôle parlementaire prévu par les Traités. Il est question de "choix fondamentaux", au sens décrit à l’article 21. Ils sont couverts non seulement par l’article 38 mais aussi par l’article 24, et il est scandaleux que le Conseil ne procède pas à la consultation préalable de cette Assemblée pour tous les accords relevant de l’article 24.

En France, le Conseil d’État a refusé à l’Assemblée Nationale le droit de donner son approbation à de tels accords: dès lors, existe-t-il le moindre contrôle parlementaire au sein de l’Union européenne si le Conseil ne nous consulte pas?

Ces accords en matière d’extradition et de coopération judiciaire sont très ambitieux. Les États-Unis refusent de signer les conventions des Nations unies sur la cybercriminalité, la lutte contre la criminalité et la Cour pénale internationale. Au sein de l’Union, les États membres n’ont pas encore ratifié notre décision sur le blanchiment de capitaux ou la directive-cadre sur le terrorisme. Et pourtant, ces propositions couvrent l’agenda de Palerme dans son ensemble. Elles devraient pour le moins prévoir la mise en place d’organes permettant de contrôler leur fonctionnement et d’en assurer le suivi.

Je ne peux que déplorer que cet accord ne fasse pas la moindre référence à la Cour pénale internationale. J’invite le Conseil à y remédier. Le Conseil doit s’atteler à éviter tout conflit potentiel entre une demande formulée par la CPI de lui livrer un individu et les obligations qui découlent de cet accord d’extradition.

Les meilleures intentions peuvent entraîner des dérives antidémocratiques. L’Union européenne doit y veiller et refuser que la hâte manifestée par le Conseil ne les facilite.

 
  
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  Krarup (GUE/NGL). - (DA) Je partage en tous points les critiques formulées par les orateurs précédents. Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que, conformément aux articles 38 et 24 du traité sur l’Union européenne, le Parlement n’a pas le moindre droit d’être consulté. Il s’agit d’une disposition extraordinaire de sorte que ces accords ne peuvent être conclus que par le Conseil et par lui seul.

En avril de l’année dernière, le Conseil avait répondu à l’organisation britannique de défense des droits de l’homme, State Watch, qui lui demandait des informations à propos de ces accords et la lettre signalait que les négociations qui étaient en cours avaient un caractère secret, car l’intérêt du Conseil à maintenir le secret primait sur l’intérêt du contrôle démocratique.

On comprend bien les raisons pour lesquelles le Conseil a maintenu ces négociations secrètes pendant plus d’un an, car si elles aboutissent à un accord, un simple coup de plume suffira pour supprimer les éléments très importants de la sécurité juridique, qui caractérise la plupart de nos systèmes judiciaires. Tant l’accord sur l’extradition, qui va beaucoup plus loin que ce qu’on allègue en ce sens qu’il comprend des délits beaucoup plus nombreux que le terrorisme - il suffit d’avoir été condamné à un an de prison en vertu de la législation pénale requérante et du requérant - que sa deuxième partie, à savoir l’aide mutuelle judiciaire, ramèneront l’administration de la justice chez nous à une époque moyenâgeuse - dans le sens large du terme.

Demandez aux prisonniers de Guantánamo ce qu’ils en pensent. On conclut ces accords avec les États-Unis au nom de la sécurité juridique, mais on enfreint cette sécurité juridique par tous les moyens. Demandez ce qu’en pensent les 3 000 personnes qui sont incarcérées dans des prisons américaines, soupçonnées de terrorisme - et ce sont surtout des étrangers - sans avoir accès aux informations qu’ils souhaitent obtenir. Demandez ce qu’en pensent les 11 millions d’informateurs du FBI qui sont opérationnels et qui, en vertu de cet accord - pour autant qu’il soit mis en œuvre - pourront opérer dans les États membres de l’Union européenne. Je le répète: il s’agit d’un énorme retour en arrière et, comme je l’ai dit précédemment, le Parlement n’a pas la moindre influence, ni juridique, ni sur le plan constitutionnel. La discussion peut cependant être utile pour déchaîner la tempête nécessaire pour mettre un frein à ces atteintes portées à la sécurité juridique.

 
  
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  Frassoni (Verts/ALE). - (IT) Monsieur le Président du Conseil, nous discutons aujourd’hui pour la première fois d’un accord d’extradition entre l’Union européenne et les États-Unis sur lequel aucun parlement de l’Union, même pas le Parlement européen, n’a été consulté. Je vous remercie donc d’être ici parmi nous, mais je sais également que nos marges de manœuvre sont pratiquement nulles vu que, comme vous l’avez dit vous-même, tout sera probablement décidé d’ici le 5 juin.

Encore une fois, sur des questions absolument cruciales pour la liberté et les droits des citoyens, les négociations ont lieu, ou plutôt ont eu lieu, dans la plus grande opacité et nous n’avons pu découvrir le texte qu’une fois le fait accompli. Le Conseil persiste dans son refus de toute consultation formelle du Parlement.

Dans des moments comme ceux-ci, où nombreux sont ceux qui pensent que l’on peut exporter la démocratie et les droits au moyen de guerres illégitimes, cela nous semble particulièrement inquiétant. Nous pensons être en face d’une violation grossière du Traité qui nous pousse à réfléchir sur la faisabilité d’un recours auprès de la Cour pour violation des prérogatives du Parlement européen. J’espère vraiment que, pour la majorité du Parlement, il sera possible de promouvoir un tel recours.

Nous avons de nombreuses raisons d’être sceptiques et inquiets quant à cet accord: de l’absence de priorité accordée au mandat d’arrêt européen en cas de demandes concurrentes à l’ambiguïté persistante sur des sujets aussi peu controverses que la protection des données ou la peine de mort. Nous nous demandons en outre quelle est la logique qui pousse à accélérer la conclusion de cet accord quand on sait que des citoyens européens sont détenus illégalement à Guantánamo - comme l’ont déjà dit d’autres collègues - et que l’on ne sait rien d’eux.

Si l’Union et ce Parlement veulent être à la hauteur de leur réputation de champions des droits, du moins en mots, nous devrons nous activer et envoyer d’urgence une délégation chargée de contrôler les conditions de ces citoyens avant de signer l’accord avec les États-Unis. Il sera intéressant, voire amusant, de voir si ceux-ci le permettront.

Aujourd’hui, nous voudrions toutefois recevoir des réponses sur les contradictions possibles - ou plutôt, probables - entre cet accord et le statut de la Cour pénale internationale, sur lequel, Monsieur le Président, on ne s’est attardé. Nous voudrions une réponse claire aux questions suivantes: est-il vrai que les États-Unis, activement soutenus par le Royaume-Uni, s’opposent à toute référence à la Cour pénale dans l’accord? Qu’arrivera-t-il en cas de conflit entre le statut de Rome, et en particulier l’obligation de coopérer avec la Cour pénale, et l’accord d’extradition avec les États-Unis? Enfin, au vu également de la position claire du Parlement européen, contraire aux accords bilatéraux qui garantissent l’impunité aux citoyens américains, pourriez-vous, s’il vous plaît, nous dire si on a demandé à certains États membres, actuels et futurs, de l’Union européenne de signer ces accords? Êtes-vous au courant d’un quelque accord de ce type?

 
  
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  Blokland (EDD). - (NL) Monsieur le Président, le Conseil a selon moi très sérieusement tenté d’arriver à un résultat équilibré dans la gestion de ces accords. Il est d’une part important que nous soutenions quand c’est possible nos amis de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme. Il est aussi dans notre propre intérêt que nous luttions ensemble contre le crime organisé. Si les accords d’extradition et de coopération peuvent y contribuer, c’est d’autant mieux. Mais je remarque d’autre part que les systèmes judiciaires des États-Unis et de l’Union européenne ne sont pas les mêmes. Que les États-Unis ne puissent être traités sur le même pied qu’un État membre de l’UE m’apparaît donc logique. Les États-Unis forment une entité démocratique où les droits de l’homme sont garantis mais où leur interprétation n’est pas toujours la même que dans les États membres de l’UE.

La problématique de la peine de mort semble aujourd’hui réglée de manière satisfaisante par le compromis du Conseil. Mais il reste encore le problème des questions concurrentielles relatives à l’extradition via mandat d’arrêt européen ou la Cour pénale internationale, par exemple. Je comprends que le Conseil en ait débattu et ait reconnu ces questions comme problématiques, mais ce problème pourra-t-il être réglé de manière concluante en laissant sa solution aux États membres? Il reste par ailleurs la question de savoir s’il est possible de suffisamment satisfaire aux conditions de la directive sur la protection des données. Étant donné ces points sensibles, le Conseil a eu raison d’opter pour la soumission de ces propositions à la ratification des parlements nationaux.

M. Donner, ministre néerlandais de la justice, a déclaré que les propositions s’inscrivent dans le cadre des actuelles conventions en vigueur entre les Pays-Bas et les États-Unis. Sa réaction posée a été un véritable soulagement après la réaction survoltée de plusieurs collègues parlementaires néerlandais et étrangers. Certains font des États-Unis un croque-mitaine. Pas étonnant dès lors qu’ils ne se montrent pas débordants d’enthousiasme à l’idée de participer à la Cour pénale internationale. J’ai cru comprendre que le Conseil était arrivé à un compromis sur ce point-là également. Les États membres peuvent, par le biais de représentants envoyés à Washington par le gouvernement, conclure une convention de non-extradition avec les États-Unis. Ceci ouvrirait la voie aux négociations ultérieures. Je suppose que le Conseil nous tiendra au courant de l’évolution des choses.

 
  
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  Dell’Alba (NI). - Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, je ne vais pas répéter ce qui a été dit à juste titre sur la situation intenable concernant ce que l’on appelle le troisième pilier. En réalité, cette situation risque de toucher beaucoup de domaines et de donner, notamment aux pays candidats, une image peu démocratique de l’Union européenne. Nous avons célébré au Parthénon l’avènement de l’Europe démocratique; or, voilà qu’à la première session à laquelle nos observateurs - peu nombreux - assistent, nous sommes justement obligés de crier au scandale, parce que vous ne nous consultez pas sur des choses essentielles comme celle dont il est question.

Je ne veux pas m’étendre sur le sujet, d’autant que j’ai très peu de temps. Je voulais vous dire, Monsieur le Président, que vous n’avez pas beaucoup parlé de la Cour pénale. Par ailleurs, je voulais dire aux collègues qu’il faut tenir compte tout de même de l’extradition prévue par le Statut de Rome. La remise des inculpés n’est pas une extradition au sens juridique du terme. Ainsi, le fait de ne pas en parler n’est pas en soi pernicieux. Bien entendu, il faut que l’Europe rappelle son engagement à maintenir et à préserver l’intégrité du Statut, de même que le contenu de la déclaration du 30 septembre 2002. Dans cette déclaration, il est recommandé à tout pays candidat et à tout État membre de ne pas signer d’accord bilatéral qui irait à l’encontre du principe sur lequel est basée la Cour, qui heureusement existe depuis le 11 mars et qui, j’espère, pourra bientôt commencer à travailler.

 
  
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  Paciotti (PSE). - (IT) Monsieur le Président, cet accord est très important, non seulement en raison de son utilité dans la lutte contre la criminalité internationale, mais aussi parce que c’est la première fois que l’Union négocie en tant que telle en la matière un accord international coercitif et primant les accords bilatéraux.

Les règles et critères adoptés pourront donc constituer des normes utiles pour des accords analogues avec nombre d’autres pays tiers. Pour cette raison, ils doivent donc être évalués avec attention. Pour l’instant, l’Union est soumise aux normes des traités et des actes signés par ses institutions. En fait de respect des droits de l’homme, elle est liée par l’article 6, paragraphe 1 et 2, du traité sur l’Union et par la Charte des droits fondamentaux, lesquels prévoient des garanties plus strictes que celles prévues dans les pays tiers, et en particulier aux États-Unis - et je rappellerai moi aussi les citoyens européens encore détenus à Guantánamo -, et ce sont donc ces normes et non respect générique des droits de l’homme qui doivent être rappelées dans l’accord avec les États-Unis.

La réserve de non-coopération pour les cas où la peine de mort serait prévue est explicite pour l’extradition, mais pas - comme elle devrait l’être - pour l’assistance judiciaire. Cette limite oblige non seulement les États membres mais aussi l’Union en tant que telle, qui n’a pas le pouvoir de conclure des accords dérogeant à ce principe. Je considère donc insuffisant l’article 9 de l’accord d’assistance judiciaire. Ensuite, il est paradoxal que le Conseil passe avec des pays tiers des accords qu’il n’a pas encore appliqués au sein de l’Union en raison de la non-ratification par les États membres des conventions ou de la non-transposition des décisions-cadres déjà adoptées. Il est également paradoxal que, comme le prévoit l’article 10 de l’accord, la demande d’extradition du pays tiers puisse primer la demande d’un État membre en exécution d’un mandat d’arrêt européen.

Nous devons donc remédier à ces carences, et l’accord pourra alors servir d’exemple pour la collaboration entre l’Europe et les pays tiers contre la criminalité internationale, dans le respect des droits fondamentaux que l’Union reconnaît à tous les êtres humains.

 
  
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  Boogerd-Quaak (ELDR). - (NL) Monsieur le Président, je tiens à marquer mon adhésion aux propos de M. Watson et d’autres collègues. Il s’agit en soi d’un accord extrêmement important, et ceci apparaît de façon d’autant plus criante que la consultation des différentes représentations populaires n’est pas bien réglée. Dans mon pays par exemple, il fallait se rendre dans une petite pièce pour lire les accords parce qu’il s’agissait d’un accord secret. Il nous a maintenant été distribué, et je me demande si cette façon de l’aborder est la bonne. Je partage l’avis du président de notre commission selon lequel nous devrions peut-être passer par la Cour de justice si aucune autre procédure n’est suivie.

Je me pose en tout cas les questions suivantes: est-il vrai que le gouvernement américain refuse d’accepter la Cour pénale internationale? Pouvez-vous nous expliquer clairement le rôle que le Conseil a l’intention d’attribuer à la Cour pénale internationale? Les pays candidats ont-ils été consultés, car ils sont après tout eux aussi concernés par cette proposition? La limite inférieure d’un an, à partir de laquelle l’extradition est déjà possible, n’est-elle pas beaucoup trop basse? Bref, Monsieur le Président, je nourris de sérieux doutes quant au traitement judicieux de ce problème, et j’aimerais dès lors que nous puissions débattre de ce sujet plus amplement et plus efficacement qu’à l’heure actuelle.

 
  
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  Alavanos (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président en exercice, vous comprendrez que les deux dossiers que sont, d’une part, la situation des prisonniers européens à Guantánamo et, d’autre part, la transmission aux États-Unis de données confidentielles sur les passagers des transports aériens éveillent notre méfiance et notre préoccupation quant à l’accord évoqué et à la position que défendra l’Union européenne. Si trois points m’importent, il en est un que je veux réellement porter à votre attention.

Sur la question de la peine de mort, le journal communautaire, Europe, reproduisait l’autre jour l’article 13 de l’accord, qui affirme que, si une partie qui applique la peine de mort présente une demande d’extradition auprès d’une partie qui ne l’applique pas, celle-ci - c’est-à-dire l’Union européenne - peut exiger que la peine de mort ne soit ni prononcée ni appliquée. Et l’article se termine ainsi:

 
  
  

(EN) "Si l’État requérant accepte l’extradition moyennant le respect des conditions énoncées dans ce paragraphe, il se conformera à ces conditions. S’il les refuse, la demande d’extradition peut être rejetée."

 
  
  

(EL) Monsieur le Président en exercice, je souhaiterais que vous nous disiez si cette citation est exacte. Car écrire "may be denied" (peut être refusée) plutôt que "will be denied" (sera refusée) implique que l’Union européenne ou un de ses États membres jouit, au bout du compte, de la possibilité de remettre une personne aux autorités des États-Unis, même si les termes imposés par l’Union européenne ne sont pas acceptés et que la peine de mort est prononcée ou appliquée. C’est scandaleux! C’est monstrueux! C’est un risque considérable! Je souhaiterais, Monsieur le Ministre, que vous nous disiez si telles sont bien les choses en l’état.

Il y aussi le problème de la Cour pénale et celui du contrôle du Parlement européen. Monsieur le Président en exercice, je souhaite conclure en déclarant que le gouvernement grec et vous-même - dont la lutte en faveur de la démocratie est bien connue - ne devriez pas assumer, face à l’histoire, le poids que représente la conclusion d’un tel accord au cours de la présidence grecque.

 
  
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  Wuori (Verts/ALE). - (EN) Monsieur le Président, il y a un an, M. John Bolton, vice-secrétaire d’État américain, a déclaré que le seul objectif de la Cour pénale internationale était de restreindre la puissance militaire américaine.

Eh bien! s’il nous faut choisir entre la puissance et le droit, il ne fait aucun doute que nous devons opter pour la défense de l’ordre juridique international. Les prochaines semaines mettront à l’épreuve le soutien de l’UE envers la CPI, alors même que les USA redoublent d’efforts en vue de conclure avec des pays tiers des accords bilatéraux en matière d’immunité de ses ressortissants. Nous devons soutenir les pays mis sous pression. Nous devons également évaluer la situation et déterminer qui y consentira et qui y résistera. Nous ne disposons pas de cette information.

En outre, nous attendons toujours de connaître les mesures prises par le Conseil en vue de garantir que les prisonniers irakiens ne feront pas l’objet de procès arbitraires devant des juridictions militaires américaines et qu’ils seront jugés par des tribunaux internationaux indépendants, de préférence sous les auspices des Nations unies.

 
  
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  Swiebel (PSE). - (NL) Monsieur le Président, existe-t-il entre les États membres européens une confiance mutuelle suffisante dans les systèmes judiciaires des uns et des autres? Telle était la question au cœur de la discussion portant sur le mandat d’arrêt européen. Cette confiance, en ce qui concerne le Conseil, doit également être aveuglément accordée à un pays tiers en-dehors des frontières de l’Union européenne, à savoir les États-Unis. Pour moi, c’est encore aller un pont trop loin. Une discussion critique et publique sur cette question ne s’impose-t-elle pas avant toute autre chose? Car il s’agit après tout de droits fondamentaux élémentaires, la liberté de mouvement et la protection de sa vie et de ses biens. On ne peut tout de même tenter de faire avaler comme ça des modifications importantes de ces droits aux citoyens et aux représentants populaires élus.

Je commencerai par la convention d’extradition. La norme pour l’extradition entre les USA et les États membres de l’UE sont les faits délictueux passibles d’une peine minimum de 1 an d’emprisonnement. Pour les États membres ayant déjà une convention d’extradition bilatérale avec les USA, il n’y a là rien de neuf. Mais la collusion, la participation à et la tentative de commission d’un fait délictueux tombent également sous le coup de l’obligation d’extradition, ce qui va quand même très loin. Cela change fortement la donne pour les États membres n’ayant pas de convention d’extradition bilatérale et pour les États membres travaillant avec une liste positive. Ma question au représentant du Conseil est donc de savoir si nous pourrions recevoir un aperçu des différentes conséquences qu’entraîne l’introduction de la convention pour les États membres pris individuellement.

Les droits du suspect aux États-Unis ne sont pas, c’est bien connu, assez protégés en règle générale. L’Union européenne doit garantir les droits civiques de ses résidants, dans ce cas précis, ceux des suspects et des condamnés. Je doute que l’Union puisse encore le faire avec l’introduction de cette convention. Nous pourrions au moins exiger que cette convention fasse référence à la CEDH et que les États membres de l’UE ne soient pas autorisés à y déroger dans le cadre de l’exécution de cette convention. C’est pourquoi la clause de résiliation portant sur le problème de la peine de mort est totalement insuffisante. Il ne suffit pas que les pays européens puissent refuser l’extradition lorsque plane la menace de l’application de la peine de mort; non, ils devraient tout simplement la refuser. Mieux encore: les États membres devraient adopter une disposition à la convention leur offrant la possibilité de juger eux-mêmes les méfaits si l’extradition a été refusée aux USA. Ainsi, les citoyens européens auront au moins l’assurance d’une procédure correcte avec des garanties européennes acquises pour la procédure pénale.

La convention sur la coopération judiciaire pénale entraîne la question de la responsabilité juridique et politique par rapport à ce qui va se passer ici: les groupes d’enquête. Allons-nous bientôt voir Miami Vice en Europe? Nous savons d’expérience que les USA ont des conceptions bien plus larges de ce qui peut et ne peut pas se faire. Qui devra bientôt tirer la sonnette d’alarme quand nous aurons ici des agents américains qui appliquent le principe de la déconnexion?

D’autres collègues l’ont déjà fait remarquer, la protection des données n’est elle non plus pas adaptée. Enfin, j’adhère entièrement à ce que le président de notre commission a déclaré, à savoir qu’il est inacceptable que le Conseil refuse cette fois encore de consulter le Parlement. Nous ne pouvons plus accepter cette façon d’agir et honnêtement, je ne comprends pas comment la présidence grecque ose continuer à ridiculiser ce Parlement de façon aussi répétée. C’est un véritable scandale.

 
  
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  Désir (PSE). - Monsieur le Président, dans la lutte contre la criminalité internationale et le terrorisme, la coopération entre les États membres de l’Union européenne et les États-Unis existe déjà sur le plan du renseignement et elle a permis d’obtenir des résultats importants. Elle doit se développer sur le plan judiciaire pour des raisons d’efficacité, mais aussi de conformité à nos principes fondamentaux et de protection des libertés. En effet, plus nous intensifierons la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme ou d’autres formes de criminalité, plus nous devrons être attentifs à ne pas perdre en cours de route les garanties démocratiques et les principes de droit au nom desquels nous agissons. Moi aussi, je rappellerai, comme l’a fait M. Watson, la résolution du Parlement du 13 décembre 2001, et notamment les principes qu’elle énonçait pour les négociations en matière de coopération judiciaire avec les États-Unis. Premièrement, respecter pleinement la Convention européenne des droits de l’homme et les garanties minimales en matière de procédure quant à un jugement équitable, telles qu’elles ont été confirmées par la Cour européenne des droits de l’homme. Il faudrait évoquer explicitement dans l’accord l’article 6 du traité sur l’Union et il devrait y avoir une référence à la Charte des droits fondamentaux qui a été proclamée par le Conseil, par les États membres et qu’elle se verra reconnaître, je l’espère, une valeur constitutionnelle. Deuxièmement, il convient de refuser l’extradition vers les États-Unis de personnes pouvant être jugées devant les tribunaux militaires. Troisièmement, l’extradition ne doit pas être possible si l’accusé risque la peine de mort. M. Alavanos a raison, ce n’est pas simplement qu’elle may be denied, c’est qu’elle ne doit pas être possible s’il y a un risque d’exécution. Quatrièmement, il faut veiller à ce que les dispositions affectant la protection des données soient proportionnées, efficaces et d’une durée limitée.

Concernant le lien avec le mandat européen et la Cour pénale internationale, je crois qu’en cas de concurrence, les États membres doivent rester libres de choisir entre des demandes d’extradition provenant des États-Unis et des demandes de remise de personnes au titre du mandat européen ou venant de la Cour pénale internationale, mais j’aimerais que vous nous informiez des positions au sein du Conseil. Est-il vrai que les États-Unis refusent toute référence à la CPI et que certains États membres soutiennent cette position? Les États-Unis ont demandé de prévoir dans l’accord une clause de réextradition qui empêcherait un État membre de l’Union d’envoyer un citoyen américain devant la Cour pénale internationale ou un autre tribunal international, sans l’accord exprès des États-Unis. Cette demande est-elle également soutenue par des États membres? Enfin, le Conseil reconnaît-il qu’une telle clause de réextradition serait contraire à ses engagements au titre, justement, de la Cour pénale internationale et du statut de Rome?

 
  
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  Petsalnikos, Conseil. - (EL) Monsieur le Président, j’ai écouté ce débat avec une attention particulière et ai pris note des avis, des commentaires et des observations qui font état des préoccupations spécifiques et justifiées des membres du Parlement européen. Je vais tenter de répondre à ces préoccupations.

Premièrement, en ce qui concerne le rôle du Parlement européen dans la procédure de conclusion de ces deux accords, je me vois forcé de vous rappeler - quand bien même c’est peut-être superflu - que ces textes sont négociés sur la base des articles 24 et 38 du traité sur l’Union européenne et que ceux-ci ne prévoient hélas aucun rôle du Parlement européen. Au contraire, ces articles renvoient indirectement - pour ne pas dire clairement - aux procédures constitutionnelles propres aux États. La présidence estime toutefois qu’au-delà de ces dispositions, il s’agit de soumettre, après la signature des accords, un rapport d’avancement détaillé au Parlement européen et que nous devons écouter les vues de ce Parlement. En d’autres termes, en dépit du fait que les dispositions en vigueur n’offrent aucune base juridique en la matière, je veux répéter avec insistance, au nom de la présidence, que nous entendons informer votre Assemblée et lui donner la possibilité de s’exprimer sur ces deux textes, car nous estimons que, sur des questions de cette importance, il faut maintenir un contact permanent et procéder à un échange réciproque d’informations avec le parlement européen.

En ce qui concerne les commentaires relatifs à la Cour pénale internationale, je voudrais répéter que le projet d’accord d’extradition prévoit explicitement, dans le cadre d’un mémorandum explicatif, que l’obligation d’extradition vers les États-Unis d’Amérique n’affecte en rien l’obligation de remise des inculpés à la Cour pénale internationale. J’affirme donc que ce texte garantit expressément le droit de chaque État membre à honorer ses engagements envers la Cour pénale internationale.

Pour ce qui est des demandes d’extradition simultanées par rapport au mandat d’arrêt européen, le projet d’accord d’extradition laisse chaque État membre entièrement libre de choisir vers quel pays une personne donnée sera extradée. Je vous rappellerais que, dans le cadre de l’Union européenne, lorsque nous avons débattu et convenu du mandat d’arrêt européen, l’idée de voir un mandat émis par un État membre prendre la préséance sur toute demande d’extradition formulée par un pays tiers n’a pas été acceptée. Quoi qu’il en soit, si nous décidions à l’avenir, dans le cadre de nos procédures internes, d’accorder une telle priorité au mandat d’arrêt européen, le projet d’accord prévoit une disposition spécifique qui faciliterait une telle décision. Pour être précis, le texte affirme que le développement de l’Union européenne pourrait avoir des répercussions sur l’application de l’accord et prévoit la révision dudit accord à la lumière de tels développements. Je répète toutefois que, dans sa version actuelle, le projet d’accord octroie à chaque État membre la possibilité de décider vers quel État une personne sujette à une demande d’extradition sera extradée.

Pour ce qui est de la relation entre les accords UE/USA et les accords bilatéraux conclus entre les États membres et les États-Unis d’Amérique, je répéterai ce que j’ai déclaré dans ma première intervention. Les accords UE/USA n’abrogent en rien de tels accords bilatéraux. Ils apportent une valeur ajoutée. C’est ce que nous voulons: bénéficier de garanties supplémentaires à celles que prévoient les accords bilatéraux conclus entre les différents États membres et les États-Unis d’Amérique. Nous voulons bénéficier des garanties nécessaires en matière de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de respect des principes constitutionnels en vigueur dans les États membres. C’est là ce que nous voulons, c’est ce que nous avons tenté d’atteindre pendant toutes les négociations et ce à quoi nous nous attellerons jusqu’à la conclusion des accords avec les États-Unis. Je pense que le fait que les deux projets d’accords contiennent à présent des références explicites aux principes constitutionnels, à la sécurité publique, etc. constitue une avancée. Et, bien entendu, les États membres qui le désirent seront en mesure de renforcer l’accord-cadre en concluant des accords bilatéraux avec les États-Unis, voire même d’aller plus loin, pour autant, bien sûr, que ces accords soient compatibles avec le cadre défini et qu’ils amènent une valeur ajoutée plus grande encore par rapport aux accords UE/USA envisagés.

Pour ce qui est des tribunaux spéciaux, tant l’accord d’extradition que celui portant sur l’entraide judiciaire - en d’autres termes, les deux projets d’accords - disposent expressément du fait que les États membres demeurent en mesure d’invoquer les raisons de refus établies dans le cadre d’accords bilatéraux en vigueur avec les États-Unis d’Amérique. De plus, le projet d’accord d’extradition reconnaît expressément que les principes constitutionnels peuvent s’opposer à l’extradition, raison pour laquelle ce texte prévoit un mécanisme de consultation spécifique. En outre, le préambule des deux projets d’accords mentionne explicitement le principe d’un jugement équitable - en ce compris l’audition par un tribunal ordinaire et impartial - et la question des tribunaux d’exception, qui ne font pas partie de la culture judiciaire et juridique européenne et constituent un problème soulevé lors de chaque réunion et chaque entretien avec la délégation des États-Unis.

En ce qui concerne la peine de mort, je dois également renvoyer au projet d’accord d’entraide judiciaire, qui est peut-être plus clair, à cet égard, que le projet d’accord d’extradition, et souligner que, sur la base de l’article 13 du projet d’accord d’entraide judiciaire, les États membres ont la possibilité d’opposer leur refus à une demande d’entraide formulée par les États-Unis d’Amérique s’ils estiment que la réponse à cette demande peut menacer leur souveraineté, leur sécurité, l’ordre public ou d’autres intérêts fondamentaux. Cette formulation, que l’Union européenne tenait à voir inscrite dans le texte, permet à tout État membre de refuser l’entraide si il juge que les preuves, informations, etc. demandées pourraient entraîner le prononcé de la peine capitale. Selon l’article 9, paragraphe 2, un État membre peut également imposer des conditions supplémentaires aux États-Unis d’Amérique en ce qui concerne l’exploitation ultérieure de preuves et demander, par exemple, qu’elles ne soient pas utilisées dans le cadre de poursuites pouvant mener au prononcé de la peine capitale.

En ce qui concerne la peine de mort, je poursuivrai en me basant sur les commentaires de M. Alavanos. Les dispositions prévues dans le projet d’accord avec les États-Unis l’ont précisément été afin d’apporter une plus grande valeur ajoutée aux accords bilatéraux existants entre les États membres et les États-Unis d’Amérique - lesquels ne contiennent pas de garanties adéquates en la matière. Dans certains cas, les accords en vigueur ne prévoient pas, actuellement, les garanties adéquates. Et, en tout état de cause, je dois insister sur le fait que les dispositions prévues par les accords bilatéraux ne sont pas affectées. En d’autres termes, si l’un ou l’autre accord bilatéral va plus loin, son acquis n’est pas affecté. Au contraire, sur la base de tous les éléments inclus dans le projet, nous allons beaucoup plus loin qu’un grand nombre d’accords bilatéraux, qui ne contiennent pas de garanties quant à l’interdiction de prononcer ou d’exécuter la peine capitale. La formulation "may be denied" ne signifie pas que les États membres feront fi de leurs principes constitutionnels, qui seront expressément mentionnés, dans leur intégralité. Et, bien entendu, je dois vous rappeler que tous les États membres ont signé et ratifié le protocole à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales concernant l’abolition de la peine de mort.

Je souhaiterais conclure en remerciant une nouvelle fois le Parlement de nous avoir permis de l’informer et de l’écouter et en vous garantissant une fois encore que nous accorderons une attention toute particulière aux avis du Parlement européen afin de mener à terme ces procédures.

 
  
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  Le Président. - Merci, Monsieur le Ministre.

Le débat est clos.

 
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