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Compte rendu in extenso des débats
Mardi 16 décembre 2003 - Strasbourg Edition JO

1. Conseil européen / CIG / Présidence italienne
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle en discussion commune:

- le rapport du Conseil européen et la déclaration de la Commission sur la réunion du Conseil européen (Bruxelles, 12 et 13 décembre 2003);

- les déclarations du Conseil et de la Commission concernant le sommet des chefs d’État ou de gouvernement sur la CIG (Bruxelles, 12 et 13 décembre 2003);

- la déclaration du président en exercice du Conseil sur le semestre d’activité de la présidence italienne.

Je tiens d’abord à profiter de ce moment pour vous faire un bref rapport du sommet et de la CIG, sous l’angle des questions que j’ai soulevées au nom de cette Assemblée. Ainsi, avant d’entamer notre discussion proprement dite, vous aurez en tête ce que nous avions à dire.

En ce qui concerne la réunion du Conseil européen, je dois dire qu’un important volume de questions a été traité en un court laps de temps et que des progrès considérables ont été accomplis dans un nombre relativement important de domaines. En effet, il convient de mentionner que ces conditions ont permis au Parlement de vivre un engagement très positif avec la présidence italienne dans le cadre des travaux réalisés avec les commissions sur de nombreux thèmes.

À la suite des récentes résolutions du Parlement, j’ai salué en particulier les conclusions sur les relations transatlantiques de l’UE, tout en soulignant cependant que c’est précisément dans une phase d’approfondissement des relations transatlantiques - ce que les conclusions énoncent comme objectif - que notre franche amitié avec les États-Unis ne doit pas exclure nos franches préoccupations concernant Guantanamo Bay. C’est en ces termes que je me suis exprimé au nom du Parlement européen.

(Applaudissements)

En ce qui concerne le protocole de Kyoto, j’ai rappelé que tandis que nous nous réunissions, une réunion parrainée par les Nations unies était organisée à Milan. Il semble que la Russie réserve toujours sa décision de signer ou non le protocole de Kyoto. Les Européens ont tout intérêt à ce que les Russes signent ce protocole et le rendent ainsi applicable. Je pense que la Commission et la nouvelle présidence du Conseil devraient prendre des initiatives claires pour que, dans les mois à venir, nous qui croyons en Kyoto, nous nous efforcions de donner à ce protocole une définition satisfaisante en renforçant nos contacts avec la Russie. J’ai également formulé cette recommandation au cours du week-end.

(Applaudissements)

En ce qui concerne la Conférence intergouvernementale, nous aurons aujourd’hui un débat sur les questions de nature plus large et je me réjouis d’être guidé par ce débat et par notre résolution. Lors de mon intervention à la Conférence intergouvernementale, j’ai soulevé deux préoccupations spécifiques d’ordre parlementaire.

La première concerne le financement de l’Union européenne et sa procédure budgétaire. J’ai affirmé très clairement que le Parlement européen soutenait le résultat équilibré de la Convention concernant les différentes institutions et leur rôle dans l’établissement du budget. J’ai détaillé la procédure définie par la Convention et expliqué quel serait le résultat de cet équilibre.

J’ai souligné que le Parlement européen refusait toute interférence d’Écofin parce qu’il s’agirait d’une interférence excessive, injustifiée et inacceptable dans la procédure budgétaire.

(Applaudissements)

J’ai expliqué que l’interférence d’Écofin était perçue comme une attaque non seulement contre les conclusions de la Convention, mais aussi contre le traité budgétaire de 1975. J’ai dit qu’il s’agissait en fait d’un recul sur le plan institutionnel.

J’ai fait observer qu’au cours de cette période, le Parlement avait considérablement freiné ses dépenses. Ceci étant le résultat d’un effort collectif, vous serez certainement intéressés d’apprendre que depuis la signature d’un accord interinstitutionnel avec le Conseil sur les perspectives financières en 1988, nous avons accumulé une expérience de 15 ans en matière d’établissement de budget. Au cours de cette période, le Conseil a ajouté 33 milliards d’euros de dépenses discrétionnaires, contre 21 millions pour le Parlement. S’il y a une tendance à grever le budget, celle-ci s’observe davantage au sein du Conseil qu’au sein du Parlement. On ne peut donc soupçonner le Parlement d’agir de manière irresponsable lorsqu’il se voit attribuer des responsabilités.

(Applaudissements)

La dernière remarque que j’ai formulée au nom de l’Assemblée concernant la Conférence intergouvernementale et le Parlement a consisté à inviter la CIG à s’assurer que le Parlement ne soit pas utilisé comme une sorte de va-tout dans les négociations, où le nombre de députés augmenterait sans considération de notre capacité d’efficacité. Nous ne sommes pas un congrès de béni-oui-oui représentant les peuples d’Europe. Notre rôle sur le plan budgétaire et législatif est un rôle sérieux. Il faut fixer des limites à la taille du Parlement et respecter les principes définis par les travaux de la Convention pour déterminer qui reçoit combien de sièges. Voilà pour les remarques que j’ai formulées à la CIG au nom de cette Assemblée.

Enfin, en ce qui concerne le résultat du week-end dernier, il est clair que le fait de ne pas être parvenu à un accord dans le cadre de la CIG constitue un revers. Cependant, ce revers n’est pas nécessairement un désastre. Le fait que cet accord n’ait pas été possible le week-end dernier ne rend pas cet accord moins nécessaire. Cela montre l’immensité du défi que nous voulons relever ensemble. Le week-end dernier, malgré la présence de tous les acteurs clés, il manquait un esprit de coopération et une volonté de réussite. Nous en avons payé le prix et il serait utile d’analyser cette absence d’esprit de compromis de la part de tous les acteurs clés.

Avec les présidents des groupes, je voudrais transmettre à la nouvelle présidence irlandaise, de la part de cette Assemblée, une série de messages clairs issus du débat d’aujourd’hui. Je me réjouis donc de ce débat et de prendre connaissance des messages que le Parlement européen estime devoir transmettre à la nouvelle présidence du Conseil pour la prochaine phase de jeu.

Je suis heureux d’accueillir ce matin le président en exercice du Conseil, M. Berlusconi, et de lui dire, ainsi qu’à ses collègues MM. Frattini, Antonione et Buttiglione, combien ils sont les bienvenus ici. Je tiens à redire, en la présence de M. Berlusconi, que nous avons eu de très bonnes relations positives avec la présidence italienne dans le cadre des travaux ordinaires de la présidence, du travail avec nos commissions, des travaux législatifs et des contacts avec le Parlement.

(Applaudissements)

 
  
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  Berlusconi, président en exercice du Conseil. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je m’adresse à vous aujourd’hui pour vous illustrer le travail du gouvernement italien qui a présidé aussi bien le Conseil de l’Union que la Conférence intergouvernementale durant ce semestre qui s’achève.

Pour ce qui concerne la Conférence, l’engagement de l’Italie a été, dès le début, de parvenir à un accord sur un document de haut profil, sans aucun compromis au rabais et, donc, un document qui permettrait à l’Union du futur de fonctionner et de se présenter sur la scène internationale en tant que protagoniste. À cet engagement s’ajoutait le souhait que l’Union élargie puisse se doter d’une authentique Constitution sur la base du projet élaboré par la Convention dans les délais convenus à Thessalonique, et donc en temps utile pour les élections visant à renouveler ce Parlement en juin prochain. Comme nous le savons, le souhait commun pour une conclusion de la négociation constitutionnelle dans les 60 jours dont nous disposions à partir de l’ouverture de la Conférence de Rome n’a pas pu se réaliser. Il faut prendre note avec calme de cette réalité, sans dramatiser et sans récriminations réciproques mais, en même temps, avec une vision claire des pas suivants qui devront dorénavant être accomplis. L’engagement à ne pas succomber à nouveau à la logique des compromis et des ententes peu compréhensibles pour nos citoyens a été pleinement respecté. Il s’agit d’un devoir auquel notre présidence s’est inspirée dès le début de cette négociation complexe, en estimant que la contribution des parlements nationaux et des institutions de l’Union - en premier lieu la vôtre, ainsi que vous l’avez rappelé, Monsieur le Président - et l’action de synthèse du président Giscard d’Estaing et des vice-présidents MM. Amato et Dehaene devraient représenter une base sur laquelle bâtir un accord unanime et sans reculer sur les points essentiels du projet approuvé en juillet dernier.

Au moment de l’ouverture formelle de la Conférence intergouvernementale, la présidence avait voulu réaffirmer ces concepts par la déclaration de Rome, adoptée par les chefs d’État ou de gouvernement des États membres, des pays en voie d’adhésion et des pays candidats, par le président Cox et par le président Prodi. Nous sommes restés fidèles à cette orientation pendant toute la négociation en conciliant la volonté de maintenir dans la mesure du possible le projet de la Convention, avec le devoir de prêter attention aux exigences légitimes de tous les États membres par rapport à des questions pour eux prioritaires.

Notre méthode de travail a été visible et transparente: nous avons pleinement associé les représentants du parlement européen aux travaux de la CIG en allant au-delà de ce qui avait été fait dans les précédentes Conférences intergouvernementales, et nous avons garanti le maximum de publicité et de possibilité de consultation de tous les documents présentés au cours de la négociation.

Grâce à ce travail imposant, patient et scrupuleux - pour lequel je souhaite remercier publiquement tous ceux qui y ont contribué et, en particulier, le ministre des affaires étrangères, M. Frattini, qui se trouve à ma droite -, nous avons réussi à résoudre presque toutes les questions évoquées par les participants à la CIG sans réduire substantiellement le niveau d’ambition générale du projet de la Convention.

Lors des premières phases de la Conférence, nous avons recensé plus de 80 thèmes controversés sur lesquels les différents États n’étaient pas d’accord. Pour chacun de ces thèmes (à l’exception d’un point strictement institutionnel), des solutions de médiation adéquates ont été identifiées. J’ajoute que, sur certains aspects - notamment celui absolument crucial de la défense -, la CIG a achevé et amélioré le projet de la Convention en parvenant à la définition d’une coopération structurée permanente, tout à fait compatible avec le cadre atlantique et respectueuse des exigences politiques de certains États membres.

Cette avancée fondamentale se réalisera conformément aux procédures décisionnelles propres à l’Union, dans une logique inclusive qui permettra à certains pays d’avancer plus rapidement sur la base d’un protocole spécifique qui réglemente les capacités militaires nécessaires pour participer à cette coopération structurée permanente.

En pratique, à l’origine, ce point nous paraissait très problématique. Nous sommes parvenus à trouver un accord en harmonie parfaite avec les sommets de l’OTAN et, comme vous le savez, les trois piliers sur lesquels le Conseil de printemps pourra intervenir et décider ont été repris par tous. Le premier pilier - le règlement régissant la formation et le fonctionnement de la coopération structurée - devra être approuvé par le Conseil européen. Le deuxième pilier permettra à chaque État membre de rejoindre la coopération à tout moment. Le troisième pilier stipule que la défense européenne - nécessaire pour conférer à l’Europe une force et une dignité autonomes afin de pouvoir siéger à toutes les tables avec les autres puissances militaires mondiales - ne doit pas être envisagée comme étant à l’opposé de l’OTAN, mais qu’elle doit au contraire opérer conjointement à cette dernière, puisqu’on a trouvé le moyen d’établir une cellule européenne de planification et de commandement militaires sur la base opérationnelle de l’OTAN en Europe.

La session finale de la Conférence a donc dû concentrer ses travaux sur les grands nœuds institutionnels qui, en raison de leur caractère politique particulièrement sensible, n’avaient pas pu être démêlés durant les précédentes phases de la négociation. Lors de la dernière séance, il restait donc à décider de la composition du Parlement européen et de la composition de la Commission. Tout n’était pas encore parfaitement clair au sujet de l’extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. Mais surtout, il fallait encore définir les modalités de calcul de ce vote.

Au cours des derniers contacts bilatéraux que la présidence a menés à un rythme serré durant les journées et les nuits de jeudi, de vendredi et de samedi, il avait semblé possible de trouver une solution à certains de ces problèmes, bien que tous les chefs d’État ou de gouvernement rencontrés aient tenu à souligner que le cadre institutionnel de la future Union devait finalement être évalué dans son ensemble par un accord général et exhaustif.

Sur la composition de la Commission et sur le thème de la majorité qualifiée, l’accord était à portée de main. Concernant le nombre des députés, Monsieur le Président, il n’y a eu pratiquement aucune discussion: les pays de population moindre ont réclamé un député supplémentaire, passant de quatre à cinq, et tous les autres pays ont donné leur accord.

Sur le point du vote à la majorité qualifiée, par contre, il n’a pas été possible, malgré tous les efforts, de trouver un rapprochement des positions. Aussi, après avoir consulté toutes les délégations, nous avons préféré mettre un terme à une discussion qui risquait de s’envenimer et qui, dans la meilleure des hypothèses, aurait pu nous conduire à ces compromis au rabais que nous avions exclus dès le début. Le véritable échec eût été justement un accord au rabais inapte à assurer le fonctionnement de la future Union, sa capacité à se poser en acteur politique décisif sur la scène internationale.

À l’issue des travaux, tous les collègues m’ont adressé des mots de grande appréciation pour la présidence italienne qui, bien entendu, nous ont fait plaisir, à moi et à mes collaborateurs, mais je puis surtout vous dire que j’ai perçu la volonté déterminée de ne pas disperser le patrimoine de négociation que nous avons construit durant ces mois. Nous avons en effet compté 82 points sur lesquels un accord a été dégagé - 82 points qui faisaient auparavant l’objet de discussions et qui semblaient, pour beaucoup d’entre eux, impossibles à régler.

La Conférence nous a donc laissé un acquis de négociation que tous ont jugé important et, je dirais, préférable de ne pas rouvrir. C’est la raison pour laquelle toutes les interventions qui se sont succédé à la table du Conseil ont laissé entendre que les futurs travaux de la Conférence devraient se concentrer sur les points ou, mieux, sur le point qui n’a pas encore fait l’objet d’un accord. Par contre, nous ne devrions pas rouvrir les chapitres des importants travaux qui ont intéressé toutes les délégations des États membres en ce qui concerne les autres points.

Dès lors, à partir de ce précieux acquis de négociation de la Conférence, qui concerne la quasi-totalité des points auparavant controversés, il sera possible de reprendre l’œuvre constituante en concluant le grand projet lancé par la Convention. Je dois vous dire que nous avons été réellement près de conclure l’accord. Dans la nuit de vendredi à samedi, l’accord semblait possible, car il y avait eu une notable ouverture de la part de certains pays qui semblaient d’abord camper sur certaines positions précises. Par contre, le lendemain matin, c’est un pas en arrière qui a été fait et, de commun accord avec tous les chefs des délégations, nous avons estimé que tous avaient besoin d’un délai supplémentaire. Certains ont même demandé à pouvoir consulter leur parlement. Aussi, plutôt que d’entrer dans une discussion qui aurait agrandi l’image d’un non-accord, nous avons préféré clore sur des sentiments positifs. Tous se sont dit prêts à reprendre le débat, à maintenir l’acquis qui avait été convenu par tous et à poursuivre avec l’intention de donner à l’Europe une Constitution qui lui permette de fonctionner réellement, de prendre des décisions en temps utile et de se présenter sur la scène internationale comme un géant politique et non pas seulement comme un géant économique.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais à présent vous illustrer les principaux résultats du Conseil européen qui a clôturé le semestre de présidence italienne. Je le fais avec une satisfaction particulière, non seulement à cause de l’importance des thèmes abordés, mais également parce que les décisions que nous avons adoptées sont le résultat d’un intense travail réalisé par tous les pays dans la collégialité. Il s’agit de résultats concrets qui touchent des intérêts directs des citoyens européens, qui renforcent l’image d’ensemble de l’Union. Ces résultats ont été possibles grâce à une excellente collaboration avec la Commission - que je remercie - et ont été réalisés dans un esprit de confrontation ouverte et constructive avec ce Parlement, auquel je souhaite encore exprimer mon appréciation.

Je voudrais justement commencer par les thèmes économiques que nous avons abordés pour garantir la relance du développement, pour assurer une reprise de l’emploi, pour une meilleure compétitivité de l’industrie européenne, pour l’achèvement du marché intérieur dans toutes ses composantes. Le Conseil européen de décembre a tout d’abord formellement approuvé ce que nous avons appelé l’Initiative européenne pour la croissance, une action suggérée par la présidence italienne et adoptée par le Conseil Écofin et la Commission, avec l’aide de la BEI. Il s’agit d’une initiative que vous connaissez bien, qui vise à promouvoir un important programme d’investissements dans le secteur des grandes infrastructures transeuropéennes, y compris les infrastructures de transport, les grands réseaux énergétiques et le secteur des télécommunications, mais également des investissements dans le capital humain, autrement dit, des investissements dans la recherche et dans le développement, dans l’innovation et dans les technologies.

Nous nous étions fixé un double objectif: créer - en réalisant ces projets - les conditions pour une amélioration qualitative des réseaux d’infrastructures, matériels et immatériels, destinés à relier le grand marché européen dans la perspective de l’élargissement, mais également contribuer à une relance générale de la croissance économique et, donc, de l’emploi, par des aides financières adéquates. Nous comptons avoir recours aussi bien à des financements publics - pris en charge par le budget de l’Union et, en partie, par chaque État membre -, qu’à des financements du secteur privé, grâce également au rôle déterminant que jouera la Banque européenne d’investissement. Je voudrais souligner à cet égard qu’il s’agit de la première grande manœuvre de politique économique décidée au niveau européen dans un cadre de complémentarité totale avec la stratégie de Lisbonne mais également de compatibilité totale avec le pacte de stabilité. Il ne faut pas se leurrer: en tant qu’États, depuis le moment de l’adoption de la monnaie unique, nous n’avons aucune possibilité de mettre en œuvre une politique monétaire ou une politique économique; nous ne pouvons procéder à la dévaluation de notre monnaie pour soutenir nos produits et nos exportations; nous ne pouvons appliquer des politiques déficitaires, pas même à moyen terme, pour respecter les paramètres de Maastricht. Ce droit, ce pouvoir dont ne jouissent plus les États individuels doivent donc être remplacés par un pouvoir supérieur. Malheureusement, notre Banque européenne, la Banque centrale européenne, a pour mission de contrôler la montée des prix et, donc, de contrôler l’inflation. Elle n’a pas pour mission de soutenir l’économie comme c’est au contraire le cas, par exemple, de la banque centrale des États-Unis, la Federal Reserve. C’est pourquoi l’Europe doit se doter de la volonté et de la capacité d’intervenir pour soutenir l’économie.

Sous un angle différent et plus spécifique, mais toujours dans le contexte du renforcement du marché intérieur et de la relance de la croissance, nous avons en outre enregistré l’accord sur l’adaptation des réseaux transeuropéens de transport, les RTE, à la nouvelle réalité de l’Europe élargie. Dans ce même cadre, le Conseil européen a ratifié l’accord sur la décision de redoubler les aides à la charge du budget de l’Union - nous sommes passés des 10% prévus jusqu’à maintenant à 20% - pour les investissements sur les tronçons transfrontaliers. Il s’agit d’un résultat très important en termes de capacité de mobiliser des financements privés au soutien de grands travaux d’infrastructures.

Le Conseil européen a souligné l’importance, pour la libre circulation des marchandises, de résoudre les difficultés découlant des franchissements et des barrières naturelles, et de la congestion des principaux axes de communication. Nous souhaitons que, sur cette base, la Commission soit en mesure, dans un proche avenir, d’évaluer et de quantifier les retombées négatives causées par les franchissements et par les barrières naturelles sur le bon fonctionnement du marché unique. Concernant les réseaux transeuropéens, je dirais que nous avons réalisé un travail réellement important dans la mesure où nous manquons cruellement de routes et de voies de communication, qu’elles soient routières ou ferroviaires, avec les pays qui deviendront au 1er mai de nouveaux membres de l’Union. Il était absolument nécessaire de mettre à jour le projet des réseaux transeuropéens fixé il y a plusieurs années, et cela a été fait. J’ajoute une nouvelle précision: nous avons établi une liste dite "de démarrage rapide" qui prévoit une série de projets. Cependant, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une liste fermée, mais au contraire d’une liste ouverte à laquelle pourront s’ajouter tous les projets prêts à être mis en œuvre, les projets prêts à être présentés pour donner le feu vert à la recherche de contrats et des financements appropriés.

Parmi les thèmes inscrits à l’agenda de Lisbonne, nous nous sommes arrêtés notamment sur le thème de l’emploi et de la compétitivité, pour souligner encore une fois la nécessité de poursuivre sur le chemin des réformes structurelles. Il s’agit de réformes déjà entamées par différents États membres, de mesures qui imposent parfois à court terme des sacrifices et des coûts sociaux, mais qui sont la condition nécessaire pour garantir une relance de l’économie. Je veux parler des réformes du marché du travail et des systèmes des retraites.

Pour ce qui concerne l’emploi, nous avons évalué et apprécié le rapport du groupe de travail présidé par M. Wim Kok et ses recommandations. Je dois dire, Monsieur le Président, que M. Kok a réalisé un travail réellement exceptionnel, et que c’est un travail qu’il a pu effectuer grâce à sa double expérience de représentant syndical et de chef de gouvernement. Nous devons tous lui être reconnaissants, parce qu’il a non seulement indiqué des solutions à des problèmes généraux, mais son groupe de travail s’est livré à une étude de la situation dans chaque pays et, pour chaque pays individuel, il a indiqué les mesures qu’il convenait à son avis de prendre. Je puis dire qu’en ce qui concerne mon pays, l’analyse réalisée par le groupe de travail était absolument parfaite. C’est à ce rapport qu’a été consacré le sommet social extraordinaire que j’ai présidé à la veille du Conseil européen, un sommet réunissant les associations professionnelles et les syndicats et qui a réaffirmé la volonté partagée des partenaires sociaux de continuer dans la mise en œuvre de la Stratégie européenne pour l’emploi dans un cadre de plus grande flexibilité et de plus grand engagement pour la valorisation du capital humain.

En ce qui concerne le thème de la compétitivité, le Conseil européen a enregistré les progrès réalisés au cours de ce semestre, conformément - ou presque - aux attentes des entreprises et des opérateurs économiques européens. Je me dois d’apporter une précision sur ce point: j’ai eu l’occasion de participer à une conférence organisée le mois dernier à Bruxelles par l’UNICE. Le symbole de cette conférence était un géant créé par Jonathan Swift, le géant Gulliver, retenu prisonnier par les Lilliputiens. L’image entendait faire comprendre aux représentants politiques des différents États et de l’Europe que l’économie européenne est un géant empêtré dans les trop nombreux lacs et entrelacs que les industriels voient dans les excès de règlements, directives et lois qui les empêchent d’entrer pleinement en concurrence avec les économies étrangères.

(Applaudissements)

Nous devons tenir pleinement compte de ce fait, car l’économie européenne traverse une période difficile qui, je le crains, deviendra encore plus difficile, coincée comme elle l’est entre, d’une part, l’économie des États-Unis - une économie qui, soutenue par l’injection de 350 milliards de dollars décidée par l’administration Bush et favorisée par-dessus tout par des taux d’impôt qui sont les plus faibles du monde occidental, connaît une forte croissance - et, d’autre part, l’économie des pays d’Extrême-Orient qui se trouve dans une situation d’anarchie presque totale, où aucune règle n’est respectée ni en ce qui concerne les travailleurs ni en matière d’environnement et qui n’est pas davantage soumise à un minimum de contrôle fiscal.

Les entrepreneurs européens ont dès lors applaudi à la création du Conseil "Compétitivité", qui devra dorénavant vérifier les mesures prises par les autorités et les institutions européennes quant à leur impact sur la compétitivité de nos entreprises. C’est une dimension que nous devrions tous avoir à l’esprit si nous ne voulons pas que notre économie devienne non compétitive par rapport aux autres économies.

Je souhaite en outre rappeler l’entente à laquelle nous sommes parvenus récemment sur la proposition de directive en matière d’offres publiques d’acquisition. Il s’agit d’un accord politiquement très important, qui met un point final à une longue négociation ayant duré presque quinze ans. Grâce à cet accord, nous pouvons désormais dire que nous avons contribué à définir un élément important pour achever le marché intérieur. Je tiens à cet égard à remercier le ministre italien, M. Buttiglione, l’artisan de cet accord. Cependant, il reste encore beaucoup de travail à faire pour garantir aux entreprises qui opèrent en Europe les conditions générales, liées au cadre normatif et à la situation du marché du travail, qui soient en mesure de leur garantir une réelle compétitivité sur les marchés mondiaux. C’est un engagement important qu’il faudra poursuivre dans les prochains mois et qu’il faudra concrétiser lors du Conseil européen de printemps.

Passons à présent au thème de la sécurité. En vue de rapprocher de plus en plus les institutions communautaires des besoins et des intérêts réels des citoyens, la présidence italienne s’est employée à renforcer la sécurité des citoyens de l’Union, consciente du fait que, plus encore que dans d’autres domaines, c’est sur ce terrain particulièrement lié à notre vie quotidienne à tous que l’opinion publique appréciera l’efficacité de l’action de l’Union. L’un des thèmes centraux de notre action a été le développement de stratégies communes dans la gestion des flux migratoires. En premier lieu, le concept de "frontières extérieures communes" a été renforcé, et c’est dans ce sens que le Conseil européen a pris note de l’entente sur les principaux éléments constitutifs d’une Agence communautaire pour la gestion des frontières. La création de cette agence a été arrêtée et la Commission s’est engagée à la rendre opérationnelle dès le 1er janvier 2005.

Le Conseil européen a également pris note de l’adoption, sur proposition de la présidence, d’un programme spécial de mesures sur l’immigration par voie maritime: un signal concret de l’attention particulière que l’Union attache à ce phénomène, souvent tragique, des tentatives d’immigrés clandestins qui cherchent à atteindre nos côtes, des tentatives qui, je dirais, ont souvent une issue dramatique. Sur ce point aussi, nous devons informer le Parlement de la rencontre - en présence de la présidence et de la Commission - entre les cinq pays européens riverains de la mer Méditerranée et les cinq pays du littoral nord-africain. Ces pays sont traversés de flux migratoires croissants qu’ils décrivent comme caractéristiques de notre époque, de la part de citoyens quittant l’Afrique pour l’Europe, qu’ils perçoivent comme un paradis terrestre. Ces pays, invités à conclure des accords bilatéraux par certains de nos pays, se sont dits prêts à coopérer afin de permettre le contrôle des départs de leurs côtes. Mais ces pays, lors de cette rencontre "cinq + cinq", nous ont réclamé une participation plus approfondie dans cette action et, bien sûr, une prise en charge, de notre part, des coûts importants qu’ils encourent dans l’intérêt de l’Europe. Sur ce point, le Conseil a invité la Commission à étudier le problème et à proposer des solutions.

La présidence s’est concentrée aussi bien sur le thème de l’accueil et de l’intégration des immigrés légaux que sur la défense des personnes nécessitant une protection internationale. Nous attendons l’étude de la Commission sur les relations entre immigration légale et clandestine, qui devra également inclure le sujet de la fixation de quotas d’entrée à l’échelle européenne. Nous avons pris note des progrès réalisés en matière d’asile, même s’il a été malheureusement impossible d’aboutir, comme nous l’aurions souhaité, à une entente unanime sur les deux directives à l’étude, relatives aux règles procédurales minimales et à la définition des statuts de réfugié et de bénéficiaire de protection subsidiaire.

Une gestion efficace des flux migratoires ne peut en outre faire abstraction d’une collaboration fructueuse avec les pays tiers d’origine et de transit. Dans cette optique, nous avons continué le processus de pleine intégration des thèmes migratoires dans les relations extérieures de l’Union. Nous avons enregistré la mise en œuvre du mécanisme d’évaluation des pays tiers dans la lutte contre l’immigration clandestine. Il s’agit d’un mécanisme demandé par le sommet de Thessalonique, sur lequel nous avons abouti dans des délais très courts à une entente interinstitutionnelle avec le Parlement européen, par le biais d’un règlement qui fixe un nouveau programme d’assistance technique et financière aux pays tiers en matière d’asile et d’immigration. Ce programme attribuera de nouvelles ressources financières dans un secteur délicat; il s’agit de 250 millions d’euros pour les cinq prochaines années: première étape vers une augmentation plus importante des financements pour l’immigration, qui devrait être prévue par les prochaines perspectives financières.

Toujours en matière d’immigration, mais avec des aspects évidents liés à la sécurité des citoyens ainsi qu’à la lutte contre le terrorisme, au niveau du Conseil européen nous avons pris note de l’introduction des données biométriques sur les visas et les permis de séjour; cette innovation sera bientôt étendue également aux passeports des ressortissants communautaires.

Des résultats significatifs ont aussi été obtenus dans le domaine de la lutte contre l’abus de stupéfiants. À signaler notamment l’accord politique sur la décision-cadre en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants: cet accord a pu être atteint grâce à l’action de médiation patiente assurée par la présidence italienne. Le Conseil européen a mis en valeur l’importance du dialogue entre les religions - un sujet auquel la présidence italienne a consacré une conférence à Rome au mois d’octobre - en tant qu’instrument d’intégration des communautés immigrées en Europe et, de manière plus générale, de compréhension et de collaboration dans le cadre des relations internationales. Le thème des rapports entre l’Occident et l’Islam, entre les chrétiens et les musulmans, est une question qui se pose dans toutes les rencontres que nous avons avec les pays de la Ligue arabe. Sur ce thème, nous devrons nous engager fermement, parce qu’il y a toujours une minorité arabe naissante qui considère que le défi doit être relevé à tout prix. Il n’y a rien de pire que de procéder dans cette direction. Je crois donc que nous devrons consacrer de nombreux efforts à un dialogue réel, permanent, constant et approfondi entre l’Occident et les pays musulmans. Je voudrais également rappeler que les chefs d’État ou de gouvernement ont réitéré de manière solennelle leur plus ferme opposition à toute forme d’extrémisme et d’intolérance, leur condamnation du terrorisme et de tout type de violence, ainsi que, de manière explicite et univoque, leur condamnation de toute forme d’antisémitisme.

Le Conseil européen a également adopté la stratégie européenne de sécurité: un document excellent - œuvre de M. Solana et de son équipe - qui analyse les menaces contre la sécurité de l’Union et les moyens aptes à y faire face. Sur cette base, nous devrions être en mesure d’améliorer notre capacité d’intervention, aussi bien dans le domaine de la prévention des conflits que dans celui de la gestion des crises. Pour finir, le Conseil européen a pris note des progrès réalisés dans le développement de la PESC. Nous confirmons notre engagement à acquérir davantage de capacités. Et, dans ce cadre, la décision de créer une Agence européenne, avec la mission d’encourager le développement et l’acquisition de nouvelles capacités militaires, revêt une importance particulière. Dans ce contexte, la décision du Conseil européen d’accueillir favorablement la proposition présentée par la présidence, suite aux contacts avec différents partenaires, visant à renforcer les capacités de planification de l’Union selon des modalités compatibles avec le rôle de l’OTAN et les ententes de "Berlin plus" nous paraît particulièrement importante. Cette décision permet de clore de manière positive et dans un cadre institutionnel une question qui, récemment encore, était à l’origine de profondes divisions entre les membres de l’Union.

Je voudrais rappeler en conclusion que le sommet de Bruxelles a également permis de conclure l’entente sur le siège de dix agences européennes, un thème qui était resté en suspens pendant deux ans. Cet accord, qui a pu être atteint grâce à un travail diplomatique préparatoire dans les mois qui ont précédé le sommet, permettra de travailler de manière plus aisée afin d’assurer le bon fonctionnement, dans les sièges respectifs, des agences visant à intégrer le travail des institutions de l’Union dans plusieurs secteurs importants. Il s’agit d’un accord significatif, dont la présidence italienne est fière et qui mérite d’être souligné, d’autant plus qu’il a été conclu dans des conditions qui n’ont certainement pas été facilitées par les négociations complexes sur le traité constitutionnel.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le Conseil européen de Bruxelles a anticipé de quelques mois l’entrée en vigueur du traité d’adhésion. L’élargissement qui aura lieu en 2004 s’annonce de plus en plus comme un plein succès, qui confirme la validité des décisions adoptées par les chefs d’État ou de gouvernement à Copenhague en décembre 2002. Nous avons pu constater que les pays en voie d’adhésion poursuivent leur action de transposition de l’acquis communautaire. À la date du 1er mai 2004, ils seront sûrement en mesure de faire face aux responsabilités découlant de la pleine adhésion. Le récent document de stratégie de la Commission a confirmé sans équivoque les progrès réalisés par la Bulgarie et la Roumanie en vue de leur entrée dans l’Union; ces deux pays sont aujourd’hui prêts à accomplir les étapes décisives qui précèdent l’adhésion. Le Conseil européen a défini pour l’achèvement du processus un tableau de marche qui fixe des échéances précises: conclusion des négociations avant la fin de 2004, 2005 pour la signature des traités d’adhésion et, pour finir, adhésion à l’Union européenne en janvier 2007. La Turquie aussi a parcouru un bon bout du chemin des réformes institutionnelles et progressé sur la voie du respect des critères politiques de Copenhague. Les conclusions du Conseil européen ont donc reconnu de manière appropriée ces développements positifs. Nous avons par ailleurs signalé nos suggestions à la Turquie et nous l’avons encouragée à continuer dans cette direction, en soulignant également les domaines dans lesquels Ankara doit consentir un effort particulier. L’objectif à moyen terme demeure celui de la préparation adéquate de la Turquie en vue de la décision que le Conseil européen devra adopter dans un an.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le Conseil européen a également consacré une grande attention aux progrès importants qui ont caractérisé, au cours des six derniers mois, les relations de l’Union européenne avec ses partenaires, ses voisins et le reste du monde. Nous avons tout d’abord pris note des résultats significatifs enregistrés dans la poursuite des objectifs du processus de stabilisation et d’association dans la région des Balkans et du travail important accompli dans ce cadre par la présidence italienne. Nous avons réaffirmé la détermination de l’Union à appuyer la perspective européenne des pays de la région, en les invitant à intensifier leur engagement pour les réformes, surtout dans les secteurs essentiels en vue de l’intégration à l’Union. Les résultats atteints au cours de ce semestre dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen ont été tout aussi significatifs, notamment à l’occasion de la Conférence des ministres des affaires étrangères qui s’est tenue à Naples les 2 et 3 décembre. J’aimerais rappeler que nous avons officialisé la naissance de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, nous avons convenu de créer la Fondation pour le dialogue entre les cultures et les civilisations et nous avons défini le renforcement important de la facilité de la BEI pour la Méditerranée, le tout dans l’attente et dans l’espoir de la création d’une réelle et authentique Banque euro-méditerranéenne, au capital de laquelle pourront également participer les pays du continent africain.

Les relations transatlantiques restent un pilier irremplaçable de l’action extérieure de l’Union. Le Conseil européen a consacré à ce sujet une déclaration spécifique d’un haut contenu politique. Celle-ci intervient en outre à la fin d’une période que nous nous rappellerons comme l’une des plus difficiles dans les relations entre l’Europe et les États-Unis. Parmi les principaux éléments de cette déclaration, j’aimerais rappeler que le dialogue constant, et sur un pied d’égalité, entre l’Union et les États-Unis est fondamental pour relever avec succès les défis mondiaux. L’Union devra par conséquent s’employer à renforcer la coopération avec les États-Unis pour traduire la communauté de valeurs qui est à la base de notre histoire en une communauté d’action. Dans ce cadre, l’engagement commun dans la lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive jouera un rôle central. Le développement de la PESC et le partenariat stratégique entre l’UE et l’OTAN renforceront l’efficacité globale de la communauté transatlantique.

Nous avons également souligné la valeur stratégique de notre relation avec la Fédération de Russie et l’importance de promouvoir avec Moscou un partenariat de grande envergure, destiné à faciliter et promouvoir l’intégration de plus en plus importante de la Russie dans les structures européennes.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, en ma qualité de président sortant du Conseil de l’Union, je voudrais vous transmettre un message de confiance. Je puis en effet vous assurer que tous les pays ont défendu des intérêts légitimes avec des arguments qui méritent toute notre considération, mais surtout qu’aucun d’entre eux n’a nié l’existence d’un intérêt commun européen prédominant. Il est normal qu’il y ait maintenant une pause de réflexion pour approfondir le débat dans nos pays et parmi nos opinions publiques. Mais nous sommes persuadés que la reprise des négociations se fera sur la base du projet de la Convention et des résultats acquis grâce au travail commun de notre présidence et de tous les pays membres. Dans les mois à venir, chacun des États membres devra apporter sa contribution au processus d’intégration, parce que l’entreprise européenne doit rester unitaire et inclusive, sans raccourcis ni fractures. Le traité constitutionnel est un objectif que nous allons sûrement atteindre. Les prochaines présidences, avec votre appui et celui du futur Parlement, travailleront certainement dans cette direction, grâce aussi au travail qui a déjà été effectué et aux résultats déjà acquis.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, en conclusion, je vous remercie d’avoir réagi avec autant d’enthousiasme à mon invitation à collaborer étroitement aux travaux de la Conférence intergouvernementale dans toutes ses phases. J’ai remis à la présidence irlandaise les accords déjà conclus, avec mes vœux les plus sincères de bon travail pour la constitution de cette Grande Europe que nous appelons tous de nos vœux.

(Applaudissements)

 
  
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  Prodi, président de la Commission. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le semestre qui est sur le point de se terminer a été riche d’événements et de projets. Vous vous rappelez que lors de la session d’ouverture du semestre, le 2 juillet dernier, je vous ai énuméré les 13 propositions législatives que la Commission espérait voir arriver à maturité pour la fin de l’année. Je suis très heureux de constater que, grâce aux efforts de la présidence italienne, un accord a été trouvé sur cinq points importants de cette liste. Je pense à la directive sur la traçabilité des OGM et à l’accord-cadre conclu avec l’Agence spatiale européenne, qui stimulera grandement le développement de notre politique spatiale. La création d’un ciel unique européen et les règles en matière de marchés publics sont d’autres réalisations importantes de ce semestre qui seront toutes deux adoptées formellement au début de l’année prochaine. Enfin, un accord politique sur les offres publiques d’acquisition se précise désormais et il sera soumis à l’examen du Parlement au cours de la présente période de session.

La présidence italienne a placé son action sous le signe de la continuité, témoignant d’un sens des responsabilités et d’un esprit de collaboration dont la Commission est reconnaissante. De cela, et du grand effort consenti, je tiens à remercier publiquement les responsables politiques du gouvernement et tous leurs collaborateurs: tant ceux qui ont travaillé dans les différents sièges nationaux en Italie que la représentation permanente à Bruxelles.

Le dernier acte du semestre a été le sommet des chefs d’État ou de gouvernement qui s’est conclu samedi dernier à Bruxelles. La partie consacrée à la Conférence intergouvernementale a à juste titre monopolisé l’attention de l’opinion publique, mais nous ne devons pas oublier les autres questions importantes qui étaient sur le tapis et qui ont trouvé une solution positive.

Naturellement, le thème qui me tient le plus à cœur est l’Initiative européenne pour la croissance, que le Conseil a approuvée à l’unanimité. Cette initiative est l’élément le plus visible d’un plan général de stimulation de l’économie européenne. Parmi les mesures adoptées par le Conseil, il y a en effet les actions visant à améliorer notre compétitivité et celles en faveur de l’emploi: il s’agit, Mesdames et Messieurs, de saisir maintenant l’occasion que nous offre la phase actuelle de reprise pour relancer l’agenda de Lisbonne, qui reste la voie royale pour la croissance durable de tout le continent.

Enfin, j’applaudis à l’accord que le Conseil a trouvé sur les sept nouvelles agences européennes qui, je le rappelle, s’occuperont de la sécurité des transports - aériens, ferroviaires et maritimes -, de la sécurité alimentaire, de la pêche, de la chimie et du contrôle des maladies. Je tiens à souligner le rôle joué par la Commission tout au long des quatre années de travail qui ont été nécessaires pour arriver à un tel résultat. La satisfaction est grande, parce que ce sont les choses les plus difficiles à réaliser qui sont finalement les plus belles. Il s’est agi d’un travail complexe et de longue haleine, mais la Commission n’a jamais douté de notre capacité de réussir dans l’entreprise, et l’accord dégagé sur les agences est important pour deux raisons. Premièrement, parce qu’il développe un modèle de structures communautaires plus souple et plus efficace, un modèle qui rapprochera toujours plus l’Union des citoyens européens. Deuxièmement, parce qu’il est le fruit d’une vision d’ensemble à même de concilier les intérêts de chaque pays qui peuvent, s’ils ne sont pas harmonisés, retarder voire empêcher le progrès vers l’intérêt commun.

J’en arrive maintenant à l’autre grand sujet du sommet de Bruxelles, à savoir, le fait que la Constitution de l’Union européenne n’a pas été adoptée, ce qui est pour moi un motif de tristesse et de déception. Revenons deux ans en arrière, au Conseil européen de Laeken. Quelles étaient les motivations de ces conclusions historiques de Laeken? Il s’agissait de répondre à la nécessité, que tous reconnaissaient alors, de donner à l’Union un cadre institutionnel plus cohérent et plus structuré. À l’époque, les États membres s’étaient mis d’accord sur trois points fondamentaux: premièrement, améliorer le fonctionnement de nos institutions tel qu’il était sorti de la fameuse nuit de Nice; deuxièmement, rationaliser la stratification législative et institutionnelle qui, au fil de nombreuses décennies, avait fait perdre leur cohérence aux politiques et aux procédures de l’Union; troisièmement, rapprocher les citoyens de la construction européenne.

La grande nouveauté de Laeken a été la création de la Convention, qui est le projet institutionnel le plus ambitieux et le plus démocratique de notre histoire. Nous avons investi des années de travail dans l’entreprise, nous avons réuni sous le même toit 105 représentants des réalités de l’Europe: les parlements nationaux, les gouvernements des États, des députés européens et des membres de la Commission. La Convention a bien travaillé. En 18 mois, elle nous a présenté un projet de Constitution dont nous avons considéré qu’il constituait une bonne base de départ pour la Conférence intergouvernementale.

En outre, nous avons à plusieurs reprises affirmé que le texte n’avait besoin que de quelques modifications ponctuelles, parce que nous étions convaincus - et nous le sommes toujours - qu’il a trouvé le difficile point d’équilibre pour tout le système qui régit l’Union européenne et lui permet de fonctionner. Sur les points importants, le travail de la Convention est excellent. Je pense à la Charte des droits fondamentaux, à la méthode de vote à la majorité qualifiée et à la répartition des responsabilités politiques. Je pense aussi à l’évolution du rôle du Parlement européen, auquel le projet de Constitution attribue finalement un pouvoir de décision accru sur le budget de l’Union. Sur d’autres questions, en particulier sur les modalités de réforme de la Constitution, le temps a manqué. Sur la question de la composition de la Commission, enfin, le principe d’un commissaire par État membre était déjà présent en germe. Sa traduction pratique n’était pas satisfaisante, mais le travail réalisé après la Conférence intergouvernementale y a porté remède.

Comme toute base de départ, le projet de la Convention devait permettre de faire un pas en avant. Certains États membres l’ont au contraire utilisé pour faire un pas en arrière. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, j’exprime devant vous aujourd’hui ma tristesse et ma déception. La semaine dernière, le projet d’intégration européenne s’est arrêté et nous avons tous perdu, chacun de nous, une grande occasion. Les conséquences ne seront cependant pas dramatiques, à condition de poursuivre avec ténacité dans la direction tracée par la Convention. Les problèmes à résoudre sont toujours ceux exposés dans la déclaration de Laeken, le texte de base reste celui de la Convention. Même s’il ne sert à rien de protester en rejetant la responsabilité sur telle ou telle délégation nationale, je tiens à souligner que nous ne pouvons définir nos institutions en utilisant comme seul paramètre la possibilité de bloquer les décisions. Ce n’est pas là notre rôle, ce n’est là le rôle ni du Parlement ni de la Commission. Le temps d’arrêt marqué à Bruxelles signifie que le Conseil, dans son ensemble, n’est pas parvenu à un consensus sur une proposition unique.

Toutefois, Mesdames et Messieurs, l’acceptation collective de la responsabilité politique ne suffit pas. Nous devrons maintenant expliquer aux citoyens comment il convient de mieux protéger leur avenir. Le protège-t-on mieux seuls ou ensemble? Le protège-t-on mieux divisés ou unis? La réponse est inéluctable, il suffit d’ouvrir les yeux. Je continue à penser, en accord avec la déclaration de Laeken, que la solution sera apportée non par une série de veto, mais par une conjonction d’intérêts et de propositions. Le droit de veto n’est pas une expression de volonté démocratique: nos institutions elles-mêmes ne peuvent se soustraire aux règles du jeu démocratique.

Mesdames et Messieurs, je constate que nous recherchons à l’heure actuelle une solution commune et je vois combien cela est difficile quand il reste tant de problèmes importants à résoudre. Cependant, compte tenu de ces éléments, je suis convaincu qu’avec plus de temps et en faisant preuve de patience, nous parviendrons à la bonne solution. C’est pourquoi j’espère que les prochains Conseils européens reprendront la question de notre Constitution en adoptant un calendrier réaliste et une vision d’ensemble qu’au cours de ces derniers mois, nous avons peut-être perdue.

Nous devons tous faire preuve de courage et d’imagination, les qualités nécessaires aux grandes décisions politiques. Quelques jours seulement après le sommet de Bruxelles, il serait prématuré et peut-être même présomptueux de proposer déjà une réponse parfaite. Mais nous devons certainement réfléchir à ce qui s’est passé et à ce qu’il conviendra de faire à l’avenir. Certains pensent à une avant-garde d’États pionniers qui ouvriraient la voie à une coopération plus soudée, point de départ d’une Union plus forte, plus intégrée et ouverte à tous. De telles solutions s’inscrivent dans la tradition de l’intégration européenne et, si nous analysons notre histoire, c’est toujours dans les moments les plus complexes et les plus difficiles qu’elles surgissent. Aujourd’hui, nous vivons l’un de ces moments dramatiques. Cette réflexion doit donc être entamée avec courage et avec un sens des responsabilités et d’ouverture sur l’avenir.

Mesdames et Messieurs, je voudrais terminer ma brève intervention par un appel pressant. Je vous demande de mettre votre intelligence politique, votre vision et votre expérience au service de la première Constitution de l’Europe unie. Je sais que nous sommes nombreux dans cette enceinte à voir dans l’Union européenne la seule bonne réponse aux défis de l’histoire et de la politique. Vous qui êtes ici de par la volonté de nos concitoyens, vous savez ce qu’ils pensent. Vous savez donc qu’ils se rendent parfaitement compte que l’Europe n’est ni un idéal abstrait ni un caprice, mais un élément nécessaire de l’histoire. Il suffit de sortir de notre espace géographique: vu de la Chine, de l’Inde ou des Amériques, notre continent n’est plus composé de différents pays. L’Europe est de plus en plus considérée dans son ensemble. Il suffit de sortir de notre espace temporel: si l’on considère l’histoire, l’intégration de tout le continent est la seule possibilité qu’ont ces mêmes États nationaux de survivre.

Seule l’Europe nous donnera la force de maintenir et de développer nos cultures, nos traditions régionales et locales dont nous sommes si fiers. Si nous ne nous serrons pas tous autour de l’Union que nous avons commencé à construire au cours du demi-siècle dernier, nous perdrons notre autonomie et notre influence dans le monde. C’est l’Union qui les perdra, mais ce sont surtout les États membres et nos citoyens qui en seront privés. Et tous, nous finirons inexorablement en marge de l’histoire.

(Applaudissements)

 
  
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  Poettering (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil européen, Monsieur le Président de la Commission, Mesdames et Messieurs, au nom des députés du groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens, je tiens à dire que le 13 décembre 2003 ne fut pas une bonne journée pour l’Europe. Nous sommes déçus, mais une lumière a néanmoins brillé dans le noir car c’est aussi le 13 décembre 2003 que nous avons appris que le prix Charlemagne, décerné par la ville d’Aix-la-Chapelle, avait été attribué au président du Parlement européen et donc au Parlement lui-même. Cela montre que nous avons des alliés dans la cause d’une Europe forte, démocratique et active. Monsieur le Président, nous vous félicitons pour cette distinction.

(Applaudissements)

L’échec de la Conférence intergouvernementale ne signifie pas l’échec de la Constitution. Permettez-moi de dire, au nom du groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens, qu’il ne peut y avoir aucun doute quant à notre désir d’une Constitution européenne, que nous sommes déterminés à nous doter de cette Constitution et que nous nous efforçons de le faire le plus rapidement possible. Sans Constitution, l’Europe n’a pas d’avenir au XXIe siècle.

(Applaudissements)

Nous voulons une Constitution parce que, dans une communauté de 450 millions de citoyens - et un jour peut-être plus encore -, c’est la seule base sur laquelle il nous sera possible de progresser dans la paix au XXIe siècle. Nous avons besoin d’une Constitution afin de pouvoir résoudre les problèmes qui surgissent dans notre société en nous appuyant sur le droit. Nous avons besoin d’une Constitution européenne pour pouvoir défendre nos valeurs européennes dans le monde. Ne tolérons aucun doute quant à notre volonté d’avoir d’une Constitution européenne fondée sur le droit communautaire. Nous résisterons avec obstination à toute tentative de ramener l’Europe à une simple coopération intergouvernementale ou à la formation sur notre continent d’axes se combattant les uns les autres.

(Applaudissements)

Je tiens à remercier la présidence italienne et le président du Conseil européen d’avoir réussi à obtenir un accord - comme vous l’avez dit - sur 82 points. Mon appel à tous ceux qui occupent une place de responsable est le suivant: ne rouvrons pas ce paquet. Concentrons-nous plutôt sur les quelques points litigieux en suspens. Aucun gouvernement européen n’a raison et on ne nous prendra pas non plus à déterminer les torts, car si nous commençons ainsi, nous devrons très vite reconnaître que la plupart d’entre nous portent une grande responsabilité dans l’échec du sommet de Bruxelles. Plutôt que d’en rendre responsable un, deux ou trois pays, nous avons maintenant besoin de la bonne volonté de tous.

Il faut trouver un compromis. Notre volonté de compromis a toujours été une caractéristique distinctive de l’Europe car le compromis est une expression de notre bonne volonté commune, de notre confiance mutuelle et de notre désir d’avancer ensemble dans l’avenir. Pour être parfaitement clair, permettez-moi de dire que si un gouvernement pense - et mes propos se veulent très abstraits - qu’il peut se détacher de la solidarité européenne et défendre uniquement ses intérêts nationaux, ce gouvernement doit savoir que s’il se comporte ainsi à l’avenir, il s’exclura lui-même de la solidarité européenne. La solidarité n’est pas un concept à sens unique. Elle est obligatoire pour tous et jouer cette solidarité revêt un intérêt national en ce sens que les pays qui se retirent de ce jeu finiront pas ne plus avoir aucun rôle à jouer en Europe.

(Vifs applaudissements)

Nous entendons aujourd’hui des réflexions sur l’idée d’un "noyau dur européen", mais comment cela est-il censé fonctionner? Un "noyau dur européen" n’est pas une solution, car les problèmes sur lesquels certains s’entendent sont toujours différents. Un groupe tombera d’accord sur des questions monétaires, l’autre sur des questions de défense et un troisième sur des questions d’environnement. C’est pour cette raison qu’un "noyau dur européen" n’est pas une solution. Nous devons marcher ensemble et prendre ensemble le chemin qui mène vers l’avenir de l’Europe.

(Applaudissements)

J’invite instamment chacun à participer à la recherche de ce chemin. Les questions que m’adressent les citoyens trahissent leur préoccupation. Ce matin même, un journaliste européen renommé m’a demandé si l’euro serait toujours là dans dix ans. Défendons ce que nous avons accompli en Europe au lieu de le compromettre. Certes, ce dont nous avons besoin pour l’instant, c’est de marquer un temps et de consolider les choses, mais permettez-moi de vous dire que c’est aussi maintenant que nous devons penser que l’Europe a besoin de fondements clairs sous la forme d’une Constitution. Il est trop tôt pour parler de futurs élargissements de l’Union européenne, qui pourraient mettre encore plus en danger l’ensemble du concept d’intégration européenne.

(Applaudissements)

Je conclurai en réitérant ma gratitude envers la présidence italienne pour sa bonne volonté. Nous savons à quel point les choses sont difficiles en Europe, mais celle-ci subira des dégâts si nous manquons maintenant de la volonté de poursuivre la tâche sur la base des travaux de la Convention. Jeudi et vendredi prochains, nous serons à Dublin et j’espère que la présidence irlandaise fera tout ce qui est en son pouvoir - à commencer par sonder les différents gouvernements sur leurs positions - pour que les ministres des affaires étrangères puissent aboutir à un résultat permettant, en temps utile, l’organisation d’un sommet européen qui verra l’adoption de la Constitution européenne. Telle est notre responsabilité à tous.

Ce n’est pas le moment d’attribuer les blâmes, mais bien le moment - malgré la situation difficile en Europe - de garder confiance et de continuer à travailler sur l’Europe, avec patience, mais aussi avec la passion requise par la tâche. Notre groupe veut que cette Europe soit un succès et pour qu’il en soit ainsi, nous avons besoin d’une Constitution européenne.

(Vifs applaudissements)

 
  
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  Barón Crespo (PSE). - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, Mesdames et Messieurs, au début de votre mandat à la présidence du Conseil, Monsieur le Président en exercice du Conseil, vous avez déclaré que votre préoccupation était le football à Tokyo. Il convient de signaler que l’équipe de Milan a été jusqu’au stade des penaltys. Vous n’avez même pas joué en seconde mi-temps. Nous pouvons en voir les résultats.

Et ceci, malgré le travail sérieux et professionnel de la présidence italienne. Je tiens d’ailleurs à remercier publiquement MM. Frattini et Antonione pour leurs efforts.

Mon groupe regrette profondément le résultat de la Conférence intergouvernementale ainsi que le fait qu’il n’ait pas été possible d’adopter une Grande Charte. Si nous n’apportons pas une réponse politique sérieuse, cela pourrait nous plonger dans une crise existentielle. Nous pensons qu’il faut retrouver l’esprit communautaire qui consiste à prendre des décisions ensemble, à combiner nos intérêts, à agir dans la solidarité et non pas à tenter de bloquer les décisions. Je dis cela avec une émotion particulière parce que mon pays a toujours été à l’avant-garde de l’intégration européenne et le voici à présent à l’arrière-garde.

(Applaudissements)

Monsieur le Président en exercice du Conseil, vous avez également déclaré - et je pense que cela doit figurer dans le procès-verbal - que 95% de la Constitution n’était pas controversé mais faisait partie de notre acquis. Je crois qu’il s’agit d’un fait important. À présent, pour régler les 5% restants, il y a une chose qui a été démontrée à Nice et qui est maintenant confirmée: les méthodes consistant à négocier durant toute une nuit et à marchander ne résolvent pas le problème. C’est pourquoi je voudrais vous poser une question, Monsieur le Président en exercice du Conseil: la Convention n’est pas le résultat de Nice mais de Laeken. La Convention a produit ce texte. Êtes-vous favorable à un retour à une méthode ouverte et démocratique - la méthode de la Convention - ou pensez-vous que nous pouvons résoudre le problème en restant debout une nuit entière encore comme ce soir? Je crois que nous devons être très clairs sur cette approche et il est dès lors également important que la présidence irlandaise prenne le flambeau.

J’ai été particulièrement frappé de vos commentaires extrêmement critiques à l’égard de la situation économique actuelle et c’est compréhensible. Ce que vous avez dit justifierait de revoir la question de la gouvernance économique. Vous avez mentionné Gulliver. Je suis un grand admirateur de Jonathan Swift, mais je ne pense pas que cela soit la bonne image. Nous ne sommes pas comme Gulliver, mais comme le vicomte pourfendu d’Italo Calvino, c’est-à-dire que nous avons une moitié - la Banque centrale européenne -, mais que nous n’avons personne qui est responsable de l’économie. Êtes-vous prêt à proposer une modification de la Constitution et une réforme du pacte de stabilité visant à donner de la force aux Européens? Je pense qu’il s’agit d’une question importante à laquelle nous devons répondre.

Je dois également vous dire, au nom de mon groupe - et, je crois, du Parlement européen - que nous sommes prêts à poursuivre le travail pour aboutir à une Constitution. Nous en avons déjà 95%. L’essentiel est à présent d’achever une Grande Charte, qui est indispensable pour notre avenir et pour l’élargissement.

(Applaudissements)

 
  
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  Watson (ELDR). - (EN) Monsieur le Président, les libéraux de cette Assemblée espéraient beaucoup plus de la présidence d’un pays qui se caractérise par une fière tradition européenne. En six petits mois, la présidence a conspiré pour saper le pacte de stabilité, a montré du mépris envers la politique de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie et a offensé le Canada.

Le président en exercice nous a offert durant 40 minutes un catalogue des réalisations durant son mandat. Cependant, il est difficile de ne pas aboutir à la conclusion que cette présidence, ainsi que la CIG, ont été un échec personnel pour le président du Conseil européen. La "feuille de papier" dans la poche de M. Berlusconi s’est avérée une serviette tachée de crème glacée, avec quelques mauvaises blagues griffonnées dessus. Le président du Conseil est arrivé mal préparé à la CIG. Il a ignoré les avertissements de cette Assemblée selon lesquels cacher les propositions de compromis conduirait à ce genre d’impasse.

(Applaudissements)

Tandis que, sous les acclamations générales, les Américains sortaient Saddam Hussein de son trou en Irak, nos dirigeants s’enterraient dans un trou à Bruxelles.

Il faut deux choses pour réussir un sommet: de la volonté politique de la part des grands pays et un habile leadership diplomatique. Il n’y eut ni l’une, ni l’autre.

La CIG n’était pas vouée à l’échec - elle a choisi d’échouer. Cinq pays se sont détournés d’un accord dont chacun avait besoin, mais qu’aucun ne voulait suffisamment.

Certes, un accord reporté est mieux qu’un mauvais accord. Mais le problème lorsqu’on reporte une décision en la jetant aux oubliettes est que l’on pourrait ne jamais la retrouver. Surtout lorsqu’on va au-devant d’un agenda très rempli, avec des négociations sur les prochaines perspectives financières, des discussions sur l’adhésion de la Turquie et des élections en Espagne, en Grande-Bretagne et en Italie.

Donc, après une brève autopsie, la CIG doit reprendre et terminer son travail sous la présidence irlandaise. Les Irlandais ont M. Ahern, l’un des négociateurs les plus expérimentés d’Europe, et M. Cox, le président de notre Assemblée, dont nous partageons la joie d’avoir reçu le prix Charlemagne. Il est peut-être possible de relancer l’Union européenne. Notre première Constitution mérite un débat public et une approbation par les citoyens. Pour cela, il faut un Traité avant les élections européennes de juin 2004.

Je tiens à souligner la profonde inquiétude des libéraux démocrates et réformateurs de cette Assemblée et même au-delà, ainsi que notre sentiment que les actions des grands États membres plongent l’Union européenne dans une crise qui pourrait mettre en danger la nature démocratique de notre Union.

Nous sommes également déçus par les conclusions du sommet. Elles ne contiennent rien au sujet de Guantanamo Bay, malgré la demande explicite de cette Assemblée afin que nos dirigeants soutiennent les droits des détenus. S’agissant de la Russie, il est scandaleux que les conclusions ne fassent pas référence aux élections, qualifiées par l’OSCE de "régression sur la voie de la démocratisation".

(Applaudissements)

La décision d’intégrer la République populaire de Chine dans le programme Galileo semble avoir suscité des discussions concernant la levée de l’embargo européen sur la vente d’armes à la dernière grande dictature communiste au monde.

(Applaudissements)

Sur toutes ces questions, le Conseil s’est comporté comme s’il avait honte de nos valeurs - ou comme s’il les ignorait complètement.

Lors de la conférence de presse qui a suivi le sommet, Monsieur le Président en exercice, vous avez déclaré qu’exception faite de la CIG, on se souviendrait de votre présidence somme étant "la plus glorieuse de ces dernières années". Cependant, l’accord obtenu sur les cinq points mentionnés par le président de la Commission constitue un maigre résultat pour une présidence dans laquelle de si grands espoirs avaient été fondés. Si cela fut un glorieux succès, je serais ravi de connaître votre définition d’un échec. Vous vous étiez fixé l’objectif d’une Constitution pour Noël. À l’aune de vos propres critères, vous avez échoué.

(Applaudissements vifs et prolongés au centre et à gauche)

 
  
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  Wurtz (GUE/NGL). - Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, le 3 septembre dernier, ici même, M. Giscard d’Estaing nous a présenté le projet de constitution pour l’Europe. J’avais alors vivement critiqué ce texte qui, à mes yeux et aux yeux de mon groupe, constitutionnalisait le modèle libéral en pérennisant, au niveau des orientations comme à celui des institutions, la partie la plus contestée du traité de Maastricht. Ce projet est désormais gelé pour plusieurs mois. Certains pourraient penser que nous en tirons une certaine satisfaction; pour ma part, nullement.

D’abord, parce que le cours de l’Europe libérale n’est pas affecté par cet échec. Celle-ci continue pour une raison simple: ce n’est hélas pas du tout à ce sujet que les 25 gouvernements se sont divisés. De M. Berlusconi au premier ministre polonais, chacun s’est plu à souligner qu’un consensus existait sur la quasi-totalité des points du projet de constitution, hormis le mode de calcul de la majorité qualifiée au Conseil. Tous les problèmes posés avec force dans le débat public naissant sur le projet de constitution, par exemple au récent Forum social européen, restent ainsi sur la table. Pas de quoi donc se réjouir.

Ensuite, il y a eu ce spectacle affligeant de ces ambitions de pouvoirs et de ces rêves de puissance, hors de toute confrontation d’options sur les politiques, sur les objectifs et sur les valeurs de l’Union, comme en écho à ce mot d’ordre stupide "Nice ou la mort", degré zéro de la politique et de l’esprit de responsabilité. Cette Europe aux dents longues et aux idées courtes, étrangère aux attentes et insensible aux frustrations qui sourdent de partout, constitue un cadeau royal fait aux populistes et aux démagogues de tous poils. Sur celles et ceux qui nourrissent une vraie ambition pour l’Europe - une ambition alternative à celle des traités actuels, mais une forte ambition pourtant -, ce préambule raté de l’Europe élargie peut avoir un effet ravageur.

Enfin, cette impasse fait resurgir les vieilles lunes du noyau dur. Trop contents de l’occasion pour retirer leurs billes, les pays les plus riches agitent la menace d’une restriction des fonds destinés aux moins développés. Une telle évolution, en liquidant l’idée de solidarité entre pays membres, sonnerait le glas de toute communauté au profit du rêve des plus libéraux, la zone de libre-échange.

Nous ne pouvons accepter une telle perspective. Il s’agit là d’une caricature de l’idée de coopération renforcée entre nations désireuses de faire prévaloir, sans attendre une impossible unanimité à 25, qui un modèle social plus avancé, qui une politique internationale plus autonome et plus offensive. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’existe un vrai projet politique européen au sein du Conseil européen. Or, en vérité, il y a carence de projet, si ce n’est celui, des plus ambigus, de défense européenne, aggravé par la nouvelle doctrine stratégique de l’Union, dont la seule lecture donne froid dans le dos. C’est là que le bât blesse.

Le déroulement et les résultats de ce Conseil européen devraient convaincre les hésitants sur un point: un projet dans lequel nos concitoyens puissent se reconnaître et s’investir, en raison même des ruptures essentielles qu’il suppose dans les institutions et dans les orientations en vigueur aujourd’hui, ne naîtra pas, ne naîtra jamais spontanément d’un conclave de chefs d’État et de gouvernement. Une convention n’y suffira pas non plus. C’est aux citoyens qui y aspirent et aux partis dans lesquels ils se reconnaissent qu’il appartient à présent de relever ce défi. C’est à ce niveau d’ambition que devra se situer à mes yeux, plus que jamais, la prochaine échéance politique européenne.

(Applaudissements)

 
  
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  Frassoni (Verts/ALE). - (IT) Monsieur le Président, à titre d’évaluation de votre travail à la barre du Conseil européen, tout ce que nous devons faire maintenant, c’est dire que l’Union n’est ni plus forte ni plus unie qu’il y a six mois, que la contribution de votre gouvernement à rétablir la cohésion perdue durant la bataille au sujet de l’Irak a été insignifiante et que vos déclarations sur la Tchétchénie, votre incapacité à présenter une initiative sur la peine de mort ainsi que le soutien ou le manque de critique dont vous avez fait preuve à l’égard des gouvernements Bush et Sharon ont réduit la crédibilité déjà faible de l’Union en tant qu’acteur sur la scène internationale. Sinon, nous pourrions également signaler l’indifférence de M. Tremonti face à la tentative d’Écofin de démanteler les accords sur le budget atteints par la Convention, ou l’attitude scandaleuse de M. Lunardi qui pousse à un financement européen des réseaux transeuropéens que son entreprise aimerait ensuite construire.

Cependant, les Européens se souviendront surtout de votre présidence en raison de votre incapacité à obtenir un accord sur le texte de la Convention. Il en sera ainsi, même si vous parvenez, grâce à vos réseaux de télévision, à convaincre les Italiens que le succès a été atteint parce que vous avez réussi à obtenir le siège de l’Autorité européenne de sécurité des aliments à Parme et à produire un accord - pour l’instant toujours à la case départ - sur le financement de deux tunnels et d’un pont inutile.

Bien sûr, il serait vraiment injuste de ma part de dire que cet échec est entièrement dû à une faible préparation ou à l’approche pour le moins originale de rencontres bilatérales ne prévoyant aucune discussion plénière et empêchant de se faire une idée claire de ces mystérieuses propositions de compromis et de qui était favorable ou opposé à quoi. Cependant, nous pensons - et nous en somme mêmes certains - que l’accord qui se dessinait aurait créé davantage de problèmes que la crise actuelle.

Et je vais vous dire autre chose: je ne crois pas que nous puissions réellement dire aujourd’hui qu’il existe un accord solide sur la majorité des 82 points avancés par la présidence italienne, points qui, par ailleurs, sont largement inacceptables parce qu’ils représentent un recul, non seulement par rapport à la Convention, mais aussi par rapport à Nice. Que vous l’appréciez ou non, le seul texte sur la table est celui adopté par la Convention.

Votre faible présidence ainsi que les gouvernements espagnol et polonais ne sont pas les seuls à blâmer pour cette crise. Il y en a beaucoup d’autres, à commencer par ceux qui ont rejeté le vote à la double majorité à Nice et qui s’érigent maintenant en invraisemblables héros politiques européens.

Dès lors, nous acceptons le défi posé par cette crise: il pourrait conduire à une meilleure Constitution pour l’avenir. Cependant, force est de constater que les gouvernements des anciens comme des nouveaux États membres de l’Union sont incapables d’aboutir à un consensus sur une Constitution viable pour l’Europe. C’est inutile, vous n’y parviendrez pas seuls. La présidence irlandaise ne réussira pas là où l’Italie a échoué. Pour réussir à donner une Constitution à l’Europe, vous avez besoin de nous, de vos citoyens, de vos parlements. Vous en avez besoin si vous voulez empêcher que le projet d’une Europe élargie et unie ne s’effondre en conflits désastreux sur les perspectives financières ou sur la souveraineté nationale.

La Constitution n’est pas morte. Les gouvernements ne sont pas les maîtres de l’Europe, notamment parce que lorsqu’ils tentent de l’être, ils se perdent dans des disputes internes. Nous devons reprendre sans tarder l’initiative et empêcher que le travail effectué par la Convention soit rangé à tout jamais dans un tiroir poussiéreux sous prétexte que nous avons besoin de temps pour réfléchir ou pour accomplir nos obligations électorales. À cette fin, il nous faut trouver des alliés au sein des parlements nationaux et de ces gouvernements qui, comme nous, voient l’urgente nécessité de surmonter rapidement la crise, de rétablir la confiance dans le projet européen, de restaurer sa crédibilité et d’affirmer qu’il est impératif d’abolir le droit de veto pour les réformes institutionnelles.

Je regrette, Monsieur Berlusconi, qu’il soit impossible de savoir clairement si l’Italie fait partie de ces alliés. J’espère que vous me répondrez que oui. Prenez garde, cependant: nous ne sommes pas encore résignés à l’idée que, l’Union européenne à peine construite, elle devrait déjà être divisée ou que le temps est venu de déterminer sa vitesse de progression en fonction des intérêts d’une petite élite. Nous ne croyons pas qu’il devrait y avoir deux factions ou groupes différents. Notre objectif doit rester la redynamisation du projet d’une Europe démocratique et efficace, à laquelle tous peuvent s’identifier.

Il se peut que l’on soit passé très près d’un accord à Bruxelles. Si c’est le cas, nous invitons la présidence irlandaise à convoquer sans tarder une autre Convention pour affirmer haut et clair s’il est encore possible d’aboutir à un accord. Dans le cas contraire, il y a lieu de relancer le processus constituant après les élections européennes.

(Applaudissements)

 
  
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  Muscardini (UEN). - (IT) Monsieur le Président, je remercie la présidence italienne pour le travail réalisé dans un contexte difficile, à la fois en raison des événements internationaux et des tragédies qui ont frappé plusieurs peuples européens, notamment en Italie. Le souvenir de ceux qui ont donné leur vie pour la liberté et la démocratie en Irak restera toujours gravé dans nos mémoires tandis que nous poursuivrons notre projet politique.

La présidence italienne a déclaré que le maintien de la paix - et, partant, la lutte contre le terrorisme et les forces perturbatrices en général - ainsi que la recherche d’une prospérité stable pour nos citoyens et tous les pays dont les habitants vivent dans des conditions difficiles et tragiques dues à la famine, la pauvreté, le sous-développement ou - comme c’est trop souvent le cas - à des systèmes politiques oppressifs étaient les tâches prioritaires de la société.

La présidence a souligné que si nous voulions parvenir à une Europe plus forte, plus libre, plus indépendante et plus accueillante, des changements institutionnels étaient nécessaires et que ceux-ci ne pouvaient naître de compromis au rabais. Les citoyens européens ont besoin de clarté et d’efficacité et il est du devoir du Conseil de définir sans équivoque le rôle politique, économique et culturel que l’Europe doit jouer sur la scène internationale.

Le terrorisme ne sera pas vaincu par des méthodes conventionnelles seules, sans l’implication des citoyens. La mondialisation des marchés appelle de nouvelles règles financières et économiques pour remplacer les règles obsolètes du siècle dernier. Il faut accroître la coopération eu égard aux régions géographiques les plus proches de nous et, en particulier, dans ce contexte, jeter un regard nouveau sur les pays dont les langues et les cultures sont similaires aux nôtres.

Monsieur le Président, je tiens à exprimer le regret de l’Alleanza nazionale et mes regrets personnels - en tant que membre de la Convention - face à l’échec des discussions sur l’adoption d’un nouveau Traité. L’Union ne peut avoir ni un système à deux étages, composé de pays de première et de deuxième classe, ni plusieurs États individuels ou alliances d’États dominants offrant deux visages au monde.

Un nouveau Traité est nécessaire et chaque État doit balayer les réserves psychologiques qui font obstacle à l’Union politique. Les promesses faites aux citoyens doivent être tenues et nous sommes certains que l’Italie soutiendra totalement la présidence irlandaise afin que ce qui n’a pas été accompli hier puisse l’être le plus rapidement possible. Les citoyens des 25 États membres de l’Union ne veulent ni d’un super-État fédéral, ni d’une Europe consistant simplement en une zone de libre-échange.

(Applaudissements)

 
  
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  Abitbol (EDD). - Fracture sur l’Irak, échec à Cancun, camouflet en Suède, naufrage du pacte de stabilité, fiasco constitutionnel enfin, 2003 aura bien été pour l’Europe l’annus horribilis!

Il n’y aura donc pas de constitution européenne, mais, rassurez-vous, pas un citoyen pour le regretter ni même, sans doute, pour s’en apercevoir, tant l’Europe s’est éloignée et du cœur et de l’esprit des Européens! Je ne sais trop à qui nous devons ce "miracle", Monsieur Berlusconi; que ce soit aux Espagnols, aux Polonais ou, comme on le murmure beaucoup ici, aux Français, je crois qu’ils ont agi sagement, tant, à l’évidence, l’Europe des vingt-cinq n’est pas adulte, et qu’il était pour le moins prématuré de la doter de cette consécration, de la maturité politique et démocratique qu’est une constitution. Alors, de grâce, Monsieur le Président Berlusconi, pour la Turquie, réfléchissons encore un siècle ou deux, et peut-être même davantage.

Pour ma part, je pense qu’on doit le fiasco de Bruxelles tout autant au corporatisme des institutions européennes, et au premier chef à celui de la Commission de Bruxelles, qu’à la défense de leurs intérêts légitimes par certains États membres. C’est ce qui arrive, Monsieur Prodi, quand Pénélope, contrairement à ce que lui enseigne l’Odyssée, détricote au lieu de tricoter! Mais enfin, rassurons-nous et consolons-nous: nous n’aurons pas de constitution européenne, mais nous avons gagné l’Académie française!

 
  
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  Le Président. - Comme la Constitution, elle pourrait être immortalisée!

 
  
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  Pannella (NI). - (IT) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, cette Europe a agi de la même manière qu’à l’époque de la crise des Balkans et des atrocités commises par Milosevic; de la même manière que l’Europe qui, aujourd’hui encore, n’a pas d’autre position sur le Moyen-Orient que celles, forcément étroites, de chacun de ses partis et de chacune de ses factions.

Nous ne sommes pas parvenus, vous n’êtes pas parvenus, à produire une Constitution, un traité constitutionnel, parce que nous traversons actuellement une période de retour de la bureaucratie et des illusions nationalistes qui portent maintenant de nouvelles idéologies au sein de cette Assemblée.

Ce ne sont pas les États-Unis d’Europe, ce n’est pas l’Europe d’Altiero Spinelli, ni l’Europe d’Ernesto Rossi - une Europe conçue dans les prisons par d’inflexibles fédéralistes, libéraux et démocrates. Ce n’est pas non plus l’Europe de Robert Schuman ou de Konrad Adenauer. Les propos de M. Barón Crespo à ce sujet touchent en plein dans le mille. C’est une Europe qui a quelque peu déçu M. Pasqua, bien qu’il trouve aujourd’hui en M. Chirac l’ancienne position antifédéraliste et essentiellement opposée aux pro-antieuropéens. Monsieur le Premier Ministre, vous avez payé votre simulacre d’arbitrage. Vous avez traité de la même façon les égotistes préoccupations économiques, mineures mais si compréhensibles, de l’Espagne et de la Pologne, pour ensuite céder au chantage nationaliste incessant et arrogant de la France, qui est habituée à être le seul pays à tirer profit de l’Europe. Il était temps que la France commence aussi à payer, comme nous avons tous payé. Et bien, Monsieur le Premier Ministre italien, vous avez sans doute perdu la mémoire, vous n’avez pas accordé suffisamment de confiance à ceux qui, plus dans les prisons que dans le cadre de luxueuses conférences, ont tracé pour nous la voie choisie par ce Parlement entre 1982 et 1984. Nous devons revenir à cette époque, à l’Europe de notre Parlement, dont la tâche prioritaire doit être de se libérer de ses chaînes. Symbole révélateur, nous n’avons même pas le pouvoir de décider où, quand ou comment nous réunir. Nous sommes forcés de nous réunir à Strasbourg. Avant toute autre chose, nous devons servir d’exemple aux Européens. En tant que députés, nous devons décider de l’endroit où nous débattrons des questions qui nous concernent.

(Applaudissements)

 
  
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  Evans, Jonathan (PPE-DE ). - (EN) Monsieur le Président, tout d’abord, la CIG a-t-elle été un échec? Sûrement, il s’agit là simplement du reflet de l’opinion actuelle des gouvernements sur la structure et la mise en œuvre d’une nouvelle Constitution européenne. L’absence d’unanimité reflète des divisions qui sont réelles au sein des États membres, divisions qui sont trop volontiers écartées et qui n’ont peut-être pas été suffisamment prises au sérieux dans ce débat particulier.

Pour moi, la question est de savoir ce que nous allons faire maintenant. Est-ce une matière dans laquelle nous avons des chances réalistes de progresser durant la présidence irlandaise? À l’issue de la CIG, la Suède a affirmé que le sujet ne pourrait sans doute pas revenir sur la table du Conseil avant 2005 et d’autres ont déclaré que ce ne serait pas avant au moins deux ans.

J’invite le président en exercice du Conseil à rejeter une bonne partie de ce qu’il a entendu lors des dernières interventions, en particulier celle de M. Watson, le chef du groupe des libéraux. M. Watson a battu son record de discours moralisateur durant ce qui m’a paru être une salve de coups bas dirigés contre le président en exercice du Conseil. Celui-ci sera peut-être intéressé de savoir que pendant qu’il s’efforçait vendredi d’aboutir à un accord à la CIG, M. Watson faisait la une de la presse Murdoch, argumentant au Royaume-Uni en faveur d’un référendum sur le résultat des négociations sur la Constitution. La veille, tous les membres de son parti avaient voté contre un référendum ici au Parlement. Cette incohérence est une chose à laquelle nous nous sommes habitués de la part de M. Watson.

(Applaudissements à droite)

Il est utile de dire que M. Robin Cook, président du parti socialiste européen et ancien ministre britannique des affaires étrangères, a fait savoir ce qu’il pensait être la bonne voie pour progresser. Il a déclaré qu’en Europe, il était peut-être nécessaire d’abandonner ce débat introspectif sur la Constitution car il avait pris trop de temps et d’énergie. Il a ajouté que nous devrions nous concentrer sur les sujets d’importance pour nos citoyens européens comme l’emploi et la croissance, l’environnement, les droits de l’homme et la qualité de la vie. Il pense qu’il est nécessaire de se rapprocher des citoyens au service desquels nous avons été élus. Telles ont été ses commentaires lors d’une émission à la BBC au Royaume-Uni. Il se pourrait que ces propos ne soient pas répétés lorsqu’il viendra s’adresser ici au groupe de M. Barón Crespo. Je salue cependant le fait que M. Cook ait adopté l’approche que j’ai moi-même adoptée dans pratiquement chacun de nos débats sur la Constitution.

Il y a de nombreux points du projet de Constitution sur lesquels je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas le moment de les réexaminer. Nous devrions tous nous engager à revenir à ce qui a de l’importance pour nos électeurs et je rappelle simplement à chacun que nous avons rendez-vous avec eux en juin prochain.

 
  
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  Napolitano (PSE). - (IT) Monsieur le Président, en vérité, en écoutant le discours du président en exercice du Conseil, j’ai eu l’impression que l’échec de la Conférence intergouvernementale était considéré comme un détail relativement mineur par rapport à six mois de présidence éblouissants.

Il n’en est rien. La commission des affaires constitutionnelles du Parlement, qui s’est réunie hier soir avec un nombre important de représentants de parlements nationaux, a exprimé un sentiment commun et profond de déception et d’inquiétude, ainsi qu’une détermination commune à œuvrer de toutes les manières possibles pour que le processus constitutionnel reprenne et aboutisse. Il ne faut pas minimiser ce qui s’est passé, ni se réfugier derrière l’argument réconfortant selon lequel la Communauté européenne a traversé d’autres crises et s’en est sortie avec succès. Cette fois, il semble y avoir une profonde division au sein de l’Union, à la veille du grand élargissement. Cette fois, il est probable que l’opinion publique de tous nos pays va connaître une grave crise de confiance vis-à-vis du projet d’une Europe unie.

Hier soir, nous avons tenté de trouver comment lever les blocages sur la route de la Constitution. Il est indéniable que lorsque le processus d’élaboration de la Constitution ou de révision des Traités a cessé d’être une prérogative des gouvernements et a été confié à un organe européen où siégeaient également des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen - la Convention -, le travail s’est poursuivi dans un esprit européen et a abouti à un accord bâti sur les intérêts communs de l’Europe. Lorsque les gouvernements ont repris le flambeau de ce processus avec la Conférence intergouvernementale, ce sont les intérêts particuliers et même des questions de pur prestige national qui ont prévalu dans des domaines cruciaux.

Que peut-on faire? Premièrement, l’approche que vous avez mentionnée, Monsieur Berlusconi, reste valable. La Constitution ne peut naître d’un compromis au rabais. Il serait bon, toutefois, de clarifier ce que la présidence entend par là. Quel était concrètement ce compromis qui a été évité? Un retour à Nice, l’intangibilité du traité de Nice concernant le système de calcul d’un vote à la majorité? Il serait utile que la présidence italienne sortante nous précise les choses au lieu de faire l’éloge de tous ceux qui ont participé à la CIG. Deuxièmement, il ne faut pas jeter tout ce qui a été négocié ces derniers mois. Nous attendons toujours des informations sur les solutions trouvées pour les 82 points. Ces solutions doivent être rendues publiques afin que nous puissions prendre connaissance de leur substance. De nouvelles discussions sont également nécessaires sur une question qui n’a pas été réglée, à savoir, les procédures de révision du Traité.

Enfin, la présidence irlandaise a reçu un mandat extrêmement limité. Notre message - comme vous l’avez mentionné, Monsieur Cox - est que la présidence irlandaise devrait interpréter ce mandat de manière plus large et plus riche, en étendant ses consultations de manière à faire bon usage des conseils et des contributions de la Convention. Monsieur Berlusconi, vous avez terminé votre travail, mais les responsabilités de l’Italie ne s’arrêtent pas ici. En tant que pays fondateur, l’Italie doit, en ce moment critique, jouer un rôle moteur décisif pour que le processus d’intégration se poursuive.

(Applaudissements)

 
  
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  Duff (ELDR). - (EN) Monsieur le Président, le plus frustrant dans le fiasco que nous avons vu à la CIG de Bruxelles est que, la Pologne mise à part, un accord solide était plus proche qu’on ne le laisse fréquemment entendre. Une médiation intelligente permettra encore d’atteindre un accord respectable sur le résultat des travaux de M. Giscard d’Estaing et de la Convention.

Le fait que la CIG ait échoué rend le processus et le résultat de la Convention plus intéressants. Indiscutablement, la présidence irlandaise doit faire avancer les choses rapidement afin de tenter de conclure la CIG. Pour y parvenir, les Irlandais auront besoin d’aide et personne n’est mieux placé pour offrir des conseils que la Convention elle-même. Celle-ci devrait être à nouveau convoquée en janvier afin d’examiner l’ensemble des propositions de la présidence publiées le 9 décembre.

Le Premier ministre Berlusconi déclare qu’il y a eu accord sur bon nombre de choses, mais sur quoi précisément? Sur le fait que le système financier de l’Union devrait priver le Parlement du dernier mot en matière budgétaire? Y a-t-il eu accord sur le fait que, dans le troisième pilier, la clause dite du "frein de secours" supprimerait le vote à la majorité qualifiée et la codécision? Le principe du vote à la majorité qualifiée dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité - comme le proposait la présidence - a-t-il été accepté? Dans la clause dite de "passerelle", le blocage d’un seul parlement suffira-t-il à la paralyser? Le Parlement a besoin et a le droit d’avoir des réponses à ces questions précises.

 
  
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  Bertinotti (GUE/NGL). - (IT) Monsieur le Président, je pense qu’il est impossible de ne pas voir que nous essuyons une défaite. Le problème est de savoir quel type de défaite. Je pense qu’il s’agit de la défaite de la construction que vous avez choisie. Je mets dans ce "vous" la présidence italienne, la Convention et la CIG. Vous avez réduit le conflit que vit actuellement l’Europe à un conflit sur la dimension politique de l’Europe - doit-elle être aussi grande que possible ou aussi réduite que nécessaire -, en somme, un conflit entre europhiles et eurosceptiques. Ce faisant, vous masquez le conflit réel et le drame des choix que l’Europe est appelée à faire. Vous êtes donc restés dans le même modèle réel et vous avez appelé ce conflit - sur la question de savoir qui doit prendre les décisions et comment - un modèle, alors que ce n’en est pas un, vous distançant ainsi encore davantage des citoyens européens. Le modèle est en fait un modèle social de construction politique dans ses aspects internationaux. Vous avez opté pour une constitutionnalisation du marché au moment même où le néolibéralisme échoue et, bien que préférant la paix, vous avez envisagé la possibilité d’une guerre, en cette terrible période où le monde est tenaillé par des guerres et par le terrorisme.

L’alignement sans réserves sur le cadre atlantique détruit toute ambition d’une Europe indépendante. Vous n’avez pas choisi l’ambition d’un modèle, vous vous êtes contentés d’un compromis et de garder la tête hors de l’eau. Dans la pratique, cela s’est avéré un cadre de sables mouvants, ce qui a exacerbé la lutte pour le pouvoir entre puissances et entre pays. C’est ainsi que la construction a volé en éclats.

Ce serait une bonne chose si, au moins, vous ne niiez pas votre échec, comme l’a fait le Premier ministre italien. Le président du groupe du parti européen des libéraux démocrates et réformateurs a utilisé le terme dans toute sa dureté. M. Prodi l’a, je pense, également reconnu, mais je pense qu’il a tort de croire qu’une solution viendra en faisant cas de la Convention. En fait, je pense que la réponse sera d’arrêter de suivre une mauvaise voie qui, si nous y restons, conduira à l’ultime crise de l’Europe.

Nous allons donc devoir prendre un nouveau départ, mais à partir de quel point? Le premier est un point de méthode: il faut partir d’une relation différente avec les citoyens, les mouvements et l’opinion publique démocratique en Europe. Le second est un point de substance. Nous sommes face à trois grandes problématiques incontournables: l’économie, les conditions sociales et l’aspect international. Il n’y a pas que l’échec d’hier; il y a également la crise de Maastricht, le modèle pour une Europe de marchés.

Comme l’a dit le président en exercice, l’Europe est coincée entre le processus politique des États-Unis, où le dollar favorise leur compétitivité, et l’agressivité d’économies comme celle de la Chine. Face à cette situation, la réponse de la CIG n’est pas du tout convaincante. Elle se situe entre un faux keynésianisme et une attaque contre les conditions sociales des travailleurs. Monsieur le Président, ce qui mérite réellement notre attention, ce sont les droits des travailleurs et des citoyens. Si nous ne prenons pas un nouveau départ sur la base de cette réalité, l’Europe ne peut avoir d’avenir.

 
  
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  Voggenhuber (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur Berlusconi, à l’ouverture de la Conférence intergouvernementale, vous avez amusé vos collègues avec une blague sur la manière dont vous pourriez rendre les gens heureux. La chute de la blague était que quelqu’un vous conseillait de vous éjecter d’un hélicoptère. Nous sommes très contents que vous ne l’ayez pas fait, mais, par contre, la façon dont vous avez jeté la Constitution européenne ne nous amuse pas.

Il y a trois types d’échec: on peut perdre face à ses opposants, on peut ne pas atteindre des objectifs trop élevés et on peut être la cause de sa propre ruine. Ce fut le cas pour la Conférence intergouvernementale. Personne n’y était opposé. Vous aviez la Convention derrière vous, avec un consensus écrasant des grands et des petits États membres, des anciens et des nouveaux États membres, des parlements et des gouvernements. Il n’y avait d’opposants que dans vos propres rangs.

Auriez-vous échoué parce que vous visiez trop haut? Non, car à l’exception des propositions de la Convention, il n’y avait pas de controverse. Même avec vos 300 amendements, vous êtes restés bien en deçà de ce que la Convention avait proposé, et même bien en deçà du traité de Nice.

Vous avez été la cause de votre propre échec. Appelé à prendre des responsabilités pour l’Europe, vous vous êtes en fait battu pour des égoïsmes nationaux. Appelé à créer un équilibre entre les institutions et une démocratie européenne, vous avez en fait tenté de développer votre position de pouvoir et d’obtenir rapidement des avantages pour les gouvernements nationaux. Vous aviez la chance de défendre le consensus le plus important que pouvait atteindre la Convention et vous avez gaspillé cette chance.

Je crois qu’il nous reste un espoir. Le président en exercice a essayé, les gouvernements ont essayé et ils ont échoué. Après l’échec partiel d’Amsterdam et l’échec total de Nice, ils ont de nouveau échoué. Tout ce que nous pouvons faire à présent, c’est en appeler au bon sens des gouvernements et les persuader d’accepter le projet de la Convention, le plus grand dénominateur commun de l’Europe.

(Applaudissements)

 
  
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  Pasqua (UEN). - Monsieur le Président, mes chers collègues, depuis que je siège dans cette Assemblée, je ne m’étonne plus de rien. C’est du moins ce que je croyais, car ce matin, je l’avoue, je suis surpris, mais pas de l’issue du Conseil européen de Bruxelles et de l’échec de la Conférence intergouvernementale. Je l’ai dit à plusieurs reprises, notamment ici même, je n’ai jamais envisagé une seule seconde que les chefs d’État et de gouvernement, qui représentent la plus haute instance démocratique au sein de l’Union, pourraient raisonnablement accepter, tel quel, sans l’amender - c’est du moins ce qu’exigeaient les ukases de la majorité de ce Parlement - le projet de Constitution européenne préparé par la Convention.

Non, ce qui me surprend, c’est le comportement de la majorité fédéraliste ici présente, dont, il faut bien le dire, l’aveuglement dépasse l’entendement. Jamais vous ne vous remettez en cause. Je n’ai pas entendu l’un de vous dire: "Peut-être nous sommes-nous trompés. Sans doute avons-nous fait fausse route." Non. Vous persistez, vous signez, comme si rien ne s’était passé. Mieux encore, en dignes émules du triste Lyssenko, vous cherchez des coupables sur qui faire reposer la responsabilité de l’échec. Tels des conventionnels enragés, vous souhaitez que des têtes tombent. Mais regardez sereinement les choses en face et voyez que la cause de ce fiasco n’est ni la présidence italienne, dont je salue au passage l’excellent travail, ni l’attitude de certains États membres, qui, comme l’exigeaient leurs peuples, ont courageusement défendu leurs intérêts nationaux, mais tout simplement votre Convention et son rocambolesque projet de Constitution. Aussi généreux soit-il, ce projet était condamné avant même d’avoir vu le jour, parce qu’il entrait radicalement en contradiction avec la réalité politique européenne, une réalité qui reste, que vous le vouliez ou non, déterminée par l’existence des peuples et des nations.

En refusant une répartition du pouvoir calquée sur le modèle fédéral, l’Espagne et la Pologne ont rendu un grand service à l’Europe, en disant finalement tout haut ce que bien d’autres pensent tout bas depuis des mois, à savoir que la vieille Europe de Jean Monnet héritée du partage de Yalta est caduque. Ne vous obstinez pas à vouloir exhumer un fédéralisme désuet. Contrairement au président de la Convention, le projet de Constitution n’est pas immortel, alors laissez-le reposer en paix. Profitons plutôt de l’occasion qui nous est donnée pour jeter les bases d’une jeune Europe, celle qui a retrouvé ses frontières naturelles. Construisons une Europe politique qui, sans jamais renier son histoire, et en tenant compte des contraintes de la modernité, tend vers un idéal de liberté et non pas d’uniformité.

(Applaudissements)

 
  
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  Bonde (EDD). - (DA) Monsieur le Président, je suis ravi que l’on nous donne maintenant un peu plus de temps pour discuter de la Constitution. Les négociations sont terminées pour 99% du texte. Il reste un seul aspect très important à régler: celui de la définition de la majorité qualifiée. Ensuite, il y aura la rencontre avec l’électorat. Pourquoi ne pas utiliser ce temps pour préparer des référendums dans tous les pays?

Parallèlement au sommet, la Campagne référendaire européenne a réuni à Bruxelles une centaine de participants provenant de diverses organisations. M. Leinen et moi-même figurions parmi les orateurs.

Au nom de SOS Démocratie et du groupe pour l’Europe des démocraties et des différences, je souhaiterais contribuer à un travail d’information solide sur le projet de Constitution. Laissons les fédéralistes et les euroréalistes présenter nos différentes visions pour l’Europe, avec des publications accessibles du texte de la Constitution. Demandons tous ensemble l’organisation de référendums dans tous les pays de l’UE sous un même slogan: "Une Constitution européenne? Demandons aux citoyens".

Au Danemark, nous aurons un référendum, mais le parti JuniBevægelsen voudrait contribuer à récolter des signatures pour obtenir l’organisation de référendums dans tous les pays de l’UE. Lorsqu’un référendum au Danemark débouche sur un non, un nouveau référendum est organisé. Au lieu d’accorder un deuxième scrutin aux Danois et aux Irlandais, il serait préférable de consulter l’ensemble de l’UE.

Je vais donc récolter des signatures pour demander l’organisation de référendums dans toute l’UE.

Il est impensable de donner une Constitution aux citoyens sans leur avoir demandé leur accord au préalable.

 
  
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  Speroni (NI). - (IT) Monsieur le Président, je remercie M. Berlusconi pour les six mois passés à la présidence de l’Union européenne et plus spécialement pour la partie de son discours qui ne se concentrait pas uniquement sur la Convention, la Constitution ou la Conférence intergouvernementale, qui n’a pas été un succès. Cela ne signifie pas pour autant la mort ou la fin de l’Europe. Les Traités sont toujours en vigueur et le resteront jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par un nouveau texte.

Dans le discours du président en exercice, j’ai apprécié qu’il soit fait référence à des questions plus proches des citoyens qui, je pense, ne sont pas particulièrement intéressés de savoir si le vote se fera à la double majorité ou si l’Espagne disposera de 27 voix au lieu de 28. Je pense que ce qui intéresse surtout les citoyens, ce sont les grands travaux publics, c’est de ne pas avoir d’embouteillages sur les autoroutes, de pouvoir prendre des trains à grande vitesse, de voir que l’on accorde une attention particulière à l’emploi et - comme M. Berlusconi l’a rappelé - de voir que des mesures sont prises contre les pays qui opèrent sur le marché libre sans respecter les règles de protection de l’environnement et des travailleurs. Il y a dix ans, je plaidais pour exactement les mêmes choses au sein de ce Parlement et je suis donc heureux d’entendre le président en exercice du Conseil lancer un appel dans ce sens.

Je dois aussi ajouter que ce type de concurrence déloyale sévit également avec le piratage de produits et de marques. Dans un tel contexte, maintenant que le flambeau va être transmis à l’Irlande, je pense que nous devons faire de gros efforts pour protéger nos industries, nos produits, nos travailleurs et, in fine, notre niveau de vie. Les institutions sont importantes, tout comme leur réforme. Cependant, nous devons - comme M. Berlusconi l’a fait - prêter attention aux conditions de vie de nos citoyens.

 
  
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  Brok (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, ce week-end, j’ai parfois eu l’impression que nous parlions des clauses de rendez-vous et non que nous avions rendez-vous avec l’histoire. La raison pour laquelle nous ne sommes pas parvenus à une conclusion est que nous n’étions peut-être pas conscients de nos responsabilités dans tous les domaines. Ma grande inquiétude est à présent que tout nous file entre les doigts. Lorsque je regarde ce long délai qui s’étend jusqu’en 2005, je crains, au fil du temps, de voir retomber l’élan qui soutient le texte de la Convention.

Je pense dès lors que sur deux points, il est nécessaire de dire clairement ce que nous ne voulons pas. Je ne veux pas d’un "noyau dur européen". Nous devrions plutôt reprendre sans tarder le texte de la Convention et tenter d’en faire une Constitution pour une Europe à grande échelle, composée de 25 États membres. Deuxièmement, je ne veux pas d’un compromis si celui-ci n’accroît pas notre capacité d’agir. C’est la discussion sur ce point qui a mis la CIG K.-O. Il ne peut y avoir de compromis si celui-ci entraîne moins de transparence - et je repense ici au Conseil législatif - ou moins de démocratie - le débat sur le budget et les droits du Parlement en matière budgétaire nous en donnent une illustration.

Malgré ces critiques, je voudrais tout de même remercier la présidence italienne du Conseil d’être restée proche du texte de la Convention durant toutes ces semaines et tous ces mois, ainsi que d’avoir réellement maintenu l’engagement qu’elle avait pris à l’égard de ce texte. Grâce à cela, le texte de la Convention existe toujours et c’est à nous de lui insuffler à présent une nouvelle vie. Les choses étant ce qu’elles sont et vu les propos de M. Berlusconi qui affirme que certains points précédemment critiques - apparemment 82 - ont été réglés de manière satisfaisante à Bruxelles, il serait bon de s’y accrocher si nous voulons maintenir l’élan. C’est la raison pour laquelle je pense que les ministres des affaires étrangères devraient se réunir dès janvier afin de consolider les résultats obtenus. Je crois que cela nous permettrait de maintenir l’élan et vous pourriez peut-être, Monsieur le Président, les inciter à suivre cette voie.

La présidence irlandaise du Conseil disposerait ainsi d’une base pour avancer des propositions concernant l’organisation d’une nouvelle rencontre des chefs d’État ou de gouvernement dans les meilleurs délais, bien que le calendrier doive être établi de manière à rendre des compromis possibles. Cette réunion doit être organisée et doit régler les questions en suspens avant le 1er mai, date de l’entrée en vigueur de l’élargissement, puisque l’objectif logique de ce projet était de permettre l’élargissement de l’Union européenne.

La deuxième raison pour laquelle cette réunion doit avoir lieu avant le 1er mai est que je ne vois pas comment, si la situation reste telle quelle, les chefs de gouvernement et les députés de cette Assemblée pourront se présenter devant les électeurs le 13 juin. C’est pour cette raison - pour que les électeurs aient une perspective qui les empêche de perdre leur foi dans l’Europe - que les chefs d’État ou de gouvernement doivent repartir sur cette base avant le 1er mai. J’espère, Monsieur le Président, qu’au cours des dernières semaines de votre mandat, vous vous joindrez à vos successeurs pour mettre un projet de ce type en branle.

(Applaudissements)

 
  
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  Hänsch (PSE). - (DE) Monsieur le Président, le sommet de ce week-end est une source de dangers pour l’Europe, mais je tiens à ce que nous soyons cohérents. Durant des années, nous avons condamné les compromis basés sur le plus petit dénominateur commun; cette fois, le plus petit dénominateur commun aurait été un "Nice II", qui aurait détruit le projet de Constitution. Permettez-moi, en conséquence, d’affirmer qu’il vaut mieux que ce sommet soit un échec plutôt que de perdre le projet de Constitution européenne.

(Applaudissements)

Les députés du Parlement européen ne permettront pas que ce projet soit à présent jeté aux oubliettes de l’histoire. Il est toujours sur la table des négociations. Faire en sorte qu’il y reste sera notre priorité principale durant les mois et les années à venir et il nous faudra continuer à travailler à cet objectif avec nos nouveaux collègues du Parlement européen après les prochaines élections européennes. L’Europe traverse effectivement une crise et nous devons l’affronter dans le calme. Nous ne devons pas nous laisser influencer par des paroles apaisantes prétendant que les affaires continuent. Nous surmonterons des crises comme celle-ci en agissant, pas en restant inactifs.

Quel est le danger qui menace l’avenir de l’Europe? Ce n’est certes pas la possibilité que la Constitution soit achevée deux années plus tôt que prévu. Le danger est cette nouvelle division qui s’instaure en Europe. Dans une Europe plus forte et unie, il y a d’un côté des gouvernements qui cherchent à l’utiliser comme un moyen pour promouvoir leurs intérêts nationaux et de l’autre, ceux qui veulent défendre leurs intérêts contre celle-ci. Nous devons empêcher que le fossé se creuse davantage; le combler est notre tâche la plus importante.

Au bout du compte, lors de votre sommet, la querelle a porté sur la répartition des pouvoirs en Europe, que les puissances mondiales ont négligée pendant longtemps. C’est là le danger que l’Europe doit affronter. Pendant que vous êtes à Bruxelles, à vous battre bec et ongles pour déterminer qui détiendra le pouvoir, l’Europe est en train de perdre toute influence dans le monde. Voilà le danger dont ce sommet est la source.

(Applaudissements)

J’ose même déclarer qu’il est aisé de surmonter les différences devenues apparentes entre les gouvernements, mais que rétablir la confiance des citoyens dans l’avenir de l’Europe sera par contre difficile. Pourtant, telle sera notre tâche, une tâche que nous devons mener à bien durant les années et les décennies à venir, une tâche pour laquelle je nous souhaite à tous de réussir.

(Applaudissements)

 
  
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  Rutelli (ELDR). - (IT) Monsieur le Président, l’échec de la CIG pourrait bien entraîner l’échec de l’Europe car, bien qu’il s’agisse d’un merveilleux objectif historique, nous savons tous que l’élargissement à 25 États membres sans vote à la majorité sera un cauchemar, un cauchemar où l’Europe sera divisée, paralysée et impuissante dans un monde mondialisé.

Le rapport final présenté par M. Berlusconi devant cette Assemblée durant trois quarts d’heure - 82 points "avec une exception", qui doit être la réussite de la CIG - est une manière maladroite d’ajouter encore à notre supplice. Malheureusement, M. Berlusconi se soucie à nouveau davantage de prendre ses distances par rapport à toute forme d’échec que de montrer la voie à suivre au nom d’un grand pays fondateur comme l’Italie.

M. Prodi a exprimé, avec honnêteté, l’étendue de l’échec et les dangers qui y sont associés. Il a ensuite commencé à tracer une voie possible pour l’avenir. Monsieur Prodi, je réponds oui à une initiative des États pionniers favorables à une Europe qui, en aucune manière, ne sous-estime l’importance de cette Union élargie qui s’étend du Portugal aux États baltes, mais vous savez que nous devons nous diriger vers une intégration efficace et démocratique de la Communauté sur la base des résultats de la Convention. Oui donc à commencer avec ceux qui partagent les résultats de la Convention - un compromis honorable - sur la voie de la nouvelle Communauté européenne. De cette manière, on peut aider les 25 États membres à atteindre cet objectif. Voilà l’objectif autour duquel nous devrions et pouvons nous réunir dès demain.

 
  
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  Kaufmann (GUE/NGL). - (DE) Monsieur le Président, le fiasco de Bruxelles a incontestablement plongé l’Union européenne dans une grave crise. Il s’agit du premier échec d’une Union européenne élargie, avant même l’adhésion des nouveaux États membres. Il représente un revers pour l’intégration européenne, mais quelles en seront les conséquences? Le sommet de Bruxelles ne s’est pas concentré sur la création d’une Europe démocratique, sociale et pacifique. Au contraire, les gouvernements ont chicané sur le pouvoir et l’influence de chacun; un nationalisme borné a de nouveau prévalu lors de cette énième démonstration du fait que les Conférences intergouvernementales sont tout à fait inadaptées pour faire avancer l’intégration européenne. L’idée européenne s’est vue gravement endommagée lors du sommet, dont elle est le grand perdant.

Il y a pourtant également eu des vainqueurs. Il s’agit, par exemple, des États-Unis, car ce sont les États-Unis qui tireront profit des conclusions du sommet sur la politique européenne de sécurité et de défense, qui lie l’Europe à l’OTAN comme deux frères d’armes et nous place sous la garde des États-Unis pour les questions de politique de sécurité.

Je suis en faveur d’une Constitution européenne - qui soit moderne et progressiste. C’est avec ces éléments en tête que je me suis impliquée dans la Convention, mais le fait que personne - métaphoriquement parlant - ne soit descendu dans la rue pour manifester en faveur de la Constitution que la Convention avait rédigée aurait sérieusement dû inquiéter les politiques que nous sommes. Seuls 38% de l’ensemble des citoyens ont entendu parler de la Convention, et une petite fraction d’entre eux seulement sait en quoi le texte consiste. Mis à part cet aspect, le vrai problème se trouve ailleurs: les citoyens ne sont pas convaincus que leurs besoins et préoccupations fondamentaux sont une priorité. Le fait, par exemple, que la CIG, dans son ensemble, ne s’est jamais penchée sur les contradictions inhérentes entre la partie 3 et la partie 1 du projet et le fait manifeste que deux philosophies économiques antithétiques vont subsister dans le texte de la Constitution - l’économie de marché sociale, d’une part et la libre concurrence, de l’autre, - illustrent à quel point les citoyens ont raison.

Voilà qui ne rendra pas les citoyens enthousiastes à propos d’une Constitution européenne. J’espère que ce temps de réflexion - la crise - sera perçu comme une opportunité. Je vous demande instamment d’avoir une discussion ouverte avec les citoyens sur le projet de Constitution et, surtout, de prendre au sérieux les graves critiques que la société civile a émises sur le projet de la Convention.

(Applaudissements)

 
  
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  Ortuondo Larrea (Verts/ALE). - (ES) Monsieur le Président, nous venons d’assister à un échec retentissant en matière d’intégration européenne de la part des chefs d’État ou de gouvernement, qui n’ont pas suffisamment agi en tant que tels pour percevoir et préserver les intérêts collectifs de tous les citoyens.

Dans ce Parlement, j’ai souvent dû écouter des descriptions désobligeantes des nationalismes démocratiques historiques, comme dans le cas du Pays basque, alors que nous ne voulons que préserver notre identité et notre culture et que nous sommes prêts à partager nos lois et nos compétences politiques avec le reste de l’Europe. À cette fin, nous ne demandons pas uniquement d’être reconnus comme nations historiques, nous demandons aussi de jouer un rôle dans les processus décisionnels démocratiques.

Ce n’est pas nous qui freinons l’Europe, ce sont plutôt certains nationalismes d’État agaçants. C’est le cas de M. Aznar, qui ne pense qu’à bloquer les décisions pour imposer ses vues aux autres, plutôt que de réfléchir à la manière de construire une Europe plus forte et plus prospère, unie dans sa diversité. Je suis persuadé que, pour avancer, l’Union doit cesser d’être dominée par des gouvernements d’État, c’est-à-dire par des pouvoirs exécutifs, et devenir une véritable union fédérale, au sein de laquelle ce sont les citoyens et leurs représentants - nous, les députés du Parlement européen - qui déterminent la Constitution et les autres lois communautaires.

Il est temps de laisser derrière nous l’intergouvernementalisme et d’avancer vers une entité pleinement politique, une entité supranationale de droit commun pour tous les peuples et toutes les nations du continent ou, à tout le moins, pour ceux qui souhaitent bâtir ensemble un avenir fondé sur le dialogue, la confiance, la compréhension sur un pied d’égalité et le bien de tous.

 
  
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  Berthu (NI). - Monsieur le Président, au-delà des apparences, le Conseil de Bruxelles sur la constitution européenne a échoué pour trois raisons.

Un, la Convention prétendait être parvenue à un consensus, mais c’était faux. La CIG n’a fait que démasquer le mensonge de la Convention.

Deux, l’opposition de l’Espagne et de la Pologne sur le mode de calcul de la majorité qualifiée était en réalité motivée par des divergences profondes, partagées par d’autres États qui ne le disaient pas ouvertement: le refus d’une Europe unitaire dirigée de manière supranationale par une élite cooptée. Merci à ces pays qui ont défendu le véritable intérêt européen.

Trois, enfin, l’intransigeance de ceux qui se sont cramponnés à la formule de majorité qualifiée proposée par la Convention montrait en réalité leur volonté de ne pas aboutir. Peut-être parce qu’ils pensaient que les conclusions de la Convention n’étaient pas si bonnes que cela. Mais peut-être surtout parce que, connaissant l’état d’esprit de leurs concitoyens, ils ont voulu repousser le problème après les élections européennes. En réalité, Monsieur le Président, ce sont les citoyens qui, sans même être consultés directement, ont bloqué la Constitution européenne.

 
  
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  Galeote Quecedo (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, presque tous les groupes parlementaires et - semble-t-il - tous les États membres déclarent vouloir un nouveau cadre juridique pour l’Union sous la forme d’une Constitution. Le travail de nombreuses personnes durant de nombreux mois s’est traduit par une proposition qu’une grande majorité semble accepter. Le bon travail de la présidence italienne nous a, en outre, permis d’ajouter un élément essentiel à cet accord ce week-end: l’établissement d’une doctrine de défense européenne. Tout cet acquis, le fruit de négociations - comme l’a dit M. Berlusconi - doit être repris et consolidé en tant que texte adopté. Comment en sommes-nous alors arrivés à cet échec?

Je crois que l’échec provient d’une proposition de réforme institutionnelle que le président de la Convention a sortie au dernier moment, qui n’avait pas été suffisamment débattue et sur laquelle il n’existait certainement aucun consensus au sein de la Convention. Apparemment, à Bruxelles, six mois se sont avérés insuffisants pour arriver à un compromis. Ce n’est pas une catastrophe. Nous devons nous rappeler que, sur les cinq Conférences intergouvernementales précédentes qui avaient négocié des réformes des Traités, une seule s’est achevée six mois après avoir commencé. La présidence irlandaise doit simplement reprendre le travail là où la présidence italienne l’a laissé.

Monsieur le Président, je crois par contre qu’il faudrait écarter les éléments suivants: premièrement, l’idée absurde de reporter ce débat après les élections européennes; deuxièmement, l’idée selon laquelle ce qui m’intéresse est pro-européen et ce qui ne m’intéresse pas est anti-européen; troisièmement, l’absurdité de diviser l’Europe avant même son élargissement; et quatrièmement, les récriminations qui ne nous mènent nulle part, à l’exception de quelques personnes, bien entendu - comme le président du groupe du parti socialiste européen - qui croient que le gouvernement de leur pays est le seul à blâmer, quoi qu’il fasse et quoi qu’il arrive. Je crois que la seule phrase qu’il connaît en italien est Piove, porco governo [il pleut, maudit gouvernement]. Il se laisse aller à ce type d’opposition nationale au sein du Parlement européen et est ensuite surpris de perdre élection après élection. Ce doit être la faute des électeurs, naturellement.

Quoi qu’il en soit, nous sommes tous responsables à présent. Monsieur le Président, nous devons garder la CIG ouverte, nous devons contribuer au dialogue et à l’engagement auquel nous aspirons tous. Prions pour que nous y parvenions avant le 13 juin.

 
  
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  Corbett (PSE). - (EN) Monsieur le Président, il ressort clairement du débat de ce matin et de la discussion d’hier en commission des affaires constitutionnelles que le Parlement est divisé en deux camps.

Les deux camps sont les optimistes et les pessimistes. Les pessimistes soulignent que nous traversons une crise majeure, peut-être - je l’ai entendu dire - la plus grave depuis le rejet du traité CED en 1954. Les optimistes disent que ce n’est pas le cas, parce que 95% du projet de Constitution n’a pas été remis en cause et qu’il a pratiquement été accepté - je voudrais toutefois voir le texte des versions finales de ces articles qui ont été pratiquement acceptés lors de la CIG. Il ne reste qu’un sujet clé à débattre et à régler. Il concerne le système de vote au sein d’une des institutions. Il est encore possible d’y arriver. Après tout, dans le calendrier initial, personne n’avait au départ pensé que nous finirions avant Noël, il n’y a donc aucune raison de paniquer. Ce problème peut être résolu dans les temps.

Laquelle de ces deux opinions est la bonne? J’ai tendance à être optimiste de nature, mais je suis un optimiste prudent. Nous pouvons sauver cette CIG, mais il faudra que nous soyons tous - et tout particulièrement les États membres de la CIG - concentrés. Nous devrons nous concentrer sur les questions en suspens qui doivent être réglées et veiller à le faire le plus vite possible. Si nous tardons trop, nous courons le risque de rouvrir le débat sur presque tous les articles du projet de Constitution. Nous devons l’éviter à tout prix. Nous devons nous concentrer sur les points en suspens. Nous devons demander à la présidence irlandaise de renoncer à ses plans et ses calendriers initiaux pour la présidence et de se concentrer en premier lieu sur ce problème.

Il est vrai que les affaires peuvent continuer comme d'habitude jusqu’à un certain point, sur la base de l’ancienne Constitution, à savoir les divers Traités dont nous disposons, mais ces Traités sont insuffisants. Ils doivent être mis à jour, ils doivent être rationalisés. Ils doivent être modernisés. Nous avons besoin de la nouvelle Constitution. La présidence irlandaise ne doit pas se contenter de continuer comme si de rien n'était. Elle doit s’attacher à obtenir un résultat le plus vite possible.

 
  
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  Calò (ELDR). - (IT) Monsieur le Président, l’importance des libertés fondamentales, y compris la liberté d’information, a été réaffirmée lors du récent Conseil européen de Bruxelles. À cet égard, comment peut-on mettre en doute la contribution du président en exercice du Conseil? Voilà pourquoi je me tourne vers vous et vers les députés présents afin de souligner l’attaque extrêmement grave portée à l’encontre de la pluralité de l’information par la loi Gasparri sur l’audiovisuel.

En Italie, pratiquement tous les services de diffusion publics et privés sont contrôlés par le Premier ministre. Le marché de la publicité est également dominé, dans la pratique, par les sociétés qu’il possède. Il n’est pas exagéré de parler de coup d’État médiatique, car il constitue un précédent extrêmement dangereux pour les pays de la Communauté. Si la Communauté ne se penche pas et ne règle pas le problème de cet énorme conflit d’intérêts qui frappe au cœur de la démocratie de mon pays, le régime rampant qui suffoque la société italienne en sortira consolidé. À quoi bon des élections si le Premier ministre contrôle la plupart des médias?

Je me tourne vers vous, Mesdames et Messieurs, avec amertume, préoccupation et anxiété et je vous demande: que peut faire ce Parlement pour protéger la liberté de l’information en Italie? Je vous en prie, aidez-nous, aidez mon pays à sauver cette démocratie pour laquelle les pères de l’Europe se sont battus.

 
  
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  Nogueira Román (Verts/ALE). - (PT) Monsieur le Président, entre l’euroscepticisme et l’arrogance de certains et l’entêtement des autres, les gouvernements des États membres et leurs dirigeants mettent en péril l’adoption de la Constitution que les peuples et les citoyens veulent et dont ils ont besoin. Leur lutte pour le droit de veto uniquement a provoqué l’échec de la Conférence intergouvernementale de Bruxelles, ce qui s’était déjà produit il y a trois ans à Nice, mais elle a aussi réussi à éclipser les aspects positifs et les lacunes du projet de Constitution, étouffant le vrai débat au sein de la société européenne et de nos différents États et nations. Ces facteurs ont assombri la valeur extraordinaire que représente l’existence d’une Constitution, les progrès accomplis en politique extérieure depuis la crise irakienne, le rôle de premier plan octroyé au Parlement et donc aux citoyens, ainsi que les lacunes de notre politique de cohésion sociale et territoriale, l’échec à reconnaître la diversité politique nationale en Europe et dans les États membres, ce que je tiens à souligner en tant que député du Parlement européen pour la Galice et en tant que président de l’intergroupe "Nations sans État".

Monsieur le Président, je souhaite être parfaitement clair, puisque la plupart d’entre nous sont des citoyens de l’État espagnol: nous ne jugeons pas la Constitution à l’aune de l’éventuel pouvoir de veto de notre gouvernement fédéral et nous ne partageons pas l’entêtement de l’actuel Premier ministre, José María Aznar, qui se distingue de temps à autre par son talent à se faire des ennemis et en faisant obstruction à la résolution de tous les problèmes. Nous sommes bien plus nombreux à vouloir que l’union politique et sociale progresse, unie dans la diversité.

 
  
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  Méndez de Vigo (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, permettez-moi de vous féliciter pour le prix Charlemagne, ce qui est aussi une bonne nouvelle pour ce Parlement; un Parlement qui, depuis 1984, a voulu une Constitution, par le biais du traité Spinelli, puis des projets Herman, Oreja et Colombo qui appelaient à l’établissement de la Convention en 1997 et qui, après Nice, ont opté pour la Convention.

C’est pourquoi il y a une touche de mélancolie dans l’air aujourd’hui. Je veux dire par là que, bien que cela contredise le philosophe, cette mélancolie n’est pas le résultat d’efforts inutiles. Les efforts de la Convention n’ont pas été inutiles, parce que - et j’en suis fermement convaincu - cette Constitution est nécessaire pour l’Europe élargie et qu’il n’existe pas d’alternative.

Puisque le Parlement européen - comme dirait le poète - doit encore prendre la parole, il nous faut à présent nous demander comment nous allons agir à l’avenir. Premièrement, nous devons retrouver notre bon sens et il y a une série de choses que nous ne devons pas faire: nous ne devons pas parler de diviser l’Europe, de nous diviser, les pro-européens; nous ne devons pas parler de pays fondateurs, pionniers ou d’avant-garde, comme si nous lancions un reproche aux autres pays, qui ne semblent pas à la hauteur de la tâche; et, à l’heure actuelle, nous ne devrions pas envoyer de lettres au président de la Commission pour lui dire de réduire le budget à 1% du PIB.

Nous devons retrouver notre bon sens. Nous devons consolider l’acquis constitutionnel. Monsieur le Président en exercice du Conseil, vous avez dit que 82 mesures avaient été proposées comme solutions. Dites à cette Assemblée si c’est le cas. Si oui, elles doivent être consolidées. Permettez-nous de les consolider sous la présidence irlandaise et, avant le 1er mai 2004, permettez-nous de régler les questions institutionnelles en suspens et d’aller aux élections du 13 juin en demandant aux Européens de voter pour cette Constitution.

 
  
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  Schulz (PSE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président en exercice du Conseil, vous ne serez guère surpris que je ne prenne pas la parole pour vous demander quels sont les résultats concernant la Constitution. De nombreux députés l’ont déjà fait.

Je tiens à revenir sur ce que j’ai dit le 2 juillet, lorsque je vous ai demandé devant cette Assemblée, en votre qualité de président du Conseil européen: "Qu’avez-vous l’intention de faire pour accélérer l’introduction du mandat d’arrêt européen?". Faisant alors preuve d’un manque évident d’amabilité, vous avez refusé de me répondre. Puis, en septembre, je vous ai de nouveau demandé si vos efforts avaient été récompensés et je peux dire à l’Assemblée que j’ai reçu une réponse. La réponse à cette question - à savoir, ce que vous avez l’intention de faire pour accélérer l’introduction du mandat d’arrêt européen - est "rien". Le 1er janvier prochain, il n’y aura pas de mandat d’arrêt européen.

L’espace de sécurité, de liberté et de justice est au cœur de la politique judiciaire de l’Europe, une politique centrale de l’Union européenne - comme vous l’avez effectivement dit lors de votre première déclaration devant cette Assemblée. Il me semble qu’en votre qualité de président en exercice du Conseil, l’une de vos tâches aurait été de faire de ce jalon une réalité, car ne pas parvenir à introduire le mandat d’arrêt européen signifie en fait qu’à partir du 1er janvier 2004, les poursuites pénales se retrouveront dans une situation pire qu’au 31 décembre 2003. L’absence de mandat d’arrêt européen rendra encore plus difficile les poursuites à l’encontre des criminels à partir du 1er janvier 2004. Je ne sais pas avec précision qui va profiter de cette situation, Monsieur le Président en exercice, mais je sais pertinemment à qui cela va causer du tort, à savoir, aux citoyens européens.

Si nous voulons établir cette espace de sécurité, de liberté et de justice, si nous voulons rendre l’Europe plus sûre, si nous voulons garantir des poursuites plus efficaces à travers les frontières, si nous voulons combattre le crime organisé avec plus d’efficacité, ce jalon dans le domaine de la sécurité, de la liberté et de la justice est alors ce dont nous avons besoin. Je le regrette énormément. En septembre dernier, j’ai cru que vous alliez dans la bonne direction. Aujourd’hui, je dois dire avec regret que, sur cette question - et permettez-moi de répéter que nous parlons ici d’accélérer l’introduction du mandat d’arrêt, nécessaire en juillet -, vous avez non seulement lamentablement échoué dans votre tâche, mais vous avez, selon moi, démontré votre échec sur toute la ligne.

(Applaudissements)

 
  
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  Fiori (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, la directive relative aux adjudications; la directive relative au ciel unique européen; la directive relative aux offres publiques d’acquisition; les agences; le travail concret sur la croissance économique - il suffit de se rappeler les décisions prises quant aux principaux travaux publics et aux mécanismes financiers afférents - ainsi que l’analyse minutieuse lancée par la présidence italienne, suivie de propositions spécifiques sur la compétitivité, un sujet qui est à la base du processus de Lisbonne, qui prend peu à peu la forme que nous souhaitons; les mesures spécifiques sur l’immigration - qui devrait se produire en toute légalité, par des flux réglementés par les exigences de chaque pays - avec une attention toute particulière pour l’agence de contrôle des frontières; l’assemblée parlementaire euro-méditerranéenne et la Fondation pour le dialogue entre les cultures et les civilisations, dont la principale tâche sera d’évaluer le dialogue entre les religions dans l’espoir de mettre un frein au fondamentalisme, puisqu’il s’agit là du terreau dans lequel se forge le terrorisme; les actions aux Proche-Orient - où nous avons travaillé d’arrache-pied vers un dialogue entre les deux camps, et l’Italie tout particulièrement puisqu’elle a également fourni un lieu de rendez-vous - avec le lancement d’un plan d’intervention doté d’un budget de 5 milliards d’euros pour les cinq prochaines années: voilà des résultats indéniables qui attestent de la générosité de la présidence italienne.

Il reste, néanmoins, une note discordante: le mécanisme destiné à doter l’Union européenne d’une nouvelle Constitution formelle s’est bloqué. Pour le moment, nous devons prêter une oreille attentive aux sirènes de la constitution matérielle. Nous avons besoin de temps pour réfléchir, parce que ce qui a émergé dans le feu de l’action est, à n’en pas douter, préoccupant. Je ne mentionnerai pas les personnes impliquées, mais plutôt les problèmes: une Europe à deux vitesses, l’accent mis sur une coopération plus étroite, une Europe composée de cercles concentriques, qui ont tous les mêmes politiques, mais dont chaque groupe reste ouvert à de nouvelles associations - il ne s’agit certainement pas du scénario politique dont l’Europe des 25 a besoin. Ne perdons pas de vue l’élément central de la Convention: l’intérêt général de l’Europe, qui a entraîné la décision d’abolir le droit de veto des pays dans la plupart des cas et a donné naissance à des propositions visant à établir un système de vote crédible et transparent. Dans l’intérêt général de l’Europe, nous devons prendre un nouveau départ et travailler avec de nouvelles formules que nous pouvons créer si nous le désirons.

 
  
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  Berès (PSE). - Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, l’hyperpuissance américaine vient de remporter une double victoire. Après avoir divisé l’Europe en déclenchant la guerre en Irak, elle vient d’empêcher que l’Europe se dote de la Constitution dont elle a besoin pour fonctionner à 25, au moment même où elle arrêtait Saddam Hussein. Au cours du siècle dernier, le seul mur de la liberté aura été le mur de l’Atlantique. Depuis, nous avons connu le mur de Berlin, le mur de Jérusalem. Ce n’est pas ainsi que l’on construit la paix. Je veux dire à ceux qui, ce week-end, ont posé une pierre sur le mur de l’atlantisme que ce n’est pas avec ces murs-là que l’on construira le ciment de la paix, de la sécurité et de la stabilité dont notre continent a besoin.

Depuis 1986, l’Union européenne connaît un divorce entre la nature de son projet et les institutions qui peuvent porter ce projet. Jusqu’ici nous n’avions pas le droit de poser la question en ces termes. Mais l’élargissement, parce qu’il inverse le rapport du nombre, nous oblige à poser la question des institutions dans sa crudité. Et les chefs d’État et de gouvernement n’ont pas la capacité de la traiter, car alors ils ne peuvent rentrer chez eux qu’avec de mauvaises nouvelles et ils n’ont pas la double légitimité des peuples et des États. Cette double légitimité existait dans la Convention. C’est pour cela que nous avons abouti à un résultat que vous auriez dû valider au niveau des chefs d’État et de gouvernement.

Aujourd’hui, la contribution de l’Europe à l’équilibre mondial ne se consolidera pas sur le pouvoir de blocage que certains ont voulu instituer ce week-end. Ceux qui se réjouissent de cet échec pour imaginer un noyau dur qui ferait son deuil du fonctionnement de l’Europe des 25, laissant ce mur de l’atlantisme s’installer, seraient-ils facteurs de division et de nouvelles fractures au sein de notre continent. Actons ce sur quoi nous pouvons avancer, mais ne donnons pas un blanc-seing à ces 82 points. Examinons-les pièce à pièce et validons ce qui peut être fait.

La conclusion de votre présidence, Monsieur le Président en exercice du Conseil, où les égoïsmes nationaux l’ont emporté, tourne le dos aux espoirs qui étaient nés de la Convention. Le mandat donné à la présidence irlandaise n’est pas à la hauteur des enjeux. Ceux qui ne renoncent pas à donner à notre continent les conditions de sa stabilité doivent reprendre le flambeau.

(Applaudissements)

 
  
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  Suominen (PPE-DE). - (FI) Monsieur le Président, il serait erroné de dire que la Conférence intergouvernementale qui s’est déroulée ces dernières semaines a été un échec. Au contraire, sous la présidence italienne, nous avons été en mesure de garder presque intactes les idées de base de la Convention et de nous mettre d’accord sur 22 des domaines examinés. Un consensus a été atteint sur une importante question portant sur la sécurité à venir: le développement de structures européennes de défense commune de base. Lorsque la CIG s’est rendue compte qu’il faudrait y inclure la formulation initiale de la Convention concernant la relation entre la position des pays non-alignés et des garanties en matière de sécurité, la Finlande, la Suède et l’Autriche ont également été en mesure de s’impliquer pleinement dans la coopération en matière de sécurité.

La manière de régler les litiges portant sur la localisation des agences de l’UE a été une conséquence indirecte du sommet. Ces discussions étaient depuis longtemps une source d’irritation. L’Italie peut donc s’en aller satisfaite et vanter les mérites du jambon de Parme et du prosciutto. La Finlande se chargera, de son côté, de contrôler la situation par l’intermédiaire de l’Agence sur les substances chimiques et de s’assurer que les Italiens n’utilisent pas les mauvais ingrédients lors de leur production.

L’argument sur la manière dont les droits de vote des pays devraient être répartis au sein du Conseil a laissé ouvert pour tout ce qui a déjà été accepté. Comme l’a admis le président Chirac lui-même, l’échec du sommet de Nice en était la raison. Nous devons être objectifs et ne pas pointer un doigt accusateur vers le pays qui occupe actuellement la présidence, ni même vers la Pologne ou l’Espagne. Il est normal que l’Allemagne n’ait pas été en mesure d’accepter la décision de Nice. Il est toutefois tout aussi normal qu’elle ne puisse nous imposer la solution. Au contraire, nous allons à présent entamer des négociations pour atteindre un équilibre, des discussions qui adoptent une vision équilibrée du statut des petits pays et pas seulement des grands États comme l’Espagne et la Pologne. Un retour à un véritable vote à la double majorité - 50% de la population et 50% des pays - doit certainement être un aspect de la solution, qui rassurerait aussi les petits pays sur le fait qu’ils ne seront pas aux ordres des grands à l’avenir. Cependant, il est important que les débats sur des questions qui ont déjà été réglées ne soient plus rouverts sur la base d’une querelle non réglée. Si cela se produisait, nous pourrions réellement dire que le sommet de Bruxelles et la CIG ont échoué.

(Applaudissements)

 
  
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  Swoboda (PSE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, l’échec du projet de Constitution a éclipsé le fait qu’une série de décisions positives avaient été prises lors du sommet de Bruxelles, dans des domaines tels que, par exemple, la stratégie européenne de sécurité. Cependant, comment une telle stratégie est-elle censée être mise en œuvre en l’absence d’une volonté politique commune et d’institutions communes - comme un ministre européen des affaires étrangères?

Aujourd’hui, Monsieur le Président en exercice du Conseil, vous avez déclaré, à juste titre, que nous nous trouvons dans une position extrêmement précaire en matière de concurrence avec les États-Unis d’Amérique et avec l’Asie. Vous avez également fait référence à la situation en Extrême-Orient, qui confine presque à l’anarchie. Vous avez eu raison de le faire; comment être concurrentiels par rapport à ces régions sans volonté commune ni institutions communes, si nous ne faisons pas en sorte tous ensemble, en tant qu’Européens, que Kyoto soit appliqué dans son ensemble, par exemple? J’entends déjà de nombreux industriels dire: "Il n’est pas possible que nous soyons les seuls à appliquer Kyoto ou nous perdrons notre avantage concurrentiel." Ce n’est possible que si les droits sociaux et de l’homme minimaux sont respectés, ainsi que la protection de l’environnement, pour autant que cette Europe constitutionnelle que nous partageons tous devienne réalité. La capacité d’un objectif commun à accomplir quelque chose a été démontrée par la manière dont les Américains se sont passés de tarifs douaniers sur l’acier. Si l’Europe agit de concert et présente un front uni, nous aurons aussi l’occasion et la capacité de régler les problèmes ensemble.

J’en arrive donc à être pleinement d’accord avec M. Poettering: nous avons besoin d’une Constitution européenne, comme un symbole et un instrument, si nous voulons faire de cet objectif commun une réalité sur la scène mondiale également. C’est pourquoi je ne perçois pas la création d’un noyau européen, en ce moment, comme une solution. Je pourrais ajouter que le noyau d’un fruit est, en général, moins intéressant que sa pulpe; créer un noyau européen plus petite n’est donc pas une solution. Au contraire, l’Europe doit être grande et nous devons la préserver ensemble. Si quelques États sont réticents à nous rejoindre, nous devrions nous demander comment parvenir à achever cette Europe constitutionnelle, cette Europe du plus grand partage possible, cette Europe ouverte à tous.

Il découle de tout ceci que les présidences italienne et irlandaise doivent à présent faire passer le message suivant: nous devons travailler à la construction d’une Europe commune avec une Constitution commune et avec le plus grand nombre possible d’États. Nous ne devons pas permettre que notre vision ne s’étiole ni, sous aucun prétexte, que cette Europe commune avec une Constitution commune ne soit abandonnée!

(Applaudissements)

 
  
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  Karas (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l’Europe ne sera jamais achevée, mais nous devons faire pression sur le projet d’Union politique avec détermination et ambition et sur une base communautaire. Dans le cas contraire, les citoyens nous retireront leur confiance. Dans le cas contraire, nous ne parviendrons à réussir ni l’intégration ni la consolidation. Dans le cas contraire, nous ne pourrons pas assumer nos responsabilités en tant que continent sur la scène mondiale et des erreurs pourront être commises. Elles peuvent et doivent être corrigées. Toutefois, ce qui s’est produit va au-delà d’une simple erreur. Je trouve regrettable le manque de volonté politique des chefs d’État ou de gouvernement qui ont participé et, partant, le manque de dirigeants européens ainsi que, bien entendu, d’hommes d’État européens. Volonté, courage, émotion, enthousiasme - tous ces éléments sont nécessaires ainsi que, par conséquent, la crédibilité et la confiance.

Chaque fois que l’avenir de l’Europe dépend de l’approbation unanime du Conseil plutôt que de l’accord entre les institutions communautaires, une crise se profile à l’horizon. Cela a été le cas avec les sanctions contre l’Autriche, avec la crise irakienne, avec le pacte de stabilité et de croissance. De plus en plus fréquemment, nous rejetons la responsabilité des problèmes nationaux sur les objectifs communautaires. Permettez-moi de conclure en disant que la Convention n’a pas échoué, la Commission ne s’est pas mise en travers du chemin, le Parlement ne freine pas une Europe plus démocratique, plus transparente et plus proche de ses citoyens. Nous disons catégoriquement "non" à l’unanimité et "oui" à une double majorité, qui est juste démocratiquement, "non" à la répartition des responsabilités et "oui" à la responsabilité partagée en Europe, "non" à une politique intérieure et un processus de ratification plus nationaux et "oui" au fait qu’ils deviennent plus européens, "non" à la méthode intergouvernementale et "oui" à la Convention au sein de laquelle des gouvernements et des parlements sont représentés, "oui" à une Union européenne des peuples et des citoyens, "non" à un noyau européen intergouvernemental, "oui" au fait d’assumer nos responsabilités au sein de l’Europe et dans le monde, "non" au fait d’être réduits aux contributions des États membres. Nous disons "oui" à l’idée de convoquer la Convention après Noël afin de débattre de l’échec de la Conférence intergouvernementale et afin de mettre en œuvre rapidement tout ce qui est ressorti de la Convention ou qui a été accepté lors de la Conférence intergouvernementale et qui est faisable sur la base du droit actuel.

(Applaudissements)

 
  
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  Carnero González (PSE). - (ES) Monsieur le Président, envoyons un message positif aux citoyens, dont un nombre considérable a soutenu le travail de la Convention et le projet de Constitution qu’elle a rédigé: en 2004 - que l’on apprécie ou non - l’Europe aura une Constitution. Dans le cas contraire, nous serions obligés de travailler avec un Traité bâclé, celui de Nice, mettant en œuvre l’élargissement sans approfondir l’Union, dans de mauvaises conditions et en débattant des perspectives financières dans une atmosphère politique étouffante.

À la lumière de son contenu et de son élaboration, le projet de Constitution de la Convention est une bonne chose pour les citoyens et, à l’heure actuelle, suite à l’échec du sommet de Bruxelles, même ceux qui ont critiqué certains de ses aspects spécifiques l’acceptent comme un bon document. La Convention est une réussite et la Conférence intergouvernementale, un échec.

Certains ont clairement participé à l’échec du sommet de Bruxelles et, en tant qu’Espagnol, il est pour moi difficile d’écouter les éloges que font les eurosceptiques de cette Assemblée au premier ministre de mon pays, qui a participé à la "lettre des Huit" et au dernier sommet de Bruxelles. Le processus d’élaboration d’une Constitution doit se poursuivre et cette Constitution européenne doit être créée en 2004.

Bien évidemment, nous ne voulons pas d’une Europe à plusieurs vitesses ni de groupes pionniers. Nous voulons une Europe unie politiquement, une Europe autonome dans ses actions extérieures, une Europe dotée de compétences et de ressources pour répondre aux demandes de la population. Par conséquent, nous devons prier instamment la présidence irlandaise de convoquer une Conférence intergouvernementale en janvier afin de consolider les 95% acceptés et de régler les questions en suspens par une négociation appropriée. Pourquoi ne pas également convoquer la Convention, qui bénéficie d’une légitimité? Naturellement, le Parlement européen doit jouer son rôle historique de force motrice, dans ce cas-ci de force motrice de la Constitution européenne.

 
  
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  Ferber (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, Mesdames et Messieurs, je pense que nous devrions analyser les événements du week-end dernier de manière très objective. Nous pourrions alors peut-être en arriver à la conclusion que, ces dernières années, nous ne nous sommes pas engagés très sérieusement dans la question de savoir si l’UE pouvait être approfondie et élargie en même temps.

Permettez-moi d'expliquer cette question de manière très explicite. Si la Convention a été couronnée d'un tel succès, c’est parce que cette question était le ciment qui maintenait tout l’édifice. La raison était un intérêt commun - des acteurs, pas des États membres. C’est pourquoi il est à présent important que nous réfléchissions aux intérêts communs réels des 25 États membres qui seront rassemblés dans cette Union européenne à partir du 1er mai. Ces éléments doivent être analysés tout à fait objectivement.

Quelles sont les tâches que nous devons accomplir au niveau européen? Quels sont les outils, quelles sont les procédures dont nous avons besoin afin de les exécuter? De quel type de cadre financier cette Europe a-t-elle besoin si elle veut être en mesure de remplir les tâches qui lui sont assignées? Ce n’est que lorsque nous aurons trouvé des réponses sérieuses à ces questions que nous serons en position de tirer les conclusions et les leçons qui s’imposent des résultats du week-end. Ceci signifie que nous devons également nous demander si, à l’heure actuelle, un approfondissement de l’UE n’est pas plus important que son élargissement à 25 ou plus - ce qui veut dire débattre ce que l’Europe des 25 a en commun.

Je pense que nous devons commencer par respecter le quatrième critère de Copenhague - cela a, en effet, été décidé à Copenhague. Nous devons être capables de nous concentrer sur ce que nous avons en commun. Ce qui se trouve au sein de l’UE doit pouvoir soutenir l’élargissement. Voilà la tâche à laquelle nous devons nous atteler l’année prochaine, avec un engagement fort. Nous pourrons ainsi en tirer les conclusions utiles dont nous avons besoin.

(Applaudissements)

 
  
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  Lage (PSE). - (PT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président en exercice du Conseil, nos sentiments peuvent se résumer à un mot: déception. Nous sommes déçus, mais la grande majorité des citoyens européens, favorable à une Constitution européenne est également déçue et perplexe. Heureusement, au grand dam des eurosceptiques, la Constitution européenne est une idée populaire qui mobilise les gens.

Le projet européen est la meilleure idée dont ait hérité le XXIe siècle de ce XXe siècle plongé dans la violence. De nos jours, l’Europe est à un tournant de son histoire. L’élargissement apportera des changements; nous sommes en train de créer une autre entité politique. Je ne m'adonne point ici à la métaphysique politique - il s’agit de la réalité. L’élargissement sans Constitution ne peut plus être envisagé, encore moins accepté. Les États membres récalcitrants doivent le comprendre. Malheureusement, quelques États tentent de contrer l’esprit européen avec les vieux mythes, la folie des grandeurs ou les illusions de l’importance de la nation. Ils plaident encore en faveur de ce fossile politique, bien que récent, qu’est le traité de Nice. Cependant, l’Europe doit se construire par un esprit positif et non négatif. Certains dirigeants agissent comme si l’Union leur conférait des droits, mais aucune obligation. Nous ne pouvons ni ne devons échouer lors de notre confrontation avec l’histoire. L’Europe a un besoin urgent d’une Constitution et elle est à notre portée. Longue vie à la Constitution!

 
  
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  Morillon (PPE-DE). - Monsieur le Président, le résultat décevant de la Conférence intergouvernementale n’est une surprise pour personne. C’est une déception attendue, peut-être, mais certaine, au constat que le travail d’une année de nos 105 conventionnels ait pu être remis en cause en quelques heures, pour de futiles considérations de poids respectif des différents pays membres de notre Union.

S’il est une conséquence que nous pouvons et devons en tirer, c’est qu’aucun progrès ne peut être espéré dans un cadre intergouvernemental pour l’achèvement de la construction européenne puisque, dans ce cadre - M. Pasqua l’a très bien dit -, les chefs d’État ne peuvent faire autrement que de défendre bec et ongles des intérêts nationaux aux dépens même de l’intérêt général.

Je ne suis pas de ceux qui imaginent que la présidence irlandaise sera à même de renverser, dans les semaines qui viennent, le courant ainsi établi. Il faut donc nous préparer, mes chers Collègues, à poser les vraies questions qui demeurent à l’occasion de la prochaine campagne pour les élections européennes. Après tout - à quelque chose malheur est bon -, cela donnera un intérêt accru à cette campagne.

Cela dit, vous avez abordé, Monsieur le Président en exercice du Conseil, la question générale de la sécurité, souci majeur - vous l’avez bien compris - de nos concitoyens européens. À cet égard, tout en me félicitant des bonnes intentions manifestées, je ne peux m’empêcher de rappeler le proverbe français qui veut que l’enfer soit pavé de bonnes intentions. J’espère donc qu’au-delà des présents effets d’annonce, l’Europe s’engage, de façon réelle et pas seulement virtuelle, dans la voie de la construction des instruments nécessaires à l’établissement de ses objectifs et à la réalisation de sa stratégie dans ce domaine.

(Applaudissements)

 
  
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  Katiforis (PSE). - (EL) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice, vous avez entendu un grand nombre de critiques que je partage, mais que je n’ai aucune raison de réitérer. Je tiens à insister sur quelque chose que vous avez dit à juste titre en parlant du statut de la Banque centrale européenne: vous avez souligné qu’elle avait un statut inférieur à celui de la Réserve fédérale américaine, car elle n’a pas pour objectif de soutenir l’activité économique ni la stabilité des prix. Vous êtes le premier président du Conseil européen et le premier Premier ministre à mettre en avant les lacunes du statut de la Banque centrale européenne depuis une tribune aussi officielle, c’est important et je vous en remercie.

Il ne fait aucun doute pour moi que la proposition de la présidence italienne selon laquelle le Conseil devrait avoir la possibilité d’amender le statut de la Banque centrale européenne à la majorité qualifiée sera acceptée. J’espère que le statut de la Banque centrale européenne sera bientôt amendé selon vos indications afin qu’elle puisse finalement commencer à encourager les investissements, en particulier dans le secteur public, au lieu d’essayer de les geler à chaque étape, comme s’il s’agissait d’enfants illégitimes.

 
  
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  Tajani (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, nous aurions tous souhaité nous réjouir de l’accord donnant naissance à la première Constitution européenne, mais il s’agirait d’une grave erreur politique - que certains ont déjà commise - de dire que l’Europe est achevée, de persécuter les responsables et de baisser les bras face aux difficultés rencontrées tout au long du chemin. C’est pourquoi nous devons continuer à faire pression pour aller de l’avant dans l’esprit de la Convention et en nous basant sur les points forts des résultats considérables obtenus par le dur labeur de la présidence italienne. Nous ne devons pas douter que l’objectif final peut réellement être atteint. Il convient de se rappeler que 95% de ce qui a été décidé par la Convention a été adopté par tous les participants à la CIG. Il faut également souligner que la présidence italienne est restée fidèle aux engagements qu’elle a pris devant cette Assemblée il y a six mois, en commençant par la décision de ne pas apposer son nom sur un compromis peu ambitieux qui serait un affront au travail de la Convention.

Un autre aspect positif a été la relation avec ce Parlement, qui a enfin et pour la première fois été véritablement impliqué dans les travaux de la CIG comme un acteur de premier plan. Le Parlement a constamment été tenu informé des travaux du Conseil. Les autres décisions prises par la présidence italienne que M. Fiori a mentionnées devraient, dès lors, être jugées favorablement. En effet, le travail de ces 6 derniers mois ne peut être simplement évalué de manière superficielle, avec acrimonie et dans un esprit partisan ou, pis encore, en se préoccupant simplement des affaires intérieures des pays de l’Union. M. Barón Crespo ne met pas en pratique ce qu’il prêche lorsqu’il parle de l’esprit communautaire, car il ne semble se préoccuper que des élections espagnoles. Il en va de même pour M. Watson, qui s’inquiète souvent des affaires italiennes, mais qui perd de vue les intérêts de l’Europe. Certains députés de mon propre pays en quête de visibilité ou du consensus perdu semblent également faire peu de cas des affaires européennes lorsqu’ils utilisent cette Assemblée pour parler de questions locales. Ils ne sont, en outre, guère convaincants.

Un mot à M. Schulz, qui a soulevé la question du mandat d’arrêt européen pour la énième fois. La présidence italienne a, comme elle en a l’obligation, demandé à tous les gouvernements les progrès qu’ils avaient accomplis dans le domaine des mesures législatives nationales visant à adapter la législation aux décisions concernant le mandat d’arrêt européen. La réponse a été claire: seuls trois pays sur 15 auront pris les mesures nécessaires en décembre; quatre autres ont dit qu’il leur faudrait trois ou quatre mois supplémentaires; les 8 derniers sont encore plus en retard. Monsieur Schulz, vous ne pouvez pas sérieusement demander à la présidence italienne ou à toute autre présidence de passer au-dessus de la souveraineté des parlements nationaux - ce serait inconcevable.

En conclusion, je veux lancer un appel à tous les pays afin qu’ils se remettent au travail, en abandonnant l’idée que certains doivent avancer et laisser les autres derrière et en aspirant à une Europe des valeurs qui ne veut pas tourner le dos à ses racines judéo-chrétiennes.

 
  
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  Napoletano (PSE). - (IT) Malgré les conclusions de M. Tajani, je me tourne vers vous, Monsieur le Président en exercice, pour vous dire que vous avez tenté de minimiser l’échec de la Conférence intergouvernementale dans votre déclaration. C’est la deuxième fois en un court laps de temps que la méthode intergouvernementale échoue et, cette fois, elle disposait d’un projet complet préparé par la Convention, qui bénéficiait d’un large soutien. Le manque de perspectives que l’on peut déduire de votre déclaration laconique, passant le relais à la présidence irlandaise, est encore plus déconcertante.

Dans ce contexte, nous risquons réellement de nous retrouver à la fois face aux élections européennes et à l’élargissement sans Traité constitutionnel, mais cela ne semble pas vous inquiéter outre mesure. Je vous serais très reconnaissante de vous étendre quelque peu sur les perspectives de votre réponse.

La fin d’une présidence est aussi un moment privilégié pour faire le bilan. En politique étrangère, il n’y a eu aucune tentative pour garantir un rôle politique actif de l’Union européenne et des Nations unies: on a pu voir une certaine froideur vis-à-vis de l’importante initiative de paix pour le Proche-Orient à Genève, que vous n’avez même pas mentionnée; les engagements pris dans cette Assemblée ont été passés sous silence, comme l’acceptation du mandat d’arrêt et le moratoire sur la peine de mort. Nous nous félicitons de l’initiative pour la croissance, mais elle ne suffira pas, car seul le contrôle de l’économie, à tout le moins dans la zone euro, peut garantir la relance et la qualité de l’économie européenne.

Pour terminer, Monsieur le Président en exercice, l’information. Vous savez qu’au cours des six mois de votre présidence, ce Parlement a décidé d’accroître la liberté et la pluralité des médias en Europe et en Italie tout particulièrement. Le fait que le président de la République italienne ait renvoyé devant le parlement cette loi épouvantable et dangereuse relative à cette question, présentée par votre gouvernement et votée par votre majorité, confirme ces préoccupations.

En bref, mis à part la conclusion tout à fait louable de certains dossiers mentionnés par M. Prodi et vous-même, comment décririez-vous les résultats des six mois de cette présidence italienne?

 
  
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  Berlusconi, président du Conseil. - (IT) Monsieur le Président, je vous remercie, ainsi que tous les collègues qui sont intervenus dans le débat et qui ont en général manifesté un sentiment de déception pour le fait que, dans les soixante jours dont disposait la présidence pour la Conférence intergouvernementale, nous ne soyons pas parvenus à un résultat concret qu’à vrai dire, tous avaient dépeint comme un miracle et qui, on le savait depuis plusieurs semaines, n’aurait pas pu être atteint.

Je crois toutefois que cette déception ne doit pas nous mener à une attitude pessimiste quant à l’avenir. Je crois que les récriminations sont inutiles, qu’il faut toujours être optimiste. Je n’ai jamais vu un pessimiste parvenir à des résultats concrets; seuls l’optimisme, la confiance, la volonté peuvent mener à des résultats positifs. Je crois également que nous ne devons pas nous partager en une Europe de première classe et une Europe de deuxième classe, ce qui serait une grave erreur car nous refroidirions ainsi l’enthousiasme, la passion, l’envie d’Europe et d’action commune, que j’ai pu observer durant ces mois de contacts étroits avec les chefs de gouvernement - et pas seulement avec eux - des dix pays qui s’apprêtent à devenir membres de l’Union européenne. Ils représentent un grand nombre d’Européens - une force jeune, avec un niveau d’instruction élevé - et un grand marché pour nous. Par conséquent, je crois que nous devrions faire tout notre possible pour veiller à ce que la vieille Europe soit un peu rajeunie par l’apport de cette nouvelle Europe qui s’apprête, je le répète, avec beaucoup d’enthousiasme, à s’unir à nous.

Il faut renforcer et maintenir tout ce qui a été fait par la Convention et par tous les pays durant ce semestre, car n’oublions pas que la Conférence intergouvernementale a commencé le 5 octobre et s’est prolongée jusqu’au 13 décembre. Je souhaite à cet égard rassurer tous les collègues qui sont intervenus sur ce qui reste du travail de la Convention - un travail que nous avons toujours essayé de vanter et d’améliorer - et du travail de la Conférence. Les décisions finales de la Conférence, que j’ai insérées dans la déclaration de clôture approuvée à l’unanimité par tous les membres, n’ont clairement pas été examinées attentivement. Je voudrais donc en lire un paragraphe, qui pourrait peut-être sembler inutile, mais que je souhaite souligner: "La présidence italienne a guidé la Conférence intergouvernementale avec la volonté de maintenir autant que possible le projet de la Convention, qui est le fruit d’un débat démocratique et approfondi, et a été également ouverte à examiner avec esprit constructif les propositions de chaque État membre pour tenir compte d’exigences légitimes".

Deuxième point: ce travail ardu a mené à la définition d’un texte soutenu par une grande majorité d’États membres et qui sera considéré dorénavant comme un acquis indiscutable, faisant ainsi un pas en avant significatif sur la voie d’une plus grande intégration des pays et des citoyens d’une Union élargie. Cela signifie que les États qui composent le Conseil ont pris à l’unanimité l’engagement politique de ne pas rouvrir ces points - la quasi-totalité - sur lesquels auparavant il n’y avait pas d’accord. En réponse également aux questions des députés, je voudrais également souligner que ces points figurent tous dans la proposition de la présidence italienne, présentée après le sommet de Naples, une proposition qui est disponible sur le site internet de la présidence italienne, ainsi que le texte de l’accord en matière de défense européenne atteint à Bruxelles le premier jour de la nouvelle réunion.

Il s’agit donc de quelque chose de concret et, sur cette base, il faudra commencer à travailler pour trouver un accord sur la prise de décisions à la majorité, qui est au centre de l’accord à atteindre, pour avoir une Europe capable de prendre des décisions correctes mais aussi rapides, notamment sur la prise de positions internationales.

C’est ainsi seulement que l’Europe pourra être un protagoniste dans le monde aux côtés d’autres puissances et jouer un rôle décisif dans le développement du commerce et la croissance du bien-être - comme nous nous sommes engagés à le faire, entre autres dans la déclaration du millénaire -, mais aussi dans le développement de la démocratie, dans l’exportation de la liberté dans le monde, une Europe qui, avec les autres pays d’Occident, s’engage à fournir de la nourriture, de l’eau, la santé et l’éducation à ceux qui en ont besoin. Il s’agit de choses qui ne peuvent être garanties si l’on ne garantit pas ce qui est à l’origine de tout le reste: la liberté, qui ne peut être garantie et maintenue qu’à travers des formes de gouvernement démocratiques.

Je crois que c’est le devoir de l’Occident et donc, le devoir de l’Europe. Je pense que l’Europe ne pourra y parvenir que si elle sait se doter d’une méthode de prise de décisions qui ne soit pas basée sur l’unanimité puisque, comme nous l’avons vu également à Bruxelles il y a deux jours, il suffit qu’un pays s’oppose à une décision pour que celle-ci ne puisse pas être prise.

Je répondrai seulement à une seule des objections qui ont été soulevées, le fait que la présidence italienne n’avait pas de formules pour un compromis au rabais, sur ladite méthode de décision à la majorité. La présidence italienne s’est tenue au système prévu par la Convention: 50% des États et 60% de la population. Sur ce point nous avons tenté par tous les moyens de convaincre les pays mais ils ne voulaient pas en entendre parler. Lorsque nous avons réalisé qu’il serait impossible de parvenir à un accord et étant donné qu’un accord était possible sur tous les autres points, nous avons eu recours à des formules temporaires, en proposant de maintenir le traité de Nice jusqu’en 2014 et d’introduire, à partir de 2015, le système prévu par la Convention.

Certains États ont accepté, d’autres non. Nous avons alors proposé une autre formule, qui était acceptable pour les États qui s’était montrés moins enthousiastes auparavant: le traité de Nice sera appliqué et testé pendant quatre ans. À la fin de 2008, nous déciderons par un vote à la majorité si le traité de Nice a fonctionné et si nous estimons opportun de le maintenir (si nécessaire, nous procéderons à des améliorations), si on peut passer à la double majorité - des États et de la population - ou s’il faut trouver un autre système de vote.

Il n’a pas été possible de parvenir à un accord sur ces propositions - qui ne sont ni des propositions ni des compromis au rabais, mais qui visent exclusivement à doter dès à présent l’Europe d’un nouveau Traité constitutionnel. Ainsi, tous les participants ont choisi de reporter la décision. Ce n’est donc pas la fin d’un débat mais la poursuite de la recherche d’un accord qui, je suis sûr, sera bientôt trouvé - je l’espère sous la présidence irlandaise ou sous la suivante, la présidence hollandaise. Le projet de Constitution n’a donc pas échoué.

Je voudrais conclure, Monsieur le Président, avec quelques mots d’optimisme. La volonté de tous les gouvernements de parvenir à un Traité constitutionnel était forte et tous se sont sentis responsables de l’échec à parvenir à une décision. Malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus et je crois que si nous n’avons pas réussi, avec toute la patience et la détermination dont nous avons fait preuve jusqu’au bout pour parvenir à des décisions, personne n’aurait pu réussir. Tout le monde l’a reconnu. Nous croyons toutefois que l’on peut trouver, et qu’il y a une volonté unanime dans ce sens, une solution sur le vote à la majorité qui remplacera plus de 50 ans de vote à l’unanimité.

Ce n’est pas un problème simple, car avec le vote à la majorité, les États membres renoncent clairement à leur souveraineté dans de nombreux domaines, et il s’agira donc d’un accouchement très difficile. Cela devra être appuyé par les parlements des différents pays et devra probablement également faire l’objet d’un référendum dans les différents pays. Je crois cependant qu’il y a une volonté unanime d’aller dans cette direction. Les soixante jours de travail de la Conférence intergouvernementale ont porté leurs fruits. Les résultats, comme je l’ai rappelé, sont là et les membres du Conseil se sont engagés à les juger comme étant des résultats valables sur lesquels il ne faut pas rouvrir la discussion. Il faut donc travailler sur la nouvelle méthode de vote à la majorité et je suis convaincu qu’à la fin, l’Europe sera dotée d’institutions et de méthodes de travail qui lui permettront de jouer un rôle important pour le bien-être, la pacification, la liberté et la démocratie de ses citoyens et des citoyens du monde.

(Applaudissements)

 
  
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  Frassoni (Verts/ALE). - (IT) Monsieur le Président, j’ai une question urgente à poser à M. Prodi avant qu’il ne prenne la parole. Nous venons juste d’apprendre que Mme de Palacio avait annoncé lors de la réunion du Conseil "Transports, télécommunications et énergie" que le protocole de Kyoto était mort. Je voudrais savoir quelle est la position de la Commission à cet égard et si Mme de Palacio a agi dans le cadre de son mandat.

 
  
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  Prodi, président de la Commission. - (IT) Mme de Palacio exprimait les préoccupations bien connues au sein de la Commission en ce qui concerne le danger que représente la non-adoption du protocole de Kyoto et la nécessité, par conséquent, de réagir face à cette situation.

La Commission veut continuer à travailler avec la Russie et les autres pays qui ne l’ont pas ratifié afin de parvenir à cette ratification. Tel est notre message et je puis vous assurer que Mme de Palacio s’est elle aussi engagée à ce que le protocole de Kyoto soit ratifié. Naturellement, les hésitations de la Russie, qui ne cesse de mettre en avant des stratégies alternatives nous préoccupent sérieusement.

Permettez-moi de formuler une brève remarque, Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice, Mesdames et Messieurs: je tiens à vous remercier tous pour le débat que nous avons eu, en particulier parce qu’il a davantage porté sur l’avenir que sur les récriminations sur des faits passés, davantage sur la résolution de nos préoccupations actuelles que sur les reproches à autrui. Je voudrais toutefois formuler une autre remarque qui revêt, selon moi, une importance capitale: prenez garde, Mesdames et Messieurs, à ne pas jeter en quelques minutes tout le travail accompli en préparation de la Conférence intergouvernementale de Bruxelles, en qualifiant hâtivement d’acquis les propositions sur lesquelles il n’y a pas encore d’accord.

Bien qu’il soit vrai qu’un consensus semble avoir émergé sur de nombreux points, en particulier à Naples, par exemple en ce qui concerne les présidences du Conseil, les politiques de recherche et un grand nombre d’autres questions fondamentales, ce consensus n’existe pas vraiment. Ne nous y trompons pas: il n’existe pas. Je pense surtout au grand nombre de décisions concernant le retour à l’unanimité, ce qui détériore non seulement le texte de la Convention, mais aussi le traité de Nice; et je ne vous parle pas, Mesdames et Messieurs, du rôle affaibli envisagé pour le Parlement européen dans l’approbation des procédures budgétaires.

Il est clair que le résultat global des négociations et des concessions bilatérales ne signifie pas une acceptation totale de tous, pas même en cherchant un accord basé sur le plus petit dénominateur commun. Il est évident également que rien n’est accepté tant que tout n’est pas accepté et que les conditions d’acceptation dépendront de notre avenir. Ne jetons, par conséquent, aucun travail d’envergure réalisé, reconnaissons au contraire ouvertement les problèmes qui existent. C’est la meilleure façon de les résoudre et c’est pourquoi le texte de la Convention reste notre point de référence constant.

Mesdames et Messieurs, cette réunion est la dernière avant le cinquième Noël que nous aurons passé ensemble et le dernier de ce Parlement et de cette Commission. Je voudrais terminer en vous souhaitant à tous, ainsi qu’à vos familles, mes meilleurs vœux de paix et de bonheur et en vous remerciant pour votre précieuse collaboration.

(Applaudissements)

 
  
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  Le Président. - Je tiens à remercier le président de la Commission pour ses vœux, mais comme vous le savez, chers collègues, il nous reste quelques votes importants cette semaine, y compris le vote sur le budget. Ne partez donc pas en vacances prématurément!

DÉCLARATIONS ÉCRITES (ARTICLE 120)

 
  
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  Figueiredo (GUE/NGL), par écrit. - (PT) Nous devons nous réjouir de l’échec de la Conférence intergouvernementale. L’incapacité à parvenir à un accord a découlé des énormes contradictions entre les plus grandes puissances européennes et leurs intérêts divergents. Les positions intransigeantes de la France et de l’Allemagne se sont avérées inacceptables pour l’Espagne et la Pologne, qui auraient perdu des droits de vote par rapport à Nice. Il est évident, néanmoins, qu’ils bénéficient du soutien plus ou moins déclaré d’autres pays.

Bien que la droite et les sociaux-démocrates européens soient unis par les intérêts du capitalisme néolibéral, les intérêts des nations, des alliances internationales et de divers groupes économiques diffèrent des intérêts franco-germaniques. Un exemple est la manière dont l’administration Bush a réparti les contrats entre ses amis, ce qui a permis aux sociétés américaines et européennes de travailler en Irak. Tout le monde n’a pas eu une part équitable du butin.

Nous savions que le moment était particulièrement critique pour l’intégration européenne, en raison du processus décisionnel de plus en plus centralisé, de la forme plus agressive de capitalisme et de la dangereuse approche militariste de moins en moins démocratique.

Nous savons que l’échec du sommet de Bruxelles n’a pas résolu les problèmes, mais il ne les a pas aggravés. Voilà qui nous donne un nouvel espoir dans la lutte que nous devons continuer à mener afin de parvenir en Europe où il y aura davantage de justice sociale, de développement, de cohésion économique et sociale mais aussi de paix et de coopération avec les peuples du monde entier.

 
  
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  Hudghton (Verts/ALE), par écrit. - (EN) À la suite de l’échec des négociations sur la proposition de projet de Constitution de l’Union européenne lors de la CIG, je me réjouis de la bouffée d’oxygène qui en résultera. Je demande instamment au gouvernement britannique d’utiliser au mieux ce répit pour revoir ses positions sur les domaines clés qui inquiètent l’Écosse. La référence à la conservation des ressources biologiques marines doit être retirée de la liste des compétences exclusives. En outre, nous n’avons toujours aucune assurance quant à la protection des réserves pétrolières et gazières offshore d’Écosse. Il est nécessaire de nous assurer que les pouvoirs de contrôle et d’agrément ne sont pas octroyés à l’UE.

L’exemple donné par de nombreux petits États, qui ont négocié indépendamment leurs propres modalités lors de la CIG, souligne le besoin pour l’Écosse de regagner son indépendance et, partant, ses pleins droits de participation et de vote dans toutes les négociations internationales.

 
  
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  Maaten (ELDR), par écrit. - (NL) Le sommet européen s’est terminé sur un échec complet; aucun Traité constitutionnel n’a été établi. Ce n’est pas tout à fait une surprise ni tout à fait une catastrophe parce que, pour le moment, l’Europe peut continuer à fonctionner de cette manière bancale comme cela a été le cas jusqu’à présent. Malheureusement, cela illustre toutefois à nouveau que cette procédure décisionnelle, selon laquelle les chefs de gouvernement doivent parvenir à un consensus à huis clos, ne fonctionne pas. Il est aussi regrettable que, ces derniers temps, les gouvernements doivent prouver leur valeur dans leur pays par la mesure dans laquelle ils parviennent à empêcher le reste de l’Europe de faire quelque chose. Pour mon groupe, ce qui reste primordial est que le Traité constitutionnel prévoie un commissaire avec droit de vote par État membre et la nomination du président de la Commission européenne par le Parlement européen. Voilà ce que nous avons défendu à La Haye et à Strasbourg. L’UE ne deviendra plus efficace que si elle devient plus démocratique et, pour ce faire, il est vital que la procédure de codécision soit appliquée systématiquement au Parlement européen et que le rôle des parlements nationaux soit fortement renforcé.

 
  
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  Farage (EDD), par écrit. - (EN) Je félicite et je remercie sincèrement M. Berlusconi, dont les six mois de présidence du Conseil ont commencé de manière si spectaculaire dans cette Assemblée en juillet 2003 pour aboutir au fiasco de Bruxelles de ce week-end. Il a peut-être réellement aidé botter cette épouvantable Constitution en touche.

Si seulement c’était le cas. La seule chose que l’Union européenne ne peut pas faire, c’est accepter un non comme réponse. Nous nous en sommes rendus compte pour la première fois lorsque les Danois ont dit non à Maastricht. À n’en pas douter, une pression énorme va s’abattre sur les courageux Polonais et les autres pour s’assurer qu’il y aura une cérémonie de signature le 9 mai 2004.

Si ceci échoue, certains États feront pression pour aller de l’avant et nous assisterons à l’émergence d’une Europe à deux vitesses.

Certains de mes concitoyens pourraient se complaire dans cette voie lente, mais pour moi, cela ne fait que prolonger l’agonie et cela nous laisse continuer dans la mauvaise direction.

De plus en plus, les peuples d’Europe disent: "Laissez-nous aller dans l’autre direction."

 
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