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RC-B6-0465/2006

Débats :

PV 05/09/2006 - 5
CRE 05/09/2006 - 5

Votes :

PV 07/09/2006 - 7.6

Textes adoptés :


Compte rendu in extenso des débats
Mardi 5 septembre 2006 - Strasbourg Edition JO

5. Suspension des négociations concernant l’Agenda de Doha pour le développement (ADD) (débat)
Procès-verbal
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle la question orale (O-0088/2006 - B6-0427/2006) de M. Barón Crespo, au nom de la commission du commerce international, à la Commission sur la suspension des négociations concernant l’agenda de Doha pour le développement (ADD).

 
  
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  Enrique Barón Crespo (PSE), auteur. - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, le 24 juillet dernier, le directeur général de l’OMC, M. Pascal Lamy, annonçait à l’issue de la réunion du comité des négociations commerciales de l’OMC à Genève la suspension sine die des négociations concernant l’agenda de Doha. J’espère que cette suspension est temporaire, que les discussions ne sont pas réduites en cendres et qu’elles pourront renaître, telles un phénix, comme l’a dit le commissaire.

Cette décision, qui met temporairement fin à cinq ans de négociations et à plus de sept ans d’efforts diplomatiques, a provoqué une grande incertitude au sein du cadre multilatéral des négociations commerciales de l’OMC et soulève en outre un problème par rapport à l’échéance informelle - plus politique que chronologique - de la prochaine expiration du mandat de l’autorité pour la promotion du commerce, accordé au président par le Congrès américain pour lui permettre de négocier de manière globale.

Monsieur le Président, je tiens à souligner au passage qu’il est étrange pour une organisation comme l’OMC - une organisation intergouvernementale et une conférence ministérielle - que tout dépende d’une décision d’un parlement, en l’occurrence le Congrès américain, aussi éminemment respectable soit-il. Les autres parlements du monde, à commencer par le Parlement européen, ont également le droit d’exprimer une opinion, sans pour autant poser de conditions ou brandir des menaces comme celles actuellement posées par le Congrès américain. À cet égard, sachez que la semaine prochaine, le comité directeur de l’assemblée parlementaire créée entre le Parlement européen et l’Union interparlementaire aura l’occasion de discuter et de travailler sur ce thème avec des représentants de la plupart des parlements du monde, parce que nous estimons que cela nous concerne tous.

Le Parlement - et plus spécifiquement la commission du commerce international - n’a pas attendu la fin des vacances pour exprimer son inquiétude. Je l’ai fait, au nom de cette commission, immédiatement après l’annonce de la suspension, en indiquant que nous ne pouvions nous résigner à un échec définitif des négociations. Nous devons maintenant trouver une solution et remettre le processus sur les rails. Une série de contacts et de réunions bilatérales ont eu lieu au mois d’août et j’espère que le commissaire va pouvoir nous informer sur les possibilités d’avancer dans ce domaine.

Je pense également que la Commission doit tenter d’exploiter à fond son mandat, parce que nous avons des responsabilités. Notre première responsabilité est de défendre nos intérêts, mais aussi, en parallèle, de promouvoir l’idée qu’un système multilatéral bénéfique pour tous - non seulement pour les pays industrialisés, mais aussi pour tous les pays principalement visés par cette négociation, à savoir, les pays en développement et surtout les pays les moins avancés - peut réellement jouer un rôle capital, à l’instar de celui que l’Union européenne devrait jouer en tant que première puissance commerciale mondiale.

Je pense donc qu’il est important que le Parlement européen ose s’exprimer et soutienne le projet de poursuivre, remettre sur les rails et réactiver l’objectif de conclusion des négociations concernant l’agenda de Doha pour le développement. Il importe également que le Parlement apporte son soutien à la Commission qui, dans ce domaine, n’a pas eu beaucoup de répit. Nous espérons qu’elle pourra poursuivre ses efforts pour mener à bien ces négociations.

Il reste encore une marge de manœuvre. Il y en a toujours en politique, même si l’échéance approche à grand pas, et la notion d’urgence aidera peut-être à faire avancer les choses. Monsieur le Président, nous attachons beaucoup d’importance aux explications que le commissaire pourra nous donner aujourd’hui et surtout, nous voulons qu’il sache qu’il peut compter sur notre sollicitude, notre appui et sur notre désir que ces négociations redeviennent un processus axé sur l’objectif de construire un monde plus prospère et plus solidaire.

(Applaudissements)

 
  
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  Peter Mandelson, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, j’aurais voulu, à l’instar du président de la commission du commerce international, que cette suspension très regrettable des négociations fût temporaire, et non pas illimitée. Je me félicite qu’il soit bientôt amené à rencontrer, avec d’autres députés européens, des parlementaires de pays membres de l’OMC afin d’examiner la question avec eux. Plus précise sera notre représentation des enjeux et des problèmes qui se posent, et mieux nous pourrons en informer les protagonistes des différents pays de l’OMC, plutôt que d’en circonscrire la diffusion à un cercle très fermé de négociateurs. Il va de soi que c’est cet objectif que je poursuivrai lors de ma visite à Washington DC à la fin de ce mois, où je retrouverai au Capitole d’éminents responsables du Congrès américain.

La dernière fois que j’ai abordé avec certains députés de cette Assemblée l’agenda de Doha pour le développement, c’était à Genève fin juin 2006. Avant toute chose, je tiens à dire à quel point j’ai apprécié votre présence là-bas, votre travail en réseau et la manière dont vous avez joué un rôle intéressant et utile en présence des différentes parties aux négociations.

À l’avenir, votre aide nous sera indispensable, lorsque nous tenterons de convaincre nos partenaires de l’OMC de reprendre ces négociations, et l’approche adoptée par les députés européens bénéficie de mon soutien total.

À la fin de cette semaine, je me rendrai à Rio de Janeiro, à l’invitation du gouvernement brésilien et du groupe du G 20 des pays en développement. Pour la première fois, nous aurons l’occasion d’examiner au niveau ministériel les résultats obtenus à Genève en juillet, de discuter de nos positions respectives et d’évaluer la manière dont nous pouvons avancer et le moment opportun pour le faire.

Dans les semaines qui ont suivi la suspension, toutes les parties ont fait état de leur engagement pour que le cycle aboutisse à des résultats concrets. En tout cas, à première vue, personne ne s’est rétracté, et c’est une bonne chose, car Doha a incontestablement besoin de ce niveau soutenu d’engagement. Dans toutes nos actions et déclarations, nous devons renforcer la confiance dans le cycle et le processus des négociations, tout en réaffirmant les valeurs du multilatéralisme et les avantages économiques qu’offrira un accord vaste et ambitieux. Toutefois, il faut joindre le geste à la parole. En réalité, nous nous retrouvons face à ce que l’on pourrait appeler un manque d’«ambition réaliste».

Chaque partie à ces négociations y introduit ses contraintes nationales. Peut-être est-ce là chose inévitable, mais ce n’est pas, ni devrait devenir, une excuse pour justifier l’échec des négociations. Or, même en ce qui concerne les points de négociation les plus difficiles et en apparence insolubles, les positions des uns et des autres en matière d’agriculture ne sont pas si éloignées l’une de l’autre que cela. Du moins pas au point qu’on doive les considérer comme inconciliables. Elles imposent à l’UE de réduire davantage ses droits de douane, au niveau demandé par les pays en développement du G 20. À Genève, l’UE a fait part de sa volonté de négociation sur ce point, dans le cadre d’un ensemble équilibré de mesures, à condition que d’autres soient eux aussi disposés à aller de l’avant et fassent montre de la même souplesse.

Si nous empruntons la voie que j’ai indiquée parmi les différentes possibilités, cela représenterait, dans des circonstances favorables, un changement radical par rapport à notre offre initiale, à savoir une réduction tarifaire agricole de 39% en moyenne, ce qui est déjà nettement supérieur aux réductions acceptées lors du cycle de l’Uruguay. Il s’agirait des plus grandes réductions tarifaires agricoles jamais décidées dans le cadre de négociations commerciales multilatérales. Personne ne pourrait qualifier cette baisse de «Doha allégé». À cela s’ajoutent les réductions des subventions résultant des réformes européennes, qui verraient les producteurs de l’UE se retirer de façon spectaculaire des principaux marchés d’exportation mondiaux, tels que le lait et la volaille, et la contraction du marché céréalier européen, compte tenu de la baisse de la demande en aliments pour animaux. Tous ces facteurs réunis donnent un nouveau dispositif qui favorise l’accès au marché pour les exportateurs agricoles compétitifs, tels que les États-Unis, l’Australie et d’autres membres du groupe de Cairns. Il se pourrait ainsi que l’agriculture européenne perde jusqu’à 20 milliards de dollars par an.

Considérer comme certains l’ont fait ces pertes comme négligeables, soit s’apparente à une position de négociation rudimentaire, soit est dû au fait que les calculs nécessaires n’ont pas été effectués. En contrepartie de ces baisses, l’UE attend des États-Unis qu’ils réduisent eux aussi les subventions qu’ils accordent à leurs agriculteurs, lesquelles faussent les échanges internationaux, que les pays en développement considèrent aujourd’hui, et avec raison, comme la condition et le catalyseur indispensables si l’on veut parvenir à la réalisation d’un accord final à l’issue du cycle de Doha.

Les États-Unis ont proposé des baisses significatives des subventions faussant les échanges de ladite «boîte orange», qui passeraient de 19,1 à 7,6 milliards de dollars. Cette mesure semble correcte, et nous devons nous en féliciter. En revanche, les États-Unis ont également proposé une augmentation des sommes qu’ils sont autorisés à affecter à d’autres catégories de subventions faussant elles aussi les échanges, tout en rejetant l’idée de réformer directement ces programmes de subvention, afin qu’ils ne soient plus à l’origine de distorsions de la concurrence. Si l’on réunit les trois types d’aide faussant les échanges que les États-Unis souhaitent maintenir, on arrive en fait à un nouveau plafond potentiel de 22,7 milliards de dollars, somme en fin de compte supérieure à ce que les États-Unis dépensent à l’heure actuelle.

Autrement dit, au terme de la période de mise en œuvre de Doha, les aides faussant les échanges versées aux agriculteurs américains pourraient en réalité s’accroître, si la proposition américaine qui remonte à octobre dernier devait être acceptée. Il est compréhensible que les partenaires commerciaux des États-Unis aient jugé les propositions de ceux-ci inacceptables, d’autant que les États-Unis exigent des réductions draconiennes de leur part, tant en termes de subventions qu’en termes de droits de douane. Les pays en développement insistent à juste titre sur une réduction réelle des subventions américaines, demande à laquelle se rallie l’UE. À moins que les États-Unis ne reviennent sur leur position, les pays en développement, tels que le Brésil et l’Inde, refuseront d’ouvrir davantage leurs marchés aux biens industriels et services, ce qui constitue l’objectif principal de l’accord auquel nous nous efforçons d’aboutir.

Le chemin menant à la conclusion de cet accord sera jalonné d’embûches. Il ne faut pas sous-estimer les difficultés qui ne manqueront pas de survenir au cours des négociations qui s’annoncent avec les pays en développement, s’agissant des droits sur les produits industriels. Cependant, c’est l’agriculture, l’habituelle pierre d’achoppement, un secteur qui ne représente en réalité qu’une infime partie des échanges commerciaux entre les pays en développement et les pays développés, qui empêche les parties aux négociations de Doha de s’accorder sur le commerce de produits manufacturés et de services. Et c’est pourtant là que résident en grande partie les éventuels avantages économiques à retirer de ce cycle de négociations.

Nous ne parviendrons à clore le cycle de Doha que si toutes les parties impliquées tentent d’imposer un résultat pour ses mérites dans tous les secteurs des négociations. C’est-à-dire non seulement en matière d’agriculture et de droits agricoles, mais également en matière de produits industriels, de services et de réglementation. Chaque acteur doit comprendre qu’un objectif ambitieux, qui reste réaliste et réalisable, loin d’être un «Doha allégé», induirait en fait un remaniement nettement plus radical des politiques agricoles et créerait de nouveaux flux commerciaux de biens et de services d’une ampleur jamais atteinte lors des cycles commerciaux précédents. En d’autres termes, de très nombreuses propositions ont déjà été faites, ainsi que M. Lamy n’a cessé de le répéter.

Les pertes qui résulteraient d’une impasse prolongée - soyons clairs - frappent les pays en développement avant tout. Ce sont eux qui voient passer sous leur nez les nouvelles perspectives commerciales. Et plus important encore, ils risquent d’être les grands perdants de l’affaiblissement du système multilatéral d’échange. Nous autres Européens, nous efforcerons au maximum, dans chaque cas de figure, de prendre la défense des pays en développement les plus faibles et les plus vulnérables, sans chercher à diviser les membres de l’OMC. En particulier, nous tiendrons nos promesses concernant l’aide au commerce et poursuivrons dans la voie tracée.

Certains se demanderont pourquoi cette suspension de l’ADD va affecter notre position en matière de politique commerciale dans son ensemble.

Je leur répondrai que notre engagement vis-à-vis de Doha demeure crucial. Rien ne peut remplacer l’OMC. En premier lieu parce que cette organisation repose sur le principe d’égalité et sur l’État de droit, et non pas sur le simple rapport de forces pur et dur. Deuxièmement, certains avantages ne sont possibles que dans un contexte multilatéral, comme de nouvelles disciplines en matière de subventions sur les plans de l’agriculture et de la pêche, un nouvel accord sur la libéralisation des échanges, de nouvelles disciplines pour les instruments anti-dumping ainsi que l’élaboration de règles plus claires et de meilleure qualité pour les accords commerciaux régionaux. Autant d’exemples de domaines dans lesquels les accords bilatéraux, quel que soit leur nombre, ne pourraient même pas approcher un tant soit peu le niveau d’amélioration et de renforcement du système de règles commerciales que nous cherchons à établir. Troisièmement, il s’agit du seul forum de négociation permettant aux pays en développement les plus petits de peser ensemble de tout leur poids politique.

Enfin, le système de règlement des différends en lui-même constitue l’une des pierres angulaires de l’OMC et une caractéristique unique en droit international. Il ne fait aucun doute que l’ébranlement de la confiance dans le régime multilatéral des échanges dans son ensemble finirait par affecter de manière critique ce système de règlement des différends.

Par conséquent, les accords bilatéraux et régionaux ne représentent pas une alternative acceptable aux négociations multilatérales, mais plutôt un train de mesures supplémentaires ou complémentaires qui permettent de s’attaquer de manière plus énergique aux obstacles tarifaires et non tarifaires, ainsi que d’établir des disciplines dans des domaines pour lesquels les membres de l’OMC ont décidé - pour l’instant du moins - de ne pas négocier dans le cadre du système multilatéral, qu’il s’agisse des règles en matière de concurrence, des marchés publics ou de l’étendue du travail.

Ce qui m’amène à aborder plusieurs cas de négociations. Certaines sont déjà en cours, tandis que d’autres seront lancées, dès que les conditions seront réunies. Mercosur, le CCG et l’Amérique centrale font partie du premier groupe, l’Ukraine, l’Inde, la Corée et les pays de l’ANASE figurant dans le groupe des éventuels partenaires pour de nouvelles initiatives.

Permettez-moi de conclure en réaffirmant en mon nom et au nom de la Commission notre ferme engagement dans la recherche d’une issue favorable au cycle multilatéral et notre volonté de collaboration étroite avec vous, les députés européens, dans cette voie. Telle est et telle demeure ma priorité.

En outre, la Commission présentera prochainement deux brèves communications, l’une, prévue en octobre, sur les aspects extérieurs de la compétitivité européenne et l’autre sur les relations commerciales avec la Chine. Elles aborderont également d’autres questions clés concernant notre future politique commerciale. Je tiens à en parler avec vous au cours des semaines à venir, et il me tarde de le faire. Je pense que nous devons continuer de collaborer à l’avenir, et de faire équipe, comme nous l’avons fait par le passé, pour l’Europe, mais également dans l’intérêt de l’économie mondiale et, en particulier, celui des pays en développement les plus démunis.

(Applaudissements)

 
  
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  Georgios Papastamkos, au nom du groupe PPE-DE. - (EL) Monsieur le Président, il est certain que l’échec des négociations concernant l’agenda de Doha va coûter cher et même très cher si l’arrêt devient définitif.

Ces coûts résulteront, entre autres:

Premièrement, de la perte des revenus - pour l’économie mondiale, le développement et l’emploi - que le succès des négociations aurait générés.

Deuxièmement, du ralentissement des progrès dans certains secteurs d’activités particulièrement importants pour les pays en développement.

Troisièmement, de la perte de crédibilité de l’Organisation mondiale du commerce elle-même.

Je pense que le danger associé à un échec total est bien plus grand que le danger associé à la conclusion d’un accord global éventuellement moins ambitieux, même si l’Union ne peut accepter pour autant un accord à tout prix.

L’Union européenne a maintenu une position constructive et responsable. Elle a déposé des propositions remarquables et abandonné plusieurs de ses objectifs dès le début du cycle. Pour un résultat équilibré, tout retour à la table des négociations dépendra donc de la flexibilité des autres principaux partenaires commerciaux.

Le groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens continue de prôner le multilatéralisme. L’engagement dans un système commercial multilatéral contribue pour beaucoup à la sécurité, à la transparence et à la stabilité du commerce international. Il contribue également à renforcer l’interdépendance économique dans le domaine de la coopération politique internationale. La suppression du multilatéralisme pourrait entraîner des conflits commerciaux sectoriels et la réapparition de bastions commerciaux régionaux.

Par conséquent, comme l’ont souligné le commissaire et le président de notre commission, l’Union doit privilégier l’option et maintenir la priorité d’un aboutissement des négociations commerciales multilatérales. Parallèlement, nous devons renforcer des stratégies supplémentaires de relations bilatérales et interrégionales avec d’autres partenaires importants.

Selon moi, l’objectif de stabilité du système commercial mondial exige de réactiver et de vérifier le lien entre interdépendance commerciale et responsabilité commune de l’Union européenne et des États-Unis d’Amérique.

Avec M. Barón Crespo devant moi et la victoire de son pays sur la Grèce au championnat du monde de basket-ball en tête, je suggère de croire jusqu’au bout au succès de ces négociations plutôt que d’envisager leur échec définitif.

(Applaudissements)

 
  
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  Harlem Désir, au nom du groupe PSE. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, la suspension des négociations du cycle de Doha est d’abord l’échec d’une promesse, celle d’un rééquilibrage des règles commerciales au bénéfice des pays en développement. Elle marque le triomphe des intérêts étroits de certains pays sur l’intérêt général de la communauté internationale et, comme le président de la commission du commerce international, nous pensons évidemment tous à ces élections de mi-mandat qui vont intervenir aux États-Unis.

Elle ouvre d’ores et déjà la voie à une remise en cause du système multilatéral comme cadre principal des négociations commerciales et à un repli vers des négociations bilatérales plus déséquilibrées, défavorables aux pays les plus pauvres et, en particulier, aux petits pays, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, Monsieur le Commissaire. Et elle laissera en l’état le système multilatéral, qui ne disparaîtra pas, alors qu’il s’agissait de commencer à le réformer et à le rendre plus compatible avec les objectifs du développement et avec les autres règles de la communauté internationale: la nécessité de prendre en compte les objectifs de santé publique, et d’environnement, et demain - nous l’espérons également - la dimension sociale de la mondialisation.

Les principaux perdants de cette suspension du cycle de négociation seront les pays en développement et, parmi eux, plus particulièrement, les pays les moins avancés. Quelles qu’en soient les insuffisances, les limites, ce qui était sur la table, ce qui était proposé en particulier par l’Union européenne, qui allait souvent, d’ailleurs, dans le sens de ce que demandait notre Parlement, sera mis en danger, sera perdu: la suppression des subventions aux exportations d’ici à 2013, l’accès libre de droits et de quotas des produits des PMA aux marchés des pays développés, même s’il restait le problème de ces 3% de lignes tarifaires que demandaient un certain nombre d’autres pays industrialisés, un accès accru aux marchés des pays industrialisés pour l’ensemble des productions agricoles des pays en développement, même si les propositions américaines sont très insuffisantes, le traitement de la situation des producteurs de coton, le paquet d’aide au commerce, la modification de l’accord ADPIC pour l’accès aux médicaments.

Je me réjouis, Monsieur le Commissaire, que vous nous annonciez que vous allez reprendre votre bâton de pèlerin, rencontrer à nouveau le G20 et les États-Unis et essayer de trouver les voies d’un retour à la table des négociations. Je crois que l’on ne doit pas accepter d’enterrer le cycle de Doha. Quelles que soient les difficultés que va poser l’expiration de cette autorisation de négocier donnée à l’administration américaine par le Congrès, il ne faut pas accepter que l’on mette purement et simplement à la poubelle les engagements qui avaient été pris, les promesses qui avaient été faites, et je me réjouis que vous nous ayez affirmé que l’Union européenne, quant à elle, maintiendra ses engagements et ses promesses.

Et puis peut-être devons-nous revenir tout simplement au cœur de ce cycle et rappeler à nos partenaires des pays industrialisés que nous savions qu’il ne se fonderait pas sur la réciprocité, que nous savions que nous aurions à offrir davantage en matière d’accès aux produits agricoles que ce que nous obtiendrions en matière de tarifs industriels et d’ouverture des marchés et des services. L’Europe doit continuer à promouvoir le système multilatéral; sans doute doit-il être réformé pour rester un cadre de confiance entre pays en développement et pays développés, mais c’est dans le cadre de ce système multilatéral que les pays en développement pourront continuer de se faire entendre au travers du G20 et du G90, et que les règles du commerce pourront être rendues plus compatibles avec les objectifs d’éradication de la pauvreté et avec l’ensemble des autres règles du système multilatéral.

(Applaudissements)

 
  
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  Johan Van Hecke, au nom du groupe ALDE. - (NL) Monsieur le Président, l’agenda de Doha a-t-il définitivement capoté? C’est ce que de plus en plus d’observateurs semblent dire. Surtout depuis Hong Kong, il y a neuf mois, aucun progrès n’a été accompli, et en juillet les négociations ont été suspendues sine die. Comme le commissaire et la plupart des députés de cette Assemblée, je refuse cependant de croire que ce soit là le commencement de la fin. Car l’enjeu est, après tout, énorme. Un échec total pourrait entraîner l’effondrement du système commercial multilatéral, avec toutes les conséquences que cela comporte.

L’échec d’un accord commercial global augmente en effet le risque que de plus en plus de pays recourent à des accords bilatéraux ou régionaux, ce qui, dans tous les cas, placera les pays pauvres dans une position encore plus faible. De plus, l’interruption des négociations pourrait provoquer une augmentation du nombre de conflits commerciaux. Certains membres de l’OMC tenteront alors une action en justice dans le but d’obtenir ce qu’ils ne sont pas parvenus à obtenir par un accord. Mais il y a plus grave, comme la Commission l’a souligné: tôt ou tard, la raison d’être même de l’OMC sera remise en question. Il est dès lors plus que jamais nécessaire de rendre l’OMC plus transparente et de renforcer sa légitimité démocratique.

De l’avis de notre groupe, il est essentiel que les pays riches et plus développés tentent de rapprocher leurs points de vue avant de poursuivre les négociations. Il est en effet totalement inutile d’organiser une autre grand-messe si les États-Unis et l’Union européenne ne règlent pas leur désaccord concernant l’offre de produits agricoles ainsi que dans d’autres domaines. Le Congrès américain a récemment applaudi à la position ferme adoptée par les négociateurs américains. Ce type de rejet mutuel des responsabilités ne contribuera pas à apporter des solutions constructives. Tous les acteurs clés, y compris l’UE, les États-Unis et le G20, doivent user de toute leur influence pour aboutir à un résultat.

En attendant, ce que l’on appelle l’acquis de Hong Kong doit rester intact. Tous les engagements en faveur du développement doivent être tenus. Qu’il y ait un accord ou non, l’UE ne peut revenir sur son intention d’abolir les subventions à l’exportation d’ici 2015. Parallèlement, tous les pays développés et les pays en développement les plus avancés doivent être invités à respecter l’initiative communautaire «Tout sauf les armes».

Le ton de cette résolution de compromis est volontariste et positif. Elle confirme notre foi en l’approche multilatérale de la politique commerciale, fondée sur la conviction sincère que l’éventuel échec de l’agenda de Doha pour le développement ne fera malheureusement pas de gagnants mais uniquement des perdants.

 
  
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  Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, le cycle de Doha a échoué et ce que vous nous présentez aujourd’hui, Monsieur le Commissaire, est une resucée de ce qui l’a conduit à l’échec. Vous dites que vous espérez que ce cycle sera néanmoins mené à terme, mais sur quoi basez-vous cet espoir? Vous dites que les pays en développement sont perdants et que l’impasse dans laquelle nous nous trouvons leur est plus préjudiciable qu’à d’autres, mais pour quelle raison les pays en développement et leur représentants ont-ils interrompu ces négociations? Peut-être ont-ils vu les choses autrement et ont-ils même été intelligents de ne pas poursuivre, parce que la libéralisation qui sous-tend vos pensées - cette libéralisation que vous voulez imposer - ne les a, de toute évidence, pas enrichis. Loin de remplir l’estomac des populations qui vivent dans ces pays, elle les a menées à l’endettement et n’a pas résolu le problème de la famine. C’est la première fois que ces pays s’associent et s’ils acquièrent un poids suffisant, face aux nations industrielles de l’Occident, pour faire échouer ce projet, la donne sera toute autre. Nous devons dès lors envisager de faire une autre offre.

Vous déclarez que la réduction des droits de douane proposée apportera 20 milliards d’euros à l’agriculture européenne, mais ces 20 milliards d’euros ne constituent-ils pas un surplus et - si cette réduction est opérée - ces 20 milliards d’euros ne bénéficieraient-ils pas au moins aux pays en développement ou ne serait-ce rien d’autre qu’une réduction des normes alimentaires? Sommes-nous en train d’acheter ces pays à un prix qui les maintiennent sous le seuil de pauvreté, avec pour conséquence l’effondrement de l’agriculture européenne?

Ce qu’il faut, c’est un accès au marché qualifié. L’accès au marché que vous proposez en échange d’un accès aux marchés des pays en développement pour des produits industriels et des services détruit leurs infrastructures et le développement fragile de leurs industries et commerces et ôte à notre agriculture toute chance d’exister, alors que nous avons d’urgence besoin de produire des denrées alimentaires. Qualité et accès au marché qualifié sont par conséquent indispensables pour permettre aux pays en développement d’atteindre nos niveaux de prix et normes et de développer leur économie.

L’accord sur le sucre a montré que les pays ACP qui ont pu fournir du sucre selon les conditions fixées ont vu leur économie se développer, tandis que les autres ont été contraints de le vendre aux multinationales à des prix inférieurs au seuil de pauvreté. Cette situation n’est pas près de changer.

Autrement dit, Monsieur Mandelson, faites une proposition convenable que ces pays puissent accepter, une proposition qui stabilise l’approvisionnement alimentaire et améliore la stabilité et la qualité du commerce et non une proposition qui, de manière générale, conduit à la perte des agriculteurs partout dans le monde. Selon moi, c’est la seule bonne approche multilatérale et chacun pourra en tirer profit d’une manière que ne permet certainement pas la libéralisation que vous proposez.

 
  
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  Helmuth Markov, au nom du groupe GUE/NGL. - (DE) Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, les négociations concernant l’agenda de Doha pour le développement ont échoué. Quelle était la finalité de cet agenda? Telle est la question clé. Était-ce seulement le commerce - le commerce pour le commerce - ou l’idée que le développement du commerce soit un facteur de développement? Car si c’est la seconde hypothèse, il reste de nombreux éléments à inclure dans les négociations. Il faudra notamment s’interroger sur la contribution du commerce, dans chaque pays, au relèvement des normes sociales, à l’amélioration de la protection de l’environnement et à l’augmentation de la qualité de vie. C’est une approche assez différente de la volonté primordiale d’ouvrir les marchés pour échanger des marges commerciales plus importantes car dans le second cas, il ne peut y avoir de réciprocité.

La solidarité, ce sont les plus forts qui viennent en aide aux plus faibles. Autrement dit, les pays plus développés doivent donner plus que ceux qui n’ont pas atteint ce même niveau de développement. Ce n’est pas seulement une question de quantité. L’approche est aussi qualitativement différente, sans parler de la prise de conscience que les pays qui n’ont pas encore développé leur propre marché doivent en avoir la possibilité avant de passer à autre chose. Il se peut donc que ces pays doivent garder leurs marchés fermés pendant un certain temps avant de pouvoir les ouvrir.

À quoi sert d’autoriser de nombreux pays en développement à exporter vers l’Union européenne s’ils n’ont pas de produits à exporter, pour la simple raison qu’ils ne peuvent même pas nourrir leur propre population? Or, en échange de cette autorisation, nous demandons à ces pays de bien vouloir ouvrir leurs marchés à nos services et à nos industries. Aucun accord ne sera possible tant que notre philosophie de négociation se résumera à cela et je parle ici en tant que fervent défenseur du système multilatéral.

Monsieur Mandelson, vous vous souvenez sans doute qu’à maintes reprises, je vous ai demandé si vous pensiez vraiment que les États-Unis sont intéressés par une conclusion multilatérale du cycle de négociations de l’OMC. J’ai toujours dit que je n’en étais pas convaincu. Les Américains peuvent en effet mieux défendre leurs intérêts s’ils ne sont pas liés par des accords multilatéraux. C’est pourquoi il est beaucoup plus important que l’Union européenne s’associe au G20. Nous devons envisager à nouveau cette solution en raison des profondes différences qui existent entre les pays du Sud.

Il ne peut être uniquement question d’ouvrir les marchés si cela a pour conséquence de mettre le marché européen à la merci de l’industrie agro-alimentaire brésilienne, qui est immense et dominée par trois familles. Cela n’aidera en aucune manière ces pays.

Je crois qu’il faut repenser notre approche. Nous voulons faire du commerce. Vous répétez sans cesse que nous voulons le libre-échange. Cette vision est sans aucun doute contestable sur un plan idéologique - je ne la partage pas -, mais laissons cela de côté pour l’instant. L’important n’est pas tant d’instaurer le libre-échange, mais de parvenir à un commerce équitable. Le commerce équitable est un commerce juste, et «juste» ne veut pas dire «égal». Si les mêmes critères sont appliqués à tous les types de pays pour la réduction des droits de douane et l’ouverture des marchés, nous obtiendrons un traitement égal, mais il ne sera pas juste.

Je vous invite à revoir le mandat qui vous a été confié. C’est cette approche-là qu’il faut adopter. Si vous voulez faire progresser le commerce, vous devez tenir compte de la situation propre à chaque pays et du niveau de développement atteint. C’est indispensable et prioritaire!

 
  
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  Seán Ó Neachtain, au nom du groupe UEN. - (EN) Monsieur le Président, je ne suis pas du tout surpris de voir capoter, une fois de plus, les négociations de l’Organisation mondiale du commerce. Cela fait quelque temps déjà que je réclame l’exclusion de l’agriculture de ces pourparlers. L’agriculture représente seulement 5% des échanges mondiaux. Et pourtant, l’échec des négociations est essentiellement imputable aux exploitations agricoles européennes. Pourquoi 5% des échanges devraient-ils paralyser les 95% restants? Il est temps de s’en souvenir.

J’ai participé au cycle de négociations de Doha qui s’est tenu à Hong Kong en décembre dernier et antérieurement aux pourparlers de Cancún, et une fois de retour j’ai informé le Parlement de la fausse impression qui est créée, à savoir que les pays en développement vont pouvoir bénéficier d’un accès plus vaste aux marchés européens. Rien n’est moins vrai. Pourtant, nous l’avons entendu proclamer une nouvelle fois aujourd’hui dans cet hémicycle. Les pays en développement ont peu à gagner d’un tel geste; en fait, l’UE accorde déjà la liberté d’accès à 50 pays figurant parmi les pays les moins avancés. Les véritables gagnants d’une trahison des agriculteurs irlandais seraient ainsi les barons du bœuf d’Amérique latine. Les vrais perdants de cette situation seraient les petits agriculteurs européens qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts. Ne nous y trompons pas.

Ainsi, d’après une récente étude menée auprès des consommateurs irlandais, seuls 25% de ceux-ci font confiance à la nourriture provenant de pays extérieurs à l’ UE, ce qui n’est pas surprenant. Ouvrir encore davantage le marché agricole européen remettra clairement en question la sécurité alimentaire et la traçabilité de la chaîne alimentaire. Sommes-nous prêts à ne rien savoir des aliments que nous donnons à manger à nos enfants, à la lumière des crises alimentaires telles que la maladie de la vache folle, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, ou encore la grippe aviaire? Sommes-nous prêts à accepter une approche globale s’agissant de l’utilisation de poudre d’ange et d’autres substances suspectes par les éleveurs brésiliens de bovins?

En Irlande, nous avons il y peu été les témoins de la disparition de l’industrie irlandaise du sucre. Ce sont les magnats du sucre brésiliens qui ont profité de la dernière réforme du sucre, alors que 4 000 cultivateurs de betterave sucrière irlandais y ont laissé leur source de revenus. En décembre dernier, j’ai pu voir à Hong Kong des agriculteurs coréens se battre pour sauver leur gagne-pain, actuellement menacé par les grands groupes transnationaux de céréales, qui négocient sous prétexte de vouloir aider les pays en développement. Ce qui est totalement faux. Il est clair que l’OMC échouera aussi longtemps que nous nous entêterons à jouer à la roulette russe avec nos réserves alimentaires et avec le gagne-pain des petits agriculteurs européens en général et irlandais en particulier. L’heure est à l’action. Il est temps de faire sortir l’agriculture une fois pour toutes du programme des négociations et il est temps de cesser de trahir les agriculteurs européens.

 
  
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  Bastiaan Belder, au nom du groupe IND/DEM. - (NL) Monsieur le Président, la suspension des négociations concernant l’agenda de Doha pour le développement est un très mauvais coup non seulement pour l’OMC, mais aussi pour toutes les parties aux négociations. L’OMC a perdu une partie de sa crédibilité, tandis que le commerce mondial a tiré profit de l’élaboration et de l’application de règles commerciales internationales. Craignant que les pays en développement fassent les frais de cette suspension, j’invite le commissaire Mandelson à suivre de près les intérêts de ces pays, sur le plan multilatéral et bilatéral.

En effet, l’absence totale de perspectives économiques en Afrique est un des facteurs qui amène un nombre croissant de personnes à chercher leur salut en Europe. Personnellement, j’ai des doutes quant à la composition du G20. Après tout, tout nouveau pouvoir économique doit aussi se traduire par une nouvelle responsabilité. J’ai également toujours soutenu l’appel de Susan Schwab - représentante des États-Unis pour les questions commerciales - invitant la Chine à prouver qu’elle est prête à endosser cette nouvelle responsabilité.

Monsieur le Commissaire, dans un entretien avec le magazine allemand Internationale Politik, vous vous êtes engagé à œuvrer pour remettre le cycle de Doha sur les rails. Pourriez-vous m’expliquer sur quoi repose votre optimisme, d’autant plus que vous avez indiqué que vous ne vous attendiez pas à ce que ces négociations soient terminées avant la fin de l’année? Avez-vous des raisons de penser que les Américains vont faire un geste d’ici là? En outre, je vous invite à nouveau à réfléchir très soigneusement à l’agenda européen après Doha. Cela pourrait être plus souhaitable que nous ne l’imaginons.

 
  
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  Maria Martens (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, il est extrêmement décevant que les négociations de l’OMC aient été suspendues sine die et cela m’inquiète particulièrement pour les pays en développement.

Comme nous le savons, l’objectif des négociations de l’OMC était d’améliorer la situation des pays en développement et chacune des parties impliquées devait y mettre du sien: l’Europe en ce qui concerne le régime tarifaire appliqué aux importations des produits agricoles, les États-Unis sous la forme d’un soutien interne aux agriculteurs, les pays en développement, comme le Brésil et l’Inde, en matière d’accès des produits industriels à leurs marchés, etc. Il est très triste qu’aucun progrès n’ait pu être accompli et il se pourrait qu’il faille attendre longtemps avant de nouvelles négociations.

Je ne désire pas blâmer l’une ou l’autre partie pour cet échec, car je sais qu’il est très difficile de négocier avec autant de monde autour de la table. Néanmoins, il faut dire que la manière dont a agi le commissaire n’a malheureusement pas conduit aux résultats escomptés et qu’il devient maintenant plus difficile pour les pays en développement de s’intégrer davantage dans l’économie mondiale.

J’apprécie toutefois que le commissaire ait exprimé plusieurs fois son engagement envers les pays en développement et je lui ferai tenir parole si je le peux. Nous ne pouvons changer le passé et il est donc important de regarder vers l’avenir, en particulier celui des pays en développement.

Durant le cycle de négociations, un accord de principe a été atteint sur plusieurs points essentiels pour les pays en développement, notamment l’aide au commerce, la suppression des droits de douane à l’importation pour les pays les plus pauvres, les facilités commerciales ainsi que le principe du traitement spécial et différencié. Ce qui aurait pu être un grand pas en avant relève aujourd’hui de l’aléatoire. Je comprends et approuve que le commissaire souhaite néanmoins faire progresser autant que possible ces accords, mais je me demande comment le commissaire entend s’y prendre dans ces domaines? Les engagements peuvent-ils encore être mis en œuvre, et si oui, comment?

Pour terminer, un mot sur les organisations de promotion des exportations (OPE) qui ont un lien avec l’OMC. Jusqu’à présent, nous n’avons vu arriver aucune proposition concrète et je souhaiterais que la Commission nous informe sur l’impact qu’a la suspension des négociations de l’OMC sur le développement des OPE? Le commissaire pense-t-il que, dans le cadre des négociations OPE, il est possible de faire un pas supplémentaire dans l’intérêt des pays ACP?

 
  
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  Erika Mann (PSE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, cela fait douze ans que j’ai le plaisir de siéger au Parlement et de suivre l’évolution de la politique commerciale. Au cours de cette période, j’ai vu trois commissaires s’atteler à cette tâche et je sais combien elle est difficile. Ce Parlement a suivi toutes les phases de ces négociations et a pu constater combien il est difficile de mener des négociations multilatérales et de comprendre ce que signifie une politique commerciale et une stratégie commerciale modernes.

Personnellement, j’ai des doutes quant à notre bonne compréhension de cette notion, même aujourd’hui. Je me rallie sur plusieurs points à ce que vous venez de dire et j’apprécie que vous ayez fait référence à la nouvelle communication de la Commission, «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée», qui nous parviendra sous peu. Cependant, j’ai parfois un regard plutôt sceptique sur notre autocritique et notre compréhension des changements survenus dans le monde.

Il est certes facile de critiquer les Américains - et les raisons ne manquent pas -, mais il importe également de mentionner que les pays en développement - dont le Brésil - ont aussi des raisons, déjà invoquées par certains députés, d’hésiter à approuver l’OMC. Un autre facteur réside peut-être aussi dans le fait que la Chine est devenue un partenaire commercial mondial, avec une influence plus grande dans des pays comme le Mexique, pour n’en citer qu’un, que dans l’UE ou aux États-Unis.

Les raisons sont donc multiples et je trouve parfois regrettable que le débat sur la politique commerciale moderne, à laquelle vous vous référez dans votre document, ne soit pas suffisamment profond. De même, nous n’avons pas suffisamment conscience du fait que les États membres de l’UE ont adopté des positions très différentes face aux défis de la globalisation. Certains sont très ouverts, parce qu’ils peuvent se le permettre, tandis que d’autres éprouvent des difficultés parce qu’ils n’ont entamé que très tard leurs réformes et leur transformation.

Cela ressort clairement du débat sur le secteur textile ainsi que du débat sur les mesures antidumping contre certaines importations de chaussures, et je pourrais citer beaucoup d’autres exemples. Très simplement, je ne nous vois pas réfléchir sérieusement à ce que nous entendons par «politique commerciale moderne».

Le rôle joué par la Chine doit faire partie de cette réflexion. Avons-nous vraiment compris ce que signifie l’adhésion de la Chine à l’OMC? Si vous envisagez une adhésion de la Russie, Monsieur le Commissaire, nous vous enjoignons d’en discuter avec nous. Je regrette l’absence de débat sur les effets et les conséquences d’une telle décision et suis donc favorable à la tenue d’un tel débat. C’est une chose que ce Parlement soutient depuis 2002, lorsque qu’il s’est également déclaré favorable aux négociations avec l’Asie. Pourtant, selon moi, la discussion avec le Parlement et avec la commission compétente manque de profondeur.

Je voudrais avoir un débat sur ce qu’impliquerait notre participation aux négociations concernant les accords AGCS+ dans le cadre de l’agenda bilatéral. Ici également, je vous donne raison, mais je souhaiterais pouvoir en discuter.

Si nous voulons parler de politique commerciale moderne, je pense qu’il est nécessaire d’impliquer pleinement le Parlement, pas uniquement au moment d’approuver le résultat de négociations, mais dès le départ, lorsque ces négociations sont envisagées.

La Commission, le Conseil et le Parlement, réunis à Stuttgart, ont déjà négocié une déclaration, et le Parlement y a été pleinement associé, ou du moins très largement. Je vous recommande de faire la même chose ici et j’espère que vous marquerez votre accord sur ce point.

 
  
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  Sajjad Karim (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, la suspension sine die du cycle de Doha compromet dangereusement notre économie mondiale. Elle menace la parité et la prospérité des pays en développement, l’emploi, la croissance et la sécurité en Europe, ainsi que l’avenir du système commercial multilatéral lui-même. Une nouvelle fournée d’accords bilatéraux et régionaux discriminatoires pourrait se substituer à la libéralisation mondiale, érodant au passage le système multilatéral de l’OMC qui s’inscrit dans un cadre réglementaire.

Alors que certains pourraient dire que mieux vaut pas d’accord du tout qu’un accord défavorable aux pays en développement, sans la protection de l’OMC - comme vous l’avez dit, Monsieur le Commissaire - ces accords bilatéraux pourront être utilisés, notamment à mauvais escient, dans la lutte unilatérale pour la domination des marchés. En cas d’échec du cycle de négociations, le protectionnisme viendra occuper le vide créé, l’élan en faveur de la réduction tous azimuts des entraves commerciales étant stoppé; l’économie mondiale ralentira et les déséquilibres commerciaux à l’échelle de la planète s’accentueront encore davantage; les marchés financiers deviendront plus instables tandis que la coopération économique internationale s’effritera davantage. Avec l’érosion du système de l’OMC, les spéculations concernant la forme d’un éventuel «plan B» vont bon train: tantôt une zone de libre-échange englobant l’est de l’Asie; tantôt la proposition du Japon d’établir un partenariat économique panasiatique global incluant l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Quelle que soit l’option retenue, un nouveau bloc asiatique verrait le jour, qui, aux côtés de l’Union européenne et de l’ALENA, donnerait naissance à un monde tripolaire avec toutes les instabilités inhérentes.

La Commission convient-elle de l’urgence d’un plan B afin de remettre sur les rails la politique commerciale mondiale et pour que l’UE joue un rôle clé dans le façonnement de l’ordre commercial mondial? La Commission reconnaît-elle qu’une telle stratégie doit poursuivre trois grands objectifs: donner une nouvelle impulsion au cycle de Doha, proposer une alternative ambitieuse afin de relancer le processus de libéralisation sur la base la plus large possible en cas d’échec de la poursuite de notre premier objectif, et contrer la prolifération d’accords préférentiels entre petits groupes de pays?

En de multiples occasions, je me suis retrouvé face à vous, Monsieur le Commissaire, pour m’attarder sur toutes ces tentatives de se renvoyer la balle, tentatives qui freinent toute avancée. Il est temps de mettre ces accusations de côté. L’initiative «Tout sauf les armes» montre que l’UE peut faire le bien autour d’elle, mais nous pouvons et devons faire mieux avant que le mandat américain n’arrive à son terme et, avec lui, la possibilité que nous avons d’éradiquer la pauvreté et de répartir équitablement les fruits de la mondialisation.

 
  
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  Vittorio Agnoletto (GUE/NGL). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les résultats obtenus jusqu’à présent dans les négociations sur l’agenda de Doha et le résultat de l’accord ADPIC sur l’accès aux médicaments ont des effets désastreux sur le niveau de vie de millions d’être humains. Il est assez clair que le slogan «libre-échange = réduction de la pauvreté» n’était qu’un appât pour persuader les pays du Sud les plus pauvres du monde à souscrire aux attentes des pays industrialisés.

La vraie raison de la suspension des négociations de l’OMC est qu’il était impossible de parvenir à un accord entre les six principales nations, toutes déterminées à défendre les intérêts de leurs industries agro-alimentaires. Les 143 autres pays étaient exclus de ces négociations. Selon la FAO, la rupture est due au fait que toutes les discussions se sont focalisées sur le libre-échange et non sur le commerce équitable. Mieux vaut ne pas avoir d’accord qu’un mauvais accord!

La suspension des négociations va peut-être fournir l’occasion de réviser le mandat de négociation de la Commission, lequel devrait se concentrer sur les éléments suivants: 1) une réforme de l’OMC qui rende cette organisation plus transparente, plus globale et plus démocratique, intégrée dans le système des Nations unies et liée dans ses décisions par le cadre du droit international; 2) une révision des trois accords inscrits à l’ordre du jour, à savoir, l’agriculture, les droits de propriété intellectuelle et les services; 3) l’élaboration d’un cadre de référence obligatoire pour les activités des entreprises transnationales; 4) le conditionnement du libre-échange au respect des droits de l’homme en s’assurant que la clause droits de l’homme, approuvée par le Parlement le 14 février, est observée; 5) le refus que des règles adoptées dans le cadre d’un accord multilatéral soient contournées par des accords bilatéraux ou régionaux, par exemple, lors de négociations APE avec les pays ACP.

 
  
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  Daniel Varela Suanzes-Carpegna (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, la question orale posée par notre commission du commerce international est très pertinente et opportune. Le Parlement européen ne peut détourner le regard alors que ces négociations si importantes au niveau multilatéral et qui avaient suscité tant d’espoirs de voir naître un commerce plus organisé, plus transparent, plus libre et plus équitable, sont suspendues.

Nous renvoyons à la proposition de résolution présentée par notre groupe pour ce qui concerne les éléments concrets dont nous débattons ici. Nous tenons cependant à souligner qu’un échec du cycle de Doha pour le développement serait un échec pour le commerce international et pour le système multilatéral étant donné qu’il compromettrait la mise en œuvre de mesures telles que les préférences tarifaires et commerciales et entraînerait une multiplicité et un chevauchement de règles, ce qui complique la vie des entreprises.

Les véritables raisons fondamentales de cet échec doivent être révélées. Les États inflexibles qui ont entravé la négociation doivent être condamnés et nous ne devons pas renoncer à ces négociations. Elles doivent être reprises afin que nous puissions tirer parti des progrès déjà accomplis et mener à terme le cycle de Doha, dans l’intérêt d’une mondialisation plus équitable et dans l’intérêt de l’OMC elle-même. L’avenir même de cette organisation est en jeu et l’OMC pourrait sortir très affaiblie de cette crise. Une réflexion sérieuse est donc nécessaire et il importe d’actualiser, de moderniser et de démocratiser les mécanismes de fonctionnement de l’OMC.

Le Parlement européen doit continuer à jouer le rôle qui lui a été assigné par un suivi sérieux et rigoureux de la situation et par la promotion d’une solution permettant de sortir de l’impasse pour le bien de tous, mais surtout, comme d’autres l’ont dit, pour le bien des pays les moins avancés.

Monsieur le Commissaire, nous vous remercions pour votre présence aujourd’hui et pour les informations que vous nous avez communiquées. Comme d’autres orateurs l’ont déjà dit, vous savez que vous pouvez compter sur le Parlement dans vos efforts pour relancer ces négociations.

 
  
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  Javier Moreno Sánchez (PSE). - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, le ciel commercial s’est obscurci à Genève au mois de juillet. Malgré le rayon de soleil prometteur offert par le G8 quelques jours auparavant à Saint-Pétersbourg, l’humeur de certains négociateurs s’est assombrie et les négociations relatives à l’agenda de Doha pour le développement ont été suspendues sine die.

On suspend également des matchs de football pour cause de mauvais temps, mais ils sont finalement disputés lorsque le brouillard se lève ou que la tempête est passée.

La situation actuelle ne doit pas nous décourager ou saper la volonté politique de poursuivre sur la voie du multilatéralisme et du développement. Nous devons continuer à nous battre pour le maintien d’un système commercial international multilatéral avec des règles claires, transparentes et contraignantes, au sein duquel tous les pays, et en particulier les pays en développement, peuvent participer pleinement et dont ils peuvent tirer profit.

En cas d’échec, ce serait l’entrée dans la jungle du bilatéralisme, autrement dit, l’amplification de l’embrouillamini actuel causé par plus de 250 traités bilatéraux, la pénalisation des pays en développement et l’encouragement du darwinisme, du protectionnisme et de la discrimination. Nous ne pouvons pas faire marche arrière.

Monsieur le Commissaire, que va-t-il advenir des engagements et accords pris en décembre dernier à Hong Kong, notamment en matière de développement? Le concept de «l’Engagement unique» est-il toujours d’actualité dans la stratégie de la Commission? La suppression des subventions à l’exportation en 2013 est-elle maintenue? Quid des négociations relatives au coton? Quels sont les pays disposés à appliquer tous ces accords?

En outre, il a été dit à Genève que tous les négociateurs seraient perdants. Tous les citoyens, et en particulier ceux des pays les moins avancés, sont également perdants.

Quelles sont les initiatives prévues par la Commission pour expliquer aux citoyens que l’OMC n’est pas morte et qu’elle reste le meilleur instrument de régulation et de promotion d’un commerce international libre et équitable?

 
  
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  Godelieve Quisthoudt-Rowohl (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, bien que l’échec du cycle de Doha soit fondamentalement une mauvaise chose, toute crise est aussi une chance. Comme nous l’avons constaté ces dernières années, aller d’un cycle à l’autre et répéter que nous ne sommes pas satisfaits mais que nous poursuivons les efforts n’a pas été vraiment profitable. Par conséquent, le temps qu’il nous reste doit être, notamment, un temps de réflexion.

En théorie, nous sommes tous conscients que l’OMC, avec ses 150 pays membres, ne peut être gérée comme au début, lorsqu’elle en comptait 23. Pour quelle raison ne tirons-nous pas de conclusion particulière de ce constat? Pourquoi ne parvenons-nous pas non plus à analyser quels sont, globalement, les intérêts de l’Europe et quelle est notre position commerciale dans les différents secteurs? Il ne suffit pas de dire que l’agriculture représente seulement 2 ou 3% du volume total des échanges si ces chiffres concernent en fait les grandes régions de l’Union européenne et pourraient modifier la structure de notre société. Il importe donc de développer une sorte de concept global. Cela vaut vraiment la peine d’essayer.

Les négociations de l’OMC et les négociations commerciales menées de manière disparate, selon le principe du «je te donne trois vaches et tu me donnes deux poissons en échange», ne servent plus à rien. Si les différences entre les pays ne cessent de s’accroître - comme vous l’avez dit vous-même, Monsieur le Commissaire -, pourquoi réfléchissons-nous encore en termes de catégories «multilatérales» ou «bilatérales»? Pourquoi ne pouvons-nous pas penser en termes - notamment - de catégories «multirégionales»?

Dans un monde nuancé comme le nôtre, nous ne pouvons appliquer la même mesure à chaque pays. Quel que soit notre attachement à la politique de développement - et j’y suis favorable -, l’Union européenne a également des obligations envers ses citoyens.

Ce qui importe surtout - comme l’a démontré cet échec -, c’est d’impliquer plus fortement les parlements dans ces cycles de négociation. Qu’un parlement ait la possibilité de donner ou de refuser son approbation à la fin, ne suffit pas. Puisque nous déplorons que les citoyens ne soient pas impliqués dans les négociations, donnons au moins à leurs représentants le droit d’y être présents et d’être, à tout le moins, consultés puisque c’est nous qui, au bout de compte, devrons fournir des explications aux électeurs.

 
  
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  Margrietus van den Berg (PSE). - (NL) Monsieur le Président, lorsque le cycle de Doha s’est temporairement arrêté fin juillet, nous avions déjà accompli de petits pas vers le commerce équitable. Il a été convenu que toutes les subventions à l’exportation des produits agricoles seraient abolies en 2013 et que les États-Unis et le Japon suivraient les traces de l’UE en garantissant aux pays les moins avancés le libre accès au marché pour 97% de tous les produits. Un accord est également intervenu sur un vaste train de mesures d’aide au commerce. Enfin, les Américains avaient notifié leur intention de commencer à abandonner progressivement leur soutien au secteur du coton.

Après cinq ans de négociation, il s’agissait d’un résultat durement acquis, mais il manque naturellement la signature et, comme je l’ai déjà dit, je pense que les pays les plus pauvres ne doivent pas en faire les frais. Il est tout simplement crucial que ces mesures soient mises en œuvre si nous voulons atteindre les objectifs du millénaire d’ici 2015.

En réponse à ma question écrite, le commissaire a exprimé sa volonté de proposer un accord de frontloading sur ces mesures. Pourrait-il confirmer ici cet engagement? Pourrait-il également confirmer que l’UE est disposée à supprimer les subventions à l’exportation en 2013, si nécessaire de manière unilatérale?

Parallèlement, ne partage-t-il pas mon point de vue qu’une mesure de frontloading de ce type pourrait également aider à remettre les choses sur les rails pour les pays les moins avancés? Je reste persuadé que si des accords sont passés bilatéralement, multilatéralement, régionalement ou de toute autre manière entre les parties les plus puissantes, ce seront en particulier les pays les plus faibles qui seront perdants. Le commissaire l’a déclaré lui-même à plusieurs reprises et c’est pourquoi il a totalement raison de dire que puisque ces pays ne doivent pas faire les frais de ces accords, nous devons nous engager dès maintenant par rapport à cet accord commercial multilatéral.

Il ne faut pas que la lutte contre la pauvreté soit victime du blocage des négociations. Si nous ne pouvons pas sauver le cycle de négociations commerciales mondiales, sauvons au moins les objectifs du millénaire.

 
  
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  Jean-Pierre Audy (PPE-DE). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, voici que la lumière se fait enfin sur l’hypocrisie qui règne en matière de commerce international sur cette planète, dans le dialogue entre les copieurs, les menteurs et les voleurs. Si la situation n’était pas aussi dramatique, tout le monde serait soulagé que les loups sortent du bois à visage découvert et que les apprentis sorciers réapprennent la fable de l’arroseur arrosé.

Vous avez raison, cher Commissaire Peter Mandelson, de boycotter la réunion de Canberra, en Australie, prévue dans une quinzaine de jours, car il ne faut pas enterrer l’Organisation mondiale du commerce aussi rapidement que cela. La situation est grave car les gouvernements ont apporté la preuve de leur incapacité à gérer le bien commun commercial mondial et, pire, à aboutir à un agenda en matière de développement.

Je souhaiterais vous faire part de quelques réflexions et d’une proposition. En ce qui concerne l’agenda de Doha, n’aurait-on pas intérêt à prendre acte de la partie relative au développement au sein de laquelle il existe un consensus et à laisser de côté la réforme du commerce international le temps que les pays en voie de développement adoptent des normes sociales et environnementales qui permettent une concurrence mondiale loyale.

Ma seconde réflexion porte sur l’agriculture. L’Union européenne devrait stopper toute concession future dans l’attente de ce que sera l’agriculture de demain, après 2013, compte tenu notamment des grandes évolutions que les biotechnologies nous offrent et des problèmes d’alimentation humaine qui, inévitablement, se poseront.

La question est la suivante: pouvez-vous nous assurer, Monsieur le Commissaire, que la politique agricole commune qui fonctionne actuellement après la réforme de 2003 est compatible avec les règles actuelles de l’OMC et que nous ne risquons pas d’être perdants dans un contentieux soumis au jugement de l’organe de règlement des différends?

Enfin, et face à l’incapacité des exécutifs à s’entendre sur le commerce international, je propose qu’une initiative parlementaire ait lieu sans délai sous l’égide de l’union interparlementaire mondiale et de notre Parlement européen. Cette initiative consisterait à interroger les représentants légitimes des peuples sur ce dossier et à adresser aux exécutifs une recommandation quant au chemin à emprunter pour régler les grands désordres actuels du commerce international.

 
  
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  Glenys Kinnock (PSE). - (EN) Monsieur le Président, comme l’a dit, entre autres, le commissaire, la réorganisation de la politique agricole demeure incontestablement la condition sine qua non, si nous voulons faire sortir des millions d’agriculteurs africains, asiatiques et sud-américains de la pauvreté.

D’un point de vue réaliste, Monsieur le Commissaire, tant que nous, habitants des pays riches, n’aurons pas répondu de façon adéquate à la nécessité de mettre en place un accès meilleur et plus équitable à nos marchés, la conclusion d’un accord plus vaste sur les biens industriels et les services ne demeurera qu’une vaine chimère. Le passage à des accords commerciaux régionaux serait, comme certains et vous-même l’avez dit, un énorme pas en arrière et saperait le principe fondamental de non-discrimination. De tels accords excluraient la majeure partie des pays les plus pauvres du monde, y compris les pays ACP, qui sont bien entendu par définition des pays généralement petits, vulnérables et d’un poids économique négligeable.

Avant de reprendre les négociations, Monsieur le Commissaire, les pays riches doivent traiter la question des subventions et du dumping, en particulier dans le domaine du coton. De même, il convient de prendre de toute urgence une décision en matière d’aide au commerce, avec de nouveaux fonds et sans aucune contrainte.

En outre, l’aspect essentiel de la vitesse et de l’ampleur de l’ouverture des marchés pour les pays en développement, ainsi que du traitement spécial et différencié et de la protection tarifaire, doit être compris clairement pendant la phase préparatoire.

Quelqu’un a mentionné le risque que l’OMC ne soit submergée de plaintes commerciales, et selon moi il faudrait procéder à une réforme approfondie du mécanisme de sanction, qui aujourd’hui ne se met en marche que lorsque le plaignant est un protagoniste de poids. Les pays ACP tributaires des produits de base l’ont appris à leurs dépens.

«Se maintenir hors de l’eau ou couler»: la différence tient quelquefois à un fil. Un accord multilatéral est capital. Les accords régionaux bilatéraux ne sont pas ce que nous recherchons.

Une tâche formidable vous attend, Monsieur le Commissaire, une tâche qui testera sévèrement vos compétences diplomatiques et vos capacités de recherche de consensus, ainsi que celles des autres. Bonne chance!

 
  
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  Mairead McGuinness (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, j’ai toujours été étonnée par l’optimisme affiché par le commissaire tout au long de ces pourparlers. Nous étions nombreux à les croire voués à l’échec dès le début, en particulier parce que l’UE a fait trop de concessions trop tôt, contrairement aux États-Unis qui ont fait des concessions minimes au début du processus pour camper ensuite sur leurs positions.

Les protagonistes se sont trop concentrés sur l’agriculture, comme vous l’avez déclaré vous-même, Monsieur le Commissaire. Nombreux sont ceux qui imputent aujourd’hui l’échec apparent des négociations à l’agriculture. On attendait trop de Doha en matière d’éradication de la pauvreté dans les pays pauvres. J’ai déjà affirmé dans cet hémicycle que les pauvres sont invoqués bien trop souvent dans de trop nombreuses négociations. Leurs intérêts n’ont pas été servis au mieux pendant les pourparlers qui se sont tenus jusqu’à ce jour.

Le prix à payer pour l’agriculture européenne et les consommateurs européens en termes d’approvisionnement alimentaire est gigantesque - comme vous nous l’avez exposé ici ce matin -, soit une réduction de 20 milliards de dollars par an. Je me demande si nous pourrions mettre des noms et des visages sur cette baisse. Nous nous retirons des marchés du lait, de la volaille et des céréales, sans oublier le bœuf. Je ne connais pas beaucoup d’agriculteurs pauvres qui en bénéficieront. Par contre, j’en connais beaucoup au sein du G 20 qui ne sont pas démunis et qui en profiteraient énormément. Selon moi, pas d’accord du tout vaut mieux qu’un mauvais accord.

S’il est vrai que les pauvres de ce monde ont besoin de nourriture et d’eau potable - et nous savons que tel est le cas, ce n’est pas Doha qui allait les leur fournir. Je suis désolée de devoir dire cela, mais c’est la réalité. Nous devons ajouter à cette constatation la véritable menace qui plane sur l’Union européenne. Nous avons élevé les normes relatives à la production alimentaire; des questions se posent dans les domaines environnemental et animal. Points qui ne se sont jamais retrouvés à l’ordre du jour de Doha. Par conséquent, le commerce équitable à l’échelon de la planète pour tous les agriculteurs n’aurait jamais pu être mis en œuvre.

J’ai quelques questions à poser au commissaire, dont l’une est très spécifique. Je répondrai à la première moi-même: les échanges mondiaux - le libre échange - vont-ils permettre un approvisionnement en nourriture suffisant au niveau mondial? Je ne le pense pas. Nous devons surveiller la production alimentaire, à l’instar de l’énergie, qui nous préoccupe à l’heure actuelle. Enfin, qu’en est-il des réformes de la PAC? Les propositions sont sur la table et nous devrons faire davantage de concessions. Pouvons-nous résumer notre approche comme suit: avoir cédé trop, et trop vite?

 
  
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  David Martin (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je ne suis pas du tout d’accord avec ce que l’oratrice précédente, Mme Guinness, a affirmé au sujet des nécessiteux. L’alternative à un cycle de Doha réussi fait malheureusement déjà son apparition. Il s’agit d’un retour en arrière vers un monde fait d’accords bilatéraux inégaux et fermés: des accords qui forcent déjà la main aux pays pauvres pour qu’ils acceptent un cadre moins rigide pour l’accès au marché et les droits de propriété intellectuelle; des accords qui abandonnent les pays les plus pauvres à leur triste sort. Je pense que nous pouvons encore, et que nous devons redoubler d’efforts pour garantir la clôture d’un cycle qui porte vraiment sur le développement. Cela prendra du temps. À court terme, comme d’autres l’ont dit, nous devons sauver les acquis de Hong Kong: l’accord historique visant à mettre un terme aux subventions à l’exportation d’ici 2013, un accès sans droits de douane ni quotas pour les pays les plus pauvres, calqué sur l’initiative pionnière de l’UE «Tout sauf les armes», ainsi qu’un engagement ferme en faveur de l’élargissement de l’aide au commerce, de manière à améliorer les capacités d’approvisionnement et les infrastructures commerciales dans les PMA.

Je tiens à féliciter le commissaire pour la souplesse dont il a fait preuve depuis l’effondrement du principe de l’unité des négociations, en cherchant à sauver l’ensemble des dispositions favorables au développement - une souplesse qui une fois de plus, j’en suis désolé, a fait défaut à nos partenaires à la table de négociation.

Alors que l’OMC est en train de faire le point sur la situation, le récent rapport de son groupe de travail sur l’aide au commerce arrive à point nommé. Il met en évidence le véritable besoin d’une aide supplémentaire basée sur la demande, d’une aide ciblée de manière à permettre aux pays les plus pauvres de participer au régime mondial des échanges. Même si l’aide au commerce ne peut pas se substituer à la réalisation du cycle de Doha, elle demeure néanmoins, pendant la période d’intervention, un outil important pour relever les défis techniques et logistiques auxquels ces pays sont confrontés au moment de lancer leurs marchandises sur le marché mondial.

L’échec prématuré des négociations de Doha et l’atmosphère de désillusion qui plane sur leurs objectifs signifient que l’aide au commerce n’a jamais été aussi pertinente du point de vue politique. Il est de l’intérêt de tous les pays, qu’ils soient des pays développés ou simplement en développement, d’engager des fonds dans un cadre multilatéral pour permettre à des investissements adéquats de se réaliser dans les infrastructures liées aux échanges commerciaux, ce qui permettra aux pays les plus pauvres de sortir de la pauvreté par le biais des échanges.

J’attends de l’UE - et de la Commission en particulier - qu’elle prenne l’initiative pour faire avancer ces questions.

 
  
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  Syed Kamall (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, nous comprenons tous très bien la difficulté et la complexité qui caractérisent les négociations de l’OMC et soutenons le commissaire et son équipe. Le marché proposé par l’UE était plus que correct; en contrepartie, nous attendions des offres sérieuses, malheureusement nous avons dû déchanter.

Il est temps que l’UE fasse preuve d’autorité morale et d’esprit d’initiative. La Commission a-t-elle réalisé une analyse coûts-bénéfices de l’élimination par l’UE de toutes ses subventions et de ses restrictions tarifaires à l’importation de produits agricoles et s’est-elle interrogée sur les avantages potentiels de ces deux mesures pour l’UE, les pays en développement et les négociations de l’OMC?

En Nouvelle-Zélande, les agriculteurs ont poussé les hauts cris lorsque leurs subventions furent abolies. Or, les agriculteurs de ce pays comptent parmi les plus efficaces de la planète, contraignant même d’autres blocs commerciaux à renforcer leurs droits de douane et les entraves à leurs produits.

Nous ne vivons plus dans l’Europe de l’après-guerre dont les habitants se souciaient, bien légitimement, de ce qu’ils allaient trouver dans leur assiette. Il ne fait aucun doute que nous devons faire entrer les agriculteurs européens dans le 21e siècle et faire preuve d’autorité morale lors de la fixation de dates limites pour la suppression des subventions et des droits de douane, de manière à ce que les pays moins développés puissent lancer leurs produits sur de nouveaux marchés. Les agriculteurs européens figureraient parmi les plus efficaces au monde et nous atteindrions l’objectif de la libéralisation des services, exportant les talents européens dans le monde entier.

 
  
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  Le Président. - Je vous remercie, Monsieur Kamall. Votre circonscription ne compte pas beaucoup d’agriculteurs, n’est-ce pas?

 
  
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  Kader Arif (PSE). - Monsieur le Président, chers Collègues, Monsieur le Commissaire, pour tous ceux qui sont attachés à la structure multilatérale, comme cela vient d’être rappelé, ce coup d’arrêt dans la mise en œuvre du programme de travail de Doha en faveur du développement, qui devait permettre de mettre les règles du commerce au service du développement, est une bien mauvaise nouvelle. En cas d’échec définitif, nous savons ce qui nous attend: une prolifération d’accords bilatéraux régionaux, toujours au détriment du plus faible. En somme, tout le contraire de nos objectifs, qui visent le rééquilibrage des règles du commerce international en faveur des pays en développement.

Ce cycle devait nous permettre d’assurer un partage plus équitable des bénéfices de la mondialisation et de prendre en compte les différences de niveau du développement, il devait offrir aux pays en développement un meilleur accès aux marchés sans forcer à tout prix l’ouverture de leur propre marché. Ces négociations présentaient, certes, des insuffisances mais elles assuraient également des avancées, qui ont été rappelées. Ces avancées, ces acquis méritent d’être sauvés et je me réjouis, à cet égard, de la volonté exprimée par le commissaire Mandelson. Cette volonté est indispensable, la relance des négociations est primordiale mais avancer, c’est aussi réformer, et la question de la réforme de l’OMC est aujourd’hui posée.

 
  
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  Panagiotis Beglitis (PSE). - (EL) Monsieur le Président, je tiens à dire d’emblée que j’approuve totalement l’approche et les commentaires du commissaire Mandelson. Il est évident que notre objectif fondamental doit rester la réussite des négociations concernant l’agenda de Doha. C’est dans l’intérêt de l’Union européenne et des États membres.

Cependant, ce ne peut être à n’importe quel prix, ni grâce à des concessions unilatérales de l’Union européenne.

Je pense que le temps est venu pour nous de répondre à une question cruciale d’importance stratégique: la structure institutionnelle de l’Organisation mondiale du commerce, telle que nous la connaissons depuis 1995, peut-elle servir l’objectif stratégique de l’Union européenne de créer un système commercial multilatéral démocratique? Sur la base de notre expérience et vu l’échec des négociations concernant l’agenda de Doha, je crains bien que non.

L’Organisation mondiale du commerce génère actuellement plus de crises qu’elle ne peut en résoudre. C’est pourquoi il me semble qu’une initiative de l’Union européenne visant une grande réforme démocratique ambitieuse de l’Organisation mondiale du commerce est une priorité d’importance stratégique, de même qu’il me semble stratégiquement important que l’Union européenne propose une politique commerciale stratégique intégrée pour le développement de relations commerciales bilatérales et régionales.

Comme vous le savez, Monsieur Mandelson, c’est exactement ce que font les États-Unis. Au-delà et par-dessus le cycle de Doha, ils développent leurs relations commerciales bilatérales et régionales. Il est nécessaire et impératif que nous fassions de même.

Aujourd’hui, des alliances régionales et mondiales de forces non seulement commerciales mais aussi politiques sont en train de se dessiner et l’Union européenne ne peut rester à la traîne dans cette opération stratégique majeure.

 
  
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  Harald Ettl (PSE). - (DE) Monsieur le Président, il y a un risque réel que la suspension prolongée des négociations sur l’agenda de Doha débouche à nouveau sur une multiplication d’accords bilatéraux de libre-échange et, s’il ne fait aucun doute que les pays les plus pauvres en feront les frais, il deviendra en outre également de plus en plus difficile de défendre les intérêts des travailleurs.

Nous avons eu un jour l’objectif ambitieux de construire une société écologiquement et socialement durable, mais que reste-il aujourd’hui de cet objectif? Au début des années 1970, les pays industrialisés se sont engagés à consacrer 0,7% de leur produit intérieur brut à la coopération au développement. En 2005, nous y avons consacré un maigre 0,33%. Une sorte de plan Marshall mondial pourrait à présent constituer une nouvelle initiative bénéfique pour tous, d’une part en éliminant la pauvreté dans les pays les plus pauvres du monde et en donnant à ces pays une chance équitable d’accéder aux marchés mondiaux et, d’autre part, en empêchant le dumping écologique et social.

 
  
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  Peter Mandelson, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, ce débat, qui nous a captivés et qui nous a fourni une idée précise des tenants et aboutissants, ainsi que des conseils en ce qui me concerne, a été très utile. Il s’agit là d’un des rôles premiers du Parlement vis-à-vis de la Commission.

Je ne suis commissaire que depuis peu et ignore tout des événements passés et des précédents dans ce domaine, mais mon instinct me dit que le partage d’informations, la consultation et le dialogue que je pratique avec ce Parlement et la Commission du commerce international sont de qualité. Ils ont en tout cas lieu dans un cadre beaucoup plus vaste, plus souvent et de manière plus approfondie que lorsque je devais rendre compte en tant que ministre aux députés de mon pays. Je me félicite de la profondeur et de la solidité de ces contacts et suis quelque peu surpris par les critiques que j’ai entendues. J’ignore si elles émanent d’un député européen ou de la commission du commerce international dans son ensemble. J’espère que non.

La Commission consulte le Parlement sur les principales orientations en matière de politique commerciale sur la base de la procédure Westerterp qui, comme nous le savons, prévoit la possibilité d’un débat au sein du Parlement avant l’ouverture de négociations portant sur n’importe quel accord commercial, ainsi que pour les informations provenant du Conseil avant la conclusion d’un tel accord, quel qu’il soit. Nous nous référons également à la déclaration de Stuttgart, en vertu de laquelle le Parlement doit être consulté pour la conclusion de tous les accords - même ceux couverts par l’article 113 de l’époque - qui exercent une influence majeure sur la vie de la Communauté.

Pour preuve de l’importance que nous attachons à cette relation, nous envoyons à la Commission du commerce international des copies de tous les documents politiques qui sont débattus par le Comité de l’article 133 du Conseil. Or, rien dans la loi ne nous y oblige. Nous le faisons parce que cela nous semble juste et que cela contribue à la consolidation de nos relations. Il ne fait aucun doute que nous pourrions encore faire mieux à l’avenir, mais qualifier les procédures actuelles de «médiocres» ou d’«insuffisantes» ne me semble pas correct.

Plusieurs points soulevés pendant le débat renvoient à des inquiétudes légitimes concernant l’impact de ces négociations - tant leur orientation que leur suspension - sur les pays en développement. Que cela soit bien clair. Les pays en développement ne se conforment pas à un état de développement de «taille standard» ou à un ensemble d’intérêts lorsqu’il est question des négociations. Il existe différents pays en développement aux intérêts très divers et aux besoins multiples. Notre tâche consiste essentiellement à fournir deux garanties: premièrement, que tous les pays en développement profitent de ces négociations et en retirent quelque chose et, deuxièmement, que les plus faibles, les plus vulnérables et les moins développés d’entre eux bénéficient de la meilleure aide directe possible, notamment en termes de renforcement des capacités d’aide au commerce et de la mise en place d’un système sans droit de douane ni quota leur permettant d’accéder aux riches marchés internationaux.

En d’autres termes, nous faisons intervenir un système de proportionnalité: proportionnalité vis-à-vis de la contribution et des efforts que nous attendons des pays en développement pour mener à bien ces négociations, ainsi que proportionnalité pour ce que nous donnons et comment nous appuyons et consolidons leur développement. Les pays qui sont les plus démunis et ont le moins à offrir sont, à juste titre, ceux qui sont et ne cesseront d’être notre priorité pendant ces négociations.

Il est important de le rappeler car, contrairement à certains orateurs, je suis fermement convaincu qu’un accord de Doha solide peut contribuer au développement et à des échanges plus équitables, via la manière dont nous faisons intervenir le traitement spécial et différencié entre les pays en développement, la façon dont nous accordons des dérogations aux pays en développement pour protéger leur industrie naissante et rendre sa consolidation possible, la manière dont nous prévoyons des périodes de mise en œuvre plus longues pour les pays en développement afin qu’ils puissent se préparer aux changements et, en particulier, la façon dont nous accordons un accès spécial aux pays les moins développés, ainsi que l’attention à leurs besoins en matière d’infrastructures. Nous continuerons de procéder de la sorte tout au long de ces négociations, ainsi que vous l’attendez de nous.

L’essentiel est d’accorder aux pays en développement non seulement l’accès aux marchés des pays développés, mais également de leur fournir un accès nettement plus substantiel aux marchés d’autres pays en développement. Le commerce Sud-Sud revêt un caractère crucial, en particulier compte tenu de l’étendue de l’accès sans droits de douane ni quotas que l’Europe accorde déjà aux pays en développement et aux pays ACP en particulier, la conséquence étant que 75% des exportations agricoles de l’Afrique partent à destination de l’Europe, ainsi que 45% de celles d’Amérique latine. En fait, nous représentons le bloc commercial le plus ouvert et le plus équitable au monde. Ne l’oublions pas, et rappelons-nous également les points que nous pouvons améliorer à l’avenir. Ce sont les perspectives commerciales accrues avec d’autres pays en développement qui apporteront à ces derniers les avantages les plus considérables et les plus rapides. Par conséquent, nous ne devons pas perdre de vue les échanges Sud-Sud lorsque nous traitons avec prudence et ménagement la question des réductions des droits de douane et de la multilatéralisation plus que nécessaire de l’initiative «Tout sauf les armes».

D’autres intervenants ont laissé entendre que, loin de trop peu concéder aux pays en développement, la position de l’Europe dans les négociations a consisté à faire beaucoup trop de concessions, et ceci trop tôt et avec une souplesse bien trop grande. Et bien, nous, les Européens, avons conçu le cycle de Doha. Nous avons joué un rôle clé dans son lancement et n’avons cessé de l’alimenter. Au lendemain de Cancún, nous nous sommes efforcés de le remettre sur les rails, par le biais de l’accord-cadre en 2004, et je ne m’excuse pas d’avoir fixé une date butoir, à Hong Kong, pour la suppression de nos subventions à l’exportation. Il s’agissait d’un engagement que nous avions déjà pris, en supposant bien entendu que nous parvenions à boucler ces négociations et que d’autres pays nous emboîtent le pas et suppriment leurs mécanismes de subvention des exportations. Vous n’entendrez aucune excuse de ma bouche et, en réalité, j’estime ne pas être le premier responsable de l’avenir de la politique agricole commune, même si je pourrais faire remarquer qu’à ce jour je ne vois se dessiner aucun consensus en faveur de sa suppression.

Au cas où les négociations de Doha déboucheraient sur un résultat incertain, nous devrons examiner de très près le sort des subventions à l’exportation, étant donné qu’elles sont liées à un autre problème soulevé au cours de ce débat, à savoir si, en l’absence d’accord au terme des négociations multilatérales, nous deviendrons, oui ou non, plus ou moins vulnérables aux litiges portés devant l’OMC en matière agricole à notre encontre. Si ces négociations devaient se solder par un échec, je conviens que les affaires portées devant l’OMC enregistreraient probablement une recrudescence, en particulier dans le domaine de l’agriculture.

En Europe, nous pouvons considérer cette éventualité avec une relative sérénité. Nous avons réformé notre politique agricole commune, car cette décision répondait à nos propres objectifs et besoins, ainsi qu’aux besoins d’autres acteurs du régime international des échanges. Dans la mesure où nous avons lancé cette réforme et où nous continuerons de la mettre en œuvre, nous sommes protégés contre tout litige porté devant l’OMC. En revanche, les membres de l’OMC ne sont pas tous dans la même position et je n’exclus pas la possibilité de voir les grands exportateurs agricoles - comme le Brésil et l’Argentine - s’engager dans la voie judiciaire au cas où ils constateraient que celle de la politique et des négociations est bloquée. Cependant, d’autres y sont plus vulnérables que les Européens.

Avant de faire un dernier commentaire relatif au calendrier, permettez-moi juste cette remarque au sujet de l’OMC elle-même. Tout le monde - y compris l’actuel directeur général de l’OMC - s’accorde à dire, à différents niveaux, que l’OMC sortirait plus forte d’une réforme de l’institution et des procédures, à l’instar de ce que d’autres ont déclaré pendant ce débat. À ce propos, le rapport Sutherland a fourni quelques idées intéressantes. Toutefois, que cela soit bien clair pour chacun d’entre nous, l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations n’est pas due à un problème institutionnel, mais à un problème politique, et aucune amélioration d’ordre institutionnel ne permettrait d’en sortir. Trouver l’issue requerra de la volonté politique et un changement de comportement politique de la part de certains membres de l’OMC.

Ce qui m’amène au dernier point que je souhaitais aborder, lequel porte sur le moment le plus opportun pour la reprise des négociations. Et bien, nous devrons tout simplement attendre la fin des élections de mi-mandat aux États-Unis, en novembre, avant de pouvoir envisager une reprise sérieuse des négociations. Tel est en tous cas l’objectif que je poursuivrai.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE MME ROTH-BEHRENDT
Vice-présidente

La Présidente. - Je vous remercie, Monsieur le Commissaire. Avec 15 minutes au début et près de 15 minutes à la fin, je trouve que vous avez fait preuve d’une régularité à toute épreuve. Cette constance signifie également que nous avons un problème avec le débat suivant.

 
  
  

Le débat est clos.

Le vote aura lieu jeudi.

 
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