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Compte rendu in extenso des débats
Mercredi 14 mars 2007 - Strasbourg Edition JO

11. Avenir de la construction aéronautique européenne (débat)
Procès-verbal
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur l’avenir de la construction aéronautique européenne.

 
  
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  Peter Hintze, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le vice-président de la Commission, Mesdames et Messieurs, je suis heureux de constater que le débat d’aujourd’hui porte sur l’avenir de l’industrie aérospatiale européenne. Cette industrie incarne en effet le futur de l’Europe, de ses technologies de pointe et son potentiel de croissance future. Elle apporte également une contribution considérable à la poursuite des objectifs de la stratégie de Lisbonne en matière de croissance et d’emploi. Airbus représentant son projet le plus marquant. Airbus est le nom d’une grande idée, l’idée de rassembler les compétences techniques de plusieurs nations européennes pour construire une entreprise aérospatiale forte et capable de s’affirmer sur le marché mondial. L’histoire d’Airbus, c’est l’histoire d’une réussite époustouflante. Ses avions - 4 600 ont été livrés à ce jour - sont les ambassadeurs de la technologie de pointe européenne dans les aéroports du monde entier et jouent ainsi un rôle essentiel dans l’affirmation d’une identité européenne.

Cependant, Airbus connaît aussi de sérieux problèmes. L’année 2006 a été pour elle à la fois une année de réussite et une année de crise. Airbus a pu en 2006 s’enorgueillir de sa première place sur le marché mondial, d’une part, mais elle a aussi souffert, d’autre part, d’un effondrement de ses bénéfices dû à de graves retards dans la fourniture de son nouveau modèle, l’A380, et aux problèmes causés par la faiblesse du dollar, Airbus étant construit en euros et vendu en dollars.

Il faudra par ailleurs aussi réduire le retard de développement entre l’A350 XWB et son concurrent américain. La construction aéronautique se trouve à l’aube d’une révolution technologique. Il s’agit de quitter l’ère du métal pour entrer dans celle des matières de synthèse, ce qui a été mieux compris outre-atlantique. Le marché mondial demande ce type d’appareils.

Airbus souhaite aujourd’hui reprendre des forces: l’entreprise doit se renforcer, en termes de compétitivité, et s’assurer un avenir, un avenir qui précisément ne sera assuré que si l’entreprise se montre capable d’efforts constants et qu’elle manifeste une volonté et une capacité permanentes d’innover. Airbus est sur le point d’entamer un processus de restructuration et, quel que soit l’intérêt que celui-ci suscite dans le monde politique, c’est à l’entreprise elle-même qu’il appartient de s’en occuper. La direction d’Airbus serait par ailleurs bien avisée d’aborder les mesures nécessaires dans le cadre d’un dialogue approfondi avec ses salariés, lesquels représentent, après tout, l’actif le plus important de toute entreprise. L’association de partenaires industriels forts pouvant apporter outre leur propre capital leur savoir-faire et partager avec Airbus les opportunités et les risques, peut constituer une chance pour l’emploi, mais en tout état de cause, la décision en revient toujours à l’entreprise elle-même et à elle seule.

Le monde politique doit quant à lui s’occuper des conditions générales et faire en sorte que soit respecté un équilibre équitable entre les nations européennes qui se partagent les avantages et les charges. Ce sont les emplois et les compétences technologiques qui sont ici en cause. Cette distribution équitable des revenus et des charges entre les nations européennes participantes semble réussir.

Il existe une série d’autres projets européens, où la coopération entre pays européens s’est avérée un bon moyen de mobiliser le savoir-faire technologique de chaque partenaire pour le développement et la production de produits concurrentiels destinés au marché mondial, dans les cas par exemple d’Augusta Westland, d’Eurofighter et d’Eurocopter. La coopération européenne existe non seulement entre les fabricants de systèmes, mais aussi entre sous-traitants, par exemple, les fabricants de réacteurs comme Thales, Diehl, Rolls Royce, MTU, Snecma, Alenia et autres, pour ne citer que quelques exemples. Toutes ces sociétés, et celles qui travaillent pour elles, aident l’industrie aéronautique européenne à faire face à une concurrence internationale toujours plus acharnée.

Pour conclure, je voudrais dire quelques mots sur le changement climatique et son impact sur l’environnement, qui sont liés selon moi à la capacité d’innover de notre société. L’industrie aéronautique européenne s’est attelée à relever ces nouveaux défis technologiques dès l’an 2000. Dans «Vision 2000», les représentants de l’industrie, les scientifiques et les décideurs politiques ont défini des objectifs ambitieux pour un système durable de transport aérien. Ainsi, la consommation spécifique de carburant et les émissions de dioxyde de carbone doivent-elles être réduites de 50% d’ici l’an 2020, les émissions de dioxyde de soufre de 80%, et le bruit des avions au décollage et à l’atterrissage doit quant à lui diminuer de moitié.

Ce sont des objectifs ambitieux. Si nous voulons les atteindre en un peu plus d’une décennie, toutes les parties intéressées devront accomplir un effort commun.

 
  
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  Günter Verheugen, vice-président de la Commission. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Mesdames et Messieurs, l’industrie aéronautique et aérospatiale contribue largement à la capacité productive industrielle et technologique de l’Europe dans les secteurs du transport, des communications, de l’observation spatiale, de la sécurité et de la défense. L’Europe ne réalisera ses objectifs économiques et politiques qu’avec une industrie aéronautique et aérospatiale compétitive au niveau mondial.

L’industrie aéronautique et aérospatiale européenne occupe la première place dans plusieurs importants segments de marché. Elle s’adjuge plus d’un tiers du marché mondial. En 2005 - la dernière année pour laquelle les données sont disponibles - elle a enregistré un chiffre d’affaires de 86 milliards d’euros et a fourni du travail à 457 000 personnes. Ce secteur continue de progresser, malgré les difficultés récentes, avec un marché en croissance, en particulier pour les gros porteurs civils.

Comme M. Hintze vient de le dire, Airbus a battu un record l’année dernière en livrant 434 nouveaux appareils. L’entreprise dispose d’un carnet de commandes de plus de 2 500 appareils, ce qui représente du travail pour plus de cinq ans. Les prévisions tablant sur une croissance annuelle de 5 % pour le transport de passagers et 6 % pour celui des marchandises, la demande des vingt prochaines années devrait concerner plus de 22 500 gros porteurs, ce qui représente une valeur de 2 billions d’euros aux prix d’aujourd’hui.

Malgré cela, les dernières semaines et même les derniers mois ont vu Airbus faire les gros titres de la presse, le genre de titres dont on souhaiterait faire l’économie. Nous préférerions assurément lire la chronique des exploits de l’entreprise sur les marchés, plutôt que la litanie des pertes et des licenciements. Le fait est que l’industrie aéronautique et aérospatiale européenne opère sur un marché mondial qui se caractérise par une compétition acharnée et des concurrents aguerris - Boeing par exemple - sur tous ses segments. L’industrie a donc besoin d’investir et d’innover constamment, pour que ses produits répondent aux exigences des clients. Airbus est un acteur capital de l’industrie aéronautique et aérospatiale européenne, une véritable entreprise européenne qui fournit actuellement 57 000 emplois internes et 30 000 emplois externes et s’appuie sur de nombreuses entreprises, grandes et petites, pour les produits et les services dont elle a besoin.

Comme toute entreprise, Airbus doit affronter les conditions fluctuantes du marché et adapter constamment ses structures et ses modes de fonctionnement, afin de produire avec un maximum de rentabilité les biens que demande celui-ci. La tâche d’Airbus est compliquée par le fait que cette entreprise vend ses avions en dollars, alors que ses coûts de production sont supportés en euros, une monnaie bien plus forte. Il est donc très important qu’Airbus puisse prendre ses difficiles décisions commerciales en toute rationalité, en sorte de recouvrer sa position sur le marché.

Malheureusement, la décision d’Airbus de délocaliser certaines de ses activités dans un souci de rationalisation et d’efficacité, dans le cadre d’un programme de réductions et de restructuration, entraîne une réduction des effectifs, ce qui cause de l’insécurité et déclenche les appels à l’intervention politique.

Certes, les hommes politiques ne peuvent pas et ne doivent pas interférer dans les décisions que les entreprises prennent pour rétablir leur compétitivité - les décisions des chefs d’entreprises n’ayant rien à voir avec les questions politiques - mais il existe des moyens d’aider les travailleurs licenciés et peut-être même un devoir moral de les aider à se recycler et à trouver un nouvel emploi au sein d’autres entreprises, s’il le faut dans d’autres industries. Dans cet ordre d’idées, les États membres peuvent, par exemple, recevoir l’aide du Fonds social européen.

La Commission constate avec satisfaction qu’Airbus, quelque temps avant la restructuration en cours, avait déjà impliqué les représentants des travailleurs dans les décisions qui devaient être prises. Il convient surtout de relever que les représentants européens des travailleurs ont été très largement consultés et que les effets de la restructuration sur les sous-traitants ont également été abordés.

Compte tenu de la croissance prévue, qui fait l’envie de nombreuses autres industries, il importe d’agir aujourd’hui pour garantir, au profit de tous, la réussite à long terme de l’industrie aéronautique et aérospatiale européenne. C’est une des raisons pour lesquelles la Commission intervient, chaque fois que cela s’avère possible - par exemple en mettant sur pied un programme spatial européen ou en créant un marché européen de l’armement et un espace aérien unique en Europe - afin de créer les conditions favorables à la libre concurrence.

Dans son septième programme-cadre de recherche, l’Union européenne libère des fonds considérables pour la recherche et le développement dans le transport aérien et la recherche spatiale. Toutes les compagnies impliquées dans ce travail de recherche sont invitées à soumettre des propositions pour des actions à frais partagés, qui seront sélectionnées sur base d’un concours.

Je voudrais souligner à cet égard l’importance capitale de l’initiative technologique commune «Ciel propre», qui permettra à l’industrie aérospatiale européenne de relever le défi qui lui est lancé par le changement climatique. Je voudrais profiter de cette occasion pour lancer, sans détours, un appel aux fabricants européens et aux compagnies aériennes, qui devraient avoir à cœur de ne pas souffrir du même préjudice d’image que celui de l’industrie automobile européenne ces dernières semaines, et ce pour avoir répondu trop tardivement aux demandes de notre temps. La modernité et l’innovation, la recherche et le développement, sont une nécessité urgente dans ce domaine et, avec «Ciel propre», l’Union européenne leur offre une plate-forme solide et efficace.

 
  
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  Christine De Veyrac, au nom du groupe PPE-DE. - Monsieur le Président, en tant que maire-adjoint de Toulouse, je peux témoigner, pour m’être rendue à plusieurs reprises sur les sites de l’entreprise, que le plan de restructuration d’Airbus est une épreuve, une épreuve pour chacun des salariés concernés, et pour en sortir il convient d’identifier correctement les causes.

Bien sûr, il y a l’appréciation de l’euro et les retards liés aux erreurs de fabrication de l’A380, mais il y a surtout eu une gouvernance du groupe qui a été intergouvernementale au lieu d’être industrielle, et nous devons en tirer les justes conclusions pour l’avenir.

Nous savons tous que ce dont a souffert Airbus, ce n’est pas d’une insuffisance de la présence des pouvoirs publics dans l’entreprise, ce dont a souffert Airbus, au contraire, c’est de l’ingérence des politiques qui se sont immiscés dans la gestion de l’entreprise, qui a fini par fonctionner plus comme une organisation internationale que comme une entreprise intégrée. Pour l’avenir, Airbus a besoin d’un nouveau pacte d’actionnaires, qui fera une place plus grande à l’actionnariat industriel. Cela signifie que les actionnaires actuels doivent clairement indiquer leurs intentions. Veulent-ils poursuivre leur participation ou faut-il trouver de nouveaux partenaires financiers et industriels?

Quand on a dit cela, a-t-on pour autant signifié que les pouvoirs publics doivent se désintéresser de cette affaire? Bien entendu, non, et je me félicite que l’Europe ait été au rendez-vous de l’action. En effet, le commissaire Barrot, et vous-même, Monsieur le Commissaire Verheugen, avez annoncé que l’Union accompagnerait les efforts d’Airbus en renforçant ses programmes de recherche.

Je souhaiterais toutefois, Monsieur le Commissaire, que vous nous éclairiez sur les possibilités de recours au Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et au Fonds social européen au profit des salariés. Pour leur part, les États peuvent également venir en aide à Airbus, et surtout à ses sous-traitants, à travers des aides à la recherche et à la formation des salariés.

En revanche, imaginer le sauvetage d’Airbus à travers la prise de participation de quelques régions françaises - je crois qu’on aboutirait à 0,6% du capital - cela relève de l’irréalitude!

Pour conclure, je voudrais que personne n’oublie que même si Airbus traverse des difficultés, cette entreprise a remporté de nombreux succès. J’ai confiance en son avenir, dans le succès de l’A380, dans celui de l’A350. Dans la crise et dans la difficulté, nous devons faire taire les égoïsmes nationaux et nous montrer solides et solidaires, solides, parce que solidaires.

 
  
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  Matthias Groote, au nom du groupe PSE. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, ce point a été mis à l’ordre du jour sous le titre suivant, on ne peut plus neutre, «avenir de la construction aéronautique européenne», mais nous parlons surtout aujourd’hui de la crise d’Airbus.

Le programme d’assainissement «Power 8», qui a été conçu par la direction pour combler le déficit financier de la compagnie, prévoit des licenciements massifs et la vente de certains sites. Airbus est un joyau du paysage industriel européen, avec des travailleurs hautement qualifiés, des carnets de commandes bien remplis, des usines qui fonctionnent à plein régime et de bons produits. La cession de sites donnerait le signal contraire, et ce n’est pas le bon message à envoyer quand on tente de combler un déficit financier. Comme le montre l’exemple de BenQ en Allemagne, la vente d’un site indique généralement la mort lente mais assurée d’une installation industrielle et conduit à la destruction d’emplois et de savoir-faire.

Je vous demande, M. Hintze, en votre qualité de représentant du Conseil et de coordinateur du gouvernement fédéral allemand pour les questions d’aéronautique et d’aérospatiale, de vous prononcer en faveur du maintien des sites d’Airbus en Europe et contre la mise en œuvre du concept de restructuration «Power 8». Les employés d’Airbus n’ont pas à faire les frais de la crise que traverse l’entreprise ni des erreurs de jugement de sa direction. Pas plus que l’Europe, qui doit rester le siège de toutes ces industries.

 
  
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  Anne Laperrouze, au nom du groupe ALDE. - En compétition avec la ville de New-York, la municipalité de Los Angeles vient de demander à Airbus d’accueillir en premier le très gros porteur européen, preuve du succès attendu de l’A380. Et pourtant la crise s’est développée dans l’entreprise Airbus, pour faute de gouvernance entraînant, comme on le sait, la proposition du plan d’économie et de restructuration «Power 8».

Il appartient aux dirigeants d’Airbus de tirer les leçons des fautes de gestion industrielle ayant entraîné les retards de livraison des appareils. Il appartient aux États d’assurer l’avenir de la construction aéronautique européenne. Du point de vue de la gouvernance de l’entreprise, les États actionnaires doivent revoir l’organisation bicéphale et renégocier le pacte d’actionnaires. Ils doivent également jouer la solidarité pour maintenir et développer la construction aéronautique européenne. Cela veut notamment dire accorder des crédits de recherche supplémentaires, passer des commandes publiques, accorder des avances remboursables pour satisfaire les investissements nécessaires aux sites industriels, voire augmenter la part des États dans le capital. C’est exactement la même logique adoptée par l’État américain avec Boeing.

Du point de vue industriel, il est maintenant impératif que le plan «Power 8» soit négocié avec les syndicats pour prendre en compte leurs arguments stratégiques. Comment, en effet, accepter le déséquilibre proposé dans ce plan entre la répartition des activités entre les sites français et allemand? Comment accepter que Toulouse, capable de produire vingt avions par mois sur ses deux chaînes de fabrication, soit limitée à quatorze avions par mois pour transférer les autres fabrications de l’A320 à Hambourg, où il faudra investir dans une nouvelle chaîne? Comment accepter les conséquences sur l’emploi chez les fournisseurs et les sous-traitants, et les conséquences économiques sur les régions? Comment accepter la perte de savoir-faire et d’expertise des sites si leurs activités sont cédées? Comment accepter de confier à d’autres l’innovation et le développement?

Avec un carnet de commandes riche de 2 589 avions, son plan de charge est assuré pour plusieurs années. Airbus devrait pouvoir supporter la crise grâce à la qualité des avions produits. En réalité, il n’y a qu’un seul objectif: promouvoir le projet européen d’Airbus tourné vers l’emploi, l’innovation, l’excellence aux yeux du monde entier, bâti par des hommes et des femmes d’Europe.

 
  
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  Gérard Onesta, au nom du groupe Verts/ALE. - Monsieur le Président, Airbus c’est une crise, mais une crise annoncée. Cela fait des années que je tire la sonnette d’alarme à Toulouse, en vain, alors que j’habite juste à côté d’Airbus; cela fait des années que je préviens des élus qui ont déserté leur rôle de gestionnaire pour adorer l’icône A380 et qui font maintenant partie du chœur des pleureuses s’épanchant sur un bilan qui est le fruit de leur propre action.

Cela fait des années que je préviens des dirigeants déconnectés des réalités. Rappelez-vous, M. Forgeat, celui qui est parti avec des valises pleines de millions d’euros et qui, lui, n’avait aucun doute sur les prix et sur les délais. Cela fait des années que je préviens la Commission, Monsieur le Commissaire, qui ne m’a jamais aidé au sujet des alternatives que je proposais, notamment pour transporter les ailes d’Airbus par dirigeable.

Aujourd’hui, face à cette crise industrielle, il y a quand même et avant tout un désastre humain pour les travailleurs d’Airbus et pour les sous-traitants. Oui, l’Europe a une vocation aéronautique, pas question de laisser le complexe militaro-industriel américain, via Boeing, contrôler les airs.

Quelles sont les cinq conditions du sursaut? Un, remettre le produit avion à sa juste place et pas au-dessus des logiques industrielles et pas au-dessus des lois environnementales. Deux, recapitaliser Airbus avec de l’argent public. Trois, restructurer son fonctionnement, sortir des blocages de l’intergouvernemental franco-allemand qui, ici, comme à Airbus, paralysent tout. Quatre, rationaliser le monde industriel en arrêtant de disperser la fabrication d’un seul avion sur des dizaines de lieux. Cinq, enfin, diversifier sa production car l’avionique est un secteur fragile et à haut risque. On peut produire d’autres moyens de transport et d’autres éléments de production énergétique.

Airbus est riche, Monsieur le Président, très riche, mais uniquement du talent de ses salariés. Alors, de grâce, ne dilapidons pas cette richesse.

 
  
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  Jacky Henin, au nom du groupe GUE/NGL. - Monsieur le Président, Airbus, industrie de pointe qui devait nous faire avaler le sacrifice de notre sidérurgie, accepter la disparition de dizaines de milliers d’emplois dans le textile, Airbus est aujourd’hui dans la tourmente et s’apprête à sacrifier salariés et sous-traitants. Un comble pour une entreprise dont le carnet de commandes est plein pour six ans et qui possède une trésorerie de 4 milliards d’euros.

Airbus qui pourrait envisager l’avenir avec confiance s’il n’était rongé par le cancer financier du libéralisme. Eh oui, mes chers collègues, développement et emploi se conjuguent mal avec une politique de l’euro fort et, surtout, avec la soif de dividendes des actionnaires privés qui brident les investissements humains et matériels nécessaires, qui entendent les financiers plutôt que l’expertise des salariés.

En détruisant 10 000 emplois et en divisant par six le nombre des sous-traitants, le plan «Power 8» affaiblit en fait ce qui fait la richesse d’Airbus: le savoir-faire de ses salariés et le réseau de coopération des entreprises sous-traitantes. Airbus qui est devenue une entreprise performante grâce justement à la coopération, c’est une réalité que «Power 8» va détruire en organisant la concurrence entre salariés, sites industriels et nationalités, ce que les salariés refusent avec raison. Parce qu’il ne répond pas aux besoins présents et à venir de l’entreprise, «Power 8» doit être retiré. Pour permettre à l’entreprise de surmonter ses difficultés, il convient de revenir à une propriété et à un financement majoritairement publics. Seuls les États sont en effet capables d’assumer des projets aéronautiques de cette importance.

Par ailleurs, la Commission doit défendre résolument, devant l’OMC, le système des avances remboursables qui, seul, pourra assurer le financement de l’A350 et du NSR comme elle doit intervenir auprès de la BEI afin que l’entreprise bénéficie de prêts à faibles taux d’intérêts. Pour que notre industrie aéronautique ait un avenir, il faut d’urgence créer un fonds européen pour la recherche, l’emploi et la formation. Dans les dix ans, 30% des effectifs d’EADS vont partir à la retraite; il faut, pour sauver leur savoir-faire, un plan massif d’embauche et de formation. De la révolution des matériaux composites à la fin du pétrole, l’industrie aéronautique devra relever d’immenses défis, il est de notre devoir de l’y aider.

(Le Président retire la parole à l’orateur)

 
  
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  Paul Marie Coûteaux, au nom du groupe IND/DEM. - Monsieur le Président, l’affaire EADS est emblématique des cafouillages, à notre avis, de la conception fusionnelle de l’Europe.

Il est stupéfiant que certains esprits ironisent à son sujet sur la faillite de l’Europe des coopérations que proposent les souverainistes, alors que depuis qu’Airbus a été absorbé par EADS, nous avons justement abandonné la logique des coopérations qui avaient fait le succès des premiers modèles d’Airbus, au bénéfice de la conception fusionnelle, laquelle à grand renforts de privatisations et de concentrations, finalement de fusions, a créé une entreprise EADS dont l’un des premiers résultats est de mettre en danger le programme Airbus et, avec lui, les nombreux emplois qu’il assurait, notamment en France.

La France fut bonne fille, d’ailleurs, en acceptant de partager avec son partenaire allemand, d’une part, son savoir-faire acquis de très longue date, on pourrait dire depuis le début de l’aviation, et d’autre part, les nombreux investissements qu’elle a consentis - publics - dans le domaine, permettant ainsi à l’Europe de ne pas laisser le monopole dans l’aéronautique aux deux géants des empires, Boeing pour les États-Unis, Tupolev pour la Russie.

À noter d’ailleurs que l’Allemagne n’a pas partagé pour sa part sa prééminence dans le domaine des machines-outils, mais enfin, cette coopération avait abouti à d’heureux résultats jusqu’à ce que l’idéologie dominante, qui n’est pas tant celle du libéralisme que celle du libre-échange, ait abouti à privatiser, notamment en France, les plus beaux fleurons industriels, et en particulier l’aérospatiale, au bénéfice d’entreprises où l’on parlait anglais, dont le siège était aux Pays-Bas et qui étaient soumises au droit hollandais. Des dysfonctionnements en suivirent et finalement je crois que c’est précisément la conception fusionnelle représentée par EADS qui est en faillite.

 
  
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  Gunnar Hökmark (PPE-DE). - (EN) Monsieur l’orateur, nous discutons ce soir de deux sujets, qui ne doivent pas être confondus. Le premier réside dans le problème du chômage, qui doit être traité par les États membres avec le soutien nécessaire de l’Union et des différents fonds sociaux - ainsi que le commissaire l’a fait remarquer tout à l’heure - mais non à travers un renforcement de l’implication politique dans l’industrie aéronautique européenne.

D’autre part, le second sujet a trait à l’avenir de la construction aéronautique européenne. Si l’on souhaite qu’il existe un avenir, cet avenir doit reposer sur une stratégie commerciale et sur les paramètres du marché, et non sur une discussion politique au sein des parlements ou des gouvernements. C’est l’implication d’un nombre excessif de gouvernements, de parlements et de politiques qui engendre des problèmes et porte préjudice à la prise de décision qui permettrait de tirer profit au mieux des débouchés qui s’offrent au secteur aéronautique en Europe.

La mission d’Airbus doit être de concevoir et de fabriquer les meilleurs appareils au monde, et non d’exaucer les promesses politiques de quelque pays ou quelque gouvernement que ce soit. Je pense qu’il n’existe qu’un seul moyen pour contribuer à cet objectif. Bien entendu, nous devons assurer le meilleur soutien possible à la recherche et à la science, mais nous devons également veiller à disposer d’un marché fonctionnel - et qui plus est, d’un marché transatlantique fonctionnel. Il s’agit d’un élément primordial. Il est important de faire en sorte que la responsabilité de l’industrie aéronautique et d’Airbus, ainsi que nous en parlons ici, soit maintenue à l’intérieur de l’entreprise et entre les mains de la direction de l’entreprise. À défaut, le mécanisme décisionnel tout entier sera morcelé, compliqué et bureaucratique et aboutira à de nouveaux échecs. Je pense que nous devrions prendre le chemin de nouvelles réussites et donner de meilleures chances à l’entreprise en lui laissant son indépendance et en ne l’impliquant pas dans une quelconque décision politique.

 
  
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  Karin Jöns (PSE). - (DE) Monsieur le Président, les carnets de commandes bien remplis, malgré la concurrence de Boeing pour la première place sur le marché mondial, témoignent du niveau élevé de compétences des salariés d’Airbus et de leur identification à leur produit. Les travailleurs ne sont pas responsables des erreurs qui ont été commises; ils ont accompli jusqu’ici un très bon travail et continuent sur cette voie.

L’industrie aéronautique et aérospatiale européenne ne peut renoncer à ce savoir-faire qui vient de France, du Royaume-Uni, d’Espagne et d’Allemagne. Développer et assembler les ailes de ces avions qui représentent le dernier cri de la technologie - ce que fait Airbus à Brême, où je vis - nécessite des compétences particulières. Le travail sur ces machines extraordinaires est d’une complexité exceptionnelle.

Nous avons affaire ici à des fautes graves de gestion. Le manque de prévoyance de dirigeants percevant par ailleurs des salaires royaux ne peut pas conduire à ce que les sites soient joués les uns contre les autres, ce que nous voyons aujourd’hui se produire. Il n’est pas acceptable non plus qu’Airbus ne fournisse pas d’explications plausibles à ses travailleurs ou au comité d’entreprise européen concernant ses décisions. Pour moi, cela montre une nouvelle fois qu’il est urgent de revoir la directive sur les comités d’entreprise européens; le moins que l’on puisse dire c’est que celle-ci est dépassée.

Je vous le redis, M. Hintze, réduire de manière arbitraire les délais de développement des nouvelles technologies aéronautiques n’est pas acceptable. Se laisser guider par les seules considérations de marketing se paye cher.

 
  
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  Gabriele Zimmer (GUE/NGL). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, combien de temps la Commission et le Conseil vont-ils se regarder en chiens de faïence, alors que les dirigeants des grandes entreprises corrigent leurs erreurs en licenciant leurs employés? Aussi bien le gouvernement français que le gouvernement allemand répugnent à intervenir, et même aujourd’hui ils ne protestent que du bout des lèvres contre les licenciements, se souciant surtout de leur agenda politique et de leur image et bien moins de trouver une véritable solution au problème.

Nous demandons donc le retrait de «Power 8», présenté comme un programme d’assainissement. Il ne faut pas jouer les travailleurs d’Airbus en France et ceux d’ Allemagne les uns contre les autres. L’industrie aéronautique et aérospatiale est si importante qu’il faut non seulement garantir son financement, mais aussi son contrôle public.

L’Union européenne doit prendre fait et cause pour Airbus. Les prêts à faible taux d’intérêt garantis par la Banque Européenne d’investissement pourraient servir à consolider l’emploi, à développer les qualifications et à soutenir la recherche et le développement. En tout cas, nous soutenons la journée européenne d’action des travailleurs et des syndicats, qui aura lieu ici le 16 mars, et nous les assurons de notre solidarité dans cette lutte qui est la leur.

 
  
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  Kader Arif (PSE). - Monsieur le Président, je veux tout d’abord exprimer mon soutien à l’ensemble des salariés d’Airbus et à l’ensemble des salariés de la sous-traitance face aux licenciements annoncés. Ils paient aujourd’hui les erreurs de management et de gestion et les erreurs des actionnaires désengagés qui ont fait prévaloir une logique financière au détriment d’une logique industrielle. Mais la solidarité des salariés, sur le plan européen, fera leur force pour revoir le plan de restructuration.

Cette affaire montre aussi les carences du dialogue social en Europe avec une absence totale des représentants de salariés au sein des structures de décision. L’Europe n’est pas responsable de cette situation mais parce que Airbus est un fleuron et un symbole de l’industrie européenne et mondiale, des réponses européennes sont attendues. Oui à une recapitalisation publique des entreprises, oui à des avances remboursables, oui à des crédits en recherche et développement, oui à une prise en compte des difficultés posées par la parité euro/dollar, oui à une réforme de la gouvernance d’entreprises, oui à une réforme des pactes des actionnaires. La BEI doit être un outil d’intervention. Le fonds d’ajustement à la mondialisation doit nous servir. L’avenir de l’entreprise est aujourd’hui assuré par la compétence des salariés. Assurons-le par notre engagement.

(Applaudissements)

 
  
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  Inés Ayala Sender (PSE). - (ES) Monsieur le Président, je désire exprimer notre profonde inquiétude concernant la crise actuelle d’Airbus et notre solidarité avec les travailleurs concernés, qui méritent tout notre soutien.

Je tiens également à exprimer notre espoir que le programme de restructuration Power 8 pourra relancer l’entreprise et rétablir la compétitivité d’un projet européen qui a représenté l’avenir de l’innovation industrielle dans l’Union européenne.

Nous recommandons également que soient tirées les leçons des erreurs de gestion commises par la direction, de la concurrence déloyale et des querelles intergouvernementales. Il faut que les critères d’efficacité commerciale et industrielle et que les avancées de l’innovation la plus pointue priment sur les querelles politiciennes.

Nous voulons aussi pouvoir dire aux travailleurs d’Airbus partout en Europe - y compris à ceux de Puerto Real, Getafe et Illescas - que le Parlement européen s’engage à travailler avec les syndicats et avec la direction pour leur apporter toute l’aide dont ils ont besoin et les encourager à se dépasser chaque jour.

Nous demandons à la Commission et au Conseil d’unir leurs forces afin de trouver une solution claire et durable pour eux.

 
  
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  Peter Hintze, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le vice-président de la Commission, Mesdames et Messieurs, j’ai suivi ce débat avec intérêt. Il s’agit d’un sujet sérieux: comment pourrons-nous conserver une industrie aéronautique et aérospatiale forte en Europe? C’est là que doit s’appliquer le principe qui veut que les entreprises font des affaires et les hommes et femmes politiques de la politique, et cette distinction est importante, si nous voulons nous montrer à la hauteur de la situation.

Plusieurs orateurs ont fait remarquer que même si Airbus se comporte bien actuellement, l’entreprise reste confrontée à des problèmes. C’est effectivement le cas, mais nous devons également jeter un regard en direction de l’avenir. Cela fait longtemps que les États-Unis sous-estiment la capacité de l’Europe à construire des avions. De leur point de vue, cela a eu un prix. Quant à nous, l’Europe, nous avons gaspillé un avantage concurrentiel précieux pendant trop longtemps et devons à présent tâcher d’éviter de commettre la même erreur que les américains en sous-estimant l’Asie. Nous voulons dire par là qu’au moment où l’industrie aéronautique et aérospatiale européenne possède encore quelques points forts - en matière d’innovation et de finance - elle doit continuer à se développer, de manière à rester compétitive et à faire face aux défis futurs, aux problèmes engendrés par les retards de livraison de l’A380, aux retards dans la mise au point de l’A350 et aux problèmes financiers qui découlent de la faiblesse du dollar.

Il appartient à l’entreprise de décider elle-même ce qui est bon pour elle et ce qui ne l’est pas. Je dois dire à la députée qui vient de s’exprimer qu’il ne me viendrait pas à l’esprit, madame la Députée, que les politiques fixent la quantité de temps nécessaire à la mise au point d’un avion. Il serait absurde qu’ils le fassent. C’est une décision que doit prendre l’entreprise; il s’agit d’une question technique et d’une décision commerciale, et certainement pas d’une affaire politique. Il ne me viendrait pas à l’idée de dire à une entreprise quel produit elle doit ou ne doit pas mettre sur le marché, mais quand ses responsables ne comprennent pas vraiment le marché et/ou quand on ne surveille pas constamment ses fluctuations, une entreprise finit par avoir des problèmes.

Comme bon nombre d’entre vous se sont exprimés à propos des travailleurs, j’aimerais signaler qu’aux dires de l’entreprise, les «dégraissages» auxquels elle entend procéder seront conduits d’une manière socialement responsable, qu’il n’y aura pas de licenciements immédiats et que le processus s’étalera sur de nombreuses années. Il est dans l’intérêt d’Airbus de mener avec ses travailleurs hautement qualifiés des discussions approfondies sur les restructurations nécessaires.

L’entreprise ne peut gagner que si elle comprend le projet comme un projet commun partagé entre direction et travailleurs, si elle recherche ce dialogue et le poursuit.

 
  
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  Günter Verheugen, vice-président de la Commission. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la Commission partage l’inquiétude qui a été exprimée aujourd’hui. Il ne peut rien y avoir de bon pour l’avenir de l’industrie aéronautique et spatiale européenne, si les compétences et l’expérience diminuent suite aux licenciements au sein de la plus grande entreprise du secteur. Comme nous l’avons déjà dit, la Commission déploiera bien entendu les instruments à sa disposition au niveau européen pour aider les personnes touchées à faire face aux conséquences de la restructuration.

Vous avez eu raison de dire aujourd’hui que les problèmes de cette entreprise n’ont rien à voir en fait avec les compétences des travailleurs; cela ne fait pas l’ombre d’un doute.

Au-delà des démarches que nous pouvons accomplir - et que nous accomplirons si cela s’avère nécessaire - nous sommes actuellement engagés dans une action décisive en vue de créer des conditions de concurrence équitables et justes pour l’industrie aéronautique européenne.

Le 22 mars, la Commission introduira une réclamation écrite contre les États-Unis auprès de l’Organisation mondiale du commerce, pour protester contre les subventions ouvertes de l’État américain en faveur de Boeing, qui s’élèvent à un nombre impressionnant de milliards. Cela constitue aussi une indication majeure de notre souhait de garantir l’avenir de l’industrie aéronautique et aérospatiale européenne.

 
  
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  Le Président. - Le débat est clos.

 
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