Proposition de résolution - B5-0202/1999Proposition de résolution
B5-0202/1999

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

22 octobre 1999

déposée à la suite des déclarations du Conseil et de la Commission
conformément à l'article 37, paragraphe 2, du règlement
par les députés Lannoye, McKenna, Schroedter, Lucas, Bautista Ojeda, Boumediene-Thiery, Ceyhun, Jillian Evans, Gahrton, Hautala, Isler-Beguin, Jonckheer, Knörr Borràs, Lambert, Lipietz, Maes, MacCormick, Onesta, Turmes, De Roo, Ilka Schroeder, Sörensen, Staes et Wuori
au nom du groupe Verts/ALE
sur la non ratification par le Sénat américain du traité d’interdiction globale des essais nucléaires (CTBT)

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B5-0198/1999

B5-0202/1999

Résolution sur la non ratification par le Sénat américain du traité d’interdiction globale des essais nucléaires (CTBT)

Le Parlement européen,

-  vu ses résolutions antérieures relatives au désarmement nucléaire, à la prolifération nucléaire et aux essais nucléaires, notamment sa résolution du 19 novembre 1998 sur la coalition pour un nouvel agenda pour le désarmement nucléaire[1],

A.  déplorant vivement les informations selon lesquelles le Sénat américain a, le 13 octobre 1999, refusé de ratifier le traité d’interdiction globale des essais nucléaires,

B.  considérant que ce faisant, le Sénat a, pour la première fois depuis la signature du traité de Versailles à l’issue de la Première guerre mondiale, rejeté un accord important de contrôle des armements, et qu’en conséquence le CTBT est voué à l’échec à défaut de mesures actives prises par la communauté internationale,

C.  considérant qu’aux États-Unis, ainsi qu’en Europe, de nombreux sondages d’opinion ont fait apparaître un soutien massif du public en faveur de la fin des essais nucléaires, le Président Clinton ayant été l’un des premiers à signer le CTBT en 1996,

D.  considérant que le CTBT a, jusqu’à présent, été signé par 154 nations mais qu’il ne peut entrer en vigueur à défaut de sa ratification pour l’ensemble des 44 pays dotés de capacités nucléaires y compris les États-Unis, et considérant qu’à ce jour seuls 29 d’entre-eux l’ont fait,

E.  sachant pertinemment que le CTBT ne permettrait pas d’interdire totalement toutes les formes d’essai et qu’en fait, plusieurs États dotés de l’arme nucléaire, y compris les États-Unis et, au sein de l’UE, la France, entreprennent ou envisagent d’effectuer des tests sous-critiques, des tests simulés et des tests sans fission nucléaire,

F.  pleinement conscient que la décision du Sénat de ne pas ratifier coïncide avec un coup d’État militaire au Pakistan et avec les revendications de hauts dignitaires militaires japonais de doter leur pays de capacités nucléaires,

G.  pleinement conscient qu’en ne procédant pas à la ratification du CTBT, les États-Unis, une fois de plus, s’abstiennent d’honorer leurs obligations de progresser sur la voie du désarmement nucléaire auxquelles ils se sont néanmoins engagés dans le cadre du traité sur la non-prolifération,

H.  relevant qu’à ce jour, les États-Unis sont la seule nation ayant fait usage d’armes nucléaires,

I.  pleinement conscient que le refus du Sénat s’inscrit en parallèle aux efforts redoublés de militaires et hommes politiques américains de déployer en Alaska un système national de défense antimissile en violation du traité sur les missiles anti-balistiques (ABM) signé en 1972, qui, à ce jour, sert de fondement à la stabilité stratégique planétaire,

J.  pleinement conscient par conséquent que le rejet du Sénat conforte largement une politique étrangère américaine privilégiant sa propre liberté d’action, et reposant unilatéralement sur des impératifs intérieurs, à savoir la supériorité militaire et technologique américaines, outre le désintéressement vis-à-vis des dossiers planétaires du désarmement,

K.  relevant avec préoccupation que dans le dossier du contrôle des armements, selon toute apparence, les États-Unis ne prennent pas suffisamment en compte les intérêts de leurs partenaires de l’OTAN, comme si ces partenaires étaient étrangers aux intérêts stratégiques des États-Unis,

L.  sachant que dans cet ordre d’idées, le rejet du traité a été décidé en dépit d’une lettre ouverte publiée, le 8 octobre 1999, dans le New York Times, dans laquelle Jacques Chirac, Tony Blair et Gerhard Schroeder demandaient aux États-Unis la ratification du CTBT ; tenant compte de la réaction rapide du Conseil à l’issue du refus formulé par le Sénat,

M.  sachant également que le Royaume-Uni et la France ont été les deux premiers États nucléaires à ratifier le CTBT, que tous les États membres de l’UE l’ont signé et que de nombreux autres l’ont ratifié ; soulignant par conséquent qu’à l’issue du refus du Sénat, l’Europe devrait être invitée à jouer un rôle moteur dans les efforts visant à réaliser le désarmement nucléaire,

N.  relevant dans ce contexte avec la plus grande satisfaction que le 21 octobre 1999, au Royaume-Uni, trois militantes antinucléaires ont été acquittées par un tribunal écossais et remises en liberté après avoir été inculpées d’avoir endommagé un sous-marin nucléaire de type Trident à la base navale de Faslane, le juge ayant estimé que ces systèmes d’armement étaient illégaux au regard du droit international sur la base de l’avis consultatif prononcé en 1996 par la Cour internationale de justice,

1.   condamne ferment la décision du Sénat américain de ne pas ratifier le CTBT; invite le Sénat à le ratifier dans les meilleurs délais et à respecter les termes du traité ABM;

2.  rappelle au Sénat américain et à l’ensemble de la Communauté internationale que semblable non ratification pourrait entraîner de graves conséquences pour le système international fragile des traités contre la prolifération des armements de destruction massive et, partant, pour la sécurité mondiale; fait observer que cela présente des risques considérables pour l’avenir du traité sur la non-prolifération, le traité sur les armes chimiques et la convention sur les armes biologiques;

3.  se déclare préoccupé car cette décision semble s’inscrire dans le cadre d’une politique américaine visant à ne pas souscrire à des régimes internationaux de coopération au nom d’intérêts égoïstes à courte vue, à savoir la Cour criminelle internationale et la convention pour une interdiction planétaire des mines antipersonnel, tout en s’abstenant d’acquitter ses dettes auprès des Nations unies;

4.  félicite les Premiers ministres britannique, français et allemand pour leur lettre ouverte du 8 octobre et constate qu’au travers d’une ratification rapide, le Royaume-Uni et la France semblent manifestement avoir marqué leur détermination d’adhérer aux obligations dictées par le traité;

5.  invite tous les États membres de l’UE et les États candidats à relever le défi consistant à jouer un rôle moteur dans tous les dossiers liés au désarmement nucléaire;

6.  invite ces États à appuyer fermement la « résolution sur la coalition pour un nouvel agenda », dont est actuellement saisie la première commission de la 55e Assemblée générale des Nations unies, et qui trace de nouvelles voies de réflexion quant aux mesures proposées pour faire avancer la cause d’un monde totalement dénucléarisé;

7.  invite ces États à jouer également un rôle moteur, au printemps prochain, lors de la première conférence consacrée à la révision du traité de non-prolifération, aboutissement du premier cycle du nouveau processus de révision du traité de non-prolifération nucléaire;

8.  recommande en outre à tous les États membres européens de l’OTAN de redoubler d’efforts s’agissant de la nouvelle révision interne actuelle de l’OTAN quant à ses politiques de contrôle des armements, y compris des armements nucléaires ;

9.  invite, dans cet ordre d’idées, ces États à inciter l’OTAN à adopter enfin une déclaration de non-utilisation des armes nucléaires en première frappe ;

10.  invite la Présidence du Conseil à veiller à ce que ces dossiers soient abordés au cours du prochain sommet UE-États-Unis, en soulignant l’appui apporté par l’UE aux traités AMB et CTBT, et invite par ailleurs la Commission et le Conseil à soulever la question de la ratification du CTBT à la faveur de toutes les réunions bilatérales prochaines en présence d’homologues américains jusqu’à la ratification du traité ;

11.  demande à la Présidence de sa délégation UE/États-Unis de soulever la question avec son homologue à la première occasion, à communiquer expressément la teneur de la présente résolution, à souligner l’appui apporté par l’UE au traité ABM et à faire en sorte que la ratification du CTBT par les États-Unis figure à l’ordre du jour de toutes les réunions de délégation avec des homologues américains jusqu’à la ratification du traité par le Sénat américain ;

12.  félicite Angela Zelter, Ellen Moxley et Bodil Ulla Roder pour leur attitude fermement antinucléaire lors de leur procès sous l’inculpation de détérioration de matériel sous-marin de type Trident;

13.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à M. Xavier Solana, à la Présidence finnoise et à la Commission, ainsi qu’aux gouvernements et parlements des États membres, au Secrétaire général des Nations unies, aux Président et Vice-président des États-Unis, à tous les sénateurs américains, au Secrétaire général de l’OTAN et à Mmes Angela Zelter, Ellen Moxley et Bodil Ulla Roder.