Proposition de résolution - B5-0163/2003Proposition de résolution
B5-0163/2003

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

5 mars 2003

déposée à la suite de la déclaration de la Commission
conformément à l'article 37, paragraphe 2, du règlement
par Caroline Lucas, Raina A. Mercedes Echerer, Monica Frassoni, Pierre Jonckheer, Per Gahrton, Alexander de Roo, Claude Turmes et Eurig Wyn
au nom du groupe Verts/ALE
sur l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) dans le cadre de l'OMC, y compris la diversité culturelle

B5‑0163/2003

Résolution du Parlement européen sur l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) dans le cadre de l'OMC, y compris la diversité culturelle

Le Parlement européen,

–  vu l'Accord général sur le commerce des services (AGCS),

–  vu le paragraphe 15 (services) de la déclaration ministérielle de Doha du 14 novembre 2001,

–  vu les demandes adressées par la Communauté européenne aux autres membres de l'OMC en vue de la poursuite de la libéralisation des services,

–  vu les demandes adressées par d'autres membres de l'OMC à la Communauté européenne,

–  vu les propositions d'offres initiales que la Communauté européenne compte adresser aux autres membres de l'OMC,

–  vu l'article 133 du traité tel que modifié par le traité de Nice,

A.  considérant que la sensibilité du commerce des services est reconnue à l'article 133 du traité de Nice par le maintien d'une compétence partagée entre la Communauté et les États membres pour les accords relevant du domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation et des services sociaux et de santé humaine,

B.  considérant que l'organisation de services publics est un élément important de la cohésion économique, sociale et environnementale ainsi qu'un instrument de démocratie,

C.  considérant qu'il est donc nécessaire que les autorités et les organismes publics nationaux, régionaux et locaux conservent la faculté de réglementer les services publics (tels que l'éducation, la santé, les transports publics, la distribution d'eau ou le traitement des déchets) afin que les normes sociales et environnementales ne puissent pas être contestées dans le cadre de l'AGCS,

D.  considérant que les services publics exclus de l'AGCS sont définis de manière étroite à l'article I, paragraphe 3, comme étant les "services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental", c'est-à-dire tout service "qui n'est fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services",

E.  considérant que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne précise, à son article 22, que "l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique", et que la nécessité de préserver et de protéger ces valeurs à l'intérieur de l'Union comme à l'extérieur de celle-ci doit primer sur le commerce,

F.  considérant que la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle souligne "la spécificité des biens et services culturels qui, parce qu'ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres" (article 8) et qu'elle précise que "les seules forces du marché ne peuvent garantir la préservation et la promotion de la diversité culturelle, gage d’un développement humain durable" (article 11),

G.  considérant qu'une fois pris, les engagements de l'AGCS ne peuvent être levés que dans des conditions très onéreuses et que les nouveaux engagements proposés n'ont été rendus publics et n'ont fait l'objet de la consultation et du contrôle des parlements qu'après avoir été finalisés,

H.  considérant que l'Union européenne doit demeurer cohérente dans les demandes qu'elle adresse aux autres pays et dans les offres qu'elle est prête à faire pour son propre secteur des services afin de ne pas appliquer deux normes différentes,

I.  considérant que l'article IV, paragraphe 3, de l'AGCS indique qu'"il sera tenu compte en particulier des graves difficultés que les pays les moins avancés ont à accepter des engagements spécifiques négociés en raison de leur situation économique spéciale et des besoins de leur développement, de leur commerce et de leurs finances",

J.  considérant que le mandat de négociation de la Commission à l'OMC a été défini par le Conseil en 1999, avant Seattle, et qu'il devrait à présent être revu;

Transparence et contrôle démocratique

1.  relève qu'au sein de l'Union européenne, aucune disposition constitutionnelle n'autorise le Parlement à exercer un contrôle précis des propositions de la Commission et considère qu'il s'agit d'un exemple éloquent du déficit démocratique de l'Union ainsi que d'une atteinte grave à la structure de pouvoir interinstitutionnel;

2.  signale, notamment dans le cadre de la réduction de la compétence des parlements nationaux dans ce domaine, combien il est indispensable que ce Parlement ait un rôle plus marqué dans la définition de la politique commerciale extérieure ainsi que dans la surveillance des négociations et la conclusion d'accords commerciaux internationaux;

3.  estime qu'il n'est pas raisonnable que la Commission poursuive les négociations au sein de l'OMC sur la base d'un mandat octroyé par le Conseil en 1999 et que, notamment dans le domaine du commerce des services, où les implications et la complexité de l'AGCS sont mieux comprises à présent, le Conseil devrait donner de nouvelles instructions à la Commission; exprime le souhait d'être étroitement associé à la définition de ce mandat;

4.  reconnaît que la Commission a mené plusieurs actions d'information générale sur les négociations de l'AGCS, mais affirme qu'il ne s'agit en aucun cas d'un processus de consultation approfondi du Parlement; se dit convaincu que pour bénéficier d'une légitimité démocratique, ces négociations devraient prévoir la participation active et éclairée des députés du Parlement européen et des parlements nationaux;

5.  souligne qu'au sein de l'Union européenne, le contrôle public de l'AGCS et les débats qu'il a suscités se sont déroulés presque exclusivement sur la base d'exemplaires des offres et demandes obtenus grâce à des fuites par des organisations non gouvernementales, ce qui ne fait qu'ajouter à l'ironie du processus;

Services publics et politiques publiques

6.  comprend parfaitement la vive inquiétude de la population à l'égard de la définition très étroite des services publics exclus de l'AGCS et demande dès lors l'adoption d'un amendement ou d'une disposition interprétative afin de préciser le champ d'application des lois et règlements nationaux;

7.  estime que le nouveau mandat de la Commission devrait expressément prévoir le droit des autorités et des organismes publics nationaux, régionaux et locaux de réglementer les services publics (tels que l'éducation, la santé publique, les transports publics, la distribution d'eau ou le traitement des déchets) afin que les normes sociales et environnementales ne puissent pas être contestées dans le cadre de l'AGCS;

8.  souhaite que le droit de réglementer soit défini de manière précise et définitive afin qu'il serve l'intérêt public et qu'il ne soit pas soumis à des critères commerciaux tels que les critères de nécessité ou les mesures commerciales les moins restrictives;

Impact sur les pays en développement

9.  invite l'Union européenne à ne pas demander aux pays en développement et aux pays les moins développés la poursuite de la libéralisation des services tant qu'elle ne disposera pas d'analyses d'impact à long terme prouvant l'existence d'un avantage évident pour le pays concerné;

10.  reconnaît que la capacité de certains pays en développement ou les moins développés à réglementer les secteurs de services qui relevaient auparavant de l'autorité publique ou de la propriété de l'État peut être limitée, voire inexistante, et demande dès lors que l'Union européenne ne préconise en aucun cas la poursuite de la libéralisation de ces secteurs;

11.  souligne également que de nombreuses demandes formulées par l'Union européenne, notamment en matière de contrôle des investissements, supposeraient l'abrogation de mesures de protection légitimes mises en place par les pays en développement;

12.  rappelle avec insistance que certains secteurs de services tels que l'eau ou les installations sanitaires jouissent d'un statut particulier dans les pays en développement ou les moins développés, qu'ils ont un impact direct considérable sur la vie quotidienne de la population et que, dès lors, ils doivent être particulièrement protégés de toute exploitation;

13.  comprend que le Conseil du commerce des services de l'OMC n'ait pas procédé, comme il est tenu de le faire en vertu de l'article XIX, paragraphe 3, de l'AGCS, à "une évaluation du commerce des services d'une manière globale et sur une base sectorielle en se référant aux objectifs du présent accord" et estime dès lors que cette évaluation devrait intervenir et être publiée avant l'achèvement des négociations en cours;

Diversité culturelle

14.  souligne l'importance de la diversité culturelle et la nécessité de respecter la diversité nationale et régionale et de mettre en valeur le patrimoine culturel commun; chaque État membre doit avoir la possibilité juridique de prendre, dans les secteurs relevant de la politique culturelle et audiovisuelle, toutes les mesures nécessaires pour préserver et promouvoir la diversité culturelle;

15.  souligne que les biens et services culturels diffèrent des autres biens et services et que dans les accords commerciaux internationaux, ils doivent faire l'objet d'un traitement séparé qui les distingue des produits ordinaires de consommation de masse;

16.  invite la Commission à maintenir la possibilité, pour la Communauté, ses États membres et ses régions, de préserver et de développer leur capacité à définir et à mettre en œuvre, dans les secteurs culturel et audiovisuel, des politiques visant à préserver leur diversité culturelle;

17.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux États membres et au Directeur général de l'OMC.