Proposition de résolution - B5-0324/2003Proposition de résolution
B5-0324/2003

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

26 juin 2003

déposée à la suite de la déclaration de la Commission
conformément à l'article 37, paragraphe 2, du règlement
par Monica Frassoni, Caroline Lucas, Paul A.A.J.G. Lannoye, Jillian Evans, Jan Dhaene, Danielle Auroi et Didier Rod
au nom du groupe Verts/ALE
sur la préparation de la 5e conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (Cancun, Mexique, 10 au 14 septembre 2003)

B5‑0324/2003

Résolution du Parlement européen sur la préparation de la 5e conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (Cancun, Mexique, 10 au 14 septembre 2003)

Le Parlement européen,

–  eu égard à la cinquième conférence ministérielle de l'OMC qui se tiendra à Cancun, Mexique, du 10 au 14 septembre 2003,

–  eu égard aux résultats de la quatrième conférence ministérielle de l'OMC qui s'est tenue à Doha en novembre 2001,

–  vu sa résolution du 25 octobre 2001 sur l'ouverture et la démocratie dans le commerce international,

–  eu égard à la conférence parlementaire sur l'OMC, qui s'est tenue à Genève les 17 et 18 février 2003, et a été coorganisée par le Parlement européen et l'Union interparlementaire,

–  vu ses résolutions les plus récentes, adoptées le 12 mars 2003, sur l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) dans le cadre de l'OMC, y compris la diversité culturelle[1], sur l'autorisation d'utiliser les médicaments génériques dans le cadre de l'OMC[2] et sur les négociations de l'OMC en matière de commerce agricole[3],

–  vu les auditions publiques menées conjointement par sa commission de l'industrie, du commerce extérieur, de la recherche et de l'énergie et sa commission du développement et de la coopération, les 21 mai et 11 juin 2003,

A.  considérant que les négociations prévues par la déclaration ministérielle de Doha ont presque toutes pris du retard et que des échéances importantes ont été dépassées dans tous les domaines clés, considérant en particulier que le non-respect des délais a été singulièrement préjudiciable en ce qui concerne le traitement spécial et différencié ainsi que les modalités de négociations sur l'agriculture,

B.  considérant que la mise en avant de la dimension du développement dans les négociations commerciales, largement promue par l'OMC comme la grande réussite de Doha, s'est aujourd'hui avérée une promesse creuse, les progrès réalisés sur les préoccupations directes des pays en développement étant faibles ou inexistants,

C.  considérant que la dernière mini-conférence ministérielle organisée à Sharm-el-Sheikh, en Égypte, ne semble pas avoir permis de contribuer de façon substantielle à lever les obstacles à ces négociations,

D.  considérant qu'aucune solution n'a été trouvée aux difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires qu'éprouvent les membres de l'OMC "ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique", contrairement aux dispositions du paragraphe 6 de la déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique,

E.  considérant que les négociations au sein de l'UE sur la révision à mi-parcours et la réforme de la politique agricole commune sont également dans l'impasse,

F.  considérant que la conférence ministérielle de Cancun doit notamment décider de procéder ou non à des négociations sur chacune des questions dites de Singapour, à savoir l'investissement, la concurrence, la transparence des marchés publics et la facilitation des échanges,

G.  considérant qu'un consensus se dégage de plus en plus parmi les pays en développement (exprimé en dernier lieu à Maurice par l'Union africaine et à Genève par un bloc de pays comprenant l'Afrique du Sud, l'Argentine, la Bolivie, le Botswana, le Brésil, le Chili, la Chine, la Colombie, Cuba, l'El Salvador, l'Équateur, le Gabon, le Guatemala, le Honduras, l'Inde, la Malaisie, le Mexique, le Maroc, le Nicaragua, le Pakistan, le Paraguay, le Pérou, la République dominicaine, la Thaïlande, l'Uruguay, le Venezuela et le Zimbabwe) contre le début des négociations sur les questions de Singapour à Cancun, le sentiment général étant que ces problèmes nécessitent une analyse et une clarification plus poussées,

Généralités

1.  se déclare profondément préoccupé par le fait que le processus de négociation à Genève sur le mandat de Doha semble au point mort, et que les échéances aient été dépassées dans presque tous les domaines, en particulier pour les questions liées au développement;

2.  considère donc que l'ordre du jour des décisions à prendre par la conférence ministérielle de Cancun sera largement surchargé, ce qui ne permettra guère d'avancer;

3.  engage donc instamment la Commission à réduire ses demandes et à se concentrer sur les questions essentielles relatives au développement et aux négociations agricoles;

4.  note que le mécontentement considérable des pays en développement face au manque de démocratie et aux manipulations qui ont caractérisé le déroulement de la quatrième conférence ministérielle de Doha persiste à Genève; invite la Commission à contribuer à assurer que les négociations de Cancun, ainsi que les négociations préalables, soient ouvertes et transparentes et soient menées dans la plus grande équité et le plus grand respect vis-à-vis de toutes les parties;

5.  demande que le processus de réforme permanente des procédures de l'OMC, qui a été largement débattu après l'échec de la conférence ministérielle de Seattle et a fait l'objet de nombreuses protestations, restées sans réponse, de nombreux membres à Genève, soit remis à l'ordre du jour de la conférence ministérielle et qu'une commission de réforme des pratiques de travail soit créée et débute ses travaux immédiatement après Cancun;

6.  invite le gouvernement du Mexique, en tant qu'hôte de la conférence, à soutenir les organisations de la société civile qui seront présentes à Cancun et à contribuer à assurer que toutes les protestations soient exprimées pacifiquement, sans qu'il y ait de provocation de la part des forces de l'ordre;

7.  exprime son mécontentement que le projet de traité constitutionnel de l'UE ne prévoie aucune participation officielle du Parlement européen à l'ouverture de négociations commerciales; estime que ce contrôle parlementaire devrait être indispensable, alors que l'opinion publique est de plus en plus préoccupée par la mondialisation;

8.  reconnaît que la politique commerciale est aujourd'hui intimement liée aux questions sociales, environnementales, de consommation et de développement, au même titre qu'aux questions économiques, et souligne que l'OMC ne devrait pas avoir une compétence prépondérante dans ces domaines de politique publique;

ADPIC

9.  note avec consternation que les États-Unis persistent à bloquer toute solution au problème évoqué au paragraphe 6 de la déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique, en ce qui concerne les membres de l'OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique; considère que les démarches récentes du représentant des États-Unis pour le commerce extérieur, visant à faire pression sur certains pays en développement, afin qu'ils renoncent à leurs droits d'importer des médicaments génériques, rendront la question encore plus difficile à résoudre;

10.  demande instamment d'apporter d'urgence à ce problème une solution qui ne limite pas la capacité des membres de l'OMC à protéger la santé publique dans leur pays; rappelle à la Commission qu'imposer de nouvelles contraintes limitant, soit les catégories de problèmes de santé publique, soit les catégories de pays auxquels s'applique le mécanisme de licence d'importation obligatoire, violerait l'esprit de la déclaration de Doha et serait, à juste titre, perçu par les pays en développement comme une manifestation de mauvaise foi;

11.  souligne, de même, que toute démarche visant à quantifier et juger le caractère suffisant ou insuffisant des capacités de fabrication locales constituerait un moyen inacceptable de restreindre l'application des dispositions relatives aux ADPIC;

12.  rappelle à la Commission le paragraphe 13 de sa résolution de mars sur ce sujet, demandant l'organisation d'un plus large débat sous l'égide de l'OMS, consacré aux incidences de l'accord relatif aux ADPIC sur la disponibilité de médicaments génériques à un prix abordable;

13.  estime qu'une extension du champ d'application des indications géographiques, en vue de protéger les denrées alimentaires de qualité provenant des régions de l'UE, contribuera largement au développement rural et engage instamment la Commission à continuer à oeuvrer énergiquement à l'établissement d'un système de notification et d'enregistrement de ces produits, en complément à celui existant pour les vins et les spiritueux;

14.  rappelle que l'OMC est une organisation fondée sur des règles; demande donc la mise en oeuvre immédiate de la clause de révision de l'article 27, paragraphe 3, point b), qui aurait dû être achevée en 1999 mais a été constamment bloquée;

15.  soutient l'appel récent lancé par le groupe Afrique pour que l'accord sur les ADPIC soit modifié afin d'interdire les brevets sur toutes les formes de vie, ceux-ci étant contraire aux normes morales et culturelles de nombreuses sociétés, et d'établir clairement que l'exigence de protection des variétés végétales ne peut en aucun cas entraver mais doit au contraire appuyer les droits des membres à défendre des objectifs de politique publique tels que la sécurité alimentaire et l'élimination de la pauvreté; considère que les pressions visant à faire adopter des régimes de propriété intellectuelle inadéquats pour la protection des variétés végétales sont injustifiables;

16.  reste préoccupé par le problème du biopiratage et rappelle que le paragraphe 19 de la déclaration ministérielle de Doha demande au Conseil des ADPIC d'examiner la clarification de la relation entre l'Accord sur les ADPIC et la Convention sur la diversité biologique, la protection des savoirs traditionnels et du folklore, en tenant pleinement compte de la dimension du développement;

17.  soutient dès lors la demande lancée par des pays en développement riches en biodiversité, visant à obtenir que les demandeurs de brevets d'inventions utilisant des ressources biologiques et des savoirs traditionnels divulguent l'origine de ces ressources et de ces savoirs et apportent la preuve qu'ils ont obtenu le consentement informé préalable nécessaire et respecté les lois nationales sur le partage des bénéfices;

Agriculture

18.  réaffirme sa conclusion que, pour réaliser un véritable "Programme de Doha pour le développement", la première priorité des négociations agricoles doit être de créer des règles de commerce qui stimulent le développement et l'emploi agricoles et soutiennent la lutte contre la pauvreté dans les pays en développement et les pays les moins avancés, sans mettre en danger les objectifs fondamentaux de la politique agricole multifonctionnelle de l'Union européenne;

19.  demande donc à la Commission d'insister pour que soient intégrées dans les modalités de négociation des préoccupations non commerciales, notamment l'emploi dans le cadre du développement rural, les objectifs de protection préventive des consommateurs et d'étiquetage obligatoire, la protection de l'environnement, la santé publique et le bien-être des animaux; aucune démarche nouvelle en faveur de l'accès aux marchés européens ne devrait être possible sans un accord sur une intégration complète de ces préoccupations dans les modalités relatives à l'agriculture;

20.  souligne également qu'une amélioration de l'accès aux marchés des aliments pour animaux et des denrées alimentaires de l'UE n'implique pas automatiquement une amélioration des revenus pour les pays en développement et leurs populations les plus défavorisées; signale que les multinationales agro-alimentaires utilisent souvent les pays en développement comme bases de production et de réexportation des denrées alimentaires et aliments pour animaux, souvent à des prix de dumping et sans respecter les normes de sûreté environnementale et alimentaire;

21.  estime qu'une forme de "protection extérieure qualifiée" devrait dès lors appliquer des critères antidumping, incluant les aspects liés à la qualité alimentaire, à l'environnement, aux questions sociales, au bien-être des animaux et à la biodiversité, et établir des contrôles des procédés dans l'ensemble des chaînes agricole et alimentaire; les prélèvements ainsi récoltés devraient être retransférés aux pays en développement qui ont besoin d'une aide pour respecter ces normes;

22.  estime que les consommateurs, y compris les agriculteurs, doivent avoir le droit de savoir comment ont été produits les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, l'étiquetage revêtant une importance particulière à cet égard;

23.  considère que les règles de l'OMC ne doivent donc pas limiter de façon déraisonnable les dispositions relatives à des systèmes d'étiquetage volontaires ou obligatoires; estime que le public se préoccupe de plus en plus des implications éthiques des méthodes de production, de la protection du bien-être des animaux ou des effets de la production sur les changements climatiques et la consommation d'énergie, par exemple, et que ces éléments doivent être pris en compte dans les négociations;

"Questions de Singapour"

24.  reconnaît que la décision à prendre à Cancun sur chacune des quatre "questions de Singapour" requiert un consensus explicite; note que de nombreux pays en développement et organisations ont publié des déclarations opposées à l'extension du mandat de l'OMC dans ces domaines et que certains pays de l'UE craignent qu'une insistance marquée pour faire progresser ces questions soit contreproductive pour l'ordre du jour de Cancun;

25.  considère que, étant donné cette opposition persistante, il est difficile d'envisager un accord par consensus explicite et que ces questions devraient donc être renvoyées devant les commissions compétentes de l'OMC pour y être examinées plus en profondeur;

Commerce et environnement

26.  estime que les règles et les décisions de l'OMC doivent soutenir et non contrarier les objectifs et l'efficacité des accords environnementaux multilatéraux (AEM); juge inapproprié le paragraphe 31, point i), de la déclaration ministérielle de Doha, qui prévoit des négociations unilatérales sur la relation entre les règles de l'OMC et les AEM en ce qui concerne les obligations commerciales; demande donc l'établissement d'un organe interinstitutionnel pour débattre de la question en dehors de l'OMC, de préférence sous l'égide des Nations unies, qui constituent un forum plus approprié pour traiter de façon équilibrée les trois volets du développement durable;

27.  considère que cet organe interinstitutionnel devrait avoir pour mandat d'étudier les éléments suivants: la dimension environnementale du développement durable, l'application du principe de précaution, la protection des AEM contre les attaques injustifiées au sein de l'OMC, le resserrement des liens entre l'OMC et les organismes environnementaux internationaux, notamment le PNUE, le renforcement des AEM et de leurs propres mécanismes de règlement des litiges, le traitement des procédés et méthodes de production (PMP) par les règles de l'OMC et la charge de la preuve en matière d'environnement et de sécurité publique;

Pêche

28.  reconnaît l'importance de réduire les subventions à la pêche néfastes pour l'environnement, comme celles qui conduisent à une surcapacité des flottes ou à des capacités d'exportation vers les pays en développement, et se félicite donc des récentes modifications de l'IFOP (Instrument financier d'orientation de la pêche) adoptées dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche; considère toutefois que les négociations à l'OMC doivent se limiter aux subventions qui faussent les échanges et s'effectuer en étroite collaboration avec les organismes qui s'occupent spécialement de la pêche, en particulier la FAO et les organisations régionales de gestion de la pêche;

AGCS

29.  note que les négociations sur les offres initiales dans le cadre des négociations sur l'AGCS sont en cours et ne doivent pas faire l'objet de décisions à Cancun, mais demande néanmoins un accord effectif pour engager l'évaluation complète du commerce des services, qui est prévue à l'article XIX de l'AGCS mais n'a pas encore été réalisée;

30.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux parlements des États membres et au gouvernement du Mexique.