Proposition de résolution - B7-0086/2010Proposition de résolution
B7-0086/2010

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l'Iran

3.2.2010

déposée à la suite d'une déclaration de la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement

Cornelia Ernst, Helmut Scholz au nom du groupe GUE/NGL

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0078/2010

Procédure : 2010/2504(RSP)
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B7-0086/2010
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B7-0086/2010
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B7‑0086/10

Résolution du Parlement européen sur l'Iran

Le Parlement européen,

–   vu les élections présidentielles du 12 juin 2009 et les troubles qui en ont résulté en Iran,

–   vu la résolution adoptée le 27 novembre 2009 par le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur la mise en œuvre de l'accord de garanties TNP et des dispositions pertinentes des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1835 (2008) du Conseil de sécurité en République islamique d'Iran,

–   vu ses précédentes résolutions sur l'Iran, notamment celles du 7 mai et du 22 octobre 2009,

–   vu la résolution sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, que l'Assemblée générale des Nations unies a adoptée le 29 octobre 2009,

–   vu la déclaration du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009,

–   vu la quatrième rencontre interparlementaire PE-Iran prévue initialement à Téhéran du 9 au 11 janvier 2010, qui a été annulée par la partie iranienne,

–   vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

Démocratie et droits de l'homme

A. considérant que des indices sérieux montrent que les élections présidentielles de juin ont été entachées de fraudes massives, entraînant un vaste mouvement de protestation (appelé "mouvement vert"), qui s'est traduit par des manifestations de masse à l'intérieur et à l'extérieur de l'Iran, et s'est poursuivi ces derniers mois,

B.  considérant que les forces de sécurité iraniennes – les gardiens de la Révolution, la milice des Bassidjis et la police – ont réagi par une dure répression, procédant à l'arrestation arbitraire de milliers de manifestants et de dissidents pacifiques (y compris des étudiants, des universitaires, des militants des droits des femmes, des juristes, des journalistes, des blogueurs, des religieux et d'importants défenseurs des droits de l'homme), dans un effort évident pour faire taire les critiques et étouffer la dissidence,

C. considérant que, de surcroît, les forces de sécurité ont intensifié le harcèlement systématique auquel elles se livrent contre des membres de minorités religieuses, comme les baha'is et les sunnites, et procédé à une série d'arrestations et d'exécutions arbitraires visant des Kurdes, des Azéris, des Baloutches ainsi que la société civile et des militants politiques arabes,

D. considérant que des dizaines de manifestants sont décédés à la suite des attaques perpétrées par les forces de sécurité ou pendant leur détention, et que des milliers de personnes ont été arrêtées, quelque 300 militants étant toujours en prison, considérant qu'un grand nombre de personnes arrêtées auraient été battues et torturées et, dans certains cas, agressées sexuellement, en prison et dans des centres de détention secrets, considérant que des centaines d'Iraniens impliqués dans les manifestations auraient quitté le pays par peur de représailles, à la recherche désespérée d'un lieu sûr dans les pays voisins et en Europe,

E.  considérant qu'une enquête parlementaire a déterminé début 2010 que le procureur adjoint Saïd Mortazavi était directement responsable de la mort d'au moins trois détenus en raison de tortures et de négligences dans la prison de Kahrizak,

F.  considérant que, le 28 janvier 2010, Mohammad Reza Ali-Zamani et Arash Rahmanipour ont été exécutés, et qu'il s'agit là des premières condamnations à mort mises en application que des sources officielles relient au mouvement de protestation, malgré la présence en prison d'au moins un d'entre eux, voire des deux, au moment des élections, et considérant que neuf personnes au moins auraient été condamnées à mort en raison de liens présumés avec le mouvement vert,

G. considérant que, depuis le début du mois d'août, les instances judiciaires ont mis en scène des simulacres de procès collectifs pour juger des centaines de réformateurs et de militants de premier plan, apparemment contraints à des confessions télévisées, et de ce fait condamnés, pour certains, à de longues peines de prison et même à la peine de mort,

H. considérant que, le 27 décembre, dernier jour du rite de l'Achoura, Ali Moussavi, 35 ans, neveu du principal candidat d'opposition aux élections présidentielles de juin, Mir Hossein Moussavi, a été abattu et délibérément écrasé par une voiture, dans ce qui présente tous les signes d'un assassinat ciblé visant à servir d'avertissement ferme à l'égard de son oncle,

I.   considérant que le physicien Massoud Ali Mohammadi a été assassiné dans l'explosion d'une bombe, que beaucoup estiment être un avertissement aux professeurs et étudiants universitaires car M. Mohammadi aurait joué un rôle important dans le ralliement public de 400 autres scientifiques au chef de l'opposition Moussavi, tout en encourageant ses étudiants à participer à des manifestations pacifiques après les élections de juin,

J.   considérant que, au lendemain des manifestations de masse du 27 décembre, l'Iran a reproché aux puissances occidentales de fomenter les troubles, expulsé deux diplomates britanniques, maintenu un diplomate suédois en détention durant vingt-quatre heures et accusé le personnel de l'ambassade d'Allemagne d'appuyer activement le mouvement de protestation,

K. considérant que, au lendemain des élections, les autorités iraniennes ont fréquemment procédé au brouillage à grande échelle des réseaux internationaux de radio et de télévision, et au blocage de nombreux sites internet internationaux, notamment Facebook et Twitter, ainsi que de sites locaux de l'opposition et de services de téléphonie mobile à Téhéran, causant ainsi également des problèmes de transmission sur les réseaux des autres pays du Moyen-Orient et même en Europe,

L.  considérant que des entreprises européennes et russes ont fourni à l'Iran les dispositifs de filtrage et de brouillage nécessaires, dont certains pourraient même présenter des risques pour la santé de la population résidant à proximité de ces installations,

Dossier nucléaire

M. considérant que, en violation des obligations que lui impose le traité de non-prolifération nucléaire, l'Iran a construit clandestinement un centre d'enrichissement à Qom et n'a informé l'AIEA de son existence que longtemps après le début des travaux, et que cette violation des règles donne lieu à des conjectures sur l'existence éventuelle d'autres sites nucléaires secrets et entame la confiance dans les assurances données par l'Iran quant au caractère purement civil de son programme nucléaire,

N. considérant que, en vue de trouver une solution diplomatique à la question du programme nucléaire iranien, l'Union européenne, les États-Unis, la Chine et la Russie ont proposé un accord dans le cadre de l'AIEA prévoyant d'expédier l'uranium faiblement enrichi de l'Iran vers la Russie et la France pour qu'il y soit transformé en barres de combustible destinées au réacteur de recherche médicale de Téhéran,

O. considérant que, depuis le rejet de cette proposition par l'Iran, des débat sont menés au sein du Conseil de sécurité en ce qui concerne des sanctions renforcées contre l'Iran

Démocratie et droits de l'homme

1.  se déclare vivement préoccupé par le fait que les fraudes électorales généralisées qui auraient entaché les élections présidentielles de juin 2009 en Iran n'aient pas conduit à une enquête sérieuse du Parlement ou du Guide suprême Khamenei, et estime que la légitimité du mandat du président Ahmadinejad est gravement compromise malgré sa confirmation par le Guide suprême;

2.  admire le courage des dizaines de milliers d'Iraniens qui continuent à risquer leur carrière professionnelle et leur vie en appelant à davantage de liberté et de droits démocratiques en République islamique d'Iran;

3.  déplore vivement que le gouvernement et le Parlement iraniens soient apparemment incapables de répondre de manière constructive aux revendications justifiées d'une génération d'Iraniens jeunes, cultivés et dynamiques dont les aspirations à un développement économique et social sont depuis trop longtemps étouffées;

4.  condamne fermement les attaques systématiques et brutales auxquelles les forces de sécurité se livrent contre ceux qui manifestent pacifiquement et critiquent le gouvernement, ainsi que la fermeture de journaux et celle de bureaux d'organisations de défense des droits de l'homme;

5.  invite les autorités iraniennes à libérer immédiatement toutes les personnes arrêtées pour avoir exercer de manière pacifique leur droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion, et à mener une enquête et des poursuites à l'encontre des membres du gouvernement et des membres des forces de sécurité responsables du meurtre, des mauvais traitements et de la torture de membres des familles des dissidents, manifestants et détenus;

6.  demande une nouvelle fois aux instances judiciaires iraniennes d'instaurer un moratoire sur la peine capitale et d'interdire sans ambiguïté les exécutions de jeunes;

7.  invite les autorités iraniennes à mettre un terme immédiat aux simulacres de procès diffusés à la télévision et demande au Parlement iranien de modifier les dispositions de la législation iranienne permettant au gouvernement de refuser les droits à une procédure régulière des défendeurs, comme l'accès à une représentation légale adéquate;

8.  condamne les efforts déployés par les autorités iraniennes pour censurer la presse écrite, brouiller la radio et la télévision, par exemple la BBC, et bloquer l'internet, et invite l'Union européenne et ses États membres à faire face aux retombées internationales de ces pratiques dans le cadre de l'Union internationale des télécommunications (UIT);

9.  critique vivement les entreprises internationales, notamment Nokia Siemens, qui fournissent aux autorités iraniennes la technologie nécessaire à la censure et à la surveillance, et contribuent ainsi à la persécution et à l'arrestation des dissidents iraniens;

Dossier nucléaire

10. déplore vivement que le gouvernement iranien ait à nouveau rejeté tous les efforts visant à trouver un compromis sur le dossier nucléaire et que le gouvernement d'Ahmadinejad souhaite apparemment se servir de ce sujet pour détourner l'attention de la crise interne qui secoue le pays;

11. invite l'Iran et les pays du Moyen-Orient qui envisagent un investissement dans l'énergie nucléaire à ne pas répéter les erreurs de nombreux pays membres de l'Union en privilégiant une technologie dangereuse et dépassée; appelle en revanche ces pays à explorer toutes les options offertes par les technologies modernes des énergies renouvelables et les méthodes de rendement et de conservation;

12. préconise un règlement politique pacifique du litige concernant les programmes nucléaires de l'Iran; réaffirme son opposition à toute action militaire ou à toute menace d'utilisation de la force et met en garde contre le fait qu'une action militaire aboutirait à une aggravation de la crise dans la région; se déclare vivement préoccupé par le renforcement de la présence militaire des États-Unis dans la région;

13. demande de poursuivre les efforts en vue de trouver une solution négociée, générale et équitable, de la question nucléaire iranienne, sur la base de la reconnaissance du droit de l'Iran à mener des activités nucléaires à des fins pacifiques et d'assurances vérifiables données par ce pays quant au caractère pacifique de son programme nucléaire; est fermement convaincu que le dialogue et la diplomatie peuvent fournir des solutions convaincantes et à long terme dans le dossier iranien, dans un cadre multilatéral géré par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à Vienne;

14. demande à nouveau l'application stricte du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) par toutes les parties et à tous les égards; appelle à nouveau tous les pays possédant l'arme nucléaire à procéder à une réduction progressive du nombre d'ogives nucléaires, à éliminer progressivement le rôle des armes nucléaires dans la politique de sécurité et à encourager la création d'une zone non nucléaire en Europe et au Moyen-Orient;

15. invite à nouveau le Parlement et le gouvernement iraniens à ratifier et mettre en œuvre le protocole additionnel et à appliquer pleinement les dispositions de l'accord de garanties généralisées;

16. est vivement préoccupé par le fait qu'Israël, l'Inde et le Pakistan n'ont pas adhéré au TNP; invite ces pays à devenir des États parties à ce traité; réaffirme son vif regret au sujet des accords nucléaires conclus entre les États-Unis, la France et l'Inde, qui ne respectent pas la logique du traité de non-prolifération en faisant de l'Inde le seul pays connu doté de l'arme nucléaire qui soit autorisé à se livrer au commerce nucléaire – notamment l'enrichissement – avec le reste du monde bien qu'il ne soit pas partie au TNP; estime que les négociations relatives à l'établissement d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient et en Méditerranée pourraient constituer une étape importante pour répondre aux préoccupations des pays de la région en matière de sécurité; invite le G-3 de l'Union européenne à introduire cette idée dans les négociations avec l'Iran;

17. réaffirme, dans ce cadre, son opposition générale à l'utilisation de l'énergie nucléaire en raison de ses graves risques potentiels, du problème insoluble des déchets, des coûts élevés et du lien intrinsèque avec l'arme nucléaire;

Relations UE-Iran à l'avenir

18. attire l'attention sur le fait que les sanctions contre l'Iran n'ont pas abouti à un résultat utile en vue du règlement du litige concernant le programme nucléaire de l'Iran; se déclare préoccupé par le fait que les nouvelles sanctions risquent d'avoir des conséquences négatives pour la population iranienne; invite dès lors l'Union européenne à poursuivre ses efforts diplomatiques et à ne pas accepter de nouvelles sanctions à l'encontre de l'Iran;

19. rappelle au Conseil et aux États membres que le désarmement nucléaire et la non-prolifération nucléaire sont intimement liés et se renforcent mutuellement; invite donc les États membres de l'Union à éliminer progressivement le rôle des armes nucléaires dans la politique de sécurité et à lancer des mesures visibles visant à faire de l'Europe une zone dénucléarisée;

20. souligne l'importance de la poursuite du dialogue avec l'Iran à tous les niveaux, en particulier avec la société civile; déplore que la partie iranienne ait reporté la visite de la délégation du Parlement européen prévue du 8 au 11 janvier 2010; souhaite que le dialogue direct entamé avec la société iranienne se poursuive et s'intensifie et espère que le gouvernement et le Parlement iraniens reverront leur position sur les contacts directs;

21. charge son président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Secrétaire général des Nations unies, au Conseil de sécurité des Nations unies, à la Commission des droits de l'homme des Nations unies, ainsi qu'au gouvernement et au Parlement de la République islamique d'Iran.