Proposition de résolution - B7-0387/2011Proposition de résolution
B7-0387/2011

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la révision de la constitution hongroise

29.6.2011

déposée à la suite des questions pour réponse orale B7‑0316/2011 et O‑000110/2011
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement,

Marie-Christine Vergiat au nom du groupe GUE/NGL

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0379/2011

Procédure : 2011/2655(RSP)
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B7-0387/2011
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B7‑0387/2011

Résolution du Parlement européen sur la révision de la constitution hongroise

Le Parlement européen,

–   vu les articles 2, 3, 4, 6 et 7 du traité sur l'Union européenne (TUE), les articles 49, 56, 114, 167 et 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), relatifs au respect, à la protection et à la promotion des droits fondamentaux,

–   vu la nouvelle constitution de la Hongrie, adoptée le 18 avril 2011 par l'assemblée nationale de la République hongroise et signée par le président de la Hongrie le 25 avril 2011, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2012 (ci-après, "la constitution"),

–   vu les avis nos CDL(2011)001 et CDL(2011)016 de la commission de Venise pour la démocratie par le droit du Conseil de l'Europe, portant respectivement sur les trois questions juridiques qui se posent dans le cadre de la préparation d’une nouvelle constitution de la Hongrie et sur la nouvelle constitution de la Hongrie,

–   vu la proposition de résolution n° 12490 déposée le 25 janvier 2011 à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les "Graves revers dans le domaine de la prééminence du droit et des droits de l’homme en Hongrie",

–   vu l'arrêt n° 30141/04 de la Cour européenne des droits de l'homme (Schalk et Kopf/Autriche), et notamment ses obiter dicta,

–   vu les questions orales déposées au Parlement européen sur la nouvelle constitution hongroise, vu les déclarations du Conseil et de la Commission sur la constitution hongroise révisée, et vu le débat qui s'en est suivi le 8 juin,

–   vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A.  considérant que l'Union européenne repose sur les valeurs de démocratie et d'état de droit, ainsi que le précise l'article 2 du traité sur l'Union européenne, sur le respect intégral des libertés et droits fondamentaux, inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et dans la Convention européenne des droits de l'homme, et sur la reconnaissance de la valeur juridique desdits droits, libertés et principes, laquelle trouve également son affirmation dans la prochaine adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme, de même que sur les principes de non-discrimination et de pluralisme,

B.  considérant que la Hongrie a signé la Convention européenne des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et d'autres instruments juridiques internationaux qui l'obligent à respecter et à mettre en oeuvre les principes de séparation des pouvoirs, d'équilibrage des pouvoirs institutionnels et de promotion de la démocratie et des droits de l'homme,

C. considérant que, si la rédaction et l'adoption d'une nouvelle constitution relèvent de la compétence des États membres, les États membres, actuels et en cours d'adhésion, et l'Union européenne sont tenus de veiller à ce que le contenu et les procédures soient conformes aux valeurs de l'Union européenne, à la Charte des droits fondamentaux et à la Convention européenne des droits de l'homme, et à ce que la lettre et l'esprit des constitutions adoptées ne contredisent pas ces valeurs et instruments; considérant que le fait que plusieurs des États membres actuels de l'Union européenne aient revu et modifié leur constitution pour adhérer à l'Union ou adapter leur constitution à des exigences ultérieures des traités européens, est une claire démonstration de ce qui précède,

D. considérant que la commission de Venise a regretté que "le processus constitutionnel, y compris la rédaction et l'adoption définitive de la nouvelle constitution, ait été affecté par le manque de transparence, des insuffisances dans le dialogue entre la majorité et l'opposition, les opportunités insuffisantes pour un débat public adéquat, et un calendrier très serré[1]" et considérant que la "constitution est un cadre communément admis pour les processus démocratiques ordinaires … (ce qui est) une condition préalable à une procédure constitutionnelle pleinement réussie et légitime[2]" qui "devrait reposer sur le consensus le plus large possible dans la société hongroise[3]",

E.  considérant que la constitution a fait l'objet de vives critiques de la part d'ONG et d'organisations nationales, européennes et internationales, y compris de la part de représentants des gouvernements des États membres, et qu'elle a été adoptée exclusivement avec les voix des députés issus des partis au pouvoir, ce qui signifie qu'elle ne peut se prévaloir du débat et du consensus politiques et sociétaux mentionnés plus haut,

F.  considérant que le Parlement européen partage les préoccupations exprimées par la commission de Venise quant à l'affaiblissement du système d'équilibre des pouvoirs et, dès lors, quant au fonctionnement de la démocratie elle-même, en particulier au vu des dispositions concernant les pouvoirs de la majorité parlementaire et l'affaiblissement des prérogatives et des compétences de la Cour constitutionnelle ainsi que des tribunaux et des juges en tant que garants indépendants de l'ordre juridique, ce qui peut compromettre l'indépendance du système judiciaire hongrois,

G.  considérant que la constitution omet de déclarer explicitement un certain nombre de droits et de devoirs que la Hongrie, du fait de ses obligations juridiquement contraignantes sur le plan international, est tenue de respecter et de promouvoir, par exemple l'interdiction de la peine de mort, de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, de la perpétuité réelle et de la suspension ou de la restriction des droits fondamentaux dans un ordre juridique spécial,

H. considérant que la constitution, du fait des valeurs qui y sont énoncées ainsi que de la formulation peu claire utilisée pour définir des notions fondamentales telles que "la famille" et le droit à la vie à partir du moment de la conception, porte en elle un risque de discrimination contre certains groupes de la société, à savoir les minorités ethniques, religieuses et sexuelles, les familles monoparentales, les personnes ayant conclu une union civile et les femmes,

I.   considérant que la constitution ne garantit pas explicitement que la Hongrie respecte l'intégrité territoriale des autres pays et que l'absence de cette disposition, conjointement avec la formulation peu claire du préambule, en particulier des parties concernant les obligations de l'État hongrois vis-à-vis des Hongrois vivant à l'étranger, peut créer une base juridique pour des actions que des pays voisins considéreraient comme une ingérence dans leurs affaires intérieures, ce qui peut être source de tensions dans la région,

J.   considérant que l'incorporation de la Charte européenne des droits fondamentaux peut entraîner des chevauchements de compétences entre les tribunaux hongrois et internationaux, comme la commission de Venise le souligne dans son avis,

K.  considérant que la constitution requiert l'adoption de plus de 50 lois "cardinales", elles aussi soumises à la majorité constitutionnelle des deux tiers, qui régiront un large éventail de questions relatives au système institutionnel de la Hongrie, à l'application des droits fondamentaux, ainsi qu'aux politiques culturelles, religieuses, socio-économiques et financières, ce qui signifie, concrètement, que leur adoption fait partie du processus constitutionnel et, dès lors, risque de priver les futurs parlements et gouvernements de leurs compétences et de leurs pouvoirs dans ces domaines politiques, et considérant que la constitution donne une portée juridique à son préambule, ce qui peut avoir des implications juridiques et politiques se traduisant par une insécurité juridique,

L.  considérant que, selon la constitution, plusieurs questions, comme les règles fondamentales du système fiscal et du régime des pensions, qui relèvent normalement de la compétence du gouvernement et de la procédure de décision ordinaire de l'organe législatif, devront également être réglementées par des lois cardinales, ce qui signifie que les futurs gouvernements ne disposant pas d'une majorité constitutionnelle auront les mains liées,

M.  considérant qu'un organe non parlementaire, le Conseil du budget, jouissant d'une légitimité démocratique limitée, aura le pouvoir d'opposer son veto à l'adoption du budget général par l'assemblée nationale, auquel cas le chef de l'État pourra dissoudre cette dernière, ce qui constitue une restriction grave à l'action du législateur démocratiquement élu,

N.  considérant que, parallèlement à l'adoption de la nouvelle constitution, le gouvernement de la Hongrie et les partis au pouvoir ont procédé à de vastes remaniements à des postes clés, avec par exemple la désignation du nouveau procureur général, du président de la Cour des Comptes, du président du Conseil budgétaire; considérant que la nouvelle constitution met un terme au mandat actuel du président de la Cour suprême et que le nouveau président de la Curie sera élu directement par le parlement hongrois, au sein duquel les partis au pouvoir disposent d'une majorité des deux tiers, et considérant que cinq membres de la Cour constitutionnelle viennent d'être proposés et élus par les partis au pouvoir,

O.  considérant que l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a décidé de préparer un rapport sur la constitution, sur la base des résultats attendus d'un examen actuellement mené par la commission de Venise,

P.  considérant que la rédaction et l'adoption d'une nouvelle constitution ne figuraient pas dans le programme électoral des partis au pouvoir,

Q.  considérant que M. Ban-ki Moon, Secrétaire général des Nations unies, a déclaré que "il apprécierait que le gouvernement hongrois sollicite des conseils et des recommandations à l'intérieur du pays et auprès du Conseil de l'Europe et des Nations unies" et estime que la Hongrie, en tant qu'État membre de l'Union européenne, devrait s'adresser aux institutions européennes pour qu'elles lui apportent leurs conseils et procèdent à un examen de la constitution,

R.  considérant que Viktor Orbán, premier ministre de la Hongrie, s'est déclaré prêt à soumettre la constitution à un tel examen,

1.  dit la grande préoccupation que lui inspire la constitution hongroise, face au nombre élevé de questions et de problèmes graves qu'elle soulève, et aux recommandations qu'elle suscite, et adhère pleinement aux critiques de la commission de Venise concernant le flou de la constitution dans des secteurs essentiels tels que le système judiciaire et les droits fondamentaux individuels et concernant le grand nombre de politiques culturelles, religieuses, morales, socio-économiques et financières qui seront figées par une majorité des deux tiers, au travers des lois cardinales, alors qu'elles devraient être soumises au vote majoritaire de l'organe législatif élu; adhère aux observations de la commission concernant le préambule, et plus particulièrement l'interprétation de la constitution;

2.  dit sa conviction que les autorités hongroises devraient immédiatement assumer leur responsabilité politique et répondre à la multitude de préoccupations et de recommandations qui ont été exprimées au niveau international et national et qu'elles devraient chercher activement un large consensus, assurer une plus grande transparence et une véritable inclusion politique et sociale et susciter un large débat public lors de la prochaine rédaction et lors de l'adoption des lois cardinales prévues dans la constitution;

3.  se dit très vivement préoccupé quant à l'absence de garanties explicites pour tous les droits sociaux et civils fondamentaux, conformément aux obligations internationales de la Hongrie, quant à l'absence d'interdiction expresse de la peine de mort, de la perpétuité réelle, de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et quant à la question de savoir si les citoyens de la Hongrie acquièrent les droits fondamentaux à la naissance, sans que ceux-ci soient liés à des obligations;

4.  souligne à regret que la version actuelle du préambule ne lève toujours pas l'ambiguïté juridique quant à la portée du principe de protection égale des droits de chaque citoyen, de séparation de l'Église et de l'État, de liberté de la presse en tant que droit individuel et non en tant qu'obligation de l'État; répète sa ferme conviction que chaque citoyen a droit à une protection égale de ses droits, quel que soit le groupe sociétal - religieux, sexuel, ethnique ou autre - auquel il appartient, conformément à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux;

5.  dit également sa préoccupation quant au flou du préambule, qui omet de garantir explicitement que la Hongrie respecte l'intégrité territoriale des autres pays en ce qui concerne les Hongrois vivant à l'étranger;

6.  attire l'attention des autorités hongroises sur la nécessité de réaffirmer l'indépendance de la Justice, en garantissant explicitement l'indépendance de l'encadrement du système judiciaire, en restaurant le droit de la Cour constitutionnelle à revoir la législation liée au budget sans exception, ainsi que le requiert le droit et la jurisprudence de la CEDH, et en revoyant la disposition relative à l'abaissement de l'âge de départ obligatoire à la retraite pour les juges;

7.  réaffirme avec force sa conviction que toute loi cardinale à venir qui pourrait réglementer des questions telles que l'avortement, la politique familiale, le système fiscal et le régime des pensions, et, d'une manière générale, les politiques culturelles et religieuses, morales, socio-économiques et financières doit permettre aux futurs gouvernements et aux législateurs démocratiquement élus de décider sur ces questions sans que ces politiques ne soient figées dans la constitution ou dans des lois cardinales trop détaillées;

8.  répète sa conviction de la nécessité d'une autorité budgétaire élue de manière indépendante et démocratique;

9.  rappelle que l'incorporation de la Charte des droits fondamentaux ne doit pas poser de problèmes d'interprétation et de chevauchement de compétences entre les tribunaux nationaux, la Cour constitutionnelle et la Cour européenne de justice et ne doit pas modifier la hiérarchie des obligations légales découlant des divers instruments juridiques internationaux;

10.  regrette l'abolition de l'actio popularis relative à la Cour constitutionnelle et souligne sa conviction que, dans un souci de plus grande légitimité démocratique, il est nécessaire de conserver des outils démocratiques tels que les actions collectives ou les instances intermédiaires, par exemple le médiateur;

 

11. invite la Commission européenne à mener un examen et une analyse complets et approfondis de la constitution hongroise ainsi que de la prochaine adoption de lois génériques sur la base de la CEDH, de la Charte des droits fondamentaux, de la lettre et de l'esprit des traités et de l'acquis communautaire;

12. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au Conseil de l'Europe, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l'Agence des droits fondamentaux, à l'OSCE et à l'Organisation des Nations unies.