Proposition de résolution - B7-0192/2014Proposition de résolution
B7-0192/2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l'Iraq

19.2.2014 - (2014/2565(RSP))

déposée à la suite à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement

Tarja Cronberg, Ulrike Lunacek, Nicole Kiil-Nielsen, Raül Romeva i Rueda au nom du groupe Verts/ALE

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0188/2014

Procédure : 2014/2565(RSP)
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B7-0192/2014
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B7‑0192/2014

Résolution du Parlement européen sur l'Iraq

(2014/2565(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu ses résolutions antérieures sur l'Iraq, et notamment sa résolution du 10 octobre 2013 sur les violences récentes en Iraq[1],

–       vu l'accord de partenariat et de coopération (APC) entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Iraq, d'autre part, ainsi que la première réunion du Conseil de coopération UE‑Iraq le 20 janvier 2014,

–       vu la déclaration locale de l'Union européenne sur l'Iraq du 10 décembre 2013 à l'occasion de la journée internationale des droits de l'homme,

 

–       vu les conclusions du Conseil "Affaires étrangères" sur l'Iraq, notamment celles du 10 février 2014,

–       vu les déclarations de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), Catherine Ashton, relatives à l'Iraq, en particulier celles du 5 février 2014, du 16 janvier 2014 et du 18 décembre 2013,

–       vu la déclaration du président du Conseil de sécurité des Nations unies du 10 janvier 2014 sur l'Iraq,

–       vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,

–       vu le Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, auquel l'Iraq est partie,

–       vu la déclaration du Conseil du 26 février 2014 sur l'Iraq,

–       vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A.     considérant que près de onze ans après l'invasion de l'Iraq par la "coalition des pays volontaires", le pays connaît la vague de violences la plus grave depuis 2008, les informations disponibles faisant état de plus de 1 000 morts en seulement un mois, de violences interconfessionnelles entre la majorité chiite et les Sunnites ainsi que d'autres minorités plus petites, qui se multiplient, compromettant davantage encore toute perspective de paix, d'égalité, de démocratie et de prospérité;

B.     considérant que la source des divisions actuelles de l'Iraq peut être liée à la décision prise par les autorités d'occupation, après 2003, de démanteler l'armée iraquienne et de purger le gouvernement, créant un vide qui a rapidement été exploité par les groupes confessionnels et les milices;

C.     considérant que le gouvernement à dominante chiite de Nouri al-Maliki marginalise de manière systématique la minorité sunnite et sa représentation politique, resserre son emprise sur les services de sécurité, les autorisant à agir en toute impunité, intimide et arrête les opposants politiques, recourt à la violence pour réprimer les manifestations de masse et ne cesse de multiplier les exécutions; considérant, en particulier, que la décision du gouvernement de démanteler, le 30 janvier 2013, le camp de manifestants sunnites installé à Ramadi depuis un an n'a fait qu'aggraver sensiblement des tensions pourtant déjà vives;

D.     considérant que l'Iraq souffre actuellement d'une pression démographique intense du fait de la croissance démographique et des déplacements internes, du plus haut niveau de corruption au Moyen-Orient et d'une économie qui n'a pas su traduire la richesse pétrolière en croissance économique, niveaux d'emploi satisfaisants et revenus suffisants par habitant, et que le tissu social du pays, en particulier ses réalisations antérieures en matière d'égalité de traitement pour les femmes, a subi de graves bouleversements;

E.     considérant que la population continue de subir les conséquences des grandes quantités d'uranium appauvri qui ont été utilisées dans les munitions lors de l'invasion par les États‑Unis et le Royaume‑Uni, avec une multiplication extraordinaire du nombre de cancers et de malformations;

F.     considérant que la guerre civile en Syrie se propage à l'Iraq, des milliers de militants – en particulier les militants islamistes d'Al-Qaeda de l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) – étendant leurs activités au territoire iraquien;

G.     considérant qu'au début de l'année 2014, l'EIIL s'est emparé de quartiers stratégiques de Ramadi et de Falloujah, les villes principales de la province d'Al‑Anbar, à population majoritairement sunnite; considérant que plus de 60 000 familles ont fui au cours des combats qui ont suivi entre les forces de l'EIIL et du gouvernement, ce qui représente, avec une évaluation d'environ six personnes par famille d'après les Nations unies, plus de 370 000 personnes, et considérant que, selon le rapport des Nations unies, 85% de la population de Falloujah a été déplacée;

H.     considérant que, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, il s'agit du plus grand déplacement que l'Iraq ait connu depuis les violences interconfessionnelles de la période 2006-2008, et que ce chiffre vient s'ajouter aux 1,13 million de personnes déjà déplacées en Iraq, qui résident pour la plupart dans les province de Bagdad, de Diyala et de Ninawa; considérant, en outre, que de nombreux civils se trouvent dans l'impossibilité de quitter les zones de conflit, où les denrées alimentaires et le carburant sont maintenant rares;

I.      considérant que les attentats meurtriers lancés sur l'Iraq se poursuivent sans relâche, tels que l'attaque du 5 février 2014 dont a fait l'objet le ministère iraquien des affaires étrangères, frappant essentiellement les quartiers chiites, alors que plusieurs évasions de prison participent à augmenter le nombre de combattants venus renforcer les rangs de groupes militants extrémistes;

J.      considérant que le gouvernement fédéral d'Iraq et le gouvernement régional du Kurdistan ne parviennent toujours pas à s'entendre sur les modalités d'une utilisation partagée des ressources minérales de l'Iraq, sachant qu'un nouveau gazoduc devrait transporter deux millions de barils de pétrole chaque mois du Kurdistan vers la Turquie et que le gouvernement central prépare une action en justice contre la province;

K.     considérant que, le 16 janvier 2014, le premier ministre Nouri al‑Maliki a demandé aux États‑Unis de nouvelles armes et des formations, et qu'une vaste campagne d'armement est actuellement menée en faveur de l'Iraq, dans le cadre de laquelle s'effectuent des opérations de vente de matériel militaire d'une valeur de plusieurs milliards de dollars au profit des États‑Unis, de la Russie, de l'Iran et peut‑être d'autres pays;

L.     considérant que le gouvernement a commencé à recruter des milliers de volontaires des tribus sunnites pour lutter contre les extrémistes militants djihadistes dans la province d'Al‑Anbar;

 

M.    considérant que des amendements à la loi électorale de l'Iraq ont été adoptés en novembre 2013, ouvrant la voie à des élections générales qui doivent se tenir le 30 avril;

1.      exprime sa profonde préoccupation devant la détérioration de la situation sécuritaire en Iraq, les nouvelles livraisons en masse d'armes dans la région en crise et le risque croissant de voir le pays replonger dans une guerre civile pure et simple;

2.      condamne à nouveau fermement l'invasion de l'Iraq en 2003 et ses conséquences, y compris l'effondrement de l'État de droit, la montée de l'extrémisme religieux et un niveau de corruption extraordinaire dans le pays; souligne que cette attaque était contraire au droit international;

3.      demande à tous les États membres de ratifier rapidement les amendements, adoptés en 2010 à Kampala, au statut de la Cour pénale internationale en ce qui concerne le "crime d'agression" afin d'ouvrir la voie à la poursuite des guerres d'agression à l'avenir;

4.      souligne l'importance cruciale d'un dialogue ininterrompu et de l'unité nationale, d'un processus politique inclusif et du droit à manifester pacifiquement garanti par la constitution iraquienne;

5.      souligne que le scrutin qui s'annonce revêt la plus haute importance pour la suite de la transition démocratique en Iraq, et demande à toutes les parties prenantes de faire en sorte qu'il soit sans exclusive, transparent et crédible et qu'il se déroule dans le temps imparti; demande au Service européen pour l'action extérieure (SEAE) d'assister autant que possible le gouvernement iraquien dans les préparatifs pratiques;

6.      se félicite du nouvel effort consenti par le gouvernement pour renforcer le dialogue et la coopération entre les tribus iraquiennes, les dirigeants locaux et les forces de sécurité iraquiennes dans la province d'Al‑Anbar en vue de lutter contre la violence et la terreur;

7.      souligne, néanmoins, le fait que des années de discrimination, de négligence de la part du gouvernement et de difficultés pour accéder aux emplois de la fonction publique ont développé chez les Sunnites un ressentiment et une méfiance profonds, et que la politique à long terme doit faire l'objet d'une réorientation résolue;

8.      invite le SEAE et la Commission à faire tout leur possible pour aider le gouvernement iraquien et la mission d'assistance des Nations unies pour l'Iraq (MANUI) à protéger la population civile à Falloujah et ailleurs afin de tenter d'assurer le passage en toute sécurité des civils pris au piège dans les zones de conflit ainsi que le retour des personnes déplacées à l'intérieur du pays lorsque les conditions l'autorisent;

9.      critique vivement la récente vague de dizaines d'exécutions et les centaines d'autres cas de condamnation à mort en attente de confirmation par la présidence, qui sont souvent le résultat de condamnations prononcées à l'issue de procès manifestement inéquitables pour des accusations de terrorisme en vertu de la loi antiterroriste draconienne de 2005; réitère sa demande expresse au président de ne pas confirmer ces peines de mort et au gouvernement de mettre en place un moratoire sur toutes les nouvelles exécutions;

10.    estime que la réforme du système de justice profondément vicié, théâtre d'actes de torture et de corruption, est d'une importance primordiale afin de rétablir un sentiment de sécurité chez les citoyens de l'Iraq, et devrait inclure la révision de la loi anti‑terroriste qui protège beaucoup moins les suspects et les détenus que le Code de procédure pénale, et demande qu'il soit mis un terme à l'impunité, en particulier pour les forces de sécurité de l'État;

11.    condamne l'utilisation de l'uranium appauvri pendant la guerre, y compris par les États membres, et demande à l'Union européenne d'élaborer une position commune de l'Union en faveur de l'interdiction de l'utilisation de munitions à l'uranium appauvri ainsi que d'offrir une assistance pour le traitement des victimes et pour soutenir toutes mesures éventuelles visant à assainir les zones touchées;

12.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Président du Conseil européen, au Président de la Commission européenne, à la vice-présidente de la Commission européenne / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux présidents des parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au Conseil des représentants de la République d'Iraq.