Proposition de résolution commune - RC-B6-0216/2004Proposition de résolution commune
RC-B6-0216/2004

PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE

15.12.2004

déposée conformément à l'article 115, paragraphe 5, du règlement par
en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes suivants:sur Bhopal

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RC-B6-0216/2004
Textes déposés :
RC-B6-0216/2004
Textes adoptés :

Résolution du Parlement européen sur Bhopal

Le Parlement européen,

– vu l'article 11, paragraphe 5, de son règlement,

A. considérant que l'année 2004 a marqué le 20e anniversaire de la tragédie de Bhopal, la plus grave catastrophe industrielle de tous les temps,

B. considérant que, dans la nuit du 2 décembre 1984, plus de 35 tonnes de gaz toxiques se sont échappées d'une usine de pesticides de la société indienne Union Carbide India Limited (UCIL) de Bhopal, filiale du groupe multinational états‑unien Union Carbide Corporation (UCC), les produits dégagés étant composés principalement de 24 tonnes au moins d'isocyanate de méthyle, substance extrêmement toxique,

C. considérant que, dans les deux à trois jours suivants, plus de 7 000 personnes sont mortes et qu'un nombre plus élevé encore ont été atteintes et que, durant les vingt dernières années, entre 15 000 et 30 000 personnes ont succombé à des maladies liées à l'exposition aux gaz; ayant connaissance du rapport annuel pour 2003 du ministère des secours et de la réhabilitation des victimes des émanations de gaz de l'État du Madhya Pradesh, signalant que, jusqu'en octobre 2003, des indemnités avaient été versées dans 15 248 cas de décès et 554 895 cas d'affection ou de handicap,

D. considérant que plus de 100 000 personnes ayant été exposées aux gaz souffrent toujours de maladies chroniques et débilitantes sur lesquelles les traitements sont peu efficaces, qui les condamnent souvent à une vie d'exclus de la société, privées de ressources et misérables, au point d'être perçues comme autant de "morts vivants",

E. considérant que la société Union Carbide n'appliquait manifestement pas, à Bhopal, les règles de sécurité qui valaient aux États‑Unis quant à la conception et au fonctionnement des installations, qu'il n'existait, en particulier, aucun plan ou système général d'urgence permettant de prévenir les autorités locales de l'existence de fuites de produits, et ce malgré les avertissements formulés, dès 1982, au sujet de graves préoccupations quant à la sécurité de l'usine de Bhopal,

F. considérant que, aujourd'hui encore, les produits chimiques que Union Carbide a laissés sur place continuent de polluer le réseau d'adduction d'eau, provoquant des cancers et des malformations congénitales,

G. considérant que des analyses d'échantillons d'eau de la nappe souterraine et des puits situés à proximité du site de l'accident ont mis en évidence, en 1999, des niveaux de mercure compris entre 20 000 et 6 millions de fois les niveaux attendus; que l'eau contenait des substances chimiques susceptibles de causer des cancers, des affections neurologiques et des malformations congénitales et que le trichloroéthène (substance chimique connue pour affecter le développement du fœtus) était présent à un niveau 50 fois supérieur à la limite de sécurité définie par l'Agence de protection de l'environnement des États‑Unis,

H. considérant que, depuis le rachat en 2001 de Union Carbide par Dow Chemicals pour plus de $ 10 milliards, les nouveaux propriétaires ont a) refusé de dépolluer le site de Bhopal, qui continue de contaminer l'environnement, et b) refusé de financer les soins médicaux dont ont besoin les personnes atteintes,

I. considérant que, après vingt années, les survivants attendent toujours une indemnisation équitable, une prise en charge et des traitements médicaux appropriés, ainsi qu'une réhabilitation générale sur les plans économique et social,

J. considérant que Union Carbide et sa filiale indienne avaient conclu, en 1989, avec le gouvernement indien un accord juridique assorti du versement de $ 470 millions destinés à couvrir toutes les plaintes et avalisé par la Cour suprême de l'Inde, en application duquel la somme en question a été versée entièrement au gouvernement tout de suite après la décision de la Cour,

K. considérant que cette somme de $ 470 millions s'est trouvée réduite, après le défraiement des avocats et le versement allégué de pots‑de‑vin destinés à corrompre des fonctionnaires indiens, à une dérisoire enveloppe de $ 300 pour chaque victime de la catastrophe, montant qui ne couvre même pas les frais médicaux,

L. considérant que la Cour suprême de l'Inde a ordonné, en juillet 2004, au gouvernement indien de verser aux victimes tous les fonds supplémentaires destinés au règlement du litige,

M. considérant que, au fil des années, les sommes destinées à 105 000 victimes ont été versées à plus de cinq fois le nombre de morts, de blessés et de handicapés sur lequel la Cour suprême s'était fondée pour calculer les indemnités, en conséquence de quoi les victimes ont subi une profonde injustice, et considérant que le paiement des maigres subsides n'a finalement commencé qu'en 1992,

N. considérant que le gouvernement indien n'a guère agi pour protéger la population des risques supplémentaires d'exposition et de maladies et n'a toujours pas procédé à l'évaluation des dommages, ni dressé un programme de réparation,

O. considérant que, selon les termes de l'accord de règlement, le gouvernement indien doit assumer la responsabilité de fournir aux citoyens de Bhopal une assistance médicale en cas d'apparition de maladies,

P. considérant que, en raison des graves carences du système de soins de santé, la plupart des survivants ont dû consacrer l'essentiel de leur indemnité à des traitements médicaux privés,

Q. considérant que, malgré l'ordonnance rendue en mai 2004 par la Cour suprême quant à l'obligation de fournir aux populations affectées par l'eau polluée une eau potable, le gouvernement de l'État du Madhya Pradesh n'a pas entièrement accompli son devoir,

R. considérant que la société UCC/Dow et les autorités de l'Inde et de l'État du Madhya Pradesh n'ont pas rempli les obligations et satisfait aux responsabilités qui sont les leurs de prévenir la fuite de gaz et d'assumer pleinement les conséquences de cet événement, ainsi que d'empêcher et de faire cesser la pollution de l'environnement et des eaux par la dispersion de substances toxiques et dangereuses,

1. exprime sa profonde sympathie aux parents des personnes décédées et aux personnes qui souffrent toujours des suites de l'exposition aux gaz et demande que les victimes bénéficient d'indemnités plus substantielles et de meilleurs traitements;

2. juge inacceptable que les habitants n'aient toujours pas accès, il s'en faut de beaucoup, à la quantité d'eau saine dont ils ont besoin quotidiennement, tandis que les juristes continuent de débattre sur la question de savoir qui doit prendre en charge l'assistance aux personnes touchées par la catastrophe;

3. prie les gouvernements de l'Inde et de l'État du Madhya Pradesh:

  • a)d'assurer à bref délai la décontamination et le nettoyage effectif du site de Bhopal,
  • b)d'assurer l'approvisionnement régulier en eau saine pour l'usage domestique des populations affectées, conformément à l'ordonnance rendue par la Cour suprême, ainsi que la délivrance à tous les survivants de soins de santé appropriés à un prix abordable,
  • c)de revoir l'indemnité reçue par les victimes à la suite du règlement de 1989 et de procéder à tous les rattrapages requis en vertu de l'ordonnance prise par la Cour suprême en 1991;

4. déplore vivement que le règlement conclu en 1989 entre Union Carbide et le gouvernement indien n'ait jamais eu d'incidences favorables pour les personnes exposées aux gaz et ne prenne nullement en compte les effets de ces substances sur l'environnement;

5. souligne que tous les efforts déployés par les survivants pour obtenir véritablement justice auprès des juridictions des États‑Unis ou de l'Inde ont été vains jusqu'à présent;

6. demande que la situation actuelle à Bhopal fasse l'objet d'une enquête indépendante, éventuellement sous l'égide de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, dans le cadre de laquelle les rapporteurs spéciaux compétents se rendraient en Inde afin d'examiner les effets des activités de la société UCIL/UCC et de la catastrophe de Bhopal sur la pollution de la nappe phréatique et de l'environnement, et par conséquent sur les droits humains des populations affectées;

7. appuie l'initiative lancée en décembre 2001 par l'OMS, au travers du Programme international sur la sécurité chimique, afin d'améliorer la préparation et la réaction, sur les plan national et mondial, aux accidents chimiques par la mise au point d'un système d'alerte précoce et d'un programme de renforcement des capacités dans les États membres;

8. souligne que les principales causes de la catastrophe résident dans de mauvaises conditions de travail, l'absence de véritables systèmes de sécurité et un dispositif très insuffisant d'évaluation des risques dans l'usine de Bhopal, facteurs qui étaient parfaitement connus de la direction de l'établissement ainsi que des autorités indiennes;

9. est d'avis que, si l'on veut éviter qu'une telle catastrophe se produise de nouveau dans l'avenir, les principes de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail doivent être respectés impérativement par toutes les entreprises qui investissent dans les pays en développement;

10. demande à la Commission d'étudier de quelle façon l'Union européenne pourrait aider à la décontamination totale et définitive du site et, en attendant, à la fourniture d'eau potable;

11. approuve les propositions législatives présentées par la Commission (COM(2003)0644) afin de promouvoir une meilleure information sur les quelque 30 000 substances chimiques utilisées aujourd'hui;

12. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la Commission des droits de l'homme des Nations unies, aux gouvernements de l'Inde et du Madhya Pradesh et à la société Dow Chemicals.