Proposition de résolution commune - RC-B7-0399/2014Proposition de résolution commune
RC-B7-0399/2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE sur le Pakistan: cas récents de persécution

16.4.2014 - (2014/2694(RSP))

déposée conformément à l'article 122, paragraphe 5, et à l'article 110, paragraphe 4, du règlement
en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes:
ECR (B7‑0399/2014)
S&D (B7‑0401)
PPE (B7‑0403/2014)
ALDE (B7‑0405/2014)
Verts/ALE (B7‑0410/2014)

José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, Eija-Riitta Korhola, Cristian Dan Preda, Bernd Posselt, Filip Kaczmarek, Michael Gahler, Tunne Kelam, Elena Băsescu, Monica Luisa Macovei, Eduard Kukan, Philippe Boulland, Jean Roatta, Roberta Angelilli, Petri Sarvamaa, Sergio Paolo Francesco Silvestris, Sari Essayah, Laima Liucija Andrikienė, Dubravka Šuica, Anne Delvaux, Salvador Sedó i Alabart, László Tőkés, Bogusław Sonik au nom du groupe PPE
Véronique De Keyser, Ana Gomes, Joanna Senyszyn, Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Mitro Repo, Richard Howitt, Liisa Jaakonsaari, Antigoni Papadopoulou au nom du groupe S&D
Marietje Schaake, Alexander Graf Lambsdorff, Sarah Ludford, Louis Michel, Jelko Kacin, Kristiina Ojuland, Izaskun Bilbao Barandica, Robert Rochefort, Hannu Takkula, Ramon Tremosa i Balcells, Johannes Cornelis van Baalen, Marielle de Sarnez au nom du groupe ALDE
Jean Lambert, Nicole Kiil-Nielsen, Raül Romeva i Rueda au nom du groupe Verts/ALE
Peter van Dalen, Ryszard Antoni Legutko, Tomasz Piotr Poręba, Adam Bielan, Ryszard Czarnecki, Konrad Szymański, Marek Józef Gróbarczyk au nom du groupe ECR

Procédure : 2014/2694(RSP)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
RC-B7-0399/2014
Textes déposés :
RC-B7-0399/2014
Textes adoptés :

Résolution du Parlement européen sur le Pakistan: cas récents de persécution

(2014/2694(RSP))

Le Parlement européen,

–   vu ses précédentes résolutions sur les droits de l'homme et la démocratie au Pakistan, en particulier celles du 12 mars 2014 sur le rôle régional du Pakistan et les relations politiques de ce pays avec l'Union européenne[1], du 10 octobre 2013 sur les violences et persécutions perpétrées récemment contre des chrétiens, entre autres à Peshawar[2], du 10 mars 2011 sur le Pakistan, en particulier l'assassinat de Shahbaz Bhatti[3], du 20 janvier 2011 sur la situation des chrétiens dans le contexte de la liberté de religion[4], ainsi que du 20 mai 2010 sur la liberté religieuse au Pakistan[5],

–   vu l'article 18 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,

–   vu l'article 18 du pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques,

–   vu les déclarations de la vice-présidente / haute représentante Catherine Ashton sur l'attaque de la communauté chrétienne à Peshawar le 23 septembre 2013 et sur l'assassinat de Shahbaz Bhatti le 2 mars 2011,

–   vu la déclaration des Nations unies de 1981 sur l'élimination de toutes formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction,

–   vu les rapports du rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction,

–   vu le rapport du rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion et de conviction et le rapport du rapporteur spécial des Nations unies sur l'indépendance des juges et des avocats (Addendum: mission au Pakistan) du 4 avril 2013,

–   vu sa résolution du 11 décembre 2013 sur le rapport annuel sur les droits de l'homme et la démocratie dans le monde en 2012 et la politique de l'Union européenne en la matière, qui condamne les persécutions à l'encontre des chrétiens et des autres minorités religieuses[6],

–   vu le plan quinquennal de coopération UE-Pakistan de mars 2012, qui comporte des priorités telles que la bonne gouvernance et le dialogue en matière de droits de l'homme, ainsi que le deuxième dialogue stratégique UE-Pakistan du 25 mars 2014, qui lui est étroitement lié;

–   vu les conclusions du Conseil sur le Pakistan du 11 mars 2013, qui rappellent les attentes de l'Union européenne en matière de promotion et de respect des droits de l'homme et condamnent tous les actes de violence, y compris à l'encontre des minorités religieuses[7],

–   vu l'article 122, paragraphe 5, et l'article 110, paragraphe 4, de son règlement,

A. considérant qu'un couple de chrétiens, Shafqat Emmanuel et Shagufta Kausar, a été condamné à mort le 4 avril 2014 au motif qu'il aurait adressé un texto insultant le prophète Mahomet; que le couple a nié toute responsabilité et déclaré qu'ils avaient égaré le téléphone à partir duquel a été envoyé le message quelque temps avant l'envoi dudit message;

B.  considérant que Sawan Masih, chrétien pakistanais de Lahore, a été condamné à la peine capitale le 27 mars 2014 pour blasphème contre le prophète Mahomet; que l'annonce des allégations à l'encontre de Sawan Masih a déclenché des émeutes féroces à Joseph Colony, quartier chrétien de la ville de Lahore, où de nombreux bâtiments, dont deux églises, ont été brûlés;

C. considérant qu'Asia Bibi, chrétienne originaire du Panjab, a été arrêtée en juin 2009 et condamnée à la peine de mort en novembre 2010 pour blasphème; que son appel est finalement parvenu à la Haute Cour de justice de Lahore au terme de plusieurs années; que lors des deux premières audiences, qui ont eu lieu en janvier et en mars 2014, les présidents des tribunaux étaient manifestement en congé;

D. considérant qu'en 2012, Rimsha Masih, chrétienne âgée de 14 ans, qui avait été injustement accusée de profaner le Coran, a été acquittée une fois la preuve faite qu'elle avait été piégée, tandis que l'auteur des faits a été arrêté; qu'elle et sa famille ont dû malgré tout quitter le pays;

E.  considérant que les chrétiens, qui représentent environ 1,6 % de la population de la République islamique du Pakistan, sont victimes de discriminations et d'accès sporadiques de violence collective; que la majorité des chrétiens du Pakistan vivent dans la précarité et dans la crainte d'accusations de blasphème, motif susceptible de provoquer cette violence collective à leur égard; que plusieurs autres chrétiens sont actuellement en prison pour blasphème;

F.  considérant que Mohammad Asghar, citoyen britannique souffrant de maladie mentale et vivant au Pakistan, a été arrêté après avoir prétendument adressé des lettres à plusieurs fonctionnaires pour clamer qu'il était le prophète, et qu'il a été condamné à mort en janvier 2014;

G. considérant qu'un autre citoyen britannique âgé de 72 ans, Masood Ahmad, membre de la communauté religieuse ahmadiyya, n'a été libéré de prison que très récemment après avoir été arrêté en 2012 pour avoir cité le Coran, ce qui est considéré comme un blasphème dans le cas des ahmadis, qui ne sont pas reconnus comme musulmans et à qui il est interdit, en vertu de la section 298‑C du code pénal, de "se comporter comme des musulmans";

H. considérant que cinq temples hindous ont été pris d'assaut en différents endroits de la province du Sindh (à Tharparkar, à Hyderabad et à Larkana) au cours des derniers mois, et que cinq garçons hindous ont été accusés de blasphème et sont actuellement détenus à Badin (Sindh), au motif qu'ils ont peint des signes à l'aide d'une bombe de peinture à l'occasion de la fête d'Holi (festival hindou des couleurs);

I.   considérant que des membres de la communauté chiite des Hazaras sont actuellement tout particulièrement visés par des assassinats et des migrations forcées au quotidien à cause de la recrudescence des violences sectaires au Pakistan; que plus de dix mille hindous auraient également fui la province, les enlèvements avec demande de rançon étant devenus monnaie courante ces trois dernières années;

J.   considérant qu'en raison des lois pakistanaises sur le blasphème, il est dangereux pour les minorités religieuses de s'exprimer librement ou de participer publiquement à des activités religieuses; que l'application de ces lois suscite l'inquiétude dans le monde entier depuis plusieurs années du fait que les accusations sont souvent motivées par des règlements de compte, par l'appât du gain ou l'intolérance religieuse, et qu'elles encouragent une culture de l'auto‑défense populaire, en offrant aux violences collectives un terrain propice au harcèlement et aux agressions; que les services des Nations unies compétents en matière de droits de l'homme ont demandé au Pakistan d'abroger ses lois sur le blasphème ou, à tout le moins, de mettre immédiatement en place des sauvegardes afin d'empêcher que le droit ne transforme les citoyens en cibles idéales, en particulier ceux issus de communautés minoritaires;

K. considérant que des centaines de crimes d'honneur ont été rapportés pour la seule année 2013; que ces crimes ne représentent que la partie la plus visible des agressions contre les femmes, compte tenu du taux élevé de violences domestiques et de mariages forcés;

L.  considérant que le Pakistan joue un rôle de premier plan pour favoriser la stabilité en Asie du Sud, et qu'il devrait par conséquent donner l'exemple en renforçant l'état de droit et le respect des droits de l'homme;

M. considérant que l'Union européenne a récemment accordé le statut SPG+ au Pakistan, sous réserve qu'il mette en œuvre les conventions applicables en matière de droits de l'homme;

1.  exprime sa profonde inquiétude face à la hausse brutale des violences sectaires et de l'intolérance religieuse à l'encontre des minorités, face aux attaques de lieux de culte, y compris des églises chrétiennes, et face à la répression constante qui s'exerce contre les femmes au Pakistan;

2.  fait part de sa préoccupation quant aux conséquences de ces violences sur le développement futur de la société pakistanaise dans son ensemble, compte tenu des défis socio‑économiques que doit relever le pays; souligne qu'il est dans l'intérêt à long terme du Pakistan et de tous ses citoyens que soit instaurée une plus grande sécurité;

3.  exprime sa profonde inquiétude face aux abus dont risquent d'être victimes les personnes de toutes confessions dans ce pays au nom des lois controversées sur le blasphème; est particulièrement préoccupé par l'invocation de plus en plus fréquente de ces lois contre des chrétiens et d'autres minorités religieuses au Pakistan, que le ministre Shahbaz Bhatti et le gouverneur Salman Taseer, qui ont été assassinés, avaient désavouées publiquement;

4.  rappelle aux autorités pakistanaises qu'elles ont l'obligation, en vertu du droit international, de respecter la liberté d'expression et la liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction; invite les autorités pakistanaises à libérer les prisonniers accusés de blasphème et à annuler les condamnations à la peine capitale en instance d'appel; invite les autorités pakistanaises à garantir l'indépendance des tribunaux, le respect de l'état de droit et le respect des droits de la défense, conformément aux normes internationales en matière de procédures judiciaires; invite par ailleurs les autorités pakistanaises à fournir une protection suffisante à toutes les personnes concernées par des affaires de blasphème, y compris en protégeant les juges des pressions extérieures, en protégeant les personnes accusées, leur famille et leur communauté des émeutes, ainsi qu'en apportant des solutions aux personnes acquittées mais qui ne peuvent retourner dans leur lieu d'origine;

5.  condamne fermement l'application de la peine de mort en toutes circonstances; invite le gouvernement pakistanais à transformer de toute urgence le moratoire de fait sur la peine de mort en l'abolition effective de la peine de mort;

6.  invite le gouvernement pakistanais à procéder à une révision exhaustive des lois sur le blasphème et de leur application actuelle, telle que prévue aux sections 295 et 298 du code pénal, en ce qui concerne les allégations d'actes de blasphème, compte tenu en particulier des récentes condamnations à mort; encourage le gouvernement à faire fi des pressions exercées par certains groupes religieux et par certaines forces politiques de l'opposition qui souhaitent maintenir ces lois;

7.  exhorte le gouvernement d'accélérer la réforme des madrasas en établissant un programme scolaire de base qui satisfasse aux normes internationales, en mettant tout particulièrement l'accent sur la suppression, dans les programmes scolaires, de tout contenu incitant à la haine et en y introduisant des enseignements sur la tolérance intercommunautaire et religieuse; invite la Commission à donner suite aux demandes antérieures concernant la révision des manuels scolaires financés par l'Union européenne et qui contiennent des discours haineux;

8.  exhorte le gouvernement et le Parlement pakistanais de réformer le système judiciaire officiel afin de décourager le recours aux structures informelles comme les jirgas et les panchayats, et à accroître de façon substantielle les ressources humaines et financières de l'appareil judiciaire, en particulier au niveau des tribunaux de première instance;

9.  condamne énergiquement tous les actes de violence commis contre des communautés religieuses, ainsi que toute forme de discrimination et d'intolérance pour des motifs religieux ou de conviction; invite le gouvernement pakistanais à intervenir afin de protéger les victimes de violences collectives à caractère religieux, et notamment à interdire les discours publics incitant à la haine, et encourage tous les Pakistanais à œuvrer ensemble pour promouvoir et garantir la tolérance et la compréhension mutuelles; invite instamment les autorités pakistanaises à traduire en justice les individus responsables d'incitations à la haine et de fausses accusations de blasphème;

10. rappelle que la Constitution pakistanaise garantit la liberté de religion et les droits des minorités; se félicite des mesures prises dans l'intérêt des minorités religieuses par le gouvernement pakistanais depuis novembre 2008, telles que l'établissement d'un quota de cinq pour cent pour les minorités dans le secteur des emplois fédéraux, la reconnaissance des jours fériés non musulmans et la proclamation de la Journée nationale des minorités;

11. invite cependant instamment le gouvernement pakistanais à redoubler d'efforts pour parvenir à une meilleure compréhension inter-religieuse et à s'employer activement à traiter la question de l'hostilité religieuse manifestée par des acteurs sociétaux, à lutter contre l'intolérance religieuse, contre les actes de violence et d'intimidation et contre le sentiment d'impunité;

12. fait part de sa profonde inquiétude quant au sort des femmes et des fillettes appartenant à des minorités, dont les souffrances sont souvent redoublées, notamment à cause de la pratique de la conversion forcée et des violences sexuelles ciblées; presse les autorités pakistanaises d'améliorer la protection, les poursuites judiciaires et la réparation;

13. souligne que le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est un droit de l'homme fondamental; exprime son inquiétude face à la tendance à l'œuvre depuis peu au Pakistan, qui consiste à restreindre les libertés de pensée, d'expression et d'information en bloquant et en contrôlant les services internet très fréquentés; invite le gouvernement à mettre fin à la censure de l'internet et à réviser tant le projet de loi anti‑terrorisme que le projet de loi sur les organisations non gouvernementales, qui entraveraient considérablement l'indépendance et la liberté d'agir de ces organisations et pourraient entraîner l'interruption des travaux menés au Pakistan par des organisations non gouvernementales ayant des ramifications internationales;

14. insiste sur le rôle important du Pakistan pour favoriser la stabilité dans la région; encourage le Pakistan à adopter une attitude constructive en vue de promouvoir un Afghanistan sûr, et exhorte donc le gouvernement pakistanais de renforcer le respect des droits fondamentaux à la fois dans son propre pays et dans la région tout entière;

15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission européenne et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Secrétaire général des Nations unies, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies ainsi qu'au gouvernement et au Parlement du Pakistan.