RAPPORT ANNUEL sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1994)

1 juillet 1996

Commission des libertés publiques et des affaires intérieures
Rapporteur: Mme Laura de Esteban Martin

Par lettre du 5 décembre 1994, la commission des libertés publiques et des affaires intérieures a demandé l'autorisation de présenter un rapport sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne.

Au cours de la séance du 16 janvier 1995, le Président du Parlement européen a annoncé que la commission avait été autorisée à faire rapport sur ce sujet.

Au cours de sa réunion du 23 novembre 1994, la commission avait nommé Mme de Esteban Martin rapporteur.

Au cours de la séance du 28 février 1995, le Président du Parlement européen a annoncé qu'il avait saisi pour avis la commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation et des médias et, au cours de la séance du 15 mai 1995, qu'il avait également saisi pour avis la commission juridique et des droits des citoyens.

Au cours de ses réunions des 23 mars et 11 avril 1995, la commission des libertés publiques et des affaires intérieures a décidé d'inclure dans son rapport les propositions de résolution suivantes qui lui avaient été renvoyées:

- B4-0440/94; auteurs: Mme Crawley et autres; objet: les Quatre de Bridgewater;

- B4-0362/95; auteur: M. Papayannakis; objet: l'objection de conscience en Grèce;

- B4-0135/95; auteurs: M. Bertens et autres; objet: le droit d'association des appelés et des militaires de carrière.

Au cours de ses réunions des 19/20 avril 1995, 30/31 octobre 1995, 16 janvier 1996, 22/23 janvier 1996, 28/29 mai 1996 et 26/27 juin 1996, la commission a examiné le projet de rapport.

Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté la proposition de résolution par 15 voix contre 10 et 3 abstentions.

Étaient présents au moment du vote les députés Marinho, président; Colombo Svevo, Bontempi et Wiebenga, vice-présidents; De Esteban Martin, rapporteur; Alber (suppléant M. Linzer, conformément à l'article 138, paragraphe 2 du règlement), Barton (suppléant Mme Crawley, conformément à l'article 138, paragraphe 2 du règlement), Bloch von Blottnitz (suppléant M. Lindholm, conformément à l'article 138, paragraphe 2 du règlement), Caccavale, Cederschiöld, Deprez, B. Donnelly (suppléant M. D'Andrea), Fabra Valles (suppléant M. Lehne), Gomolka (suppléant M. Posselt), Haarder, Hlavac (suppléant Mme d'Ancona), Kellett-Bowman (suppléant M. Stewart-Clark, conformément à l'article 138, paragraphe 2, du règlement), Lindeperg, Lööw, Murphy (suppléant Mme Terron i Cusi, conformément à l'article 138, paragraphe 2 du règlement), Nassauer, Newan, Oostlander (suppléant Mme Reding), Orlando, Roth, Schulz, Tappin (suppléant M. Ford, conformément à l'article 138, paragraphe 2, du règlement), Wemheuer et Zimmermann.

Les avis de la commission juridique et des droits des citoyens et de la commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation et des médias sont joints au présent rapport.

Le rapport a été déposé le 1er juillet 1996.

Le délai de dépôt des amendements sera indiqué dans le projet d'ordre du jour de la période de session au cours de laquelle le rapport sera examiné.

A. PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1994)

Le Parlement européen,

- vu la Déclaration universelle des droits de l'homme,

- vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les protocoles correspondants,

- vu la Convention de Genève de 1951 et le protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, ainsi que les recommandations du HCNUR,

- vu la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ainsi que la Convention relative aux droits de l'enfant,

- vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que ses protocoles,

- vu la Charte sociale du Conseil de l'Europe,

- vu la Charte sociale européenne adoptée à Turin en 1961 et son protocole additionnel adopté à Strasbourg en 1988,

- vu la déclaration finale et la plate-forme d'action adoptées à Pékin lors de la IVe Conférence mondiale sur les femmes,

- vu sa résolution du 12 avril 1989 portant adoption de la Déclaration des droits et libertés fondamentaux[1],

- vu les principes du droit international et européen en matière de droits de l'homme,

- vu les traités instituant la Communauté européenne,

- vu le traité sur l'Union européenne, notamment ses articles F, paragraphe 2, et K.2,

- vu la communication de la Commission du 19 novembre 1990 concernant l'adhésion de la Communauté à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et sa résolution du 18 janvier 1994[2],

- vu sa résolution du 9 juillet 1991 sur les droits de l'homme[3],

- vu la Déclaration de Vienne adoptée par le Conseil de l'Europe le 9 octobre 1993,

- vu la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, adoptée à Strasbourg en 1987,

- vu la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, adoptée à New York en 1989,

- vu la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,

- vu sa résolution du 12 mars 1992 sur la peine de mort[4],

- vu les propositions de résolution déposées par:

a) Mme Crawley et autres sur les Quatre de Bridgewater (B4-0440/94),

b) M. Papayannakis sur l'objection de conscience en Grèce (B4-0362/95),

c) M. Bertens et autres sur le droit d'association des appelés et des militaires de carrière (B4-0135/95),

- vu les pétitions:

a) no 605/93 de M. Fred Higgs, de nationalité britannique, au nom de l'"European Federation of Chemical and General Workers' Unions (EFCGU)" (Fédération européenne des syndicats de travailleurs de la chimie et autres), sur une violation de la liberté d'association qu'aurait commise la compagnie pétrolière Shell,

b) no 20/94 de Mme Stéphanie Vallin, de nationalité française, sur des problèmes d'état civil,

c) no 21/94 de M. Raymond Liénard, au nom de l'Association internationale "Pour la défense de la liberté religieuse" (Belgique), comportant 1 260 signatures, sur la mention de la religion sur les cartes d'identité en Grèce,

d) no 142/94 de M. José Antonio Goyena Lusarreta, de nationalité espagnole, au nom de l'"Asociación de Familiares de Objetores e Insumisos de Navarra" (Association des parents d'objecteurs de conscience et des réfractaires de Navarre), sur l'objection de conscience,

e) no 255/94 de M. Thomas Doheny, de nationalité britannique, sur un arrêté d'interdiction de séjour en Irlande du Nord le concernant,

f) no 376/94 de M. Cecil Howard, de nationalité britannique, et 74 autres signataires, sur une déclaration faite par les membres travaillistes britanniques du Parlement européen contre le racisme,

g) no 644/94 de M. Brian Griffiths, de nationalité britannique, sur les conditions de détention dans les prisons du Royaume-Uni,

h) no 784/94 de M. J.M. Cox, de nationalité britannique, sur l'emprisonnement d'un Témoin de Jéhovah, objecteur de conscience, en Grèce,

i) no 1029/94 de M. Thanassis Reppas, de nationalité grecque, sur l'emprisonnement de Témoins de Jéhovah, objecteurs de conscience, en Grèce,

j) no L-29/94 de M. Romain Ongwal, de nationalité zaïroise, sur la violation des droits de l'homme par la Belgique,

k) no 57/95 de Mme Maria Assunta Turcatti, de nationalité italienne, et 17 autres signataires, sur l'homosexualité,

l) no 207/95 de MM. Frank Schuman et Jens Carl, de nationalité allemande, sur le droit pour les homosexuels de contracter mariage en Allemagne,

m) no 221/95 de Mme Elena Criado de Leon, de nationalité espagnole, au nom du "Comité reivindicativo y cultural de Lesbianas (CRECUL)" (Comité revendicatif et culturel des lesbiennes (CRECUL)), sur les droits des homosexuels (des deux sexes) dans la Communauté européenne,

n) de M. Vladimir Guadagno, de nationalité italienne, au nom de "Azione omosessuale" (Fédération nationale des Associations gay et lesbiennes) sur l'intervention du Parlement européen auprès des autorités italiennes concernant la motion de la commune de Vérone du 14 juillet 1995,

- vu le rapport de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures ainsi que les avis de la commission juridique et des droits des citoyens et de la commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation et des médias (A4-0223/96),

considérant que, conformément à l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, les droits de l'homme, tels qu'ils sont garantis par les instruments internationaux auxquels ont adhéré les États membres et en particulier par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que ceux qui résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, constituent des principes fondamentaux au respect desquels il ne saurait être dérogé dans l'Union européenne,

considérant que la Convention européenne des droits de l'homme a été ratifiée par l'ensemble des États membres et que le traité sur l'Union européenne stipule, dans ses articles F, paragraphe 2, et K.2, que l'Union respectera les droits fondamentaux protégés par cette Convention, de même que les droits fondamentaux protégés par les traditions constitutionnelles communes aux États membres,

considérant que, pour quiconque se trouve sur le territoire de l'Union européenne, la protection juridique des droits de la personne humaine doit être assurée par les États membres, sous le contrôle de la Commission et de la Cour européenne des droits de l'homme, siégeant toutes deux à Strasbourg, et ce quels que soient la race, le sexe, la nationalité, l'origine, la langue, la religion, la culture, la croyance ou l'opinion,

considérant que les ordres juridiques des États membres de l'Union européenne établissent un système de garantie des droits de l'homme par l'intermédiaire de régimes politiques démocratiques et pluralistes, dotés d'institutions parlementaires effectives et d'appareils judiciaires indépendants,

inquiet néanmoins d'avoir dû constater des actes qui, commis de propos délibéré ou par négligence, constituent des violations manifestes des droits de l'homme dans divers États membres de l'UE au cours de l'année 1994 et considérant que les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter de futures violations de ces droits,

reconnaissant les travaux accomplis par le Conseil de l'Europe et diverses organisations non gouvernementales en matière de protection des droits de l'homme dans l'UE,

rappelant, comme l'ONU depuis 1993 à l'occasion de chaque Conférence mondiale, que les droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles font inaliénablement, intégralement et indissociablement partie des droits de la personne humaine,

considérant que la traite des êtres humains aux fins d'exploitation va en augmentant dans l'Union, qu'elle représente un crime contre les droits de l'homme et est contraire à la notion de respect de la dignité de la personne humaine,

considérant que la protection des droits de l'homme est une tâche constante qui nécessite une vigilance de tous les instants, à laquelle lui-même participe activement,

considérant que toute autorité publique doit exercer ses pouvoirs en tenant compte de cette norme, qui est en même temps une obligation d'agir et une obligation de ne pas agir, et que les Assemblées parlementaires doivent avoir un rôle de vigilance constante,

considérant les engagements pris explicitement par l'Union européenne en matière d'égalité des droits entre hommes et femmes,

rappelant aux États membres leurs engagements internationaux en matière de répression des crimes contre l'humanité,

rappelant les termes du rapport de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures sur une charte sociale des prisonniers[5],

alarmé par les conditions de détention qui prévalent dans certains États membres, en raison notamment d'une surpopulation carcérale chronique, et partageant l'avis de la Commission pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe, selon laquelle de telles conditions s'apparentent à des peines et traitements inhumains ou dégradants,

rappelant les termes de sa résolution du 18 janvier 1994 sur l'adhésion de la Communauté à la Convention européenne des droits de l'homme[6],

condamnant la pratique de certains États membres, qui consiste à permettre à des ressortissants de pays tiers de pénétrer sur leur territoire en qualité d'"employés de maison", que ce soit au service de leurs propres ressortissants ou de ressortissants de pays tiers aisés et légalement installés sur leur territoire, en dehors des conditions normales de réglementation sur l'immigration et sans leur accorder un statut juridique et une protection véritables, et considérant que beaucoup de tels ressortissants de pays tiers sont confrontés à de graves abus, à des atteintes aux droits de l'homme, à de très bas salaires et à des conditions de travail inacceptables, car, s'ils font part de leurs problèmes, ils risquent d'être licenciés par leur employeur, qui détient souvent leur passeport, et que les employés de maison placés dans cette situation sont alors menacés d'expulsion, car ils n'ont aucun droit légal de demeurer dans le pays, sinon en qualité de domestiques de la personne qui a demandé au départ leur entrée sur le territoire;

UN SYSTÈME DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME PROPRE À L'UNION EUROPÉENNE

réaffirme que non seulement la Communauté européenne, mais également l'Union européenne devraient adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, compte tenu de l'avis de la Cour de justice des Communautés européennes[7] énonçant que l'état actuel du droit communautaire n'habilite pas la Communauté à adhérer à la convention de Rome, invite la Conférence intergouvernementale de 1996 à procéder aux modifications nécessaires du traité pour permettre l'adhésion en cause;

souligne, tout comme l'a fait la Cour de justice, le caractère insuffisamment large des critères de recevabilité du recours individuel en annulation de règlements et directives; demande à cette fin que, dans le cadre de la CIG, l'article 173 du traité CE soit modifié pour garantir aux citoyens de l'Union une protection effective contre les atteintes à leurs droits fondamentaux pouvant résulter de l'activité législative des institutions;

souligne que la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales constitue l'une des missions principales de l'Union européenne, ainsi que l'affirme le préambule du traité sur l'Union européenne, lequel a reconnu dès son entrée en vigueur, notamment dans son article F, paragraphe 2, que les droits fondamentaux contenus dans la Convention européenne des droits de l'homme figurent au nombre des principes de l'UE dont la Cour de justice doit se porter garante;

réaffirme les principes, le contenu et la portée de sa résolution sur le respect des droits de l'homme dans la Communauté européenne en 1991[8] et se félicite en outre de la présente proposition de résolution, qui apporte un nouveau soutien à la protection des droits de l'homme;

reconnaît l'importance symbolique qu'aurait l'adhésion à la CEDH par rapport aux pays tiers, notamment aux pays candidats à l'adhésion, car elle attesterait de l'importance qu'attache l'Union européenne au respect des droits de l'homme à l'intérieur de ses frontières, renforçant ainsi la crédibilité de sa position en faveur du respect des droits de l'homme dans les pays tiers;

estime que l'UE doit promouvoir les libertés et les droits fondamentaux des citoyens de l'Union et des ressortissants des pays tiers et ainsi inclure, dans tous les accords qu'elle conclut avec ces pays, des clauses relatives aux droits de la personne humaine, prévoyant, en cas de non-respect de ces droits, la suspension, voire la non-exécution de l'accord;

DROIT À LA VIE

demande aux États membres dont la législation maintient la peine de mort (même si elle n'est jamais prononcée ou exécutée) de l'abolir définitivement et intégralement (en la supprimant également de leurs codes pénaux militaires);

invite les États membres à refuser l'extradition de prisonniers vers des États où la peine de mort serait prévue pour les crimes qui sont à la base de la demande d'extradition;

demande aux États membres qui ne l'ont pas encore fait d'adhérer au protocole no 6 de la CEDH et au protocole no 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou de ratifier ces instruments;

condamne les assassinats, les mutilations et les actes de violence et de torture, tant physique que psychique, perpétrés par les groupes terroristes;

invite les États membres à collaborer étroitement à la lutte contre le terrorisme et souligne combien il est nécessaire d'intensifier la coopération judiciaire européenne pour que la suppression des frontières intérieures ne profite pas aux groupes terroristes et ne permette pas que leurs actes demeurent impunis;

demande que l'on accorde davantage la priorité à des mesures de prévention de la criminalité en Europe;

réaffirme sa résolution du 12 septembre 1989 sur les compensations à accorder aux victimes de crimes et violences[9] et invite les États membres et la Commission à appliquer les recommandations qu'elle renferme;

affirme le droit au niveau de soins le plus élevé possible, soins qui doivent pouvoir être obtenus sur la base des besoins des personnes;

invite la Commission à présenter une communication prévoyant des instruments fonctionnels pour la lutte contre la traite des êtres humains et invite les États membres à mettre au point des mesures sociales appropriées d'aide et de soutien aux victimes;

demande que soit mise en place une véritable coopération dans la lutte contre les narcotrafiquants qui ont tant de morts et de vies ruinées sur la conscience;

TORTURE ET MAUVAIS TRAITEMENTS

condamne énergiquement la torture et les traitements inhumains ou dégradants et rappelle le droit à la vie et à l'intégrité physique dont jouit tout être humain, ainsi que l'interdiction absolue du recours à tout traitement inhumain ou dégradant, entendu non seulement comme atteintes physiques mais aussi comme menaces, harcèlements, injures sexuelles ou raciales visant à humilier ou rabaisser la personne;

juge alarmant que tant le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe que le Comité contre la torture des Nations unies aient pu dénoncer le fait que des actes de torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants avaient été infligés dans certains États membres à des personnes arrêtées ou détenues par des représentants des forces de l'ordre et du personnel pénitentiaire, de tels faits étant dans de nombreux cas teintés de motivations racistes;

presse les États membres de diligenter des enquêtes exhaustives sur toutes les plaintes fondées de mauvais traitements et d'examiner le plus rigoureusement possible les abus de la force que pourraient commettre les membres des unités chargées d'assurer la sécurité dans les États membres, ainsi que de lutter contre l'impunité dont jouissent trop souvent les auteurs d'actes de torture ou de traitements inhumains ou dégradants, notamment en diligentant des enquêtes exhaustives sur toutes les plaintes relatives à de tels faits, en confiant les enquêtes à une autorité indépendante et en sanctionnant de manière proportionnelle à leur gravité les abus commis par les représentants de l'autorité publique;

considère que les États membres doivent intensifier leurs efforts de prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, notamment en établissant un système de contrôle de l'efficacité des procédures de traitement des plaintes, afin de s'assurer que les mesures de protection légales et administratives des citoyens vis-à-vis des forces de l'ordre lors d'arrestations ou en cours de détention sont respectées;

estime dès lors que, en cas de détention, les garanties de procédure suivantes doivent être inscrites dans la législation de tous les États membres:

- droit d'informer immédiatement de la détention une tierce personne;

- droit d'accès à un médecin librement choisi;

- mise en relation immédiate avec un avocat;

- éventuellement, droit à un interprète;

- droit à un contrôle juridictionnel avec procédure d'urgence en ce qui concerne les décisions qui entraînent la privation de liberté;

invite les États membres à dispenser une formation initiale et continue aux fonctionnaires de police et des centres de détention sur le comportement à observer lors des interrogatoires, à partir de l'arrestation et pendant la détention, à l'égard des personnes interrogées, arrêtées ou détenues, de telles mesures pouvant contribuer à la prévention de l'administration de mauvais traitements aux détenus;

recommande que le personnel policier, pénitentiaire et militaire reçoive une formation sur les principes de base contenus dans les textes internationaux relatifs aux droits fondamentaux de la personne humaine;

exhorte les États membres à consentir à la publication des rapports du Comité pour la prévention de la torture, à examiner ses recommandations et à les mettre en oeuvre;

manifeste son inquiétude à l'égard des problèmes de surpopulation auxquels sont parfois confrontées les personnes détenues dans les prisons de certains États membres, qui s'assimilent, selon la Commission pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe, à des peines et des traitements inhumains ou dégradants;

invite les États membres à adopter toutes les mesures qui doivent permettre de réduire cette surpopulation, principalement et au minimum en évitant la détention de certaines catégories de personnes comme les mineurs d'âge, les objecteurs de conscience et les toxicomanes;

presse les États membres de s'assurer que les conditions de vie et d'hygiène dans les prisons répondent aux exigences de la dignité humaine et de veiller à améliorer la réinsertion sociale des détenus;

condamne le recours de plus en plus systématique à la privation de liberté des demandeurs d'asile qui, dans l'attente de l'issue de la procédure, sont maintenus dans des centres "parallèles" de détention et/ou prétendument extraterritoriaux;

demande qu'une attention particulière soit accordée, dans les prisons, aux groupes de personnes qui requièrent un traitement particulier: les femmes, les immigrés, les minorités ethniques, sexuelles et autres;

demande qu'une attention particulière soit accordée aux femmes dans les prisons et les lieux de détention et qu'une protection effective soit mise en place contre le viol, les sévices ou le harcèlement sexuel et qu'à cet effet, des femmes membres du personnel soient présentes lors des interrogatoires et seules chargées de la fouille corporelle;

demande aux États membres de mettre tout en oeuvre pour que les critères minimaux de dignité humaine soient respectés dans les prisons, notamment en matière d'impartialité, de non-discrimination, de conditions matérielles d'hygiène, de soins médicaux, d'accès au travail, de contacts avec l'extérieur, de congés pénitentiaires, de libération conditionnelle, d'assistance religieuse et morale, d'accès au travail, à des activités socio-éducatives, culturelles et sportives et demande à cette fin que les "règles pénitentiaires" (R(87)3) du Conseil de l'Europe soient rigoureusement appliquées dans les établissements pénitentiaires;

demande que les membres du Parlement européen soient autorisés à visiter toute prison existant sur le territoire de l'Union et que toutes les mesures soient prises afin que le Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, annexé au traité du 8 avril 1965, soit modifié en ce sens;

juge absolument intolérable que certains malades mentaux connaissent des conditions de vie assimilables à des traitements inhumains et présentant un risque pour leur santé;

estime que tout ressortissant d'un pays tiers admis par un État membre sur son territoire avec le statut d'"employé de maison" ou de "domestique" devrait se voir accorder un véritable droit de résidence en son nom propre et une protection intégrale dans le cadre de la législation sociale et de la législation de l'emploi nationales et communautaires;

ASILE, IMMIGRATION ET TRAFIC DES ÊTRES HUMAINS

demande aux États membres d'appliquer intégralement et de façon non restrictive la Convention des Nations unies de 1951 et son protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, ceci conformément au guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, rédigé par le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR);

rappelle que la Convention de Genève n'opère pas de distinction selon que la persécution à laquelle elle entend soustraire les victimes est le fait d'organes de l'État ou de tout autre agent, dès lors que l'État ne peut ou ne veut assurer à la personne concernée la protection qu'elle est en droit d'attendre; réitère sa demande au Conseil et aux États membres de respecter pleinement ce principe;

invite les États membres à veiller à n'ordonner qu'une détention de brève durée pour les personnes à expulser, à ce que ces personnes ne soient pas hébergées avec d'autres personnes dont les conceptions politiques ou autres sont susceptibles de conduire à des conflits prévisibles ainsi qu'à ce que les personnes à expulser soient logées à tout moment dans des conditions respectueuses de la dignité humaine;

rappelle aux États membres leur obligation de respecter sans aucune restriction le principe essentiel de non-refoulement, tel que formulé à l'article 33 de la Convention de 1951; affirme que le renvoi d'une personne vers un pays où elle risque de subir des persécutions constitue une violation des droits de la personne;

exprime sa vive préoccupation pour le non-respect de certains garanties minimales dans les procédures de détermination du statut de réfugié de plusieurs États membres, telles que l'effet suspensif de l'appel ou l'obligation pour les fonctionnaires aux frontières de renvoyer toute demande d'asile à l'autorité indépendante responsable de la prise de décision relative aux demandeurs d'asile;

exprime sa vive préoccupation concernant la tendance à la généralisation et à la systématisation de l'application de la notion de "pays tiers sûr" par les États membres de l'Union et demande aux États membres de veiller à ce que les demandeurs d'asile ne soient pas expulsés vers un autre État sans qu'ils ne se soient assurés au préalable que celui-ci accordera au demandeur d'asile concerné l'accès à une procédure correcte et efficace d'établissement du statut de réfugié et avant de lui avoir fourni un document, rédigé dans la langue de l'État d'accueil, expliquant que la demande d'asile n'a été rejetée que pour des motifs tenant au pays tiers;

s'inquiète du fait que la recommandation du Conseil concernant l'accord-type bilatéral de réadmission entre un État membre de l'Union européenne et un pays tiers, adoptée au mois de décembre 1994, ne contient pas suffisamment de garanties pour la protection des demandeurs d'asile et des réfugiés et demande aux États membres d'inclure dans les accords de réadmission avec les pays tiers une référence spéciale aux obligations des États concernés découlant de la Convention de 1951 et du protocole de 1967;

demande à la Commission, au Conseil et aux États membres d'appliquer la clause de non-incidence prévue à l'article 11 de l'accord-type concernant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et d'intégrer des garanties supplémentaires pour s'assurer que:

- la situation régnant en matière de droits de l'homme dans les pays tiers soit étudiée objectivement et globalement,

- les demandeurs d'asile, dont le contenu de la demande n'a pas été examiné en vertu du concept de pays tiers "sûr" soient reconnus dans le pays tiers comme nécessitant une protection et aient accès à une procédure d'asile juste et complète;

demande aux États membres de reprendre dans l'accord-type les normes relatives au droit de la protection des données et de ne recourir à l'échange de données prévu à l'article 8 de l'accord qu'en cas de protection équivalente des données à caractères personnel dans les États tiers;

demande que les matières actuellement visées aux articles K.1 à K.3 du TUE soient traités de façon plus transparente et plus démocratique;

demande aux États membres d'appliquer certaines garanties minimales dans le cadre des procédures d'asile, en permettant aux demandeurs de participer à un interrogatoire individuel en présence d'un agent qualifié et en les autorisant, comme ils y ont droit, à disposer d'un avocat et d'interprètes dans le cas où ils ne connaissent pas la langue concernée et à introduire un recours en cas de première décision négative, recours dont l'effet est suspensif et qui permet aux demandeurs de rester dans le pays jusqu'au moment où ce recours est examiné;

demande aux États membres, dans le cas où ils appliquent la notion de pays tiers "sûr", de permettre aux demandeurs d'asile d'avoir accès à une procédure individuelle, et de s'assurer au préalable, pour chaque cas en particulier, que la personne concernée trouvera dans ce pays une protection effective et durable contre le refoulement et bénéficiera d'un traitement juste et satisfaisant pour la fixation de son statut de réfugié;

DROIT À LA LIBERTÉ ET À LA SÛRETÉ, DROITS DE L'ACCUSÉ

rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg a constaté, lors de diverses affaires dont elle a eu à connaître en 1994, que certains États membres de l'UE avaient violé l'article 6 de la CEDH, lequel garantit le droit à un procès équitable;

dénonce, avec inquiétude, la lenteur des procédures pénales dans les États membres et ses conséquences qu'il convient de qualifier, sans détour, d'atteintes aux droits de l'homme;

précise que le droit au silence, le droit à ne pas déposer contre soi-même et la présomption d'innocence sont des composantes inaliénables du droit de la défense et constituent l'essence même du Droit;

estime que, dans des cas tels que ceux des Quatre de Bridgewater, où les procédures d'enquête ou judiciaires applicables à l'époque du procès ont été modifiées depuis lors en raison de "vices de forme" reconnus, ou lorsqu'il existe des preuves sérieuses indiquant que l'intégrité d'une ou plusieurs personne(s) impliquée(s) dans l'obtention d'aveux est douteuse, les personnes inculpées dans ces conditions devraient avoir le droit de faire opposition à ces décisions le plus rapidement possible;

estime que, s'agissant de détenus ou de personnes arrêtées accusés d'avoir commis des actes délictueux en dehors de leur propre pays, les droits à organiser leur défense devant une instance juridictionnelle, à produire des preuves, à citer des témoins, à se faire assister de traducteurs et d'interprètes à des fins d'information et de défense doivent être garantis dans les États membres de l'UE;

estime qu'il convient de prendre des mesures plus appropriées pour protéger les droits civiques des personnes arrêtées et détenues dans l'attente d'un procès pour des délits qu'elles sont supposées avoir commis dans un autre État membre que celui où elles résident normalement; estime que c'est une atteinte aux droits de l'homme que d'effectuer, en pratique, une discrimination à l'encontre de ressortissants d'autres États membres en les maintenant en détention durant de longues périodes avant le procès, uniquement pour des raisons techniques et bureaucratiques; demande donc:

i) que, pour toutes ces personnes, soit accordé l'accès à des conseils juridiques concernant le système judiciaire du pays dans lequel elles sont détenues, et ce, si nécessaire, dans leur propre langue;

ii) que l'on envisage d'établir un service de conseils juridiques de l'Union européenne afin de faciliter cette procédure;

iii) que l'on déploie tous les efforts possibles pour assurer une coopération rapide entre les organes d'application de la loi et les tribunaux de chaque État membre, afin d'éviter que ces personnes ne soient jugées qu'au terme de délais inadmissibles;

DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE, DU DOMICILE ET DE LA CORRESPONDANCE

souligne que le respect de la vie privée et familiale, de la réputation, du domicile et des communications privées, à la fois des personnes physiques et morales, ainsi que la protection des données à caractère personnel représentent des droits fondamentaux essentiels pour lesquels les États membres doivent assurer une protection particulière, compte tenu des incidences négatives qu'exercent sur ces droits les nouvelles technologies, et que seule l'harmonisation des législations nationales en la matière, qui assure une protection élevée, est susceptible de répondre à ce défi;

demande que les banques de données mises en place pour compenser l'ouverture des frontières, comme le SIS et les systèmes informatiques dépendant d'Europol, aient pour objectif de protéger la vie privée;

condamne l'utilisation des écoutes téléphoniques qui ne sont pas conformes à la loi et estime nécessaire que les États membres se munissent de législations qui respectent les conventions internationales existantes et qui trouvent un équilibre entre les exigences de la lutte contre toute forme de criminalité et celles de la protection des droits fondamentaux de la personne;

demande que le SIS, le SIE, le SID et la banque de données d'Europol soient soumis, pour se conformer au respect de la vie privée, à un système d'évaluation indépendant; demande que soient exclues de ces banques de données toutes informations à caractère personnel telles que la référence à la religion et aux convictions philosophiques ou religieuses, à la race, à la santé et aux habitudes sexuelles;

LIBERTÉ DE PENSÉE, DE CONSCIENCE ET DE RELIGION

estime que chacun jouit du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion;

réaffirme que l'objection de conscience au service militaire est inhérente à la notion de liberté de pensée, de conscience et de religion; condamne les États membres qui ne protègent pas un tel droit et invite instamment les États membres à garantir et à protéger ce droit;

réaffirme sa résolution sur l'objection de conscience dans les États membres de la Communauté[10], et insiste à nouveau pour que les États membres qui ne se seraient pas encore exécutés instaurent un service civil de même durée que le service militaire et que les objecteurs de conscience ne soient pas condamnés parce qu'une disposition juridique établissant un service de substitution n'existerait pas;

demande une fois de plus à la Grèce de s'abstenir de poursuivre les objecteurs de conscience, de libérer ceux qui sont emprisonnés et de se doter sans tarder d'une législation reconnaissant le droit à l'objection de conscience au service militaire en organisant un service civil non discriminatoire par rapport au service militaire;

invite instamment les États membres à s'abstenir d'imposer à leurs citoyens de faire état de leur religion sur leurs pièces d'identité;

LIBERTÉ D'EXPRESSION

confirme le droit à la liberté d'opinion, à la liberté d'expression et à la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées, dans les limites découlant du respect de la protection de l'enfance et de la jeunesse - en particulier contre l'usage abusif des technologies à des fins de mauvais traitements infligés aux enfants et d'exploitation sexuelle des enfants - et du respect du droit à l'intimité et à l'image, et l'interdiction de toute action ou manifestation servant d'incitation à des actes de racisme, de xénophobie ou d'antisémitisme;

juge inacceptable la création ou le maintien d'oligopoles de l'information, publics ou privés;

estime qu'un large accès à l'information représente une condition indispensable de l'exercice de la liberté d'expression et lance un appel aux États membres et à la Commission afin qu'ils prennent les mesures voulues pour permettre aux journalistes et aux particuliers en général d'accéder facilement aux informations provenant des administrations nationales et de l'Union européenne;

réaffirme le droit des individus à l'accès à diverses sources indépendantes d'information et estime que, dans ce sens, la Commission devrait présenter dans les meilleurs délais la directive sur la concentration des médias;

considère que le secret des sources d'information des journalistes relève de la liberté d'information et de presse, et invite donc les États membres à reconnaître dans leur législation le respect de ce droit;

estime que la liberté de presse est un droit fondamental de chaque personne, et que, par conséquent, l'exercice de ce droit, avec les responsabilités qui pourraient en découler, ne devrait pas être subordonné de façon obligatoire au fait d'être membre d'un ordre de journalistes professionnels, comme c'est le cas dans certains États membres;

estime que l'art, la science et la recherche sont libres et exige le respect de la liberté académique et la protection efficace des droits intellectuels;

se félicite de l'adoption de sa résolution du 9 février 1994 sur les minorités linguistiques et culturelles dans la Communauté européenne[11] et plaide pour que la culture de ces minorités soit reconnue comme faisant partie intégrante du patrimoine culturel européen;

LIBERTÉ D'ASSOCIATION

réaffirme le droit à la liberté d'association pour tous les citoyens et rappelle aux États membres que ce droit est identiquement applicable aux minorités ethniques et ne dépend pas de leur reconnaissance officielle;

estime que deux droits de l'homme importants sont le droit des travailleurs à s'associer dans un syndicat et le droit à mener une action revendicative - y compris le droit de grève -, sans être menacés de licenciement à titre de représailles ou d'une action en justice; demande donc aux États membres de garantir un droit statutaire à la reconnaissance des syndicats, accompagné d'un cadre statutaire établissant le droit, pour les membres de syndicats, à être représentés par ceux-ci aussi bien dans les négociations collectives qu'à titre individuel;

condamne le gouvernement du Royaume-Uni pour la suppression unilatérale des droits syndicaux des travailleurs du GCHQ (siège des communications d'État), en infraction à la Convention 87 du BIT; demande la restauration de ces droits et une compensation intégrale ainsi que la réintégration des travailleurs licenciés pour avoir refusé de renoncer à leur appartenance à des syndicats indépendants et libres;

exhorte les États membres à rechercher des formules de reconnaissance du droit d'association des militaires, tant appelés qu'engagés dans les forces armées, qui soient compatibles avec les règles particulières de hiérarchie et de discipline, propres à tout corps d'armée, et qui s'inscrivent dans des limites jugées nécessaires par les États membres en raison du rôle de défense nationale assumé par les forces armées;

condamne toute obligation de se syndiquer qui rend l'affiliation à certaines organisations indispensable à l'exercice d'une activité professionnelle, surtout lorsque ces organisations poursuivent d'autres objectifs que purement professionnels et apportent leur soutien à certains partis politiques;

réaffirme que l'Union européenne et ses États membres devraient ratifier et appliquer sans réserve la Charte sociale du Conseil de l'Europe, qu'ils devraient respecter les conventions et recommandations internationales du BIT et que le gouvernement du Royaume-Uni devrait signer sans délai l'accord sur la politique sociale annexé au traité de Maastricht;

affirme que le niveau de chômage actuel, qui concerne quelque 20 millions de personnes dans l'Union européenne, est une violation majeure des droits de l'homme, étant donné que le droit à l'emploi avec un niveau de rémunération raisonnable est un droit de l'homme fondamental;

ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

juge essentiel de conserver parmi les principes généraux du droit communautaire le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination, et engage les États membres à continuer de le garantir;

juge inacceptable tout type de discrimination en raison de la race, de la couleur de la peau, de l'appartenance ethnique, du sexe, des penchants sexuels, de la langue, de la religion et des opinions politiques;

réaffirme la nécessité de l'égalité des chances et des droits pour la femme et rappelle sa résolution sur la situation de la femme dans l'Union européenne[12];

demande que le principe d'égalité entre les hommes et les femmes soit prévu lors de la révision du traité UE et invite les États membres à en vérifier l'état d'application dans chaque secteur ainsi qu'à appliquer la recommandation sur la participation équilibrée des hommes et des femmes au processus de prise de décisions;

invite la Commission à proposer des modifications aux directives existantes sur l'égalité, dès lors que ces directives n'ont pas conduit à une égalité plus grande des hommes et des femmes dans les États membres;

indique qu'il convient d'inclure dans les politiques communautaires le droit fondamental des handicapés à l'égalité des chances et à la non-discrimination faisant abstraction de leur handicap;

exhorte les États membres à abroger toutes les dispositions juridiques de quelque échelon que ce soit qui criminalisent et frappent de discrimination les relations affectives et sexuelles entre personnes majeures du même sexe;

demande, conformément aux termes de sa résolution sur l'égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté[13] que toute discrimination, toute inégalité de traitement soient abolies concernant les homosexuels et notamment en ce qui concerne les différences qui persistent encore pour la limite d'âge pour l'autorisation des rapports homosexuels, les discriminations quant au droit au travail, le droit pénal, le droit civil, le droit contractuel et le droit social et économique;

insiste à nouveau sur le droit des personnes âgées à une vie digne et réaffirme le contenu de sa résolution du 24 février 1994 sur les mesures en faveur des personnes âgées[14];

RACISME ET XÉNOPHOBIE

condamne une nouvelle fois le racisme sous toutes ses formes ainsi que la xénophobie et l'antisémitisme, et exige l'insertion de cette condamnation dans le traité sur l'Union européenne;

regrette que le Conseil n'ait toujours pas adopté de stratégie de lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme et que la Commission n'ait pas encore présenté de proposition de directive contre la discrimination, malgré les requêtes répétées du Parlement européen;

réitère le contenu de sa résolution du 27 octobre 1994 sur le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme[15] et de sa résolution du 21 avril 1994 sur la situation des Tsiganes dans la Communauté européenne[16];

invite instamment les États membres à prendre les mesures requises pour protéger les personnes se trouvant sur leur territoire contre toute discrimination ou acte raciste, xénophobe ou antisémite et à qualifier, dans leur droit interne, l'incitation au racisme de délit pénal;

regrette que, dans divers États membres, des mauvais traitements aient été infligés à des détenus par les forces de sécurité et de maintien de l'ordre public, pour des motifs racistes; demande donc aux gouvernements de l'Union européenne de réagir vigoureusement dès que de tels faits sont portés à leur connaissance;

insiste sur la nécessité d'encourager des mesures d'éducation et de formation pour lutter efficacement contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme, et demande aux États membres de prodiguer aux travailleurs sociaux, aux agents de police et au personnel judiciaire une formation particulière sur la conduite à tenir face aux spécificités culturelles des personnes d'origine étrangère ou appartenant à des minorités ethniques;

s'inquiète, comme l'ont constaté plusieurs organisations internationales, que les actes de brutalité se multiplient à l'égard de personnes d'origine étrangère ou appartenant à des minorités ethniques, en particulier dans le cas des demandeurs d'asile, et demande aux gouvernements des États membres de réagir efficacement et le plus rapidement possible lorsqu'ils ont connaissance de telles situations;

demande que les personnes incitant à la haine raciale ou plaidant en faveur de discriminations raciales cessent de pouvoir exercer des fonctions publiques, y compris de pouvoir faire partie du Parlement européen, étant donné que les droits humains des victimes du racisme sont fondamentalement rejetés par les partisans du racisme, qui, si l'occasion s'en présente, n'hésiteront pas à détruire la démocratie, comme l'expérience de l'Europe du milieu du XXe siècle l'a prouvé, et invite toutes les forces politiques démocratiques à lutter contre les partis d'extrême-droite qui plaident en faveur de la xénophobie;

DROIT AU MARIAGE, AU CONCUBINAGE ET À LA VIE FAMILIALE ET DROITS DE L'ENFANT

juge indispensable de protéger la famille - qu'elle soit officiellement reconnue ou établie de fait - et s'inquiète des initiatives visant à restreindre le droit au regroupement familial et demande qu'une attention accrue soit portée à la protection des enfants et des jeunes;

demande un renforcement des mesures de protection des enfants contre les agressions à caractère sexuel et la violence ainsi que la mise hors-la-loi des mutilations sexuelles et des châtiments corporels au moyen d'une législation communautaire renforcée;

demande que tous les enfants se voient reconnaître le droit à une éducation complète et invite les États membres à prévenir l'abandon scolaire prématuré;

affirme que tout enfant doit avoir droit à la santé, y compris à un logement propre, à une alimentation saine et à un environnement non pollué;

invite les États membres à criminaliser le proxénétisme ainsi que l'abus de mineurs auxquels leurs citoyens se livrent à l'étranger (tourisme sexuel) et à les traiter sur un pied d'égalité avec les dispositions en vigueur dans leur pays;

réaffirme son opposition à l'exploitation économique et au travail des enfants;

DROIT À L'ÉDUCATION

estime que l'éducation constitue un droit fondamental qui ne doit pas se laisser guider par des intérêts économiques, mais par la formation des personnes, d'où la nécessité d'une éducation qui soit libre, gratuite et universelle;

interprète le droit de choisir un système éducatif comme un droit inhérent au droit à l'éducation (sur tout le territoire de l'Union européenne);

affirme une nouvelle fois que l'éducation et la formation sont des droits qui doivent demeurer ouverts tout au long de la vie;

PAUVRETÉ ET DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

souligne que la pauvreté et l'exclusion sociale appellent des mesures particulières dans les domaines social, économique et culturel;

rappelle que les femmes représentent 70% des plus pauvres, au niveau mondial comme européen, et qu'un effort particulier doit être fait pour le respect et le développement de leurs droits sociaux et économiques;

recommande que le protocole et l'accord sur la politique sociale ainsi que la Charte des droits sociaux fondamentaux soient, à l'occasion de la CIG de 1996, insérés dans le traité et que l'UE adhère à la Charte sociale du Conseil de l'Europe;

voit dans le travail un principe fondamental pour l'ensemble des citoyens européens, consacré dans divers protocoles conclus par l'Union européenne, et invite la Commission à appliquer rigoureusement le Livre blanc "Croissance, compétitivité, emploi" pour permettre l'application de ce principe;

demande à la Commission de rendre obligatoire, dans le cadre de toutes les politiques communautaires, l'adoption de mesures appropriées de lutte contre le chômage dans l'Union européenne;

demande aux États membres de faire en sorte que la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, ou Charte sociale, adoptée en décembre 1989 à Strasbourg, soit définitivement consacrée en tant que recueil des droits de tous les citoyens de l'Union européenne;

exhorte les États membres qui ne l'auraient pas encore fait à adhérer au protocole et à l'accord, annexés au traité, concernant l'application de la Charte sociale et la promotion du dialogue social;

demande aux États membres de veiller à inscrire dans leur législation nationale des garanties minimales de respect des droits économiques et sociaux, notamment du droit élémentaire au travail, des droits syndicaux et du droit à une retraite;

invite les États membres à appliquer les recommandations du Conseil européen d'Essen sur l'amélioration de la situation de l'emploi et à veiller en priorité à l'application efficace des initiatives communautaires propices à la création d'emplois, tels les programmes EMPLOI, PME, ADAPT, etc., et devant permettre aux travailleurs de s'adapter aux changements structurels à l'oeuvre dans les entreprises;

demande l'adoption d'une directive contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

rappelle une nouvelle fois que les travailleurs ont le droit d'être informés sur la situation économique de leur entreprise;

accueille avec satisfaction la publication de la directive 94/45/CE concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen[17];

invite la Commission et les États membres à retenir comme priorité la création d'emplois lors de la mise en oeuvre des Fonds structurels et du Fonds de cohésion;

estime qu'il importe d'accorder à la culture un rôle plus important en matière de création d'emplois, en l'insérant dans les stratégies de développement et en ne la limitant pas à la conservation du patrimoine, mais en l'associant à tous les investissements relatifs aux secteurs culturel et audiovisuel;

invite la Commission à élaborer, sur la base de l'article 128, paragraphe 4, une étude dans laquelle elle analysera les incidences des différentes politiques de l'Union sur la diversité culturelle et les possibilités d'expression culturelle[18];

invite les États membres à reconnaître et à promouvoir leurs langues régionales principalement dans les secteurs de l'éducation, des médias et dans les relations entre les citoyens et les autorités administratives, ainsi qu'à soutenir le protocole additionnel sur la convention des droits de l'homme adopté en la matière par le Conseil de l'Europe;

invite la Commission et les États membres à prendre ou à promouvoir des mesures visant à respecter l'identité culturelle des minorités et des demandeurs d'asile et à garantir à ces groupes la possibilité de garder le contact avec leur langue maternelle et leur culture d'origine, tout en leur donnant les moyens de se familiariser avec la langue et avec la culture du nouveau pays d'accueil;

invite la Commission à lancer des actions visant à sensibiliser les jeunes Européens à ces questions afin de promouvoir une véritable éducation aux droits de l'homme au sein des différents États membres;

DROIT À LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

estime que les droits de l'homme incluent le droit de vivre dans un environnement aussi indemne de pollution que possible et que les générations actuelles ont le devoir de transmettre un environnement propre aux générations futures;

considère que l'Union européenne et les États membres doivent mener une politique valable de protection de l'environnement, celui-ci constituant une donnée clé en vue d'atteindre un certain stade de bien-être;

rappelle la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes considérant la protection de l'environnement comme l'un des objectifs fondamentaux de l'Union européenne;

rappelle la corrélation existant entre le droit de l'environnement et la protection de la santé, tout en invitant instamment les États membres à appliquer et transposer les directives communautaires relatives à l'environnement;

demande aux États membres d'adopter les législations et mesures leur permettant de poursuivre les auteurs ou complices de crimes contre l'humanité qui se trouveraient sur leur territoire, de les déférer devant les juridictions nationales, et de collaborer avec les tribunaux pénaux internationaux pour l'exYougoslavie et le Rwanda;

charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission et au Conseil, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres et aux États qui ont déjà formellement sollicité l'adhésion à la Communauté européenne.

  • [1] ()JO C 120 du 16.5.1989, p.51.
  • [2] ()JO C 44 du 14.2.1994, p.32.
  • [3] ()JO C 240 du 16.9.1991, p.45.
  • [4] ()JO C94 du 13.4.1992, p.277.
  • [5] ()A3-0493/93.
  • [6] ()JO C44 du 24.2.1994, p.32.
  • [7] ()Avis 2/94 du 28.3.1996.
  • [8] ()JO C115 du 26.4.1993, p.178.
  • [9] ()JO C256 du 9.10.1989, p.32.
  • [10] ()JO C 44 du 14.2.1994, p.103.
  • [11] ()JO C 61 du 28.2.1994, p.110.
  • [12] ()JO C 91 du 28.3.1994, p.244.
  • [13] ()JO C61 du 28.2.1994, p.40.
  • [14] ()JO C 77 du 14.3.1994, p.24.
  • [15] ()JO C 323 du 21.11.1994, p.154.
  • [16] ()JO C 128 du 9.5.1994, p.372.
  • [17] ()JO L 254 du 30.9.1994, p.64.
  • [18] ()Résolution du 12.4.1989 sur la déclaration des droits fondamentaux et des libertés individuelles, JO C 120 du 6.5.1989, p.51.

B. EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Un système de protection des droits de l'homme propre à l'Union européenne (UE)

Les droits de l'homme découlent de trois principes et de l'interaction de ces derniers: l'inviolabilité, l'autonomie et la dignité de la personne humaine. En conséquence, ils sont indivisibles, car ils sont consubstantiels à la personne; universels, parce qu'ils doivent être respectés partout et par tous; indispensables, en ce qu'ils constituent une condition capitale de la paix, de la liberté et de la justice; imprescriptibles et inaliénables.

Au cours du siècle actuel, les États et les ordres juridiques particuliers ont proposé des moyens de sauvegarde de tels droits, tant au niveau national qu'international. Les États membres de l'UE garantissent pleinement le respect des droits de l'homme au moyen de régimes politiques démocratiques et pluralistes, dotés d'organes parlementaires effectifs et de systèmes judiciaires indépendants. L'UE, tendue vers un avenir politique commun dont la légitimation doit trouver sa source dans les principes démocratiques fondamentaux, s'est toujours préoccupée de la défense et de la protection de ces droits, fondamentaux eux aussi.

Certes, aucun des traités constitutifs des Communautés européennes, pas davantage que le traité sur l'Union européenne, ne dresse un catalogue formel des droits de l'homme. Cependant, les préambules de ces traités contiennent effectivement des déclarations, entre autres, sur la paix et le bien-être des peuples, sur le progrès économique et social, et se réfèrent de façon isolée aux droits fondamentaux dans leur dispositif, même s'ils évoquent la protection des droits dits économiques.

De la même façon, l'Acte unique européen affirme, dans son préambule, la volonté des hautes parties contractantes de promouvoir ensemble la démocratie, en se fondant sur les droits fondamentaux reconnus dans les constitutions et lois des États membres, dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la Charte sociale européenne, notamment la liberté, l'égalité et la justice sociale.

Au surplus, l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne dispose que: "L'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire".

Le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans distinction aucune, figure donc une règle essentielle des normes internationales relatives aux droits de l'homme qui lient particulièrement les pouvoirs publics. L'élimination rapide et générale de toutes les formes de racisme et de discrimination raciale, de la xénophobie et autres manifestations apparentées d'intolérance est une tâche à laquelle la communauté internationale doit s'atteler d'urgence. Les gouvernements doivent adopter des mesures efficaces pour prévenir et combattre de tels phénomènes. Les groupes, les institutions, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales ainsi que les particuliers doivent redoubler d'efforts pour coopérer les uns avec les autres et coordonner leurs actions de lutte contre ces maux.

2. Adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)

Dans sa résolution du 18 janvier 1994 sur l'adhésion de la Communauté à la Convention européenne des droits de l'homme[1], le Parlement européen s'est déterminé en faveur d'une adhésion à ladite Convention. Tout en étant conscient de ce qu'une telle adhésion pose des problèmes de nature politique, institutionnelle et juridique, il a jugé important, notamment, de soumettre les actes juridiques de la Communauté à un examen de leur compatibilité avec les droits fondamentaux qui serait conduit par une instance indépendante, extérieure à l'Union européenne, telle que la Cour européenne des droits de l'homme, qui a son siège à Strasbourg.

La Commission s'est, elle aussi, prononcée pour une adhésion à la CEDH et a examiné ses divers aspects dans sa communication du 19 novembre 1990[2]. Après une analyse des difficultés juridiques, elle est parvenue à la conclusion qu'aucune difficulté de taille ne s'opposait à cette démarche, en prenant pour base l'article 235 du traité CEE.

Cependant, le Conseil a formulé des doutes sur la compatibilité entre une adhésion de l'UE à la CEDH et les traités ainsi que sur le rôle de la Cour de justice européenne et sur les compétences éventuelles de l'UE dans ce contexte.

C'est pourquoi il a invité, les 29 et 30 novembre 1993, la Cour de justice européenne à rendre un avis sur la question. Cette requête a véritablement été transmise en avril 1994.

Dans l'intervalle, la Cour de justice européenne a demandé, et obtenu auprès de divers États membres, de la Commission et du Parlement européen (service juridique), des commentaires en l'espèce, et également accordé aux nouveaux États membres la possibilité de formuler leur point de vue sur la question. Selon toute vraisemblance, la Cour de justice européenne ne fera pas connaître son avis avant la fin de l'année.

3. Droit à la vie

a) Peine de mort

Diverses résolutions ont vu le Parlement européen s'opposer, par principe, à la peine de mort et en demander la suppression. Le protocole no 6 de la CEDH comporte aussi l'abolition de la peine de mort, sauf pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre. Jusqu'à présent, la Belgique, la Grèce, l'Irlande et le Royaume-Uni n'ont pas ratifié ce protocole.

Après la Grèce en 1993, l'Italie a aboli la peine de mort pour tous les délits en 1994. Ainsi, la peine de mort subsiste à ce jour en Espagne et au Royaume-Uni pour des délits exceptionnels, tels ceux commis en période de guerre. La Belgique est le seul pays de l'UE où perdure la peine de mort pour des délits de droit commun. Des peines de mort y sont encore aujourd'hui prononcées, bien que depuis 1950 aucun condamné n'ait été exécuté.

b) Terrorisme

La vie des citoyens de divers États membres de l'UE subit encore la menace des activités de groupes terroristes. Ainsi, le bilan des attentats terroristes commis en Espagne et en Irlande du Nord, y compris en 1994, révèle un certain nombre de morts et de blessés.

Une évolution positive caractérise désormais l'Irlande du Nord. Le 31 août 1994, l'IRA a tout d'abord décrété la suspension de toute opération militaire, puis les principaux groupes légitimistes ont proclamé, le 13 octobre suivant, un cessez-le-feu. Ces décisions ont permis de préparer le terrain pour une solution négociée à un conflit et à des violences qui durent depuis des décennies.

4. Torture et traitements inhumains ou dégradants

L'article 3 de la CEDH interdit expressément la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Pouvant s'appuyer sur l'ensemble des instruments de la Convention, les personnes qui auraient été victimes de tels traitements ont alors la possibilité de présenter un recours auprès de la Commission européenne des droits de l'homme ou de la Cour européenne des droits de l'homme.

Parallèlement, le Conseil de l'Europe a permis d'élaborer la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette Convention, à laquelle l'ensemble des États membres de l'UE ont adhéré, se donne pour objectif de contribuer, en dehors des voies juridiques, à éviter principalement la torture en visitant les personnes privées de liberté. Tous les ans, des visites sont effectuées auprès de divers États membres et un rapport est alors établi, sur lequel le gouvernement concerné est invité à prendre position. Si le pays en cause donne son accord, ce rapport est ensuite publié.

En 1994, les rapports sur les visites effectuées au Portugal, en Belgique, en Grèce et en Irlande du Nord ont été publiés. Aucun rapport n'est paru sur l'Irlande, bien qu'une visite ait eu lieu en 1993, car le gouvernement irlandais ne souhaite pas qu'il soit divulgué. L'Espagne a fait l'objet d'une visite en 1994 et, jusqu'à présent, aucune décision n'a été prise quant à la publication du rapport.

Le rapport du Comité pour la prévention de la torture concernant la Grèce indique que certains groupes de détenus, en particulier pour des délits liés à la drogue ou pour des délits graves, tels que des assassinats, des viols ou des vols avec violence, courent un risque élevé d'être maltraités. Il ressort également de ce rapport que, dans certains cas, des mauvais traitements aggravés ont débouché sur des actes de torture. Ce rapport précise plus avant que l'existence dans ce pays de certaines carences formelles, en matière de communication à une tierce partie de la mise en détention et d'accès aux services d'un avocat, facilite l'application de mauvais traitements. Dans son rapport sur le Portugal, le Comité relève que l'infliction de mauvais traitements à des personnes placées en garde à vue est un "phénomène relativement courant". Ces deux pays ont réfuté cette appréciation dans leurs remarques.

En 1994, des rapports relatifs à divers États membres ont été présentés sur les mauvais traitements infligés à des étrangers et à des membres de minorités ethniques lors de gardes à vue. Ainsi, à propos de son rapport sur la Belgique, le Comité pour la prévention de la torture constata notamment que les personnes d'origine étrangère retenues en garde à vue s'exposaient à un certain risque de mauvais traitements. En République fédérale d'Allemagne, des accusations de mauvais traitements à l'encontre d'étrangers furent portées contre certains postes de police dans diverses agglomérations (par exemple, Berlin, Hambourg et Bernau). Des enquêtes furent diligentées, quelques fonctionnaires de police suspendus et des condamnations prononcées dans certains cas. À Hambourg, une commission parlementaire d'enquête fut créée et le directeur général de l'Intérieur dut démissionner à la suite des affaires en cause.

En revanche, il est encourageant que le Comité pour la prévention de la torture ait pu constater, dans son rapport sur l'Irlande du Nord, que le nombre d'accusations relatives à des mauvais traitements s'était réduit et que le détenu ordinaire ne courait aucun risque notable d'être maltraité. Pourtant, il n'en est pas tout à fait ainsi des personnes incarcérées en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme ("Prevention of Terrorism Act"). Dans ce cas, de nombreuses accusations de mauvais traitements ont été enregistrées.

Consécutivement aux dénonciations de telles violations, il paraît impérieux d'intervenir dans une plus large mesure, au plan de la prévention, pour éviter que des mauvais traitements ne soient infligés. À cet effet, diverses mesures pourraient se révéler opportunes.

Le tout premier aspect concerne la formation initiale et la formation continue des fonctionnaires de police. Cette formation devrait tenir compte du détail des dispositions de la CEDH (notamment son article 3) et du comportement à suivre en cas d'interrogatoires, afin de combattre l'apparition et le développement de préjugés, essentiellement racistes, envers certains groupes sociaux.

En outre, plusieurs organisations et, surtout, la Commission de lutte contre la torture du Conseil de l'Europe, mettent en avant les effets préventifs de certaines garanties de procédure, telles que:

- la possibilité d'informer immédiatement de la détention une tierce personne,

- le droit d'accès à un médecin librement choisi,

- la mise en relation immédiate avec un avocat.

Les États membres de l'UE où de telles garanties n'ont pas cours devraient les incorporer sans plus attendre dans leur législation.

L'enregistrement sur cassettes audio ou vidéo des interrogatoires peut également dissuader de l'administration de mauvais traitements aux détenus. En outre, il convient de recommander l'élaboration d'un code de conduite applicable aux interrogatoires. Le 1er janvier 1994, un nouveau code de pratique est entré en vigueur au Royaume-Uni dans le but d'uniformiser les procédures d'interrogatoire policier et de renforcer les prescriptions de surveillance qui s'y attachent. Ainsi, les détenus ayant à se plaindre de tortures ou de mauvais traitements ont le droit de se faire examiner sans délai par un médecin et leurs plaintes sont portées devant un tribunal.

L'UE devrait également procéder en toute transparence à l'examen des accusations faisant état de mauvais traitements. Cela suppose également, par principe, que les rapports du Comité pour la prévention de la torture soient publiés.

Diverses organisations de défense des droits de l'homme ont également jugé mauvaises les conditions de détention dans les prisons de certains États membres, parmi lesquels l'Italie, la Grèce, la Belgique et l'Irlande. Les prisons sont partiellement surpeuplées, les installations sanitaires sont insuffisantes et l'assistance médicale n'est pas à la hauteur de la tâche. C'est ainsi que le Comité pour la prévention de la torture a estimé que la médiocrité des conditions régnant dans certaines prisons belges, notamment celle de Saint-Gilles, équivalait à un traitement inhumain et dégradant.

Ce même Comité a malheureusement dû constater, en outre, que les conditions de vie prévalant dans certains centres psychiatriques grecs (notamment celui de Léros) étaient assimilables à des traitements inhumains et dégradants et mettaient en péril la santé des patients.

5. Asile

Le droit d'asile politique ne fait pas partie des droits enchâssés dans les instruments internationaux pertinents en matière de droits de l'homme, comme par exemple la CEDH. Néanmoins, ces deux questions sont indubitablement liées en cas d'expulsion d'un demandeur d'asile. En 1994, la Commission européenne des droits de l'homme a été saisie de plusieurs affaires où un demandeur d'asile risquait d'être expulsé vers son pays d'origine. Bien que ces cas aient été déclarés irrecevables ou qu'une solution amiable ait été trouvée, la Commission européenne des droits de l'homme a confirmé sa position de principe, à savoir que l'expulsion d'une personne vers un pays où il y a tout lieu de croire qu'elle sera soumise à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants peut enfreindre l'article 3 de la Convention, à condition que des éléments tangibles laissent supposer que les risques encourus sont réels et graves[3]. Cette opinion a été partagée par la Cour européenne des droits de l'homme dans différents arrêts sur le fond[4].

Ces dernières années, les États membres de l'UE ont intensifié leur coopération dans le domaine des politiques d'asile et adopté plusieurs instruments visant une approche harmonisée, au nombre desquels la Convention de Dublin relative à la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile, la résolution sur les pays tiers sûrs, la résolution sur les demandes d'asile manifestement infondées, le texte de conclusion sur les pays dans lesquels il n'existe en général pas de risque grave de persécution, la résolution sur les garanties minimales pour les procédures d'asile, etc.. D'autres dispositions prises au niveau européen ont également une incidence directe sur les réfugiés, comme la politique des visas et les sanctions imposées aux transporteurs acceptant des passagers démunis des documents nécessaires à leur entrée.

Cette politique européenne naissante en matière d'asile semble essentiellement motivée par le désir des États membres de réduire le nombre de demandes d'asile non justifiées. Étant donné que les États membres ont fermé leur porte aux migrants économiques, la procédure d'asile a été de plus en plus utilisée pour essayer de prendre pied dans l'UE. La volonté légitime de porter remède à cette situation a néanmoins conduit à l'adoption de mesures faisant barrage à tous les demandeurs d'asile, vrais ou faux, ce qui n'a pas manqué de susciter l'émoi de nombreuses organisations, dont le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

La résolution sur les pays tiers sûrs a fait l'objet de vives critiques. Le principe en cause refuse à un demandeur d'asile l'accès à une procédure en bonne et due forme de détermination de son statut s'il a transité par un "pays tiers sûr" en se rendant dans tel État membre de l'UE. Le statut de pays tiers sûr semble être décerné assez généreusement par certains États membres, à tel point que la sécurité des demandeurs d'asile pourrait être mise en péril. Ainsi, l'Allemagne considère que tous ses pays voisins sont sûrs, y compris l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale, où les procédures de détermination du statut de réfugié n'opèrent pas encore valablement dans tous les cas. La Grèce renvoie les demandeurs d'asile ayant transité par la Turquie, pays qui n'a pris l'engagement que d'examiner les demandes émanant de réfugiés européens.

Ce concept de pays tiers sûr s'appuie sur un réseau d'accords bilatéraux de réadmission au sein de toute l'Europe, censé garantir au demandeur d'asile la réadmission dans le dernier pays de transit. En décembre 1994, le Conseil a adopté un "accord normalisé de réadmission" afin d'harmoniser les efforts des États membres dans ce domaine. Cet accord ne prévoit pas la garantie que la demande d'asile d'un demandeur d'asile refoulé sera examinée par le pays tiers. En conséquence, ce pays pourrait dès lors renvoyer le requérant dans le pays de transit précédent, et ainsi de suite. Il se pourrait alors que le demandeur d'asile se retrouve dans son pays d'origine, sans que sa demande n'ait jamais été traitée.

Toujours en liaison avec les questions d'asile, les États membres achoppent sur l'article premier de la Convention de Genève, où est défini le réfugié, et donnent à cet article des interprétations divergentes. Certains envisagent cette définition de façon plutôt restrictive et ne reconnaissent pas, notamment, les personnes persécutées par des agents non étatiques. Il peut donc en résulter le refoulement de réfugiés vers un pays où ils ont tout lieu de craindre d'être persécutés.

Les autorités judiciaires se penchent actuellement sur l'application de la règle du pays tiers sûr ainsi que sur d'autres aspects de la politique européenne d'asile. En Allemagne, par exemple, la Cour constitutionnelle devrait rendre un arrêt sur le fond avant la fin de cette année. Ainsi que nous l'avons indiqué précédemment, la Commission européenne des droits de l'homme reconnaît que l'expulsion d'un réfugié vers un pays où il risque sérieusement d'être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants pourrait constituer une violation de la CEDH. En ce qui concerne l'expulsion vers un pays tiers, sa jurisprudence l'a conduite à marquer une distinction entre l'expulsion vers un autre État contractant, qui reconnaît le droit de demande individuelle, et l'expulsion vers un pays tiers.

S'agissant de la composante "droits de l'homme" de la politique européenne d'asile, les États membres devraient donc s'assurer au minimum que toute demande d'asile individuelle soit convenablement traitée, si ce n'est dans l'État membre, dans ce qu'il est convenu de considérer comme un pays tiers sûr, et que tout demandeur d'asile individuel puisse trouver une protection effective dans ce pays. À l'évidence, les États membres sont tenus de ne pas refouler un réfugié vers un pays où il serait persécuté et cette obligation devrait guider leurs actes.

6. Liberté de pensée, de conscience et de religion

a) Objection au service militaire

Bien que le droit à l'objection au service militaire pour des raisons de conscience ne soit pas expressément visé par la CEDH, il est considéré comme une forme d'exercice de la liberté de conscience à laquelle, par exemple, l'article 9 de ladite Convention confère force obligatoire. Le Parlement européen s'est prononcé à maintes reprises sur cette question et, le 19 janvier 1994, a adopté une résolution sur l'objection de conscience dans les États membres de la Communauté[5], dans le cadre d'un rapport de sa commission des libertés publiques et des affaires intérieures.

Il y demandait que fût instaurée la possibilité d'un service civil de durée égale à celle du service militaire. Tous les États membres de l'UE reconnaissent le droit à l'objection de conscience au service militaire, à l'exception de la Grèce. Dans ce pays, il n'est possible que d'effectuer un service militaire non armé, sous les drapeaux, dont la durée est le double de celle du service armé, le service civil y étant inconnu.

Cela fait de nombreuses années que des pressions internationales s'exercent sur la Grèce pour l'amener à reconnaître le droit à l'objection de conscience et à organiser un service civil. Manifestement, la résolution adoptée en janvier 1994 par le Parlement européen a permis de relancer le débat sur l'introduction d'un service civil en Grèce même. Le ministère grec de la Défense a ainsi fait savoir dans ce contexte que le gouvernement allait élaborer une loi sur l'instauration d'un service civil. Il transféra à cet effet les compétences d'initiative législative au ministère de la Justice. Néanmoins, l'adoption d'une telle loi ne se sera pas produite en 1994.

Dans ce pays, les objecteurs de conscience sont fréquemment condamnés à des peines de prison pouvant aller jusqu'à quatre ans. Pendant la période de six mois au maximum précédant leur procès, ils purgent cette peine dans des prisons militaires, puis, une fois jugés, dans des prisons ordinaires. Par ailleurs, certains objecteurs de conscience ont été privés de leurs droits civils pendant cinq ans au maximum. Il en résulte qu'ils n'ont pas le droit de voter, ni de se porter candidats à des élections législatives, ni de travailler dans l'administration publique. En outre, un passeport ne peut leur être délivré et ils ne sont pas autorisés à ouvrir un commerce.

En avril 1994, le gouvernement grec a adopté une loi visant à réduire le surpeuplement carcéral. Pour ce faire, cette loi prévoyait que tous les détenus ayant déjà séjourné une année au minimum en prison et purgé au moins la moitié de leur peine seraient élargis et tenus à l'obligation de non-récidive au cours des trois années suivantes. 86 objecteurs de conscience, qui satisfaisaient aux conditions arrêtées et qui étaient alors incarcérés, purent bénéficier également des dispositions précitées. Cependant, 76 d'entre eux furent informés, au mois d'août, qu'ils seraient rappelés sous les drapeaux pour effectuer leur service militaire à compter du mois d'avril 1995. Cette décision exposa de nouveau le gouvernement grec aux critiques des organisations de défense des droits de l'homme. Entre-temps, les personnes concernées ont été avisées qu'elles ne seraient plus rappelées sous les drapeaux.

Dans sa résolution susmentionnée, le Parlement européen demandait également que le service civil de remplacement ait la même durée que le service militaire, ce qui n'est toujours pas le cas dans tous les États membres.

b) Pratique de la religion

En 1994, des plaintes sont surtout parvenues d'un État membre de l'UE, la Grèce, pour protester contre les entraves mises par celui-ci à la liberté de religion.

La Grèce a hérité de la dictature de Metaxás diverses lois restreignant la pratique de leur religion par les fidèles de communautés religieuses non orthodoxes. Ces lois imposent, par exemple, de demander l'autorisation d'ouvrir des lieux de culte non orthodoxes et contiennent des dispositions discriminatoires en matière de diffusion d'ouvrages religieux non orthodoxes. En 1994, de nombreuses communautés religieuses non orthodoxes se sont souvent plaintes de cas fréquents de discrimination.

La mention obligatoire de la confession religieuse sur la carte d'identité constitue un problème particulièrement sensible. La notion de liberté de religion ne recouvre pas seulement le droit de pratiquer, en toute liberté, sa religion propre, mais également celui, passif, de ne pas avoir à déclarer publiquement sa confession religieuse ou ses convictions personnelles[6]. La loi adoptée par le Parlement grec en avril 1993, aux termes de laquelle la confession religieuse doit être portée sur le titre d'identité, dément ce qui précède. Les minorités religieuses présentes en Grèce craignent que cette loi n'ait une arrière-pensée discriminatoire. Visé par leurs critiques énergiques et par celles élevées par d'autres organisations l'enjoignant de supprimer cette disposition, le gouvernement grec ne s'est hélas toujours pas exécuté.

7. Droit à la liberté et à la sûreté, droits de l'accusé

La CEDH consacre le droit de tout individu à un procès en bonne et due forme (le texte utilise le terme de "recours effectif"), ce droit étant prévu légalement pour défendre au mieux les droits et les intérêts en cause et étant assorti, à son tour, d'un faisceau de garanties et de principes de procédure, à savoir: le principe de publicité et d'équité du procès, le droit d'audition et de défense appropriées, la légalité et l'impartialité du juge, établies par la loi, et le déroulement du procès dans un délai raisonnable.

Ainsi, les exigences ressortissant au droit fondamental à un procès en bonne et due forme sont réputées comprendre, bien qu'elles ne soient pas citées expressément, les garanties que nous résumons comme suit: présomption d'innocence, droit à ne pas s'avouer coupable, droit de la défense aux moyens de preuve pertinents, droit aux voies de recours prévues par la loi, droit à bénéficier de l'assistance d'un interprète, etc.

La finalité ultime du droit d'accès à la justice consiste par-dessus tout, pour l'organe juridictionnel, dans la formation d'une décision fondée en droit, eu égard aux prétentions invoquées devant lui, et dans l'exécution du jugement, sauf si un obstacle juridique quelconque s'y oppose, l'interprétation la plus susceptible d'assurer l'effectivité du droit fondamental étant alors de mise. Citons à cet égard le droit de la personne concernée à être entendue publiquement et équitablement, dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, conformément à la loi. La Cour européenne des droits de l'homme a conclu à la violation de ce droit dans l'affaire Stanford contre Royaume-Uni[7], au cours de laquelle le demandeur ne put avoir connaissance de certaines preuves présentées lors de son jugement; dans l'affaire Boner et Maxwell contre Royaume-Uni[8], où les demandeurs ne furent pas autorisés à se faire assister légalement ou à se faire représenter lorsqu'ils interjetèrent appel auprès de la "High Court of Justiciary"; dans l'affaire Van de Hurk contre Pays-Bas[9], dans laquelle les droits civils du demandeur n'avaient pas été définis par un "tribunal indépendant", mais en vertu du règlement du "College van Beroep voor het Bedrijfsleven" (Collège du contentieux économique) qui permet à la Couronne (sous la responsabilité du ministre compétent) de décider quels arrêts du Collège évoqué ne seront pas exécutés pour des raisons d'intérêt général, même si cette prérogative peut par ailleurs être ignorée. Or, sa simple existence interdit de considérer comme indépendante la juridiction qui avait prononcé la décision contestée. De même, la Cour européenne des droits de l'homme a affirmé qu'il y avait eu violation du droit précité dans l'affaire Lala contre Pays-Bas[10], le demandeur ayant été jugé et condamné en son absence et sans que son avocat, présent au procès, ait pu assurer sa défense; dans l'affaire Pelladoah contre Pays-Bas[11], pour les mêmes raisons que l'affaire précédente; dans l'affaire Schouten et Meldrum contre Pays-Bas[12], en raison d'un retard injustifiable dans la détermination des droits civils des demandeurs, qui repoussait d'autant leur faculté de faire appel.

Le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable et, le cas échéant, à réagir face aux retards et autres mesures dilatoires susceptibles de dépasser des limites acceptables a été reconnu dans divers arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, en 1994, en particulier dans l'affaire Muti contre Italie, qui a révélé une violation de l'article 6.1. de la CEDH en raison de la durée du procès intenté au demandeur, qui s'était étalé sur une période de huit ans et sept mois depuis son ouverture jusqu'au prononcé d'une décision[13]. Il en fut de même dans l'affaire Silva Pontes contre Portugal[14], où le procès civil fait au demandeur courut sur onze ans et un mois. Dans l'affaire Vallée contre France[15], la Cour conclut à la violation de l'article 6.1. de la CEDH, au motif de la durée excessive de la procédure en compensation devant les autorités administratives (quatre années s'étaient écoulées lorsque le demandeur saisit la Cour européenne des droits de l'homme et son procès n'avait pas encore atteint son terme, étant donné que le délai légal d'appel auprès de la juridiction supérieure n'expirait pas avant le 4 mai 1994). Dans l'affaire Beaumartin contre France[16], la Cour européenne des droits de l'homme reconnut que la procédure engagée auprès du Conseil d'État avait eu une durée excessive, ne pouvant être motivée par les difficultés d'interprétation du protocole franco-marocain (fondement du droit du demandeur), ni par des actions du demandeur qui auraient pu le retarder; autres exemples, l'affaire Karakaya contre France[17], eu égard à la durée excessive de la procédure d'indemnisation entamée par une personne hémophile contaminée par le virus du sida à la suite de multiples transfusions de sang, et l'affaire Hentrich contre France[18], eu égard à un retard de quatre ans devant la Cour d'appel.

En outre, la CEDH consacre le droit de tous les citoyens à être jugés par la juridiction ordinaire compétente prévue par la loi, dont les membres sont désignés par la procédure légale établie à cet effet, la création de juridictions extraordinaires ou "ad hoc" étant proscrite. Ce droit permet également de récuser les juges ou membres d'une juridiction qui ne rempliraient pas les conditions arrêtées par la loi, à savoir impartialité, désintérêt et neutralité. Au cours d'un procès intenté en Allemagne à un néo-nazi qui niait l'holocauste, le tribunal fut accusé de partialité idéologique, ce qui conforta l'accusé, et le juge fut relevé de l'affaire pour des raisons de santé. En Italie, depuis 1993, 200 juges ont fait l'objet d'enquêtes pour corruption, collusion ou association mafieuse. À l'heure actuelle, treize d'entre eux sont sous les verrous, dont quatre en cours de jugement. Pour le Royaume-Uni, ce n'est qu'en Irlande du Nord que les militaires peuvent arrêter et mettre en détention des prévenus sans autorisation judiciaire. Cette possibilité existe pour la police dans le reste du pays, mais les inculpés doivent être mis à la disposition de la justice dans un délai de 48 heures. Ces facultés ne sont applicables qu'à des personnes suspectées de terrorisme. Toujours au Royaume-Uni, le Parlement a adopté, en novembre 1994, une loi sur la justice pénale et l'ordre public qui permet au juge d'informer le jury que le refus, de la part d'un inculpé, de répondre lors d'un interrogatoire ou d'un procès emporte une présomption de culpabilité. En Irlande du Nord, les procès de terroristes se déroulent sans jury depuis 1988.

En Irlande, il existe des procès spéciaux, dont quinze se sont tenus en 1994, qui ont débouché sur vingt condamnations. Ces procès spéciaux sont organisés dans le cadre de la loi autorisant la constitution de tribunaux spéciaux, statuant à trois juges, et connaissant de délits contre l'ordre public, d'actes de terrorisme, d'atteintes à la sûreté publique, etc.

Un citoyen grec, appelé à comparaître quatre fois au cours de la même année, a été jugé parce qu'il avait défendu, au Danemark, l'existence de la minorité macédonienne. Cet acte ne constitue pas un délit au Danemark et la loi grecque ne peut juger quiconque pour un acte non qualifié dans un pays étranger. Pourtant, le gouvernement et les juges ont tous permis qu'un tel procès puisse se tenir.

De la même manière, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé, dans l'affaire Andreadis contre Grèce[19], qu'il y avait eu violation de l'article 6.1. de la CEDH, eu égard au droit à un procès équitable. Dans l'affaire Raffineries Stran Greek et Satratis Andreadis contre Grèce[20], la Cour a conclu à la violation de l'article 6.1., excipant également du droit à un procès équitable, car le Parlement venait d'adopter une loi qui interférait avec une procédure en cours engagée par le requérant contre l'État grec, laquelle loi assurait ce dernier d'une décision de justice favorable.

8. Droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance

Dans son article 8, la CEDH reconnaît le droit de toute personne au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance.

Des ingérences en matière de vie privée, de domicile ou de correspondance ont été sanctionnées par divers arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme en 1994. Ainsi, la Cour a conclu à la violation de l'article 8 dans une affaire où un enfant avait été proposé à l'adoption, alors que son père n'avait pas été invité à donner son accord et qu'il se trouvait donc dans une situation défavorable par rapport aux parents adoptifs, s'il avait voulu opter pour la garde de son enfant[21]. De même, dans son arrêt du 27 octobre 1994, la Cour statua que ce même droit était enfreint en raison de l'existence d'une lacune juridique en Hollande, permettant à une femme mariée de nier la paternité de son enfant à son mari, ce vide juridique empêchant alors l'établissement de liens légaux entre l'enfant et le père biologique[22].

Dans un autre ordre d'idées, la Cour jugea qu'il y avait violation de l'article 8 de la CEDH en raison des nuisances provoquées, pour une famille espagnole, par une usine de traitement de déchets liquides et solides située à quelques mètres du domicile familial[23].

Dans sa résolution du 17 décembre 1993 sur les moyens juridiques à prévoir pour protéger la vie privée[24], le Parlement européen considère que le droit à la vie privée est un droit fondamental qui, en tant que tel, fait partie de l'acquis communautaire. Il affirme également que la législation communautaire relative au traitement des données se doit de protéger ce droit à la vie privée.

Il observe que la réalisation du marché intérieur renforce considérablement la nécessité d'échanges transfrontaliers, y compris de données à caractère personnel et privé. Tout d'abord, l'échange d'informations relevant de la libre circulation des services (article 59 du traité CEE), puis le besoin bien réel, et même de plus en plus pressant, de faire circuler l'information dans maints secteurs du fait de la disparition progressive des contrôles aux frontières intérieures (article 8 du traité CEE) ont redonné une certaine actualité à la menace d'atteinte au respect de la vie privée. En effet, l'échange illimité de données de ce type pourrait supposer une transgression sans précédent de ce droit. C'est pourquoi le Parlement européen demande au Conseil d'adopter une directive sur la vie privée et juge indispensable d'harmoniser les législations nationales en la matière, de sorte à garantir un niveau élevé de protection de la vie privée dans l'UE[25].

Les méthodes de surveillance clandestine adoptées par la police, notamment les écoutes téléphoniques, posent un problème des plus délicats, au regard des droits fondamentaux, dans la mesure où un certain flou juridique les entoure[26]. De même que les perquisitions, les écoutes téléphoniques constituent une ingérence dans la vie privée et familiale qui, si elle peut se révéler nécessaire dans le cadre d'une mission policière, n'en exige pas moins un maximum de précautions contre toute utilisation arbitraire.

9. Liberté d'expression

L'article 10 de la CEDH dispose que toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques, dans certaines limites dictées par la sécurité et l'ordre publics ou l'intégrité territoriale.

Le Parlement européen, dans sa résolution du 15 décembre 1993 sur la liberté d'expression du citoyen et la liberté de presse ou d'information[27], estime qu'il y a lieu de reconnaître et de protéger le droit à la liberté d'expression et de diffusion de pensées, d'idées et d'opinions, que ce soit par la parole, l'écriture ou tout autre moyen de divulgation, ce droit devant être complété par la possibilité de communiquer ou de recevoir librement des informations exactes, par tous les canaux de diffusion. Il affirme ensuite qu'un large accès à l'information est une condition fondamentale de l'exercice de la liberté de presse et d'information et reconnaît le droit à la non-divulgation des sources d'information.

Le Parlement européen adopta également une résolution sur ce même thème en janvier 1994, portant plus précisément sur le secret des sources d'information des journalistes et le droit des fonctionnaires à divulguer les informations dont ils disposent. Il y souligne l'importance du respect de ce secret pour garantir le pluralisme de l'information, lequel passe par la limitation de la concentration des médias sur la scène communautaire et de la constitution d'oligopoles de l'information.

La formulation précise de la liberté d'expression recouvre la liberté de production littéraire, artistique, scientifique et technique, à laquelle il convient d'ajouter la liberté d'enseignement. Dans son article 128, paragraphe 2, le traité sur l'Union européenne précise que: "L'action de la Communauté vise à encourager la coopération entre États membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans les domaines suivants:

- l'amélioration de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l'histoire des peuples européens,

- la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d'importance européenne (...)".

À cet égard, le Parlement européen a adopté, le 9 février 1994, une résolution sur les minorités linguistiques et culturelles dans la Communauté européenne[28], où il envisage d'accueillir la culture de ces minorités dans le patrimoine culturel européen. Dans ce même esprit, la Commission a présenté une communication sur les langues moins répandues de l'Union européenne[29] à la fin de l'année 1994.

Il est heureux que le respect de ces libertés dans l'UE soit puissamment protégé, hormis certaines restrictions - justifiées - mises par certains pays à la publication d'écrits faisant l'apologie du racisme ou de la violence (Belgique et France).

La Grèce oppose des exceptions légales à la liberté d'opinion et le gouvernement ne cesse d'adopter des dispositions contre des particuliers, à propos de questions délicates, telles que les relations avec la République de Macédoine ou l'affirmation de l'appartenance à une minorité ethnique.

10. Liberté de réunion et d'association

L'article 11 de la CEDH établit le droit de toute personne à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

Les États membres de l'UE respectent ce droit d'association en l'inscrivant dans des limites motivées par le maintien de l'ordre et de la sécurité. Néanmoins, on relève en Grèce des restrictions au droit d'association des minorités ethniques. En 1994, la Cour suprême de ce pays a confirmé la décision de refuser l'enregistrement du Centre culturel macédonien de Flórina, attendu que cette association avait pour objet "d'affirmer qu'il existe une minorité macédonienne en Grèce, idée contraire à l'intérêt national grec et à la législation grecque". Le gouvernement grec ne reconnaît que la minorité musulmane, ce qui contredit le document de la CSCE de Copenhague, que la Grèce a ratifié.

11. Égalité de traitement et non-discrimination

L'article 14 de la CEDH postule que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

Le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination est reconnu en tant que principe fondamental de l'ordre juridique communautaire. Concrètement, en 1994, le Parlement européen a adopté diverses résolutions ayant trait à la situation et au traitement des groupes dits défavorisés, notamment la résolution du 10 mars 1994 sur la situation de la femme dans l'Union européenne[30], la résolution du 21 janvier 1994 sur la situation des femmes dans l'agriculture dans les États membres de la Communauté[31], la résolution du 6 mai 1994 sur les libertés et droits fondamentaux des femmes[32] et la résolution du 8 février 1994 sur l'égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté européenne[33]. La Commission a également proposé une décision du Parlement européen et du Conseil visant à intensifier les actions de lutte contre la discrimination à l'égard des personnes infectées par le virus du sida et de leur entourage[34].

Racisme et xénophobie

Ne méconnaissant pas la gravité de certaines manifestations de racisme et de xénophobie dont l'UE a été le théâtre ces derniers temps, les institutions européennes ont exprimé leur préoccupation. C'est ainsi que le Conseil européen de Corfou a pris l'initiative de créer une commission consultative sur le racisme et la xénophobie. Il en a défini la mission comme suit: "formuler les recommandations les mieux adaptées aux circonstances nationales et locales sur la coopération entre les gouvernements et les différentes institutions au sein de la société en faveur de la tolérance et de l'entente avec les étrangers".

En ce qui concerne les conclusions qu'il a arrêtées à propos du racisme, le Conseil "Justice et Affaires intérieures" du 30 novembre 1994 a fait valoir la nécessité d'une approche multidisciplinaire du phénomène qui associe les écoles, les services sociaux et les services de police.

La commission consultative sur le racisme et la xénophobie axe ses travaux sur la formation, l'information et les affaires policières et judiciaires. La tâche dont elle doit s'acquitter est essentiellement pédagogique et préventive.

Le Parlement européen a adopté, le 27 octobre 1994, une résolution sur le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme[35] dans laquelle il considère que la commission consultative sur le racisme et la xénophobie, créée par le Conseil européen de Corfou, offre une bonne occasion pour présenter un éventail de propositions visant des actions concrètes et urgentes et que l'incitation au racisme doit être assimilée à un véritable délit dans l'UE.

En outre, le Parlement européen a adopté, le 21 avril 1994, une résolution sur la situation des Tsiganes dans la Communauté européenne[36], où il se dit préoccupé par le sort et les problèmes que connaît cette minorité ethnique.

Tout au long de l'année 1994, le Parlement européen a réitéré sa requête en vue de l'élaboration d'urgence d'une directive destinée à renforcer les instruments juridiques applicables en matière de lutte contre le racisme dans les États membres. Il souhaiterait également qu'y soient reprises ses orientations en faveur d'une politique antiraciste, en particulier dans les domaines suivants: éducation, médias, information, culture, jeunesse, droits des citoyens, droits de la femme, procédures juridiques, affaires sociales, affaires économiques et emploi, politique d'immigration et d'asile. Le Parlement européen a également invité l'autorité budgétaire à augmenter l'aide financière consacrée à des projets de lutte contre le racisme et à financer les organisations non gouvernementales (ONG) dont les objectifs comportent un volet résolument antiraciste.

Les principaux problèmes qu'il convient de traiter en particulier concernent:

- l'insuffisance des moyens de contrôle des flux migratoires en tant que source de racisme et de xénophobie,

- la contribution de la coopération policière et douanière à la lutte contre le racisme et la xénophobie,

- l'étude comparée des législations des États membres pour mettre en lumière leurs carences et leurs divergences.

Dans la plus grande partie des États membres, les immigrés sont toujours en butte à des discriminations d'ordre social et doivent même affronter des agressions racistes. Il n'est que de citer l'Italie où, en février 1994, cinq "skinheads" ont attaqué un ressortissant tunisien qui voyageait à bord d'un autobus, sans qu'aucun passager ne lui porte secours. Les agresseurs furent condamnés à neuf mois de prison, mais la peine fut suspendue. En juin, neuf jeunes gens agressèrent un citoyen zaïrois, ce qui leur valut d'être jugés, mais non pas emprisonnés. Ce même mois, quatre "skinheads" s'en prirent à l'imam d'une petite localité. Une fois jugés, ils furent libérés. En Allemagne, de nombreux attentats à caractère raciste et xénophobe se sont également produits. Par réaction, les dispositions légales ont été renforcées et les tribunaux répriment énergiquement ces crimes extrémistes. En Grèce, les minorités turque et macédonienne continuent de déposer des plaintes.

  • [1] ()JO C44 du 14.2.1994, p.32.
  • [2] ()SEC(90) 2087.
  • [3] ()Cf. Commission européenne des droits de l'homme, Tanko c/Finlande, série77-A, p.133.
  • [4] ()Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Vilvarajah et autres du 30.10.1991, sérieA no215; arrêt Soering du 7.7.1989, sérieAno161, p.35.
  • [5] ()JO C44 du 14.2.1994, p.103.
  • [6] ()Article9 de laCEDH, Conseil de l'Europe, décembre1992, p.8.
  • [7] ()Cour européenne des droits de l'homme, Stanford c/Royaume-Uni, arrêt du 23.2.1994, sérieA, no282.
  • [8] ()Cour européenne des droits de l'homme, Boner et Maxwell c/Royaume-Uni, arrêt du 28.4.1994, sérieA, no300-B, C.
  • [9] ()Cour européenne des droits de l'homme, VandeHurk c/Pays-Bas, arrêt du 19.4.1994, sérieA, no288.
  • [10] ()Cour européenne des droits de l'homme, Lala c/Pays-Bas, arrêt du 22.9.1994, sérieA, no297-A.
  • [11] ()Cour européenne des droits de l'homme, Pelladoah c/Pays-Bas, arrêt du 22.9.1994, sérieA, no297-B.
  • [12] ()Cour européenne des droits de l'homme, Schouten et Meldrum c/Pays-Bas, arrêt du 9.12.1994, sérieA, no304.
  • [13] ()Cour européenne des droits de l'homme, Muti c/Italie, arrêt du 23.3.1994, sérieA, no281-C.
  • [14] ()Cour européenne des droits de l'homme, Silva Pontes c/Portugal, arrêt du 23.3.1994, sérieA, no286-A.
  • [15] ()Cour européenne des droits de l'homme, Vallée c/France, arrêt du 26.4.1994, sérieA, no289.
  • [16] ()Cour européenne des droits de l'homme, Beaumartin c/France, arrêt du 24.11.1994, sérieA, no296-B.
  • [17] ()Cour européenne des droits de l'homme, Karakaya c/France, arrêt du 26.8.1994, sérieA, no289-B.
  • [18] ()Cour européenne des droits de l'homme, Hentrich c/France, arrêt du 22.9.1994, sérieA, no296-A.
  • [19] ()Cour européenne des droits de l'homme, Andreadis c/Grèce, arrêt du 9.12.1994, sérieA, no301-B.
  • [20] ()Cour européenne des droits de l'homme, Raffineries Stran Greek et Satratis Andreadis c/Grèce, arrêt du 9.12.1994, sérieA, no301-B.
  • [21] ()Cour européenne des droits de l'homme, Keenegan c/Irlande, arrêt du 26.5.1994, sérieA, no291.
  • [22] ()Cour européenne des droits de l'homme, Kroons et autres c/Pays-Bas, arrêt du 27.10.1994, sérieA, no297-C.
  • [23] ()Cour européenne des droits de l'homme, López Ostra c/Espagne, arrêt du 9.12.1994, sérieA, no303-C.
  • [24] ()JO C20 du 24.1.1994, p.544.
  • [25] ()Résolution du 11mars1993 sur le respect des droits de l'homme dans l'Unioneuropéenne, JOC115 du 26.4.1993, p.178.
  • [26] ()Voir note précédente.
  • [27] ()JO C20 du 24.1.1994, p.112.
  • [28] ()JO C61 du 28.2.1994, p.110.
  • [29] ()COM(94)602 final du 15.12.1994.
  • [30] ()JO C91 du 28.3.1994, p.244.
  • [31] ()JOC44 du 14.2.1994, p.210.
  • [32] ()JO C205 du 25.7.1994, p.489.
  • [33] ()JO C61 du 28.2.1994, p.40.
  • [34] ()COM(94) 413 final du 9.11.1994.
  • [35] ()JO C323 du 21.11.1994, p.154.
  • [36] ()JO C128 du 9.5.1994, p.372.

ANNEXE I

PROPOSITION DE RÉSOLUTION (B4-0440/94), déposée conformément à l'article 45 du règlement, par les députés Crawley, Waddington, Donnelly, Billingham, Wilson, Murphy, Falconer, Evans, Barton, Elliott, Oddy et Needle

sur les Quatre de Bridgewater

Le Parlement européen,

se référant à sa résolution du 22 octobre 1991 sur l'affaire des Six de Birmingham,

pleinement conscient que la juridiction applicable en cas d'erreurs judiciaires incombe aux tribunaux nationaux et aux organes institués par la Convention européenne des droits de l'homme,

se référant à la Convention européenne des droits de l'homme, et notamment à son article 6 paragraphe 1, aux termes duquel toute personne a droit à un procès équitable,

persuadé que la notion de citoyenneté de l'Union implique l'existence, la sauvegarde et la mise en oeuvre effective des droits de l'homme et libertés fondamentales,

considérant que le Parlement européen est habilité à réagir devant les critiques formulées dans l'opinion publique sur l'administration de la justice dans les États membres,

invite sa commission compétente à se pencher sur le cas de Vincent Hickey, Michael Hickey, James Robinson et Pat Molloy (mort en détention en juillet 1981), tous quatre emprisonnés pour le meurtre de Carl Bridgewater en 1978, au Royaume Uni, ces condamnations - fondées sur des preuves qui apparaissent de plus en plus contestables - ayant été très largement réprouvées par une opinion publique qui doute de leur bien-fondé,

charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et au gouvernement britannique.

ANNEXE II

PROPOSITION DE RÉSOLUTION (B4-0362/95), déposée conformément à l'article 45 du règlement, par M. Papayannakis

sur l'objection de conscience en Grèce

Le Parlement européen,

considérant qu'une année s'est écoulée depuis l'adoption, le 19 janvier 1994, de la résolution de M. Bandres Molet et Mme Bindi sur l'objection de conscience dans les États membres de l'Union européenne,

considérant que la Grèce ne reconnaît toujours pas le droit de refuser d'effectuer le service militaire pour raisons de conscience et que plus de 300 objecteurs de conscience y purgent une peine d'emprisonnement de quatre ans,

considérant que les autorités militaires et judiciaires refusent d'appliquer la loi récente aux termes de laquelle les objecteurs de conscience détenus qui ont purgé les trois cinquièmes de leur peine peuvent être libérés conditionnellement,

considérant que, après leur libération, les objecteurs de conscience sont privés de leurs droits politiques jusqu'à l'âge de 50 ans et qu'ils ne peuvent être engagés dans la fonction publique,

rappelant la déclaration faite par le Président en exercice de l'Union européenne le 19 janvier 1994 ("le gouvernement grec fera adopter une loi à bref délai") et les déclarations publiques faites régulièrement par le ministre grec de la Défense nationale sur l'élaboration par son ministère d'une réglementation législative dans ce domaine,

constatant que ce dossier n'a pas avancé d'un pas et que le gouvernement grec n'a prévu aucune disposition réglementaire à ce sujet dans les lois sur la conscription récemment adoptées ou à l'examen de la Chambre grecque des députés,

demande au gouvernement grec de se conformer aux résolutions du Parlement européen et aux recommandations du Conseil de l'Europe en dépénalisant le refus d'effectuer le service militaire pour raisons de conscience;

demande la libération immédiate des objecteurs de conscience emprisonnés ainsi que la levée de toutes les sanctions pénales et administratives qui les frappent;

demande que soit adoptée une loi consacrant la possibilité d'effectuer un service de remplacement de nature sociale, en dehors de la programmation militaire et dont la durée ne constitue pas une punition.

ANNEXE III

PROPOSITION DE RÉSOLUTION (B4-0135/95), déposée conformément à l'article 45 du règlement, par les députés Bertens, van Dijk, Eisma, Oostlander et Wiersma

sur le droit d'association des appelés et des militaires de carrière

Le Parlement européen,

- vu la déclaration universelle des droits de l'homme,

- vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- vu sa résolution du 12 avril 1984 sur le droit d'association des membres des forces armées,

considérant que, dans une société démocratique, les militaires - appelés accomplissant leur service militaire et soldats engagés pour un terme plus long - doivent en principe pouvoir, eux aussi, exercer les droits démocratiques,

considérant que le droit d'association recouvre le droit de réunion, la liberté d'expression, la liberté de la presse et la liberté de pensée,

considérant que, dans certains États membres, le droit d'association est expressément refusé aux appelés,

considérant que, si l'on met sur pied des forces armées multinationales, il est nécessaire, pour en garantir le bon fonctionnement, de veiller notamment à ce que leurs membres jouissent, dans la mesure minimale requise, de droits égaux,

appelle tous les États membres de l'Union européenne à accorder le droit d'association à leurs appelés et militaires de carrière;

préconise, compte tenu des conventions internationales concernées, la fixation d'une norme européenne minimale concernant les droits des appelés et des militaires de carrière.

A V I S

(article 147 du règlement)

de la commission juridique et des droits des citoyens

à l'intention de la commission des libertés publiques

et des affaires intérieures

Rapporteur pour avis: Mme Hlavac

Au cours de sa réunion du 22 février 1995, la commission juridique et des droits des citoyens a nommé Mme Hlavac rapporteur pour avis.

Au cours de ses réunions des 20-22 décembre 1995, 22-24 janvier 1996 et 25-27 juin 1996, elle a examiné le projet d'avis.

Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté l'ensemble des conclusions par 11 voix pour et une abstention.

Étaient présents au moment du vote les députés Casini, président; Rothley, vice-président; Palacio Vallersundi, vice-président; Barzanti, vice-président; Hlavac, rapporteur pour avis; Alber, Candal, Falconer, Florio, Fontaine, Gebhardt, Lindholm, McIntosch, Medina Ortega, Mosiek-Urbahn, Schaffner, Schlechter et Ullmann.

Introduction

L'Union européenne (UE) est aujourd'hui dans sa quatrième décennie d'existence. Depuis notamment l'entrée en vigueur de l'Acte unique européen et du traité de Maastricht, le chemin parcouru est considérable. En effet, de simple instance ayant pour visée essentielle l'instauration du libre-échange, elle est devenue une organisation internationale unique en son genre, dont la législation affecte quasiment tous les aspects de la vie du citoyen européen.

Tous les États membres de l'UE sont membres du Conseil de l'Europe et leurs ressortissants bénéficient par ricochet du niveau élevé de protection des droits de l'homme qu'il garantit. En outre, cette protection a été renforcée par la Cour de justice de l'Union européenne qui renvoie explicitement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme lorsqu'elle rend des arrêts sur des questions touchant aux droits de l'homme.

La reconnaissance de l'importance des droits de l'homme a été officialisée par l'inclusion de l'article F dans le traité sur l'Union européenne qui dispose que l'Union respecte les droits de l'homme, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

En dehors de ces observations générales, votre rapporteur pour avis aimerait mettre l'accent sur certains aspects précis des droits de l'homme, en liaison notamment avec le syndicalisme, le traitement réservé aux ressortissants de l'UE comparaissant devant une instance juridictionnelle dans un autre État membre et le problème de la concentration des médias dans certains États membres.

Ressortissants de l'UE appelés à comparaître dans d'autres États membres

En 1993, un organe du Conseil de l'Europe chargé de la prévention de la criminalité a calculé, sur la base des informations communiquées par les États membres, qu'entre 15 000 et 25 000 étrangers étaient maintenus en détention provisoire (1).

Ces chiffres ne donnent pas la ventilation entre pourcentage de ressortissants de l'UE et pourcentage de ressortissants de pays tiers, bien qu'il soit légitime de supposer qu'une assez bonne proportion des personnes désignées comme étant étrangères étaient originaires de l'UE, surtout si l'on tient compte du fait que l'allégement des contrôles aux frontières facilite considérablement les déplacements. La détention de ressortissants de l'UE en dehors de leur pays d'origine pose plusieurs problèmes en matière de droits de l'homme.

Tout d'abord, s'agissant des prisonniers maintenus en détention provisoire, c'est-à-dire qui n'ont pas encore été condamnés et qui attendent un jugement, le problème est le suivant: bien souvent, ces personnes seraient normalement libérées sous caution et ne se trouveraient pas en prison si elles étaient originaires de l'État membre en question.

Les magistrats ne libèrent pas provisoirement de tels détenus pour une raison évidente: ils craignent que ces "étrangers" ne disparaissent, quittent le ressort du tribunal et doivent par la suite être extradés pour être jugés. Cette préoccupation est compréhensible, mais - c'est là une suggestion - une solution à ce problème pourrait passer par la conclusion d'un accord au niveau intergouvernemental stipulant que les formalités d'extradition ne seraient pas nécessaires dans les cas où des preuves seraient produites qu'une personne libérée sous caution après son arrestation ne s'est pas rendue à la convocation en bonne et due forme du juge étranger en vue d'une audition. Ce ne serait alors plus qu'une question de coopération policière.

En deuxième lieu, même si tous les étrangers ne font pas systématiquement appel à des services d'interprétation, la grande majorité n'a pas une maîtrise suffisante de la langue du pays dans lequel elle est jugée. La fourniture de services d'interprétation valables revêt une importance fondamentale pour l'équité de la procédure. Il est difficile d'imaginer qu'une personne puisse être jugée équitablement si elle ne comprend pas la langue dans laquelle sont exprimés les griefs qui lui sont reprochés.

L'article 6, paragraphe 3, point e., de la CEDH dispose que : "Tout accusé a droit notamment à (...) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience".

Dans l'affaire Kamasinski contre Autriche (1989), la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré que tous les documents écrits, y compris les éléments de preuve nécessaires au défendeur pour présenter correctement sa défense devant la Cour, devaient être traduits et qu'il appartenait aux autorités judiciaires, pourvoyeuses de ces services, de veiller à la compétence de l'interprète.

Par ailleurs, la Cour a précisé, dans l'affaire Luedicke, Belkacem et Koc contre République fédérale d'Allemagne (1978), que ce droit à l'interprétation et à la traduction s'étend à "tous les aspects de la procédure engagée contre [l'accusé[ (...) qu'il [lui[ faut comprendre pour bénéficier d'un procès [équitable[" et peut donc viser, par exemple, une traduction des motifs de l'arrestation. Néanmoins, il convient de regretter que les règles arrêtées à l'occasion de ces affaires soient universellement méconnues dans l'ensemble de l'UE (2).

Enfin, les deux problèmes évoqués ci-avant sont aggravés par la longueur de la procédure judiciaire dans plusieurs États membres. De plus, toute solution à ces problèmes appelle une coopération policière plus poussée et fera également peser des contraintes sur les autorités judiciaires des États membres. Cependant, il est suggéré que des mesures soient prises, ne fût-ce que pour couper court à certaines pratiques assimilables à des actes de discrimination commis par certains États membres à l'encontre de citoyens de l'UE à raison de leur nationalité.

Liberté d'expression

Personne ne niera que le droit à la liberté d'expression est un des piliers de toute société démocratique (3). Certes, ce droit a son importance en tant que tel, mais il est également la condition préalable à l'exercice et au respect de nombreux autres droits fondamentaux. S'il est manifeste que les citoyens de l'UE ont de plus en plus accès à de nombreuses chaînes de télévision, qu'elles soient nationales ou étrangères, il convient de se prémunir contre la concentration de divers médias, tels que la télévision, la radio et la presse écrite, entre les mains d'un seul conglomérat.

Dans la pratique, il est difficile de faire le départ entre l'expansion légitime d'une entreprise commerciale et l'abus de ce qu'il est convenu de considérer comme une position dominante au sein de la société de l'information. Cependant, votre rapporteur pour avis serait heureux de recueillir l'opinion de ses collègues et de la Commission sur les moyens à mettre en oeuvre pour assurer le maintien et le respect de la pluralité des médias européens. À cet égard, il faut se remémorer les dispositions de l'article 20, paragraphe 3, du règlement relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises qui autorise la prise de mesures visant à promouvoir la pluralité des médias (4).

Liberté de réunion et d'association

À cet égard, votre rapporteur pour avis signale en particulier la violation des droits syndicaux. La Confédération internationale des syndicats libres a constaté, dans son rapport annuel (6), des atteintes aux droits syndicaux dans cinq États membres (Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce et Grande-Bretagne).

Le noeud du problème semble être le fait que, même lorsque le droit d'association est fondamentalement reconnu, il est assorti de certaines restrictions pour divers groupes d'actifs. Les travailleurs du service public sont de loin le groupe le plus important des victimes de ces violations. Ainsi, en Allemagne, les employés des services publics, qui ont le statut de fonctionnaires, sont privés du droit de grève par la loi. En dépit des critiques adressées par l'Organisation internationale du travail (OIT), le gouvernement fédéral ne considère pas le refus du droit de grève comme une violation de la Convention nΊ 87 de l'OIT concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Les arguments avancés pour justifier que les employés publics soient privés du droit de grève sont qu'ils assument une responsabilité particulière dans la société et qu'ils jouissent d'avantages exceptionnels, tels que la sécurité de l'emploi ou le droit à une retraite. On peut donc attendre d'eux qu'ils renoncent au droit de grève. L'OIT estime, quant à elle, que seuls les policiers et les militaires devraient être exclus du droit d'association.

Il n'y a pas si longtemps, la Grande-Bretagne a assisté à un cas d'infraction au droit de grève. Ainsi, 320 dockers grévistes ont dû se plier à l'ultimatum suivant de leur employeur, Mersey Dock and Harbour Company: soit interrompre leur grève et reprendre le travail dans un délai fixé, soit perdre leur emploi. Cette grève avait été organisée en réaction au licenciement de cinq travailleurs qui avaient refusé d'effectuer des heures supplémentaires non payées et rejeté une durée hebdomadaire du travail non conforme. Néanmoins, à l'occasion de cet ultimatum, il ne fut pas tenu compte de ce que plusieurs travailleurs n'étaient même pas en service au moment de l'expiration du délai imparti. Cela laisse à penser que les lettres de licenciement avaient été préparées quelques jours à l'avance.

Le syndicat belge, CSC, fait part de tentatives des employeurs belges de saper toujours davantage le droit de grève. Lorsque des actes de violence sont commis pendant une grève, les employeurs peuvent déposer plainte auprès d'un tribunal civil et non pas d'un tribunal du travail. Sans entendre les syndicats, les magistrats des juridictions civiles ont arrêté des décisions et mis un terme à des actions de grève par la menace de lourdes amendes.

En 1994, des restrictions au droit à la négociation collective et, partant, au droit d'association ont été relevées en Grèce, en Espagne et en Grande-Bretagne. Ainsi, le gouvernement grec est intervenu dans des négociations salariales librement engagées par diverses catégories de travailleurs du secteur public et a a fixé un plafond aux augmentations salariales pour 1994.

Le parlement espagnol a adopté une loi visant à geler les traitements de la fonction publique à leur niveau de 1993. Au Pays basque, une loi de même effet a été adoptée. Celle-ci enfreint une convention collective qui concerne 80 000 employés du secteur public du Pays basque et dont la validité aurait dû courir de 1992 à 1996. Le tribunal suprême du Pays basque a décidé que, dans le cas d'espèce, la convention collective était subordonnée à la loi en cause.

Dans certains cas où des grèves avaient été particulièrement suivies, le gouvernement autonome du Pays Basque imposa des procédures de conciliation et foula aux pieds les accords existants qu'avaient conclus entre eux les partenaires sociaux (6).

En 1993, la Grande-Bretagne a adopté une loi qui permet aux employeurs de rétribuer de façon discriminatoire les employés qui se seraient refusés à renoncer à des négociations salariales (7). Dès lors, les employeurs peuvent enfreindre le droit à la négociation collective, sur la base de cette loi.

Conclusions

La commission juridique et des droits des citoyens invite la commission des libertés publiques et des affaires intérieures, compétente au fond, à incorporer dans son rapport les conclusions suivantes:

reconnaît que l'UE bénéficie déjà d'un niveau relativement élevé de protection des droits de l'homme;

estime néanmoins que la citoyenneté de l'UE, instituée par l'article 8 du traité de Maastricht, n'a toujours pas été définie valablement, ni sur la forme ni sur le fond;

invite les États membres à introduire la Convention européenne des droits de l'homme dans leur système juridique;

considère que des efforts spécifiques doivent être déployés par les États membres afin d'aider le mieux possible les citoyens des autres États membres appelés à comparaître devant des organes juridictionnels nationaux;

invite la Commission à procéder à une étude à cet égard, afin d'évaluer l'ampleur du problème et l'opportunité de légiférer en l'espèce;

invite les États membres à prendre toutes les mesures qui s'imposent pour contribuer à accélérer le déroulement des procédures judiciaires ainsi que pour assurer un accès équitable à la mise en liberté sous caution;

souligne que, au nom de la paix sociale, les droits syndicaux et le droit à la négociation collective ne devraient pas être enfreints;

reconnaît que la dignité de la personne humaine est intimement liée aux droits sociaux octroyés, objet de l'accord sur la politique sociale, et demande à la Commission de mettre tout en oeuvre pour que le Conseil se saisisse sans délai de toutes les propositions législatives pendantes en la matière;

invite les États membres à faire en sorte que les droits de l'homme des prisonniers soient respectés à tout moment;

invite tous les États membres à accepter dans les meilleurs délais l'objection de conscience et à prévoir la possibilité d'effectuer un service civil de remplacement. Les appelés effectuant un service civil ne doivent pas faire l'objet de peines juridiques ou pratiques (comme une durée plus longue du service civil) qui constituent une discrimination. Toutes les personnes qui sont défavorisées en raison de la situation juridique actuelle doivent être pleinement amnistiées et rétablies dans l'intégralité de leurs droits civils;

attire l'attention sur le risque, voire l'atteinte gravissime que représente, non seulement pour le droit à l'intimité des détenus, mais également pour le droit le plus fondamental et le plus élémentaire de la défense, l'utilisation généralisée, sans contrôle juridictionnel, de systèmes d'écoute et d'enregistrement installés dans les parloirs, y compris dans les locaux destinés aux avocats.

(1) A high proportion of the foreigners will be Union citizens. The figures discussed suggest that somewhere around a third of those on remand would not be in prison if they were natives of the country holding them. Source: Fair Trials International "Harmonization of Justice within the European Union".

(2) See on this aspect point 10 of the "Memorandum to the Commissioner responsible for justice with regard to the 1996 Intergovernmental Conference on the Maastricht Treaty" by "Fair Trials International Limited", May 1995.

(3) Article 10(1) of the European Convention on Human Rights provides: "Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations."

(4) Such a possibility exists under Article 20(3) of Council Regulation no 4064/89 of 21.12.1989 on the control of concentrations between undertakings (the "Merger Control" regulation). In particular this article provides that Member States may take appropriate action to protect certain "legitimate interests" which include "plurality of the media".

(5) IBFG "Jährliche Übersicht über die Verletzung von Gewerkschaftsrechten 1995".

(6) Aufgrund einer Verordnung des Regionalministers für Arbeit und Soziales vom 15. Juni kam es zur Zwangsschlichtung eines Streikes bei Transportes Colectivos S.A.

(7) Dieses Gesetz wird als direkte Reaktion auf einen Gerichtsbeschluß gesehen, der die Handlung eines Arbeitgebers als illegal bewertet, indem er Lohnsteigerungen von der Unterzeichnung eines individuellen Arbeitsvertrages durch seine Angestellten abhängig macht.

AVIS

(article 147 du règlement)

de la commission de la culture, de la jeunesse,

de l'éducation et des médias

à l'intention de la commission des libertés publiques

et des affaires intérieures

Rapporteur pour avis: M. Wolfgang Ullmann

Au cours de sa réunion du 23 mars 1995, la commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation et des médias a nommé M. Ullmann rapporteur pour avis.

La commission a examiné le projet d'avis au cours de ses réunions des 26 juin et 6 septembre 1995.

Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté le projet d'avis à l'unanimité moins deux abstentions.

Ont participé au vote les députés Castellina, président; Cohn-Bendit, vice-président; Ullmann, rapporteur; Aparicio Sánchez, Arroni, Azzolini (suppléant M. Boniperti, Guinebertière, Leperre-Verrier, Pack, Rosado Fernandes (suppléant Mme Todini), Ryynänen, Seillier, Tongue, Vaz da Silva et Whitehead.

1. INTRODUCTION

Dans ses précédentes résolutions sur les droits de l'homme au sein de l'Union européenne, le Parlement européen s'est jusqu'à présent montré peu disert sur l'éducation, la jeunesse, les médias et la culture. Tout juste a-t-il émis une constatation générale sur l'importance des droits culturels et s'est-il contenté de deux ou trois observations ponctuelles[1]. L'une invitait les États membres à signer les documents du Conseil de l'Europe relatifs à la protection des langues régionales, l'autre, la Grèce à ne plus obliger ses ressortissants à mentionner l'appartenance religieuse dans le passeport, une troisième, enfin, la Commission à réduire la concentration des médias. Nous nous efforcerons dans le présent avis pour 1994 de définir un cadre plus précis pour chacune de ces questions. Nous nous fonderons pour ce faire sur les articles 4, 5, 16 et 18 de la déclaration des droits fondamentaux et des libertés fondamentales du Parlement européen.

2. L'ASPECT CULTUREL DES DROITS DE L'HOMME

Les droits de l'homme dans les domaines de la culture, de l'éducation et des médias ainsi que les droits des jeunes et des enfants font partie intégrante des droits de l'homme généraux et doivent par conséquent être garantis par l'Union conformément à l'article F, paragraphes 1 et 2, du traité sur l'Union. Les articles 126, 127 et 128 du traité sur l'Union concrétisent ce voeu pour la politique de l'éducation et de la culture. Malheureusement, l'attention ne se porte guère sur ces droits de l'homme relatifs à la culture, à l'éducation, aux médias, ni non plus sur ceux des jeunes et des enfants. Pourtant, l'analyse approfondie des conflits majeurs permet souvent de constater que la violation des droits élémentaires dans ces domaines est à l'origine des problèmes. L'absence d'éducation, l'absence de possibilités données aux groupes d'exprimer leur identité culturelle, l'absence de compréhension des systèmes de valeurs et des comportements d'autres groupes de population, un flux d'information erroné ou insuffisant ou bien de mauvaises conditions de vie pour les enfants et les jeunes gens ne tardent pas à conduire à de profondes frustrations et à de sérieuses déficiences culturelles et sociales qui, à plus ou moins long terme, entraînent des conséquences dévastatrices dans tous les secteurs de la société.

Il serait souhaitable que le Parlement se saisisse de la question d'une définition plus précise de l'efficacité des droits de l'homme concernant l'aspect culturel dans le traité sur l'Union. Ce serait d'autant plus important que le rôle majeur joué par la culture dans l'amorce du processus de libéralisation des peuples d'Europe centrale et orientale a trouvé à s'exprimer comme il se doit.

3. DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTÉS FONDAMENTALES SUR LE PLAN CULTUREL

La liberté de croyance et de conscience est source d'activités culturelles et en détermine le contenu. Par conséquent, la liberté de croyance et de conscience doit être reconnue comme un droit à l'identité religieuse en tant que composante majeure de l'identité culturelle de nombreux individus. Les adeptes de religions européennes, par exemple de l'Islam ou du judaïsme, continuent à faire l'objet de discriminations des pouvoirs publics. C'est pourquoi les discours et l'action de l'Union européenne doivent être constamment passés au crible pour analyser s'ils privilégient l'une de ces identités religieuses ou exercent à son encontre une discrimination. Il apparaît qu'un grand nombre des mouvements religieux qui se sont constitués ces derniers temps ne respectent pas ou respectent de façon insuffisante la liberté et la dignité de l'individu. Il ne faut cependant pas cataloguer systématiquement comme dangereuses les nouvelles religions ou les nouvelles philosophies. Toutefois, les membres de toutes les communautés religieuses doivent avoir le droit, par le biais de leur propre communauté religieuse, de faire recours contre toute restriction de leur liberté de conscience ou de leurs droits individuels. La liberté d'organisation des communautés religieuses et philosophiques ne doit pas porter préjudice à la transparence démocratique.

Le droit à l'éducation implique une formation qui ne soit pas uniquement axée sur les intérêts immédiats de l'économie mais qui prépare les individus à s'adapter à tous les aspects de la vie dans une société moderne qui évolue plus rapidement qu'autrefois. Il présuppose en outre un soutien financier suffisant des personnes à former. Il s'agit là malheureusement de deux points faibles du système éducatif de la Communauté européenne.

La participation de la femme joue un rôle majeur dans le domaine des libertés fondamentales. Le secteur culturel et éducatif comporte encore de nombreuses inégalités comme par exemple le fait que le nombre de professeurs d'université masculins est plus de dix fois supérieur à celui de leurs homologues féminins. De même, dans le domaine culturel au sens strict du terme, les artistes de sexe féminin ont la vie moins facile que leurs collègues masculins. D'une façon générale, en ce qui concerne la culture au sein de la société actuelle, se pose la question de savoir si les possibilités d'existence et d'expression des femmes ne sont pas fortement marquées par la domination des intérêts, habitudes et comportements masculins. Dans le cadre de cette réflexion, il conviendrait d'examiner de façon critique le syndrome répandu de la glorification du pouvoir.

Le droit à l'autodétermination en matière d'information et au matériel d'information de base est une condition fondamentale du processus de démocratisation. Certaines évolutions actuelles dans le paysage des médias entraînent au contraire dans une direction erronée. La concentration européenne des médias ne cesse de croître. La multiplicité des quotidiens, notamment des titres régionaux, diminue quant à elle de façon radicale.

En général, la diversité et les possibilités culturelles d'expression de la créativité sont affaiblies par la multiplication des contraintes du marché et de la commercialisation. Si positive que puisse être la popularité des biens culturels qui s'est traduite par exemple par la flambée des prix dans le secteur de la peinture moderne ou par l'accroissement du parrainage culturel, il est indispensable de préserver l'espace culturel au sein duquel les artistes peuvent produire leurs créations en dehors des exigences immédiates du marché.

En Europe aussi, des secteurs de la population sont menacés d'une marginalisation sociale et partant d'une exclusion de la communication culturelle. Les activités culturelles doivent pallier ce risque et venir à bout de cette marginalité. Elles doivent offrir aux chômeurs une possibilité de s'exprimer et leur ôter ainsi tout sentiment d'inutilité ou d'infériorité.

4. CONCLUSIONS

La commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation et des médias invite la commission des libertés publiques et des affaires intérieures, compétente au fond, à tenir compte, dans son rapport, des conclusions ci-après:

la Commission européenne élaborera, sur la base de l'article 128, paragraphe 4, une étude dans laquelle elle analysera ce que représentent les différents secteurs politiques de l'Union au titre de la diversité culturelle et des possibilités d'expression culturelle[2];

la Commission devrait élaborer dans les meilleurs délais la directive sur la concentration des médias afin que le droit des individus notamment à l'accès à diverses sources indépendantes d'information soit assuré et renforcé;

les États membres sont invités à respecter également la liberté confessionnelle lorsqu'il existe une religion d'État fixée par la Constitution; il convient que le Parlement européen invite les confessions traditionnelles et les nouveaux mouvements religieux à vérifier dans quelle mesure ils respectent, dans leurs activités, la liberté de conscience et la liberté personnelle, y compris dans le secteur des activités culturelles (de l'individu);

les États membres sont invités à reconnaître et à promouvoir leurs langues régionales principalement dans les secteurs de l'éducation, des médias et dans les relations entre les citoyens et les autorités administratives, ainsi qu'à soutenir le protocole additionnel sur la convention des droits de l'homme adopté en la matière par le Conseil de l'Europe;

la Commission et les États membres sont invités à prendre ou à promouvoir des mesures visant à respecter l'identité culturelle des minorités et des demandeurs d'asile et à garantir à ces groupes la possibilité de garder le contact avec leur langue maternelle et leur culture d'origine, tout en leur donnant les moyens de se familiariser avec la langue et avec la culture du nouveau pays d'accueil;

la Commission et les États membres sont invités à encourager les recherches et les projets portant sur la manière de garantir le droit fondamental de socialisation et de l'adapter à une société humanisée et civilisée alors que la communication se dégrade dans les grands centres urbains, que la violence s'accroît et que la famille et l'école ont perdu à ce titre les prérogatives qui étaient les leurs;

la Commission élaborera une étude concernant les possibilités de participation des groupes défavorisés aux programmes de formation et de culture de l'Union européenne;

la Commission est invitée à lancer des actions visant à sensibiliser les jeunes Européens à ces questions afin de promouvoir une véritable éducation aux droits de l'homme au sein des différents États membres;

la Commission est invitée à proposer des modifications aux directives existantes sur l'égalité, dès lors que ces directives n'ont pas conduit à une égalité plus grande des hommes et des femmes dans les États membres.

  • [1] ()Résolution A3-0025/93 adoptée le 11.3.1993, sur le respect des droits de l'homme dans la Communauté européenne (rapport annuel du Parlement européen pour 1992) et A3-0056/93 du 12.3.1993 sur les droits de l'homme dans le monde et sur la politique des droits de l'homme de la Communauté au cours des années1991-1992 et le rapport PE209.069/déf. du 21.12.1994 sur le respect des droits de l'homme au sein de la Communauté européenne (rapport annuel du Parlement européen sur le respect des droits de l'homme dans la Communauté européenne pour1993).
  • [2] ()Résolution A2-0⅜9 du 12.4.1989 sur la déclaration des droits fondamentaux et des libertés individuelles.