RAPPORT contenant une proposition de recommandation du Parlement européen à l'intention du Conseil sur le problème du profilage, notamment sur la base de l'origine ethnique ou de la race, dans les opérations de contre-terrorisme, de maintien de l'ordre, de contrôle de l'immigration, des services des douanes et de contrôle aux frontières

2.4.2009 - (2008/2020(INI))

Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures
Rapporteure: Sarah Ludford

Procédure : 2008/2020(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A6-0222/2009
Textes déposés :
A6-0222/2009
Textes adoptés :

PROPOSITION DE RECOMMANDATION DU PARLEMENT EUROPÉEN À L'INTENTION DU CONSEIL

sur le problème du profilage, notamment sur la base de l'origine ethnique ou de la race, dans les opérations de contre-terrorisme, de maintien de l'ordre, de contrôle de l'immigration, des services des douanes et de contrôle aux frontières (2008/20020(INI))

Le Parlement européen,

- vu la proposition de recommandation à l'intention du Conseil déposée par Sarah Ludford au nom du groupe ALDE sur le problème du profilage, notamment sur la base de l'origine ethnique ou de la race, dans les opérations de contre-terrorisme, de maintien de l'ordre, de contrôle de l'immigration, des services des douanes et de contrôle aux frontières (B6-0483/2007),

- vu les instruments internationaux, européens et nationaux en matière de droits de l'homme, notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le traité sur l’Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne (traité CE), la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (la charte) et les constitutions nationales des États membres, et vu les droits et garanties accordés aux particuliers en ce qui concerne la vie privée, la protection des données, la non-discrimination et la liberté de circulation,

- vu les mesures européennes en matière de protection des données émanant du Conseil de l'Europe, notamment l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, la convention 108 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, les recommandations du Comité des ministres du Conseil de l'Europe à l'intention des États membres n° R(87)15 visant à réglementer l'utilisation de données à caractère personnel dans le secteur de la police[1], n° R(97)18 concernant la protection des données à caractère personnel collectées et traitées à des fins statistiques[2] et n° R(2001)10 sur le Code européen d'éthique de la police[3],

- vu les dispositions européennes en matière de protection des données, notamment les articles 7 et 8 de la charte, la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données[4], et la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale[5],

- vu les mesures de lutte contre la discrimination raciale, notamment la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l'article 14 et le protocole 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 13 du traité CE et la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique,

- vu les instruments européens dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, y compris la coopération policière et judiciaire et les échanges d'informations et de renseignements, notamment la décision 2005/671/JAI du Conseil du 20 septembre 2005 relative à l’échange d’informations et à la coopération concernant les infractions terroristes[6], la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres de l'Union européenne[7] et la décision du Conseil 2008/615/JAI du 23 juin 2008 relative à l'approfondissement de la coopération transfrontière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontière[8] et la décision de mise en œuvre 2008/616/JAI du 23 juin 2008[9],

- vu les bases de données de l'UE existantes et prévues, comme le système d'information Schengen, Eurodac et le système d'information sur les visas, ainsi que les mesures de collecte de données biométriques, comme celles utilisées pour les permis de séjour et les passeports, et vu la communication de la Commission du 30 novembre 2006 intitulée "Renforcer la gestion de la frontière maritime méridionale de l'Union européenne" relative à la mise en place d'un réseau de patrouilles côtières permanent pour la frontière extérieure maritime méridionale et les projets de surveillance proposés comme Eurosur (système européen de surveillance des frontières),

- vu la proposition de créer des frontières électroniques, comme évoqué dans la communication de la Commission du 13 février 2008 "Préparer les prochaines évolutions de la gestion des frontières dans l’Union européenne", comportant la gestion intégrée des frontières avec l'automatisation des contrôles aux frontières et la création d'un programme de voyageurs enregistrés et d'un système d’entrée-sortie (COM (2008)0069),

- vu l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique sur le traitement et le transfert de données des dossiers passagers (données PNR) par les transporteurs aériens au ministère américain de la sécurité intérieure (DHS) (accord PNR 2007)[10], la proposition de décision-cadre du Conseil relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives (COM (2007)0654), et les avis émis sur cette proposition par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, par le Contrôleur européen de la protection des données, par le groupe de travail article 29 sur la protection des données et par le groupe de travail police/justice,

- vu la jurisprudence nationale pertinente, comme l'arrêt de la Cour constitutionnelle allemande sur la polizeiliche präventive Rasterfahndung[11] et celui de la chambre des Lords du Royaume-Uni sur les Roms tchèques[12], ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), notamment les affaires Timishev c. Russie[13], Natchova et autres c. Bulgarie[14], D.H. et autres c. République tchèque[15] et S. et Marper c. Royaume-Uni[16], et de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment dans l'affaire Huber c. Allemagne[17],

- vu le rapport de Martin Scheinin, rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme[18], le document thématique "Lutte contre le terrorisme et protection du droit au respect de la vie privée" de Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe[19], les recommandations de politique générale n° 8 pour lutter contre le racisme tout en combattant le terrorisme[20] et n° 11 sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans les activités de la police[21] de la commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) du Conseil de l'Europe et le rapport sur le profilage ethnique établi par le réseau UE d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux[22],

- vu l'article 114, paragraphe 3, et l'article 94 de son règlement,

- vu le rapport de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et l'avis de la commission des affaires étrangères (A6-0222/2009),

Profilage et "fouille" des données

A. considérant que les gouvernements des États membres font de plus en plus appel aux nouvelles technologies, en utilisant des programmes et des systèmes qui impliquent l'obtention, l'utilisation, la conservation ou l'échange d'informations sur les individus, de manière à pouvoir lutter contre le terrorisme ou faire face à d'autres menaces dans le cadre de la lutte contre la criminalité;

B.  considérant la nécessité d'adopter au niveau européen une définition claire du profilage, tenant compte de l'objectif précis que l'on cherche à atteindre; considérant que le profilage est une technique de recherche, que permettent les nouvelles technologies, fréquemment utilisée dans le secteur commercial, mais qui est aussi utilisée de plus en plus fréquemment pour faire appliquer la loi, et notamment pour identifier et prévenir les infractions, ainsi que dans le cadre du contrôle des frontières;

C. considérant que le profilage, résultant souvent de la "fouille" automatique des données contenues dans les systèmes informatiques, mérite un examen attentif et un débat politique dans la mesure où il s'écarte de manière discutable de la règle générale qui veut que les décisions en matière de maintien de l'ordre soient prises sur la base du comportement personnel de l'individu; considérant que le profilage est une technique d'enquête qui consiste à rassembler des informations de différentes sources sur les personnes, pouvant porter sur l'origine ethnique, la race, la nationalité et la religion, dans le but d'identifier et, éventuellement, de prendre des mesures répressives contre les personnes qui peuvent être suspectées de menées criminelles ou terroristes, et qui peut être défini comme:

"L’association systématique d’ensembles de caractéristiques physiques, comportementales ou psychologiques à un certains types de délits, et leur utilisation pour justifier les décisions prises par les services de police"[23]

ou, pour préciser la relation entre la "fouille" des données et le profilage:

Une technique par laquelle un ensemble de caractéristiques d'un type particulier de personnes est déduit de l'expérience passée et par laquelle les bases de données sont ensuite explorées pour identifier les personnes qui se rapprochent le plus de cet ensemble de caractéristiques;[24]

D. considérant que le profilage ethnique, qui repose sur une base spécifiquement raciale ou ethnique et, partant, est sérieusement préoccupant quant au respect des règles de non-discrimination, peut être défini comme:

"La pratique consistant à utiliser la "race" ou l'appartenance ethnique, la religion ou l'origine nationale, soit comme le facteur unique, soit comme l'un des facteurs des décisions en matière répressive, de façon systématique, que les personnes concernées soient ou non identifiées par des moyens automatisés"[25]

ou

"L’utilisation par la police, sans justification objective et raisonnable, de motifs tels que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique dans des activités de contrôle, de surveillance ou d’investigation"[26];

E.  considérant que le profilage, que ce soit par la "fouille" des données ou par les pratiques de la police et autres organismes, est de plus en plus utilisé comme un outil de maintien de l'ordre et de contrôle aux frontières et qu'une attention insuffisante est consacrée à l'évaluation de son efficacité et à l'élaboration et à la mise en œuvre de garanties juridiques pour assurer le respect des droits à la vie privée et éviter toute discrimination;

F.  considérant que le profilage peut être:

i)   descriptif, quand il se fonde sur des témoignages et autres informations sur les auteurs ou les caractéristiques de délits qui ont été commis, et concourt ainsi à l'arrestation de suspects précis ou à la détection de menées criminelles en cours qui suivent le même schéma, ou

ii)  prédictif, quand il établit des corrélations entre les variables observables d'événements passés et les données réelles et provenant du renseignement afin d'en tirer des déductions supposées identifier ceux qui pourraient être impliqués dans des délits futurs ou non encore constatés[27];

G. considérant que la "fouille" des données et le profilage brouillent les limites entre une surveillance ciblée légitime et une surveillance généralisée douteuse, au titre de laquelle les données sont récoltées parce qu'elles sont utiles plutôt qu'à des fins bien définies, au point de créer des interférences illégales potentielles avec la vie privée;

H. considérant que les restrictions injustifiées aux déplacements et les méthodes de contrôle inquisitrices pourraient influer négativement sur les échanges essentiels avec les pays tiers dans les domaines économique, scientifique, culturel et social; souligne, par conséquent, l'importance de réduire au minimum le risque, pour certains groupes, communautés ou nationalités, de faire l'objet de pratiques ou mesures discriminatoires qui ne peuvent être justifiées par des critères objectifs;

I.   considérant que le danger existe que des personnes innocentes puissent se faire contrôler, interroger, faire l'objet de restrictions de voyage, de mesures de surveillance ou d'alarmes de sûreté, tout cela de manière arbitraire, du fait de données ajoutées à leur profil par un agent de l'État, et que, si ces informations ne sont pas retirées sans délai, les personnes concernées peuvent se voir opposer, par le jeu des échanges de données et de la reconnaissance mutuelle des décisions, des refus de visa, des interdictions de voyager ou de franchir des frontières, se voir placées sur des listes de personnes à surveiller, intégrées dans des bases de données, se voir interdire des emplois ou l'accès à des services bancaires, être arrêtées ou privées de liberté, ou être victimes d'autres privations encore de leurs droits, parfois sans possibilité d'obtenir réparation;

Obligations juridiques

J.   considérant que les opérations de maintien de l'ordre doivent toujours être conduites dans le respect des droits fondamentaux, y compris les droits au respect de la vie privée et familiale, la protection des données personnelles et le principe de non-discrimination; si une coopération internationale étroite est indispensable dans la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité, elle doit respecter le droit international, ainsi que les normes et valeurs européennes en matière d'égalité de traitement et de protection juridique, notamment pour que l'UE ne porte pas atteinte à sa crédibilité en tant que défenseur des droits de l'homme à l'intérieur de ses frontières et au niveau international;

K. considérant que l'UE doit éviter des méthodes d'investigation qui risquent de porter inutilement préjudice aux relations diplomatiques, d'entraver cette coopération internationale, ou de nuire à son image dans le monde ainsi qu'à sa crédibilité en tant que vecteur de promotion du droit international; considérant que les normes européennes en matière d’égalité de traitement, de non-discrimination et de protection juridique doivent continuer à servir de modèle;

L.  considérant que le profilage, descriptif ou prédictif, peut être un instrument d'investigation légitime lorsqu'il se fonde sur des informations spécifiques, fiables et actuelles, et non sur des généralisations non vérifiées reposant sur des stéréotypes, et si les mesures prises sur la base de ce profilage répondent aux critères légaux de nécessité et de proportionnalité; considérant néanmoins qu'en l'absence de restrictions et de garanties juridiques appropriées concernant l'utilisation des données sur l'origine ethnique, la race, la religion, la nationalité et l'appartenance politique, le profilage risque fort de conduire à des pratiques discriminatoires;

M. considérant la recommandation contenue dans le code européen d'éthique de la police selon laquelle "les enquêtes de police doivent au moins être fondées sur des soupçons raisonnables qu'une infraction a été commise ou va l'être", et considérant qu'il est affirmé que le risque de porter atteinte aux droits de l'homme[28] qui menace les personnes et la société dans son ensemble se développe en l'absence de ces soupçons raisonnables, lorsque le profilage est basé sur des stéréotypes et des a priori;

N. considérant que le "profilage prédictif", qui utilise des profils généraux établis par le croisement de bases de données et traduisant des généralisations non vérifiées ou des modèles comportementaux jugés à même d'indiquer la probabilité d'exécution future d'actes délictueux ou terroristes ou non encore constatés, soulève de sérieuses inquiétudes quant au respect de la vie privée et peut constituer une atteinte aux droits à la vie privée et familiale énoncés à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et à l'article 7 de la charte[29];

O. considérant que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) établit clairement que des dérogations à l'article 8, paragraphe 2, de la Convention ne sont acceptables que si elles sont conformes à la loi et nécessaires dans une société démocratique[30], ce qui est confirmé par son récent arrêt dans l'affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, cité ci-dessus, dans lequel elle a tenu comme une violation de l'article 8 de la convention "le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions mais non condamnées";

P.  considérant que les conclusions de la CEDH dans l'affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, citée ci-dessus, qui font état d'un "risque de stigmatisation" du fait que des personnes qui ne sont pas coupables d'infraction sont traitées comme des personnes condamnées dans la base de données ADN du Royaume-Uni, soulèvent des doutes quant à la légalité des opérations de profilage basées sur le traitement des données à caractère personnel de personnes qui ne sont pas déclarées coupables par la justice[31];

Q. considérant que le programme dit Rasterfahndung dans le cadre duquel la police allemande a, en interrogeant des bases de données publiques ou privées, recueilli des renseignements de caractère personnel sur des hommes âgés de 18 à 40 ans, étudiants ou anciens étudiants, censés être de confession musulmane, pour tenter (sans succès) d'identifier des terroristes, a été jugé anticonstitutionnel par la Cour constitutionnelle allemande (cf. arrêt cité ci-dessus) au motif que la "fouille" des données constitue une intrusion illégale dans la vie privée et les données à caractère personnel qui ne peut être justifiée comme réaction à une situation de menace générale d'actions terroristes du type de celle qui existe en permanence depuis le 11 septembre 2001 mais que l’existence d’un "danger concret" doit être prouvée, comme la préparation ou l'exécution d'attaques terroristes;

Efficacité

R.  considérant que l'utilité du profilage et de la "fouille" des données a été mise en doute dans diverses études américaines, notamment:

i)   une étude du Cato Institute, qui relève:

bien que la "fouille" des données puisse être utile, elle n'est pas bien adaptée à la problématique terroriste. Il serait regrettable que le recours à la "fouille" des données pour la découverte de terroristes fasse des adeptes dans les milieux de la sécurité nationale, de la police, de la justice et des techniques de pointe car continuer dans cette voie ne ferait que gaspiller l'argent du contribuable, porter atteinte inutilement à la vie privée et aux libertés publiques et faire perdre leur temps et leur énergie, qui sont précieux, aux femmes et aux hommes au service de la sécurité nationale[32].

ii)  une étude du conseil national de la recherche des États-Unis effectuée pour le ministère américain de la sécurité intérieure sur les technologies utilisées pour la "fouille" des données et la surveillance comportementale, qui conclut:

L'identification automatisée de terroristes grâce à la "fouille" des données... n'est pas un objectif réaliste et n'est pas non plus un objectif souhaitable des efforts de développement technologique.[33];

S.  considérant que l'efficacité de la "fouille" des données est réduite à cause de la problématique de "l'aiguille dans la botte de foin", à savoir que les analystes doivent naviguer dans une énorme quantité de données; considérant que le volume de traces numériques laissées par les honnêtes gens est bien plus grand que celui des criminels et terroristes qui déploient des efforts considérables pour dissimuler leur identité; considérant qu'il y a une proportion importante de "faux positifs", ce qui se traduit non seulement par le fait que des personnes totalement innocentes sont suspectées et que leur vie privée risque d'en être affectée, mais encore par le fait que les vrais suspects restent non identifiés pendant ce temps;

T.  considérant que le problème inverse est la possibilité que des auteurs ne soient pas identifiés parce qu'ils ne correspondent pas au profil, un exemple étant le chef des attentats de Londres, le 7 juillet 2005, qui avait été repéré par les services de renseignement comme étant associé à un autre groupe suspecté de préparer un attentat terroriste mais qui n'a pas été inquiété parce qu'il n'y avait pas assez de cases cochées dans son profil de suspect-terroriste d'avant juillet 2005[34];

U. considérant que le profilage, qui met à mal les bonnes relations avec les communautés et dissuade certaines communautés de coopérer avec les forces de l'ordre, risque d'être contre-productif en faisant obstacle à la collecte de renseignements et à l'efficacité de la lutte contre la criminalité et le terrorisme[35];

V. considérant que la collecte efficace d'informations sur des suspects précis et le suivi de certaines pistes est la meilleure approche pour détecter et prévenir les actions terroristes et considérant qu'en complément les contrôles et fouilles aléatoires, qui concernent tous les individus sur un pied d’égalité et qu'il est pratiquement impossible aux terroristes d'éviter, peuvent être d'une plus grande efficacité que le profilage pour prévenir les attentats terroristes[36];

Profilage ethnique

W. considérant que l'utilisation de l'appartenance ethnique, de l'origine nationale ou de la religion dans les enquêtes de maintien de l'ordre n'est pas interdite, sous réserve que soient respectées les normes en matière de non-discrimination, dont l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, et qu'elle réponde aux critères d'efficacité, de nécessité et de proportionnalité si elle doit impliquer une différence de traitement légitime et qui n'ait pas de caractère discriminatoire;

X. considérant que l’établissement de profils fondés sur des stéréotypes peut susciter l’hostilité et la xénophobie de la population à l’égard de certaines personnes du fait de leur appartenance ethnique, de leur origine nationale ou de leurs convictions religieuses[37];

Y. considérant que la jurisprudence de la CEDH a établi que, lorsque la race constitue la base exclusive de l'action répressive, il y a discrimination illicite[38]; considérant que, dans la pratique, il n'est pas toujours simple de déterminer si les critères raciaux ou ethniques constituaient la base exclusive ou décisive de telle action et que ce n'est souvent qu'à l'analyse des pratiques du maintien de l'ordre que se révèle clairement le rôle prédominant de ces critères;

Z.  considérant que, s'il n'y a pas de norme internationale ou européenne qui interdit expressément le "profilage ethnique", la jurisprudence de la CEDH confirme cette conclusion et la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la commission européenne contre le racisme et l'intolérance ont dit clairement que cette pratique viole l'interdiction de la discrimination[39];

AA.     considérant que le programme d'action adopté par la conférence mondiale contre le racisme de 2000 invitait "instamment les États à concevoir, mettre en œuvre et faire appliquer des mesures pour faire effectivement disparaître le phénomène dit «délit de faciès»"[40]; considérant que l'ECRI, dans sa recommandation de politique générale n° 8 (citée ci-dessus) pour lutter contre le racisme tout en combattant le terrorisme, demande aux gouvernements de veiller à ce qu'aucune discrimination ne résulte de la législation ou de la réglementation ou de leur mise en œuvre dans le domaine du maintien de l'ordre; considérant que le réseau UE d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux estime que les profils terroristes établis sur la base de critères comme la nationalité, l'âge ou le lieu de naissance "créent un risque manifeste de discriminations"[41];

AB.     considérant qu'il est nécessaire d'évaluer de façon exhaustive les méthodes d'enquête et les systèmes informatiques utilisés dans les enquêtes au sein de l'UE et des États membres qui utilisent ou fournissent les bases des techniques de profilage afin de garantir le respect des obligations légales nationales, européennes et internationales et d'éviter des intrusions injustifiées discriminatoires ou violant la vie privée;

AC.     considérant que les orientations suivantes devraient s'appliquer à ces opérations et considérant qu'une combinaison de toutes ces mesures de sauvegarde s'impose pour assurer une protection totale et efficace;

1.  adresse au Conseil les recommandations suivantes:

a)      tout traitement de données personnelles à des fins de maintien de l'ordre et de lutte contre le terrorisme devrait s'inscrire dans un dispositif juridique publié et imposant des limites d'utilisation qui soient claires, spécifique et contraignantes et soumises au contrôle minutieux et effectif d'organismes indépendants chargés de la protection des données et à des sanctions sévères en cas de violation; le stockage de données en masse à des fins préventives est disproportionné par rapport aux besoins essentiels de la lutte efficace contre le terrorisme;

b)     il convient de créer un cadre juridique définissant clairement en quoi consiste le profilage, qu'il s'agisse de la "fouille" automatique des données informatisées ou de toute autre technique, en vue de définir des règles claires quant à la légitimité de son utilisation et de fixer des limites; parallèlement, il est également nécessaire de créer les garanties nécessaires en matière de protection des données concernant les individus et de mettre en place des mécanismes de fixation des responsabilités;

c)      la collecte et la conservation de données personnelles et l'utilisation de techniques de profilage concernant des personnes qui ne sont pas soupçonnées d'un délit précis ou de constituer une menace particulière devraient être soumises à un contrôle particulièrement sévère des critères de "nécessité" et de "proportionnalité";

d)     il convient de faire une distinction nette entre les données factuelles, les données provenant du renseignement et les données relatives à différentes catégories de sujets;

e)      il convient de n'autoriser l'accès aux fichiers de police et des services de renseignement qu'au cas par cas, pour des finalités précises et sous contrôle des autorités judiciaires des États membres;

f)      les opérations de profilage ne devraient pas entraver les enquêtes de police ciblées menées par les forces de l'ordre des États membres et les dispositions législatives restrictives concernant le profilage ne devraient pas empêcher l'accès légitime aux bases de données dans le cadre de ces enquêtes ciblées;

g)      il convient de fixer une limite à la durée de conservation des données à caractère personnel;

h)      les statistiques sur l'appartenance ethnique constituent un instrument essentiel pour identifier les mesures de maintien de l'ordre qui prennent de manière disproportionnée, abusive et injustifiée pour cibles les minorités ethniques; la mise en place d'un haut niveau de protection des données personnelles (données liées à une personne identifiable) n'exclut donc pas la production de données statistiques anonymes comportant des variables concernant l'appartenance ethnique, la "race", la religion et l'origine nationale qui sont nécessaires pour identifier toute discrimination dans les mesures de maintien de l'ordre; le groupe de travail article 29 devrait être invité à donner des orientations sur cette question;

i)       il convient d'interdire la collecte de données à caractère personnel sur la seule base de l'origine raciale, de l'appartenance ethnique, des convictions religieuses, de l'orientation ou du comportement sexuels, des opinions politiques ou de l'appartenance à des mouvements ou organisations précis qui ne sont pas interdits par la loi; il convient d'établir les garanties nécessaires pour assurer la protection et des procédures de recours contre l'utilisation discriminatoire des instruments de maintien de l'ordre;

j)      il convient de n'autoriser qu'à titre exceptionnel, et sous réserve de garanties strictes, le recours aux moyens informatiques par des organismes privés ou publics pour prendre des décisions concernant des personnes sans contrôle humain;

k)     il convient de mettre en place, par la voie législative, des garanties fortes permettant d'assurer un contrôle judiciaire et parlementaire approprié et efficace des activités des services de police et de renseignement, y compris de leurs activités contre le terrorisme;

l)       compte tenu des conséquences éventuelles pour les personnes, les procédures de réparation doivent être réelles et accessibles, les personnes visées par les données devant disposer d'informations claires sur les procédures à suivre, ainsi que des droits d'accès et de rectification;

m)     il convient d'établir un ensemble de critères permettant d'évaluer l'efficacité, la légitimité et la compatibilité avec les valeurs de l'Union européenne de toutes les opérations de profilage; il convient de réexaminer les réglementations nationales et européennes actuelles et proposées relatives à l'utilisation du profilage afin de vérifier qu'elles satisfont aux exigences juridiques résultant du droit européen et des traités internationaux; le cas échéant, il convient d'envisager une réforme législative de l'UE pour instaurer des règles contraignantes permettant d'éviter toute atteinte aux droits fondamentaux en tenant compte de la recommandation attendue du Conseil de l'Europe sur le profilage;

n)      il convient d'examiner dans quelle mesure la directive 2000/43/CE interdit ou réglemente les mesures et pratiques de profilage, et d'envisager une réforme visant à supprimer l'exclusion des aéroports et des ports de son champ d'application;

o)     le Conseil devrait commander une étude, sur la base du cadre pertinent et des pratiques actuelles, qui serait conduite sous la responsabilité de la Commission et en consultant l'Agence des droits fondamentaux et le contrôleur européen de la protection des données, le cas échéant, ainsi que les services de maintien de l'ordre et de renseignement, et qui porterait sur l'application effective et potentielle des techniques de profilage, leur efficacité en termes d'identification des suspects et leur compatibilité avec les exigences relatives aux libertés civiles, aux droits de l'homme et à la vie privée; les États membres devraient être invités à fournir des chiffres sur leurs opérations de recherche et d'arrestation et autres interventions résultant du profilage;

0

0 0

2.  charge son Président de transmettre la présente recommandation au Conseil et, pour information, à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et parlements des États membres.

  • [1]  Adoptée par le Comité des ministres le 17 septembre 1987 lors de la 410e réunion des délégués des ministres.
  • [2]  Adoptée par le Comité des ministres le 30 septembre 1997 lors de la 602e réunion des délégués des ministres.
  • [3]  Adoptée par le Comité des ministres le 19 septembre 2001 lors de la 765e réunion des délégués des ministres.
  • [4]  JO L 281 du 23.11.1995, p. 31.
  • [5]  JO L 350 du 30.12.2008, p. 60.
  • [6]  JO L 253 du 29.9.2005, p. 22.
  • [7]  JO L 386 du 29.12.2006, p. 89.
  • [8]  JO L 210 du 6.8.2008, p.1.
  • [9]  JO L 210 du 6.8.2008, p. 12.
  • [10]  JO L 204 du 4.8.2007, p. 18.
  • [11]  Arrêt de la Cour constitutionnelle allemande, BVerfG, 1 BvR 518/02 du 4.4.2006, paragraphes 1-184.
  • [12]  House of Lords, 9 décembre 2004, R v. Immigration Office at Prague Airport and another (Respondents) ex parte European Roma Rights Centre and other (Appellants) [2004], UKHL 55, paragraphe 101.
  • [13]  Timishev c. Russie, 13 décembre 2005, nos 55762/00 et 55974/00, CEDH 2005-XII.
  • [14]  Nachova et autres c. Bulgarie [GC], 26 février 2004, nos 43577/98 et 43579/98, CEDH 2005-VII.
  • [15]  D.H. et autres c. République tchèque, 13 novembre 2007, no 57325/00.
  • [16]  S. et Marper c. Royaume-Uni, 4 décembre 2008, nos 30562/04 et 30566/04.
  • [17]  Affaire C-524/06, Recueil 2008 I-0000.
  • [18]  UN document A/HRC/4/26, 29 janvier 2007.
  • [19]  CommDH/Issue Paper (2008)3, Strasbourg, 17 novembre 2008.
  • [20]  CRI (2004) 26, adoptée le 17 mars 2004.
  • [21]  CRI (2007) 39, adoptée le 29 juin 2007.
  • [22]  CFR-CDF, Opinion 4.2006, disponible uniquement en anglais à l'adresse: http://ec.europa.eu/justice_home/cfr_cdf/doc/avis/2006_4_en.pdf.
  • [23]  Avis de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne sur la proposition de décision-cadre du Conseil relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives, paragraphe 35.
  • [24]  Rapport de la Chambre des Lords: Clarke R., A Hidden Challenge to the Regulation of Data Surveillance, 1993, paragraphe 33, note 41.
  • [25]  De Schutter, Oliver et Ringelheim, Julie (2008), “Ethnic Profiling: A Rising Challenge for European Human Rights Law,” Modern Law Review, 71(3):358-384.
  • [26]  Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), Recommandation de politique générale n° 11, citée ci-dessus, paragraphe 1.
  • [27]  Rapport du rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, paragraphe 33.
  • [28]  Idem. Paragraphe 33. Voir aussi le rapport sur le profilage ethnique établi par le réseau UE d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux, cité ci-dessus, pp. 9-13.
  • [29]  Avis de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne sur la proposition de décision-cadre du Conseil relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives, paragraphe 4.
  • [30]  Pour une synthèse de la jurisprudence pertinente, voir E. Brouwer, Towards a European PNR System?, étude réalisée pour le département thématique C du Parlement européen "droits des citoyens et affaires constitutionnelles", document PE 410.649, janvier 2009, paragraphe 5, pp. 16-17.
  • [31]  Arrêt de la CEDH dans l'affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, citée ci-dessus, paragraphe 125.
  • [32]  Cato Institute Policy Analysis n° 584 du 11 décembre 2006, ‘Effective Terrorism and the limited role of predictive data-mining’ par Jeff Jonas et Jim Harper.
  • [33]  Protecting Individual Privacy in the Struggle Against Terrorists: A Framework for Program Assessment. Disponible en anglais uniquement à l'adresse: http://www.nap.edu/catalog/12452.html, page 4.
  • [34]  "Detectives draw up new brief in hunt for radicals", The Times, 28 décembre 2005.
  • [35]  Rapport du rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, paragraphe 62.
  • [36]  Idem, paragraphe 61.
  • [37]  Idem, paragraphe 40.
  • [38]  Par exemple, arrêt de la CEDH dans l'affaire Timishev c. Russie, référence ci-dessus.
  • [39]  Avis de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne sur la proposition de décision-cadre du Conseil relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives, paragraphe 39.
  • [40]  Rapport de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (A/CONF.189/12), programme d'action, paragraphe 72.
  • [41]  Réseau UE d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux, "The balance between freedom and security in the response by the European Union and its member States to the Terrorist Threats" (2003), p. 21.

PROPOSITION DE RECOMMANDATION À L'INTENTION DU CONSEIL (B6‑0483/2007) (19.12.2007  )

déposée conformément à l'article 114, paragraphe 1, du règlement

by Sarah Ludford

au nom du groupe ALDE

sur le problème du profilage, notamment sur la base de l'origine ethnique ou de la race, dans les opérations de contre-terrorisme, de maintien de l'ordre, de contrôle de l'immigration, des services des douanes et de contrôle aux frontières

Le Parlement européen,

- vu les instruments internationaux, européens et nationaux en matière de droits de l'homme, notamment la Convention européenne des droits de l'homme et la Charte des droits fondamentaux, et vu les droits et garanties accordés aux particuliers en ce qui concerne la vie privée, la protection des données et la non-discrimination, ainsi que toute la jurisprudence applicable,

- vu les instruments européens dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, y compris la coopération policière et judiciaire et les échanges d'informations et de renseignements entre les États membres, comme la décision 2005/671/JAI du Conseil relative à l’échange d’informations et à la coopération concernant les infractions terroristes, la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne les délits graves et les actes terroristes, et la décision du Conseil relative à l'approfondissement de la coopération transfrontière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontière (intégration du traité de Prüm dans l'ordre juridique européen),

- vu l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis sur les données des dossiers passagers (données PNR) et la proposition de la Commission sur les données PNR européennes (COM(2007)0654),

- vu les garanties en matière de protection des données, en particulier la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et la proposition de décision-cadre relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale,

- vu les politiques antidiscriminatoires de l'Union européenne, et notamment la directive 2000/43/CE sur l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique et la directive 2000/78/CE sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail,

- vu l'article 114, paragraphe 1, de son règlement,

A. considérant que l'efficacité de la coopération entre les autorités répressives dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme dépend dans une grande mesure de leur capacité à obtenir et à échanger rapidement des informations et renseignements,

B.  considérant que les données sur l'appartenance ethnique, la religion et l'origine nationale sont des données personnelles sensibles qui sont strictement protégées par les réglementations européennes mais qu'elles sont parfois considérées comme essentielles aux enquêtes criminelles et à la prévention du terrorisme; considérant qu'il ressort d'études menées par des ONG que le profilage est de plus en plus fréquemment utilisé dans le cadre des opérations de police et de maintien de l'ordre et qu'il vise des groupes ethniques et religieux bien spécifiques, ainsi que les contestataires et les voyageurs,

C. considérant que les efforts de collecte d'informations essentielles au succès de la lutte contre la criminalité et le terrorisme peuvent être réduits à néant par un manque de confiance dans les opérations répressives, et notamment la crainte de pratiques discriminatoires,

D. préoccupé par conséquent par le fait que la proposition de la Commission de mettre en place un système européen de collecte des données des dossiers des passagers (données PNR) à destination de l'Union européenne pourrait être utilisée à des fins de profilage, y compris sur la base de la race ou de l'origine ethnique, puisqu'elle prévoit de comparer les données PNR des passagers à une combinaison de caractéristiques et de comportements afin d'obtenir une évaluation du risque et qu'elle prévoit également que lorsqu'un passager correspond à un certain niveau d'évaluation du risque, il peut alors être considéré comme passager à haut risque,

E.  préoccupé par le fait que des États membres et la Commission ont annoncé des plans de collecte et de conservation de données sur les voyageurs à l'arrivée ou au départ, ce qui peut aussi conduire à la création de profils établis sur la base de données personnelles, y compris de données sensibles,

F.  considérant que le réseau d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux estime, dans son avis 4/2006, que le profilage ethnique ou racial devrait toujours être considéré comme illégal,

G. considérant qu'il est indispensable de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, comme le droit à la vie privée et l'interdiction de la discrimination, dans les lois et les mesures de sécurité et de maintien de l'ordre,

H. regrettant que les préoccupations du Parlement, maintes fois réitérées, en matière de profilage racial, ethnique et comportemental dans le cadre de la protection des données, de la coopération au maintien de l'ordre, de l'échange d'informations et de renseignements, de la sécurité aérienne et des transports, de la gestion de l'immigration et des contrôles aux frontières, et des mesures antidiscriminatoires, n'aient pas été jusqu'à présent suffisamment prises en compte afin qu'un accord puisse être trouvé sur les pratiques légitimes et que les vides juridiques puissent être identifiés,

1.  adresse au Conseil les recommandations suivantes:

a)  les opérations répressives doivent toujours être conduites dans le strict respect de la protection des données, des droits fondamentaux et du principe de non-discrimination;

b)  les mesures actuelles de sécurité et de répression qui s'accompagnent de profilage et d'évaluation du risque sur une base raciale, ethnique et comportementale doivent être documentées, analysées et discutées au niveau politique, leur raison d'être et les résultats attendus étant mis en balance avec leurs effets négatifs;

c)  les lois en vigueur doivent être réexaminées afin de déterminer dans quelle mesure elles autorisent le profilage et il convient, le cas échéant, d'engager des réformes législatives pour éviter tout effet discriminatoire;

d)  il convient de définir clairement la différence entre les utilisations légitimes et les utilisations illégales des données personnelles sensibles en matière de sécurité, et d'encourager un renforcement de la coopération entre les différents organismes de sécurité afin qu'ils comprennent et maîtrisent le profilage et qu'ils travaillent dans ce but en liaison avec les milieux concernés;

2.  charge son Président de transmettre la présente recommandation au Conseil et, pour information, à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et parlements des États membres.

AVIS de la commission des affaires ÉtrangÈres (21.1.2009)

à l'intention de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures

sur le problème du profilage, notamment sur la base de l'appartenance ethnique et de la race, utilisé dans la lutte contre le terrorisme, l'action répressive, l'immigration, les douanes et le contrôle aux frontières
(2008/2020(INI))

Rapporteur pour avis: Jan Marinus Wiersma

SUGGESTIONS

La commission des affaires étrangères invite la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

1.   estime que, dans certains situations, le profilage représente un instrument légitime au service de l'action répressive et du contrôle aux frontières; considère néanmoins qu'en l'absence de restrictions et de garanties juridiques appropriées concernant l'utilisation des données sur l'origine ethnique, la race, la religion, la nationalité et l'appartenance politique, le profilage risque fort de conduire à des pratiques discriminatoires;

2.   constate avec inquiétude que le profilage est largement appliqué alors que des questions importantes sont toujours sans réponse quant à la définition, aux normes juridiques et aux garanties; souligne la nécessité d’un examen démocratique approprié des pratiques d'investigation et des procédures de traitement de données afin d'assurer le plein respect des obligations juridiques nationales, européennes et internationales; fait remarquer que des doutes ont été exprimés au sujet de la valeur du profilage ethnique, et ce au sein même des services répressifs;

3.   souligne qu'une coopération internationale étroite est indispensable dans la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité; fait valoir que cette coopération doit être conforme au droit international, ainsi qu'aux normes et valeurs européennes; considère que l'UE doit éviter des méthodes d'investigation qui risquent de porter inutilement préjudice aux relations diplomatiques, d'entraver cette coopération internationale, ou de nuire à son image dans le monde ainsi qu'à sa crédibilité en tant que vecteur du droit international; estime que les normes européennes en matière d'égalité de traitement, de non-discrimination et de protection juridique doivent continuer à servir de modèle;

4.   insiste sur le fait que les restrictions de voyage injustifiées et les méthodes de contrôle inquisitrices pourraient influer négativement sur les échanges essentiels avec les pays tiers dans les domaines économique, scientifique, culturel et social; souligne, partant, l'importance de réduire au minimum le risque, pour certains groupes, communautés ou nationalités, de faire l'objet de pratiques ou mesures discriminatoires qui ne peuvent être justifiées par des critères objectifs;

5.   invite la Commission à demander un réexamen des réglementations nationales et européennes actuelles relatives à l'utilisation du profilage afin de s'assurer qu'elles répondent aux exigences juridiques prévues par le droit communautaire et les traités internationaux; engage la Commission à commander une étude exhaustive sur les méthodes d'investigation appliquées dans l'Union européenne afin d'évaluer l'utilité du profilage et le risque d'abus afférent à cette pratique.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

20.1.2009

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

46

3

2

Membres présents au moment du vote final

Vittorio Agnoletto, Angelika Beer, Monika Beňová, Elmar Brok, Philip Claeys, Giorgos Dimitrakopoulos, Michael Gahler, Jas Gawronski, Alfred Gomolka, Klaus Hänsch, Richard Howitt, Ioannis Kasoulides, Maria Eleni Koppa, Helmut Kuhne, Vytautas Landsbergis, Johannes Lebech, Francisco José Millán Mon, Philippe Morillon, Annemie Neyts-Uyttebroeck, Baroness Nicholson of Winterbourne, Raimon Obiols i Germà, Vural Öger, Janusz Onyszkiewicz, Justas Vincas Paleckis, Ioan Mircea Paşcu, Alojz Peterle, João de Deus Pinheiro, Samuli Pohjamo, Bernd Posselt, Libor Rouček, Christian Rovsing, Flaviu Călin Rus, Katrin Saks, José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, Jacek Saryusz-Wolski, György Schöpflin, Hannes Swoboda, István Szent-Iványi, Konrad Szymański, Charles Tannock, Inese Vaidere, Geoffrey Van Orden, Ari Vatanen, Andrzej Wielowieyski, Josef Zieleniec

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Alexandra Dobolyi, Árpád Duka-Zólyomi, Kinga Gál, Aurelio Juri, Inger Segelström

Suppléant (art. 178, par. 2) présent au moment du vote final

Călin Cătălin Chiriţă

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

31.3.2009

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

34

0

1

Membres présents au moment du vote final

Alexander Alvaro, Catherine Boursier, Emine Bozkurt, Philip Bradbourn, Mihael Brejc, Kathalijne Maria Buitenweg, Maddalena Calia, Carlos Coelho, Gérard Deprez, Agustín Díaz de Mera García Consuegra, Bárbara Dührkop Dührkop, Claudio Fava, Armando França, Urszula Gacek, Kinga Gál, Roland Gewalt, Jeanine Hennis-Plasschaert, Ewa Klamt, Magda Kósáné Kovács, Stavros Lambrinidis, Henrik Lax, Roselyne Lefrançois, Baroness Sarah Ludford, Claude Moraes, Javier Moreno Sánchez, Rareş-Lucian Niculescu, Maria Grazia Pagano, Martine Roure, Inger Segelström, Csaba Sógor, Vladimir Urutchev, Manfred Weber

Suppléants présents au moment du vote final

Ignasi Guardans Cambó, Sylvia-Yvonne Kaufmann, Antonio Masip Hidalgo