RAPPORT sur les aspects relatifs au développement des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques: conséquences pour la réduction de la pauvreté dans les pays en développement

14.12.2012 - (2012/2135(INI))

Commission du développement
Rapporteure: Catherine Grèze

Procédure : 2012/2135(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A7-0423/2012

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur les aspects relatifs au développement des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques: conséquences pour la réduction de la pauvreté dans les pays en développement

(2012/2135(INI))

Le Parlement européen,

- vu la convention de 1992 sur la diversité biologique,

- vu le protocole de Nagoya de 2010 sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la diversité biologique,

- vu le traité international de 2001 sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture,

- vu le traité de coopération en matière de brevets (PCT) de 2002,

- vu la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 13 septembre 2007,

- vu la convention de l'OIT de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n°169),

- vu la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, telle que révisée à Genève le 19 mars 1991,

- vu l'accord de l'OMC de 1995 sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC),

- vu le traité international de 2002 sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture et le cadre élaboré par l'OMS en 2011 pour les virus grippaux,

- vu la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques[1],

- vu sa résolution du 7 octobre 2010 sur les objectifs stratégiques de l'Union européenne pour la dixième réunion de la conférence des parties à la convention sur la diversité biologique (CDB), qui sera organisée à Nagoya (Japon) du 18 au 29 octobre 2010[2],

- vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée "La biodiversité, notre assurance-vie et notre capital naturel – stratégie de l'Union européenne à l'horizon 2020" (COM(2011) 0244),

- vu les activités et les rapports du comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI),

- vu le rapport de la réunion du groupe d'experts techniques et juridiques sur les connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques dans le contexte du régime international d'accès et de partage des avantages (UNEP/CBD/WG-ABS/8/2, 2009),

- vu l'étude commandée par la commission du développement du Parlement européen, intitulée "Les droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques et la lutte contre la pauvreté" (2011),

- vu la convention de Ramsar de 1971 relative aux zones humides,

- vu la convention de 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES),

- vu l'article 48 de son règlement,

- vu le rapport de la commission du développement ainsi que les avis de la commission du commerce international et de la commission des affaires juridiques (A7-0423/2012),

A. considérant que 70 % des populations défavorisées des zones rurales et urbaines sont tributaires de la diversité biologique pour leur survie et leur bien-être;

B.  considérant que les objectifs principaux de la convention sur la diversité biologique sont d'encourager la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité et de surmonter les obstacles empêchant son utilisation;

C. considérant que les fournisseurs de ressources génétiques et les détenteurs de savoirs traditionnels sur le sujet sont souvent originaires de pays en développement dans lesquels la biodiversité est abondante;

D. considérant que les législations nationales en termes d'accès et de partage des avantages, qui ont été adoptées dans le cadre de la convention sur la diversité biologique, sont apparues en réaction aux pratiques de bioprospection et de biopiraterie;

E.  considérant qu'une définition usuelle de la biopiraterie désigne la pratique du secteur privé consistant à privatiser et à déposer des brevets sur les savoirs traditionnels ou les ressources génétiques de peuples autochtones, sans rechercher d'autorisation préalable auprès des pays d'origine ou sans leur reverser de compensation;

F.  considérant que la convention sur la diversité biologique et le protocole de Nagoya imposent aux bioprospecteurs d'obtenir le "consentement préalable donné en connaissance de cause" des pays d'origine ou des communautés locales et indigènes en matière de savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques, de fixer avec eux des "conditions convenues d'un commun accord" et de partager avec eux les avantages de la bioprospection;

G. considérant que le régime d'accès et de partage des avantages au titre de la convention sur la diversité biologique, en pleine évolution, opère de manière complémentaire avec l'OMC et ses aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC de l'OMC), l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS);

H. considérant que la gouvernance de l'accès et du partage des avantages est également abordée par un certain nombre d'instruments en matière de droits de l'homme, dont la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966;

I.   considérant que l'article 27, paragraphe 3, point b), de l'accord sur les ADPIC de l'OMC permet aux gouvernements d'exclure de la protection par brevet les végétaux, les animaux et les procédés "essentiellement" biologiques, tandis que les micro-organismes et les procédés non biologiques et microbiologiques peuvent bénéficier d'une protection par brevet;

J.   considérant que la biodiversité assure un large éventail de services écosystémiques, comme l'approvisionnement local en eau et en aliments, la production de sources de revenus ou encore la régulation du climat; que la dégradation de l'environnement pose de nouveaux défis pour la conservation et l'utilisation durable d'un grand nombre d'espèces et de ressources génétiques nécessaires à la sécurité alimentaire et au développement agricole durable;

K. considérant que le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA), négocié dans le cadre de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), a pour objectifs la conservation et l'utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, ainsi que le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, conformément à la convention sur la diversité biologique;

L.  considérant que les pays membres de l'OCDE dépendent fortement des ressources génétiques importées de l'étranger, notamment pour les cultures, ce qui rend essentielle la coopération internationale en matière de conservation et d'utilisation durable des ressources génétiques;

M. considérant que, selon certaines estimations, trois quarts de la population mondiale utilisent des médicaments naturels traditionnels, et qu'environ la moitié des médicaments de synthèse sont d'origine naturelle;

N. considérant que plusieurs conventions et accords internationaux abordent le sujet des savoirs traditionnels, dont la convention sur la diversité biologique, le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, la déclaration sur les droits des peuples autochtones et la convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel;

O. considérant que l'article 8, point j), de la convention sur la diversité biologique engage les parties à respecter, préserver et maintenir les savoirs traditionnels et à "[encourager] le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation" de ces savoirs;

P.  considérant que la déclaration des Nations unies de 2007 sur les droits des peuples autochtones confirme également le droit des peuples autochtones de préserver, de contrôler, de protéger et de développer leur savoir traditionnel;

Q. considérant qu'en 2009, l'assemblée générale de l'OMPI a chargé son comité intergouvernemental d'élaborer un instrument international visant à protéger les ressources génétiques, les savoirs traditionnels et les expressions culturelles traditionnelles;

I.   Diversité génétique et objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)

1.  rappelle le lien direct existant entre la protection de la diversité biologique et la réalisation des OMD, et en particulier de l'OMD 1 axé sur l'éradication de l'extrême pauvreté et de la faim; souligne l'importance d'une diversité biologique et d'écosystèmes sains pour l'agriculture, la sylviculture et la pêche dans une perspective de développement durable;

2.  fait remarquer que la convention sur la diversité biologique est sensiblement différente des autres traités internationaux en matière d'environnement en ce sens qu'elle place au premier plan les questions d'équité et de justice en matière de conservation et d'utilisation de la diversité biologique;

3.  souligne que, s'il n'existe pas de définition généralement acceptée de la "biopiraterie", ce terme peut renvoyer à l'appropriation illicite ou au fait de tirer des avantages illicites de la commercialisation des savoirs traditionnels et des ressources génétiques, et insiste sur le fait que des travaux plus approfondis doivent être effectués afin de clarifier et de consolider la terminologie juridique, en particulier afin de définir, en se fondant sur des données fiables, le terme "biopiraterie";

4.  souligne les difficultés posées par l'existence de droits de propriété intellectuelle portant sur les ressources génétiques et les savoirs traditionnels dans les pays en développement, en termes d'accès aux médicaments, de production de médicaments génériques et d'accès des agriculteurs aux semences; souligne en conséquence que la politique commerciale de l'Union européenne en matière de droits de propriété intellectuelle doit respecter l'objectif de cohérence des politiques pour le développement, consacré par le traité sur l'Union européenne;

5.  rappelle que la convention sur la diversité biologique et le protocole de Nagoya constituent le principal cadre permettant d'administrer l'accès et le partage des avantages; fait observer que la gouvernance en matière de droits de propriété intellectuelle, de ressources génétiques et de réduction de la pauvreté relève également de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), ce qui se traduit par des difficultés à assurer une approche cohérente dans le soutien que ces organisations apportent au régime de la convention; insiste sur le fait que ces institutions internationales devraient soutenir le régime de la convention et non l'entraver;

6.  rend, une nouvelle fois, hommage aux progrès accomplis dans la protection internationale des droits des peuples autochtones sur leurs ressources génétiques et autres et sur les savoirs traditionnels qui y sont liés, droits consacrés dans la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dans la convention n° 169 de l'OIT, à l'article 8, point j, de la convention sur la diversité biologique et dans le protocole de Nagoya; est préoccupé par l'érosion génétique qui résulte de la présence presque exclusive sur le marché de semences industrielles, à savoir de semences protégées par des droits de propriété intellectuelle, au détriment des semences traditionnelles;

Agriculture et santé

7.  rappelle qu'une grande diversité de ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture est nécessaire pour garantir l'offre de services écosystémiques; met en évidence que l'utilisation de ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture est essentielle pour la sécurité alimentaire, la durabilité de l'agriculture et de l'environnement et la réaction face au changement climatique;

8.  insiste sur le fait que la réalisation de l'OMD 1 dépend notamment de la façon dont nous gérons les écosystèmes agricoles; souligne, dans ce contexte, que, si la réduction de l'incidence négative éventuelle de l'agriculture sur l'environnement nécessite un large éventail de diversité génétique des cultures afin d'assurer de meilleurs services écosystémiques, la diversité des cultures permet en particulier aux petits agriculteurs et aux agriculteurs pauvres de diversifier leur alimentation et leurs revenus; souligne également que la diversité génétique des cultures améliore la résilience face au changement climatique;

9.  rappelle que les variétés sauvages de plantes cultivées qui sont essentielles pour la sécurité alimentaire des États membres de l'Union sont en grande partie originaires des pays en développement; demande instamment à l'Union, dans le cadre de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales (convention de l'UPOV), de s'abstenir de soutenir l'adoption de lois susceptibles d'empêcher les agriculteurs de recourir aux semences récoltées, dans la mesure où cela pourrait constituer une violation du droit à l'alimentation dans les pays en développement;

10. rappelle que l'exception en faveur des agriculteurs prévue par la convention de l'UPOV est particulièrement importante pour les pays en développement, dans la mesure où elle permet aux agriculteurs de conserver une partie des semences issues de nouvelles variétés et de les ressemer à des fins alimentaires traditionnelles (ce qui renforce leur sécurité alimentaire); déplore toutefois que, bien qu'il soit dans l'intérêt des pays en développement de maintenir et d'élargir les dérogations aux droits des obtenteurs, les droits des agriculteurs aient été restreints par les réformes consécutives de la convention de l'UPOV;

11. observe que la FAO joue un rôle moteur dans l'élaboration de régimes spécialisés d'accès et de partage des bénéfices concernant l'alimentation et l'agriculture; invite l'Union européenne à soutenir les demandes des pays en développement d'assurer un partage judicieux des avantages dans tout nouveau mécanisme ou tout nouvel instrument sectoriel adopté dans le cadre de la FAO ainsi que de garantir la cohérence et de renforcer les synergies avec la convention sur la diversité biologique et son protocole de Nagoya;

12. rappelle que les ressources génétiques, notamment sous la forme de la phytothérapie, contribuent de façon significative à la recherche et au développement dans le domaine pharmaceutique et à l'accès aux médicaments; réaffirme que les droits de propriété intellectuelle ne devraient pas entraver l'accès aux médicaments à des prix abordables, en particulier lorsque ces droits de propriété intellectuelle se fondent sur des ressources génétiques originaires de pays en développement;

13. invite l'Union européenne à ne pas obliger les pays en développement, notamment les PMA, à accepter, à travers des accords bilatéraux, des normes de propriété intellectuelle trop sévères concernant, par exemple, les semences et les médicaments, dans le respect du principe européen de la cohérence des politiques pour le développement;

14. souligne que la lutte contre la biopiraterie implique la mise en œuvre et l'amélioration des dispositifs existants en matière d'accès multilatéral et de partage des avantages dans les domaines de l'agriculture et de la santé, tels que le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA) – par exemple en recherchant de nouvelles manières de lever des ressources pour le Fonds de partage des avantages – ou la réunion intergouvernementale sur la préparation au risque de grippe pandémique dans le cadre de l'OMS;

15. est d'avis que les accords bilatéraux et multilatéraux à venir visant une harmonisation, en particulier ceux concernant la portée des exceptions et des limitations aux droits protégés par des brevets, nécessiteront un examen méticuleux sous l'angle du développement, dans le but d'assurer, à l'échelle mondiale, l'égalité dans le domaine de la santé publique dans l'esprit de la mise en œuvre du paragraphe 6 de la déclaration de Doha sur l'accord sur les ADPIC, de préserver le savoir-faire local et, en ce qui concerne les droits des obtenteurs, de garantir l'accès aux semences;

II. Droits des communautés autochtones et locales sur les savoirs traditionnels

16. observe que la notion de savoirs traditionnels désigne l'ensemble des connaissances propres à certaines communautés autochtones ou locales et partagées par de nombreux pans de la société d'une région donnée ou d'un pays particulier; souligne que les savoirs traditionnels incluent des "valeurs intangibles" et que la préservation du patrimoine culturel est primordiale dans toutes ses expressions, notamment les valeurs sociales, religieuses, culturelles et liées au paysage;

17. souligne que trois quarts de la population mondiale utilisent des médicaments naturels traditionnels à base de plantes; estime de ce fait que le phénomène de la biopiraterie démontre qu'il existe d'excellentes raisons de protéger les savoirs traditionnels, en particulier lorsqu'ils sont associés à des ressources génétiques d'une valeur économique pour l'industrie;

18. met en évidence le danger qui consiste à évaluer les savoirs traditionnels uniquement d'un point de vue mercantile; fait observer que le cadre actuel des droits de propriété intellectuelle ne permet pas la catégorisation d'un groupe aussi hétérogène que les détenteurs de savoirs traditionnels; souligne, par conséquent, la nécessité de définir un régime international sui generis des droits de propriété intellectuelle qui préserve la diversité des intérêts des communautés locales et qui reflète, entre autres, le droit coutumier;

19. observe avec inquiétude que les difficultés rencontrées par les détenteurs de savoirs traditionnels portent notamment sur le suivi et le respect des règles, à savoir la découverte des violations commises ou l'obtention d'une réparation en temps utile; déplore dès lors que les savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques ne soient couverts par aucune des mesures de surveillance du protocole de Nagoya, étant donné qu'il n'existe aucune obligation de divulguer aux "points de contrôle" des informations concernant les savoirs traditionnels utilisés, tandis que le certificat de conformité internationalement reconnu ne couvre pas les savoirs traditionnels associés à des ressources génétiques, ce qui restreint les possibilités de détecter la biopiraterie liée à ces savoirs traditionnels; estime que, lors de la mise en œuvre du protocole de Nagoya, l'Union devrait accorder aux savoirs traditionnels un niveau de protection au moins équivalent à celui accordé aux ressources génétiques;

20. insiste sur le fait que les réglementations adoptées pour protéger les ressources génétiques et les savoirs traditionnels correspondants doivent respecter les engagements internationaux concernant la promotion et le respect des droits des populations autochtones inscrits dans la déclaration des Nations unies de 2007 sur les droits des peuples autochtones et la convention n° 169 de l'OIT de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux;

21. mesure le rôle que peut jouer le système des droits de propriété intellectuelle et le système des brevets dans la promotion de l'innovation, du transfert et de la diffusion des techniques, à l'avantage mutuel des parties intéressées, des fournisseurs, des détenteurs et des utilisateurs de ressources génétiques, de leurs dérivés et des savoirs traditionnels qui y sont liés, d'une manière propice au bien-être collectif et au développement; souligne cependant la nécessité d'éviter que les populations autochtones et les communautés locales subissent les conséquences négatives des DPI et du système des brevets dans l'application des connaissances traditionnelles, leurs lois, leurs pratiques et leur système de connaissances, ainsi que dans leur capacité à utiliser, développer, créer et protéger leurs connaissances en matière de ressources génétiques; souligne que, dans certains cas, les populations autochtones et les communautés locales peuvent voir dans les contrats entre les parties une solution plus appropriée pour partager les avantages et protéger leurs intérêts, tout en préservant l'environnement et en prévenant les dommages sociaux et économiques, par exemple au moyen de clauses de sauvegarde;

III. Lutte contre la biopiraterie – marche à suivre

22. souligne que la biopiraterie trouve ses sources dans l'insuffisance des réglementations et des mesures répressives dans les pays en développement et dans le manque de mécanismes de contrôle dans les pays développés susceptibles de garantir que les ressources génétiques ont été acquises sur la base d'un consentement préalable donné en connaissance de cause et de conditions convenues d'un commun accord conformes aux législations nationales des pays fournisseurs en matière d'accès et de partage des avantages; accueille dès lors favorablement le projet de règlement présenté par la Commission visant à mettre en œuvre le protocole de Nagoya concernant l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages; insiste de la même manière sur l'importance de prévoir des mécanismes efficaces de recours et d'accès à la justice en cas de litige;

23. rappelle que la mise en œuvre efficace du protocole nécessite de prendre des mesures dans les pays en développement comme dans les pays développés; observe que l'élaboration d'une législation en matière d'accès et de partage des avantages dans les pays en développement est indispensable avant de rendre obligatoire pour les pays utilisateurs le respect des obligations en matière de consentement préalable donné en connaissance de cause; fait toutefois remarquer que cette exigence représente un réel problème pour ces pays et nécessite un renforcement significatif des capacités sur les plans juridique et institutionnel;

24. souligne que les objectifs de la convention sur la diversité biologique ne seront atteints qu'à condition de parvenir à un partage juste et équitable des avantages; demande instamment à l'Union européenne et à ses États membres d'appeler à une ratification rapide du protocole de Nagoya afin de lutter contre la biopiraterie et de renforcer la justice et l'équité dans l'échange de ressources génétiques; souligne le rôle de la coopération au développement de l'Union pour proposer aux pays en développement une aide concernant le renforcement des capacités juridiques et institutionnelles sur les questions d'accès et de partage des avantages; estime qu'il y a lieu d'aider les pays en développement à développer des bases de données de savoirs traditionnels et à comprendre les systèmes de demandes de brevets;

25. réaffirme, sur fond de sa récente résolution sur le brevetage des procédés essentiellement biologiques[3], qu'une protection par brevet trop large dans le secteur de l'obtention est susceptible de faire obstacle à l'innovation et au progrès et de porter préjudice aux petits et moyens obtenteurs en leur bloquant l'accès aux ressources génétiques;

Améliorer les obligations en matière de conservation et de divulgation de données concernant les ressources génétiques et les savoirs traditionnels

26. attire l'attention sur la proposition faite par les pays en développement en faveur d'une réglementation contraignante obligeant les demandeurs de brevets à a) divulguer la source ou l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés utilisés dans les inventions, b) apporter la preuve du consentement préalable donné en connaissance de cause des autorités compétentes du pays d'origine et c) fournir un certificat international d'origine démontrant le partage juste et équitable des avantages;

27. déplore l'absence de statistiques claires sur la biopiraterie et l'appropriation abusive, et demande à l'Union européenne d'améliorer la recherche et la divulgation d'informations dans ce domaine pour remédier à cette situation; insiste sur la nécessité d'obtenir des données de meilleure qualité concernant le nombre de contrats portant sur l'accès et le partage des avantages ainsi que leur teneur; estime que ces données devraient être recueillies par la mise en place d'un système de notification et de base de données au travers du Centre d'échange de la convention sur la diversité biologique;

28. estime qu'un instrument contraignant est le moyen le plus sûr de voir apparaître des mesures liées à la biodiversité dans le système des droits de propriété intellectuelle mis en place par les pays utilisateurs; demande instamment que des mesures soient prises pour soumettre l'octroi de brevets à la condition du respect de l'obligation de divulguer l'origine de toutes les ressources génétiques et de tous les savoirs traditionnels dans les demandes de brevet; souligne que cette divulgation devrait inclure la preuve que les ressources génétiques ou les savoirs traditionnels en question ont été acquis conformément aux règles en vigueur (à savoir le consentement préalable donné en connaissance de cause et les conditions convenues d'un commun accord);

29. souligne qu'un instrument international prévoyant des obligations de divulgation et des bases de données pour la protection des ressources génétiques ne peut se substituer à des mécanismes efficaces d'accès et de partage des avantages au niveau national;

30. est d'avis que la notification directe par les usagers des entreprises utilisant des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels associés, l'utilisation de certificats de conformité et l'exploration des possibilités d'actions en justice au niveau des juridictions nationales et en dehors de ces juridictions peuvent également contribuer efficacement à réduire le nombre de cas éventuels de biopiraterie;

31. considère qu'un système clair et cohérent de droits de propriété contribuerait à la création de connaissances et à leur diffusion dans les pays en développement, ce qui bénéficierait à l'entrepreneuriat, à la recherche, à l'éducation et à la réduction de la pauvreté au niveau local;

Œuvrer à un système de gestion cohérent dans le monde

32. souligne que l'accord sur les ADPIC de l'OMC devrait être compatible avec le protocole de Nagoya et estime donc essentiel d'instaurer une obligation de divulguer l'origine des ressources génétiques au cours de la procédure d'obtention des brevets et de permettre ainsi de vérifier que ces ressources ont été acquises légalement dans le respect du consentement préalable donné en connaissance de cause et des conditions convenues d'un commun accord;

33. souligne qu'une telle obligation pourrait être introduite au moyen d'un amendement de l'accord sur les ADPIC de l'OMC ou dans le cadre de l'OMPI, dans le contexte des discussions en cours concernant la création d'un ou de plusieurs nouveaux instruments juridiques internationaux pour la protection efficace des ressources génétiques, des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles; invite en particulier l'Union européenne à soutenir, dans le respect de la cohérence des politiques au service du développement, la demande des pays en développement de modifier l'accord sur les ADPIC de l'OMC en y insérant un nouvel article 29 bis sur la divulgation de l'origine des ressources génétiques et/ou des savoirs traditionnels associés, conformément au protocole de Nagoya; se félicite, dans un premier temps, du fait que le projet de règlement européen sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages prévoie l'obligation de divulguer l'origine de toute ressource génétique et de tout savoir traditionnel associé;

34. demande à la Commission de donner à ses négociateurs au sein du comité intergouvernemental de l'OMPI et du conseil chargé du réexamen de l'accord sur les ADPIC instruction de prendre le protocole de Nagoya comme point de départ et de mettre l'accent pendant les négociations sur l'harmonisation entre le cadre juridique de la CDB[4] et son protocole de Nagoya et l'OMPI, l'accord sur les ADPIC, le TIRPAA[5] et la convention UPOV[6], ainsi que la CNUDM[7] concernant les ressources génétiques marines; note que l'accord sur les ADPIC exclut, à titre transitoire, les pays les moins avancés[8]; souligne que cette approche doit être conservée en vue des révisions qui pourraient résulter du processus relatif à la CDB-Nagoya;

35. salue les initiatives qui ne sont pas d'ordre strictement commercial, comme le Centre d'information mondial sur la biodiversité (Global Biodiversity Information Facility, GBIF), qui encourage l'accès libre et gratuit à des données sur la biodiversité dans le cadre d'une coopération au niveau mondial entre différents gouvernements, organismes et autres acteurs internationaux;

36. prend acte des travaux du comité intergouvernemental sur la propriété intellectuelle et les ressources génétiques de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et encourage l'adoption de mesures analogues et l'utilisation de définitions cohérentes au niveau de l'Union;

37. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

  • [1]  JO L 213 du 30.7.1998, p. 13.
  • [2]  JO C 371E du 20.12.2011, p. 14.
  • [3]  Résolution du Parlement européen du 10 mai 2012 sur le brevetage des procédés essentiellement biologiques, P7_TA(2012)0202.
  • [4]  Convention sur la diversité biologique.
  • [5]  Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.
  • [6]  Convention internationale pour la protection des obtentions végétales.
  • [7]  Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
  • [8]  Article 66, paragraphe 1, ADPIC; décision du Conseil des ADPIC du 29 novembre 2005.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Introduction

La protection et la conservation de la diversité génétique est un élément clé de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Les ressources génétiques sont particulièrement cruciales pour une agriculture durable et pour la sécurité alimentaire. En outre, la diversité génétique est l'un des aspects les plus importants pour la survie des espèces et la résilience de l'écosystème. En conséquence, l'appauvrissement de la diversité génétique, qui fait partie intégrante du processus d'érosion de la diversité biologique, représente un enjeu fondamental pour l'humanité.

En dépit de son importance cruciale pour la survie de l'humanité, la diversité génétique s'appauvrit à une vitesse très préoccupante. Une telle érosion de la diversité pose de nouveaux défis tant aux détenteurs qu'aux utilisateurs de ressources génétiques, les premiers étant le plus souvent des pays en développement riches en diversité biologique, et les derniers des pays développés.

Dans ce contexte, la biopiraterie est devenue une préoccupation majeure des pays en développement. Bien qu'il n'existe aucune définition générale de la "biopiraterie", ce terme renvoie généralement à une situation dans laquelle les ressources biologiques sont enlevées aux communautés locales ou aux populations autochtones et brevetées, sans que les bénéfices qui en résultent ne profitent aux communautés qui en sont à l'origine, en ont révélé les propriétés et les ont utilisées.

Si aucune statistique claire n'est disponible sur la biopiraterie et l'appropriation abusive, des exemples précis tirés de ces 20 dernières années, notamment les cas du haricot jaune "Enola", du hoodia, du rooibos ou du margousier, apportent un éclairage nouveau sur le défi à relever en ce qui concerne l'utilisation illégale des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les pays en développement. La lutte contre la biopiraterie représente donc un défi important à relever pour l'Union, étant donné que de telles pratiques vont à l'encontre des engagements de l'Union en matière d'éradication de la pauvreté et de protection de la biodiversité et à l'encontre du principe de la cohérence des politiques pour le développement, consacré à l'article 208 du traité de Lisbonne.

Le déséquilibre entre fournisseurs et utilisateurs de ressources génétiques a également porté la question de l'accès aux ressources génétiques et du partage des avantages qui en découlent au niveau international. Dans ce contexte, la convention sur la diversité biologique (1992) joue un rôle unique. Tout en étant un des traités les plus importants régissant la préservation et l'utilisation de la biodiversité au niveau international, elle est sensiblement différente des autres traités internationaux en matière d'environnement. Elle place en effet sans équivoque les questions d'équité et de justice au premier plan.

En particulier, l'une des principales obligations du cadre concernant l'accès et le partage des avantages établi par la convention sur la diversité biologique et le protocole de Nagoya est que des avantages doivent être accordés en échange de l'accès aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels, et qu'un consentement préalable donné en connaissance de cause doit être obtenu auparavant. En outre, des conditions convenues d'un commun accord concernant le partage des avantages doivent également être négociées.

À la lumière de ce qui précède, votre rapporteure est en faveur d'une ratification rapide du protocole de Nagoya, dans lequel elle voit un outil important pour lutter contre la biopiraterie et rétablir la justice et l'équité dans l'échange des ressources génétiques. Cela implique, néanmoins, que les pays en développement comme les pays développés prennent les mesures nécessaires pour rendre le protocole efficace. Alors que de nombreux pays en développement n'ont pas réussi ou n'ont pas été en mesure de mettre en place un cadre juridique adéquat concernant l'accès et le partage des avantages, les pays développés, quant à eux, n'ont pas instauré les mécanismes de contrôle efficaces qui permettrait d'appliquer un juste et équitable partage des avantages lorsque des acteurs privés utilisent, sous leur juridiction, les ressources génétiques de pays riches en biodiversité.

En résumé, le protocole exige que les pays en développement adoptent ou améliorent une législation nationale complète en matière d'accès et de partage des avantages avant de rendre obligatoire pour les pays utilisateurs le respect des obligations en matière de consentement préalable donné en connaissance de cause. Étant donné l'absence actuelle de législation en matière d'accès et de partage des avantages dans la plupart des pays en développement, cette exigence représente un réel problème et nécessite un renforcement significatif des capacités sur les plans juridique et institutionnel. En conséquence, la coopération au développement de l'Union européenne devrait permettre de proposer aux pays en développement une aide concernant le renforcement des capacités juridiques et institutionnelles sur les questions d'accès et de partage des avantages. En ce qui concerne le respect des règles définies, l'Union européenne et ses États membres doivent prendre des mesures efficaces pour s'assurer que les ressources génétiques ont été acquises sur la base d'un consentement préalable donné en connaissance de cause et de conditions convenues d'un commun accord conformes aux législations nationales des pays fournisseurs en matière d'accès et de partage des avantages. L'obligation de permettre un recours en cas de différend et de garantir l'accès à la justice nécessitera une modification des systèmes juridiques internes de l'Union.

Cependant, il importe de relever ces différents défis afin de lutter efficacement contre la biopiraterie.

1) Agriculture et santé

L'utilisation d'une large gamme de ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture est essentielle pour la sécurité alimentaire, la durabilité de l'agriculture et de l'environnement et la réaction face au changement climatique.

Jusqu'à présent, la plupart des pays en développement reconnaissent les droits des petits agriculteurs de conserver et d'échanger des semences. Dans ce contexte, votre rapporteure est particulièrement préoccupée par les conséquences de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1991 (convention UPOV) sur la sécurité alimentaire des pays en développement, dans la mesure où cette dernière limite considérablement la possibilité des États de définir des exceptions aux droits d'obtenteur pour privilégier le droit des agriculteurs à réutiliser et à échanger des semences récoltées.

Votre rapporteure juge indispensable de préserver le droit des agriculteurs de compter sur les semences récoltées, car il s'agit là d'un aspect primordial du "droit à l'alimentation".

En outre, les ressources génétiques de pays riches en biodiversité contribuent de manière significative à la recherche et au développement dans le domaine pharmaceutique. Malheureusement, il a été prouvé que les droits de propriété intellectuelle posent un problème significatif en matière d'accès à la médecine dans les pays pauvres. Par conséquent, les DPI ne devraient pas entraver l'accès aux médicaments à des prix abordables pour leurs populations, en particulier lorsque ces DPI se basent sur des ressources génétiques originaires des pays en développement. De la même façon, il est essentiel de veiller à ce qu'un partage adéquat des avantages découlant de l'utilisation pharmaceutique ou médicale et de la commercialisation des ressources génétiques provenant de leurs territoires soit garanti.

2) Droits des communautés autochtones et locales et savoirs traditionnels

Le fait de permettre aux détenteurs de savoirs traditionnels de préserver, de contrôler et de protéger ces connaissances n'est pas seulement essentiel pour leur survie économique et culturelle, mais également pour le maintien d'une diversité biologique qui profite au monde entier.

Dans un contexte où les savoirs traditionnels sont à l'origine de bénéfices substantiels pour les entreprises, notamment dans les domaines des produits pharmaceutiques, des produits cosmétiques et de l'agriculture, la protection des savoirs traditionnels des communautés autochtones et locales représente un défi important pour lutter contre la biopiraterie liée aux activités de bioprospection.

Bien que l'attention portée aux droits de l'homme, aux droits des peuples autochtones et à la préservation de la biodiversité ait rejailli sur la protection des savoirs traditionnels, votre rapporteure estime que des progrès restent à faire au niveau des institutions internationales pour empêcher la biopiraterie liée à l'utilisation illégale de savoirs traditionnels. En effet, même si les objectifs de préservation et de droits de l'homme sont inscrits dans un certain nombre de textes internationaux relatifs aux droits de l'homme et à l'environnement, ils n'en restent pas moins facultatifs et les mécanismes de mise en œuvre propres aux accords internationaux en matière de propriété intellectuelle, notamment à l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), leur font en réalité cruellement défaut.

Pour être plus précis, si l'on a pu observer, ces dernières années, une reconnaissance progressive des droits des communautés autochtones et locales au niveau international, il reste encore beaucoup à accomplir pour les mettre effectivement en œuvre. La seule convention internationale légalement contraignante concernant les droits des autochtones est la convention de l'OIT de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n°169). Bien que la déclaration des Nations unies de 2007 sur les droits des peuples autochtones ait le mérite d'aborder les droits des autochtones d'une manière globale et souligne l'importance fondamentale du droit des peuples autochtones à disposer d'eux-mêmes, il ne s'agit là que d'un texte non contraignant. Cependant, la convention sur la diversité biologique prévoit, en tant que traité international contraignant, l'obligation pour les États, à l'article 8, point j), de protéger les savoirs traditionnels détenus par les communautés autochtones et locales. En outre, des règles portant sur les savoirs traditionnels ont été développés plus avant lors du protocole de Nagoya de 2010 relatif à la convention sur la diversité biologique.

À cet égard, le protocole définit ou confirme des exigences similaires concernant le consentement préalable donné en connaissance de cause par les communautés autochtones et locales et la définition de conditions convenues d'un commun accord garantissant un partage juste et équitable des avantages, y compris des mesures visant à lutter contre le non-respect et la possibilité de recours et d'accès à la justice. Toutefois, les exigences relatives aux savoirs traditionnels sont formulées de manière moins contraignante que celles liées aux ressources génétiques. En particulier, les savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques ne sont pas couverts par des mesures de surveillance prévues par le protocole: il n'existe aucune obligation de divulguer aux "points de contrôle" les informations concernant les savoirs traditionnels utilisés et le certificat de conformité reconnu à l'échelle internationale ne couvre pas les savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques, ce qui limite les possibilités de déceler la biopiraterie liée à ces savoirs traditionnels.

Compte tenu de ces diverses lacunes, votre rapporteure estime qu'il est essentiel d'accorder aux savoirs traditionnels un niveau de protection équivalent à celui accordé aux ressources génétiques et de définir un régime international sui generis et juridiquement contraignant des droits de propriété intellectuelle qui reflète, entre autres, la diversité des intérêts des communautés locales ainsi que le droit coutumier. Elle estime également qu'il est nécessaire de modifier l'accord sur les ADPIC de l'OMC ainsi que le système de l'OMPI, afin de les rendre compatibles avec la convention sur la diversité biologique et le protocole de Nagoya.

3) Œuvrer à un système de gestion cohérent dans le monde

La convention sur la diversité biologique et le protocole de Nagoya constituent la principale enceinte internationale pour les discussions sur la gestion de l'accès aux ressources génétiques et du partage des avantages qui en découlent. Cependant, la question de la gouvernance en matière de droit de propriété intellectuelle, de ressources génétiques et de réduction de la pauvreté relève également de diverses institutions internationales, comme l'OMC, la FAO, l'OMS et l'OMPI, ce qui pose le problème d'assurer la cohérence et la coopération réciproque entre ces diverses institutions.

Dans ce contexte, la relation entre l'accord sur les ADPIC de l'OMC et la convention sur la diversité biologique en ce qui concerne l'accès et le partage des avantages est une pierre d'achoppement. Fondée sur un objectif de développement durable, la convention sur la diversité biologique vise à assurer un accès et un partage des avantages justes et équitables entre les fournisseurs et les utilisateurs de ressources génétiques. L'accord sur les ADPIC de 1'OMC, en revanche, vise à renforcer les droits de propriété intellectuelle, y compris en ce qui concerne la biotechnologie. Ces deux traités envoient donc des signaux contradictoires lors de leur mise en œuvre. En outre, contrairement à la convention sur la diversité biologique, l'accord sur les ADPIC de l'OMC s'appuie sur le puissant mécanisme de règlement des différends de l'OMC. D'une manière plus générale, étant donné que la convention et le protocole de Nagoya ont nettement moins de force que les normes ADPIC et ADPIC-Plus de l'OMC, il subsiste un sentiment de déséquilibre en ce qui concerne l'application et l'efficacité des sanctions.

Conformément au principe de la cohérence des politiques pour le développement, votre rapporteure insiste pour que les institutions internationales soutiennent le système formé par la convention et le protocole de Nagoya et n'aillent pas à son encontre. À cet égard, il convient de tenir compte du fait que les pays en développement ( les pays fournisseurs) ont toujours proposé qu'une réglementation contraignante oblige les demandeurs de brevets à divulguer la source et l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels utilisés dans l'invention, à apporter la preuve du consentement préalable en connaissance de cause des autorités compétentes du pays fournisseur et à fournir un certificat international d'origine démontrant le partage juste et équitable des avantages. L'acceptation de ces demandes dans le cadre de la convention sur la diversité biologique nécessiterait de modifier l'accord sur les ADPIC de l'OMC en conséquence.

Depuis 2008, l'Union européenne accepte en principe l'introduction dans l'accord sur les ADPIC de l'OMC de l'obligation de divulgation de l'origine en échange d'une protection renforcée des "indications géographiques". Après le protocole de Nagoya, des pays en développement et des pays émergents ont soumis une proposition visant à modifier l'accord sur les ADPIC de l'OMC pour y ajouter un nouvel article 29 bis sur la divulgation de l'origine des ressources génétiques et/ou connaissances traditionnelles associées conformément au protocole de Nagoya.

Votre rapporteure est d'avis qu'il est nécessaire d'instaurer une obligation de divulgation dans le cadre de l'accord sur les ADPIC de l'OMC. En parallèle, il convient de prêter une attention particulière à l'expansion des accords commerciaux bilatéraux qui pourraient mettre en péril d'autres intérêts des pays en développement, par l'adoption des normes de propriété intellectuelle dites "ADPIC-plus". Il est essentiel de veiller à ce que l'Union européenne n'oblige pas les pays en développement, notamment les PMA, à accepter, à travers des accords bilatéraux, des normes de propriété intellectuelle trop sévères concernant les semences et l'agriculture ou la santé et les médicaments.

AVIS de la commission du commerce international (27.11.2012)

à l'intention de la commission du développement

sur les aspects relatifs au développement des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques: conséquences pour la réduction de la pauvreté dans les pays en développement
(2012/2135(INI))

Rapporteur pour avis: Helmut Scholz

SUGGESTIONS

La commission du commerce international invite la commission du développement, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

1.  considère le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques comme un objectif majeur; souligne la nécessité d'apporter transparence et sécurité juridique aux fournisseurs de ressources, aux inventeurs et aux investisseurs; juge indispensable que les institutions internationales chargées des questions commerciales ou liées au commerce dégagent une signification juridique commune du terme "biopiraterie"; déplore la lenteur des procédures dans les négociations en cours au sein du CIG de l'OMPI[1] et dans le réexamen de l'accord sur les ADPIC[2] en ce qui concerne l'article 27, paragraphe 3, point b);

2.  invite instamment l'Union européenne et les États membres à ratifier le protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, annexé à la convention sur la diversité biologique; salue la présentation par la Commission d'une proposition de règlement pour la mise en œuvre du protocole de Nagoya; demande à la Commission de donner à ses négociateurs au sein du CIG de l'OMPI et du conseil chargé du réexamen de l'accord sur les ADPIC instruction de prendre le protocole de Nagoya comme point de départ et de mettre l'accent pendant les négociations sur l'harmonisation entre le cadre juridique de la CDB[3] et son protocole de Nagoya et l'OMPI, l'accord sur les ADPIC, le TIRPAA[4] et la convention UPOV[5], ainsi que la CNUDM[6] concernant les ressources génétiques marines; note que l'accord sur les ADPIC exclut, à titre transitoire, les pays les moins avancés[7]; souligne que cette approche doit être conservée en vue des révisions qui pourraient résulter du processus relatif à la CDB-Nagoya;

3.  partage l'opinion des parties prenantes selon laquelle la mise en place d'un système commercial international fondé sur des règles nécessite d'empêcher la délivrance à tort de brevets, ce qui suppose l'adoption de règles sur la divulgation de l'origine ou de la source des ressources génétiques au cours des procédures d'octroi de brevets; juge nécessaire une convergence des ADPIC de l'OMC en vue de leur compatibilité avec la CDB et le protocole de Nagoya;

4.  salue les initiatives qui ne sont pas d'ordre strictement commercial, comme le Centre d'information mondial sur la biodiversité (Global Biodiversity Information Facility, GBIF), qui encourage l'accès libre et gratuit à des données sur la biodiversité dans le cadre d'une coopération au niveau mondial entre différents gouvernements, organismes et autres acteurs internationaux;

5.  mesure le rôle que peut jouer le système des droits de propriété intellectuelle et le système des brevets dans la promotion de l'innovation, du transfert et de la diffusion des techniques, à l'avantage mutuel des parties intéressées, des fournisseurs, des détenteurs et des utilisateurs de ressources génétiques, de leurs dérivés et des savoirs traditionnels qui y sont liés, d'une manière propice au bien-être collectif et au développement; souligne cependant la nécessité d'éviter que les populations autochtones et les communautés locales subissent les conséquences négatives des DPI et du système des brevets dans l'application des connaissances traditionnelles, leurs lois, leurs pratiques et leur système de connaissances, ainsi que dans leur capacité à utiliser, développer, créer et protéger leurs connaissances en matière de ressources génétiques; réaffirme, à la suite de sa récente résolution sur le brevetage des procédés essentiellement biologiques[8], qu'une protection par brevet trop large dans le secteur de l'obtention est susceptible de faire obstacle à l'innovation et au progrès et de porter préjudice aux petits et moyens obtenteurs en leur interdisant l'accès aux ressources génétiques animales et végétales; souligne que, dans certains cas, les populations autochtones et les communautés locales peuvent voir dans les contrats entre les parties une solution plus appropriée pour partager les avantages et protéger leurs intérêts, tout en préservant l'environnement et en prévenant les dommages sociaux et économiques, par exemple au moyen de clauses de sauvegarde;

6.  rend, une nouvelle fois, hommage aux progrès accomplis dans la protection internationale des droits des peuples autochtones sur leurs ressources génétiques et autres et sur les savoirs traditionnels qui y sont liés, droits consacrés dans la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la convention n° 169 de l'OIT, l'article 8, point j, de la convention sur la diversité biologique et le protocole de Nagoya; est préoccupé par l'érosion génétique qui résulte de la présence presque exclusive sur le marché de semences industrielles, à savoir de semences protégées par des droits de propriété intellectuelle, au détriment des semences traditionnelles.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

27.11.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

13

0

12

Membres présents au moment du vote final

Laima Liucija Andrikienė, Daniel Caspary, María Auxiliadora Correa Zamora, Christofer Fjellner, Metin Kazak, Franziska Keller, Bernd Lange, Paul Murphy, Cristiana Muscardini, Helmut Scholz, Peter Šťastný, Gianluca Susta, Henri Weber, Jan Zahradil

Suppléants présents au moment du vote final

Josefa Andrés Barea, George Sabin Cutaş, Mário David, Elisabeth Köstinger, Marietje Schaake, Inese Vaidere

Suppléants (art. 187, par. 2) présents au moment du vote final

Isabelle Durant, Francisco José Millán Mon, José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, Ivo Strejček, Renate Weber

  • [1]  Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
  • [2]  Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce.
  • [3]  Convention sur la diversité biologique.
  • [4]  Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.
  • [5]  Convention internationale pour la protection des obtentions végétales.
  • [6]  Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
  • [7]  Article 66, paragraphe 1, ADPIC; décision du Conseil des ADPIC du 29 novembre 2005.
  • [8]  Résolution du Parlement européen du 10 mai 2012 sur le brevetage des procédés essentiellement biologiques, P7_TA(2012)0202.

AVIS de la commission des affaires juridiques (6.11.2012)

à l'intention de la commission du développement

sur les aspects relatifs au développement des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques: conséquences pour la réduction de la pauvreté dans les pays en développement
(2012/2135(INI))

Rapporteure pour avis: Françoise Castex

JUSTIFICATION SUCCINCTE

Le rapport de la commission du développement vise à examiner les conséquences, pour les droits de l'homme et la sécurité alimentaire mondiale, des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques. Il s'appuie pour cela principalement sur l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord sur les ADPIC) et sur la convention sur la diversité biologique et son protocole sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (protocole de Nagoya). La question principale soulevée à cet égard est celle de la "piraterie biologique", qui recouvre soit le prélèvement non autorisé de ressources génétiques, telles que les plantes à propriétés médicinales, soit le brevetage, sans versement de contrepartie financière, d'inventions à l'authenticité douteuse fondées sur de telles ressources ou sur les connaissances traditionnelles de peuples indigènes.

Votre rapporteure accueille favorablement une réflexion sur ces problèmes, dans l'intérêt des pays en développement et dans le but ultime de réduire la pauvreté. Elle souligne cependant que la mise en œuvre pratique de tout ensemble de règles visant à éviter la piraterie biologique entraîne des problèmes de nature juridique, dont la résolution nécessite une réflexion approfondie sur le cadre juridique actuel, ainsi qu'une interprétation correcte de celui-ci.

La terminologie juridique dans le domaine des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques doit être clarifiée et consolidée, notamment le terme "piraterie biologique". Toute définition de ce terme doit reposer sur des fondements solides, élaborés à la suite d'enquêtes et de recherches approfondies. La communauté internationale devrait également définir les systèmes sui generis en vigueur au niveau international pour la protection des végétaux, dans les cas où la protection conférée par un brevet ne s'applique pas.

Il est, en outre, essentiel de protéger les intérêts des petits et moyens obtenteurs, en tenant compte du fait qu'une protection par brevet trop large dans le secteur de l'obtention est susceptible de faire obstacle à l'innovation et au progrès et de porter préjudice aux obtenteurs en leur bloquant l'accès aux ressources génétiques animales et végétales.

SUGGESTIONS

La commission des affaires juridiques invite la commission du développement, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

1.  considère qu'un système clair et cohérent de droits de propriété contribuerait à la création de connaissances et à leur diffusion dans les pays en développement, ce qui bénéficierait à l'entrepreneuriat, à la recherche, à l'éducation et à la réduction de la pauvreté au niveau local;

2.  souligne que des travaux plus approfondis doivent être effectués afin de clarifier et de consolider la terminologie juridique dans le domaine des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques, en particulier afin de définir, en se fondant sur des données fiables, le terme "piraterie biologique";

3.  est d'avis que les accords bilatéraux et multilatéraux à venir visant une harmonisation, en particulier ceux concernant la portée des exceptions et des limitations aux droits protégés par des brevets, nécessiteront un examen méticuleux sous l'angle du développement, dans le but d'assurer, à l'échelle mondiale, l'égalité dans le domaine de la santé publique dans l'esprit de la mise en œuvre du paragraphe 6 de la déclaration de Doha sur l'accord sur les ADPIC, de préserver le savoir-faire local et, en ce qui concerne les droits des obtenteurs, de garantir l'accès aux semences;

4.  prend acte des travaux du comité intergouvernemental sur la propriété intellectuelle et les ressources génétiques de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et encourage l'adoption de mesures analogues et l'utilisation de définitions cohérentes au niveau de l'Union;

5.  réaffirme, sur fond de sa récente résolution sur le brevetage des procédés essentiellement biologiques[1], qu'une protection par brevet trop large dans le secteur de l'obtention est susceptible de faire obstacle à l'innovation et au progrès et de porter préjudice aux petits et moyens obtenteurs en leur bloquant l'accès aux ressources génétiques;

6.  demande à la communauté internationale de prendre en compte le fait que l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales fournit un système sui generis, déjà en vigueur, pour la protection des variétés de végétaux, dans les cas où la protection conférée par un brevet ne s'applique pas; recommande que soient étudiés des critères essentiels pour des modèles sui generis effectifs;

7.  est d'avis qu'il convient de mener des recherches scientifiques sur les connaissances locales des méthodes traditionnelles utilisées par les populations indigènes pour l'exploitation des ressources hydrauliques, et de les diffuser librement, parallèlement à l'utilisation, dans les pays en développement, de technologies protégées par des brevets afin de faciliter l'innovation en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

6.11.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

23

0

0

Membres présents au moment du vote final

Raffaele Baldassarre, Luigi Berlinguer, Françoise Castex, Christian Engström, Marielle Gallo, Giuseppe Gargani, Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Sajjad Karim, Antonio López-Istúriz White, Antonio Masip Hidalgo, Jiří Maštálka, Alajos Mészáros, Evelyn Regner, Francesco Enrico Speroni, Rebecca Taylor, Alexandra Thein, Rainer Wieland, Cecilia Wikström, Zbigniew Ziobro, Tadeusz Zwiefka

Suppléants présents au moment du vote final

Eva Lichtenberger, Angelika Niebler, József Szájer, Axel Voss

Suppléante (art. 187, par. 2) présente au moment du vote final

Sylvie Guillaume

  • [1]  Résolution du Parlement européen du 10 mai 2012 sur le brevetage des procédés essentiellement biologiques, P7_TA(2012)0202.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

6.12.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

20

3

1

Membres présents au moment du vote final

Thijs Berman, Michael Cashman, Ricardo Cortés Lastra, Nirj Deva, Leonidas Donskis, Charles Goerens, Catherine Grèze, Eva Joly, Filip Kaczmarek, Miguel Angel Martínez Martínez, Gay Mitchell, Norbert Neuser, Bill Newton Dunn, Birgit Schnieber-Jastram, Michèle Striffler, Alf Svensson, Keith Taylor, Patrice Tirolien, Ivo Vajgl, Daniël van der Stoep, Anna Záborská, Iva Zanicchi

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Cristian Dan Preda

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Helmut Scholz