RAPPORT sur les efforts de la communauté internationale dans le domaine du développement et du renforcement de l'État au Soudan du Sud

21.11.2013 - (2013/2090(INI))

Commission du développement
Rapporteure: Véronique De Keyser

Procédure : 2013/2090(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A7-0380/2013

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur les efforts de la communauté internationale dans le domaine du développement et du renforcement de l'État au Soudan du Sud

(2013/2090(INI))

Le Parlement européen,

–       vu sa résolution du 13 juin 2012 sur la situation au Soudan et au Soudan du Sud[1],

–       vu sa résolution du 5 juillet 2011 sur l'avenir de l'appui budgétaire de l'UE en faveur des pays en développement[2],

–       vu sa résolution du 25 octobre 2011 sur le quatrième forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide[3],

–       vu sa résolution du 18 décembre 2008 sur les perspectives de consolidation de la paix et de construction nationale dans les situations d'après-conflit[4],

–       vu la mission d'information de sa commission du développement au Soudan du Sud en juillet 2011,

–       vu le rapport final de la mission d'observation électorale de l'Union européenne portant sur le référendum au Sud-Soudan qui s'est déroulé du 9 au 15 janvier 2011[5],

–       vu l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et l'Union européenne et ses États membres signé à Cotonou le 23 juin 2000[6], qui a été modifié une première fois à Luxembourg le 25 juin 2005[7] et une deuxième fois à Ouagadougou le 22 juin 2010[8],

–       vu la déclaration des Coprésidents de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE sur la situation au Soudan et au Soudan du Sud, qui a été rendue publique à Horsens (Danemark) en mai 2012[9],

–       vu la déclaration de l'UE et ses États membres du 9 juillet 2011 sur l'indépendance de la République du Soudan du Sud[10],

–       vu les conclusions du Conseil du 22 juillet 2013 sur le Soudan et le Soudan du Sud[11],

–       vu la déclaration du 5 juillet 2012 de la commissaire Georgieva sur le Soudan et le Soudan du Sud[12],

–       vu le plan humanitaire de mise en œuvre pour le Soudan et le Soudan du Sud pour 2013 et sa version révisée de la direction générale de l'aide humanitaire et de la protection civile[13],

–       vu les déclarations du porte-parole de la haute représentante Catherine Ashton du 18 juin 2013 sur l'attaque meurtrière à l'encontre de la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei (FISNUA) – mission de maintien de la paix au Kordofan méridional[14], du 1er mai 2013 sur le conflit dans les États du Kordofan méridional et du Nil bleu au Soudan[15] et du 8 janvier 2013 sur la récente fermeture d'organisations de la société civile au Soudan[16],

–       vu la déclaration publiée localement par la délégation de l'UE le 25 juillet 2013 à la suite de la destitution par le président de l'ensemble du gouvernement de la République du Soudan du Sud[17],

–       vu la déclaration de Dili du 10 avril 2010 qui est intitulée "Une nouvelle vision de la consolidation de la paix et du renforcement de l'État"[18],

–       vu l'accord en faveur d'un engagement dans les États fragiles, qui a été présenté lors du quatrième forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide à Busan en décembre 2011[19],

–       vu le rapport 2011 de l'OCDE sur l'engagement international dans les États fragiles, qui est consacré à la République du Soudan du Sud[20],

–       vu le rapport sur le développement dans le monde 2011: Conflits, sécurité et développement[21],

–       vu le rapport du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l'Union africaine sur le Soudan et le Soudan du Sud, qui a été publié le 31 juillet 2013[22],

–       vu la déclaration du 8 mars 2013 du porte-parole du Secrétaire général des Nations unies sur l'établissement d'une zone frontalière démilitarisée et sécurisée entre le Soudan et le Soudan du Sud et sur l'activation du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière[23],

–       vu la résolution adoptée le 27 juin 2013 par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur l'"Assistance technique et le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme au Soudan du Sud" (A/HRC/21/L.7/Rev.1),

–       vu l'accord-cadre sur les modalités politiques et en matière de sécurité dans les États du Nil bleu et du Kordofan signé le 28 juin 2011[24],

–       vu les conclusions des rapports du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme qui ont été présentées au Conseil des droits de l'homme au cours de ses 21e et 23e sessions[25],

–       vu les accords conclus à Addis Abeba le 27 septembre 2012 entre la République du Soudan et la République du Soudan du Sud[26],

–       vu le rapport 2013 d'Amnesty International sur la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud[27],

–       vu le rapport de Human Rights Watch intitulé "This old man can feed us, you will marry him" ("Ce vieux peut nous donner de quoi manger, tu dois l'épouser")[28],

–       vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,

–       vu le rapport de la commission du développement et les avis de la commission des affaires étrangères et de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (A7‑0380/2013),

–       vu l'article 48 de son règlement,

A.     considérant que le Conseil de sécurité des Nations unies s'est félicité de la création de la République du Soudan du Sud le 9 juillet 2011 dans sa résolution 1996 (2011) et considérant que l'Assemblée générale des Nations unies a voté l'admission du Soudan du Sud comme nouvel État membre le 14 juillet 2011 (A/RES/65/308);

B.     considérant que seule une approche globale permettra de résoudre le problème du corridor d'insécurité, de sous-développement et de mauvaise gouvernance qui s'étend du Sahel à la Corne de l'Afrique;

C.     considérant que le nouvel État de Soudan du sud, est aussi l'un des pays les plus pauvres au monde, avec 50 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté et que ce nouvel État, issu d'une situation de guerre et situé dans une région instable, risque de devenir un État en échec si la communauté internationale et les acteurs locaux ne se concertent pas pour mettre en œuvre une stratégie commune pour en faire un État démocratique et inclusif;

D.     considérant que certaines mesures ont été prises dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS), telles que la création du service de police nationale du Soudan du Sud (SPNSS), du conseil national de la sécurité et du désarmement (CNSD), ainsi que du conseil pour la démobilisation et la réinsertion (CDR);

E.     considérant que la prospérité et la viabilité du nouvel État du Soudan du Sud dépend dans une grande mesure de l'instauration de relations pacifiques et constructives avec tous les pays voisins, notamment avec la République du Soudan, et de la capacité de ces deux pays à résoudre leurs différends et à trouver et à mettre en œuvre des solutions viables, notamment en ce qui concerne les conflits frontaliers, les recettes pétrolières, le statut définitif d'Abyei, la dette nationale et la citoyenneté;

F.     considérant qu'il est nécessaire que la communauté internationale adopte une perspective à long terme et un engagement solide, prévisible et stable pour consolider l'État et l'aider à surmonter sa fragilité;

G.     considérant que le Soudan du Sud, alors qu'il est confronté à un grand nombre de défis majeurs, a accompli des progrès importants eu égard aux indicateurs clés de développement depuis l'adoption de l'accord de paix global de 2005, y compris une multiplication par six du taux de scolarisation dans l'enseignement primaire, une baisse de 25 % du taux de mortalité infantile et la création des principales institutions publiques aux niveaux fédéral et étatique;

H.     considérant que les enfants sont les premières victimes de l'insécurité et des conflits qui affectent le Soudan du Sud; considérant les violences sexuelles faites aux enfants et aux femmes ainsi que le recrutement d'enfants par des groupes armés;

I.      considérant que lorsque davantage de femmes sont impliquées dans les processus de résolution des conflits et dans la décision politique, la portée de la reconstruction démocratique est élargie;

J.      considérant que la dépendance du Soudan du Sud vis-à-vis de la production pétrolière, qui représente environ 88 % des recettes publiques, est élevée et est actuellement entièrement rattachée aux exportations de la République du Soudan; considérant que cette trop grande dépendance est un danger pour l'économie du pays mais sert également de moyen de pression sur ce nouveau pays et qu'elle entraîne des tensions supplémentaires, voire des conflits, notamment avec le Soudan, ou des conflits interethniques, comme ce fut le cas au cours des deux dernières années; considérant que le Soudan du Sud a conclu des accords avec les pays voisins (le Kenya, l'Éthiopie et Djibouti) pour explorer la possibilité de la création de deux nouveaux oléoducs reliant ses champs pétroliers au golfe d'Aden et à l'océan Indien;

K.     considérant l'interruption de la production pétrolière par le gouvernement sud-soudanais durant plus d'un an ainsi que la fermeture des oléoducs au Soudan, qui ont ainsi privé le Soudan du sud de ses principaux revenus et qui ont plongé le pays dans une crise budgétaire sérieuse, suivie d'une période d'austérité accrue toujours en cours;

L.     considérant que, tout en reconnaissant l'existence d'un "cadre juridique ambitieux conçu pour promouvoir une gouvernance transparente du secteur pétrolier", l'indice de gouvernance des ressources 2013 classe le Soudan du Sud au 50e rang sur 58 pays en raison de la non-communication par ses autorités d'informations sur le secteur et de l'absence de mécanismes d'audit et de surveillance appropriés;

M.    considérant que la communauté internationale a apporté un important soutien politique et matériel en faveur de l'indépendance et de la viabilité du Soudan du Sud et de son développement économique et social, et que l'UE a joué un rôle extrêmement positif; considérant que l'UE et ses États membres ont pris l'engagement, à l'occasion de l'indépendance du Soudan du Sud, de développer un partenariat étroit à long terme avec la République du Soudan du Sud et son peuple;

N.     considérant que le Conseil a approuvé le 23 mai 2011 une enveloppe financière de 200 millions d'euros en faveur du Soudan du Sud au titre de la contribution de l'UE dans le cadre du document de stratégie conjoint (une stratégie de réponse) en faveur du Soudan du Sud pour les années 2011-2013;

O.     considérant que la communauté internationale et les organisations humanitaires internationales sont intervenues très rapidement pour soulager les souffrances de la population dans la région bien que certaines régions leur soient interdites par les groupes rebelles et le gouvernement soudanais, et que l'UE leur a fourni et continue de leur fournir une aide humanitaire importante, y compris un soutien financier de 110 millions d'euros pour la seule année 2012;

P.     considérant que les perspectives de développement et de consolidation de l'État à plus long terme au Soudan du Sud sont indissociables des interdépendances régionales dans la Corne de l'Afrique et sont liées en particulier à la résolution des problèmes de sécurité avec le Soudan voisin (notamment dans les régions du Darfour, du Kordofan et du Nil bleu), ainsi qu'à l'investissement dans une intégration économique avec d'autres partenaires régionaux;

Q.     considérant que le Soudan du Sud est l'un des tout premiers pays où une programmation conjointe entre le service européen pour l'action extérieure (SEAE) et la Commission et les États membres de l'UE, qui est conforme au plan de développement du Soudan du Sud, a été mise en œuvre, sous la forme d'un document de stratégie unique par pays de l'UE qui a été approuvé en décembre 2011 et inclut une aide au développement d'un montant total de 830 millions d'euros;

R.     considérant que le Soudan du Sud n'a pas encore adhéré à l'accord de Cotonou et que son gouvernement s'est déclaré préoccupé à propos des répercussions potentielles sur ses relations avec la République du Soudan; considérant que l'adhésion à l'accord de Cotonou n'oblige pas le Soudan du Sud à adhérer immédiatement au statut de Rome; considérant que cette réticence vis-à-vis de son adhésion à l'accord de Cotonou pose des problèmes pour la programmation de l'aide de l'UE à partir de 2014 au titre du 11e Fonds européen de développement, puisque le Soudan du Sud pourrait se retrouver perdant, non seulement en termes de dotations nationales, mais également en ce qui concerne les fonds régionaux et les ressources importantes de la Banque européenne d'investissement (BEI) qui consolideraient ses infrastructures et son intégration économique régionale; considérant qu'en ratifiant l'accord de Cotonou, le Soudan du Sud pourrait également accroître sa capacité à attirer des investissements du secteur privé européen; considérant que les facilités financières supplémentaires auxquelles le Soudan du Sud pourrait avoir accès après avoir adhéré à l'accord de Cotonou pourraient également contribuer à la mise en œuvre des accords d'Addis-Abeba;

S.     considérant que le Conseil a nommé Mme Rosalind Marsden en tant que représentante spéciale de l'Union européenne (RSUE) pour le Soudan en août 2010 et a ensuite élargi et prolongé son mandat mais a accepté uniquement une prolongation de quatre mois en juin 2013 jusqu'au 31 octobre 2013 afin d'intégrer son mandat avec celui du RSUE pour la Corne de l'Afrique, en dépit de son travail exceptionnel et de son rôle important pour tirer parti des différents instruments de l'UE et de son influence sur les développements dans la région; considérant qu'en l'absence de représentant spécial de l'Union désigné pour le Soudan/Soudan du Sud, l'Union européenne sera reléguée à un rôle secondaire dans le cadre des négociations et des actions internationales;

T.     considérant l'aide apportée par l'Union européenne au panel de haut niveau de l'Union Africaine présidé par l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki, ainsi que l'aide apportée par l'Union aux missions des Nations unies, à savoir la Mission préparatoire des Nations unies au Soudan (UNMIS), la Mission des Nations unies au Soudan du sud (UNMISS), la Mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (UNAMID) et la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei (UNISFA);

U.     considérant qu'un "New deal pour l'engagement dans les États fragiles" a été formulé par le groupe d'États du G7+ (y compris le Soudan du Sud) et par le Dialogue International sur la Consolidation de la Paix et le Renforcement de l'État et a ensuite été approuvé par l'UE, ainsi que par 36 autres pays, au cours du quatrième forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide, qui s'est tenu à Busan en décembre 2011;

V.     considérant qu'un Forum de partenariat économique s'est tenu à Washington en avril 2013, annonçant qu' un "New deal Compact" devrait être établi afin de fixer le cadre d'un nouvel engagement de la communauté internationale pour l'aide au développement du Soudan du sud;

W.    considérant que les efforts extérieurs relatifs à la création et au renforcement de l'État ne peuvent être couronnés de succès qu'à condition que les dirigeants du Soudan du Sud s'engagent à élaborer une gouvernance qui n'exclut personne, est adaptée et rend des comptes et soient en mesure de le faire, tout en surmontant les intérêts clientélistes ou à court terme; considérant que le Soudan du Sud ne figure toujours pas dans la plupart des indicateurs de gouvernance et que les données quantitatives relatives à l'ampleur de la corruption dans le pays restent très rares; considérant que la communauté internationale publique et privée rejette la corruption et doit par conséquent s'assurer que l'apport d'une aide ou d'un investissement n'entraîne ou ne favorise pas les pratiques malveillantes;

X.     considérant qu'il n'existe pas de filet de sécurité sociale et que l'accès aux services tels que les soins de santé, l'électricité et l'eau reste extrêmement limité; considérant que, selon des estimations, seul un tiers de la population a accès à de l'eau salubre et considérant que les problèmes d'accès aux ressources en eau ont exacerbé les conflits communautaires;

Y.     considérant que les femmes et les jeunes filles sud-soudanaises sont confrontées au taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde (une femme sur sept meurt en couches ou des suites de l'accouchement)[29]; considérant que les infections et/ou les hémorragies sont les causes de décès maternel les plus fréquentes et que le Soudan du Sud se heurte à un manque criant tant d'équipement médical de base que d'infirmiers et de sages-femmes qualifiés;

Z.     considérant que l'on estime à 48 % la proportion des jeunes filles sud-soudanaises âgées de 15 à 19 ans qui sont mariées contre leur gré et qu'il est fait état de filles de 12 ans mariées de force, ce qui a des conséquences directes sur la scolarisation des filles, qui ne représentent que 39 % des élèves à l'école primaire et 30 % à l'école secondaire;

AA.  considérant que l'attitude consistant à tenir les femmes pour la propriété de leur père ou de leur mari est profondément ancrée dans les mentalités du fait du système de dot existant au Soudan du Sud;

AB.  considérant que la violence domestique est perçue comme une norme sociale enracinée sur l'ensemble du territoire sud-soudanais et que 82 % des femmes et 81 % des hommes pensent qu'une femme a le devoir de subir cette violence domestique et de ne pas chercher de secours hors de sa famille[30];

AC.  considérant le taux d'analphabétisme estimé à plus de 80 % de la population (le taux le plus élevé au monde pour les femmes), et le taux d'accès à l'éducation pour les filles figurant parmi les plus faibles au monde, les filles ne représentant que 25 % des enfants scolarisés; considérant la pénurie d'enseignants;

AD.  considérant la pénurie d'enseignants et le besoin criant de diplômés issus d'écoles professionnelles, ainsi que le besoin d'établissements éducatifs nécessaires à la formation d'une main-d'œuvre qualifiée;

AE.   considérant le potentiel très prometteur que représente le secteur agricole étant donné les vastes superficies de terres arables du pays; considérant que l'agriculture sud-soudanaise offre non seulement des perspectives commerciales rentables et des possibilités d'emploi pour la communauté, mais qu'elle aiderait également à soulager les besoins alimentaires du pays lui-même et, à terme, ceux de ses voisins;

AF.   considérant le levier que constituent les femmes pour réduire l'insécurité alimentaire et nutritionnelle; considérant qu'elles peuvent participer à l'augmentation de la productivité agricole;

AG.  considérant la quasi-inexistence d'infrastructures permanentes de transport routier, ferroviaire et de voies navigables au Soudan du sud; considérant que le développement de ces infrastructures est nécessaire pour le développement économique du pays et du commerce, pour l'accès aux marchés et pour la création d'emplois;

AH.  considérant qu'on estime à plusieurs millions le nombre de mines antipersonnel et de munitions non explosées encore enfouies au Soudan du sud depuis la guerre civile;

AI.    considérant que la sécurité intérieure reste l'un des défis majeurs du Soudan du Sud et que plusieurs conflits de faible intensité alimentent une grave crise humanitaire; considérant que des exactions commises par des forces de sécurité sud-soudanaises, y compris des actes de torture, des viols et des exécutions extrajudiciaires pendant des campagnes de désarmement civil, ont été signalées à plusieurs reprises; considérant que les efforts de l'après 2005 dans les domaines de la démobilisation, du désarmement et de la réintégration n'ont pas progressé et considérant qu'il n'existe pas de régime de retraite acceptable pour les anciens combattants;

AJ.   considérant que la population fait face à des risques importants d'insécurité alimentaire ayant affecté 4,1 millions de Sud-soudanais cette année; considérant l'accès aux services de santé très limité, la pénurie de personnels et de matériels médicaux, les besoins humanitaires affectant les populations déplacées pour causes de conflits; considérant le taux de mortalité infantile des enfants en dessous de 5 ans, et le taux de mortalité maternelle le plus haut du monde;

AK.  considérant que le Soudan du Sud a perdu 12 places dans le classement de la liberté de la presse dans le monde publié par Reporters sans frontières, passant à la 124e place sur 180 pays classés;

AL.   considérant qu'une stabilité viable à long terme dans la Corne de l'Afrique ne peut être édifiée qu'en se fondant sur des institutions fortes, sur l'attribution d'un rôle adéquat et d'un espace de manœuvre suffisant à la société civile, sur l'état de droit et le respect des droits de l'homme, et notamment de la liberté d'expression, ainsi que sur des perspectives économiques solides pour la société dans son ensemble; considérant que la séparation du Soudan et du Soudan du Sud a, semble-t-il, conduit à des conflits religieux; considérant que de nombreux réfugiés ont fui le Soudan pour rejoindre le Soudan du Sud, un pays en grande partie chrétien; considérant que le nombre estimé de réfugiés venus du Soudan au Soudan du Sud s'élevait, en juin 2013, à 263 000[31];

AM. considérant que des journalistes sont fréquemment menacés, arrêtés et détenus sans inculpation; considérant qu'il a été rapporté que les forces de sécurité harcèlent et détiennent illégalement des journalistes; considérant que les autorités sud-soudanaises n'ont pas mené d'enquêtes rapides, efficaces et impartiales à propos de ces exactions à l'encontre de journalistes ou d'affaires telles que l'exécution du journaliste et détracteur du gouvernement, Isaiah Abraham;

AN.   considérant que les faiblesses du système judiciaire donnent lieu à de graves violations des droits de l'homme; considérant qu'il existe clairement un besoin de formation spécialisée dans le domaine des droits de l'homme pour les juristes; considérant qu'il est nécessaire, afin de tenter de mettre un terme à l'impunité, d'augmenter les connaissances relatives aux instruments de base dans le domaine des droits de l'homme fondamentaux, ce qui contribuera à leur mise en œuvre; considérant qu'il n'existe presque aucune aide juridique dans le système judiciaire pénal;

AO.  considérant que la langue officielle du Soudan du Sud est l'anglais mais que celle-ci n'est pas parlée par la population sud soudanaise majoritairement illettrée, considérant que cette langue prévaut dans les services publics, dans le système judicaire, les entreprises privées ainsi que dans les plus grands médias du pays; considérant que le Soudan du Sud comporte en tout plus de 60 langues et dialectes parlés par les diverses ethnies qui le compose; considérant que la langue est un facteur essentiel de cohésion nationale et considérant l'importance dès lors d'une politique linguistique appropriée;

AP.   considérant que le Soudan du Sud maintient la peine capitale tant que la constitution du pays ne sera pas révisée;

AQ.  considérant que le taux élevé de mariages d'enfants, près de la moitié des filles âgées de 15 à 19 ans au Soudan du Sud sont mariées, crée un environnement qui les rend davantage vulnérables aux violences physiques, sexuelles, psychologiques et économiques;

AR.  considérant que la participation équitable des femmes à la vie publique est un droit constitutionnel soutenu par un quota obligatoire de 25 %; considérant qu'en dépit de l'engagement du gouvernement du Soudan du Sud à accroître la participation des femmes dans le secteur public, les progrès enregistrés dans ce domaine ont été limités; considérant qu'un engagement efficace des femmes sud-soudanaises dans les efforts de paix, la gouvernance et le développement économique est de nature à consolider la paix et la sécurité dans le pays;

1.      se réjouit des derniers signes d'apaisement entre les gouvernements du Soudan du Sud et de la République du Soudan, qui se sont concrétisés au cours du déplacement du président du Soudan du Sud en République du Soudan début septembre 2013, et des déclarations de bonne volonté des deux parties à cette occasion; souligne que le développement économique et social des deux pays dépend dans une grande mesure de leurs relations pacifiques et fondées sur la collaboration;

2.      invite les gouvernements des deux pays et la communauté internationale à poursuivre et à intensifier leurs efforts pour résoudre les problèmes importants qui sont restés en suspens à l'expiration de l'accord de paix global de 2005 et après l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011 et qui continuent d'entraver l'instauration de bonnes relations de voisinage, à n'avoir en aucun cas recours aux menaces et aux forces militaires et à ne soutenir en aucun cas les forces armées irrégulières dans la région;

3.      exhorte les autorités du Soudan du Sud à respecter la résolution 2109 du Conseil de sécurité des Nations unies, à défendre l'état de droit, à honorer leurs responsabilités en matière de protection des civils et à préserver les droits fondamentaux de leurs citoyens; demande également aux autorités du Soudan du Sud d'intensifier leurs efforts en vue de lutter contre les vols violents de bétail à grande échelle qui, depuis longtemps, ont cours dans les zones rurales du pays;

4.      prend acte de la recommandation de l'Union africaine aux gouvernements de Khartoum et de Djouba visant à l'organisation, en octobre 2013, d'un référendum sur la région disputée d'Abyei; demande aux autorités du Soudan du Sud de faciliter la participation des nomades misseriya à cette consultation, faute de quoi Khartoum s'opposerait à ce que le référendum soit organisé; salue la déclaration des autorités du Soudan du Sud rappelant que les Misseriya ont toujours eu librement accès à l'eau et aux pâturages d'Abyei, et qu'ils continueront à l'avenir à bénéficier de ce droit; annonce qu'en tout état de cause, il entend porter une grande attention à l'issue de la réunion que tiendront à New-York, le 23 septembre 2013, les quinze chefs d'État de l'Union africaine sur ce sujet particulier;

5.      propose aux gouvernements du Soudan et du Soudan du Sud d'envisager en dernière instance une saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) afin de régler juridiquement et pacifiquement les derniers problèmes de frontières entre le Soudan et le Soudan du Sud;

6.      exhorte la République du Soudan et la République du Soudan du Sud à pleinement respecter les accords d'Addis Abeba de septembre 2012;

7.      réaffirme son soutien à l'action de l'Union européenne dans la région dans le contexte du cadre stratégique de l'Union pour la Corne de l'Afrique et de l'approche globale à l'égard du Soudan et du Soudan du Sud; observe en outre les chevauchements géographiques qui caractérisent la région du Sahel, ainsi que l'imbrication des défis politiques, économiques et sociaux auxquels cette dernière se voit confrontée; invite par conséquent l'Union européenne à coordonner plus efficacement sa stratégie dans l'ensemble de la région, plus particulièrement en reliant les objectifs et le champ d'application du cadre stratégique de l'Union pour la Corne de l'Afrique à ceux de la stratégie de l'Union européenne pour la sécurité et le développement au Sahel; encourage un examen des droits de l'homme en rapport étroit avec ces deux stratégies; demande par ailleurs à l'Union européenne de prendre contact avec les représentants spéciaux de l'Union européenne pour le Sahel et les droits de l'homme, en sus du RSUE pour la Corne de l'Afrique, dès lors qu'il s'agit de relever les défis exceptionnels auxquels cette région est confrontée, et de s'engager à mener un dialogue approfondi avec les partenaires régionaux en vue d'améliorer la coopération et le développement;

8.      reconnaît et soutient pleinement les bons offices de la représentante spéciale de l'UE pour le Soudan et le Soudan du Sud et des autres partenaires de l'UE; demande à toutes les institutions de l'UE et à l'ensemble de ses États membres de maintenir un dialogue constructif avec la République du Soudan et de contribuer également à un véritable processus de dialogue national exhaustif pour l'avenir de la population du Soudan;

9.      invite instamment les autorités du Soudan et du Soudan du Sud à mettre pleinement en œuvre l'accord de paix global, qui requiert des deux États qu'ils traitent les questions de partage du pouvoir, de citoyenneté, de recettes pétrolières et de partage de la dette; souligne que, malgré d'importantes différences entre les gouvernements de Khartoum et de Djouba, notamment en ce qui concerne le référendum controversé au sujet d'Abyei qui aurait dû avoir lieu en octobre 2013, il existe des signes positifs de coopération entre les deux gouvernements, tels que l'initiative visant à autoriser les mouvements transfrontaliers en préparation de la conclusion d'accords commerciaux entre les deux pays; salue les progrès réalisés par l'Union africaine en vue de réunir les présidents du Soudan et du Soudan du Sud pour encourager la mise en œuvre des accords de coopération; invite le Soudan et le Soudan du Sud à reprendre les négociations portant sur l'approvisionnement du nord en pétrole;

10.    demande au Soudan du Sud et au Soudan d'utiliser au mieux les richesses et le potentiel qu'offrent les ressources pétrolières de la région pour leurs deux pays et de conclure un accord sur les arrangements économiques transitoires non conclus entre les deux pays;

11.    met l'accent sur l'importance de l'accord de coopération, notamment des accords sectoriels qu'il inclut, signé à Addis Abeba par le Soudan et le Soudan du Sud le 27 septembre 2012; souligne cependant son inquiétude quant à la décision unilatérale du gouvernement soudanais de bloquer les exportations de pétrole en provenance du Soudan du Sud et de geler tous les accords sectoriels, mesures qui porteront atteinte à l'économie des deux pays et exacerberont les tensions au niveau régional; invite les gouvernements des deux États à travailler de concert avec le groupe de mise en œuvre de haut niveau de l'Union africaine sur le Soudan afin de revenir à l'accord de coopération, de mettre un terme au soutien apporté aux groupes rebelles armés, d'adhérer pleinement à l'accord concernant la zone frontalière démilitarisée et sécurisée placée sous la surveillance de la force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei, dont l'effectif a été renforcé, et de se préparer à organiser un référendum sur le futur statut d'Abyei;

12.    demande à tous les groupes et à toutes les parties du Soudan du Sud d'élaborer une vision conjointe pour leur pays et son développement pacifique, prospère et équitable; propose au gouvernement du Soudan du Sud d'envisager la mise en place d'une commission réconciliation ou le lancement d'un débat national inclusif afin de mettre fin aux conflits interethniques et d'envisager des relations pacifiques;

13.    souligne qu'il est important de démontrer aux populations du Soudan du Sud l'intérêt et l'efficacité de leur nouvel État démocratique, notamment par la mise en place d'un gouvernement stable qui ne procède pas par décrets présidentiels arbitraires et garantit la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, le respect des droits de l'homme et de la liberté des médias, la prévention de, et la lutte contre, la corruption ainsi que la fourniture de services et d'infrastructures publics, y compris dans les zones rurales situées hors de Djouba; déplore les conséquences de la corruption sur ce nouvel État et demande à la communauté internationale des donateurs, y compris à l'Union européenne, d'évaluer avec soin la capacité du Soudan du Sud à résoudre ce problème; invite en outre le Soudan du Sud à intensifier ses efforts en vue de lutter contre la corruption, y compris les mesures prises à l'initiative du président Kiir à l'encontre de hauts fonctionnaires, tout en encourageant le gouvernement à poursuivre la mise en œuvre de son programme de développement, notamment par la diversification de son économie, qui permettra de diminuer la dépendance du pays à l'égard des exportations de pétrole;

14.    exhorte le Soudan du Sud à ratifier l'accord de Cotonou entre l'UE et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) pour garantir l'engagement à long terme de l'UE dans le développement du Soudan du Sud et souligne que l'adhésion du Soudan du Sud à cet accord n'aura absolument aucune incidence sur sa réconciliation et ses relations constructives avec la République du Soudan dont l'intérêt à long terme réside, en réalité, dans la prospérité de tous ses voisins;

15.    invite l'État sud-soudanais à ratifier le plus vite possible les conventions internationales protégeant les droits de l'homme;

16.    invite les principaux partenaires internationaux, notamment les États membres de l'UE, la Commission et le SEAE, à maintenir leur engagement en faveur de la création et du renforcement de l'État et de la sécurité de l'ensemble du peuple soudanais; souligne la nécessité d'établir un lien entre la consolidation de la paix, y compris l'aspect de gestion du passé, et les efforts de renforcement de l'État afin de garantir un résultat durable sur ce dernier point; soutient l'engagement de l'UE en tant que partenaire clé au titre du "nouveau deal" pour la consolidation de la paix et le renforcement de l'État qui se traduira par un "nouvel accord compact";

17.    invite les principaux partenaires internationaux, notamment les États membres de l'UE, la Commission et le SEAE, à maintenir leur engagement en faveur de la création et du renforcement de l'État et de la sécurité de l'ensemble du peuple soudanais; soutient l'engagement de l'UE en tant que partenaire clé au titre du "nouveau deal" pour le renforcement de l'État qui se traduira par un "nouvel accord compact";

18.    souligne l'importance du soutien de l'Union européenne, en collaboration avec des partenaires et des donateurs multilatéraux, apporté au Soudan du Sud dans son parcours vers la démocratie; salue, à cet égard, la contribution de l'Union, à hauteur de 4,9 millions d'USD, à l'Organisation internationale pour les migrations, qui favorisera le dialogue et la communication entre les différents clans et différentes tribus en ce qui concerne le partage des ressources disponibles en faible quantité (eau, pâturages) dans un contexte de croissance des violences intercommunautaires; félicite l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) pour son travail de préservation des archives historiques, qui constituent un outil important pour le processus de construction nationale du Soudan du Sud; exhorte le gouvernement du Soudan du Sud, étant donné la sensibilité croissante de la communauté internationale vis-à-vis des armes chimiques, à signer et à ratifier dans les plus brefs délais la convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, ainsi que d'autres traités en faveur du désarmement et de la maîtrise des armements, y compris ceux portant sur la lutte contre la circulation illicite et incontrôlée des armes de petit calibre et armes légères;

19.    rappelle que toutes les formes d'aide budgétaire aux pays en développement nécessitent des instruments appropriés en matière de gestion des risques, devraient venir compléter les autres modalités d'aide et doivent être soutenues par un contrôle parlementaire approprié du budget national dans le pays destinataire, ainsi que par d'autres formes de responsabilisation et par la participation des citoyens, et que toutes ces mesures doivent être garanties et soutenues à la fois par le gouvernement national et les donateurs d'aide respectifs;

20.    encourage le SEAE, la représentante spéciale de l'UE et la Commission à accroître la sensibilisation relative aux contributions extrêmement positives de l'UE en faveur d'une transition démocratique pacifique et du développement économique et social du Soudan du Sud ainsi que leur visibilité; est préoccupé par le fait que la décision de mettre un terme au mandat de la représentante spéciale de l'UE pour le Soudan et le Soudan du Sud pourrait diminuer encore davantage cette visibilité et les moyens d'action de l'UE et de ses États membres, alors que plusieurs engagements de l'accord de paix global de 2005 et de l'accord d'Addis Abeba de septembre 2012 n'ont toujours pas été entièrement remplis; demande l'extension du mandat de la représentante spéciale, au lieu du projet visant à ajouter le Soudan au mandat du représentant spécial pour la corne de l'Afrique, qui est déjà surchargé;

21.    invite à une révision régulière du cadre stratégique de l'Union pour la Corne de l'Afrique et de son approche globale à l'égard du Soudan et du Soudan du Sud, de sorte que les moyens d'action et les ressources soient adaptés au soutien du processus de paix et de la mise en place de la démocratie, notamment de la préparation des élections de 2015; note que les mandats futurs, y compris les décisions de fusionner les postes des représentants spéciaux de l'Union dans la région, devraient être examinés dans le cadre de cette révision et en fonction des réalités politiques sur le terrain;

22.    se réjouit du fait que l'UE s'est engagée à affecter 285 millions d'euros en faveur de l'aide au développement au Soudan du Sud depuis 2011, à l'époque de l'indépendance du Soudan du Sud (à l'exclusion de l'aide des États membres), pour compléter l'aide humanitaire;

23.    appelle l'État à ne pas empêcher les ONG et les organisations humanitaires à atteindre les populations qui sont dans des zones de conflit; rappelle que cette entrave aux ONG et aux organisations humanitaires est une violation du droit international humanitaire;

24.    soutient les priorités de l'UE en matière d'aide en faveur du Soudan du Sud pour l'agriculture, la gouvernance démocratique, l'État de droit, l'éducation et la santé; observe qu'en dépit de l'existence d'une législation et d'une réglementation, la mise en œuvre est en retard; se réjouit des efforts déployés par la Commission pour soutenir le renforcement de la capacité du système juridique sud-soudanais, notamment en faveur d'une assistance technique destinée à la Cour suprême et au système judiciaire; se réjouit du soutien de l'UE en faveur de l'Assemblée législative nationale du Soudan du Sud;

25.    invite la Commission, les États membres et les autorités du Soudan du Sud à coopérer avec des communautés et des associations de femmes pour fournir et promouvoir l'accès à l'éducation et aux services relatifs aux droits et aux soins de santé en matière sexuelle et génésique auprès des jeunes filles et des femmes, notamment l'accès à la contraception, au dépistage du VIH et au traitement du sida;

26.    demande à ce qu'un suivi et une évaluation réguliers soient faits des projets financés par l'Union européenne, y compris en ce qui concerne les progrès en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, et à ce que le Parlement européen soit informé;

27.    demande la prise en compte de l'avis des populations concernées, notamment des femmes, pour mieux cibler les objectifs à atteindre par les projets et pouvoir les adapter en fonction des données du terrain et des évolutions;

28.    invite la communauté internationale et en particulier l'Union européenne et les États membres dans leur action extérieure, en coopération avec les partenaires locaux et les ONG, à mettre l'accent sur l'accès à l'éducation primaire des filles et la lutte contre l'illettrisme des adultes, qui prive véritablement le Soudan du Sud d'un capital humain précieux pour le développement et qui permettrait de renforcer l'État démocratique du Soudan du Sud;

29.    recommande de mettre en place au plus vite un système éducatif permettant de bâtir et d'entretenir les infrastructures du Soudan du Sud comme ses routes, ses logements, son système de traitement des eaux, ses stations d'épuration, ses réseaux électriques, informatiques, téléphoniques, etc.;

30.    se réjouit du soutien de l'UE en faveur du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l'Union africaine sur le Soudan et le Soudan du Sud tout en invitant à un examen du groupe en vue d'évaluer son efficacité; déplore le fait que le soutien de l'UE n'est pas toujours pleinement visible;

31.    souligne la nécessité de soutenir des mécanismes de distribution et de gestion appropriées et transparentes des recettes pétrolières; invite les autorités sud-soudanaises et l'Assemblée législative nationale, ainsi que les entreprises et les partenaires internationaux présents au Soudan du Sud à favoriser la transparence relative à la génération et à l'utilisation de ces recettes; se réjouit de l'adoption récente du projet de loi relatif à la gestion des recettes issues du pétrole par l'Assemblée législative nationale; demande la promulgation rapide par le président et la mise en œuvre rapide de toutes les modalités du projet de loi;

32.    souligne la nécessité d'un effort en faveur d'investissements durables et substantiels dans les infrastructures, la fourniture de services de base et le développement agricole du Soudan du Sud; appelle à ce que l'agriculture soit développée prioritairement pour assurer la sécurité alimentaire de la population et la diversification économique du pays; s'inquiète que d'éventuelles concessions de terres fertiles à des groupes privés étrangers, pour des périodes excessives et une exportation massive, mettent en danger la sécurité alimentaire du pays; souligne que le régime foncier a été largement négligé au Soudan du Sud, bien que les litiges fonciers représentent depuis longtemps l'une principales des causes du conflit dans le pays; demande à l'Union de soutenir les efforts dans le domaine de la gouvernance foncière et du renforcement de la sécurité foncière, tout en tenant compte des arrangements informels locaux visant à résoudre les litiges et de la reconnaissance du régime foncier coutumier;

33.    encourage le gouvernement du Soudan du Sud à favoriser la diversification économique et à réduire la dépendance à l'égard des hydrocarbures; encourage le Soudan du Sud à augmenter la production alimentaire locale, ainsi qu'à développer les industries d'exportation et les infrastructures de transport, dans le but de faciliter l'accès aux marchés;

34.    insiste sur le potentiel que les femmes représentent pour le développement de l'agriculture et de l'économie rurale; encourage le Soudan du Sud à mettre en place des mesures favorisant la participation des femmes à ces activités économiques;

35.    rappelle l'importance du développement et de l'amélioration des infrastructures permettant l'accès à une eau potable et améliorée à travers le pays, recommande de renforcer la planification de l'investissement dans l'énergie hydraulique;

36.    souligne la nécessité d'un effort renouvelé en faveur de la sécurité de l'ensemble du peuple soudanais par le gouvernement du Soudan du Sud et ses partenaires internationaux pour poursuivre le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) des groupes armés et entreprendre une réforme du secteur de la sécurité (RSS) de plus grande ampleur entraînant une réduction de la taille de l'armée permanente, ainsi que sa professionnalisation, le respect complet du contrôle exercé par la société civile et de la chaîne de commandement, de même qu'un plus grand respect des droits de l'homme parmi les forces armées; souligne la nécessité de s'engager de manière constructive et fréquente auprès de la société civile et des associations de femmes sud-soudanaises afin de lutter contre le problème de l'insécurité et de promouvoir le respect des droits de l'homme, y compris des droits de la femme;

37.    s'inquiète fortement du fait que, dans les conflits armés au Soudan du Sud, les femmes et les enfants représentent l'immense majorité des déplacés internes et des réfugiés; demande un contrôle efficace des droits de l'homme, couvrant également les violences sexuelles ou fondées sur le genre et les abus visant les enfants; appelle toutes les parties au conflit à mettre un terme à l'impunité des auteurs de ces crimes;

38.    exhorte le gouvernement sud-soudanais à garantir l'égalité des genres et à veiller à ce que les femmes jouissent de leurs droits et de leurs libertés sans aucune discrimination, qu'elle soit fondée sur le genre, la race, les convictions religieuses ou culturelles, l'origine nationale ou sociale;

39.    invite les autorités du Soudan du Sud à introduire un droit de la famille fixant un âge minimal pour le mariage et des conditions relatives à la garde des enfants, ainsi que des dispositions visant à lutter contre la violence fondée sur le genre, qui fassent notamment des pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mutilations génitales féminines des infractions sanctionnées pénalement;

40.    presse le gouvernement sud-soudanais de ratifier la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant;

41.    invite le gouvernement du Soudan du Sud à poursuivre sa pleine coopération avec la Mission des Nations unies au Soudan du sud (UNMISS) et à aider les Nations unies à remplir leur mandat, notamment en ce qui concerne la protection des civils; exhorte les États membres des Nations unies à maintenir leur engagement en faveur de l'UNMISS tout en adaptant de manière réaliste, si nécessaire, son mandat, en tenant compte de l'évolution de la capacité des autorités sud-soudanaises à garantir la sécurité de sa population au cours des années à venir;

42.    s'étonne de ce que les Nations unies n'accorde pas à l'UE, vu ses contributions dans le budget à l'ONU, un statut privilégié lors des missions électorales en garantissant la protection des observateurs et le soutien à leur bon fonctionnement (logement sécurisé, accès aux soins de santé);

43.    souligne qu'il est important de remplacer la Constitution provisoire par une Constitution permanente par l'intermédiaire d'une consultation et d'un soutien populaires; s'inquiète du manque de volonté politique du gouvernement du Soudan du Sud; rappelle avec énergie au gouvernement les obligations qui lui incombent, en vertu du décret présidentiel, d'organiser un processus de révision constitutionnel et appelle le gouvernement à le faire avant le scrutin de 2015; invite l'Union européenne et ses États membres à accompagner et à soutenir un processus constitutionnel d'appartenance et d'initiative locales, qui doit inclure la participation de tous les groupes de la société, y compris des femmes et des personnes vivant dans les régions périphériques; demande à la délégation de l'Union européenne à Djouba, en prévision des élections présidentielles de 2015, de veiller à la mise en œuvre des mesures prévues dans le rapport de la mission d'observation électorale de l'Union en 2011;

44.    se félicite de l'engagement pris par le président du Soudan du Sud pour atteindre un objectif d'au moins 25 % de femmes dans le gouvernement et l'invite à renforcer la participation des femmes dans le processus constitutionnel en cours; rappelle que les femmes jouent un rôle-clé dans la résolution des conflits, dans la consolidation de la paix et dans la construction d'un État stable; invite, dès lors, les autorités du Soudan du Sud à garantir que les femmes sont pleinement impliquées dans la mise en œuvre du processus de paix avec le Soudan; invite la communauté internationale à continuer à soutenir la participation des femmes à la vie publique à tous les niveaux;

45.    exhorte le gouvernement sud-soudanais à accroître ses efforts pour établir une feuille de route afin de soutenir la transition jusqu'au rétablissement complet de l'État de droit et de l'ordre constitutionnel dans l'ensemble du pays, par l'organisation d'élections démocratiques, libres, équitables et transparentes en 2015; invite l'UE et ses partenaires internationaux à accroître leur soutien en faveur du prochain processus électoral;

46.    fait remarquer que, depuis le CPA de 2005, des efforts ont été consentis afin de renforcer la lutte contre la corruption, mais que le cadre anticorruption du Soudan du Sud reste à l'état embryonnaire et que, même s'il existe des instruments juridiques, le manque de capacités, de ressources et de volonté politique est susceptible d'entraver leur mise en œuvre; encourage le Soudan du Sud à ratifier les conventions internationales contre la corruption et invite les autorités à élaborer et à mettre en œuvre une stratégie intégrée de lutte contre la corruption; souligne que la communauté internationale et l'Union européenne devraient soutenir les efforts du Soudan du Sud dans ce domaine, notamment en augmentant le soutien au renforcement des capacités;

47.    invite instamment le gouvernement du Soudan du Sud à adopter des lois sur les médias en vue de protéger la liberté des médias et de protéger ceux-ci lorsqu'ils publient leurs informations;

48.    invite le service de sécurité nationale du Soudan du Sud à mettre un terme au harcèlement des militants des droits de l'homme et des journalistes et à la censure et à la détention illégale des journalistes, qui constituent des agissements contraires à la Constitution du Soudan du Sud, qui impose au gouvernement de garantir la liberté de la presse;

49.    exhorte les autorités du Soudan du Sud à mener des enquêtes rapides, efficaces et impartiales à propos de toutes les accusations de menaces et d'exactions à l'encontre des militants des droits de l'homme et des journalistes et à faire en sorte que leurs auteurs présumés répondent de leurs actes, conformément aux normes internationales; se réjouit des récentes mesures prises par les autorités pour enquêter sur l'exécution de civils et sur les violations présumées des droits de l'homme par les forces armées;

50.    exhorte le gouvernement du Soudan du Sud à faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre un terme aux exécutions extrajudiciaires et identifier et traduire en justice les agents des services de sécurité qui sont accusés d'avoir exécuté le journaliste Isaiah Abraham;

51.    exhorte les autorités du Soudan du Sud à renforcer la lutte contre l'impunité en formant les services judiciaires et répressifs à l'utilisation d'instruments conçus pour prévenir et endiguer les violences faites aux femmes, en veillant à ce que les auteurs soient effectivement condamnés;

52.    recommande au Conseil des droits de l'homme d'instaurer un mécanisme de suivi pertinent sur la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud, par exemple un expert indépendant;

53.    s'oppose fermement à la peine de mort, quelles que soient les circonstances; appelle le Soudan du Sud à prendre des mesures spécifiques en vue de son abolition;

54.    souligne que les femmes du Soudan du Sud sont confrontées à de multiples formes de discrimination et de violations de leurs droits fondamentaux, notamment les mariages précoces et forcés fréquents, l'absence de droit familial, la participation politique limitée des femmes à tous les niveaux de l'administration et la violence sexuelle et domestique très répandue; demande au gouvernement du Soudan du Sud d'éliminer toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes et d'établir un plan d'action national pour mettre un terme aux mariages d'enfants notamment en promouvant l'accès à l'éducation pour les jeunes et le rôle des femmes dans la société; réitère l'urgence de lutter contre l'analphabétisme et améliorer l'accès à l'éducation pour les femmes qui ont un rôle essentiel à jouer dans la construction du nouveau pays; rappelle que la coutume tient une place importante dans la société sud-soudanaise, or certaines pratiques coutumières sont discriminatoires à l'encontre des femmes; appelle l'État à mettre fin à ces pratiques et à s'associer avec les ONG pour former le personnel de justice aux droits de l'homme;

55.    salue la création de la première faculté destinée à former du personnel infirmier et des sages-femmes au sein de l'hôpital universitaire de Djouba, mais signale la nécessité d'augmenter le nombre d'infirmiers et de sages-femmes pour améliorer de façon notable la santé maternelle et infantile, ainsi que, pour ouvrir la voie, de créer davantage de centres de santé fondés sur ce modèle dans l'ensemble du pays;

56.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement du Soudan du Sud, du Soudan, au Commissaire aux droits de l'homme du Soudan du Sud, à l'Assemblée législative nationale du Soudan du Sud, à l'Assemblée national du Soudan, à l'Union africaine et au Secrétaire général des Nations unies.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1.   Parcours du Soudan du Sud vers l'indépendance et réalisations inachevées du CPA 

L'accord de paix de Naivasha (dit: "Comprehensive Peace Agreement", ou CPA) qui mit fin en 2005 à 22 ans de guerre civile au Soudan, prévoyait après un délai de quatre ans que des élections générales se tiendraient (elles ont eu lieu avec retard en juillet 2009) et qu'il y aurait dans le Sud un référendum d'auto-détermination (il a eu lieu en janvier 2011). Le CPA avait été signé avec l'appui de toute la communauté internationale. Cette dernière a mis un point d'honneur à accompagner le processus de paix jusqu'à son terme et à financer les élections et le référendum. Ce fut aussi le cas de l'Union européenne, qui dépêcha une mission d'observation électorale et dégagea un budget considérable pour soutenir techniquement les Soudanais qui votaient pour la première fois librement depuis plus de 20 ans. Lors du référendum, les Sud-Soudanais ont massivement voté pour l'indépendance, sans qu'aucun des problèmes essentiels à régler et notamment la définition des frontières, n'ait fait l'objet d'un accord entre le Nord et le Sud. Le rapport final de la mission électorale concluait à un processus référendaire crédible malgré de sérieuses défaillances, et à un accomplissement politique et organisationnel remarquable étant donné les délais. Mais le référendum au Sud n'était pas la seule exigence du CPA.

Le CPA prévoyait aussi un référendum sur le statut d'Abiyei (zone frontalière du Sud Khordofan et fortement pétrolifère) et la résolution de conflits dans deux États du Soudan: le Sud Kordofan et le Nil bleu. Les conflits sont toujours en cours, le référendum d'Abiyei n'a pu se tenir, et les consultations populaires sont actuellement suspendues. En outre, le CPA enjoignait aussi aux deux parties, si elles se séparaient, à régler les questions litigieuses de citoyenneté, de partage du pouvoir, du partage des richesses, notamment pétrolières, de partage de la dette, et à conclure des accords sur les arrangements sécuritaires, etc. Là encore, les avancées sont minces.

Le CPA n'est donc pas encore arrivé à son terme: le travail n'est pas terminé pour la communauté internationale. Deux ans après l'indépendance du Soudan du Sud, l'objectif de ce rapport est de faire le point sur l'état de ce jeune pays et des difficultés qu'il rencontre. La stabilité de toute cette partie de la corne de l'Afrique en dépend. L'Europe en fait-elle assez? Le fait-elle de manière assez visible? Choisit-elle bien ses priorités? Elle est loin d'être la seule actrice de cette pièce, puisque l'ONU, tant au Nord qu'au Sud, a déployé des missions et des ressources importantes pour stabiliser les zones de conflit (MINUS, MINUSS), comme Abiyei (FISNUA) ou le Darfour (MINUAD). L'Union africaine est également un acteur de premier plan. La conclusion des accords de coopération d'Addis-Abeba le 27 Septembre 2012 avec 8 accords complémentaires (concernant le pétrole, le commerce, les questions frontalières, les opérations bancaires, les statuts des nationaux respectifs, les retraites, certaines questions économiques, et les mesures de sécurité) et plus tard, la signature du plan de mise en œuvre des accords (12 mars 2013), ont été rendues possibles grâce à l'intervention du panel de haut niveau de l'Union africaine (AUHIP), composé de l'ex-président sud-africain Thabo Mbeki, de son président et des anciens présidents Pierre Buyoya du Burundi et Abdulsalami Abubakar du Nigeria. L'Union européenne soutient financièrement ce panel. Ces accords permirent notamment la réouverture et la ré-exploitation - après une interruption de plus d'un an - des puits pétroliers sud-soudanais totalement dépendants des infrastructures (oléoducs, etc.) soudanaises, mais ces accords restent des plus fragiles et potentiellement utilisables comme arme de contrainte soudanaise, comme l'a montré le récent retour en arrière annoncé par le président El-Bachir (9 juin 2013).

La communauté internationale n'est pas en reste. Les États-Unis, l'Union européenne, la Norvège et 40 autres gouvernements et organisations internationales se sont réunis le 16 avril 2013 lors d'un Forum à Washington. Ce Forum marque le début d'un partenariat pour renforcer la gouvernance, l'inclusion politique ('political inclusiveness'), le développement durable du Soudan du Sud et les progrès accomplis depuis son accès à l'indépendance. L'Union européenne a, dans ce cadre-là (avec la troïka US, UK, Norvège), joué un rôle clé dans la préparation d'un roadmap visant à l'établissement d'un Nouveau partenariat pour le Soudan du Sud, qui se traduira par un "nouvel accord compact" ('New Deal Compact') basé sur des engagements réciproques et qui sera probablement avalisé lors d'une Conférence d'Investissement de Haut Niveau plus tard dans l'année 2013. Le Soudan du Sud devra satisfaire à des critères ('benchmarks') sur une amélioration de sa gouvernance économique et politique, sur sa gestion financière du secteur public, sur sa gestion des ressources naturelles, sur la lutte contre la corruption, en échange d'aide financière de ses partenaires internationaux, dont un support budgétaire de l'IFIs, un contrat de State Building de l'Union européenne et un 'Fonds multi-donateurs de partenariat pour le Soudan du Sud' (multi-donor South Sudan Partnership Fund').

2.   Développement économique et humain

Le Soudan du Sud est un des pays les plus pauvres du monde avec 50,6 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté par rapport aux standards des "objectifs du millénaire". L'accès à une eau potable et de qualité est un problème récurrent durant les saisons sèches. Le système de santé est, lui aussi, très déficient et le pays est tristement connu pour avoir un des pires indicateurs de santé dans le monde; à titre d'exemple, la mortalité infantile est de 153,5 pour 1 000 enfants, avec des taux de mortalité maternelle ayant atteint 2053 décès pour 100 000 femmes en 2010 selon les chiffres UNICEF. En matière d'éducation, des progrès énormes doivent être menés pour pallier l'analphabétisme (80 % de la population), surtout féminin - le plus élevé dans le monde- ou encore l'absentéisme à l'école des enfants de 6 à 11 ans (plus d'1 millions, soit 64 %), la pénurie d'enseignants et les insuffisances dans la formation professionnelle.

Toujours largement tributaire du pétrole, l'économie du Soudan du Sud reste fragile, minée par une production domestique limitée et par une forte dépendance à l'égard des importations. Le pays souffre d'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans tous les secteurs stratégiques de l'économie. Quoique abondantes, les ressources naturelles (pétrole, minerais de fer, cuivre, chrome, or, zinc, diamants, tungstène, mica, bois dur, énergie hydraulique, etc.) n'offrent pas d'ancrage suffisamment solide pour une transformation structurelle, d'où l'impossibilité de tirer pleinement parti de leur disponibilité. La diversification économique est donc faible et tout doit être fait, via des stratégies de développement durable et de croissance inclusive ('inclusive growth'), pour réduire la dépendance aux hydrocarbures. L'augmentation de la production alimentaire locale, le développement de la transformation alimentaire et des industries exportatrices sont parmi les voies à suivre vers la diversification, avec la construction d'infrastructures de transports (routières, canaux, chemins de fers, aériennes) qui conditionnent cette diversification et qui renforceront les accès aux marchés.

Mais le développement économique reste entièrement dépendant de l'évolution politique du pays et en particulier des rapports entre le Nord et le Sud. En janvier 2012, le Sud a fermé le robinet du pétrole vers le Nord, se mettant lui-même en danger, avec une totale dépendance vis-à-vis de la communauté internationale. La Conférence de Washington, a essayé de mobiliser un appui international afin d'éviter un collapse socio-économique avec des répercutions politiques sévères. Mais les négociations ayant abouti à un nouvel accord de reprise de l'acheminement du pétrole vers le Nord, ont, en juin 2013, une fois de plus été mise à mal, cette fois par le Nord. L'arme du pétrole, utilisée tantôt par le Nord, et tantôt par le Sud, n'est qu'un symptôme de l'absence de normalisation des relations entre les deux pays. Cela vaut certes mieux que de reprendre la guerre, mais entraîne une dépendance économique que la communauté internationale a de la peine à supporter. Des projets de détournement du raffinement et de l'exportation du pétrole via le Kenya et l'Ethiopie sont à l'étude, mais ce ne serait qu'une solution à moyen terme pour le Soudan du Sud et nécessiterait des investisseurs qui jusqu'ici font encore défaut. Les Chinois restent à ce jour les grands partenaires du Sud Soudan dans ce domaine.

Le politique n'est pas le seul frein au développement du Soudan du Sud: la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, le fonctionnement des administrations, l'établissement d'infrastructures, sont des pré-conditions à un développement économique durable. C'est dans ces domaines que l'Union européenne et ses États membres ont fait la différence. Une stratégie unique de réponse au défi du Soudan du Sud[1] a été adoptée par le Conseil en décembre 2011. 285 million ont été alloué dans le cadre du 9e me FED amenant la contribution totale de l'UE à 830 million d'EUR Elle servira à assurer la sécurité alimentaire/en tenant compte des ressources naturelles, la santé, l'éducation, l'état de droit, l'eau et l'hygiène du jeune État.

3. Sécurité, aide humanitaire, droit de l'homme et établissement de l'état de droit

Mais outre les tensions politiques et l'absence actuelle d'un État bien constitué, la sécurité reste l'un des enjeux cruciaux pour le jeune État, en plus d'être un facteur de déstabilisation permanent, déstabilisation assortie de problèmes humanitaires graves. Il existe actuellement au Soudan du Sud plusieurs zones d'instabilité, sans parler des conflits avec les forces armées du Soudan:

-     la région frontalière d'Abyei (pétrolifère) disputée par le Soudan du Sud et le Soudan (contrôlé par UNISFA) où de vives tensions persistent actuellement entre Dinka Ngok et Misseriya. Il est à noter que l'accès à Abyei pour les organisations humanitaires a été sévèrement limité depuis mai 2011 et qu'aucune de ces organisations n'a accès aux zones du nord de la région d'Abyei.

-     des conflits intertribaux ou interethniques dans l'État sud-soudanais de Jonglei (principalement entre Murle et Lou Nuer) et des hostilités entre le SPLA et les forces de David Yau Yau (SSDM/A) ont, là aussi, causé des déplacements massifs de populations et fait naître de graves préoccupations pour la protection des civils. Les problèmes de sécurité dans l'État d'Unity sont identiques (– ex: les rafles de bétail 'Cattle raids' entre les États de Lakes et d'Unity, la lutte pour l'accès aux ressources, etc.). L'accès humanitaire n'avait pas souffert d'entraves de la part des autorités civiles dans les zones contrôlées par la SSDA,

L'Union européenne continue de fournir au Soudan du Sud une aide humanitaire importante dans le cadre des décisions de financement mondial et des plans humanitaires de mise en œuvre annuels (Humanitarian Implementation Plans - HIPs), au-delà des fonds de l'aide au développement qui, eux, sont inscrits dans une logique de LARD (Liens entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement), mais étant donné la nature transfrontalière des crises humanitaires, les chiffres fourni par ECHO englobent généralement ceux pour le Soudan et le Soudan du Sud - à hauteur de 140 millions en 2011 et de 157 millions en 2012 (pour l'année 2012, 110 millions auraient été destinés au seul Soudan du Sud).

Toutefois, l'impact de ces conflits armés sur les populations civiles, les déplacements massifs, les persécutions d'activistes des droits de l'homme, de journalistes, les spoliations de bétails et de ressources naturelles, etc., ont montré l'impérieuse nécessité pour le Soudan du Sud d'établir un contrôle et une sécurisation effective dans ses propres frontières. À ce niveau, bien que des efforts aient déjà été fournis par les autorités sud-soudanaises grâce à une assistance extérieure considérable (comme la mise en place, entre autres: d'un service de police national Sud Soudanais (SSNPS), d'un conseil de sécurité nationale et de désarmement (SCND) et d'un conseil de démobilisation et de réintégration (DDR), de campagnes de désarmement, d'un programme de réduction des effectifs de l'armée et de réaffectation vers les services pénitentiaires, d'un service de protection de la vie sauvage et de brigades du feu), il reste néanmoins beaucoup de défis à relever, particulièrement le renforcement de la gestion des frontières et des migrations, la mise en place de campagnes de désarmement civil, des mesures de contrôle et d'enregistrement des armes de poing et légères et de renforcement de la législation à cet effet, des mesures pour combattre la violence domestique, etc.

Le développement des capacités du Soudan du Sud en matière de justice et d'état de droit est un autre élément clé de stabilisation et de renforcement de l'État. Le pays souffre d'un manque accru de services publics de base, et la confiance envers le système judicaire sud-soudanais, miné par la corruption, est au plus bas. Des défis majeurs doivent être relevés, comme l'ampleur du droit coutumier dans le système légal, qui maintient de nombreuses inégalités de fait (notamment de genre), l'accès très faible à la justice pour le citoyen, ou encore la pénurie de certaines professions, notamment celles de juges ou d'avocats. Il en va de même de la nécessité de professionnalisation et de formation du personnel judicaire, des fonctionnaires d'État et de la société civile soudanaise aux instruments légaux et aux normes internationales et des droits de l'homme. Les objectifs de l'Union européenne en ces matières sont de faire du Soudan du Sud un 'État durable de développement inclusif' (Sustainable Inclusive Development State) qui polarisera ses efforts sur trois agendas: - un agenda de construction de l'État (State Building), un agenda de construction de la Nation (National building agenda) et un agenda d'intégration régionale.

4.   Conclusions

À la lumière de ce bref survol des avancées et des défis qui subsistent au Soudan du Sud, il est évident que l'Europe, loin d'abandonner ce jeune État après le référendum de 2011, s'est fortement engagée à ses côtés, comme toute la communauté internationale. Mais des questions subsistent cependant, auxquelles le rapport devrait tenter d'apporter des réponses:

- Cet engagement et la stratégie suivie, si importants pour la corne de l'Afrique, ont pourtant été très peu débattus au Parlement européen. Le Parlement n'a guère été associé à cette stratégie et les critères utilisés, comme les priorités définies, ont manqué de transparence. Le futur du Soudan du Sud passe par de bonnes relations avec le Nord: Quels ont été les efforts diplomatiques déployés par l'Union européenne? Nous avons un représentant spécial pour la corne de l'Afrique, mais la visibilité médiatique de l'engagement de l'Union européenne n'est pas à la hauteur de l'appui fourni par l'UE. ,. En particulier, toute la négociation politique entre Nord et Sud a été confiée au panel de haut-niveau de l'Union africaine, piloté par le président Mbeki mais partiellement financé par l'Union européenne. Comment ne pas tomber dans un néo-colonialisme sans perdre le bénéfice d'une opération politique financée par l'Union européenne? De plus, la Représentante Spéciale Rosalind Marsden a été avisée de la fin de son mandat, fin octobre 2013, alors que les problèmes du Soudan du Sud, loin d'être résolus, ont connu un regain d'acuité. Est-ce bien raisonnable? Comment évaluer l'apport de l'Union européenne?

- La signature des accords de Cotonou révisés faciliterait la possibilité d'aider le Soudan du Sud mais compliquerait ses relations avec le Soudan, vu le mandat d'arrêt qui pèse sur le Président soudanais Bachir. Comment résoudre ce problème?

  • [1]  Stratégie unique de réponse au défi du Soudan du Sud de l'UE 2011-2013

AVIS de la commission des affaires étrangères (25.10.2013)

à l'intention de la commission du développement

sur les efforts de la communauté internationale dans le domaine du développement et du renforcement de l'État au Soudan du Sud
(2013/2090(INI))

Rapporteur pour avis: Charles Tannock

SUGGESTIONS

La commission des affaires étrangères invite la commission du développement, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

–   vu la résolution adoptée le 27 juin 2013 par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur l'"Assistance technique et le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme au Soudan du Sud",

A. considérant que seule une approche globale permettra de résoudre le problème du corridor d'insécurité, de sous-développement et de mauvaise gouvernance qui s'étend du Sahel à la Corne de l'Afrique;

B.  considérant que certaines mesures ont été prises dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS), telles que la création du service de police nationale du Soudan du Sud (SPNSS), du conseil national de la sécurité et du désarmement (CNSD), ainsi que du conseil pour la démobilisation et la réinsertion (CDR);

C. considérant que 98 % des recettes du budget national du Soudan du Sud proviennent de la production de pétrole, ce qui rend le Soudan du Sud fortement dépendant du pétrole; considérant que la production de pétrole est limitée et que le pays est fortement dépendant des importations; considérant que le Soudan du Sud dépend encore de Port-Soudan, au nord, pour ses exportations de pétrole;

D.  considérant que les perspectives de développement et de consolidation de l'État à plus long terme au Soudan du Sud sont indissociables des interdépendances régionales dans la Corne de l'Afrique et sont liées en particulier à la résolution des problèmes de sécurité avec le Soudan voisin (notamment dans les régions du Darfour, du Kordofan et du Nil bleu), ainsi qu'à l'investissement dans une intégration économique avec d'autres partenaires régionaux;

E.  considérant qu'une stabilité viable à long terme dans la Corne de l'Afrique ne peut être édifiée qu'en se fondant sur des institutions fortes, sur l'attribution d'un rôle adéquat et d'un espace de manœuvre suffisant à la société civile, sur l'état de droit et le respect des droits de l'homme, et notamment de la liberté d'expression, ainsi que sur des perspectives économiques solides pour la société dans son ensemble; considérant que la séparation du Soudan et du Soudan du Sud a, semble-t-il, conduit à des conflits religieux; considérant que de nombreux réfugiés ont fui le Soudan pour rejoindre le Soudan du Sud, un pays en grande partie chrétien; considérant que le nombre estimé de réfugiés venus du Soudan au Soudan du Sud s'élevait, en juin 2013, à 263 000[1];

1.  réaffirme son soutien à l'action de l'Union européenne dans la région dans le contexte du cadre stratégique de l'Union pour la Corne de l'Afrique et de l'approche globale à l'égard du Soudan et du Soudan du Sud; observe en outre les chevauchements géographiques qui caractérisent la région du Sahel, ainsi que l'imbrication des défis politiques, économiques et sociaux auxquels cette dernière se voit confrontée; invite par conséquent l'Union européenne à coordonner plus efficacement sa stratégie dans l'ensemble de la région, plus particulièrement en reliant les objectifs et le champ d'application du cadre stratégique de l'Union pour la Corne de l'Afrique à ceux de la stratégie de l'Union européenne pour la sécurité et le développement au Sahel; encourage un examen des droits de l'homme en rapport étroit avec ces deux stratégies; demande par ailleurs à l'Union européenne de prendre contact avec les représentants spéciaux de l'Union européenne (RSUE) pour le Sahel et les droits de l'homme, en sus du RSUE pour la Corne de l'Afrique, dès lors qu'il s'agit de relever les défis exceptionnels auxquels cette région est confrontée, et de s'engager à mener un dialogue approfondi avec les partenaires régionaux en vue d'améliorer la coopération et le développement;

2.  souligne qu'il importe de soutenir le nouvel État du Soudan du Sud, tout particulièrement pour la mise en œuvre du processus de paix avec le Soudan et l'instauration d'institutions démocratiques et responsables à même de garantir le respect de l'état de droit et des droits de l'homme, ainsi que le développement et la gestion durable des ressources de ces deux pays dans l'intérêt des deux peuples; insiste sur le fait que les conflits et l'insécurité restent des causes premières de souffrance humaine, en particulier pour les personnes les plus vulnérables, et portent atteinte aux perspectives de développement;

3.  exhorte les autorités du Soudan du Sud à respecter la résolution 2109 du Conseil de sécurité des Nations unies, à défendre l'état de droit, à honorer leurs responsabilités en matière de protection des civils et à préserver les droits fondamentaux de leurs citoyens; demande également aux autorités du Soudan du Sud d'intensifier leurs efforts en vue de lutter contre les vols violents de bétail à grande échelle qui, depuis longtemps, ont cours dans les zones rurales du pays;

4.  souligne l'importance du soutien de l'Union européenne, en collaboration avec des partenaires et des donateurs multilatéraux, apporté au Soudan du Sud dans son parcours vers la démocratie; salue, à cet égard, la contribution de l'Union, à hauteur de 4,9 millions d'USD, à l'Organisation internationale pour les migrations, qui favorisera le dialogue et la communication entre les différents clans et différentes tribus en ce qui concerne le partage des ressources disponibles en faible quantité (eau, pâturages) dans un contexte de croissance des violences intercommunautaires; félicite l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) pour son travail de préservation des archives historiques, qui constituent un outil important pour le processus de construction nationale du Soudan du Sud; exhorte le gouvernement du Soudan du Sud, étant donné la sensibilité croissante de la communauté internationale vis-à-vis des armes chimiques, à signer et à ratifier dans les plus brefs délais la convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, ainsi que d'autres traités en faveur du désarmement et de la maîtrise des armements, y compris ceux portant sur la lutte contre la circulation illicite et incontrôlée des armes de petit calibre et armes légères;

5.  invite à une révision régulière du cadre stratégique de l'Union pour la Corne de l'Afrique et de son approche globale à l'égard du Soudan et du Soudan du Sud, de sorte que les moyens d'action et les ressources soient adaptés au soutien du processus de paix et de la mise en place de la démocratie, notamment de la préparation des élections de 2015; note que les mandats futurs, y compris les décisions de fusionner les postes des représentants spéciaux de l'Union dans la région, devraient être examinés dans le cadre de cette révision et en fonction des réalités politiques sur le terrain;

6.  invite instamment les autorités du Soudan et du Soudan du Sud à mettre pleinement en œuvre l'accord de paix global, qui requiert des deux États qu'ils traitent les questions de partage du pouvoir, de citoyenneté, de recettes pétrolières et de partage de la dette; souligne que, malgré d'importantes différences entre les gouvernements de Khartoum et de Djouba, notamment en ce qui concerne le référendum controversé au sujet d'Abyei qui aurait dû avoir lieu en octobre 2013, il existe des signes positifs de coopération entre les deux gouvernements, tels que l'initiative visant à autoriser les mouvements transfrontaliers en préparation de la conclusion d'accords commerciaux entre les deux pays; salue les progrès réalisés par l'Union africaine en vue de réunir les présidents du Soudan et du Soudan du Sud pour encourager la mise en œuvre des accords de coopération; invite le Soudan et le Soudan du Sud à reprendre les négociations portant sur l'approvisionnement du nord en pétrole;

7.  invite l'Union européenne à élargir le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour le Soudan et le Soudan du Sud au-delà du 31 octobre 2013, compte tenu du caractère volatil des relations actuelles entre les deux pays; prie instamment le Service européen pour l'action extérieure de déployer des efforts diplomatiques plus approfondis en vue d'améliorer les relations commerciales entre le Soudan du Sud et le Soudan, et de soutenir l'aide aux réfugiés; demande à la communauté internationale, et notamment à l'Organisation des Nations unies, à l'Union européenne et à l'Union africaine, de coopérer dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité au Soudan du Sud, y compris en ce qui concerne les travaux de l'UNMISS, les contrôles aux frontières et le désarmement de la population civile;

8.  met l'accent sur l'importance de l'accord de coopération, notamment des accords sectoriels qu'il inclut, signé à Addis Abeba par le Soudan et le Soudan du Sud le 27 septembre 2012; souligne cependant son inquiétude quant à la décision unilatérale du gouvernement soudanais de bloquer les exportations de pétrole en provenance du Soudan du Sud et de geler tous les accords sectoriels, mesures qui porteront atteinte à l'économie des deux pays et exacerberont les tensions au niveau régional; invite les gouvernements des deux États à travailler de concert avec le groupe de mise en œuvre de haut niveau de l'Union africaine sur le Soudan afin de revenir à l'accord de coopération, de mettre un terme au soutien apporté aux groupes rebelles armés, d'adhérer pleinement à l'accord concernant la zone frontalière démilitarisée et sécurisée placée sous la surveillance de la force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei, dont l'effectif a été renforcé, et de se préparer à organiser un référendum sur le futur statut d'Abyei;

9.  invite le gouvernement du Soudan du Sud, suivant ainsi les recommandations du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, à mettre en œuvre tous les instruments internationaux et régionaux en matière de droits de l'homme auquel il est partie, ainsi qu'à améliorer le système judiciaire et à renforcer l'indépendance de la commission des droits de l'homme du Soudan du Sud; prie en outre l'Union européenne de faire en sorte que la promotion de la démocratie et la mise en place d'un environnement favorable aux organisations de défense des droits de l'homme constituent des éléments clés de l'aide au développement qu'elle apporte au Soudan du Sud; demande par ailleurs à l'Union européenne de veiller à ce que l'aide au développement apportée au Soudan du Sud prenne dûment en compte les droits des femmes et des jeunes filles dans ce pays, notamment en soutenant les organisations de femmes et en abolissant la pratique du mariage d'enfants et le travail des enfants; appelle à une harmonisation de la législation douanière et statutaire et met l'accent sur l'importance d'établir un système judiciaire séparé pour les mineurs, afin d'empêcher toute incarcération illicite et de protéger les droits des enfants; condamne les détentions arbitraires et le harcèlement des journalistes par les autorités du Soudan du Sud dont rendent compte les ONG et qui se traduisent par de la censure dans les faits; invite les autorités du Soudan du Sud à demander des comptes aux personnes responsables de tels crimes contre les journalistes et à les poursuivre en justice;

10. prend acte de la recommandation de l'Union africaine aux gouvernements de Khartoum et de Djouba visant à l'organisation, en octobre 2013, d'un référendum sur la région disputée d'Abyei; demande aux autorités du Soudan du Sud de faciliter la participation des nomades misseriya à cette consultation, faute de quoi Khartoum s'opposerait à ce que le référendum soit organisé; salue la déclaration des autorités du Soudan du Sud rappelant que les Misseriya ont toujours eu librement accès à l'eau et aux pâturages d'Abyei, et qu'ils continueront à l'avenir à bénéficier de ce droit; annonce qu'en tout état de cause, il entend porter une grande attention à l'issue de la réunion que tiendront à New-York, le 23 septembre 2013, les quinze chefs d'État de l'Union africaine sur ce sujet particulier;

11. souligne qu'il est important de démontrer aux populations du Soudan du Sud l'intérêt et l'efficacité de leur nouvel État démocratique, notamment par la mise en place d'un gouvernement stable qui ne procède pas par décrets présidentiels arbitraires et garantit la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, le respect des droits de l'homme et de la liberté des médias, la prévention de, et la lutte contre, la corruption ainsi que la fourniture de services et d'infrastructures publics, y compris dans les zones rurales situées hors de Djouba; déplore les conséquences de la corruption sur ce nouvel État et demande à la communauté internationale des donateurs, y compris à l'Union européenne, d'évaluer avec soin la capacité du Soudan du Sud à résoudre ce problème; invite en outre le Soudan du Sud à intensifier ses efforts en vue de lutter contre la corruption, y compris les mesures prises à l'initiative du président Kiir à l'encontre de hauts fonctionnaires, tout en encourageant le gouvernement à poursuivre la mise en œuvre de son programme de développement, notamment par la diversification de son économie, qui permettra de diminuer la dépendance du pays à l'égard des exportations de pétrole;

12. encourage le gouvernement du Soudan du Sud à favoriser la diversification économique et à réduire la dépendance à l'égard des hydrocarbures; encourage le Soudan du Sud à augmenter la production alimentaire locale, ainsi qu'à développer les industries d'exportation et les infrastructures de transport, dans le but de faciliter l'accès aux marchés;

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

24.10.2013

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

53

1

3

Membres présents au moment du vote final

Bastiaan Belder, Elmar Brok, Tarja Cronberg, Arnaud Danjean, Susy De Martini, Mark Demesmaeker, Michael Gahler, Marietta Giannakou, Ana Gomes, Andrzej Grzyb, Richard Howitt, Anna Ibrisagic, Liisa Jaakonsaari, Jelko Kacin, Tunne Kelam, Maria Eleni Koppa, Paweł Robert Kowal, Eduard Kukan, Vytautas Landsbergis, Ryszard Antoni Legutko, Krzysztof Lisek, Sabine Lösing, Ulrike Lunacek, Willy Meyer, Alexander Mirsky, Annemie Neyts-Uyttebroeck, Norica Nicolai, Raimon Obiols, Pier Antonio Panzeri, Ioan Mircea Paşcu, Alojz Peterle, Tonino Picula, Mirosław Piotrowski, Bernd Posselt, Hans-Gert Pöttering, Cristian Dan Preda, Tokia Saïfi, José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, György Schöpflin, Werner Schulz, Adrian Severin, Sophocles Sophocleous, Charles Tannock, Geoffrey Van Orden, Nikola Vuljanić, Boris Zala

Suppléants présents au moment du vote final

Charalampos Angourakis, Reinhard Bütikofer, Marije Cornelissen, Véronique De Keyser, Kinga Gál, Barbara Lochbihler, Emilio Menéndez del Valle, Doris Pack, Marietje Schaake, Ivo Vajgl, Janusz Władysław Zemke

  • [1]  Agence des Nations unies pour les réfugiés, "CAP for South Sudan, Mid-Year Review 2013".

AVIS de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (4.10.2013)

à l'intention de la commission du développement

sur les efforts de la communauté internationale dans le domaine du développement et du renforcement de l'État au Soudan du Sud
(2013/2090(INI))

Rapporteure pour avis: Andrea Češková

SUGGESTIONS

La commission des droits de la femme et de l'égalité des genres invite la commission du développement, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

A. considérant que les femmes et les jeunes filles sud-soudanaises sont confrontées au taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde (une femme sur sept meurt en couches ou des suites de l'accouchement)[1]; considérant que les infections et/ou les hémorragies sont les causes de décès maternel les plus fréquentes et que le Soudan du Sud se heurte à un manque criant tant d'équipement médical de base que d'infirmiers et de sages-femmes qualifiés;

B.  considérant que l'on estime à 48 % la proportion des jeunes filles sud-soudanaises âgées de 15 à 19 ans qui sont mariées contre leur gré et qu'il est fait état de filles de 12 ans mariées de force, ce qui a des conséquences directes sur la scolarisation des filles, qui ne représentent que 39 % des élèves à l'école primaire et 30 % à l'école secondaire;

C. considérant que l'attitude consistant à tenir les femmes pour la propriété de leur père ou de leur mari est profondément ancrée dans les mentalités du fait du système de dot existant au Soudan du Sud;

D. considérant que la violence domestique est perçue comme une norme sociale enracinée sur l'ensemble du territoire sud-soudanais et que 82 % des femmes et 81 % des hommes pensent qu'une femme a le devoir de subir cette violence domestique et de ne pas chercher de secours hors de sa famille[2];

E.  considérant que lorsque davantage de femmes sont impliquées dans les processus de résolution des conflits et dans la décision politique, la portée de la reconstruction démocratique est élargie;

F.  considérant que l'illettrisme concerne 80 % de la population adulte et en particulier les femmes;

G. considérant le levier que constituent les femmes pour réduire l'insécurité alimentaire et nutritionnelle; considérant qu'elles peuvent participer à l'augmentation de la productivité agricole;

1.  salue la création de la première faculté destinée à former du personnel infirmier et des sages-femmes au sein de l'hôpital universitaire de Djouba, mais signale la nécessité d'augmenter le nombre d'infirmiers et de sages-femmes pour améliorer de façon notable la santé maternelle et infantile, ainsi que, pour ouvrir la voie, de créer davantage de centres de santé fondés sur ce modèle dans l'ensemble du pays;

2.  exhorte les autorités du Soudan du Sud à renforcer la lutte contre l'impunité en formant les services judiciaires et répressifs à l'utilisation d'instruments conçus pour prévenir et endiguer les violences faites aux femmes, en veillant à ce que les auteurs soient effectivement condamnés;

3.  invite les autorités du Soudan du Sud à introduire un droit de la famille fixant un âge minimal pour le mariage et des conditions relatives à la garde des enfants, ainsi que des dispositions visant à lutter contre la violence fondée sur le genre, qui fassent notamment des pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mutilations génitales féminines des infractions sanctionnées pénalement;

4.  presse le gouvernement sud-soudanais de ratifier la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant;

5.  insiste sur la nécessité d'éliminer toutes les formes de violences à l'égard des femmes, telles que les violences physiques ou les mariages forcés, par des campagnes de sensibilisation destinées à informer les femmes sur leurs droits et à former les hommes à la nécessité de respecter ces droits;

6.  invite la Commission, les États membres et les autorités du Soudan du Sud à coopérer avec des communautés et des associations de femmes pour fournir et promouvoir l'accès à l'éducation et aux services relatifs aux droits et aux soins de santé en matière sexuelle et génésique auprès des jeunes filles et des femmes, notamment l'accès à la contraception, au dépistage du VIH et au traitement du sida;

7.  se félicite de l'engagement pris par le président du Soudan du Sud pour atteindre un objectif d'au moins 25 % de femmes dans le gouvernement et l'invite à renforcer la participation des femmes dans le processus constitutionnel en cours; rappelle que les femmes jouent un rôle-clé dans la résolution des conflits, dans la consolidation de la paix et dans la construction d'un État stable; invite, dès lors, les autorités du Soudan du Sud à garantir que les femmes sont pleinement impliquées dans la mise en œuvre du processus de paix avec le Soudan; invite la communauté internationale à continuer à soutenir la participation des femmes à la vie publique à tous les niveaux;

8.  invite la communauté internationale et en particulier l'Union européenne et les États membres dans leur action extérieure, en coopération avec les partenaires locaux et les ONG, à mettre l'accent sur l'accès à l'éducation primaire des filles et la lutte contre l'illettrisme des adultes, qui prive véritablement le Soudan du Sud d'un capital humain précieux pour le développement et qui permettrait de renforcer l'État démocratique du Soudan du Sud;

9.  insiste sur le potentiel que les femmes représentent pour le développement de l'agriculture et de l'économie rurale; encourage le Soudan du Sud à mettre en place des mesures favorisant la participation des femmes à ces activités économiques;

10. invite la communauté internationale, en coopération avec les ONG, à encourager le développement d'associations réunissant les femmes et sur lesquelles elles pourraient s'appuyer pour accéder à l'autonomie économique;

11. demande à ce qu'un suivi et une évaluation réguliers soient faits des projets financés par l'Union européenne, y compris en ce qui concerne les progrès en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, et à ce que le Parlement européen soit informé;

12. demande la prise en compte de l'avis des populations concernées, notamment des femmes, pour mieux cibler les objectifs à atteindre par les projets et pouvoir les adapter en fonction des données du terrain et des évolutions.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

3.10.2013

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

19

1

0

Membres présentes au moment du vote final

Regina Bastos, Andrea Češková, Edite Estrela, Iratxe García Pérez, Mary Honeyball, Astrid Lulling, Elisabeth Morin-Chartier, Krisztina Morvai, Joanna Senyszyn, Joanna Katarzyna Skrzydlewska, Britta Thomsen, Marina Yannakoudakis

Suppléantes présentes au moment du vote final

Izaskun Bilbao Barandica, Minodora Cliveti, Mariya Gabriel, Nicole Kiil-Nielsen, Christa Klaß, Doris Pack, Angelika Werthmann

Suppléante (art. 187, par. 2) présente au moment du vote final

Gesine Meissner

  • [1]  IRIN - Nouvelles et analyses humanitaires, rapport publié en anglais sous le titre "Women’s Security in South Sudan" 2012.
  • [2]  Conflict and Health, mars 2013.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

5.11.2013

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

23

1

1

Membres présents au moment du vote final

Thijs Berman, Corina Creţu, Véronique De Keyser, Nirj Deva, Leonidas Donskis, Charles Goerens, Mikael Gustafsson, Eva Joly, Miguel Angel Martínez Martínez, Gay Mitchell, Bill Newton Dunn, Andreas Pitsillides, Jean Roatta, Birgit Schnieber-Jastram, Alf Svensson, Ivo Vajgl, Daniël van der Stoep, Anna Záborská, Iva Zanicchi

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Eduard Kukan, Isabella Lövin, Cristian Dan Preda, Judith Sargentini

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

María Muñiz De Urquiza, Bogusław Sonik