RAPPORT sur la demande de levée de l'immunité d'Ivan Jakovčić

24.3.2015 - (2014/2169(IMM))

Commission des affaires juridiques
Rapporteur: Tadeusz Zwiefka

Procédure : 2014/2169(IMM)
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A8-0059/2015
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A8-0059/2015
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PROPOSITION DE DÉCISION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la demande de levée de l'immunité d'Ivan Jakovčić

(2014/2169(IMM))

Le Parlement européen,

–       vu la demande de levée de l'immunité d'Ivan Jakovčić, transmise le 5 septembre 2014 par l'avocat de la partie lésée en qualité de demandeur dans le cadre d'une procédure pénale en instance devant le tribunal municipal de Pazin (Croatie) (dossier K-143/14), et annoncée en séance plénière le 23 octobre 2014,

–       vu les lettres du représentant permanent de la République de Croatie auprès de l'Union européenne du 14 février 2014 et du 16 janvier 2015, par lesquelles il confirme qu'en vertu des dispositions pertinentes du droit croate, une partie lésée en qualité de demandeur est en droit de demander la levée de l'immunité d'un député croate au Parlement européen,

–       ayant entendu Ivan Jakovčić, conformément à l'article 9, paragraphe 5, de son règlement,

–       vu l'article 8 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne ainsi que l'article 6, paragraphe 2, de l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, du 20 septembre 1976,

–       vu les arrêts rendus par la Cour de justice de l'Union européenne les 12 mai 1964, 10 juillet 1986, 15 et 21 octobre 2008, 19 mars 2010, 6 septembre 2011 et 17 janvier 2013[1],

–       vu sa résolution du 24 avril 2009 sur l'immunité parlementaire en Pologne[2],

–       vu les articles 23 et 28 du règlement du Parlement croate,

–       vu l'article 61, paragraphe 1, du code croate de procédure pénale,

–       vu l'article 5, paragraphe 2, l'article 6, paragraphe 1, et l'article 9 de son règlement,

–       vu le rapport de la commission des affaires juridiques (A8-0059/2015),

A.     considérant que l'avocat d'un particulier en qualité de demandeur a demandé la levée de l'immunité parlementaire d'Ivan Jakovčić, député au Parlement européen, dans le cadre d'une procédure engagée pour délit de diffamation;

B.     considérant que, par lettre du 14 février 2014, le représentant permanent de la République de Croatie auprès de l'Union européenne a informé le Président du Parlement qu'en l'absence de règles de procédure particulières concernant la demande de levée de l'immunité des députés croates au Parlement européen, ce sont les dispositions régissant les demandes de levée d'immunité des membres du Parlement national qui devraient s'appliquer et que ces dispositions prévoient que la demande d'autorisation de la détention provisoire d'un député ou des poursuites pénales à son égard peut être soumise par tout organe public compétent, par la partie lésée en qualité de demandeur ou par un demandeur privé;

C.     considérant que par lettre du 16 janvier 2015, le représentant permanent de la République de Croatie auprès de l'Union européenne a confirmé que les procédures judiciaires auxquelles se rapportait la demande de levée de l'immunité de M. Jakovčić étaient actuellement en cours devant la juridiction croate compétente;

D.     considérant que, aux termes de l'article 8 du protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions;

E.     considérant que l'objet de cette disposition consiste à assurer que les députés au Parlement européen bénéficient du principe de la liberté d'expression, mais que ce droit à la liberté d'expression n'autorise pas la calomnie, la diffamation, l'incitation à la haine ou les atteintes à l'honneur d'autrui;

F.     considérant que la demande de levée de l'immunité concerne une procédure pénale engagée contre M. Jakovčić au titre de l'article 147, paragraphes 1 et 2, du code croate de procédure pénale dans le cadre de propos diffamatoires qu'il aurait tenus lors d'un entretien à la radiotélévision croate HRT le 22 juillet 2014;

G.     considérant qu'en vertu de l'article 61, paragraphe 1, du code croate de procédure pénale (Zakon o kaznenom postupku), dans le cas de poursuites à titre privé, l'action doit être engagée dans les trois mois qui suivent le jour où la personne physique ou morale concernée a eu connaissance de l'infraction et de son auteur;

H.     considérant que, conformément à l'article 9, paragraphe 2, du règlement du Parlement, les demandes de levée d'immunité doivent être examinées sans délai, en tenant compte toutefois de leur complexité relative;

I.      considérant que M. Jakovčić était député au Parlement européen au moment des faits; considérant toutefois que les propos incriminés ont trait à une affaire qui remonte à une époque où il n'exerçait pas encore ces fonctions;

J.      considérant par conséquent que les propos en question n'ont pas de rapport direct ou évident avec l'exercice, par M. Jakovčić, de ses fonctions de député au Parlement européen et ne constituent pas une opinion ou un vote émis dans le cadre de ses fonctions de député au Parlement européen au sens de l'article 8 du protocole n° 7;

K.     considérant que M. Jakovčić ne peut donc pas être considéré comme ayant agi dans l'exercice de ses fonctions de député au Parlement européen;

1.      considère que la demande de levée de l'immunité de M. Jakovčić a été soumise par l'autorité compétente au sens de l'article 9, paragraphe 1, du règlement du Parlement et qu'elle est donc jugée recevable; considère en outre que, eu égard à l'article 9, paragraphe 2, de son règlement, le Parlement ne peut se voir imposer aucun délai pour statuer sur une demande de levée d'immunité;

2.      décide de lever l'immunité d'Ivan Jakovčić;

3.      charge son Président de transmettre immédiatement la présente décision et le rapport de sa commission compétente à l'autorité compétente de la République de Croatie et à Ivan Jakovčić.

  • [1]  Arrêt de la Cour de justice du 12 mai 1964, Wagner/Fohrmann et Krier, 101/63, ECLI:EU:C:1964:28; arrêt de la Cour de justice du 10 juillet 1986, Wybot/Faure et autres, 149/85, ECLI:EU:C:1986:310; arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T-345/05, ECLI:EU:T:2008:440; arrêt de la Cour de justice du 21 octobre 2008, Marra/De Gregorio et Clemente, C 200/07 et C-201/07, ECLI:EU:C:2008:579; arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T-42/06, ECLI:EU:T:2010:102; arrêt de la Cour de justice du 6 septembre 2011, Patriciello, C 163/10, ECLI: EU:C:2011:543; arrêt du Tribunal du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T-346/11 et T-347/11, ECLI:EU:T:2013:23.
  • [2]  Résolution du Parlement européen du 24 avril 2009 sur l'immunité parlementaire en Pologne (P6_TA(2009)0316).

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Contexte

Georg List, homme d'affaires international, tente de construire un terrain de polo dans la région de Motovun (Croatie) depuis 2002. Malgré un investissement non négligeable, le terrain n'a pas encore été inauguré en raison d'obstacles politiques et administratifs que M. List aurait rencontrés et qui l'ont amené à accuser publiquement les autorités locales, et notamment à évoquer un cas de corruption potentielle.

Le 22 juillet 2014, lorsqu'un journaliste lui a demandé de se prononcer sur les accusations de M. List, Ivan Jakovčić, député au Parlement européen depuis le 1er juillet 2014 et ancien gouverneur de la province d'Istrie, où se trouve le terrain en question, a tenu les propos suivants, qui ont été publiés sur le site internet de la HRT (radiotélévision croate): "Je ne me prononce pas sur les idiots".

M. List a décidé de porter plainte contre M. Jakovčić en raison du caractère prétendument diffamatoire des propos en question.

Au cours de la séance du 23 octobre 2014, le Président a annoncé, conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement, qu'il avait reçu une lettre de l'avocat de M. List demandant la levée de l'immunité de M. Jakovčić afin de pouvoir engager des poursuites pénales à son encontre. Le Président a alors, comme le prévoit l'article 9, paragraphe 1, du règlement, renvoyé la demande devant la commission des affaires juridiques.

M. Jakovčić a été entendu par la commission le 9 mars 2015 conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement.

2. Droit et procédure régissant l'immunité des députés au Parlement européen

L'article 8 du protocole (n° 7) sur les privilèges et immunités de l'Union européenne précise ce qui suit:

Article 8

Les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions.

Les articles 5, 6 et 9 du règlement du Parlement européen sont libellés comme suit:

Article 5 - Privilèges et immunités

1. Les députés jouissent des privilèges et immunités prévus par le protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne.

2. L'immunité parlementaire n'est pas un privilège personnel du député, mais une garantie d'indépendance du Parlement dans son ensemble et de ses députés. (...)

Article 6 – Levée de l'immunité

1. Dans l'exercice de ses pouvoirs relatifs aux privilèges et aux immunités, le Parlement s'emploie à conserver son intégrité en tant qu'assemblée législative démocratique et à assurer l'indépendance des députés dans l'accomplissement de leurs tâches. Toute demande de levée d'immunité est examinée conformément aux articles 7, 8 et 9 du protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne ainsi qu'aux principes visés au présent article. (...)

Article 9 – Procédures relatives à l'immunité

1. Toute demande adressée au Président par une autorité compétente d'un État membre en vue de lever l'immunité d'un député, ou par un député ou un ancien député en vue de défendre des privilèges et immunités, est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente. (...)

2. La commission examine sans délai, en tenant compte toutefois de leur complexité relative, les demandes de levée de l'immunité ou de défense des privilèges et immunités.

3. La commission présente une proposition de décision motivée qui recommande l'adoption ou le rejet de la demande de levée de l'immunité ou de défense de l'immunité et des privilèges.

4. La commission peut demander à l'autorité intéressée de lui fournir toutes informations et précisions qu'elle estime nécessaires pour déterminer s'il convient de lever ou de défendre l'immunité.

5. Le député concerné reçoit la possibilité d'être entendu, il peut présenter tout document ou élément de preuve écrit qu'il juge pertinent et il peut être représenté par un autre député.

Le député n'assiste pas aux débats sur la demande de levée ou de défense de son immunité, si ce n'est lors de l'audition elle-même.

Le président de la commission invite le député à une audition, en lui indiquant la date et l'heure de celle-ci. Le député peut renoncer à son droit d'être entendu.

Si le député ne se présente pas à l'audition conformément à l'invitation, il est réputé avoir renoncé à son droit d'être entendu, à moins qu'il n'ait demandé, en indiquant ses motifs, à être dispensé de l'audition à la date et à l'heure proposées. Le président de la commission détermine si une telle demande doit être acceptée eu égard aux motifs avancés, et aucun recours n'est permis sur ce point.

Si le président de la commission accepte la demande, il invite le député à être entendu à une nouvelle date et à une nouvelle heure. Si le député ne se présente pas à la seconde invitation pour être entendu, la procédure se poursuit sans que le député soit entendu. Aucune autre demande de dispense ou d'audition ne peut alors être acceptée.

6. Lorsque la demande de levée de l'immunité porte sur plusieurs chefs d'accusation, chacun d'eux peut faire l'objet d'une décision distincte. Le rapport de la commission peut, exceptionnellement, proposer que la levée de l'immunité concerne exclusivement la poursuite de l'action pénale, sans qu'aucune mesure d'arrestation, de détention ni aucune autre mesure empêchant les députés d'exercer les fonctions inhérentes à leur mandat puisse être adoptée contre ceux-ci, tant qu'un jugement définitif n'a pas été rendu.

7. La commission peut émettre un avis motivé sur la compétence de l'autorité en question et sur la recevabilité de la demande, mais ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou la non-culpabilité du député ni sur l'opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui lui sont imputés, même dans le cas où l'examen de la demande permet à la commission d'acquérir une connaissance approfondie de l'affaire. (...)

3. Justification de la décision proposée

a) La recevabilité d'une demande de levée d'immunité introduite par un particulier

Étant donné que la demande de levée de l'immunité de M. Jakovčić a été présentée par l'avocat de la partie lésée et non par une autorité publique, le premier point sur lequel il convient de se pencher est la recevabilité d'une requête de levée d'immunité déposée par un particulier.

Conformément à l'article 9, paragraphe 7, du règlement du Parlement, "La commission peut émettre un avis motivé sur la compétence de l'autorité en question et sur la recevabilité de la demande".

Par lettre du 14 février 2014 – c'est-à-dire avant le début de la législature actuelle et la demande de levée de l'immunité de M. Jakovčić –, en réponse à une demande envoyée à tous les États membres, le représentant permanent de la République de Croatie auprès de l'Union avait informé le Président du Parlement que, en l'absence de règles de procédure particulières concernant la demande de levée de l'immunité des députés croates au Parlement européen, les dispositions régissant les demandes de levée d'immunité des membres du Parlement national devraient s'appliquer.

En particulier, l'article 23 du règlement du Parlement croate prévoit ce qui suit:

Les députés bénéficient de l'immunité à compter de la date de la constitution du Parlement jusqu'à la fin de leur mandat.

Lorsque les conditions de mise en détention provisoire d'un député ou de poursuites pénales à son égard sont remplies, l'organe public compétent, ou la partie lésée en qualité de demandeur, ou un demandeur privé est obligé de demander l'autorisation du Parlement.

Le demandeur privé joint à la demande la preuve qu'il a intenté une action auprès d'une juridiction compétente.

La demande d'autorisation de la détention provisoire d'un député ou des poursuites pénales à son égard est soumise au président du Parlement par l'organe public compétent, ou la partie lésée en qualité de demandeur, ou le demandeur privé en vue d'être transmise à la commission des pouvoirs et privilèges.

L'article 28 du règlement du Parlement croate dispose:

Lorsque la commission des pouvoirs et privilèges autorise la détention provisoire d'un député ou les poursuites pénales à son égard, celui-ci peut être mis en détention provisoire ou faire l'objet de poursuites pénales, mais uniquement pour l'infraction pénale sur laquelle porte l'autorisation.

Il s'ensuit notamment que, en vertu de ces dispositions, la demande d'engager des poursuites pénales contre un député peut être présentée par un organe public compétent, par la partie lésée en qualité de demandeur, ou par un demandeur privé.

Le cas de demandes de levée d'immunité déposées par des particuliers n'est pas neuf au Parlement. Dans sa résolution du 24 avril 2009 sur l'immunité parlementaire en Pologne, le Parlement demande aux États membres de garantir que les demandes de levée de l'immunité d'un député au Parlement européen soient toujours transmises par l'"autorité compétente", conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement, et ce afin de garantir le respect des dispositions du droit matériel et procédural au niveau national, notamment les droits procéduraux des particuliers, et les prérogatives du Parlement[1].

Pour lever tout doute et permettre à la commission de prendre une décision sur cette requête, le président de la commission des affaires juridiques a demandé, par lettre du 8 décembre 2014, au représentant permanent de la République de Croatie de confirmer que les procédures judiciaires auxquelles se rapportait la demande de levée de l'immunité de M. Jakovčić étaient actuellement en cours devant la juridiction compétente. Par lettre du 16 janvier 2015, le représentant permanent a confirmé officiellement l'existence effective de ces procédures.

Il s'avère également que l'article 61, paragraphe 1, du code de procédure pénale croate (Zakon o kaznenom postupku) prévoit que, dans le cas de poursuites à titre privé, l'action doit être engagée dans les trois mois qui suivent le jour où la personne physique ou morale concernée a eu connaissance de l'infraction et de son auteur. Lors de la demande de levée de l'immunité de M. Jakovčić, l'avocat de la partie lésée a également demandé au Parlement de prendre sa décision avant l'expiration du délai de trois mois visé à l'article 61, paragraphe 1, du code de procédure pénale croate. Cette période a débuté le 22 juillet 2014, lorsque M. Jakovčić aurait fait la déclaration en question.

Bien que la commission prenne acte de cette disposition du droit croate, elle considère que le cadre juridique applicable au Parlement prévoit un examen approfondi des demandes de levée d'immunité, qui ne saurait donc être soumis à aucun délai. En particulier, conformément à l'article 9, paragraphe 2, du règlement du Parlement, les demandes de levée d'immunité doivent être examinées sans délai, en tenant compte toutefois de leur complexité relative. Outre ce principe général, certaines exigences de procédure particulières impliquent qu'aucun délai ne peut raisonnablement être fixé au Parlement: l'article 9, paragraphe 4, permet à la commission compétente de demander à l'autorité intéressée de lui fournir toutes informations et précisions qu'elle estime nécessaires pour déterminer s'il convient de lever ou de défendre l'immunité et – plus important – l'article 9, paragraphe 5, donne au député concerné la possibilité d'être entendu et de présenter tout document ou élément de preuve écrit avant que la commission prenne sa décision. Ces prescriptions prouvent que le Parlement est en droit de prendre le temps nécessaire pour statuer sur une demande de levée d'immunité et qu'aucun délai ne peut donc lui être imposé.

En tout état de cause, selon la lettre du représentant permanent du 16 janvier 2015, la juridiction compétente a décidé de suspendre la procédure dans l'attente de la décision du Parlement. La partie lésée a fait appel de cette ordonnance mais, à la connaissance de la commission, aucune décision n'a encore été prise sur ce recours.

À la lumière de ce qui précède, la commission considère que la demande de levée de l'immunité de M. Jakovčić a été soumise par l'autorité compétente au sens de l'article 9, paragraphe 1, du règlement du Parlement. La demande doit donc être jugée recevable. La commission considère également que, eu égard notamment à l'article 9, paragraphes 2, 4 et 5, de son règlement, le Parlement ne peut se voir imposer aucun délai pour statuer sur une demande de levée d'immunité.

b) Le champ d'application de l'immunité et son applicabilité dans le cas d'espèce

Sur la base de ce qui précède, la présente affaire remplit les conditions requises pour l'application de l'article 8 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne. Aux fins de cette disposition, la notion d'"opinion" doit être comprise dans un sens large comme recouvrant les propos ou les déclarations qui, par leur contenu, correspondent à des assertions constitutives d'appréciations subjectives[2].

Pour être couverte par l’immunité visée à l'article 8 du protocole, une opinion doit avoir été émise par un député européen "dans l’exercice de [ses] fonctions", impliquant ainsi l’exigence d’un lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires[3].

Selon la Cour de justice, l'article 8 du protocole doit être interprété en ce sens que, bien que l'immunité parlementaire couvre essentiellement les déclarations effectuées dans l'enceinte du Parlement européen, il n'est pas impossible qu'une déclaration effectuée en dehors de cette enceinte puisse également constituer une opinion exprimée dans l'exercice des fonctions parlementaires. La question de savoir s'il s'agit ou non d'une opinion doit être tranchée en tenant compte de son caractère et de son contenu, et non de l'endroit où elle est exprimée[4]. C'est d'autant plus vrai dans les démocraties modernes, où le débat politique ne se déroule pas seulement au Parlement, mais aussi via des moyens de communication qui vont du communiqué de presse à l'internet. La Cour a toutefois précisé que le lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires doit être direct et s’imposer avec évidence[5].

Il s'ensuit que l'immunité absolue prévue à l'article 8 peut, de façon générale, s'appliquer également aux opinions qui peuvent être considérées comme excessives, déplaisantes ou offensantes, dans la mesure où elles ont un lien direct et évident avec l'exercice des fonctions parlementaires.

Il ressort du contexte susmentionné que, eu égard à sa nature et à son contenu, la déclaration faite par M. Jakovčić n'a pas de rapport direct et évident avec l'exercice par M. Jakovčić de ses fonctions de député au Parlement européen, ni ne constitue une opinion ou un vote émis dans le cadre de ses fonctions de député au Parlement européen au sens de l'article 8 du protocole. En particulier, il ressort des faits en question que, bien que la déclaration concernée ait été faite alors que M. Jakovčić était déjà député au Parlement européen, elle porte sur une question qui remonte à une période où il ne détenait pas encore ce mandat.

4. Conclusion

À la lumière des considérations qui précèdent et après avoir examiné tant les raisons plaidant pour l'adoption de la levée de l'immunité du député que celles s'y opposant, la commission recommande que le Parlement européen lève l'immunité parlementaire de M. Jakovčić.

  • [1]  Résolution du Parlement européen du 24 avril 2009 sur l'immunité parlementaire en Pologne (P6_TA(2009)0316).
  • [2]  Arrêt Patriciello, précité, point 32.
  • [3]  Arrêt Patriciello, précité, point 33.
  • [4]  Arrêt Patriciello, précité, point 30.
  • [5]  Arrêt Patriciello, précité, point 35.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

24.3.2015

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

19

2

1

Membres présents au moment du vote final

Joëlle Bergeron, Marie-Christine Boutonnet, Jean-Marie Cavada, Kostas Chrysogonos, Therese Comodini Cachia, Mady Delvaux, Andrzej Duda, Laura Ferrara, Enrico Gasbarra, Mary Honeyball, Dietmar Köster, Gilles Lebreton, António Marinho e Pinto, Jiří Maštálka, Emil Radev, Evelyn Regner, Pavel Svoboda, Axel Voss, Tadeusz Zwiefka

Suppléants présents au moment du vote final

Mario Borghezio, Daniel Buda, Pascal Durand, Jytte Guteland, Heidi Hautala, Victor Negrescu, Giovanni Toti