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Procédure : 2013/2641(RSP)
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RC-B7-0243/2013

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PV 23/05/2013 - 21.2
CRE 23/05/2013 - 21.2

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PV 23/05/2013 - 22.3
CRE 23/05/2013 - 22.3

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P7_TA(2013)0233

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Jeudi 23 mai 2013 - Strasbourg
Rwanda: procès de Victoire Ingabire
P7_TA(2013)0233RC-B7-0243/2013

Résolution du Parlement européen du 23 mai 2013 sur le Rwanda: l'affaire Victoire Ingabire (2013/2641(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a été ratifié par le Rwanda en 1975,

–  vu la charte africaine des droits de l'homme et des peuples,

–  vu la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

–  vu les instruments des Nations unies et de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, en particulier les directives et principes sur le droit a un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique,

–  vu la réponse de la VP/HR Catherine Ashton du 4 février 2013 à la question écrite E-010366/2012 au sujet de Victoire Ingabire,

–  vu l'accord de partenariat signé à Cotonou le 23 juin 2000 (l'accord de Cotonou) entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, et en particulier son annexe VII, qui appelle à la promotion des droits de l'homme, de la démocratie fondée sur l'état de droit ainsi que sur une gouvernance transparente et responsable,

–  vu la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

–  vu le rapport d'Amnesty International intitulé «La Justice mise à mal: Le procès en première instance de Victoire Ingabire» de 2013,

–  vu l'article 122, paragraphe 5, et l'article 110, paragraphe 4, de son règlement,

A.  considérant qu'en 2010, après 16 ans d'exil aux Pays-Bas, Victoire Ingabire, présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU(1)), une coalition de partis d'opposition rwandais, est rentrée au Rwanda pour participer aux élections présidentielles;

B.  considérant que Victoire Ingabire, dont la participation aux élections a finalement été empêchée, a été arrêtée le 14 octobre 2010; considérant que les élections ont été remportées, avec 93 % des suffrages, par le président sortant, Paul Kagame, chef du Front patriotique rwandais (FPR); considérant que les FDU n'ont pas pu s'enregistrer comme parti politique avant les élections de 2010; considérant que d'autres partis d'opposition ont fait l'objet de traitements similaires;

C.  considérant que les activités politiques de Mme Ingabire se sont axées, entre autres, sur l'état de droit, la liberté d'association politique et l'autonomisation des femmes au Rwanda;

D.  considérant que le FPR demeure le parti politique dominant au Rwanda sous le président Kagame, et contrôle la vie publique dans le contexte d'un système de parti unique où les personnes formulant des critiques à l'encontre des autorités rwandaises font l'objet de harcèlements, d'intimidations et sont mises en prison;

E.  considérant que, le 30 octobre 2012, Victoire Ingabire a été condamnée à huit ans de prison; considérant que deux de ses chefs d'accusation étaient déjà prescrits, et qu'elle a été acquittée des quatre autres; considérant qu'elle a été jugée coupable de conspiration visant à nuire aux autorités en ayant recours au terrorisme, et coupable de minimiser le génocide de 1994, sur la base de ses relations présumées avec les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle hutu; considérant que le ministère public a requis une peine d'emprisonnement à perpétuité;

F.  considérant que, le 25 mars 2013, Victoire Ingabire a pris la parole lors de son procès en appel et a demandé un réexamen des preuves;

G.  considérant que l'accusation d'«idéologie du génocide» et de «divisionnisme» portée à l'encontre de Victoire Ingabire illustre l'intolérance du gouvernement rwandais à l'égard du pluralisme politique;

H.  considérant qu'en avril 2013, lors de son procès en appel devant la Cour suprême, alors qu'elle avait été déclarée non coupable des six chefs d'accusation portées contre elle par le ministère public, elle a été condamnée sur de nouveaux chefs d'accusation qui ne s'appuyaient pas sur des documents juridiques et qui, d'après son avocat, n'ont pas été présentés durant le procès; considérant que les deux nouveaux chefs d'accusation incluaient le négationnisme/révisionnisme et la haute trahison;

I.  considérant qu'en mai 2013, après avoir témoigné contre Victoire Ingabire devant la Haute Cour rwandaise en 2012, quatre témoins de l'accusation et un co-accusé ont révélé à la Cour suprême que leurs témoignages avaient été falsifiés; considérant qu'une organisation de droits de l'homme de premier plan a fait part de préoccupations au sujet de leur «mise au secret prolongée» et de «l'utilisation de la torture pour extorquer des aveux»;

J.  considérant que le procès, qui a débuté en 2011, est considéré par de nombreux observateurs comme fondé sur des motifs politiques; considérant que le droit et le système judiciaire nationaux rwandais enfreignent les conventions internationales auxquelles le Rwanda est partie, en particulier le pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le gouvernement rwandais a signé le 16 juillet 1997, et notamment ses dispositions sur la liberté d'expression et de pensée;

K.  considérant que, depuis le 16 avril 2012, Mme Ingabire boycotte son procès pour protester contre les intimidations et les procédures illégales d'interrogation utilisées contre certains de ses co-accusés, à savoir les anciens membres du FDLR suivants: le Lieutenant-Colonel Tharcisse Nditurende, le Lieutenant-Colonel Noël Habiyaremye, le Capitaine Jean Marie Vianney Karuta et le Major Vital Uwumuremyi, ainsi que contre la décision de la Cour de raccourcir l'audition d'un témoin de la défense, Michel Habimana, qui accuse les autorités rwandaises de fabrication de preuves; considérant que ces affirmations n'ont pas été confirmées par les autorités rwandaises;

L.  considérant que Bernard Ntaganda, fondateur du parti PS-Imberakuri, a été condamné à quatre ans d'emprisonnement au titre d'accusations de mise en danger de la sécurité nationale, de «divisionnisme» et de tentatives d'organiser des manifestations sans autorisation;

M.  considérant que, le 13 septembre 2012, Victoire Ingabire – ainsi que deux autres figures politiques du Rwanda, Bernard Ntaganda et Deogratias Mushyayidi, tous emprisonnés actuellement à Kigali – a été nommée pour le Prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de l'esprit;

N.  considérant que le Rwandais est signataire de l'accord de Cotonou qui dispose que le respect des droits de l'homme est une composante essentielle de la coopération UE-ACP;

O.  considérant que le respect des droits de l'homme fondamentaux, y compris le pluralisme politique et la liberté d'expression et d'association, sont gravement restreints au Rwanda, ce qui rend difficile le fonctionnement des partis d'opposition et le travail des journalistes qui voudraient exprimer des opinions critiques;

P.  considérant que la consolidation de la démocratie – y compris la garantie de l'indépendance du système judiciaire et de la participation des partis d'opposition – est primordiale, en particulier à l'approche des élections législatives de 2013 et des élections présidentielles qui doivent avoir lieu en 2017;

Q.  considérant que le génocide rwandais et la guerre civile de 1994 continuent d'avoir un impact négatif sur la stabilité de la région;

1.  fait part de sa vive préoccupation au sujet du procès en première instance de Victoire Ingabire, qui ne respectait pas les normes internationales, en premier lieu en ce qui concerne son droit à la présomption d'innocence, et était basé sur des preuves fabriquées et des aveux de co-accusés qui ont été placés en détention militaire au Camp Kami, où on aurait eu recours à la torture pour leur extorquer lesdits aveux;

2.  condamne fermement la nature politiquement motivée du procès, la poursuite d'opposants politiques et l'issue décidée à l'avance du procès; demande au système judiciaire rwandais de garantir un appel rapide et équitable à Mme Victoire Ingabire, dans le respect des normes fixées par le droit rwandais et le droit international;

3.  demande que le respect du principe d'égalité soit assuré à l'aide mesures garantissant que chacune des parties – l'accusation et la défense – dispose des mêmes moyens de procédure et des mêmes possibilités pour découvrir des éléments preuves qui seront disponibles pendant le procès, et dispose des mêmes opportunités pour faire valoir ses arguments; encourage un meilleur contrôle des éléments de preuve, y compris des moyens pour s'assurer qu'ils n'ont pas été obtenus par la torture;

4.  demande à l'Union européenne d'envoyer des observateurs pour le procès en appel de Victoire Ingabire;

5.  souligne son respect de l'indépendance du système judiciaire du Rwanda, mais rappelle aux autorités rwandaises que l'Union européenne, dans le contexte du dialogue politique officiel avec le Rwanda au titre de l'article 8 de l'accord de Cotonou, a fait part de ses préoccupations en ce qui concerne le respect des droits de l'homme et du droit à un procès équitable;

6.  rappelle que les libertés de réunion, d'association et d'expression sont des composantes essentielles de toute démocratie, et estime que ces principes font l'objet de graves restrictions au Rwanda;

7.  condamne toute forme de répression, d'intimidation et de détention à l'égard de militants politiques, de journalistes et de défenseurs des droits de l'homme; demande instamment aux autorités rwandaises de libérer immédiatement toutes les personnes et tous les militants emprisonnés ou condamnés pour le seul exercice de leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique; à cet égard, invite instamment les autorités rwandaises à adapter le droit national afin de garantir la liberté d'expression;

8.  demande instamment au gouvernement rwandais de se conformer au droit international et de respecter la déclaration universelle des droits de l'homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et la charte africaine des droits de l'homme et des peuples;

9.  rappelle que les déclarations obtenues en employant la torture et autres formes de mauvais traitements ne sont admissibles dans aucune procédure;

10.  demande aux autorités judiciaires du Rwanda d'enquêter efficacement sur les allégations de torture et d'autres violations des droits de l'homme et de traduire en justice les auteurs de tels crimes, car l'impunité ne saurait être tolérée;

11.  exprime sa préoccupation au vu du fait que 19 ans après que le FPR a pris le pouvoir, et deux ans après la réélection du président Kagame, le Rwanda ne dispose toujours pas de parti politique d'opposition en exercice;

12.  appelle les autorités rwandaises à garantir la séparation des pouvoirs administratif, législatif et judiciaire, et en particulier l'indépendance du système judiciaire, et à promouvoir la participation de partis d'opposition, dans un contexte de respect mutuel et de dialogue inclusif faisant partie d'un processus démocratique;

13.  estime que la loi de 2008 sur l'idéologie du génocide utilisée pour accuser Victoire Ingabire a servi d'instrument politique pour museler les critiques du gouvernement;

14.  demande au gouvernement du Rwanda de réviser la loi sur l'«idéologie du génocide» afin de la mettre en conformité avec les obligations incombant au Rwanda au titre du droit international, et de modifier la loi instituant des sanctions pour délits de discrimination et de sectarisme afin de la mettre en conformité avec les obligations incombant au Rwanda au titre du droit international en matière de droits de l'homme;

15.  souligne que le procès pénal de Victoire Ingabire, l'un des plus longs dans l'histoire du Rwanda, revêt une importance particulière, tant politiquement que juridiquement, en tant que test de la capacité du système judiciaire rwandais à traiter des affaires politiques à fort retentissement de façon équitable et indépendante;

16.  rappelle aux autorités rwandaises que la démocratie se fonde sur un gouvernement pluraliste, une opposition effective, des médias et un système judiciaire indépendants, le respect des droits de l'homme et des droits d'expression et de réunion; à cet égard, demande au Rwanda de répondre à ces normes et d'améliorer ses performances en matière de droits de l'homme;

17.  souligne que, dans le contexte des travaux internationaux en faveur du développement au Rwanda, il convient d'accorder une priorité bien plus importante aux droits de l'homme, à l'état de droit ainsi qu'à une gouvernance transparente et responsable; demande à l'Union européenne, en collaboration avec d'autres donateurs internationaux, d'exercer une pression continue afin d'encourager la réforme en faveur des droits de l'homme au Rwanda;

18.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil de sécurité des Nations unies, au secrétaire général des Nations unies, aux institutions de l'Union africaine, à la Communauté de l'Afrique de l'Est, à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu'aux défenseurs de Victoire Ingabire et au président du Rwanda.

(1) FDU-Inkingi.

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