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Procédure : 2006/2033(INI)
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Cycle relatif au document : A6-0366/2006

Textes déposés :

A6-0366/2006

Débats :

PV 15/11/2006 - 16
CRE 15/11/2006 - 16

Votes :

PV 16/11/2006 - 6.5
CRE 16/11/2006 - 6.5
Explications de votes

Textes adoptés :

P6_TA(2006)0495

Compte rendu in extenso des débats
Mercredi 15 novembre 2006 - Strasbourg Edition JO

16. Mise en œuvre de la stratégie européenne de sécurité dans le cadre de la PESD (débat)
Procès-verbal
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle le rapport (A6-0366/2006) de M. von Wogau, au nom de la commission des affaires étrangères, sur la mise en œuvre de la stratégie européenne de sécurité dans le contexte de la PESD (2006/2033(INI)).

 
  
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  Karl von Wogau (PPE-DE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je souhaiterais en tout premier lieu signaler, Monsieur le Président, que M. Dimitrakopoulos m’a cédé ses deux minutes de temps de parole, de sorte que j’aurai la chance de pouvoir m’exprimer pendant sept minutes.

Le débat de ce jour a pour thème la stratégie de sécurité de l’Union européenne, telle qu’elle a été proposée par le haut-représentant et adoptée par les chefs d’État ou de gouvernement le 12 septembre 2003 et dont le canevas fondamental conserve aujourd’hui toute sa pertinence. Il convient toutefois de remarquer que la situation géopolitique s’est modifiée depuis cette période et que nos priorités doivent aussi être modifiées. C’est pourquoi nous appelons le Conseil, à travers ce rapport, à présenter à cette Assemblée une fois par législature un rapport sur la stratégie de sécurité de l’Union européenne, qui pourrait ainsi faire l’objet d’une discussion à la fois au Parlement européen et dans les parlements nationaux. Cette procédure est appliquée aux États-Unis, où un rapport de synthèse de ce type est préparé au cours de chaque législature, et un système similaire chez nous pourrait donc contribuer à renforcer le dialogue transatlantique sur cette question.

Après tout, dans la stratégie européenne de sécurité, nous mettons actuellement l’accent sur des aspects différents des priorités identifiées par les Américains dans leur propre stratégie. Nous privilégions notamment un ordre mondial multipolaire, que M. Solana appelle le multilatéralisme effectif. Nous ne misons pas sur des coalitions de bonnes intentions, mais nous préférons nous appuyer sur la Charte des Nations unies et les organisations internationales. Si nous souhaitons que cette stratégie soit couronnée de succès, nous devons garder clairement à l’esprit qu’elle le sera uniquement si nous réussissons à accroître l’efficacité des organisations internationales.

Le rapport énonce en outre une nouvelle définition de l’Union de la sécurité et de la défense, qui représente la prochaine étape à laquelle nous devons nous atteler et que réclament en fait les citoyens de l’Union européenne dès lors que, d’après des sondages d’opinion, 70 % d’entre eux souhaitent que l’Union européenne soit dotée de compétences en matière de politique de sécurité et de défense et pour leur sécurité. Voilà ce qu’attendent les citoyens de l’Union européenne.

Mais qu’est-ce qu’une Union de la sécurité et de la défense? Le concept implique une série d’éléments, tels que le ministre européen des affaires étrangères mentionné dans le projet de Constitution, par exemple. Nous suggérons également un ministre adjoint des affaires étrangères, qui assumerait la responsabilité des questions de défense. Pourquoi est-ce nécessaire? Je suis - encore - le président de la sous-commission de ce Parlement sur la sécurité et la défense, mais je ne possède pas d’homologue dans les rangs de l’exécutif - une lacune qui se reflète en ce qu’aucun des sièges réservés au Conseil n’est occupé.

Nous avons besoin d’un membre de l’exécutif avec lequel nous pourrions discuter de ces dossiers d’une importance grandissante, d’où notre appel en faveur de la mise en place d’un ministre adjoint des affaires étrangères. J’ajouterais un élément qui ne figure pas dans le rapport, mais auquel je sais que M. Brok s’intéresse, à savoir un département unique des affaires étrangères et un engagement d’assistance mutuelle, ainsi que le proposait le projet de Constitution, mais que prévoyait déjà le traité de Bruxelles, sur lequel est bâtie l’Union de l’Europe occidentale.

À titre personnel, je proposerais que nous nous concentrions sur ce projet d’Union de la sécurité et de la défense si nous souhaitons relancer le processus constitutionnel. Je suis persuadé en effet qu’il est plus facile de convaincre les citoyens de leur aspiration à une politique de sécurité et de défense unique que de leur expliquer une nouvelle fois ce qu’est une Constitution.

Si l’on s’en réfère à notre expérience, nous avons toujours réussi lorsque nous avons d’abord affiché ce que nous souhaitions réaliser et que nous avons déterminé sur cette base les institutions et les transformations institutionnelles qui s’imposaient. Je pense donc qu’il serait judicieux d’inscrire ce projet au cœur de l’exercice constitutionnel.

À l’heure actuelle, l’Union européenne a bel et bien une armée sous son commandement - elle sert en Bosnie-et-Herzégovine et au Congo. À compter du début 2007, nous disposerons chaque semestre de deux unités répondant au nom anglais bien choisi de «battle groups», qui pourront être déployées dans un bref délai. L’Union européenne et le Parlement sont investis d’une responsabilité particulière à l’égard de ces soldats, que nous envoyons au Congo, en Bosnie-et-Herzégovine et ailleurs, de la responsabilité de ne pas les exposer à des risques inutiles, ce qui constitue pour des soldats une question de survie pour peu que leur équipement ou leur hiérarchie ne soient pas appropriés. Eu égard à ce facteur, nous formulons par conséquent dans le rapport des propositions pour l’élimination des carences sur le plan de la reconnaissance, que j’ai constatées d’une façon récurrente au Congo.

Bien que l’Union européenne continue de déplorer des performances déficientes dans le domaine des télécommunications et des transports terrestres et maritimes, la priorité absolue réside dans un contrôle démocratique efficace. Cette qualité exige toutefois nécessairement une information et une consultation, deux composants qui, souvent, font encore défaut. Nous ne sommes pas informés correctement de ce que planifie le Conseil. Même s’il est fait référence à une consultation auprès de nous dans l’accord interinstitutionnel, le Conseil se montre extrêmement hésitant à la réaliser.

Les questions de sécurité, les questions de guerre et de paix, ne peuvent être laissées aux généraux, pas plus qu’elles ne doivent être confiées au seul pouvoir exécutif. Il faut à cet égard un contrôle démocratique exercé par les parlements élus par la voix des peuples, à savoir par les parlements nationaux et par le Parlement européen.

 
  
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  Margot Wallström, vice-présidente de la Commission. - (EN) La Commission se félicite de ce rapport complet, qui démontre l’importance qu’attache le Parlement européen à la stratégie européenne de sécurité et plus généralement au domaine de la sécurité.

Comme vous le savez, la Commission ne dispose pas du droit d’initiative en la matière, mais nous apportons une contribution importante à la sécurité en situation de crise. Je conviens avec le rapporteur que nous devons agir sur la base d’un concept de sécurité global dans l’environnement sécuritaire actuel et qu’il convient d’aborder comme il se doit les aspects de sécurité extérieure et de sécurité intérieure. Nous devons faire appel à tous les instruments disponibles, qu’ils soient civils ou militaires, qu’ils soient entre les mains des États membres ou de l’Union, pour réaliser nos objectifs en matière de sécurité. Et comme l’a précisé la communication de la Commission de juin dernier, intitulée «L’Europe dans le monde», nous devons renforcer la cohérence, l’efficacité et la visibilité en adoptant une approche pragmatique et coopérative. Je peux vous assurer que la Commission continuera de coopérer avec le Conseil dans le plein respect de nos compétences institutionnelles respectives.

Les efforts récents déployés dans l’UE par les États membres, la Commission et le Secrétariat du Conseil m’encouragent à collaborer plus étroitement en vue de réaliser les objectifs de la stratégie européenne de sécurité. Permettez-moi de citer quelques exemples: le développement des notions de réforme du secteur de la sécurité et du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration, ainsi que des actions concrètes en Afghanistan et en République démocratique du Congo, de même que la mission d’assistance frontalière à Rafah et en Moldova et la mission prévue au Kosovo.

Les nouveaux instruments introduits dans le cadre des perspectives financières 2007-2013 faciliteront une meilleure coordination. L’instrument de stabilité, en particulier, et son orientation à court et moyen termes nous aideront à réagir avec souplesse aux défis à venir, tout en remplissant dans une certaine mesure vos exigences relatives à un meilleur contrôle parlementaire dans le domaine de la sécurité.

La Commission s’active à mettre au point des politiques visant à affronter les principales menaces à la sécurité et à promouvoir un multilatéralisme effectif. La Commission a notamment axé son travail sur la politique de voisinage, l’efficacité de l’aide au développement, l’aide humanitaire et la protection civile. Tirant les enseignements de l’expérience accumulée jusqu’à présent, nous soumettrons prochainement des propositions relatives à une PEV renforcée. Le rapport fait également référence à diverses initiatives prises par la Commission en matière de réaction aux catastrophes et aux crises, y compris les urgences sanitaires.

Le rapport se réjouit du travail de la Commission consistant à créer un marché européen des équipements de défense, et plus spécifiquement des futures initiatives relatives aux marchés publics dans le secteur de la défense et aux transferts intracommunautaires d’équipements. Nous remercions le Parlement de continuer d’apporter son soutien dans ce secteur sensible. Les progrès réalisés contribueront à renforcer la compétitivité de l’industrie européenne et le développement de capacités militaires et civiles au service des politiques communautaires.

La Commission remercie plus particulièrement le Parlement pour son soutien à la recherche en matière de sécurité et à la politique spatiale, qui sont déjà des priorités thématiques spécifiques du septième programme-cadre. Nous souscrivons pleinement à l’importance de la recherche au profit de la compétitivité.

Dans ces domaines, la Commission collabore étroitement avec l’Agence européenne de défense en vue d’assurer une complémentarité et des synergies pour le développement de capacités et le renforcement de la base industrielle européenne. Ensemble, la Commission et l’Agence européenne de défense ont un rôle clé à jouer dans la transition d’une approche nationale vers une approche européenne et dans la convergence des secteurs de la sécurité et de la défense. Nous jouerons ce rôle dans les limites imposées par le cadre institutionnel actuel et par les positions politiques clairement définies concernant la recherche à des fins civiles et de défense, en respectant pleinement le caractère civil du programme de recherche européen en matière de sécurité.

Pour conclure, je tiens à souligner que les rapports du Parlement sont les bienvenus, de même que les réunions conjointes de la commission des affaires étrangères avec les commissions correspondantes des parlements nationaux et les auditions publiques. Un inventaire régulier peut s’avérer utile pour encadrer nos efforts d’adaptation de nos stratégies à un environnement en constante évolution. La Commission se félicite de contribuer à ces débats en fournissant une information complète sur ses activités dans le cadre d’un effort global de l’UE.

 
  
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  Elmar Brok, au nom du groupe PPE-DE. - (DE) Monsieur le Président, Madame la Vice-présidente, je souhaiterais vous dire combien j’apprécie la présence parmi nous aujourd’hui de la vice-présidente, qui atteste de l’importance que la Commission accorde à la politique de sécurité et de défense. L’absence du Conseil peut quant à elle - sous un jour favorable - être interprétée en ce que, la structure des piliers étant désormais mise en suspens, la présidence finlandaise s’apprête progressivement à accepter que la politique de sécurité et de défense a rejoint à son tour les prérogatives de la Communauté. Si je ne souscrivais pas à cette interprétation favorable, cette absence m’exaspérerait au plus haut point.

La politique étrangère, de sécurité et de défense revêt une importance croissante, et je souhaiterais remercier M. von Wogau pour son rapport ainsi que la sous-commission sur la sécurité et la défense pour le travail qu’elle a accompli, qui met en lumière le terrain réellement décisif sur lequel nous entraîne l’histoire. Lorsque l’on pense aux efforts que nous avons consentis pour garantir notre approvisionnement énergétique, à la situation autour de l’Iran, aux changements qui pourraient se produire dans la politique américaine en Irak et en Afghanistan après les élections aux États-Unis, ou au débat que nous avons tenu cet après-midi sur Gaza, sans parler des événements qui se déroulent au Darfour et dans d’autres régions, où d’aucuns achètent des matières premières alors que d’autres font campagne pour les droits de l’homme, puis organisent des sommets fastueux à Beijing et Shanghai, il n’est pas difficile de comprendre que la question présentera une importance sans cesse grandissante pour l’Europe, et c’est la raison pour laquelle il est indispensable de faire des efforts. C’est uniquement à la condition que nous rehaussions notre crédibilité en tant qu’Européens en termes de capacités militaires que nous pourrons amener l’alliance transatlantique à chercher à s’appuyer non seulement sur la puissance militaire, mais également sur la corde triple de la prévention - qui prime par-dessus tout - conjuguée à la gestion civile des crises et aux ressources militaires. Nous ne pourrons atteindre ce résultat qu’à travers une position solide au sein de ce que l’on nomme l’Occident et nous devons en conséquence également nous soucier de resserrer nos liens avec l’OTAN.

Je me réjouirais si, au lieu d’une kyrielle d’opérations isolées sous le commandement de quartiers généraux nationaux, un accord politique était conclu pour qu’elles fonctionnent davantage selon le modèle de «Berlin plus», dès lors que cela signifierait non seulement une approche fondée dans une plus grande mesure sur la Communauté, mais aussi, en même temps, un esprit commun accru et une coopération renforcée avec l’OTAN.

 
  
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  Helmut Kuhne, au nom du groupe PSE. - (DE) Monsieur le Président, je souhaiterais formuler une remarque succincte sur l’opinion de notre groupe socialiste au sein de cette Assemblée à propos des résultats obtenus par la commission.

Nous considérons trois choses importantes. Premièrement, il s’agit de la nécessité de consolider les facettes diplomatiques et civiles de la stratégie de sécurité. Deuxièmement, je citerai l’impératif d’éviter les pièges qui pourraient nous enliser dans une doctrine militaire injustifiée; le texte ne contient aucun terme tel que «préemptif» ou concept similaire. Troisièmement, les instruments et les exigences institutionnelles doivent être rigoureusement séparés. Nous pensons que ces éléments constituent des avancées significatives, et il s’est avéré possible d’engranger des progrès à cet égard grâce à une bonne coopération avec le rapporteur, pour laquelle j’exprime ma reconnaissance. Sous un angle social-démocrate, il subsiste toutefois quelques points sujets à controverses.

L’on perçoit le risque que les listes d’achats souhaités ne s’allongent à l’infini à mesure que Noël approche. Nous devons néanmoins nous concentrer sur les priorités que nous nous sommes déjà assignées, telles que les transports aériens, l’information et la communication. Nous n’avons pas réellement besoin de prétendre à des engins amphibies motorisés, à une flotte méditerranéenne ou à des porte-avions, autant de rêves qui nous empêchent de nous préoccuper des aspects qui représentent bel et bien des priorités essentielles dans le cadre de la stratégie. La question doit également être posée de savoir si les derniers exemples mentionnés n’appartiennent pas à un contexte plutôt différent de la stratégie de sécurité.

D’autre part, bien que nous approuverons la plupart des amendements qui améliorent la précision des parties du texte traitant de la diplomatie, de la société civile et du désarmement, nous ne pensons pas que la prévention des crises doive impliquer dans toutes les circonstances imaginables l’utilisation exclusive de moyens autres que militaires.

La réalité à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés s’est déjà transformée, et le rapporteur y a fait allusion. Nous avons envoyé des troupes en Macédoine pour prévenir l’éclatement dans cette région d’une guerre civile similaire à celles qui ont éclaté dans les autres États de l’ex-Yougoslavie. Au Congo, nous n’avons pas uniquement recouru à des instruments civils, mais nous avons aussi détaché un contingent armé afin d’assurer que les élections puissent s’y dérouler dans la paix, et je suis persuadé que les membres de ce contingent pourront regagner leurs foyers à la fin de ce mois.

En conclusion de cette intervention, je souhaiterais retourner au point que le rapporteur a soulevé tout au début et qu’il a d’ailleurs eu raison de mettre en évidence, lorsqu’il a déclaré que l’analyse des menaces et des actions menées au titre de la stratégie de sécurité doit être renouvelée à intervalles réguliers. Lorsque le rapport aura été adopté, la première chose à laquelle nous devons nous atteler est d’examiner comment nous pouvons, dans cette Assemblée, organiser cet exercice.

 
  
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  Annemie Neyts-Uyttebroeck, au nom du groupe ALDE. - (EN) Monsieur le Président, je tiens tout d’abord à féliciter chaleureusement M. von Wogau pour son excellent rapport, qui constitue un reflet précis et complet de la ligne de pensée actuelle de la commission des affaires étrangères et de la sous-commission de la sécurité et de la défense. Je tiens également à le remercier pour les efforts qu’il a déployés afin de parvenir au consensus le plus large possible avec les autres groupes politiques. S’il est évident que ces propos signifient que mon groupe approuve le rapport, je tiens à souligner deux points en particulier.

Le premier concerne la nécessité d’assurer un contrôle parlementaire effectif, tant au niveau national qu’au niveau communautaire. Comme cela a été dit, l’UE est engagée actuellement dans un nombre croissant d’opérations militaires et civiles dans plusieurs régions du monde. J’insiste sur la nécessité pour le Parlement d’être constamment au fait des évolutions de ces opérations et d’être informé et consulté au cas où une nouvelle opération serait envisagée. À ce jour, toutes ces opérations se sont déroulées sans difficulté, mais il est tout à fait possible qu’un incident majeur se produise un jour et, dans ce cas de figure, tout le monde réclamera un contrôle parlementaire.

En second lieu, il convient de clarifier bien davantage les rôles et compétences respectifs de la Commission, du haut-représentant, du Conseil et des États membres. Le fait de savoir qui paiera quoi est souvent décidé au cas par cas, ce qui rend une nouvelle fois le contrôle parlementaire difficile. Cette situation engendre des doubles emplois et des efforts inutiles et, pis que tout, débouche sur une vive concurrence entre, par exemple, les envoyés spéciaux du Conseil et les délégations de la Commission. Il va de soi que le Conseil et la Commission réfuteront cet état de fait, mais certains d’entre nous sont mieux placés pour le savoir, même si, heureusement, une telle concurrence ne se manifeste pas de manière systématique.

Enfin, ce qui compte avant tout, c’est la volonté politique des gouvernements des États membres, et, malheureusement, il s’agit là d’une toute autre histoire.

 
  
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  Angelika Beer, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, il appartient aux bonnes manières dans notre Assemblée de commencer par féliciter chaleureusement le rapporteur et, bien que je le fasse avec plaisir, je dois également déclarer que je suis profondément attristée de ne pas être en mesure, pour la première fois en deux ans et demi, de recommander à mon groupe d’approuver un rapport - à moins bien entendu que nos principaux amendements ne soient adoptés.

Je souhaiterais justifier cette position premièrement au niveau du fond du rapport et deuxièmement pour des raisons de forme. Un élément fondamental tient à ce qu’une grande partie du rapport - ainsi qu’un député l’a souligné - a l’allure de la liste d’achats de l’industrie de l’armement. Cela ne peut néanmoins être admis sous l’intitulé de la «stratégie européenne de sécurité et de la PESD», qui recouvre des concepts beaucoup plus complexes.

Cela dit, le rapport ne représente pas un concept exhaustif, bien au contraire. Je suppose qu’il s’agit d’ailleurs de la raison pour laquelle le propre groupe du rapporteur a déposé 45 amendements, ce qui constitue un nombre non négligeable.

Lorsque l’on étudie le rapport en détail, il apparaît sans ambiguïté qu’il s’efforce en réalité d’estomper les frontières tracées par les Traités entre la sécurité intérieure et extérieure. Europol relève de la PESD. La philosophie est que la PESD doit être utilisée aux fins de la lutte contre le terrorisme et de la protection des infrastructures, de l’approvisionnement énergétique et des frontières extérieures. Une telle association des fonctions policières, militaires et judiciaires constitue une infraction flagrante aux Traités en vigueur à ce jour et, de surcroît, elle donne lieu à des problèmes de sécurité supplémentaires. Il s’agit précisément de l’approche appliquée par le président Bush, Dick Cheney et Donald Rumsfeld, qui a aujourd’hui quitté ses fonctions. La sécurité intérieure calquée sur la politique de sécurité américaine a déjà échoué et il n’est pas nécessaire que nous reproduisions cette erreur.

Deuxièmement, le rapport suscite l’impression qu’il n’existe pas de branche civile dans la politique européenne de sécurité et de défense, alors même que la plupart des 17 missions de la PESD sont de nature civile. Il n’est pas non plus fait suffisamment référence à la prévention des conflits sur le plan civil. Il s’agit pourtant précisément de ce qu’il nous faut à l’heure actuelle.

Troisièmement, au lieu de décrire en profondeur le marché de la défense, il aurait été opportun de parler honnêtement de la sécurité de l’Europe et du désarmement - tant conventionnel que nucléaire. Le sujet n’apparaît toutefois à aucun moment dans le rapport.

Quatrièmement, je souhaiterais examiner la question des articles militaires qui doivent être achetés: des porte-avions, des systèmes de communication par satellite - toute la panoplie est réclamée au motif que nous devenons une union de la défense. Je m’interroge: où est la démonstration d’une analyse réaliste des missions que nous devons à présent accomplir? Nous devons œuvrer en faveur d’une harmonisation, nous devons contraindre les États-nations, dans l’intérêt commun, à harmoniser leurs stratégies, leurs structures et leurs équipements, mais l’idée de former une union de la défense n’est que le fruit d’une imagination débordante. Traditionnellement, les Verts se sont toujours montrés fondamentalistes, et il est plutôt surprenant que vous empruntiez également ce chemin.

Il me semble que les résolutions adoptées à Cologne, Helsinki et Feira ont été renversées et, si j’étais enseignante, je vous décernerais un zéro pointé parce que vous vous êtes trompé de sujet. Je regrette d’être contrainte de le dire, mais cela s’apparente à une tentative de remilitariser la politique étrangère européenne. Nous avions négocié un consensus en commission et le rapporteur lui-même l’a brisé à la dernière minute. Cette façon de faire n’est pas loyale et nous ne pouvons la tolérer.

 
  
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  Tobias Pflüger, au nom du groupe GUE/NGL. - (DE) Monsieur le Président, les Verts semblent être sur les bancs de l’école. Le président de la sous-commission sur la sécurité et la défense a rédigé un rapport sur la politique militaire dans l’UE. Ce rapport a ensuite été emmitouflé dans une ouate social-démocrate et son langage à l’origine acerbe a été édulcoré. À l’évidence, aucune place ne pouvait être ménagée dans ce projet pour une affirmation laissant entendre que, sous certaines conditions, l’UE devrait être ouverte au concept d’une guerre préemptive. Le franc-parler en aurait sans conteste été excessif.

Le rapport commet l’erreur qui est généralement associée à une politique étrangère européenne militarisée. Il intègre une analyse de risque de la stratégie européenne de sécurité, selon laquelle les principales menaces pesant sur l’Union européenne et ses citoyens résident dans le terrorisme international, la prolifération des armes de destruction massive, les conflits régionaux, les États en déliquescence et la criminalité organisée.

Quid de la misère, de la famine et de l’inégalité sociale? Le rapport plaide pour une surveillance militaire des frontières - dirigée contre qui, je me le demande - et pour le recours aux moyens militaires afin de protéger l’accès aux ressources. L’UE souhaite construire un partenariat stratégique avec l’OTAN, le rapport «se félicite de la capacité croissante de l’OTAN à jouer un rôle dans des opérations en dehors du territoire de l’Alliance», et ce dans un rapport émanant du Parlement européen! Le rapport appelle en outre à un renforcement substantiel des capacités opérationnelles de l’Europe, y compris dans les transports aériens et maritimes, et s’enfonce encore dans la confusion entre les domaines civils et militaires.

Ce rapport s’apparente à un catalogue de revendications tendant à une militarisation accrue de l’Union européenne - exigeant entre autres davantage de fonds pour les opérations en cas de crises, lesquels fonds doivent être puisés dans le budget communautaire, ce qui implique de nouvelles dispositions financières. Après les manœuvres d’ATHENA, il est aujourd’hui proposé d’introduire un budget militaire virtuel.

Nous savons tous que le traité de Nice interdit à juste titre tout budget militaire indépendant pour l’UE et c’est pourquoi des tentatives sont mises en œuvre pour ressusciter le traité constitutionnel défunt de l’UE. En effet, le rapport «souligne l’importance du traité constitutionnel, qui permettra d’importantes avancées vers une Union de la sécurité et de la défense». C’est précisément pour cette raison que nous nous opposons à ce traité constitutionnel pour l’UE. L’on en appelle ici en réalité à l’UE en tant qu’union militaire.

Il en est pour qui la métamorphose de l’UE en une union militaire représente un objectif, et les points 51 et 52 du rapport s’apparentent à leur liste de souhaits, regorgeant de nouveaux armements et d’argent pour les acheter et permettre à l’UE de remplir une fonction d’acteur militaire à travers le monde. Cette façon d’aborder les choses n’est pas appropriée. L’UE participe actuellement à au moins 11 opérations militaires et policières partout dans le monde, et d’autres sont en préparation. La liste comprend maintenant l’Afghanistan, où les troupes de l’OTAN tuent de plus en plus de civils, et l’UE souhaite désormais s’engager le plus rapidement possible dans ce massacre, alors qu’il faudrait - sans délai - rapatrier les troupes d’Afghanistan et d’autres champs d’opérations. L’Union européenne n’a pas besoin d’armements supplémentaires, mais doit constituer une puissance civile. L’impératif est le désarmement, et il est urgent.

 
  
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  Gerard Batten, au nom du groupe IND/DEM. - (EN) Monsieur le Président, au début des années 1950, Jean Monnet a proposé une Communauté européenne de la défense dotée d’une armée européenne administrée par un ministère européen de la défense, d’un budget commun et d’un marché public commun de l’armement. Heureusement, les Français ont rejeté ce projet après que le président de Gaulle se fut opposé à cette idée.

Pas découragés pour autant, Jean Monnet et ses acolytes ont entretenu l’idée d’une union politique européenne par des moyens économiques plutôt que par des moyens militaires et de défense. Plus de cinquante ans plus tard, nous avons une Union européenne qui est pratiquement au bout de son agenda politique: elle a son propre président, son propre gouvernement avec la Commission, son propre Parlement, une monnaie unique, son drapeau, son hymne et sa Cour de justice, pour ne citer que quelques-uns de ses attributs.

Toutefois, si elle entend devenir un véritable État, elle doit disposer de ses propres forces militaires et c’est ce dont traite ce rapport, qui plaide pour une politique commune en matière d’équipements et de marchés publics d’équipements ainsi que pour la mise en place de systèmes intégrés de commandement, de contrôle et de communication. Quoi de mieux, pour assurer l’intégration des forces militaires nationales d’Europe, que de veiller à ce que ces dernières s’engagent dans un cadre à ce point interdépendant qu’elles ne puissent pas opérer de manière indépendante. On dore toutefois la pilule militariste en évoquant des opérations humanitaires et la gestion de crise. Vous pouvez l’appeler comme il vous plaira, il s’agit pourtant d’une armée, et si la guerre est le prolongement de la politique par d’autres biais, alors l’Union européenne a besoin d’une armée pour mener à bien ses ambitions en matière de politique étrangère.

Je ne suis pas surpris que M. von Wogau poursuive l’intégration politique par cette voie. Il croit dans l’intégration politique et y est ouvert, et je le respecte pour ses convictions. Ce qui me répugne, c’est que le Premier ministre britannique, ce menteur de M. Blair, et son gouvernement travailliste pourri et corrompu s’associent à ce processus d’intégration des forces armées britanniques au projet d’armée européenne, tout en prétendant défendre l’intérêt national de la Grande-Bretagne.

 
  
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  Le Président. - Heureusement pour vous, M. Batten, vous avez passé l’âge d’être appelé sous les drapeaux et vous ne serez donc jamais concerné.

(La séance, suspendue à 19h20, est reprise à 21 heures)

 
  
  

PRÉSIDENCE DE MME KAUFMANN
Vice-présidente

 
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