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Procédure : 2007/2502(RSP)
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RC-B6-0032/2007

Débats :

PV 31/01/2007 - 14
PV 31/01/2007 - 15
CRE 31/01/2007 - 14
CRE 31/01/2007 - 15

Votes :

PV 01/02/2007 - 7.8
CRE 01/02/2007 - 7.8

Textes adoptés :

P6_TA(2007)0018

Compte rendu in extenso des débats
Mercredi 31 janvier 2007 - Bruxelles Edition JO

15. Moratoire sur la peine de mort (débat)
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur un moratoire sur la peine de mort.

 
  
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  Günter Gloser, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, il me faut vous entretenir aujourd’hui d’une des composantes les plus élémentaires de la politique européenne en matière de droits de l’homme et, à cet égard, les nombreuses propositions de résolution déposées par les divers groupes de votre Assemblée indiquent à quel point ce sujet est d’actualité.

Conformément aux lignes directrices adoptées en 1998 par le Conseil des ministres de l’UE en matière de politique européenne à l’égard des pays tiers et vis-à-vis de la peine de mort, l’Union européenne manifeste un engagement global en faveur de l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances. L’adoption d’un moratoire constitue depuis plusieurs années un élément constant de cet engagement contre la peine de mort; certes ne s’agit-il pas de son objectif premier, mais d’une étape intermédiaire dans le processus d’abolition définitive.

L’UE compte bien poursuivre sa politique de protection des droits de l’homme sous la présidence allemande et agir résolument aussi bien en faveur de moratoires que de l’abolition définitive de la peine de mort.

D’une part, nous poursuivrons le débat sur la question de principe - non seulement au niveau bilatéral, mais également dans les forums multilatéraux, en particulier dans le cadre des Nations unies - et, d’autre part, nous continuerons à adopter une approche proactive vis-à-vis des pays qui sont actuellement à une période charnière, c’est-à-dire dans lesquels se dessine une tendance positive ou négative au sujet de la peine capitale, et à faire pression sur eux par le biais d’actions très concrètes menées au cas par cas, en fonction des nombreuses situations d’urgence à traiter.

Je sais que votre Assemblée a toujours soutenu cette politique et je suis heureux de pouvoir affirmer que, tous ensemble, nous avons déjà considérablement progressé dans ce domaine. Dans environ deux tiers des pays du monde, la peine de mort est abolie de fait ou de droit, et cela est dû aux efforts soutenus déployés par toutes les parties activement engagées dans la lutte contre cette pratique, et je dois dire - en insistant particulièrement là-dessus - que l’implication active des membres du Conseil de l’Europe a aussi contribué à ces progrès. Trente-trois États ont aujourd’hui ratifié le treizième protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, qui vise à interdire la peine capitale en temps de guerre comme en temps de paix.

Je souhaiterais néanmoins insister sur le fait qu’il existe encore bien trop d’États - soixante-six - appliquant cette peine et qu’on constate une tendance à la régression, s’agissant du respect des moratoires adoptés. D’où la nécessité de poursuivre nos efforts sans relâche et de défendre la cause de l’abolition de la peine de mort dans les forums internationaux et ailleurs.

À cette fin, l’Union européenne a présenté des résolutions à la Commission des droits de l’homme entre 1999 et 2005, année de la dissolution de cet organe. Au cours de cette période, ces résolutions ont pu bénéficier du soutien d’une majorité stable. Depuis la dissolution de la Commission, nous avons dû envisager d’autres moyens de faire progresser le débat sur la peine capitale. Toutefois, étant donné qu’il n’existe aucune solution simple à ce problème, nous devons mener des actions très réfléchies afin de ne pas être obligés de céder une partie du terrain que nous avions conquis dans ce domaine. Il s’agit là d’un objectif prioritaire.

L’Union européenne a suivi une ligne de conduite ferme et unie sur ce point jusqu’à ce jour, mais nous n’avons encore jamais déposé de résolution dans ce sens auprès de l’Assemblée générale des Nations unies, vu le risque de rejet encore très élevé.

En revanche, le 19 décembre, l’UE a, pour la toute première fois et de sa propre initiative, présenté devant l’Assemblée générale une déclaration unilatérale sur l’abolition de la peine de mort, et, chose importante, 85 États des quatre coins du monde ont soutenu ce document. Ce résultat est certes encourageant, mais il confirme également que le succès d’une résolution de l’UE dans ce sens devant l’Assemblée générale des Nations-Unies n’est pas encore totalement garanti.

Quelle est donc la suite des événements? Tous nos partenaires au sein de l’Union européenne sont parfaitement conscients que notre objectif est de continuer à promouvoir activement la campagne pour l’abolition de la peine de mort, tant aux Nations unies qu’ailleurs. Qu’il me soit toutefois permis d’ attirer votre attention sur le fait que ce sujet est encore très sensible et que le succès de toute campagne en la matière dépend d’une approche progressive et très réfléchie de la part de l’Union.

Nous devons continuer à veiller par-dessus tout à éliminer autant que possible toute éventualité d’échec d’une nouvelle initiative de l’UE. En effet, toute défaite de l’Union constituerait une victoire pour les partisans de la peine de mort et par conséquent un pas en arrière dans la lutte contre cette punition inhumaine, et nous ne voulons - ni ne devons - permettre qu’une telle chose se produise. Je pense que nous serons soutenus dans cette tâche. Sous ce rapport, un certain nombre d’acteurs clés parmi les organisations non gouvernementales, notamment Amnesty International, nous déconseillent d’agir de manière précipitée et nous signalent encore une fois qu’un nouvel appel en faveur d’un débat sur la question au sein de l’Assemblée générale des Nations unies pourrait s’avérer contre-productif pour l’Union européenne.

C’est pourquoi le Conseil «Affaires générales» du 22 janvier a convenu de la nécessité de définir en premier lieu une approche très réfléchie nous permettant graduellement d’exprimer plus efficacement nos préoccupations au sein des Nations unies. Les ambassadeurs de New York et de Genève ont par conséquent été priés d’étudier sans tarder toutes les possibilités de faire avancer la discussion dans le cadre des Nations unies.

Nous devons également tirer profit de l’expérience et des estimations actuelles des ONG actives dans ce domaine, afin d’évaluer ce que doivent être les prochaines étapes de la lutte contre la peine de mort au niveau des Nations-Unies.

La présidence du Conseil sera ainsi en mesure, en février prochain, de présenter aux partenaires européens des propositions d’actions à entreprendre. Il s’agit là à mon sens d’une première étape importante. J’espère que d’autres seront désireux de nous suivre sur cette voie.

(Applaudissements)

 
  
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  Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je me réjouis également de l’occasion qui nous est ici offerte d’échanger nos points de vue sur la question de la peine de mort et sur les moyens de promouvoir l’abolition universelle de cette pratique odieuse.

Comme vous le savez, l’abolition de la peine de mort dans le monde entier représente un objectif clé de la politique extérieure de l’Union européenne en faveur des droits de l’homme, et je me suis personnellement engagée à veiller à ce que l’UE continue à jouer un rôle de premier rang - évoqué un peu plus tôt - dans cet effort mondial. Puisque nous sommes tous d’accord sur l’objectif ultime de notre action, à savoir l’abolition universelle, je voudrais vous faire part de quelques remarques concernant ce processus d’abolition et les moyens d’atteindre notre but commun.

Rappelons-nous tout d’abord que le processus d’abolition entrepris sur le continent européen a été lent, bien souvent tortueux et très long, et que, pour la plupart de nos États membres, son aboutissement a été le fruit à la fois d’une volonté politique forte et d’un niveau avancé de protection des droits de l’homme, de respect de l’État de droit et de développement des institutions démocratiques. À quelques exceptions notables près, dont font partie les États-Unis d’Amérique et le Japon, la carte mondiale des pays abolitionnistes suit de près les contours de celle des pays pratiquant le pluralisme démocratique. L’abolition de la peine de mort requiert impérativement un leadership visionnaire et du courage politique. Ces efforts doivent par ailleurs être soutenus par un débat dynamique et ouvert à l’échelle nationale, afin de s’assurer que la décision politique finale d’abolition prise dans un pays est bel et bien définitive.

Aux Philippines, ainsi qu’au Kirghizstan dans une certaine mesure, la décision récente d’abolir la peine de mort est précisément le résultat d’une attitude exceptionnellement courageuse de la part des dirigeants politiques, d’une part, et d’un débat national en profondeur, d’autre part, témoignant ainsi d’une ample participation des acteurs de la société civile évoqués précédemment et des institutions. Certaines tendances encourageantes ont également été observées dans plusieurs États des États-Unis, notamment le New Jersey et le Maryland.

Il n’est jamais exclu cependant qu’un pays remette la peine de mort au goût du jour, ce à quoi nous avons malheureusement assisté à Bahreïn et pourrait également se produire au Pérou. En outre, les appels que nous avons lancés en direction de nombreux autres pays en faveur de l’abolition de cette pratique n’ont pas été entendus à ce jour.

L’exécution de Saddam Hussein et de ses hommes de main a ravivé le débat sur la peine de mort. Les vidéos terribles de sa triste fin ont même ébranlé certains partisans de cette pratique. Cependant, n’oublions pas que des milliers de personnes sont exécutées chaque année et que la majorité d’entre elles sont certainement «meilleures», en quelque sorte, que Saddam Hussein, voire innocentes dans de nombreux cas. Leur mort devrait nous indigner bien davantage.

Certes, il ne fait aucun doute que l’abolition de la peine de mort, dans quelque pays que ce soit, constitue, comme le dit Robert Badinter, «une victoire de l’humanité sur elle-même». Il convient toutefois de garder une attitude réaliste quant à l’influence des acteurs externes, tels que l’Union européenne, dans ce processus, car il s’agit avant tout d’une matière nationale.

Ce n’est pas pour autant que l’Union européenne adoptera un comportement passif. Au contraire, elle a pris la tête des actions internationales contre la peine de mort et continuera à jouer ce rôle central, tout particulièrement dans le cadre des Nations unies, ainsi qu’il a été mentionné précédemment. En décembre dernier, l’UE a présenté à l’Assemblée générale des Nations unies une déclaration en faveur de l’abolition de la peine de mort, qui a recueilli l’assentiment d’un nombre record de 85 États. Conformément à nos principes directeurs sur la peine de mort, l’Union européenne est intervenue dans de nombreux cas de condamnation à la peine capitale, entre autres aux États-Unis, en Iran et en Indonésie, et poursuivra sur cette lancée dans le futur. Elle constitue également la première source de financement de projets abolitionnistes menés par la société civile et a dépensé à cet effet plus de 15 millions d’euros partout dans le monde au cours de ces dix dernières années.

Le Parlement européen et les acteurs de la société civile jouent traditionnellement un rôle crucial en termes de soutien apporté aux efforts abolitionnistes et de promotion du débat sur les moyens d’améliorer notre politique consentis par l’Union européenne. Il est de la plus haute importance de prêter attention à leurs avis lorsque d’éventuelles initiatives sont discutées dans divers forums internationaux, comme c’est le cas actuellement par le biais du Conseil.

Le dernier exemple en date remonte sans nul doute à la proposition italienne de moratoire universel sur la peine de mort présentée devant l’Assemblée générale des Nations unies. Je ne m’avancerai pas sur l’issue de ce processus de réflexion, mais je souhaiterais partager avec vous trois observations émises par des acteurs abolitionnistes au sujet de ce moratoire, qui m’ont paru intéressantes pour le débat de ce jour.

Plusieurs ONG occupant une position clé dans ce domaine ont insisté sur le fait qu’un moratoire représentait peut-être un élément fondamental de la stratégie de l’UE pour l’abolition universelle, mais ne constituait pas la panacée. Elles ont affirmé que ce type de décision était par nature fragile, réversible et devait par conséquent être suivi par une abolition légale. Et de citer l’exemple du Kirghizstan, dont le moratoire régulièrement reconduit n’a pas empêché le nombre de prisonniers incarcérés dans les couloirs de la mort d’augmenter. Je pense que nous avons besoin de moratoires solides.

Deuxièmement, certaines ONG ont souligné que le moratoire ne constituait qu’un instrument abolitionniste parmi d’autres. J’admets que, dans le contexte actuel, nous devrions ajouter à notre boîte à outils la promotion du deuxième protocole facultatif sur l’abolition, de l’assistance juridique aux condamnés à mort et d’autres actions encore. Nous devons par conséquent veiller à ce que le présent débat sur le moratoire n’occulte pas le fait que l’abolition est un processus à multiples facettes.

Enfin, nous devons prendre garde à l’issue éventuelle d’une nouvelle présentation de la question devant l’Assemblée générale de l’ONU. Il importe plus que tout de s’assurer un résultat positif. Nous devons absolument prendre en considération le risque d’une issue mitigée, voire contre-productive, à laquelle faisait allusion la présidence du Conseil, étant donné les divergences internationales sur la question. Un échec pourrait avoir des répercussions négatives difficilement réparables. Il est de ce fait indispensable d’évaluer correctement la situation et les scénarios potentiels avant de faire quoi que ce soit.

En conclusion, je souhaiterais mettre l’accent sur la nécessité de conserver une approche européenne commune à l’égard de l’abolition universelle de la peine de mort. La Commission ne ménagera pas ses efforts pour atteindre cet objectif en collaboration avec la présidence et le Parlement.

 
  
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  José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, au nom du groupe PPE-DE. - (ES) Il me semble que les propos de la commissaire Ferrero-Waldner évoquent sans la moindre ambiguïté le type d’Europe que nous souhaitons: une Europe des valeurs.

Si je devais décrire brièvement le rêve européen au fil des années, je n’hésiterais pas un instant, Madame la Présidente, à affirmer, au cours de la présente séance, que l’idée de l’Europe représente un appel permanent à la paix, à la compréhension, à l’harmonie et à la solidarité, et qu’il existe, outre une vision légitime de l’Europe, telle que l’Europe des perspectives financières, l’Europe du concret, l’Europe du solde net et du contributeur net, une vision plus noble de cette entité, à savoir l’Europe des valeurs.

Et c’est précisément dans ce contexte et en accord avec cette vision d’une Europe des valeurs que cette initiative vise à établir un moratoire universel sur l’application de la peine de mort.

L’universalité est un aspect essentiel, car les droits fondamentaux, et le droit à la vie en particulier, doivent être assurés, non dans une région, un pays ou un continent, mais, à n’en pas douter, dans le monde entier.

Réjouissons-nous, par conséquent, du fait qu’en 2005 et 2006, toute une série de pays, dont le Liberia, le Mexique, les Philippines et la Moldova, ont opté pour l’abolition officielle de la peine de mort. Je pense que nous devons continuer à travailler sans relâche pour que les 70 pays se livrant encore à cette pratique se joignent aux 128 pays qui l’ont abandonnée.

Madame la Présidente, je voudrais rappeler que l’Union européenne ne conservera sa position actuelle de leader moral et éthique que dans la mesure où elle luttera pour garantir le respect de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux, du droit à la vie en particulier, dans toutes les régions du monde, cette année et au cours des années à venir.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE MME KRATSA-TSAGAROPOULOU
Vice-présidente

 
  
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  Pasqualina Napoletano, au nom du groupe PSE. - (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, par la résolution sur laquelle nous voterons demain et le débat de ce soir, le Parlement européen se joint à l’élan international en faveur de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies d’une résolution pour un moratoire universel, lequel constitue un premier pas vers l’inscription de l’abolition générale de la peine de mort dans les textes de loi de chaque pays.

Comme il a déjà été dit plus tôt, nous souhaiterions que le Conseil des ministres s’engage activement dans la poursuite de cet objectif. La présidence est très impliquée et nous espérons que ce thème restera l’une des priorités de son mandat. Le Conseil de l’Europe et la Commission européenne ont pris les mêmes engagements.

À en croire ses paroles, Mme Ferrero-Waldner ne me paraît pas vraiment convaincue de la nécessité de passer par un moratoire comme première étape. Pour ma part, je souhaiterais mettre l’accent sur ce point et poserais la question suivante à Mme la commissaire: faire l’économie de cette étape nous rapprochera-t-il de l’abolition à laquelle nous aspirons? Je ne le pense pas: il pourrait bien s’agir d’après moi d’une première étape, dans la mesure où l’Union européenne pourrait, sur le plan international, jouer du vaste tissu relations qu’elle entretient dans le cadre de la politique de bon voisinage, des accords d’association et du partenariat stratégique, et aussi dans la mesure où les partis politiques d’Europe pourraient également, selon moi, profiter au maximum des forums internationaux pour faire pression sur les pays participants.

Il me semble que le but poursuivi est d’inscrire l’abolition de la peine de mort dans la législation de chaque État, un acte qui contribuerait notamment à garantir aux Nations unies la réputation de gardienne de droits universellement reconnus.

 
  
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  Marco Pannella, au nom du groupe ALDE. - (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je limiterai mon intervention à une déclaration et à une note diffusées ce matin par la présidence allemande, indiquant, mot pour mot, que «la présidence allemande encourage les gouvernements concernés à introduire un moratoire sur la peine de mort avec effet immédiat». Je lis la note de la présidence allemande, elle reflète exactement notre position.

Je ne pense pas me tromper en signalant que M. Barroso a également fait une déclaration appuyant en tous points l’initiative italienne demandant l’élaboration d’une proposition de moratoire dans le cadre de la présente Assemblée générale de l’ONU, une proposition dont le succès est garanti, puisque, dès 1999, il existait une majorité absolue en faveur d’une résolution, qui n’a cependant pas été présentée.

Devant l’enthousiasme actuel du monde entier pour une initiative qui est la nôtre, celle du Parlement européen, des présidents de nos groupes, initiative qui fut annoncée avec tambours et trompettes à Strasbourg par M. Watson et d’autres collègues, je ne comprends pas - ou plutôt, je ne comprends que trop bien - comment nous pouvons tergiverser au moment où la France fait l’effort incroyable de mettre en lumière la problématique de l’abolition de la peine de mort en modifiant sa Constitution, que le Rwanda fait de même et que, pas plus tard qu’hier, le Kirghizstan a agi de la sorte. Des déclarations de soutien nous parviennent de toutes parts, de Syrie, du Liban. Je suis persuadé que, dans le futur, le Parlement européen, à l’instar du Conseil de l’Europe avant lui, prendra la tête de ce mouvement.

Je conclurai, Madame la Présidente, en attirant votre attention sur le fait qu’il y a 60 ans, il existait un axe Rome-Berlin. J’avais dix ans à l’époque, et je m’en souviens très bien. Aujourd’hui émerge une réalité nouvelle, dont le mérite revient à la fois à la présidence allemande, à l’initiative italienne et aux initiatives françaises toutes récentes. Le fait que, d’une certaine manière, Berlin et Rome adoptent aujourd’hui une position ferme, dénuée de toute hypocrisie ou crainte de gagner - trop de gens en ce lieu ont en effet peur de gagner et non de perdre - revêt d’après moi une dimension historique.

 
  
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  Hélène Flautre, au nom du groupe Verts/ALE. - Madame la Présidente, la semaine dernière, nous affirmions, lors du débat sur l’affaire Benghazi, notre opposition totale à la peine de mort en toute circonstance. Il est aujourd’hui important de réaffirmer ce principe inscrit à l’article 2 de la Charte des droits fondamentaux.

L’Union a depuis toujours prôné l’abolition de la peine de mort, allant jusqu’à en faire une condition à l’adhésion. Elle en a également fait un principe phare de sa politique étrangère; des lignes directrices ont été adoptées en 1998 et des projets de la société civile sont régulièrement financés au titre de l’Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH). Cet effort est récompensé. Le nombre d’exécutions a diminué aux États-Unis et des pays comme le Mexique, le Liberia, les Philippines ou encore la Moldavie ont aboli la peine de mort.

Des tendances pourtant inverses existent. Aux États-Unis, certains États ont élargi la peine de mort à d’autres délits au-delà des crimes de meurtre; à Singapour, une personne reste d’office condamnée à mort pour la détention de quinze grammes d’héroïne et la Chine demeure l’État qui exécute le plus de personnes au monde. À cela s’ajoutent des États tels l’Irak ou l’Afghanistan qui ont rétabli la peine de mort. Le Pérou a également failli le faire au nom de la lutte contre le terrorisme. Il en a finalement été autrement, et c’est heureux.

Dans un tel climat et à la veille du troisième congrès mondial, l’UE doit redoubler de vigilance. La mobilisation internationale pour un moratoire universel contre la peine de mort doit être considérée dans le cadre d’une politique abolitionniste. La ratification du deuxième protocole au Pacte international sur les droits civils et politiques visant à l’abolition de la peine de mort doit dès lors figurer parmi les priorités de l’Union. Il est impératif que la France, la Lettonie et la Pologne, qui n’ont pas encore ratifié ce protocole, le fassent au plus vite.

 
  
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  Luisa Morgantini, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, «nul ne peut être condamné à la peine de mort ou exécuté. Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.» Tels sont les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des principes qui me rendent fière, je crois pouvoir dire «nous rendent fiers» de faire partie de l’Union européenne. Ils sont les garants de la dignité humaine; ils nous enseignent que personne n’a le droit de vie et de mort sur qui que ce soit et que la vengeance ne doit pas exister, seulement la justice. Tous les tribunaux devraient respecter ces principes, y compris les tribunaux militaires.

La peine de mort est encore pratiquée dans de trop nombreux pays, parmi ceux-ci non seulement de grands pays comme la Chine, mais également la première puissance militaire et démocratique au monde, les États-Unis, qui ne se sont toujours pas résolus à abandonner leur culture du Far West.

J’espère que le Congrès sur la peine de mort qui se tiendra à Paris, auquel nous assisterons en tant que membres de cette Assemblée, nous fera franchir l’étape du moratoire et progresser sur la voie menant à l’abolition de la peine capitale et à l’éradication de la pauvreté dans le monde entier. J’espère également que les manifestations organisées dans les rues de Paris constitueront une mise en garde pour tous ceux qui, même en Europe, envisagent le rétablissement de cette peine. Ce sont ces protestations qui nous portent et permettront l’adoption intégrale du moratoire par les Nations unies.

 
  
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  Koenraad Dillen, au nom du groupe ITS. - (NL) Madame la Présidente, les pays pratiquant encore la peine de mort ne méritent pas de faire partie du monde civilisé, qu’il s’agisse de pays islamiques, où les femmes adultères sont lapidées, de l’Amérique de Bush, de l’Inde, la plus grande démocratie au monde ou de la Chine communiste. Je n’hésiterai donc pas à défendre la cause d’un moratoire mondial. Une seule erreur judiciaire, la perte d’une seule vie innocente, suffit à renvoyer la peine capitale aux oubliettes des pratiques barbares. Je souhaiterais toutefois faire deux remarques.

Le respect de la vie ne devrait pas empêcher un État constitutionnel d’infliger des peines effectives et incompressibles de trente ans, voire d’emprisonnement à perpétuité, aux coupables d’actes graves. Cette condition doit et peut étayer le consensus public à l’encontre de la peine de mort. C’est seulement en effet avec le soutien de nos concitoyens, confrontés chaque jour davantage aux formes de criminalité les plus violentes, que le processus d’abolition universelle de la peine de mort peut aboutir.

Deuxièmement, certains opposants à la peine de mort devraient faire preuve d’un minimum de cohérence. Par exemple, lors d’une récente visite amicale rendue à la Chine, un État à parti unique, la candidate socialiste à la présidence française a loué l’efficacité du système judiciaire chinois, efficacité qui, on le sait, se traduit notamment par l’envoi aux familles des milliers de condamnés à mort annuels de la facture des balles qui ont tué ces victimes. Ségolène Royal n’a pas eu la moindre pensée pour ces personnes. Après tout, ce ne sont pas elles qui ramènent les contrats, et il faut protéger les intérêts commerciaux des grandes entreprises établies en Chine. D’où le mutisme surprenant qui s’empare tout à coup de certains opposants européens à la peine de mort. Si l’Europe veut conserver sa crédibilité, elle doit faire pression sur des pays tels que la Chine, quel que soit le prix à payer, tant au niveau politique que sur le plan commercial.

 
  
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  Alessandro Battilocchio (NI). - (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je m’exprime au nom du nouveau parti socialiste d’Italie. L’exécution de Saddam Hussein a remis à l’ordre du jour le débat sur la peine de mort, un débat pour le moins opportun, quoiqu’il ne s’agisse pas de l’utiliser à des fins tactiques ou, pire encore, d’examiner le sujet par intermittence. Il s’agit in primis d’une bataille pour la civilisation et le progrès.

Car nous ne sommes pas uniquement en présence d’une garantie essentielle offerte aux personnes, d’une demande de renforcement ultérieur de la sphère d’inviolabilité de l’individu. Nous sommes également confrontés à un besoin historique et universel, à un point de repère et de convergence mondial pour la civilisation du XXIe siècle.

Il a été dit, et j’adhère à cette idée, qu’après l’abolition de l’esclavage au cours de ces derniers siècles, ainsi que de la torture, le nouveau dénominateur commun devait être le droit à ne pas être exécuté par suite d’une décision judiciaire. Il doit s’agir là d’une nouvelle dimension inaliénable de l’humanité qui nous rassemble tous en une seule communauté. Aujourd’hui, le Parlement envoie le premier message clair dans cette direction.

 
  
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  Simon Coveney (PPE-DE). - (EN) Madame la Présidente, je veux me joindre aux puissants appels lancés par cette Assemblée aujourd’hui ainsi qu’à la campagne menée en dehors du Parlement en faveur de l’instauration inconditionnelle d’un moratoire universel sur la peine de mort par le biais d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies.

Depuis de nombreuses années, l’UE place l’abolition universelle de la peine de mort au cœur de sa politique étrangère et de défense des droits de l’homme. Notre entreprise n’a pas été sans succès, en particulier grâce à notre stratégie de bon voisinage. L’initiative de ce jour est une tentative ambitieuse d’élever le débat sur la peine de mort au niveau des Nations unies, afin de faire pression sur les soixante-six pays évoqués plus tôt qui recourent encore à cette pratique. Il est à noter que tout effort en vue de l’établissement d’un moratoire doit toujours viser à terme l’abolition de droit de la peine de mort, ce qu’ont déjà souligné les précédents orateurs.

La première étape pragmatique consiste à lancer un appel en faveur d’un moratoire, mais nous devons constamment chercher à promouvoir l’abolition dans la mesure du possible. Quant à nos possibilités d’actions politiques au sein de l’UE, j’encourage instamment le Conseil à réexaminer et actualiser les orientations relatives à la peine de mort, qui datent de 1998, afin d’y inclure les nouveaux éléments et stratégies qui sont apparus au fil des années. Le troisième Congrès mondial contre la peine de mort, qui aura lieu prochainement à Paris, pourrait offrir le cadre idéal à l’accomplissement de cette tâche.

Jusqu’à présent, la politique proactive de l’UE contre la peine de mort a produit des résultats positifs. Au Pérou, par exemple, de solides représentations de l’UE se sont opposées avec succès à de récentes propositions d’autoriser la peine de mort dans ce pays, en contradiction avec la Constitution péruvienne et la Convention américaine des droits de l’homme. Il convient de reconnaître et de saluer ces victoires. La position de l’UE a sans nul doute contribué au rejet du projet de législation au Congrès péruvien. L’Union a de la sorte démontré qu’elle pouvait influencer de manière décisive les politiques nationales en matière de peine de mort, et nous ne devons pas craindre d’user de cette influence.

 
  
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  Elena Valenciano Martínez-Orozco (PSE). - (ES) Madame la Présidente, Robert Wilson, âgé de 24 ans, a été condamné hier à la peine capitale par un jury siégeant à New York. Il s’agit de la première condamnation de ce genre rendue dans cet État depuis cinquante ans.

Cet événement offre un autre exemple tragique de la menace qui pèse actuellement sur les valeurs universelles que nous défendons tous en ce lieu aujourd’hui, en dépit des progrès très significatifs enregistrés dans des pays tels que le Liberia, le Mexique, les Philippines et la Moldova.

Nous devons toutefois continuer à lutter pour que les autres pays, y compris la Chine, qui procède à quelque deux mille exécutions officielles par an, huit mille selon des statistiques officieuses, adhèrent au moratoire mondial et mettent un terme à cette pratique.

Nous devons prêter assistance à la société civile iranienne, qui se bat contre la peine de mort dans un pays qui affiche un des nombres les plus élevés d’exécutions, soit 177 en 2006, et qui a par ailleurs annulé le moratoire sur la lapidation. Six femmes y sont actuellement condamnées à cette peine.

Par-dessus tout, nous exhortons les États-Unis, dont les décisions ont un impact considérable sur la politique mondiale, à soutenir l’initiative italienne pour un moratoire universel sur la peine de mort, qui sera approuvée - je l’espère avec l’appui de ce Parlement - par l’Assemblée générale des Nations unies.

Ainsi que l’ont signalé d’autres orateurs aujourd’hui, le moratoire constitue une première étape essentielle vers l’abolition, probablement l’un des plus importants défis auxquels doit faire face l’espèce humaine en ce début de siècle.

 
  
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  Sarah Ludford (ALDE). - (EN) Madame la Présidente, 20 000 personnes attendent, dans les couloirs de la mort du monde entier, d’être exécutées par leur gouvernement. Plus de trois mille d’entre elles sont malheureusement incarcérées aux États-Unis. Je ne mets pas l’accent sur les États-Unis parce qu’ils sont les pires dans ce domaine - la palme revient en réalité à la Chine, avec 80% des exécutions - mais parce que nous avons des attentes vis-à-vis des Américains. Nous espérons en tout premier lieu un changement de mentalité et, à cet égard, certains signes semblent indiquer une évolution dans ce sens. Le nombre d’exécutions pratiquées dans les États de ce pays a chuté depuis 1999: 277 exécutions cette année-là contre 128 en 2005. Douze États ont à présent aboli la peine de mort, au nombre desquels ne figure pas le Texas, qui est responsable d’un tiers des 1 100 exécutions qui ont eu lieu aux États-Unis ces trente dernières années, une fraction pour le moins impressionnante.

De mon point de vue, la Commission et la présidence devraient adopter une attitude plus active et moins hésitante dans leurs efforts visant à l’établissement d’un moratoire mondial et à l’abolition universelle par le biais d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU. Comme dans d’autres domaines de la politique sur les droits de l’homme, telles les interprétations extraordinaires et les violations commises dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, l’UE n’applique pas toujours ses principes de manière aussi cohérente que le souhaiterait le Parlement.

 
  
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  Kyriacos Triantaphyllides (GUE/NGL). - (EL) Madame la Présidente, à l’heure où nous parlons, tous les États membres de l’Union ont ratifié le sixième protocole à la Convention européenne sur les droits de l’homme relatif à l’abolition de la peine de mort. Nous caressons également l’espoir d’une abolition de droit et de fait dans tous les pays du globe, en temps de guerre comme en temps de paix, débouchant sur un renforcement du respect des droits de l’homme et de la dignité humaine, ainsi que l’ont souligné le Conseil et la Commission aujourd’hui.

Permettez-moi toutefois de vous poser quelques questions: Vous êtes-vous inquiétés du respect des droits humains et de la dignité du dictateur Saddam Hussein et de ses codétenus, qui ont été jetés en pâture aux voyeurs du monde entier? Est-ce le rôle de l’Union européenne en tant que promotrice de la stabilité mondiale?

Que dire des déclarations de la ministre britannique des affaires étrangères, Mme Becket, qui a soutenu que Saddam Hussein avait tout simplement eu ce qu’il méritait et que justice avait été faite?

Que sont censés croire les citoyens européens, lorsqu’ils lisent les déclarations réprobatrices du Conseil, d’une part, et entendent les commentaires sarcastiques des ministres qui le composent, d’autre part? Nous devons faire preuve de cohérence dans nos actions, parce qu’en fin de compte, nous sommes simplement ridicules.

 
  
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  Jim Allister (NI). - (EN) Madame la Présidente, je dois avouer que l’arrogance de cette Union européenne est sans limites. Non contente de contraindre les États membres à renoncer à l’ultime moyen de dissuasion, la peine de mort, elle entend à présent imposer sa vision au reste du monde.

Le sort des infirmières bulgares en Libye est incontestablement atroce et cette Assemblée doit protester vigoureusement contre cette situation, mais cela ne justifie pas notre exigence d’abolition universelle de la peine de mort. On ne peut tolérer l’emprisonnement de personnes innocentes. Ce n’est pas pour autant que les gens dotés de raison s’opposent à tout emprisonnement. Non, selon moi, tout État-nation souverain disposant d’un système judiciaire équitable, transparent et respectueux des droits de l’homme, accompagné d’un système d’appel fiable, a tous les droits de recourir à la peine de mort en cas de crime capital, si tel est le souhait exprimé démocratiquement par son peuple. Il revient à ce pays, et non à l’UE, de décider ce qui est bon pour lui.

 
  
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  Carlo Casini (PPE-DE). - (IT) Madame la Présidente, c’est avec plaisir que je prends la parole, entre autres parce que je suis originaire de Toscane, où a été décrétée le 30 novembre 1786, pour la première fois dans l’Histoire, l’abolition de la peine de mort. C’est également avec émotion que je me rappelle l’année 1987, au cours de laquelle, en collaboration avec Amnesty International et le Mouvement italien pour la vie, je suis parvenu à faire commuer la peine de mort ordonnée aux États-Unis à l’encontre de Paula Cooper, une jeune fille noire de 16 ans, qui plus tard a pu venir nous remercier.

Je suis également heureux de pouvoir souligner qu’en ma qualité de député italien, j’ai proposé et obtenu l’inclusion de l’abolition légale de la peine de mort dans le code militaire pénal de guerre, ce qui explique mon grand intérêt pour ce thème. Je considère l’histoire de l’humanité sous un angle optimiste; elle est, somme toute, une lutte pour le bien, une lutte motivée par une valeur de plus en plus évidente et décisive: la dignité de chaque être humain. Cette dignité est si précieuse qu’elle n’a pas de prix et qu’elle place chacun sur un pied d’égalité, sans considération de la vie qu’il mène. La dignité est en outre indestructible: les mains d’un criminel elles-mêmes ne peuvent en effacer les traces sur le visage de celui-là même qui a commis le crime.

Personne n’a le droit de priver quelqu’un de sa vie ou de sa dignité, pas même un État. Il s’agit là de la véritable raison justifiant l’abolition de la peine de mort. Toutes les autres raisons d’ordre pratique, dont j’ai parfaitement conscience, peuvent être contestées, à l’exception de celle-ci. Une Europe déterminée à construire son identité non seulement sur la compétitivité et le marché mais également sur la dignité et les droits de l’homme, ne peut garder le silence sur la question de la dignité et des droits de l’Homme.

Pour l’instant, je ne veux pas parler d’incohérence. Le moment viendra où la dignité humaine et le droit à la vie qui en procède étendront leur force de persuasion à d’autres domaines de la vie humaine où ils ne sont pas suffisamment pris en considération à l’heure actuelle, ceci au sein même de notre Union, aux aspects les plus symboliques de la condition et de la misère humaine: la naissance et la mort.

 
  
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  Ignasi Guardans Cambó (ALDE). - (ES) Madame la Présidente, l’Europe ne rejette pas la peine de mort parce qu’elle se considère moralement supérieure, parce qu’elle veut donner des leçons ou par goût de l’emphase. Ce rejet découle logiquement de la croyance fondamentale en la dignité humaine, de la certitude, basée sur de nombreuses années d’expérience, de l’inutilité absolue de la peine de mort, ainsi que de la crainte liée au risque grave et totalement fondé d’une application injuste de cette peine, même dans un seul cas, et le nombre d’erreurs judiciaires commises est loin de se limiter à un seul cas.

L’Europe doit se cantonner au domaine du possible, sans pour autant oublier son objectif ultime. Nous pouvons réclamer courageusement l’établissement d’un moratoire dans le monde entier, à commencer par nos partenaires les plus proches, tout en gardant à l’esprit - et j’insiste sur ce point - notre objectif ultime, c’est-à-dire l’abolition universelle de la peine de mort.

Nous devons protester contre cette pratique, mais nous devons le faire autant pour la peine prononcée à l’encontre de Saddam Hussein que pour la peine décrétée à l’encontre des personnes condamnées aux États-Unis à la suite de procès jugeant des crimes commis par des mineurs au moment des faits et au cours desquels la défense est pratiquement inexistante.

Madame la Commissaire, ce type de sentence doit être condamné aussi fermement que celle qui a été infligée à Saddam Hussein. Nous ne devons pas pratiquer un système de deux poids, deux mesures: si nous prônons la lutte contre la peine de mort, les détenus plus ou moins anonymes quasiment privés de leur droit à la défense méritent bien davantage notre soutien qu’un criminel tel que Saddam Hussein.

 
  
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  Bogusław Sonik (PPE-DE). - (PL) Madame la Présidente, le débat politique, religieux et juridique sur l’application ou l’abolition de la peine de mort a commencé il y a des décennies et se poursuivra encore dans le futur. Le grand écrivain Albert Camus a défendu l’abolition en son temps, de même que l’ancien ministre de la justice français, Robert Badinter, a mené une bataille juridique au niveau européen pendant de nombreuses années. Généralement, ce genre de débat houleux est mené à coup de solides arguments éthiques. Référence y est faite au droit inaliénable à la vie. Les statistiques effroyables relatives au nombre d’exécutions pratiquées en Chine ou en Inde sont également mentionnées. Les États-Unis, la plus grande démocratie de la planète, sont mis au banc des accusés. Les catholiques, partisans ou détracteurs de l’abolition, parviennent toujours à tirer leurs arguments totalement contradictoires des mêmes sources, à savoir l’Évangile, le catéchisme et les encycliques papales. Il est très difficile de justifier auprès des familles et des proches de personnes cruellement assassinées, souvent des enfants, l’absence d’application de la peine capitale aux auteurs de ces crimes. Dans de telles situations, l’émotion pousse les gens à souhaiter une issue très différente.

Je suis originaire d’un pays qui a souffert sous le joug du régime totalitaire nazi de Hitler et, plus tard, sous la férule du régime communiste soviétique. Je tiens à attirer votre attention sur le fait que la peine de mort est un trait caractéristique fondamental de toute dictature. Après avoir rapidement passé en revue les événements qui se sont déroulés dans mon pays, la Pologne, pendant cette période, je me rends compte du nombre incalculable de jeunes gens issus de l’élite polonaise qui ont été exécutés à la suite d’arrêts rendus par les tribunaux irréguliers mis en place par les communistes. Ayant pesé le pour et le contre de la peine de mort, je me dois de dire que son abolition est indispensable afin de maîtriser la folie des fanatiques prêts à exploiter le système judiciaire pour éliminer leurs opposants. Les compatriotes des héros exécutés ne peuvent rien faire de plus, des années plus tard, alors que la liberté a repris ses droits, qu’ériger des monuments à leur mémoire.

Tels sont les enseignements que je tire de l’histoire des générations de mes parents et grands-parents ainsi que de ma propre génération. Seule une exécution sur 1 500 effectuées en Pologne à l’ère stalinienne impliquait un prisonnier de droit commun. La limitation du champ d’action des dictateurs de tous bords politiques ne se fera peut-être qu’au prix d’une commutation de la peine capitale en une peine d’emprisonnement à vie, sans aucune possibilité d’expression pour les criminels concernés. Si c’est le cas, je pense que nous devons accepter de payer ce prix, même si cela peut s’avérer douloureux.

 
  
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  Justas Vincas Paleckis (PSE). - (LT) «La peine de mort est la plus choquante des méthodes d’assassinat, car elle recueille l’assentiment de la communauté». Ces paroles de George Bernard Shaw prononcées il y a près d’un siècle, font de plus en plus d’émules parmi les citoyens et recueillent l’adhésion de la majorité des pays. Malheureusement, soixante-huit États continuent à bafouer le droit à la vie auquel chaque être humain peut naturellement prétendre. La peine de mort est principalement pratiquée non seulement en Asie, mais également aux États-Unis. Je dirais que l’exécution de Saddam Hussein est devenue un signe d’impuissance. Nous avons aujourd’hui l’occasion exceptionnelle de travailler main dans la main avec le gouvernement italien à l’abolition de la peine de mort dans tous les pays du monde. Le rejet de cette pratique est l’une des valeurs que partagent les membres de l’UE, donnant ainsi plus de poids aux avis de cette dernière. J’espère que l’Assemblée générale des Nations unies soutiendra la proposition de moratoire sur la peine de mort, dont le but ultime est l’abolition de celle-ci. Il convient, parallèlement, de condamner les déclarations de certains représentants officiels des nouveaux pays de l’UE concernant la légitimation potentielle de la peine de mort. L’opinion publique mondiale doit être canalisée dans la direction européenne.

 
  
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  Genowefa Grabowska (PSE). - (PL) Madame la Présidente, l’article 1 du protocole n° 6 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales stipule que: «La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté». Ce protocole, établi en 1983, guide chacune des pensées et des actions des États membres de l’Union. La plupart des membres du Conseil de l’Europe ont également adhéré à cette position. Il s’agit, dans leur essence, de normes européennes assurant la protection des droits de l’homme. La question de savoir si l’abolition de la peine de mort ne convient qu’à l’Europe est toute rhétorique. Il va sans dire que la réponse est négative. Chaque personne n’a qu’une vie et celle-ci doit être protégée. C’est pourquoi nous devons appuyer l’adoption d’un moratoire sur la peine de mort dans le cadre des Nations unies. Nous savons que cette pratique est ancrée dans une culture de vengeance et de châtiment que l’humanité doit absolument abandonner. Rien n’est plus facile que d’effacer la peine de mort des codes pénaux. Seule la volonté des législateurs est nécessaire à cet effet. Par contre, il sera beaucoup plus difficile de nous défaire de cette idée sur le plan émotionnel, de reconnaître le caractère non éthique de cette pratique et de la bannir à tout jamais de la conscience humaine. Toutefois, nous devons être bien conscients que si nous n’y parvenons pas, nous continuerons de nous demander si au XXIe siècle nous pouvons continuer à tuer notre prochain au nom de la loi.

 
  
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  Józef Pinior (PSE). - (PL) Madame la Présidente, l’Union européenne défend sans relâche l’abolition de la peine de mort depuis 1998. En octobre 2003, le Parlement européen a adopté une résolution appelant les institutions européennes et les États membres de l’Union à faire pression sur l’Assemblée générale de l’ONU, afin qu’elle établisse un moratoire sur la peine de mort. Les institutions et les pays de l’Union doivent veiller à ce que cette question soit à nouveau abordée au cours de la présente Assemblée générale. Agissant au nom de l’Union européenne, les États membres doivent faire en sorte de présenter un projet de résolution sur un moratoire général visant à l’abolition de la peine de mort et doivent s’assurer le soutien d’un maximum d’États membres des Nations unies. Les institutions et les pays de l’UE doivent tout faire pour garantir, aussi rapidement que possible, un vote favorable au sein de la présente Assemblée générale.

 
  
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  Panagiotis Beglitis (PSE). - (EL) Madame la Présidente, le large consensus entre les divers partis politiques qui a marqué le débat d’aujourd’hui confirme l’aptitude du Parlement européen à agir en tant que garant de la civilisation démocratique européenne et protecteur des droits de l’homme, de la dignité humaine et du droit à la vie.

Il a été démontré que l’application de la peine capitale, non seulement ne constituait pas une mesure dissuasive, mais exacerbait au contraire la haine et la violence. Le monde civilisé ne peut répondre à un acte criminel barbare par l’imposition d’une peine barbare.

Nous nous félicitons de l’initiative du gouvernement Prodi et du soutien que lui accorde le président de l’Internationale socialiste, M. Papandréou. Tous les États membres de l’Union européenne devraient assurément ratifier le protocole facultatif des Nations unies, le treizième protocole à la Convention européenne des droits de l’homme. Je voudrais également souligner la nécessité d’introduire une disposition abolissant la peine de mort dans le système constitutionnel national des pays de l’Union.

Je conclurai en insistant sur le fait que, dans la société européenne actuelle, une bonne partie des citoyens demeure favorable à l’application de la peine de mort. Nous devons garder ce fait à l’esprit et travailler également sur ce point en collaboration avec la Commission européenne, par le biais de programmes de consultation démocratique destinés à convaincre l’opinion publique européenne.

 
  
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  Günter Gloser, président en exercice du Conseil. - (DE) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, ce débat a clairement révélé l’ampleur du consensus qui nous unit en ce qui concerne l’un des objectifs absolument fondamentaux de la politique de l’UE en faveur des droits de l’homme. Il y a souvent été fait référence à l’initiative italienne. Comprenons-nous bien à cet égard! S’agissant de cette initiative, il n’y a pas d’hésitation à avoir quant à son bien-fondé ou son objectif. La question porte sur le «comment», le «où» et, naturellement, le «quand», c’est-à-dire sur la procédure à employer, et non sur la substance.

Vous nous l’avez expliqué très clairement tout à l’heure, Madame la Commissaire. Lors de l’Assemblée générale du 19 décembre dernier, nous avons présenté une déclaration unilatérale, qui a été approuvée par 85 États. Ce résultat est certes encourageant, mais nous devrions également nous interroger sur la faisabilité de notre objectif et garder cette question à l’esprit, étant donné qu’à ce jour, cette déclaration n’a reçu le soutien que de 21 membres du nouveau Conseil des droits de l’homme de Genève sur les 47 qui le composent. Plus concrètement, elle ne remporte pas encore la majorité des suffrages.

La situation est similaire au sein de la troisième commission des Nations unies. Comme je l’ai indiqué dans mon discours précédent, nous devons à présent prendre des initiatives dans divers domaines. Le Conseil «Affaires générales et relations extérieures» a, lui aussi, proposé une stratégie destinée à atteindre l’objectif évoqué dans chacune de vos allocutions. Je peux vous assurer que, même si nous ne savons pas encore exactement quand nous serons capables de réaliser cet objectif, nous vous accompagnerons dans vos efforts. La Commission et la présidence sont d’accord sur ce point, car nous aussi œuvrons à l’abolition définitive de la peine de mort.

 
  
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  Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. - (EN) Madame la Présidente, je rejoins les paroles prononcées à l’instant par le président en exercice du Conseil. Je pense qu’il existe un large consensus entre les membres de cette Assemblée ainsi qu’entre toutes les institutions de l’UE concernant la substance et l’objectif du présent débat. Cependant, il importe de temps à autre de se préoccuper de l’étape tactique suivante.

Je voudrais clarifier un point: la Commission est bien évidemment favorable à l’introduction d’un moratoire en tant qu’étape intermédiaire importante vers l’abolition complète de la peine de mort. Nous soutenons l’initiative italienne et la proposition de résolution du Parlement - cela ne fait aucun doute - mais nous devons prêter attention aux aspects tactiques, qui constituent le véritable enjeu. Comment s’assurer du succès de l’initiative censée être présentée à l’Assemblée générale de l’ONU? Nous devons nous préparer à la perfection. Nous devons toucher tous les membres des Nations unies et, pour y réussir, prévoir le moment idéal pour le lancement de cette initiative en faveur d’un moratoire universel.

Nous sommes également très actifs, non seulement au niveau des Nations unies, mais également au niveau bilatéral, tant dans nos relations avec la Chine qu’avec le Pérou. J’ai, par exemple, écrit au président péruvien pour lui faire part de nos profondes inquiétudes, et j’espère qu’il est encore possible d’arrêter le processus.

Je tiens en outre à remercier le Parlement, parce qu’il dispose également d’une marge de manœuvres, qu’il a mise à profit par le passé et qu’il pourrait peut-être exploiter encore davantage en s’entretenant avec les diverses délégations. Bien souvent - comme je l’ai signalé précédemment -, il s’agit d’un processus national, et, plus le Parlement est en mesure de dialoguer avec les parlements, plus nous pouvons influencer le cours de ce processus.

 
  
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  La Présidente. - J’ai reçu six propositions de résolution(1) conformément à l’article 103, paragraphe 2, du règlement.

Le débat est clos.

Le vote aura lieu jeudi à 23h30.

 
  

(1)Cf. procès-verbal.

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