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Procédure : 2009/2792(RSP)
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RC-B7-0187/2009

Débats :

PV 16/12/2009 - 11
CRE 16/12/2009 - 11

Votes :

PV 17/12/2009 - 7.5

Textes adoptés :

P7_TA(2009)0118

Compte rendu in extenso des débats
Mercredi 16 décembre 2009 - Strasbourg Edition JO

11. Violence en République démocratique du Congo (débat)
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Procès-verbal
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  Le Président. – L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur la violence en République démocratique du Congo.

 
  
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  Cecilia Malmström, présidente en exercice du Conseil.(SV) Monsieur le Président, la Présidence accorde une grande importance au débat mené avec le Parlement européen sur la situation hautement problématique en République démocratique du Congo. Les atteintes aux droits de l’homme, et en particulier les actes de violence sexuelle et liés au sexe, constituent un énorme problème. Il est grand temps d’organiser un débat sur la situation dans ce pays, en particulier au regard du récent rapport de l’ONU. Le rapport du groupe d’experts de l’ONU souligne qu’un certain nombre de groupes armés actifs dans le pays sont soutenus par un réseau bien organisé établi en partie au sein de l’Union européenne.

Je ne dois pas vous rappeler l’engagement à long terme de l’UE à l’égard de la République démocratique du Congo et de l’ensemble de la région des grands lacs africains. L’UE œuvre depuis longtemps en faveur de la paix et de la stabilité dans la région. Il est important que cet engagement se poursuive, tant sur le plan politique qu’en termes de développement. Je suis certaine que la Commission en dira plus à ce sujet tout à l’heure.

Cet appui s’est manifesté de différentes façons, y compris par la désignation du premier représentant spécial de l’UE pour la région dès 1994. L’Europe a eu recours à des instruments à la fois militaires et civils de la PESD. Il y a eu l’opération Artemis dans la province de l’Ituri, le déploiement temporaire de l’EUFOR avant les élections de 2006, ainsi que les missions EUSEC RD Congo pour la réforme des forces armées et EUPOL RD Congo pour la réforme de la police. Sur la base de cet état de fait, on a observé des développements à la fois positifs et négatifs. Les relations diplomatiques entre la République démocratique du Congo et le Rwanda ont été restaurées. C’est une bonne chose. Des accords de paix ont été signés en 2008 et 2009 avec la plupart des groupes armés de la partie orientale du pays. Il convient à présent de les mettre en œuvre.

La situation est instable à de nombreux égards. À l’est, de nombreux groupes armés sont en train d’être intégrés au sein de l’armée et ce processus d’intégration est rempli d’incertitude. Les opérations militaires se poursuivent contre d’autres groupes armés, y compris les FDLR et les troupes de l’Armée de résistance du Seigneur. Ces groupes sont directement responsables d’attaques contre la population civile et d’une grande détresse humaine. Dans le même temps, des groupes armés réapparaissent dans d’autres parties du pays. L’est du pays reste une région marquée par des violations du droit international et des droits de l’homme. Les taux de meurtre, d’actes de violence et d’agressions sexuelles sont élevés. Ces crimes se répandent à un rythme alarmant dans tout le pays, malgré la politique dite de tolérance zéro proclamée par le président Kabila.

L’exploitation illégale de ressources naturelles est un autre problème majeur. Il est important que les riches gisements miniers du pays soient placés sous contrôle national légitime, tant comme une source de revenus ô combien nécessaires pour l’État que comme instrument de réduction de l’aide économique accordée à des groupes armés illicites. Le Conseil s’inquiète également des travaux et arrangements préparatoires aux élections locales planifiées. Les problèmes de gestion, la transparence insuffisante et les atteintes aux droits des citoyens et aux droits politiques représentent de graves obstacles au processus de démocratisation.

Au vu des nombreux problèmes majeurs qui suscitent encore une profonde inquiétude, le Conseil adopte une position ferme à l’égard des graves atteintes au droit international et aux droits de l’homme au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Le Conseil a récemment condamné ces actes dans ses conclusions, soulignant que le gouvernement de la République démocratique du Congo devait veiller à ce que les responsables soient traduits en justice.

L’UE est fermement résolue à poursuivre son aide au rétablissement de la paix, de la stabilité et du développement en faveur de la population du pays. À cet égard, la réforme du secteur de la sécurité est cruciale pour la stabilisation du pays. Tous les acteurs de ce secteur, y compris les autorités congolaises, doivent s’atteler à garantir la sauvegarde de l’intérêt commun dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité. Nous devons également promouvoir des améliorations spécifiques constantes dans les relations régionales, et ce à travers des partenariats politiques et économiques plus poussés entre les pays de la région.

Je peux vous assurer que le Conseil et l’Union européenne respecteront leur engagement envers la République démocratique du Congo et qu’ils se préoccupent de son avenir. Nous prolongerons notre vaste engagement dans le pays et continuerons à condamner sans détour toute atteinte au droit international et aux droits de l’homme. Nous nous félicitons à cet égard du rôle constructif et continu du Parlement européen, et je suis impatiente d’entendre vos points de vue dans le cadre de ce débat.

 
  
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  Karel De Gucht, membre de la Commission. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a environ un an, la situation de Goma, assiégée par les troupes du CNDP menées par Laurent Nkunda, était la préoccupation principale des autorités congolaises et de la communauté internationale.

Tout a été mis en œuvre pour éviter le pire. Promouvoir un accord politique, d’abord entre la RDC et le Rwanda, et ensuite entre le gouvernement congolais, le CNDP et les autres groupes armés a permis, à court terme, de désamorcer le détonateur d’une explosion de violences dont le potentiel déstabilisateur reste aujourd’hui néanmoins intact. Intact parce que les causes sous-jacentes ont été abordées de façon superficielle et dans une pure logique politique de court terme. N’ayant devant soi que de mauvaises solutions, la communauté internationale a opté pour la moins grave; ce n’est pas une critique, juste une évidence, une constatation.

La communauté internationale et l’Union européenne n’ont pas pu se décider à envoyer une force de protection. Les renforcements de la MONUC demandés depuis plus d’un an commencent à peine à arriver. Le récent rapport du groupe d’experts indépendants des Nations unies ainsi que celui de l’organisation Human Rights Watch font un constat accablant de la situation actuelle qu’il n’est pas possible d’ignorer ou de passer sous silence.

Il est maintenant temps que ces causes profondes soient abordées, traitées, et que des solutions durables soient envisagées. Pour ce faire, il faut néanmoins la coopération de tout le monde, des gouvernements congolais et rwandais, en premier lieu, de la MONUC et des Nations unies, du reste de la communauté internationale et de l’Union européenne, ensuite.

Nul ne doute que le rapprochement politique et diplomatique entre le Rwanda et la RDC puisse être bénéfique pour la stabilité de la région et permettre, si la volonté existe de deux cotés, de conduire à une coexistence pacifique et à une coopération profitable aux deux pays au sein d’une CEPGL redynamisée.

Toutefois ceci n’est que le début d’un chemin qui est encore long et pavé de difficultés. La question des FDLR est au cœur du problème ainsi que toutes les problématiques annexes qu’elle entraîne et qui compliquent la donne: l’exploitation illégale des ressources naturelles; le manque de protection des minorités; l’impunité dans une vaste zone de non-État, où la puissance publique non seulement est incapable d’assurer le contrôle du territoire mais dont les représentants font souvent partie du problème.

L’accord Rwanda-RDC a permis de neutraliser temporairement le CNDP et les revendications inacceptables de Laurent Nkunda. L’accord s’est tout simplement soldé par le remplacement de Nkunda par Bosco Ntaganda, plus malléable et prêt à n’importe quel compromis, en échange d’une immunité en violation de toutes les dispositions internationales en matière de crimes contre l’humanité que ni le Rwanda ni la RDC ne sont en droit ni en position de lui accorder.

À ce jour, l’intégration hâtive du CNDP dans une armée inefficace et en proie à la gabegie, comme le sont FARDC; l’obtention, par Bosco Ntaganda, d’un pouvoir autonome accru résultant de la mise ne place d’une chaîne de commandement parallèle au sein des FARDC, auquel le paiement irrégulier des militaires et l’absence de toute forme de discipline et de toute hiérarchie fournissent un terrain fertile; l’appui de la MONUC aux opérations militaires contre les FDLR qui n’est pas suffisamment encadré et calibré, et le manque de réponse face aux revendications des minorités rwandophones, sont des facteurs qui risquent de créer des problèmes encore plus graves que celui auquel nous étions confrontés il y a un an – des problèmes que ni le Rwanda ni la RDC ne seront plus à même de gérer.

Sur cette toile de fond, la situation ne s’est guère améliorée: la crise humanitaire se poursuit sans signaux évidents d’amélioration, tout comme les violations des droits de l’homme, le phénomène exécrable des violences, voire des atrocités sexuelles, l’impunité pour toutes sortes de crimes, le pillage des ressources naturelles. Il suffit de lire les rapports des Nations unies et de l’organisation Human Right Watch que j’ai mentionnés pour prendre la mesure de l’ampleur de cette tragédie sans fin. Il est clair que les actions qui visent à mettre hors d’état de nuire les FDLR doivent se poursuivre, mais pas à n’importe quel prix, pas sans avoir d’abord mis tout en place pour minimiser les risques que la pression militaire entraîne pour les civils innocents.

Cela requiert une meilleure planification, le recentrage des priorités et une capacité accrue de la MONUC d’assurer la protection des populations, la première tâche prévue par son mandat. Il faut aussi que les conditions dans lesquelles la MONUC peut opérer soient claires et sans ambiguïté. Il n’est pas question ici de demander un retrait ou un désengagement de la MONUC. Un départ hâtif de la MONUC serait catastrophique car il rendrait le vide encore plus vide: les événements récents de l’Équateur, qui sont avant tout un symptôme supplémentaire du mal congolais, le démontrent.

Il est clair qu’il faut aussi mettre fin aux connivences politiques et économiques dont les FDLR continuent à bénéficier dans la région et ailleurs dans le monde, dans nos États membres entre autres. Le combat des FDLR n’est pas un combat politique, mais une action criminelle dont la population congolaise est la première victime, et c’est ainsi qu’il doit être traité comme tous ceux qui s’y associent directement ou indirectement. C’est pourquoi il faut plus de fermeté face à toutes sortes de trafics. En même temps, au delà du processus de démobilisation, désarmement, réinsertion, réintégration et rapatriement (DDRRR), une plus grande clairvoyance des autorités rwandaises et congolaises vis-à-vis de ceux qui ne sont pas nécessairement des criminels est de mise.

Cela étant, une bonne partie du problème doit également trouver une solution en RDC. Je pense bien entendu aux racines locales du conflit. À ce propos, les accords du 23 mars doivent être intégralement appliqués sous peine de voir, tôt ou tard, les frustrations des populations locales prendre le dessus. C’est une condition sine qua non pour que les efforts de stabilisation et la volonté de relancer l’activité économique dans les Kivus puissent réussir. Le rôle de la communauté internationale pourra alors être vraiment.

Cependant, au-delà des Kivus, je pense aussi à l’énorme gâchis qu’est devenue depuis une vingtaine d’années, la RDC – un pays où presque tout est à refaire, à commencer par la reconstruction de l’État dont l’absence est au cœur de tous les problèmes.

Pour ce faire, quelques éléments sont cruciaux. En premier lieu, il faut une consolidation de la démocratie. Je pense bien entendu aux élections, locales, législatives et présidentielles qui s’annoncent pour 2011. Les élections sont un élément de la démocratie mais il ne faut pas oublier la nécessité de continuer à soutenir les institutions et les forces politiques dans une dimension dialectique avec l’opposition, sans laquelle nous ne serions pas dans un système politique véritablement ouvert.

Le deuxième élément, c’est assurément la nécessité d’approfondir la bonne gouvernance. Or, s’il est vrai que, devant l’ampleur des problèmes, la RDC ne peut pas tout faire à la fois, il est clair qu’il faut une volonté politique sans faille pour avoir une chance de réussir. Le Parlement a mentionné la question de l’impunité. C’est un bon exemple, car il s’agit d’une question de volonté politique qui sous-tend par ailleurs toute la question de l’affirmation de l’état de droit. Le problème est que les choses ne peuvent pas se faire isolément. L’état de droit requiert aussi une réforme du secteur de la sécurité et des progrès réels dans la gouvernance économique.

L’ampleur des défis implique des politiques sur le long terme. Toutefois, cela ne doit pas constituer une excuse pour que des actions plus immédiates ne voient pas le jour. Je pense notamment à la question des violences sexuelles et des droits de l’homme que le Parlement a mise en exergue. La volonté politique peut y jouer un rôle déterminant et il faut saluer à ce titre l’engagement de faire preuve d’une tolérance zéro pris par le part du président Kabila. Il faut maintenant l’appliquer.

La Commission, qui fait d’ailleurs déjà beaucoup dans ce domaine (appui à la justice, aide aux victimes), est prête à poursuivre son appui à la RDC. À ce titre j’ai également souhaité qu’une coopération plus étroite dans le domaine de la lutte contre les violences sexuelles se mette en place sur le terrain entre la CPI et la Commission.

Consolidation du système démocratique, bonne gouvernance, volonté politique: voici les éléments clés sur lesquels nous voudrions bâtir notre partenariat d’égal à égal avec la RDC.

 
  
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  Filip Kaczmarek, au nom du groupe PPE. (PL) Monsieur le Président, pratiquement tout journaliste écrivant sur l’Afrique voudrait être le prochain Joseph Conrad. C’est pourquoi les journalistes se focalisent souvent sur les aspects les moins favorables, car ils sont à la recherche du cœur des ténèbres.

Le Congo ne doit cependant pas nécessairement être au cœur des ténèbres. Il peut être un pays normal. Il y a en Afrique des pays normaux où les abondantes ressources naturelles servent les intérêts du peuple, où les autorités publiques se soucient du bien collectif, où les enfants vont à l’école, et où le sexe est associé à l’amour plutôt qu’au viol et à la violence. Je suis certain que la clé du succès au Kivu et dans l’ensemble du Congo réside dans la qualité du gouvernement. Sans un gouvernement démocratique, juste, honnête et efficace, la paix et la justice sont irréalisables. Sans un gouvernement responsable, les nantis du pays ne servent que les intérêts de quelques-uns, les dirigeants ne s’occupent que d’eux-mêmes, les écoles sont vides et la violence fait partie du quotidien.

Je me rappelle l’optimisme de 2006. J’ai moi-même rempli le rôle d’observateur durant les élections et nous étions tous ravis qu’après une coupure de 40 ans, des élections démocratiques aient lieu dans ce grand et important pays. Notre optimisme s’est toutefois avéré prématuré. On peut difficilement ne pas se demander pourquoi cela s’est produit et pourquoi les élections n’ont pas débouché sur de meilleures conditions de vie au Congo. Selon moi, c’est une question d’argent, comme l’ont dit Mme Malmström et M. De Gucht. Ils ont parlé de l’exploitation illégale des ressources et de leur rôle dans le financement des armes, qui contribue à alimenter et à exacerber le conflit. Si nous pouvons mettre un terme à cela, nous nous rapprocherons de notre objectif.

 
  
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  Michael Cashman, au nom du groupe S&D.(EN) Monsieur le Président, je remercie le commissaire pour sa déclaration, qui a certainement le mérite de me rassurer.

Permettez-moi de dire, Monsieur le Commissaire, que je partage totalement vos propos: nous ne pouvons pas nous retirer; nous ne pouvons pas créer un vide, car il existe déjà un vide qui se caractérise par l’absence de volonté politique, et nous avons besoin de leadership politique pour y remédier dans le respect des obligations internationales et en vertu de l’État du droit.

Permettez-moi de me pencher sur la réalité des chiffres. Depuis 1998, le conflit a coûté la vie à plus de 5 000 400 personnes et il est la cause, directe ou indirecte, de la mort de pas moins de 45 000 victimes chaque mois.

On compterait 1 460 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, la plupart confrontées à la violence, et permettez-moi de m’exprimer au nom de ceux qui n’ont pas voix au chapitre, ceux qui souffrent d’une telle violence. Les groupes armés en République démocratique du Congo (RDC) ont perpétré des actes de violence sexuelle sous diverses formes, y compris l’esclavage sexuel, les enlèvements, le recrutement forcé, la prostitution forcée et le viol. Parmi les victimes congolaises de violence sexuelle figurent des femmes, des hommes et des jeunes garçons qui ont également subi le viol, l’humiliation sexuelle et la mutilation génitale.

On a adopté résolution sur résolution. Le temps est venu pour nous, sur la scène internationale, de demander qu’il soit mis un terme à ces atrocités.

 
  
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  Louis Michel, au nom du groupe ALDE. Monsieur le Président, Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, chers collègues, j’ai toujours été, comme vous le savez, très attentif à ce qui se passe à l’est de la RDC. Malgré l’avancée prometteuse réalisée grâce au récent rapprochement entre le Rwanda et la RDC – rapprochement sans lequel il n’y aura pas de solution à l’est et qu’il faut donc consolider –, malgré les accords du 23 mars, M. le commissaire en a parlé, entre Kinshasa et le groupe rebelle congolais, la situation à l’est reste douloureusement préoccupante.

Je voudrais évoquer sept considérations. La première, c’est que tant que les FDLR n’auront pas été mis hors d’état de nuire, il sera sans doute impossible de pacifier l’est du Congo. Malheureusement, les premières victimes de la pression militaire que la RDC exerce actuellement et qui vise à couper ces extrémistes de leurs bases et de leurs sources de financements sont les populations civiles, victimes des dommages collatéraux, mais aussi de la vindicte des uns et des exactions des autres.

Ce risque-là était prévisible et, le commissaire l’a dit, il fallait, dès le départ, renforcer les capacités de la MONUC qui, aujourd’hui encore, manque cruellement de ressources adaptées pour faire face à toutes les sollicitations et dont l’organisation sur le terrain n’est d’ailleurs pas toujours idéale.

Même si l’on doit exiger une meilleure coordination et une présence plus effective et plus large sur le terrain, il serait cependant risqué de tenir des jugements ou des propos sur la MONUC qui pourraient donner des arguments à certaines forces négatives pour la diaboliser. Et ça, évidemment, ce serait encore beaucoup plus grave.

Un autre élément touche aux exactions des FARDC. Le contexte de la guerre ne peut évidemment justifier ces comportements en aucune manière, et je salue à ce titre la décision prise par les Nations unies de ne plus appuyer, au niveau de la logistique, les unités congolaises qui ne respectent pas les droits de l’homme. La politique de la tolérance zéro récemment instaurée par le président Kabila doit être évidemment saluée. Encore faut-il qu’elle soit respectée et mise en œuvre.

Les carences du système judiciaire congolais créent un sentiment généralisé d’impunité. C’est pour cela que j’encourage les efforts consentis par la Commission en étroite collaboration avec certains des États membres de l’Union européenne pour travailler à la restauration d’un système judiciaire, y compris à l’est.

Enfin, dernier élément: ce qui reste à reconstruire au Congo, c’est un État de droit avec de véritables fonctions régaliennes qui, aujourd’hui, sont totalement inexistantes et donc créent un vide extrêmement grave.

 
  
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  Isabelle Durant, au nom du groupe Verts/ALE. Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Madame la Présidente, la situation dans le Kivu – vous l’avez dit tous les deux – est extrêmement préoccupante et ce, malgré la présence de près de 20 000 soldats de la MONUC.

Les populations civiles, et en particulier les femmes, sont les premières victimes des stratégies de guerre des groupes armés et même de certaines unités, comme on l’a dit, de l’armée congolaise, qui ont fait du viol systématique une arme de guerre. D’ailleurs ici, le mois dernier, un groupe de femmes congolaises sont venues nous le rappeler, à juste titre, pour nous mobiliser contre cette stratégie scandaleuse.

Le pillage des ressources, vous l’avez, dit Monsieur le Commissaire, est aussi un élément qui exacerbe ce conflit. Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit: il est totalement dangereux de discréditer la MONUC, de la discréditer inutilement, de la rendre responsable, à elle seule, de la situation aux yeux des populations déjà épuisées par tant d’années de guerre et de massacres.

Ce n’est pas son mandat qu’il faut revoir et il ne faut évidemment pas exiger son retrait, je suis parfaitement d’accord. Ce qu’il faut revoir, ce sont ses règles d’engagement, ses directives opérationnelles, de façon à ce qu’en aucune manière, la MONUC ne puisse être associée ou soutenir une unité congolaise qui aurait, dans ses rangs, des hommes qui pratiquent des violations des droits de l’homme ou des exactions.

Les autorités congolaises ont, elles aussi, une grande responsabilité dans cette lutte contre l’impunité en matière de violences sexuelles, des crimes d’ailleurs qui devraient être portés devant la Cour pénale internationale. Ces mêmes autorités doivent aussi veiller au casernement urgent des militaires. S’ils étaient casernés, les choses se passeraient sans doute différemment.

Enfin, je pense qu’il faut revenir sur le programme AMANI qui offre la possibilité de construire partout un dialogue et une pacification, seuls gages d’une reconstruction durable. En tout cas, je salue votre intervention, que je partage largement, et j’espère que l’Union européenne restera active. C’est indispensable, même si elle n’a pas voulu, et je le regrette, constituer une force. Cela aurait été une possibilité il y a un peu moins d’un an d’ici. Néanmoins, je pense que l’action de l’Union européenne est indispensable.

 
  
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  Sabine Lösing, au nom du groupe GUE/NGL.(DE) Monsieur le Président, aucun autre pays du monde n’a été le théâtre d’autant d’opérations de politique européenne de sécurité et de défense que la République démocratique du Congo. Comme toujours, la question se pose de savoir quelle sécurité nous défendons. Est-ce la sécurité de la population civile congolaise, des femmes et des enfants du pays? La mission MONUC de l’ONU n’a pas empêché le meurtre, la torture et le viol de milliers de personnes, ni l’expulsion de centaines de milliers de personnes – des atrocités auxquelles a participé le gouvernement soutenu par l’UE.

Que défendons-nous donc au Congo? L’humanité? Ou protégeons-nous un régime qui, entre 2003 et 2006, par exemple, a conclu 61 contrats avec des sociétés minières internationales dont aucune n’a été jugée acceptable, dans l’intérêt du peuple congolais, par des ONG internationales? Le président Kabila s’est rétracté pour un temps en concluant moins de contrats avec des entreprises occidentales. Ce changement de cap a pris fin lorsque la guerre s’est une nouvelle fois intensifiée. Ma question est la suivante: pourquoi ceux qui tirent les ficelles du principal groupe responsable des massacres dans l’est du Congo – les FDLR – sont-ils présumés se trouver en Allemagne? Je renvoie à cet égard à la résolution que j’ai déposée au nom du groupe confédéral de la gauche unitaire européenne - gauche verte nordique.

 
  
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  Andreas Mölzer (NI).(DE) Monsieur le Président, l’expulsion de millions de personnes, des milliers de viols et des centaines de meurtres, cela ne doit pas être le triste héritage de la plus grande opération de maintien de la paix de l’ONU dans le monde. L’opération Congo a été lancée il y a dix ans, mais les résultats sont minces. Des milices continuent à piller la riche réserve de ressources naturelles de la région, à terroriser les habitants et à commettre des crimes contre l’humanité.

Les embargos se sont révélés jusqu’à présent inefficaces. Les rebelles changent simplement de camp et perpétuent leurs crimes sous la protection d’uniformes de soldats congolais. Deux criminels de guerre ont récemment été traduits devant le tribunal des crimes de guerre de La Haye et des projets de développement et des élections ont pu être mis sur pied – un succès partiel, au moins.

Nous avons également réussi à porter un léger coup aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), sans toutefois parvenir à mettre un terme à la cruelle guerre civile. Les fronts ne cessent de changer.

Il est particulièrement troublant de constater que les accusations formulées contre la mission de l’ONU s’avèrent exactes. Les soldats de l’ONU présents sur place ne doivent pas rester passifs lorsque des atrocités sont commises et, plus important encore, l’appui logistique de l’armée ne doit pas être associé au soutien des atteintes aux droits de l’homme. La mission au Congo ne doit pas devenir le Viêt Nam de l’Europe.

Nous avons fondamentalement besoin d’une politique européenne de sécurité coordonnée et d’opérations de maintien de la paix, mais surtout dans les zones voisines de l’Europe, et pas en Afrique profonde, où les fronts ethniques sont flous. Selon moi, l’UE doit concentrer ses opérations de maintien de la paix sur les régions de crise situées près de chez elle, par exemple dans les Balkans ou le Caucase. C’est pourquoi nous devrions peut-être mettre fin à la participation de l’UE à la mission de l’ONU en Afrique.

 
  
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  Gay Mitchell (PPE).(EN) Monsieur le Président, il va sans dire que la situation en République démocratique du Congo (RDC) est déplorable et que l’impact du conflit sur la population est tragique.

Néanmoins, un certain nombre de points importants doivent être répétés ici et dans notre proposition de résolution commune. Nous devons nous rappeler que la violence en RDC, comme dans de nombreux conflits de ce type, est souvent motivée par l’appât du gain, mais aussi qu’elle résulte de la pauvreté et est alimentée par celle-ci. Les luttes territoriales, l’ethnicité, les ressources ou la politique ne sont que des branches d’un même arbre pourri du désir.

Améliorez la prospérité d’un homme et donnez-lui un but et vous réduirez son désir de tuer ou d’être tué. Tel est le défi de développement que ce Parlement doit relever.

Deuxièmement, nous devons veiller à ce que toute présence militaire dans un pays étranger soit conçue et mise en œuvre dans le but de réduire les souffrances et la violence, et non pas de les exacerber. Nous devons agir comme des piliers contre l’impunité, et non comme des agents de celle-ci.

S’il est prouvé que des missions occidentales ne répondent pas à ces critères, il est urgent de réévaluer leur présence et leurs pratiques.

Enfin, l’histoire a montré que, dans des conflits internes comme celui de la RDC, une solution politique est le seul espoir de paix. Le dialogue et l’engagement sont les seuls chemins menant à une solution.

À travers la création «post-Lisbonne» de notre Service pour l’action extérieure, l’Union européenne doit s’imposer sur la scène internationale en tant que facilitatrice plus proactive et promotrice de la paix.

 
  
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  Corina Creţu (S&D).(RO) Comme l’ont indiqué les précédents orateurs, des millions de civils ont été délibérément tués dans le cadre d’opérations militaires dans l’est de la République du Congo. Il y a un risque que de telles nouvelles ne relèvent pratiquement de la routine au vu de la fréquence sans précédent de ces actes de violence dans ce pays. Les victimes de ces actes incluent des enfants, des jeunes filles et des femmes, sans oublier les civils chargés de la protection des droits de l’homme et les journalistes.

La crise humanitaire s’aggrave de jour en jour. Le manque de sécurité dans la région empêche les organisations humanitaires d’intervenir. Plus de 7 500 cas de viols et d’actes de violence sexuelle ont été enregistrés au cours des neuf premiers mois de cette année seulement, soit davantage qu’au cours de la totalité de l’année dernière. Tous ces incidents se sont déroulés dans un contexte de famine et d’extrême pauvreté touchant des millions de personnes. La responsabilité de cette tragédie incombe à la fois à l’armée congolaise et aux rebelles rwandais. Malheureusement, des signes indiquent que les troupes de l’ONU présentes au Congo portent une grande part de responsabilité en autorisant que soient commises de graves violations des droits de l’homme. C’est pourquoi j’estime que l’Union européenne doit débattre dans l’urgence de la façon dont les forces de l’ONU au Congo vont réaliser les objectifs de la mission qui leur a été confiée.

Des mesures s’imposent également pour mettre fin aux activités de blanchiment d’argent, au trafic d’armes et au trafic d’or, qui conduisent à la sortie illégale du Congo de 37 tonnes d’or par an, pour une valeur supérieure à 1 milliard d’euros. L’argent de ce trafic est utilisé pour acheter des armes et encourager le crime dans ce pays.

 
  
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  Sophia in 't Veld (ALDE).(NL) Monsieur le Président, je viens d’écouter l’intervention de M. Mölzer, qui a maintenant quitté l’Assemblée, et qui a dit en substance ceci: la situation est tellement désespérée que nous devrions renoncer et nous concentrer sur nos propres voisins. Je dois admettre qu’une analyse réelle de la situation donnerait presque envie d’abandonner. Et puis je repense aux femmes qui nous ont rendu visite le mois dernier, et auxquelles Mme Durant a également fait référence, et je me demande si nous pouvons les regarder dans les yeux et leur dire simplement que nous renonçons , ou que cela ne fait pas partie de nos priorités, ou que nous nous contenterons d’adopter une énième résolution avec le sentiment du devoir accompli. Quand je pense à ces femmes, à leur désespoir ou leur amertume, et au sentiment qu’elles ont été laissées en plan, je considère qu’il est éminemment possible de mener un tel débat.

La résolution contient de très nombreux éléments positifs, et j’espère que nous les concrétiserons par des actes, mais je voudrais juste insister sur un aspect. Nous parlons souvent de viol, ou de violence sexuelle, mais en fait, ces termes couvrent à peine la réalité des faits. Les femmes avec lesquelles nous avons discuté ont dit que cela dépassait largement les agressions sur des individus; il ne s’agit pas de violence individuelle mais plutôt d’une attaque de la communauté dans le but de détruire la structure de celle-ci. Il est dès lors très urgent, selon moi, non seulement que nous prenions des mesures, que nous mettions fin à l’impunité, que nous payions rubis sur l’ongle et que nous dégagions les ressources nécessaires aux mesures annoncées, mais aussi que nous montrions que nous tendons la main à ces populations, que nous soyons solidaires à leur côté et que nous ne les laissions pas tomber; bref, que nous assumions notre responsabilité morale.

 
  
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  Cristian Dan Preda (PPE).(RO) En ce moment présent, qui coïncide également avec l’annonce prochaine par les Nations unies de l’extension du mandat de la MONUC, je pense que nous devons réfléchir aux actions de la communauté internationale vis-à-vis de la situation sur le terrain en RDC, qui, malheureusement, continue à se détériorer. Comme le confirme également l’expérience de l’opération Kimia II menée par l’armée congolaise avec le soutien de la MONUC, un succès militaire n’est pas suffisant si le coût humanitaire est élevé et s’il résulte dans la souffrance de la population civile congolaise.

Les récentes opérations militaires menées contre les FDLR ont eu des conséquences désastreuses, engendrant - nous devrions en être conscients - des violations à grande échelle des droits de l’homme et aggravant la crise humanitaire. Par ailleurs, l’impunité est une invitation à commettre ces crimes perpétuellement. Je pense que la protection de la population civile doit être la priorité numéro un. Le Parlement européen doit affirmer fermement que les actes de violence, en particulier de violence sexuelle, et les violations des droits de l’homme en général, ainsi que les abus commis au Kivu, doivent cesser immédiatement, tout comme le climat d’impunité.

 
  
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  Luis Yáñez-Barnuevo García (S&D).(ES) Monsieur le Président, d’autres députés ont déjà évoqué la situation tragique en République démocratique du Congo. Ils ont parlé des millions de morts et de cas de viols et d’abus contre la population civile. Ils ont parlé de la mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) et de la coopération de la Commission européenne sur le terrain. Il a moins été question, cependant, de la nécessité de contrôler le flux illégal de matières premières, par exemple de diamants, d’or et d’autres produits, vers le reste du monde. Ces produits sont «blanchis» via des comptes et des entreprises légitimes dans nos propres pays ou aux États-Unis.

C’est une mission importante pour Mme Ashton. Avec l’autorité que lui a conférée le traité de Lisbonne et le soutien des 27 États membres et de ce Parlement, elle pourrait coordonner un vaste programme d’action destiné à empêcher que ces richesses tombent dans les mains des chefs de guerre responsables des massacres et des viols.

 
  
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  Anne Delvaux (PPE). - Monsieur le Président, au regard des récents rapports alarmistes établis dans le Nord et dans le Sud-Kivu, au regard de l’extrême violence des attaques perpétrées contre des civils et, plus spécifiquement, contre femmes, enfants et vieillards, l’urgence, si souvent évoquée par l’Union européenne et par toute la communauté internationale à l’égard du Congo, me paraît revêtir un caractère nécessairement immédiat. Tout doit être mis en œuvre pour assurer la protection des populations civiles. Le mandat de la MONUC, sur place, va sans doute être prolongé, mais il doit aussi absolument être réévalué, renforcé, afin d’endiguer ces montées de violence.

Depuis de nombreuses années, communautés internationales, ONG et femmes congolaises n’ont cessé de déployer des efforts pour lutter contre l’utilisation de cette arme de guerre à caractère sexuel, utilisation aujourd’hui systématique et généralisée dans les zones pacifiées, toujours dans un contexte d’impunité totale. Je me réjouis de la récente détermination affichée par les autorités congolaises pour mettre un terme à cette impunité, mais cette politique de tolérance zéro doit être ambitieuse – tous les auteurs d’exaction, sans exception, devront rendre des comptes – et réellement effective.

L’ouverture, à la Cour pénale internationale, des premiers procès des responsables présumés des crimes sexuels perpétrés dans le cadre d’un conflit armé doit déboucher sur la possibilité pour la Cour d’identifier tous les responsables afin qu’ils soient jugés dans les meilleurs délais.

Enfin, tout cela, évidemment, va de pair avec le renforcement des structures étatiques, le maintien de l’ordre, la promotion de l’égalité des genres et la protection des droits de l’homme, donc des femmes et des enfants, dont la dignité, l’enfance ou l’innocence sont souvent sacrifiées sur l’autel d’une autre humiliation: l’indifférence.

 
  
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  Michèle Striffler (PPE). - Monsieur le Président, la situation humanitaire à l’est de la République du Congo, et plus particulièrement dans la province orientale et dans le Kivu, serait catastrophique, on le sait maintenant. La situation sécuritaire des populations civiles s’est dégradée suite, notamment, aux opérations militaires conjointes menées par les forces armées congolaises et les troupes ougandaises et rwandaises contre l’ensemble des groupes armés rebelles, entraînant dans leur sillage de nombreux massacres et violations des droits de l’homme.

La violence sexuelle est un phénomène très inquiétant et très répandu, qui fait désormais partie du quotidien des Congolais. De plus, de nombreux actes de violence sont commis à l’encontre des travailleurs humanitaires.

Les chiffres officiels indiquent que l’est de la République du Congo compte quelque 2 113 000 personnes déplacées. Depuis le 1er janvier 2009, plus de 775 000 nouveaux déplacés ont été recensés dans le Kivu et 165 000 dans les districts de l’est de la province orientale.

À l’heure actuelle, on estime qu’une aide humanitaire doit être apportée à près de 350 000 personnes vulnérables: enfants, veuves et victimes de violences sexuelles. Une réaction rapide de la Communauté est donc indispensable.

 
  
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  Marc Tarabella (S&D). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, tous les orateurs ont insisté, à juste titre, sur la situation horrible que vivent les Congolais, et surtout les Congolaises, dans l’est de ce pays. Ils ont parlé des viols, des actes de barbarie qu’elles subissent et des meurtres dont elles sont victimes. Mais plutôt que d’en parler, je vous invite à visiter les sites de l’UNICEF et de V-Day, qui sont évidemment éloquents à cet égard.

Aujourd’hui, je vais vous parler des conséquences pratiques que ces actes de barbarie ont sur le Congo, des femmes blessées physiquement et mentalement, qu’il faut soigner, des femmes assassinées, qui ne pourront plus participer au développement économique du Congo, de même que leurs enfants qui ne naîtront jamais. J’aimerais aussi parler de la propagation du sida, un traumatisme subi par l’ensemble de la population congolaise, qui renvoie une image négative sur la scène internationale, bref, d’un Congo qui n’arrête pas de s’enfoncer.

Favoriser une paix stable et promouvoir le développement économique du Congo n’est réalisable que si le gouvernement congolais et l’ONU luttent efficacement contre les violences sexuelles à l’encontre des Congolaises et, plus largement, veillent à instaurer un réel état de droit dans ce pays.

 
  
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  Frédérique Ries (ALDE). - Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le Commissaire, je voudrais évoquer à mon tour la tragédie des violences sexuelles dont sont victimes les femmes en RDC, plus particulièrement dans l’est du pays. Le phénomène n’est pas nouveau. Il est extrêmement complexe. Il est multidimensionnel. Les souffrances physiques, les souffrances psychologiques des victimes sont aggravées encore par cette exclusion sociale, qui est tragique pour elles. Aujourd’hui, la politique de tolérance zéro du président Kabila porte timidement ses premiers fruits, mais chacun est conscient que seule une stratégie globale peut durablement combattre ce fléau.

Je sais, Monsieur le Commissaire, que la Commission intervient déjà, via une multitude de projets et de budgets également. Mais face aux chiffres, face aux témoignages terribles, atroces, que nous entendons, ne trouvez-vous pas que nous sommes en droit, ici, de nous poser des questions sur les résultats de cette stratégie? Les femmes, Monsieur le Commissaire, sont le principal vecteur de paix et de reconstruction dans un pays. Elles sont l’avenir du Congo. Quelles sont vos intentions pour faire mieux et pour faire plus vite?

 
  
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  Raül Romeva i Rueda (Verts/ALE). - Monsieur le Président, je voulais moi aussi intervenir dans ce débat car il traite d’un sujet que je suis depuis longtemps. Malheureusement, vu les actes de violence constants et les atteintes aux droits de l’homme dans l’est de la RDC, nous devons une fois de plus déplorer vivement les massacres, les crimes contre l’humanité et les actes de violence sexuelle commis contre les femmes et les jeunes filles, qui perdurent dans la province de l’est.

C’est pour cela que je m’associe à mes collègues pour demander à toutes les autorités compétentes d’intervenir sans délai pour traduire en justice les auteurs de ces crimes et inviter à nouveau le Conseil de sécurité des Nations unies à prendre d’urgence toute mesure susceptible d’empêcher réellement quiconque de s’attaquer encore aux populations civiles dans la province orientale de la RDC.

De même, j’appelle l’ensemble des acteurs à renforcer la lutte contre l’impunité et à faire respecter l’état de droit, en s’attaquant notamment au viol des femmes et des jeunes filles et à l’enrôlement des enfants soldats?

 
  
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  Franz Obermayr (NI).(DE) Monsieur le Président, en novembre 2009, un échange d’ambassadeurs a eu lieu entre le Rwanda et la République démocratique du Congo – une faible lueur d’espoir pour ce pays ravagé et sa population dévastée. En outre, le dirigeant des Forces démocratiques de libération du Rwanda a été arrêté. Ce sont deux signes de l’amélioration de la situation dans l’est du Congo. Ma question à la Commission est la suivante: quelles mesures entendez-vous prendre pour rapprocher encore plus le Congo et le Rwanda?

Concernant le mandat de l’ONU, il a beaucoup été question aujourd’hui de la mise en œuvre de toute une série d’actions. Soyons francs: s’il y a un mandat de l’ONU, il doit assurément servir à la protection de ceux qui sont opprimés, torturés, violentés et abusés, en particulier les femmes et les enfants de ce pays. À cet égard, une chose doit être claire: si l’ONU reçoit un mandat – et nous sommes quelque peu restrictifs en la matière en Autriche – il doit être cohérent et, si nécessaire – y compris pour la protection des opprimés -, les hommes présents sur le terrain doivent être armés.

 
  
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  Seán Kelly (PPE).(EN) Monsieur le Président, il est malheureux qu’en cette période de Noël, nous ayons passé ces deux dernières heures à parler de la violence dans le monde, qu’elle sévisse en Tchétchénie ou en Afghanistan et maintenant au Congo. C’est pourtant la réalité.

Dans le même temps, conformément au message de paix et de bonne volonté de cette saison festive, nous devons, comme l’a si bien dit mon collègue M. Mitchell, agir comme des promoteurs de la paix. Il s’agit par ailleurs d’une grande opportunité pour la haute représentante, Mme Ashton, d’utiliser le pouvoir et le soutien de l’Union européenne comme cela n’a encore jamais été fait par le passé, afin de ramener l’ordre dans ces pays et de tenter de soulager les terribles souffrances de la population locale.

Pourtant, la solution à long terme viendra non pas d’une amélioration économique mais de l’éducation, et nous devons tenter de garantir le libre accès à un enseignement de qualité dans ces pays, car c’est le véritable moyen d’y amener la paix à long terme.

 
  
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  Jim Higgins (PPE).(EN) Monsieur le Président, en 1960, le secrétaire général suédois des Nations unies, Dag Hammarskjöld, a demandé aux troupes irlandaises d’intervenir comme forces de paix dans ce qui était à l’époque le Congo belge. Elles y ont réalisé un travail remarquable.

Je suis extrêmement préoccupé par le rôle des forces des Nations unies au Congo actuel: les Marocains, les Pakistanais et les Indiens. On parle de viols, de violence, de commerce etc., mais les troupes des Nations unies présentes sur place ne se couvrent pas de gloire et rendent même de mauvais services.

Je suis pleinement d’accord avec M. Mitchell lorsqu’il dit que l’Union européenne doit se montrer plus ferme. Nous formons une Union européenne, totalement unie. Nous avons réalisé de l’excellent travail au Tchad. Nous devons envoyer là-bas nos propres forces de maintien de la paix et nous ne pouvons pas nous en remettre aux Nations unies. La situation est la suivante: un peuple remarquable a été victime de la colonisation européenne, victime de conflits tribaux, victime de l’aveuglement occidental, et nous ne pouvons fermer les yeux plus longtemps. Nous devons simplement y aller et sauver ces personnes.

 
  
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  Alf Svensson (PPE).(SV) Monsieur le Président, il est pratiquement impossible de croire aux terribles statistiques citées, et nous savons pourtant qu’elles sont exactes. Nous avons toutefois le sentiment – partagé peut-être par beaucoup – qu’à l’égard du plus pauvre des pays pauvres de l’Afrique subsaharienne, notre engagement n’est pas aussi fort ou aussi spécifique qu’il ne devrait l’être. La puissance militaire a été évoquée. Je pense que chacun de nous comprend que nous devons combattre la pauvreté et la corruption si nous voulons contribuer à soulager et à améliorer la situation de la population de ce pays, qui a subi les plus atroces souffrances.

Nous nous réjouissons, à juste titre, de parler de l’Afghanistan et de consacrer beaucoup de temps au débat sur la terreur et les agissements des talibans dans ce pays. Mais voici un autre peuple qui a souffert et souffre encore dans les conditions les plus terribles. Je voudrais souligner que des organisations non gouvernementales peuvent faire leur travail si elles reçoivent le soutien de l’État et de l’UE, mais celui-ci semble souvent très difficile à obtenir.

 
  
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  Cecilia Malmström, présidente en exercice du Conseil.(SV) Monsieur le Président, comme l’a montré ce débat, il y a de très bonnes raisons de poursuivre notre engagement en République démocratique du Congo. L’UE s’est déjà fermement engagée à assurer la stabilité, la sécurité et le développement à long terme dans ce pays. Le commissaire De Gucht a dressé un long bilan des opérations de l’UE.

Cumulées, les contributions des États membres et de la Commission font de l’UE l’un des plus grands bailleurs d’aide dans la région, ce qui peut nous conférer de l’influence. Afin de préserver la stabilité en République démocratique du Congo et dans la région, il est cependant essentiel de relever le niveau de vie de la population congolaise, de défendre les droits de l’homme, et de prendre des mesures vigoureuses contre la corruption en vue d’instaurer une société reposant sur les principes de l’état de droit.

L’épouvantable violence sexuelle dont ont témoigné ici plusieurs députés et qui nous est malheureusement relatée dans de trop nombreux rapports est bien entendu tout à fait inacceptable. Les auteurs de ces actes ne peuvent pas être laissés en liberté. Ils doivent être traduits en justice. Le gouvernement congolais a une grande responsabilité en la matière et doit faire en sorte que la politique de tolérance zéro du président Kabila ne soit pas que des mots, mais soit traduite dans la réalité.

En ce qui concerne le Conseil, le mandat des deux missions PESD a été réexaminé à la suite de la mission d’investigation effectuée début 2009 en République démocratique du Congo, en vue précisément de contribuer à la lutte contre ce type de violence sexuelle. En conséquence, EUPOL RD Congo va déployer deux équipes multidisciplinaires dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, avec un mandat couvrant l’ensemble du pays. Ces équipes fourniront différentes formes d’expertise spécialisée dans des domaines tels que les enquêtes criminelles et le contrôle de la violence sexuelle. Le recrutement pour ces missions est actuellement en cours.

Il ne s’agit bien entendu que d’une petite contribution. Dans un pays aussi vaste, elle est modeste. Elle n’en reste pas moins importante et cette nouvelle force spécialisée pourra soutenir la mise en œuvre de procédures d’enquête adéquates en matière de violence sexuelle, en particulier lorsque de tels actes sont commis par des individus en uniforme.

Nous allons entamer l’heure des questions, mais puisqu’il s’agit de mon dernier débat dans cette Assemblée en tant que représentante de la Présidence suédoise, je voudrais vous remercier pour les nombreux débats de qualité, les bons moments et l’excellente coopération dont j’ai pu bénéficier auprès des membres du Parlement européen et de vous-même, Monsieur le Président.

 
  
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  Le Président. – Je voudrais également vous adresser, au nom de tous mes collègues députés européens, nos sincères remerciements pour votre efficacité et vos efforts, dont nous retirons une grande satisfaction.

 
  
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  Karel De Gucht, membre de la Commission.(EN) Monsieur le Président, je voudrais avant tout remercier tous les députés qui ont contribué à ce débat. Je ne reviendrai pas sur ma déclaration initiale. Permettez-moi de me concentrer sur trois éléments.

Premièrement, la Commission européenne met beaucoup en œuvre en termes d’aide humanitaire et de programmes visant à rétablir l’état de droit. Nous parlons de dizaines de millions, et même de plus de 100 millions d’euros à l’origine. Le problème reste toutefois de savoir quelle est l’efficacité de tout cela s’il n’y a pas un homologue approprié sur la scène politique.

Deuxièmement, je voudrais formuler une observation sur le mandat de la MONUC car, bien que la MONUC puisse et doive essuyer des critiques en raison des événements récents, je pense que ce serait commettre une lourde erreur de leur demander de quitter la RDC. Ce serait la pire chose à faire.

Permettez-moi de vous lire quelques passages du mandat adopté par le Conseil de sécurité de l’ONU au début de l’année 2009. Il énonce que «le Conseil de sécurité décide qu’à compter de la date d’adoption de la présente résolution, la MONUC, agissant en étroite collaboration avec le gouvernement de la RDC, aura pour mandat, dans cet ordre de priorité, d’assurer la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel et des installations des Nations unies; d’assurer la protection des civils, y compris le personnel humanitaire, exposés à une menace imminente de violence physique, en particulier la violence émanant des parties engagées dans le conflit».

Un autre paragraphe très pertinent est le paragraphe G concernant les opérations coordonnées. Il énonce «coordonner ses opérations avec les brigades intégrées des FARDC – l’armée – déployées dans l’est de la République démocratique du Congo et soutenir les opérations menées par et planifiées conjointement avec ces brigades dans le respect du droit international humanitaire, des droits de l’homme et du droit des réfugiés en vue de», etc.

Le mandat est donc très clair et ce sont les règles d’engagement qui devraient faire l’objet d’un débat. En fait, la MONUC devrait examiner ses propres règles d’engagement, car c’est à elle de décider comment elle souhaite procéder.

Enfin, de nombreuses critiques visent la justice pénale internationale. D’aucuns s’interrogent sur la compatibilité de celle-ci avec la politique. Pouvons-nous avoir d’une part une justice pénale internationale et d’autre part la gestion politique adéquate d’une crise? C’est une question très intéressante.

Une partie de la réponse apparaît au Congo. Nous avons permis à Bosco Ntaganda de remplacer Laurent Nkunda à la tête du CNDP, et ce alors que Bosco Ntaganda fait l’objet d’un mandat d’arrêt, et vous voyez le résultat. Tout finit par se payer. On ne peut pas choisir entre, d’une part, la gestion d’une crise politique et, d’autre part, l’application d’une justice pénale internationale. Je pense que le Parlement européen et la Commission européenne doivent donner la priorité à l’application adéquate de la justice pénale internationale.

 
  
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  Le Président. – J’ai reçu, conformément à l’article 103, paragraphe 2, du règlement, six propositions de résolution(1).

Le débat est clos.

Le vote aura lieu jeudi 17 décembre 2009.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE Mme DIANA WALLIS
Vice-présidente

 
  

(1) Voir procès-verbal.

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