Proposition de résolution - B6-0033/2009Proposition de résolution
B6-0033/2009

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

7.1.2009

déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission
conformément à l'article 103, paragraphe 2, du règlement
par Karl von Wogau, Filip Kaczmarek et Charles Tannock, au nom du groupe PPE-DE
Alain Hutchinson, Ana Maria Gomes, Glenys Kinnock, Marie-Arlette Carlotti et Thijs Berman, au nom du groupe PSE
Renate Weber, Marco Cappato, Olle Schmidt, Johan Van Hecke et Thierry Cornillet, au nom du groupe ALDE
Mikel Irujo Amezaga, au nom du groupe Verts/ALE
Cristiana Muscardini, Adam Bielan, Ryszard Czarnecki et Konrad Szymański, au nom du groupe UEN
Luisa Morgantini et Eva-Britt Svensson, au nom du groupe GUE/NGL
sur la situation dans la Corne de l'Afrique

Procédure : 2008/2688(RSP)
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B6-0033/2009

B6‑0033/2009

Résolution du Parlement européen sur la situation dans la Corne de l'Afrique

Le Parlement européen,

–  vu ses résolutions précédentes sur les pays de la Corne de l'Afrique,

–  vu le rapport de la mission dans la Corne de l'Afrique, adopté dans son comité de développement, le 8 décembre 2008,

–  vu l'article 103, paragraphe 2, de son règlement,

A.  considérant que les conflits frontaliers non résolus entre l'Éthiopie et l'Érythrée et entre l'Érythrée et Djibouti ont une incidence négative sur la paix et la sécurité de la Corne de l'Afrique; que la situation en Somalie s'est détériorée pour devenir l'une des crises humanitaires et sécuritaires parmi les plus graves dans le monde; que la situation au Soudan est un facteur de risque majeur pour la sécurité dans la région;

B.  considérant que l'Ethiopie et l'Erythrée ont mis fin à la guerre qui les opposait par la signature des «Accords d'Alger», négociés au niveau international et prévoyant une mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE), et la mise en place de la Commission internationale frontalière pour l'Érythrée et l'Éthiopie (EEBC), mais que des différents subsistent entre les deux parties au sujet de la mise en œuvre des accords et de la décision de la Commission frontalière; que la MINUEE a dû prendre fin le 31 juillet 2008 dans la mesure où l'Érythrée ne soutenait plus la présence de la mission;

C.  considérant que l'escalade de la violence à la frontière entre l'Érythrée et Djibouti à Ras Doumeira en juin 2008 a provoqué la mort de 35 personnes et fait des dizaines de blessés; que le 12 juin 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies a appelé les deux parties à s'engager à conclure un cessez-le-feu, à retirer leurs troupes et à rétablir le statu quo; que la situation est calme pour l'instant mais qu'étant donné la proximité des troupes, un risque d'escalade existe;

D.  considérant que le 29 octobre 2008, le consulat éthiopien et les bureaux des Nations unies à Hargeisa, capitale du Somaliland, ont été visés par un attentat terroriste à la bombe revendiqué par des milices islamistes radicales;

E.  considérant qu'un nouveau cycle de négociations a eu lieu à Djibouti en novembre 2008, ouvrant la voie à un partage du pouvoir entre le gouvernement fédéral de transition et l'opposition de l'ARS-D;

F.  considérant que lors d’une conférence organisée, le 29 octobre, à Nairobi avec des représentants des institutions fédérales de transition et des membres du parlement fédéral de transition, l’IGAD a adopté un plan en sept points pour soutenir le processus de paix en Somalie et a élaboré un mécanisme de contrôle de sa mise en œuvre;

G.  considérant que depuis novembre 2008, l'Éthiopie poursuit le retrait de ses troupes de Mogadiscio ainsi que partout où elle est encore présente en Somalie; que l'Amisom, déployée depuis mars 2007 essentiellement à Mogadiscio, va donc se retrouver seule sur le terrain;

H.  considérant que le gouvernement fédéral de transition de Somalie s'est trouvé incapable, ces quatre dernières années, de mettre en place un gouvernement ayant une large assise; qu'en raison de la démission récente du Président Abdullahi, il existe un réel danger que les factions rivales reprennent les combats;

I.  considérant que les actes de piraterie posent un autre défi sécuritaire majeur dans la Corne de l’Afrique; que la lutte contre la piraterie ne peut être menée par des moyens militaires mais dépend avant tout du succès des efforts en vue de promouvoir la paix, le développement et le renforcement de l'État en Somalie; que, suite à des actes de piraterie, le Programme alimentaire mondial a dû suspendre la livraison de l'aide alimentaire à la Somalie, aggravant une situation humanitaire déjà précaire;

J.  considérant que l'Union européenne a lancé, le 8 décembre 2008, son opération maritime UE NAVFOR Somalie (ou opération "Atalanta") visant à protéger les convois maritimes du Programme alimentaire mondial et d'autres navires marchands naviguant dans les eaux au large de la Somalie;

K.  considérant que l'échec de la mise en œuvre de l’accord de paix global entre le nord et le sud du Soudan pourrait conduire à une sécession qui risque de déclencher un conflit militaire pour les gisements de pétrole de la région frontalière; qu'une telle sécession déboucherait très probablement sur un démantèlement du pays, avec des objectifs d’indépendance pour le Darfour et la partie orientale et des conflits interethniques alimentés par les pays voisins, dont l’Érythrée;

L.  considérant qu'à Djibouti, les défis restent énormes et que la crise alimentaire mondiale a contribué à rendre la situation alarmante dans l'ensemble du pays; considérant que l'Ogaden, la région somali de l'Ethiopie, connaît une sécheresse sévère et que l'aide alimentaire contrôlée par le gouvernement et destinée à la population de cette région du pays n'a pas atteint ces populations malgré les récents progrès dans l'acheminement de l'aide alimentaire dans cette région par le Programme alimentaire mondial (PAM), dans la mesure où des retards sont encore constatés en raison du besoin d'une autorisation militaire pour les voyages dans la région somali;

M.  considérant que la situation des droits de l'homme, de la primauté du droit, de la démocratie et de la gouvernance dans tous les pays de la Corne de l'Afrique préoccupe sérieusement l'Union européenne depuis de nombreuses années; que des rapports crédibles font état d’arrestations arbitraires, de torture et de mauvais traitements de prisonniers ainsi que de persécutions de journalistes et de répression politique dans la région;

N.  considérant que le système de vote à la majorité, très défavorable aux partis d'opposition, qui était en vigueur lors des élections législatives de 2008, est un sujet de préoccupation à Djibouti, où le MRD, parti djiboutien d'opposition, a été interdit en juillet 2008 au motif qu'aucune preuve crédible ne permet d'étayer qu'il aurait soutenu une attaque érythréenne contre Djibouti et où des dirigeants du syndicat UDT/UGTD n'ont toujours pas été réintégrés dans leurs fonctions après avoir été licenciés pour des motifs liés à leurs activités syndicales;

O.   considérant que les ONG et l’opposition craignent un accroissement du contrôle gouvernemental et une restriction des libertés politiques par le biais de la loi sur la presse et de la loi sur l’enregistrement des partis, récemment adoptées en Éthiopie; que la loi sur les ONG (the Proclamation for the Registration and Regulation of Charities and Societies), ou loi CSO, adoptée par le Conseil des Ministres et ratifiée par le Parlement éthiopien, risque de porter très sérieusement atteinte aux activités des associations internationales et éthiopiennes actives sur le terrain de l'égalité, de la justice, des droits de l'homme ou encore de la résolution des conflits;

Sécurité régionale

1.  appelle le gouvernement éthiopien à reconnaître officiellement comme définitive et obligatoire la démarcation virtuelle entre l’Érythrée et l’Éthiopie établie par la Commission frontalière; appelle le gouvernement érythréen à accepter de mener avec l’Éthiopie un dialogue sur le processus de désengagement des troupes de la zone frontalière et la démarcation physique de la frontière, conformément à la décision de la Commission frontalière, ainsi que sur la normalisation des relations entre les deux pays, y compris la réouverture de la frontière pour le commerce; appelle la communauté internationale et l'Union européenne à faire pression sur les deux parties en vue de surmonter l'impasse actuelle;

2.  invite le Conseil à nommer un représentant/envoyé spécial de l'Union européenne dans la Corne de l'Afrique;

3.  invite le Conseil et la Commission à poursuivre leurs efforts, dans le cadre du partenariat politique régional de l'UE pour la paix, la sécurité et le développement dans la Corne de l’Afrique, en vue d’identifier des projets d’intérêt commun susceptibles de promouvoir une coopération fonctionnelle entre l’Érythrée et l’Éthiopie, par exemple dans le domaine de l’approvisionnement énergétique et du commerce transfrontalier ou portuaire;

4.  invite le gouvernement érythréen à reconsidérer sa décision de suspendre sa participation à l’IGAD; appelle les dirigeants de l’UA et de l’IGAD à continuer d’impliquer l’Érythrée et à encourager le gouvernement à se joindre aux efforts de coopération régionale et sous-régionale;

5.  appelle le gouvernement érythréen à recevoir, conjointement avec le gouvernement djiboutien, une mission d’enquête indépendante pour examiner la situation à Ras Doumeira; invite les deux parties au dialogue et à la diplomatie en vue de rétablir les relations entre les deux pays;

6.  invite le Conseil et la Commission à maintenir leur soutien au renforcement des institutions, à la mise en œuvre de l’accord de paix de Djibouti et aux efforts de l’IGAD dans le processus de paix; réclame instamment le renforcement de l’Amisom et le déploiement rapide de la force de stabilisation des Nations unies dès que les conditions politiques et sécuritaires le permettront;

7.  condamne les attaques contre les travailleurs humanitaires, de plus en plus fréquentes ces derniers mois, qui ont limité gravement les opérations de secours et contribué à l'aggravation de la situation humanitaire en Somalie; invite le coordinateur de l'aide humanitaire des Nations unies pour la Somalie à négocier l'accès humanitaire en dehors du cadre du processus de paix de Djibouti, zone géographique par zone géographique, pour permettre un approvisionnement alimentaire plus rapide et améliorer la situation humanitaire qui est catastrophique;

8.  souligne qu'après une participation à la réalisation d'un accord entre le nord et le sud du Soudan, il est absolument nécessaire de poursuivre les efforts jusqu'à sa mise en œuvre et de continuer les pressions nécessaires; invite donc le Conseil et la communauté internationale à se montrer beaucoup plus actifs dans leur soutien à la mise en œuvre de l'accord de paix global pour garantir un déploiement intégral de l'UNAMID au Darfour;

9.  appelle le Conseil et la Commission à maintenir leur soutien à l’IGAD et à poursuivre leurs efforts en vue d'élaborer un plan d’intégration et de renforcement des institutions dans la région;

Sécurité Alimentaire et développement

10.  invite le gouvernement érythréen à coopérer plus étroitement avec les organisations internationales à l’évaluation de la situation alimentaire afin de permettre une intervention rapide et ciblée;

11.   appelle le gouvernement érythréen à autoriser un accès sans entrave aux projets financés par la Commission et à s’ouvrir davantage à une assistance technique dans le cadre des projets et programmes élaborés d'un commun accord; l'appelle également à modifier la loi CSO dans le but de réduire les exigences financières pour les ONG désireuses de s’engager dans des activités de développement en Érythrée;

12.  invite le gouvernement éthiopien à accorder un plein accès aux organisations humanitaires dans la région somalienne d’Ogaden et à mettre en place toutes les conditions nécessaires pour que l’aide parvienne aux destinataires dans toute la région;

13.  invite la Commission à continuer de soutenir les réponses régionales aux défis transfrontaliers via le partenariat politique régional de l'UE pour la paix, la sécurité et le développement, notamment la gestion régionale des ressources en eau en tant qu’élément essentiel de la sécurité alimentaire;

14.  invite la Commission à vérifier qu'aucun de ses programmes d'assistance, y compris le programme «argent contre travail», n'est mis en œuvre par le travail forcé;

Droits de l’homme, démocratie et gouvernance

15.  invite le gouvernement érythréen à inculper et juger immédiatement devant un tribunal tous les détenus politiques et les journalistes emprisonnés ou à les libérer immédiatement sans condition;

16.  appelle le gouvernement érythréen à respecter pleinement les droits de l'homme et les libertés fondamentales, y compris la liberté d'association et d'expression, ainsi que la liberté de la presse et la liberté de conscience;

17.  exprime sa profonde préoccupation devant la poursuite de l'emprisonnement, en Érythrée, du journaliste suédo-érythréen Dawit Isaak, écroué depuis son arrestation en septembre 2001 sans avoir été jugé par un tribunal, et exige la libération immédiate de Dawit Isaak et des autres journalistes emprisonnés;

18.  invite l'Union européenne à reconsidérer son approche de l'Érythrée si aucun progrès n'est fait pour se conformer aux éléments essentiels de l'Accord de Cotonou (article 9), en particulier sur les questions fondamentales des droits de l'homme (l'accès du CICR aux prisons, la libération des membres du G11);

19.  appelle les autorités djiboutiennes à protéger les droits politiques des partis d’opposition et des organisations indépendantes de défense des droits de l’homme, ainsi qu’à garantir pleinement la liberté de la presse, de réunion et d’expression; souligne le besoin d'entamer un dialogue significatif entre le gouvernement et l’opposition en vue d'aboutir à une adaptation de la loi électorale de manière à permettre une représentation plus équitable, au parlement, des partis politiques existants; demande aux autorités djiboutiennes de permettre au parti d'opposition MRD de reprendre ses activités et de réintégrer dans leurs fonctions tous les dirigeants de l'UDT/UGTD licenciés pour des motifs liés à leurs activités syndicales;

20.  invite le gouvernement de Djibouti à prendre des mesures pour assurer une meilleure protection juridique et concrète des droits des syndicats, conformément aux principales conventions de l’OIT;

21.  demande aux autorités djiboutiennes de tout mettre en œuvre pour faire toute la lumière sur les responsabilités du massacre de décembre 1991 à Arhiba et de poursuivre en justice les personnes qui auront été identifiées comme responsables;

22.  déplore que le parlement éthiopien ait ratifié la loi sur les ONG; demande que des modifications importantes y soient apportées pour garantir les principes inhérents au respect des droits de l'homme; demande que cette loi soit appliquée de manière non restrictive, et insiste sur un suivi étroit de sa mise en œuvre par la Commission;

23.  prie instamment les autorités éthiopiennes de réexaminer les lois sur la presse et l’enregistrement des partis, ainsi que la composition du Comité électoral national, de manière à garantir les droits politiques des partis d’opposition; leur demande instamment d'enquêter sur les allégations de l’opposition et des organisations de la société civile concernant les harcèlements ainsi que les arrestations arbitraires et de traduire les responsables en justice;

24.  est indigné par l'emprisonnement de Birtukan Midekssa, chef du parti d'opposition Unité pour la démocratie et la justice (UDJ), et exige sa libération immédiate et inconditionnelle;

25.  invite le ministère éthiopien de la justice à traiter rapidement la demande d’enregistrement posée par l’association des enseignants éthiopiens (NTA), conformément aux lois et règlements applicables, et à cesser de persécuter ses membres;

26.  appelle les gouvernements d’Éthiopie, d’Érythrée et de Djibouti ainsi que le conseil à s'accorder, conformément à l’article 8 et à l’annexe VII de l’accord de Cotonou révisé, pour approfondir le dialogue politique sur les droits de l’homme, les principes démocratiques et l’État de droit, y compris sur les questions susmentionnées, en vue de définir des repères et de parvenir à des résultats et progrès tangibles;

27.  reconnaît que des élections doivent avoir lieu au Soudan en 2009, mais note que les lois qui restreignent la liberté d'expression et d'organisation pour les citoyens, les partis politiques et la presse, et qui enfreignent les termes de l'accord de paix global et la constitution nationale provisoire, n'ont pas encore été modifiées, et qu'une commission nationale des droits de l'homme n'a pas encore été constituée; souligne que l'abrogation de ces lois et leur substitution par une législation conforme à l'accord de paix global et à la constitution nationale provisoire ainsi que la création de la commission nationale des droits de l'homme sont des conditions préalables nécessaires pour créer un environnement propice à l'organisation d'élections libres et régulières;

28.  charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, aux États membres, au président de la Commission de l'Union africaine, au président en exercice de la Conférence de l'Union africaine, au Secrétaire général de l'Union africaine, au Parlement panafricain, aux gouvernements et parlements des pays de l'IGAD et aux présidents de l'Assemblée parlementaire ACP-UE.