Proposition de résolution - B6-0190/2009Proposition de résolution
B6-0190/2009

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

16.4.2009

déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission
conformément à l'article 103, paragraphe 2, du règlement
par Francis Wurtz et Sahra Wagenknecht
au nom du groupe GUE/NGL
sur les conclusions du sommet du G20

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B6-0190/2009
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B6-0190/2009
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B6‑0190/2009

Résolution du Parlement européen sur les conclusions du sommet du G20

Le Parlement européen,

–  vu les conclusions du sommet du G20 qui s'est tenu à Londres les 2 et 3 avril 2009,

–  vu l'article 103, paragraphe 2, de son règlement,

A.  considérant que la conviction communément partagée par les dirigeants politiques, les chefs d'entreprise et les économistes du courant majoritaire selon laquelle les marchés libres fonctionnent mieux et le libre jeu des forces du marché garantit une répartition efficace des ressources a été fortement ébranlée par la crise financière et économique;

B.  considérant que l'inégalité dans la distribution des revenus et des richesses (augmentation des profits et de la richesse, forte diminution de la part du travail dans le revenu national), qui s'est accrue au cours de ces 30 dernières années, a constitué le moteur véritable de la hausse phénoménale des investissements sur les marchés financiers et de la création de bulles de prix des valeurs;

C.  considérant que la mondialisation, la libéralisation et la déréglementation des marchés financiers ont ouvert la voie à des innovations financières (produits dérivés, fonds spéculatifs, fonds de capital investissement, titrisation, véhicules d'investissement structurés, etc.) qui ont à leur tour conduit à un endettement excessif et excessivement procyclique et à des comportements à court terme, imposant aux entreprises de production et de service des objectifs intenables de taux de rendement élevés ("orientation sur la valeur actionnariale") ainsi qu'à une contagion des risques rapide et étendue; que les politiques néolibérales de libéralisation des marchés financiers et l'orientation à court terme sur une augmentation à tout prix de la valeur actionnariale se sont révélées totalement désastreuses,

D.  considérant que les directeurs du secteur financier avides de profit ne sont pas les seuls responsables de la crise, mais que les gouvernements des États-Unis et de presque tous les États membres de l'Union européenne, ainsi que les institutions européennes, ont aussi leur part de responsabilité, puisqu'ils ont tous encouragé la libéralisation des marchés financiers, notamment, au sein de l'UE, à travers le plan d'action de l'UE relatif aux marchés financiers et le "paquet" Lamfalussy, qui se basaient sur une approche "autorégulatrice" du secteur financier,

E.   considérant que la crise actuelle met en évidence la nécessité de réunir les forces économiques et politiques du monde entier afin de résoudre la crise à l'aide de politiques fiscales coordonnées et d'encadrer les marchés financiers; que le "monde occidental" traditionnel, en particulier les États-Unis, le Japon et l'Union européenne, n'est plus en mesure de résoudre seul les problèmes; que l'on était dès lors en droit d'espérer que le sommet du G20 mette en place un nouvel ordre économique mondial dans lequel les pays émergents joueraient un rôle important;

1.  souligne que le monde a besoin d'urgence de politiques coordonnées afin de stabiliser l'économie face à la récession, de lutter contre le changement climatique, de favoriser le développement durable sur les plans environnemental et social, de renforcer les services publics et de promouvoir le plein emploi de qualité et les droits sociaux; déplore donc vivement que, en dehors des promesses d'augmentation des ressources du FMI, le sommet du G20 ne soit pas parvenu à progresser vers la réalisation de l'objectif qu'il s'était fixé de créer des règles pour un "nouvel ordre économique";

2.  souligne que seuls les États-Unis, la Chine et le Japon ont adopté des mesures budgétaires de stimulation de l'économie de grande ampleur afin de contrer la récession économique; déplore que l'Union européenne et ses États membres demeurent très en-deçà et que le plan européen de relance économique soit sous-financé et consiste en un simple ensemble de mesures nationales de stimulation de l'économie qui ne sont pas coordonnées entre elles et répondent à des orientations très différentes; demande l'adoption de mesures budgétaires de stimulation de l'économie qui orienteraient les financements sur les investissements utiles sur les plans social et environnemental, afin de préserver et de créer des emplois de qualité;

3.  met l'accent sur le fait que le sommet du G20 n'est pas parvenu à définir un ensemble coordonné à l'échelle mondiale de mesures fiscales tendant à stimuler l'économie, en raison de l'opposition de l'Union européenne à une telle mesure; souligne que le soi-disant "plan de relance mondial" décidé par le sommet, d'un montant de 1 100 milliards de dollars (financement du FMI, financement du commerce, aide aux pays les plus défavorisés, attribution de droits de tirage spéciaux) recouvre en réalité des crédits qui avaient déjà été engagés auparavant et que le montant des engagements réellement nouveaux ne s'élève qu'à 100 milliards de dollars; critique vivement le fait que les économies les plus pauvres, qui sont les plus affectées par la récession, ne recevront donc pas l'aide nécessaire pour sortir de la crise;

4.  regrette profondément que la dotation de 250 milliards de dollars consacrée aux droits de tirages spéciaux n'ait pas été liée à une modification des droits de vote, et que, par conséquent, 44% de cette somme aille aux économies du G7 - les plus puissantes - alors les pays pauvres et de revenu moyen ne recevront, en tout et pour tout, que 80 milliards de dollars; déplore vivement que le sommet du G20 n'ait pas examiné la proposition du président de la banque centrale chinoise, qui préconisait une réforme du système des droits de tirage spéciaux prenant appui sur des ressources mondiales; attire donc l'attention sur le fait que l'occasion de mettre en place un nouveau système de Bretton Woods a été manquée;

5.  désapprouve la décision, prise lors du sommet du G20, de renforcer le rôle du Fonds monétaire internationale (FMI) pour restaurer le crédit, la croissance et l'emploi dans l'économie mondiale; souligne qu'il est nécessaire d'amorcer la réforme des instruments de prise de décision politique du FMI afin d'empêcher que les fonds ne fonctionnent comme un instrument de pouvoir aux mains du "monde occidental"; salue les annonces prudentes relatives à la mise en œuvre de la série de réformes du système de quotas et de voix du FMI décidée en avril 2008, et demande au FMI d'achever la prochaine révision des quotas d'ici au mois de janvier 2011;

6.  demande une réforme en profondeur de la politique de prêt du FMI qui, en Lettonie, en Hongrie et dans d'autres pays, conditionne l'octroi de prêts à une diminution des salaires et des pensions, à une réduction du poids du secteur public, à une baisse des dépenses de santé, etc.; souligne que ces conditionnalités vont non seulement affecter les couches les plus pauvres de la population, mais vont également aggraver la récession économique, dans la mesure où elles vont entraîner une forte diminution de la demande; souligne que le soutien à cette politique manifesté par l'Union européenne ne peut pas être considérée comme une expression de la "solidarité européenne" dans la crise;

7.  soutient la proposition du panel consultatif dirigé par l'économiste Joseph Stiglitz tendant au remplacement de l'institution du G20 par un nouveau Conseil économique mondial; souligne qu'un organe des Nations unies de ce type constituerait un forum bien plus adapté pour établir le calendrier de la politique financière et économique mondiale, puisqu'il garantirait la représentation des pays moins - et les moins - développés, qui sont exclus du processus du G20; soutient la proposition de création d'un nouveau système de réserve mondial qui fournirait une aide aux pays en développement sur une base régulière et ne pourrait pas être bloqué par le véto des pays industrialisés, qui dominent les institutions financières internationales telles que le FMI;

8.  salue le fait que les dirigeants présents au G20 aient reconnu que les défaillances graves du secteur financier et de la règlementation et de la surveillance financières ont joué un rôle fondamental dans le déclenchement de la crise; regrette toutefois que le sommet n'ait pas évoqué la question de la stabilisation des banques et du système financier afin de remettre le système de crédit en état de marche; souligne qu'il est urgent de mettre en place un cadre de contrôle et de règlementation plus strict et plus cohérent au niveau mondial pour le secteur financier de demain, qui soutiendra une croissance mondiale durable; met l'accent sur le fait que le sommet aurait également du s'entendre sur un vaste renforcement de la coopération systématique entre les États pour la règlementation du secteur financier; attire l'attention sur le fait que le secteur financier doit accepter une réduction de ses profits et adopter un système de primes incitant à éviter les risques et à poursuivre des objectifs à long terme plutôt qu'à rechercher le profit à court terme;

9.  met l'accent sur le fait que les dirigeants présents au G20 souhaitent mettre en œuvre le plan d'action approuvé lors de leur dernière réunion, qui met en place un nouveau Conseil de stabilité financière (CSF), qui remplacera le Forum de stabilité financière (FSF) et rassemblera tous les pays du G20, les membres du FSF, l'Espagne et la Commission européenne; regrette cependant que le CSF ne soit pas doté de pouvoirs formels et soit censé travailler exclusivement dans le cadre du FMI; souligne que la question de savoir comment le CSF peut garantir un contrôle adéquat et assurer une cohérence au niveau mondial entre les réponses nationales à la gestion de la crise n'a pas du tout été résolue;

10.  critique vivement le fait que l'extension de la règlementation et du contrôle concerne uniquement les institutions, instruments et marchés financiers d'importance globale; souligne qu'une règlementation plus stricte doit être mise en place en vue d'éviter les dangers inhérents à tout nouveau produit financier à risque, les produits de ce type devant faire l'objet d'une interdiction ou leur commercialisation devant être sévèrement restreinte et contrôlée; déplore également profondément le fait que soit seulement prévue une règlementation pour empêcher l'endettement excessif; estime que des limites strictes devraient être fixées en matière d'endettement pour toutes les institutions financières règlementées; attire l'attention sur le fait que les fonds de pension, et notamment les fonds de pension professionnels, ne doivent pas être autorisés à investir dans des produits financiers auxquels sont attachés des risques systématiques, tels que les fonds alternatifs et les fonds de capital-investissement, étant donné que la faillite de ces fonds aurait des incidences négatives sur les droits à pension;

11.  se félicite du fait que les dirigeants du G20 aient manifesté leur intention de prendre des mesures à l'encontre des juridictions non coopératives, en particulier les paradis fiscaux, et de mettre en place des sanctions afin de protéger les finances publiques et les systèmes financiers; salue le fait qu'ils aient déclaré que le temps du secret bancaire était révolu; souligne dans ce contexte que les pays de l'Union européenne qui fonctionnent comme des paradis fiscaux (Autriche, Belgique, Royaume-Uni, Luxembourg) ainsi que la Suisse, doivent renoncer au secret bancaire et mettre fin à ces pratiques scandaleuses;

12.  demande à l'Union européenne et à ses États membres de s'attacher également à résoudre le problème des centres financiers offshore internes et externes (par exemple, les Îles anglo-normandes britanniques, les Îles Caïmans, etc.) et d'interdire tout commerce avec ceux-ci en cas de non-respect des règles; souligne que si l'on souhaite apporter une réponse mondiale au problème de l'évasion fiscale, il convient également de s'attaquer aux grands centres financiers, dont un grand nombre de petits paradis fiscaux ne sont que de simples satellites;

13.  se félicite de l'intention manifestée d'étendre la surveillance règlementaire et le système d'enregistrement aux agences de notation de crédit; souligne qu'une agence européenne publique de notation de crédit à finalité non lucrative doit être mise en place pour faire disparaître les conflits d'intérêt qui nuisent au processus de notation;

14.  déplore que des propositions relatives à la taxation des transactions monétaires (taxe Tobin) et des transactions boursières (y compris les opérations hors bourse) n'aient pas été évoquées par les dirigeants présents au G20;

15.  désapprouve l'engagement formulé lors du sommet du G20 de parvenir à une conclusion réussie du cycle de Doha pour le développement; souligne que ce cycle généraliserait un système de règles commerciales qui est dommageable aux économies des pays en développement et empiète sur l'"espace politique intérieur" des États; demande la suspension des négociations relatives aux marchés publics, aux droits de propriété intellectuelle et à la libéralisation des investissements et des services, qui servent le seul intérêt des pays développés, nuisent à la fourniture des services publics et compromettent la stabilité économique et financière;

16.  charge son Président de transmettre la présente résolution aux dirigeants présents au G20, au Conseil, à l'Eurogroupe, à la Commission, à la Banque centrale européenne, aux parlements des États membres, au Comité des régions et au Comité économique et social européen.