PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le voisinage sud, en particulier la Libye, y compris les aspects humanitaires
7.3.2011
Kristiina Ojuland, Marielle de Sarnez, Marietje Schaake, Sonia Alfano, Leonidas Donskis, Edward McMillan-Scott, Alexandra Thein, Ramon Tremosa i Balcells au nom du groupe ALDE
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0169/2011
B7‑0171
Résolution du Parlement européen sur le voisinage sud, en particulier la Libye, y compris les aspects humanitaires
Le Parlement européen,
– vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés,
– vu la convention de l'Union africaine, de septembre 1969, régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, à laquelle la Libye est partie depuis le 17 juillet 1981,
– vu la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et son protocole sur la création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, ratifiés respectivement par la Libye les 26 mars 1987 et 19 novembre 2003,
– vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et notamment son article 19, paragraphe 2,
– vu la résolution 62/149 de l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) du 18 décembre 2007 demandant un moratoire sur l’application de la peine de mort et la résolution 63/168 du 18 décembre 2008 demandant l'application de la résolution 62/149 de l'Assemblée générale de 2007,
– vu le mémorandum d'entente signé le 23 juillet 2007 par Mme Ferrero-Waldner, membre de la Commission, et M. El Obeidi, ministre libyen des affaires européennes,
– vu les conclusions du Conseil du 15 octobre 2007 et le lancement officiel des négociations sur l'accord-cadre entre l'Union et la Libye, les 12 et 13 novembre 2008,
– vu les conclusions du Conseil du 21 février 2011 sur les événements dans le voisinage sud de l'Union,
– vu les déclarations de la haute représentante de l'Union, Catherine Ashton, le 22 février 2011, au terme de sa mission en Égypte, annonçant la suspension des négociations avec les autorités libyennes sur l'accord-cadre UE-Libye,
– vu la déclaration prononcée le 23 février 2011 par la haute représentante Catherine Ashton au sujet de la Libye, ses commentaires en marge de la réunion informelle des ministres de la défense du 25 février 2011, sa déclaration faite au nom de l'Union européenne le 27 février 2011 sur la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) et sur les derniers événements qui s'étaient produits en Libye, et son discours prononcé devant le Conseil des droits de l'homme des Nations unies qui s'est réuni le 28 février 2011,
– vu le communiqué de presse du CSNU du 22 février 2011 sur la Libye et la résolution du CSNU du 26 février 2011 sur la Libye, adoptée à l'unanimité (UNSCR 1970/2011),
– vu la décision du Conseil de l'Union européenne du 28 février 2011 de mettre en œuvre la résolution UNSCR 1970/2011 du Conseil de sécurité des Nations unies,
– vu la décision du Conseil de l'Union européenne du 2 mars 2011 d'adopter un règlement pour la mise en œuvre de sa décision du 28 février sur des sanctions à l'encontre de la Libye, entrée en vigueur le 3 mars 2011, jour de sa publication au Journal officiel,
– vu la décision du président du Conseil européen du 1er mars 2011 de réunir un Conseil européen extraordinaire le vendredi 11 mars 2011 à la lumière des événements intervenus dans le voisinage sud, notamment en Libye,
– vu ses résolutions précédentes sur la Libye et, en particulier, sa résolution du 17 juin 2010 sur les exécutions en Libye et sa recommandation du 20 janvier 2011 à l'intention du Conseil sur les négociations relatives à l'accord-cadre UE-Libye (2010/2268(INI),
A. considérant qu'à la suite de manifestations qui se sont déroulées dans des pays voisins pour réclamer la liberté et de profondes réformes, des manifestations ont vu le jour dans la ville de Benghazi le 15 février et se sont répandues dans l'ensemble du pays jusqu'à atteindre les villes d'Al-Baïda, Al-Quba, Derna et Zintan; que les manifestants ont pris le contrôle de nombreuses villes, notamment dans l'est de la Libye,
B. considérant que la plupart des manifestations mobilisant des opposants au gouvernement se sont heurtées à une résistance violente de la part des forces armées, prenant également la forme d'assauts d'avions de chasse et d'hélicoptères de l'armée de l'air libyenne visant les manifestants et du recours à des mercenaires, des soldats étrangers et des prisonniers libérés pour faire face à la vague de protestations,
C. considérant que les plus hauts représentants du régime ont, jusqu'à ce jour et de manière réitérée, suscité la haine, dans des déclarations publiques, intimidé les manifestants, organisé des contre-manifestations, et brandi la menace de massacres si les manifestations se poursuivent,
D. considérant que, le 22 février 2011, la Ligue arabe a exclu temporairement les délégations libyennes de ses réunions, condamnant la violence à laquelle les forces de Mouammar Kadhafi ont recours contre la population,
E. considérant que la réaction violente et brutale du régime contre la population libyenne entraîne non seulement la désertion de nombreux soldats dans le pays, mais également la démission de membres du régime,
F. considérant qu'après l'adoption par consensus par le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations Unies d'une résolution sur la situation des droits de l'homme en Libye lors de la 15e session extraordinaire du 25 février, qui condamne les violations des droits de l'homme flagrantes commises en Libye de manière systématique et qui signale que certaines d'entres elles peuvent être considérées comme des crimes contre l'humanité, l'Assemblée générale a décidé le 2 mars 2011 de suspendre l'adhésion de la Libye au HCR, conformément à la recommandation de celui-ci,
G. considérant qu'à la suite de l'adoption de la résolution du CSNU relative à la Libye du 26 février 2011, qui a décidé de porter l'affaire devant la Cour pénale internationale (CPI), le procureur de la CPI a lancé une enquête, le 3 mars 2011, afin d'examiner les allégations de crimes contre l'humanité commis en Libye, notamment par Mouammar Kadhafi et par des personnes de son entourage; que la résolution 1970 du Conseil de sécurité autorise également l'ensemble des États membres des Nations unies à saisir et à détruire le matériel militaire interdit,
H. considérant que la décision du Conseil de l'Union européenne du 28 février 2011 impose des mesures restrictives supplémentaires, notamment une interdiction de visa et un gel des avoirs, contre les responsables de la répression violente menée à l'encontre de la population civile libyenne, mettant ainsi en œuvre la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies du 26 février sur la Libye,
I. considérant que les États-Unis ont envoyé, en Méditerranée, deux de leurs propres navires de guerre, dont un navire d'assaut amphibie, pour suivre l'évolution de la situation en Libye,
J. considérant que la violence et la répression brutale dont la Libye est actuellement le théâtre entraînent, à la frontière entre la Libye et la Tunisie, un afflux massif de personnes qui sont, pour la plupart, des travailleurs immigrés d'Égypte, d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne, ainsi que des ressortissants libyens; que certaines sources laissent penser que la Libye abrite quelque 80 000 Pakistanais, 50 000 Bangladais et 2 000 Népalais; que cet exode pourrait prendre beaucoup d'ampleur dans les jours et semaines à venir; que l'Italie, la France, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Belgique ont annoncé l'élaboration d'un plan visant à envoyer des navires de guerre et des avions de l'armée à la frontière entre la Tunisie et la Libye, principalement pour faciliter l'évacuation des ressortissants égyptiens vers l'Égypte,
K. considérant que le Conseil européen extraordinaire du vendredi 11 mars 2011 devrait examiner en profondeur le rapport de la haute représentante et de la Commission sur l'adaptation rapide des instruments de l'Union européenne, ainsi que le rapport de la haute représentante sur le soutien à apporter aux processus de transition et de transformation,
1. se dit profondément préoccupé par la situation en Libye et condamne fermement la répression brutale menée à l'encontre des manifestants pacifiques, notamment les attaques armées et aveugles visant des civils, qui ont entraîné la mort de milliers de civils et fait de très nombreux blessés; dénonce l'incitation à l'hostilité contre la population civile, émanant du plus haut niveau du régime de Mouammar Kadhafi et de son fils Saïf al-Islam;
2. soutient totalement la résolution 1970 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui condamne les violations des droits de l'homme flagrantes commises en Libye de manière systématique et décide de porter l'affaire devant la Cour pénale internationale, en imposant, par ailleurs, à ce pays un embargo sur les armes, ainsi qu'une interdiction de voyage et un gel des avoirs à la famille de Mouammar Kadhafi; soutient pleinement le lancement par le procureur de la CPI d'une enquête sur les allégations de crimes contre l'humanité commis par Mouammar Kadhafi et par des personnes de son entourage;
3. demande à la haute représentante et vice-présidente ainsi qu'au Conseil d'envisager attentivement, dans le cadre de la résolution 1970 du CSNU et de la résolution 1674 du CSNU concernant la responsabilité de protéger la population, la création d'une zone d'exclusion aérienne afin d'empêcher le régime d'utiliser la population comme cible, de manière coordonnée avec les Nations unies, la Ligue arabe et l'Union africaine;
4. soutient pleinement la lutte du peuple libyen pour la liberté, pour des réformes démocratiques et pour la chute du régime autoritaire; demande à l'Union européenne d'entamer un dialogue avec les forces d'opposition et de leur apporter son soutien dans la zone libérée de manière à venir en aide à la population et à répondre à ses besoins humanitaires de base, notamment par une aide médicale;
5. soutient totalement la décision du HCR de dépêcher une commission d'enquête internationale indépendante en Libye pour enquêter sur les violations du droit international relatif aux droits de l'homme, ainsi que la décision de l'Assemblée générale des Nations unies du 2 mars 2011 de suspendre l'adhésion de la Libye au HCR;
6. regrette le manque de rapidité du Conseil dans sa réaction à la répression violente, notamment au niveau de la coordination de l'évacuation des ressortissants de l'Union européenne et du besoin urgent d'apporter une aide humanitaire à la population libyenne, ainsi que de l'adoption de sanctions ciblées adéquates; constate, à cet égard, que certains États membres ont pris récemment des mesures et des initiatives pour faciliter l'évacuation vers l'Égypte de travailleurs immigrés égyptiens;
7. se dit particulièrement préoccupé par l'aggravation de la crise humanitaire, alors que plus de 170 000 immigrants fuient la violence en Libye, nombre d'entre eux étant bloqués à la frontière entre la Libye et la Tunisie et d'autres dans des camps de réfugiés en Tunisie, en Égypte et au Niger; demande instamment aux institutions et aux États membres de l'Union de mobiliser les moyens nécessaires pour faire face à cette situation d'urgence et de prendre des mesures appropriées pour aider les personnes qui fuient la mort et la persécution, ainsi que celles qui se battent pour la liberté et la démocratie en Libye;
8. salue la décision du Conseil du 28 février 2011 d'interdire la fourniture à la Libye d'armes, de munitions et de matériels connexes; souligne que, selon des sources indépendantes, des armes légères ont été vendues, en 2009, par l'Italie au gouvernement libyen, pour un montant de 79 000 000 EUR, et que ces armements ont été utilisés quotidiennement par la police et l'armée libyennes pour réprimer les manifestations pacifiques de la population libyenne; souligne que la Belgique, la Bulgarie, le Portugal, la France, l'Allemagne et le Royaume‑Uni ont également vendu des armements à la Libye, qu'il s'agisse d'armes lourdes et légères, d'avions ou de matériel électronique de brouillage, et que ces fournitures sont contraires à certains critères du code de conduite de l'Union européenne;
9. demande, à cet égard, au Conseil de vérifier s'il y a eu violation du code de conduite de l'Union concernant l'exportation d'armes, et d'adopter des mesures sévères de manière à ce que ce code soit entièrement respecté par l'ensemble des États membres;
10. salue, par la même occasion, la décision de geler les avoirs du dictateur libyen Mouammar Kadhafi et de cinq des membres de sa famille, ainsi que de vingt personnes responsables de la répression violente menée à l'encontre de la population civile depuis le 15 février; demande que soient effectuées rapidement une recherche détaillée et une analyse précise de ces avoirs;
11. est d'avis qu'une fois que le gouvernement intérimaire sera maître de la situation, la haute représentante et vice-présidente ainsi que la Commission devraient soutenir les autorités libyennes dans la création d'un fonds fiduciaire, qui recevrait tous les revenus tirés des ventes de pétrole et de gaz, pour que leur gestion soit régie par des règles claires et transparentes et que l'ensemble de la population puisse en tirer profit;
12. demande à la haute représentante et vice-présidente ainsi qu'au Conseil de renforcer la coordination avec les États membres de manière à rationaliser les mesures européennes à l'égard de la Libye et ainsi éviter des chevauchements inutiles;
13. fait remarquer que, pour être stable, une démocratie nécessite des bases électorales et constitutionnelles solides; rappelle que l'Union européenne jouit d'une expérience non négligeable dans le soutien à la mise en place de structures constitutionnelles et d'un État de droit, grâce à ses missions de gestion de crise, notamment au Kosovo et en Afghanistan, et a surveillé et soutenu de nombreuses élections; demande à la haute représentante et vice-présidente de commencer à préparer une intervention de l'Union européenne dans le voisinage sud ainsi qu'un soutien, afin d'aider, plus spécifiquement, à la création d'un État de droit ainsi que des conditions électorales nécessaires pour qu'une démocratie stable s'installe dans la région;
14. soutient la proposition des États-Unis d'examiner la possibilité d'un exil pour Mouammar Kadhafi et demande aux États membres d'évaluer la possibilité de mettre en œuvre une telle proposition;
15. accueille favorablement la décision de l'Union européenne de suspendre les négociations avec la Libye relatives à l'accord-cadre, qui concerne notamment une coopération dans le domaine de l'immigration et de l'asile;
16. condamne fermement l'accord bilatéral entre l'Italie et la Libye sur l'amitié, le partenariat et la coopération; souligne que cet accord est contraire aux conventions internationales en ce qui concerne notamment le respect des procédures de demandes d'asile et demande instamment à l'Italie de renégocier le plus tôt possible cet accord avec les autorités intérimaires afin de le mettre en conformité avec le droit international;
17. critique fermement le fait que certains gouvernements de l'Union se soient opposés à l'adoption rapide de sanctions contre le régime libyen et demande à ces pays, qui entretenaient des relations très proches avec le régime, de se servir de leurs relations privilégiées pour pousser Kadhafi à quitter le pouvoir immédiatement;
18. demande à la Commission et aux États membres d'instaurer un dialogue entièrement renouvelé avec les pays partenaires de la Méditerranée au sujet de l'immigration afin de conclure un pacte de mobilité euro-méditerranéen qui prenne en considération le fait que la politique européenne en matière d'immigration ne peut pas, par principe, reposer sur une coopération avec des régimes autoritaires; souligne qu'une telle révision de cette politique pourrait renforcer davantage le soutien de l'Union européenne aux processus de transition en cours menant à la démocratie;
19. demande, à cet égard, à la Commission de fournir tous les moyens nécessaires pour soutenir les autorités tunisiennes et égyptiennes afin de surmonter la crise humanitaire à laquelle est actuellement confrontée la population fuyant la Libye en direction des frontières égyptienne et tunisienne; demande instamment, à cet égard, à la Commission d'offrir son soutien aux organisations internationales et civiles dans leur action humanitaire;
20. demande au Conseil de progresser rapidement vers une politique d'asile européenne efficace, qui soit fondée sur le droit international, sur une gestion adéquate et sur la solidarité;
21. demande aux États membres d'évaluer leur capacité d'accueil afin d'activer la directive 2001/55/CE relative à la protection temporaire et de partager la responsabilité pour le placement des personnes protégées par ce programme dans d'autres États membres, et demande au Conseil d'adopter, dans les plus brefs délais, le programme européen commun de réinstallation, afin de mettre en place le projet de réinstallation prévu; rappelle que la politique commune en matière d'asile, d'immigration et de contrôle des frontières extérieures est régie par le principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les États membres, y compris sur le plan financier;
22. demande aux institutions et aux États membres de l'Union d'être prêts à faire face à des situations d'urgence et de mobiliser les moyens appropriés aux niveaux européen et national, tout en évitant de surestimer les risques d'un afflux massif de réfugiés dans le but d'obtenir des fonds de l'Union afin de faire face à la situation actuelle, ce qui pourrait provoquer un effet d'appel, créer une hystérie démesurée et traduire un manque de véritable soutien aux militants de la démocratie et aux personnes fuyant la mort et la persécution en Libye; pense que la criminalisation des immigrés en situation irrégulière qui ont fui les troubles, la persécution et la mort n'est pas la bonne réponse que l'Union européenne doit apporter dans une telle situation de crise, et demande la suspension de l'application de telles mesures;
23. demande aux États membres de l'Union de veiller à ce que les opérations menées en mer par Frontex, y compris les opérations nationales, ne puissent entraîner le retour de personnes en Libye ou dans d'autres pays où leur vie serait en danger, conformément au principe de non-refoulement inscrit à l'article 19, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux; demande aux États membres d'adopter une révision du mandat de Frontex pour inclure une formation spécifique sur la législation internationale en matière de protection pour les agents de Frontex;
24. demande au Conseil et à la Commission, en vue de la révision stratégique de la politique européenne de voisinage, d'adopter les mesures et les fonds nécessaires pour que la Libye puisse être incluse, à part entière, dans la politique européenne de voisinage et partager ainsi les valeurs, les principes fondamentaux et les objectifs du processus euro-méditerranéen.