Proposition de résolution - B8-0580/2016Proposition de résolution
B8-0580/2016

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le suivi de la résolution du Parlement européen du 11 février 2015 sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA

4.5.2016 - (2016/2573(RSP))

déposée à la suite des questions avec demande de réponse orale B8-0367/2016 et B8-0368/2016
déposée conformément à l'article 128, paragraphe 5, du règlement

Claude Moraes au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures


Procédure : 2016/2573(RSP)
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B8-0580/2016
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B8-0580/2016

Résolution du Parlement européen sur le suivi de la résolution du Parlement européen du 11 février 2015 sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA

(2016/2573(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu le traité sur l'Union européenne (traité UE), notamment ses articles 2, 3, 4, 6, 7 et 21,

–  vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment ses articles 1, 2, 3, 4, 18 et 19,

–  vu la convention européenne des droits de l'homme et les protocoles qui l'accompagnent,

–  vu les instruments des Nations unies en matière de droits de l'homme, notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 et les protocoles afférents, et la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006,

–  vu la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies du 24 septembre 2014 sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d'actes de terrorisme,

–  vu le rapport du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, élaboré par le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, portant sur les commissions d'enquête en réaction aux méthodes ou pratiques de torture ou d'autres formes de mauvais traitements,

–  vu les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans les affaires Nasr et Ghali contre Italie (Abou Omar), de février 2016, Al Nasiller contre Pologne et Husayn (Abu Zubaydah) contre Pologne, de juillet 2014, et El-Masri contre l'ancienne République yougoslave de Macédoine, de décembre 2012,

–  vu également les affaires pendantes à la Cour européenne des droits de l'homme (Abu Zubaydah contre Lituanie et Al Nashiri contre Roumanie),

–  vu l'arrêt rendu par un tribunal italien, en vertu duquel ont été déclarés coupables et condamnées à des peines de prison, par contumace, 22 agents de la CIA, un pilote de l'armée de l'air et deux agents italiens en raison du rôle qu'ils ont joué dans l'enlèvement de l'imam de Milan, Abou Omar, en 2003,

–  vu la déclaration conjointe de l'Union européenne et de ses États membres, d'une part, et des États-Unis d'Amérique, d'autre part, du 15 juin 2009, concernant la fermeture du centre de détention de Guantánamo et la coopération future dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, fondée sur les valeurs communes, le droit international et le respect de l'état de droit et des droits de l'homme,

–  vu sa résolution du 9 juin 2011 sur Guantánamo: décision imminente en matière de peine de mort[1], et ses autres résolutions sur Guantánamo, dont la plus récente du 23 mai 2013 sur la grève de la faim de détenus[2], sa résolution du 8 octobre 2015 sur la peine de mort[3] et les lignes directrices de l'Union européenne au sujet de la peine de mort,

–  vu sa résolution du 6 juillet 2006 sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers[4], à mi-parcours des travaux de la commission temporaire, sa résolution du 14 février 2007 sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers[5], sa résolution du 11 septembre 2012 intitulée "Allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens: suivi du rapport de la commission TDIP du PE"[6] et sa résolution du 10 octobre 2013 intitulée "Allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens"[7],

–  vu les conclusions du Conseil des 5 et 6 juin 2014 sur les droits fondamentaux et l'état de droit et sur le rapport 2013 de la Commission sur l'application de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

–  vu sa résolution du 27 février 2014 sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2012)[8] et sa résolution du 8 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2013-2014)[9],

–  vu la communication de la Commission du 11 mars 2014 intitulée "Un nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'état de droit" (COM(2014)0158),

–  vu sa résolution du 11 février 2015 sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA[10],

–  vu la déclaration de Bruxelles sur la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l'homme, adoptée en mars 2015,

–  vu la clôture de l'enquête, ouverte au titre de l'article 52 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH), sur la détention et le transfert illégaux par la CIA de détenus soupçonnés d'avoir commis des actes terroristes, après demande du Secrétaire général du Conseil de l'Europe aux États parties de la CEDH de lui fournir avant le 30 septembre 2015 toute information supplémentaire relative à des enquêtes antérieures ou en cours, aux actions en justice pertinentes introduites devant les juridictions nationales ou aux autres mesures prises à propos de l'objet de cette enquête[11],

–  vu la mission parlementaire d'information de sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures à Bucarest (Roumanie) les 24 et 25 septembre 2015, et le rapport de mission correspondant,

–  vu l'audition publique du 13 octobre 2015 organisée par sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et intitulée "Enquête sur des allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens",

–  vu la publication en 2015 par sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures d'une étude intitulée "A quest for accountability? EU and Member State inquiries into the CIA Rendition and Secret Detention Programme" [À la recherche des responsabilités? Enquêtes de l'Union et des États membres sur le programme de transfert et de détention secrète de la CIA],

–  vu la lettre ouverte adressée le 11 janvier 2016 par des spécialistes des droits de l'homme de l'ONU et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) au gouvernement des États-Unis d'Amérique à l'occasion du quatorzième anniversaire de "l'ouverture d'une facilité de détention sur la baie de Guantánamo",

–  vu les résolutions adoptées récemment par la Commission interaméricaine des droits de l'homme, et les rapports afférents, au sujet des droits de l'homme des détenus de Guantánamo, dont l'accès aux soins médicaux, le rapport 2015 du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE et les décisions du groupe de travail de l'ONU sur les détentions arbitraires,

–  vu les questions posées au Conseil et à la Commission sur le suivi de la résolution du Parlement européen du 11 février 2015 sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA (O-000038/2016 – B8-0367/2016 et O-000039/2016 – B8-0368/2016),

–  vu la proposition de résolution de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures,

–  vu l'article 128, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,

A.  considérant que l'Union européenne est fondée sur les principes de la démocratie, l'état de droit, les droits de l'homme et les libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine et le droit international, non seulement dans ses politiques internes, mais également dans ses politiques externes; que l'engagement de l'Union envers les droits de l'homme, renforcé par l'entrée en vigueur de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le processus d'adhésion à la convention européenne des droits de l'homme, doit se refléter dans tous les domaines d'action afin que la politique européenne en matière de droits de l'homme soit efficace;

B.  considérant qu'avec l'accent mis sur la "guerre contre le terrorisme", l'équilibre des différents pouvoirs dans l'État a été dangereusement modifié par une extension des pouvoirs des gouvernements au détriment des parlements et des tribunaux et que cela a entraîné l'invocation à un niveau sans précédent du secret d'État, ce qui empêche les enquêtes publiques sur des allégations de violation des droits de l'homme;

C.  considérant qu'il a demandé à de nombreuses reprises que la lutte contre le terrorisme se fasse dans le respect de l'état de droit, de la dignité humaine, des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris dans le cadre de la coopération internationale en la matière, sur la base des traités de l'Union européenne, de la convention européenne des droits de l'homme, des constitutions nationales et de la législation sur les droits fondamentaux;

D.  considérant qu'il a fermement condamné le programme américain de transfert et de détention secrète de la Central Intelligence Agency (CIA) pour de multiples violations des droits de l'homme, notamment la détention illégale et arbitraire, l'enlèvement, la torture et autre traitement inhumain ou dégradant, l'atteinte au principe de non-refoulement et la disparition forcée au moyen d'une utilisation par la CIA de l'espace aérien et du territoire européen, à la suite des travaux de sa commission temporaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers;

E.  considérant que la mise en cause des responsabilités relatives à ces actes est capitale pour protéger et promouvoir efficacement les droits de l'homme dans les politiques intérieure et extérieure de l'Union et garantir l'adoption de politiques de sécurité légitimes et efficaces fondées sur l'état de droit;

F.  considérant qu'il a demandé à plusieurs reprises que soient menées des enquêtes approfondies sur l'implication d'États membres de l'Union dans le programme de détention secrète et de restitution extraordinaire de la CIA;

G.  considérant que le 9 décembre 2015 marque le premier anniversaire de l'achèvement par la commission spéciale du Sénat américain sur le renseignement d'une étude sur le programme de détention et d'interrogatoire de la CIA et sur son recours à différentes formes de torture des détenus, de 2001 à 2006; que cette étude a révélé de nouveaux faits qui renforcent les allégations selon lesquelles un certain nombre d'États membres de l'Union européenne, leurs administrations et leurs dirigeants, ainsi que les agents de leurs services de sécurité et de renseignement, étaient complices du programme de la CIA de détention secrète et de restitution extraordinaire, parfois du fait de leur corruption par des sommes d'argent substantielles versées par celle-ci en échange de leur coopération; que l'étude n'a pas réussi à établir d'une manière quelconque les responsabilités aux États-Unis quant aux programmes de la CIA de transfert et de détention secrète; que les États-Unis ont malheureusement failli à coopérer avec les investigations en Europe sur les complicités européennes dans les programmes de la CIA et que, jusqu'à présent, il n'a été demandé à aucun responsable de rendre des comptes;

H.  considérant que le procureur en chef des tribunaux militaires de Guantánamo, Mark Martins, a admis que les événements exposés dans le résumé de l'étude sur le programme de détention et d'interrogatoire de la CIA de la commission spéciale du Sénat américain sur le renseignement s'étaient effectivement passés ainsi;

I.  considérant qu'une nouvelle analyse d'envergure a été menée à partir des informations contenues dans ledit résumé, qui a confirmé les enquêtes antérieures quant à l'implication d'un groupe de pays – dont certains États membres – et qui a ouvert de nouvelles pistes d'investigation;

J.  considérant que sous la législature précédente, dans sa résolution du 10 octobre 2013, il était invité à continuer, dans sa composition actuelle, à remplir et à mettre en œuvre le mandat de la commission temporaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, et, par conséquent, à veiller à ce que ses recommandations soient suivies d'effets, à examiner les nouveaux éléments susceptibles de se faire jour et à exercer pleinement, en les étendant, ses droits d'enquête;

K.  considérant que, dans les résolutions adoptées récemment par la Commission interaméricaine des droits de l'homme et les rapports qu'elle a publiés en ce qui concerne les droits fondamentaux des détenus de Guantánamo, des préoccupations sont exprimées quant au fait que certains prisonniers ne bénéficieraient pas de soins médicaux adéquats ou d'une réhabilitation appropriée; considérant que le rapport 2015 de l'OSCE/BIDDH émet également des inquiétudes concernant la protection des droits de l'homme à Guantanamo, notamment le déni du droit à un procès équitable, et que les décisions du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire indiquent que plusieurs personnes sont détenues de manière arbitraire à Guantánamo;

L.  considérant que Barack Obama, président des États-Unis, s'était engagé à fermer le centre de détention de la baie de Guantanamo pour janvier 2010; que, le 15 juin 2009, l'Union européenne, ses États membres et les États-Unis d'Amérique ont signé une déclaration conjointe concernant la fermeture du centre de détention de Guantanamo et la coopération future dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, fondée sur les valeurs communes, le droit international et le respect de l'état de droit et des droits de l'homme; que, le 23 février 2016, le président Obama a envoyé au Congrès un projet de fermeture définitive de la prison militaire de Guantánamo; que l'assistance apportée par les États membres de l'Union européenne pour la réinstallation d'une partie des détenus a été limitée;

M.  considérant qu'aucun des États membres associés n'a mené d'enquête complète et effective en vue de traduire en justice les auteurs de délits en vertu du droit international et national, ou de veiller à ce que les responsables répondent de leurs actes au lendemain de la publication de l'étude du Sénat américain;

N.  considérant qu'il est regrettable que les membres de la mission d'information à Bucarest de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen n'aient pas pu visiter le bâtiment de l'office du registre national des informations classifiées (ORNISS), qui aurait été utilisé comme site de détention secrète de la CIA;

O.  considérant que, dans sa résolution du 11 février 2015 sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA, le Parlement européen a chargé sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, en association avec la commission des affaires étrangères, et notamment avec sa sous-commission des droits de l'homme, de reprendre son enquête sur les allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans les pays européens, et d'en faire rapport en plénière dans un délai d'un an;

1.  souligne l'importance exceptionnelle et la nature stratégique de la relation transatlantique en cette période d'instabilité croissante à l'échelle mondiale; estime que ce lien, qui repose sur des intérêts communs et des valeurs partagées, doit être encore renforcée sur la base du respect du multilatéralisme, de l'état de droit et d'une résolution des conflits négociée;

2.  réitère sa vive condamnation de l'usage de techniques avancées d'interrogatoire, qui sont interdites par le droit international et qui constituent des infractions, notamment au droit à la liberté, au droit à la sécurité, au droit à un traitement humain, au droit de ne pas être soumis à la torture, au droit à la présomption d'innocence, au droit à un procès équitable, au droit de se faire assister par un avocat et au droit à une protection égale devant la loi;

3.  exprime, un an après la publication de l'étude du Sénat américain, sa forte préoccupation quant à l'apathie des États membres et des institutions de l'Union pour ce qui est de reconnaître les multiples violations des droits fondamentaux et de la torture qui ont eu lieu sur le sol européen entre 2001 et 2006, d'enquêter à leur sujet et de traduire les complices et les responsables en justice;

4.  salue l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 23 février 2016 dans l'affaire Nasr et Ghali c. Italie (44883/09), selon lequel les autorités italiennes avaient été informées des actes de torture commis sur l'imam égyptien Abu Omar, et avaient clairement fait usage du principe du "secret d'État" pour s'assurer que les responsables bénéficient de facto de l'impunité; demande au gouvernement italien de renoncer au principe du "secret d'État" pour l'ancien chef du service de renseignement et de sécurité militaire (SISMI) et son adjoint, ainsi que pour trois anciens membres du SISMi, afin de veiller à ne pas entraver la justice;

5.  regrette que seule une mission d'information multipartite a été effectuée en Roumanie en septembre 2015; demande que le Parlement européen organise davantage de missions d'information dans les États membres considérés, dans l'étude du Sénat américain sur le programme de détention et d'interrogatoire de la CIA, comme des complices de ce programme, tels que la Lituanie, la Pologne, l'Italie et le Royaume-Uni;

6.  souligne que la coopération transatlantique fondée sur des valeurs communes telles que la promotion de la liberté et de la sécurité, la démocratie et les droits de l'homme est, et doit être, une priorité absolue dans les relations extérieures de l'Union européenne; rappelle la position sans équivoque énoncée dans la déclaration des États-Unis et de l'Union européenne de 2009 selon laquelle les actions communes de lutte contre le terrorisme doivent être conformes aux obligations qui nous incombent en vertu du droit international des droits de l'homme et du droit humanitaire, ce qui rendra nos pays plus forts et accroîtra notre sécurité; invite les États-Unis à tout mettre en œuvre, dans ce contexte, afin de respecter les droits des citoyens de l'Union de la même manière que ceux des citoyens américains;

7.  estime que la coopération transatlantique en matière de lutte contre le terrorisme doit respecter les droits fondamentaux, les libertés fondamentales et le respect de la vie privée, tels que garantis par la législation de l'Union, dans l'intérêt partagé des citoyens des deux côtés de l'Atlantique; appelle à la poursuite du dialogue politique entre les partenaires transatlantiques en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, notamment en ce qui concerne la protection des droits civils et des droits de l'homme, afin de lutter efficacement contre le terrorisme;

8.  regrette, plus d'un an après la publication de l'étude du Sénat américain et l'adoption de cette résolution du Parlement qui invitait les États-Unis à enquêter et à engager des poursuites à l'encontre des multiples violations des droits de l'homme résultant des programmes de restitution et de prisons secrètes de la CIA, et à répondre à toutes les demandes présentées par les États membres en rapport avec le programme de la CIA, qu'aucun auteur n'ait encore eu à répondre de ses actes et que le gouvernement américain ne coopère pas avec les États membres de l'Union;

9.  demande, une nouvelle fois, aux États-Unis de continuer à enquêter et à engager des poursuites à l'encontre des multiples violations des droits de l'homme résultant des programmes de restitution et de prisons secrètes de la CIA mis en œuvre par la précédente administration américaine, et de répondre à toutes les demandes d'information, d'extradition ou de recours effectifs présentées par les États membres de l'Union en rapport avec le programme de la CIA; encourage la commission des renseignements du Sénat américain (Select Committee on Intelligence ou SSCI) à publier son étude sur le programme de détention et d'interrogatoire de la CIA dans son intégralité; souligne les conclusions tirées par le Sénat américain, selon lesquelles les méthodes violentes et illégales utilisées par la CIA n'ont pas permis d'apporter des éléments de renseignement qui auraient empêché d'autres attentats terroristes; rappelle sa condamnation absolue de la torture et des disparitions forcées;

10.  déplore la clôture de l'enquête menée par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe en vertu de l'article 52 de la convention européenne des droits de l'homme, étant donné que des enquêtes sont toujours en cours dans un certain nombre d'États membres et que davantage de suivi est nécessaire à cet égard; demande, à cet effet, une nouvelle fois, aux États membres d'enquêter, en assurant la transparence totale, sur les allégations selon lesquelles il y a eu, sur leur territoire, des prisons secrètes où des personnes ont été détenues dans le cadre du programme de la CIA, et de poursuivre les personnes ayant participé à ces opérations, y compris les acteurs publics, en tenant compte de tous les nouveaux éléments de preuve disponibles (y compris les paiements effectués, comme indiqué dans le résumé de la SSCI), et regrette la lenteur des enquêtes, la faible responsabilisation et la dépendance excessive à l'égard de secrets d'État;  

11.  prie instamment la Lituanie, la Roumanie et la Pologne de procéder, de manière urgente, transparente, approfondie et efficace, à des enquêtes pénales sur les centres de détention secrets de la CIA sur leur territoire respectif, en prenant pleinement en considération tous les éléments factuels qui ont été divulgués, afin de traduire en justice les auteurs de violations des droits de l'homme, de permettre aux enquêteurs d'examiner de manière complète le réseau des vols de transfert et d'interroger les personnes de contact qui ont notoirement organisé les vols en question ou y ont participé, d'effectuer une analyse criminologique des centres de détention et de fournir des soins médicaux aux personnes détenues sur ces sites, d'analyser les relevés téléphoniques et les transferts d'argent, d'examiner les demandes de participation à la procédure ou d'accès au dossier formulées par des victimes potentielles, et de veiller à tenir compte de tous les crimes, notamment en ce qui concerne le transfert de détenus;

12.  insiste sur la pleine et prompte exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme à l'encontre de la Pologne et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, notamment sur la conformité avec les mesures générales et individuelles d'urgence; rappelle que le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a demandé à la Pologne de chercher à obtenir les assurances diplomatiques des États-Unis d'Amérique concernant la non-application de la peine de mort, ainsi que la garantie d'un procès équitable, et de réaliser, en temps utile, des enquêtes pénales approfondies et efficaces, afin de faire en sorte que tous les crimes soient punis, notamment en ce qui concerne toutes les victimes, et de traduire en justice les auteurs de violations des droits de l'homme; se félicite, à cet égard, de l'intention de l'ancienne République yougoslave de Macédoine de constituer un organisme d'enquête indépendant ad hoc, et demande instamment qu'il soit créé rapidement avec le soutien et la participation de la communauté internationale;

13.  rappelle que l'ancien directeur des services secrets roumains, Ioan Talpes, a reconnu publiquement auprès de la délégation du Parlement européen qu'il avait pleinement connaissance de la présence de la CIA sur le territoire roumain, admettant qu'il avait accordé une autorisation de "location" d'un bâtiment du gouvernement à la CIA;

14.  exprime sa préoccupation quant aux obstacles auxquels se sont heurtées les enquêtes parlementaires et judiciaires nationales sur la participation de certains États membres au programme de la CIA, et quant à la classification injustifiée de documents entraînant de facto l'impunité des auteurs de violations des droits de l'homme;

15.  rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme a explicitement reconnu, dans son arrêt du 24 juillet 2014, que des sources publiques et des éléments cumulés qui aident à faire davantage la lumière sur la participation des États membres au programme de transferts de la CIA constituent des éléments de preuve admissibles dans les procédures judiciaires, notamment lorsque des documents officiels de l'État ne peuvent pas faire l'objet d'un contrôle public ou judiciaire pour des raisons de "sécurité nationale";

16.  demande à la Commission de présenter un livre blanc sur les circonstances dans lesquelles la sécurité nationale et les secrets d'État ne peuvent pas être invoqués dans une société démocratique, afin de définir essentiellement ce qui ne relève pas de la notion de "sécurité nationale";

17.  se félicite des efforts accomplis jusqu'à présent par la Roumanie, et invite le Sénat roumain à déclassifier les éléments classifiés qui subsistent dans son rapport de 2007, à savoir les annexes sur lesquelles se sont fondées les conclusions de l'enquête du Sénat roumain; demande une nouvelle fois à la Roumanie d'enquêter sur les allégations d'existence d'une prison secrète, de poursuivre les personnes ayant participé à ces opérations, en tenant compte de tous les nouveaux éléments de preuve mis au jour, et de clôturer l'enquête dans les plus brefs délais;

18.  note que les données collectées au cours de l'enquête menée par la commission parlementaire lituanienne de la sécurité et de la défense nationales du Parlement lituanien (Seimas) sur la participation de la Lituanie au programme de détention secret de la CIA n'ont pas été rendues publiques, et demande la publication de ces données, avec les modifications éventuelles;

19.  regrette que, malgré plusieurs demandes (une lettre au ministre roumain des affaires étrangères, Bogdan Aurescu, adressée par le président de la commission parlementaire des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, et une autre demande adresséeé lors de la mission d'information au secrétaire d'État, George Ciamba), les membres de la mission n'ont pas pu visiter le bâtiment "Bright Light", qui est souvent (et officiellement) considéré comme ayant servi de site de détention;

20.  demande à la Commission et au Conseil de faire rapport à la plénière avant la fin du mois de juin 2016 sur les mesures de suivi prises à la suite des recommandations et des demandes formulées par le Parlement européen dans son enquête sur les allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens et dans ses résolutions ultérieures, ainsi que sur les résultats des enquêtes et des poursuites menées dans les États membres;

21.  appelle de ses vœux le renforcement d'un dialogue interparlementaire structuré et régulier, notamment entre sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et ses homologues du Congrès et du Sénat aux États-Unis, en faisant bon usage de tous les canaux de coopération et de dialogue que prodigue le dialogue transatlantique des législateurs (TLD); salue, à cet égard, dans la soixante-dix-huitième réunion du TLD, qui se tiendra entre lui et le Congrès les 26, 27 et 28 juin 2016 à La Haye, l'occasion de renforcer cette coopération, puisque la coopération contreterroriste fera partie intégrante des discussions;

22.  rappelle que la transparence est la clé de voûte de toute société démocratique, la condition sine qua non pour que le gouvernement rende des comptes aux citoyens; est, dès lors, vivement préoccupé par la tendance croissante des gouvernements à invoquer excessivement la "sécurité nationale" dans le seul ou principal but d'empêcher le contrôle par les citoyens (auquel le gouvernement est tenu de rendre des comptes) ou par le pouvoir judiciaire (qui est le garant du droit national); souligne le grand danger que pourrait représenter la neutralisation de mécanismes de responsabilité démocratique, déchargeant de facto le gouvernement de son obligation de rendre des comptes;

23.  déplore que l'engagement du Président des États-Unis de fermer Guantánamo d'ici janvier 2010 n'ait pas encore été mis en œuvre; invite une nouvelle fois les autorités des États-Unis à réexaminer le système de commissions militaires dans l'optique de garantir des procès équitables, de fermer Guantánamo, et d'interdire en toutes circonstances l'emploi de la torture, des mauvais traitements et la détention à durée indéterminée sans procès;

24.  salue les mesures positives récentes adoptées par le président Obama pour poursuivre son action inlassable en vue de la fermeture du centre de détention de la base militaire américaine de Guantanamo et de la libération des détenus qui n'ont pas fait l'objet d'une inculpation; invite les États-Unis à tenir compte des craintes émises par des organismes internationaux des droits de l'homme concernant les droits fondamentaux des détenus à Guantanamo, notamment l'accès à des soins médicaux adéquats et les possibilités de réhabilitation des personnes ayant survécu à la torture; souligne que le Président Obama, dans son discours sur l'état de l'Union du 20 janvier 2015, a réaffirmé sa détermination à tenir sa promesse, remontant à la campagne électorale de 2008, de fermer totalement la prison de Guantánamo et accueille aussi favorablement le plan qu'il a soumis au Congrès le 23 février 2016; demande aux États membres d'offrir l'asile aux détenus qui ont été officiellement déclarés libérables;

25.  reste convaincu que des procès pénaux réguliers, dans le cadre de juridictions civiles, constituent la meilleure méthode pour régler le statut des détenus de Guantánamo; insiste sur le fait que les prisonniers détenus aux États-Unis devraient être accusés rapidement et jugés conformément aux normes internationales de l'état de droit ou libérés; souligne, dans ce cadre, que les mêmes normes en matière de procès équitable devraient valoir pour tous, sans discrimination;

26.  demande aux autorités américaines de ne pas pratiquer la peine de mort sur les détenus à Guantánamo;

27.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l'"autorité de convocation" des commissions militaires des États-Unis, au Secrétaire d'État américain, au Président des États-Unis d'Amérique, au Congrès et au Sénat américains, au Secrétaire général des Nations unies, au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et à la Commission interaméricaine des droits de l'homme.