Proposition de résolution commune - RC-B8-0289/2014Proposition de résolution commune
RC-B8-0289/2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE sur le Pakistan: lois sur le blasphème

26.11.2014 - (2014/2969(RSP))

déposée conformément à l'article 135, paragraphe 5, et à l'article 123, paragraphe 4, du règlement
en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes:
ECR (B8‑0289/2014)
EFDD (B8‑0290/2014)
S&D (B8‑0291/2014)
ALDE (B8‑0293/2014)
PPE (B8‑0302/2014)

Cristian Dan Preda, Jeroen Lenaers, Elmar Brok, Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati, Pavel Svoboda, Philippe Juvin, Giovanni La Via, Tunne Kelam, Joachim Zeller, Lars Adaktusson, Jarosław Wałęsa, Mariya Gabriel, David McAllister, Lorenzo Cesa, Franck Proust, Petri Sarvamaa, Andrej Plenković, Bogdan Brunon Wenta, Monica Macovei, Dubravka Šuica, Jaromír Štětina, Eduard Kukan, Seán Kelly, Jiří Pospíšil, Barbara Matera, Marijana Petir, Davor Ivo Stier, Tomáš Zdechovský, Csaba Sógor, Stanislav Polčák, László Tőkés, Lara Comi, Massimiliano Salini, Ivana Maletić au nom du groupe PPE
Josef Weidenholzer, Goffredo Maria Bettini, Enrico Gasbarra, Luigi Morgano, Liisa Jaakonsaari, Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Krystyna Łybacka, Nicola Caputo, Richard Howitt, Miroslav Poche, Andi Cristea, Tonino Picula, Afzal Khan, Miriam Dalli, Marc Tarabella, Elena Valenciano Martínez-Orozco au nom du groupe S&D
Charles Tannock, Mark Demesmaeker, Peter van Dalen, Branislav Škripek, Jana Žitňanská, Bas Belder, Arne Gericke, Geoffrey Van Orden, Ryszard Czarnecki au nom du groupe ECR
Dita Charanzová, Juan Carlos Girauta Vidal, Fernando Maura Barandiarán, Pavel Telička, Izaskun Bilbao Barandica, Marielle de Sarnez, Marietje Schaake, Louis Michel, Johannes Cornelis van Baalen, Petras Auštrevičius, Ivan Jakovčić, Gérard Deprez, Ivo Vajgl, Petr Ježek, Javier Nart, Antanas Guoga, Urmas Paet, Jozo Radoš au nom du groupe ALDE
Jean Lambert, Barbara Lochbihler, Heidi Hautala au nom du groupe Verts/ALE
Ignazio Corrao, Fabio Massimo Castaldo, Marco Valli, Laura Agea, Rolandas Paksas au nom du groupe EFDD

Procédure : 2014/2969(RSP)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
RC-B8-0289/2014
Textes déposés :
RC-B8-0289/2014
Textes adoptés :

Résolution du Parlement européen sur le Pakistan: lois sur le blasphème

(2014/2969(RSP))

Le Parlement européen,

–   vu ses résolutions antérieures sur le Pakistan,

–   vu l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966,

–   vu la Déclaration des Nations unies de 1981 sur l'élimination de toutes formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction,

–   vu les rapports du rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction,

–   vu le rapport établi par la rapporteure spéciale des Nations unies pour l'indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, le 4 avril 2013, à la suite à sa mission au Pakistan du 19 au 29 mai 2012,

–   vu sa résolution du 11 décembre 2013 sur le rapport annuel sur les droits de l'homme et la démocratie dans le monde en 2012 et la politique de l'Union européenne en la matière, qui condamne les persécutions à l'encontre des chrétiens et des autres minorités religieuses[1],

–   vu les lignes directrices de l'Union sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction[2],

–   vu le plan quinquennal de coopération UE-Pakistan de mars 2012, qui comporte des priorités telles que la bonne gouvernance et le dialogue en matière de droits de l'homme, ainsi que le deuxième dialogue stratégique UE-Pakistan du 25 mars 2014, qui lui est étroitement lié,

–   vu les conclusions du Conseil sur le Pakistan du 11 mars 2013, qui rappellent les attentes de l'Union européenne en matière de promotion et de respect des droits de l'homme et condamnent tous les actes de violence, y compris à l'encontre des minorités religieuses[3],

–   vu la déclaration faite le 18 octobre 2014 par le porte-parole du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) au sujet de la décision de la Haute Cour de Lahore confirmant la condamnation de Mme Asia Bibi au Pakistan,

–   vu le communiqué de presse publié par la délégation de l'Union européenne au Pakistan le 29 octobre 2014, à l'occasion de la visite du représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme au Pakistan du 26 au 29 octobre 2014,

–   vu sa résolution du 12 mars 2014 sur le rôle régional du Pakistan et les relations politiques de ce pays avec l'Union européenne[4],

–   vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,

A. considérant qu'Asia Bibi, une chrétienne originaire de la province du Pendjab, a été arrêtée en 2009 et condamnée à mort en 2010 pour blasphème en vertu de la section 295-C du Code pénal pakistanais; que la Haute Cour de Lahore a, le 16 octobre 2014, rejeté l'appel d'Asia Bibi et confirmé le verdict; que la partie défenderesse a introduit un recours auprès de la Cour suprême le 24 novembre 2014, une procédure qui peut prendre des années; que le président du Pakistan peut encore, usant de son droit de grâce, faire annuler la décision de la Haute Cour de Lahore et accorder l'amnistie à Asia Bibi;

B.  considérant qu'un couple de chrétiens, Shama Bibi et Shahbaz Masih, ont été frappés par une foule les accusant d'avoir brûlé des pages du Coran dans l'est du Pakistan le 7 novembre 2014; que leurs corps ont été incinérés dans un four à briques, certains rapports indiquant qu'ils étaient encore vivants lorsqu'ils y ont été jetés;

C. considérant qu'un certain nombre de condamnations à mort ont été prononcées récemment à l'encontre de citoyens pakistanais accusés de violations des lois sur le blasphème, notamment contre Sawan Masih, un chrétien qui aurait insulté le prophète Mahomet dans une conversation, et contre Shafqat Emmanuel et Shagufta Kausar, un couple qui aurait insulté le prophète dans un message écrit;

D. considérant que le défenseur des droits de l'homme et avocat Rashid Rehman a été assassiné le 7 mai 2014; que, quelques semaines auparavant, il avait reçu des menaces alors qu'il défendait un professeur d'université poursuivi pour violation de la loi pakistanaise sur le blasphème;

E.  considérant qu'en octobre 2014, Mohammad Asghar, ressortissant britannique d'origine pakistanaise, diagnostiqué malade mental au Royaume-Uni, mais néanmoins emprisonné pour blasphème, a été blessé par balle par un gardien de prison; que son agresseur a été arrêté et inculpé de tentative de meurtre par les autorités provinciales, et que huit autres gardiens de prison ont été suspendus de leurs fonctions;

F.  considérant que Tufail Haider, un chiite de 45 ans, a été tué par un officier de police qui l'interrogeait le 5 novembre 2014; que l'officier de police a par la suite déclaré que M. Haider avait tenu des propos insultants sur les "compagnons du prophète Mahomet";

G. considérant que 1 438 personnes au total auraient été accusées de blasphème au Pakistan entre 1987 et octobre 2014, parmi lesquelles 633 musulmans, 494 ahmadis, 187 chrétiens et 21 hindous; que, depuis 1990, au moins 60 personnes ont été tuées, victimes de violences collectives, dans des affaires de blasphème;

H. considérant que plusieurs dizaines de personnes, parmi lesquelles des musulmans, des hindous et des chrétiens, notamment, sont actuellement en prison pour blasphème; que, jusqu'à présent, aucune des personnes condamnées pour blasphème n'a été exécutée, mais que de nombreuses personnes accusées ont été tuées, victimes de violences collectives; que certains dirigeants religieux exercent des pressions considérables sur le système judiciaire pakistanais pour qu'il confirme et procède aux exécutions, généralement prononcées par les instances inférieures; que les procédures judiciaires s'étendent souvent sur des années et ont un effet dévastateur sur des citoyens pakistanais innocents, leurs familles et leurs communautés;

I.   considérant qu'en raison des lois pakistanaises sur le blasphème, il est dangereux pour les minorités religieuses de s'exprimer librement ou de participer publiquement à des activités religieuses; qu'il est établi que ces lois sont souvent utilisées à tort; que, plutôt que de protéger les communautés religieuses, elles ont semé la peur au sein de la société pakistanaise; que les tentatives menées pour réformer les lois ou leur application ont été réprimées par des menaces et des assassinats; que les tentatives effectuées pour aborder ces problèmes dans les médias, en ligne ou autres, donnent souvent lieu à des menaces ou des cas de harcèlement, y compris de la part du gouvernement;

J.   considérant que le Pakistan joue un rôle de premier plan pour favoriser la stabilité en Asie du Sud et que l'on pourrait s'attendre à ce qu'il donne l'exemple en renforçant l'état de droit et le respect des droits de l'homme;

K. considérant que le Pakistan a récemment ratifié sept des neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations unies, qui comprennent de nombreuses dispositions relatives à l'administration de la justice, au droit à un procès équitable, à l'égalité devant la loi et à la non-discrimination;

L.  considérant que les services des Nations unies compétents en matière de droits de l'homme ont demandé au Pakistan d'abroger ses lois sur le blasphème ou, à tout le moins, de mettre immédiatement en place des sauvegardes afin d'empêcher que le droit ne transforme les citoyens en cibles idéales, en particulier ceux issus de communautés religieuses minoritaires;

M. considérant que l'Union européenne et le Pakistan ont récemment approfondi et élargi leurs relations bilatérales, comme en témoignent le plan quinquennal de coopération, lancé en février 2012, ainsi que le second dialogue stratégique UE-Pakistan, tenu en mars 2014; que l'objectif du plan quinquennal de coopération UE-Pakistan est d'établir une relation stratégique et de constituer un partenariat pour la paix et le développement fondé sur des valeurs et des principes communs;

N. considérant que le Pakistan a intégré le système SPG+ pour la première fois le 1er janvier 2014; que ce système devrait fortement inciter les États qui y ont adhéré à respecter les principaux droits de l'homme et du travail, l'environnement et les principes de bonne gouvernance;

1.  est vivement préoccupé et attristé par la décision prise par la Haute Cour de Lahore le 16 octobre 2014 de confirmer la condamnation à mort d'Asia Bibi pour blasphème; demande à la Cour suprême de lancer la procédure judiciaire rapidement et sans retard sur cette affaire et de garantir l'état de droit et le plein respect des droits de l'homme dans son jugement;

2.  prie les tribunaux pakistanais de réexaminer également avec célérité les condamnations à mort prononcées à l'encontre de Sawan Masih, de Mohammad Asgar, de Shafqat Emmanuel et de sa femme Shagufta Kausar, ainsi que de tous les autres citoyens qui attendent actuellement dans le couloir de la mort pour des violations présumées des lois sur le blasphème;

3.  condamne fermement les meurtres de Shama Bibi et Shahbaz Masih et présente ses condoléances à leurs familles, ainsi qu'aux familles de tous les innocents tués en raison des lois sur le blasphème au Pakistan; demande que les auteurs de tels actes soient traduits en justice; prend acte de la décision du gouvernement de la province de Pendjab de constituer une commission afin d'accélérer les enquêtes sur les assassinats de Shama Bibi et Shahbaz Masih et de demander une protection policière supplémentaire pour les communautés chrétiennes de la province; souligne toutefois la nécessité de mettre fin au climat d'impunité et d'adopter des réformes plus vastes pour faire cesser les violences perpétrées à l'encontre des minorités religieuses, une problématique toujours omniprésente au Pakistan;

4.  exprime sa profonde inquiétude face aux abus dont risquent d'être victimes les personnes de toutes confessions dans ce pays au nom des lois controversées sur le blasphème; est particulièrement préoccupé par l'invocation de plus en plus fréquente de ces lois, qui avaient été désavouées publiquement par le ministre Shahbaz Bhatti, le gouverneur Salman Taseer et Rashid Rehman, tous trois assassinés pour leur position en faveur de la tolérance religieuse, contre des groupes appartenant à des minorités vulnérables au Pakistan, notamment les ahmadis et les chrétiens;

5.  demande au gouvernement pakistanais de procéder à une révision en profondeur des lois sur le blasphème et de l'application qui en est faite actuellement en vue de les abroger, en particulier en ce qui concerne les sections 295 B et 295 C du Code pénal, qui prévoient des condamnations à perpétuité (295 B et C), voire la peine de mort (section 295 C), pour des actes présumés blasphématoires; demande au gouvernement pakistanais d'abolir la peine de mort, y compris en cas de blasphème ou d'apostasie, et de mettre en place des garanties afin d'empêcher l'utilisation abusive des dispositions juridiques sur le blasphème ou l'apostasie;

6.  invite les autorités pakistanaises à garantir l'indépendance des tribunaux, l'état de droit et le respect de la légalité conformément aux normes internationales en matière de procédures judiciaires, notamment en tenant compte des recommandations récentes de la rapporteure spéciale des Nations unies sur l'indépendance des juges et des avocats; invite par ailleurs les autorités pakistanaises à fournir une protection suffisante à toutes les personnes concernées par des affaires de blasphème, y compris en protégeant les juges des pressions extérieures, en protégeant les personnes accusées, leur famille et leur communauté des violences collectives, ainsi qu'en proposant des solutions aux personnes acquittées qui ne peuvent retourner dans leur lieu d'origine;

7.  rappelle que la Constitution pakistanaise garantit la liberté de religion et les droits des minorités; se félicite des mesures prises par le gouvernement pakistanais dans l'intérêt des minorités religieuses depuis novembre 2008, telles que l'établissement d'un quota de 5 % pour les minorités dans le secteur des emplois fédéraux, la reconnaissance des jours fériés non musulmans et la proclamation de la Journée nationale des minorités;

8.  exhorte toutefois le gouvernement pakistanais à redoubler d'efforts pour parvenir à une meilleure compréhension inter-religieuse, à s'employer activement à traiter la question de l'hostilité religieuse manifestée par des acteurs sociétaux et à lutter contre l'intolérance religieuse, contre les actes de violence et d'intimidation et contre le sentiment d'impunité réelle ou perçue;

9.  condamne énergiquement tous les actes de violence commis contre des communautés religieuses, ainsi que toute forme de discrimination et d'intolérance pour des motifs religieux ou de conviction; souligne que le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est un droit de l'homme fondamental; souligne par ailleurs la nécessité de garantir à tous les Pakistanais, quelle que soit leur croyance ou leur religion, le même degré de respect, ainsi que la promotion et la protection de leurs droits fondamentaux;

10. demande au SEAE et à la Commission de faire usage de tous les instruments à leur disposition, y compris ceux cités dans les lignes directrices de l'Union sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction, afin d'aider les communautés religieuses et d'inciter fortement le gouvernement pakistanais à prendre davantage de mesures pour protéger les minorités religieuses; se félicite, à cet égard, de la récente visite du représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme au Pakistan, ainsi que des discussions qui se sont tenues à cette occasion;

11. rappelle que l'octroi du statut SPG+ est conditionnel et dépend, entre autres et conformément à l'annexe VIII du nouveau règlement de base sur le SPG, de la ratification et de la mise en œuvre de 27 conventions internationales, relatives pour la plupart aux droits de l'homme, et que l'Union européenne peut décider de retirer les préférences SPG+ à un pays s'il ne respecte pas ses engagements;

12. prie instamment le SEAE et la Commission de vérifier attentivement si le Pakistan respecte les engagements pris en vertu du système SPG+, et de promouvoir et de défendre les droits de l'homme au Pakistan;

13. invite la SEAE et la Commission à collaborer avec les autorités pakistanaises afin de réformer l'utilisation des lois sur le blasphème, notamment en prenant les mesures énoncées au paragraphe 5 ci-avant;

14. encourage le gouvernement pakistanais à coopérer avec les organes des Nations unies, notamment le rapporteur sur la liberté de religion ou de conviction, afin de répondre aux préoccupations légitimes en matière de droits de l'homme;

15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission européenne/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Secrétaire général des Nations unies, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies ainsi qu'au gouvernement et au Parlement du Pakistan.