Proposition de résolution commune - RC-B8-0236/2015Proposition de résolution commune
RC-B8-0236/2015

PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE sur la situation au Venezuela

11.3.2015 - (2015/2582(RSP))

déposée conformément à l'article 123, paragraphes 2 et 4, du règlement
en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes:
PPE (B8‑0236/2015)
ECR (B8‑0238/2015)
ALDE (B8‑0244/2015)
S&D (B8‑0246/2015)

Luis de Grandes Pascual, Lara Comi, Cristian Dan Preda, József Nagy, Pablo Zalba Bidegain, Bogdan Brunon Wenta, Julia Pitera, Carlos Iturgaiz, Francisco José Millán Mon, Gabriel Mato, Francesc Gambús, Daniel Caspary, Elisabetta Gardini au nom du groupe PPE
Francisco Assis, Sorin Moisă, Victor Boștinaru, Elena Valenciano, Ramón Jáuregui Atondo au nom du groupe S&D
Charles Tannock, Mark Demesmaeker, Andrew Lewer, Ashley Fox, Roberts Zīle au nom du groupe ECR
Fernando Maura Barandiarán, Dita Charanzová, Beatriz Becerra Basterrechea, Izaskun Bilbao Barandica, Enrique Calvet Chambon, Gérard Deprez, Marielle de Sarnez, Juan Carlos Girauta Vidal, Fredrick Federley, Nathalie Griesbeck, Antanas Guoga, Ivan Jakovčić, Petr Ježek, Ilhan Kyuchyuk, Louis Michel, Javier Nart, Urmas Paet, Maite Pagazaurtundúa Ruiz, Jozo Radoš, Frédérique Ries, Marietje Schaake, Pavel Telička, Ramon Tremosa i Balcells, Hilde Vautmans, Johannes Cornelis van Baalen au nom du groupe ALDE


Procédure : 2015/2582(RSP)
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RC-B8-0236/2015
Textes déposés :
RC-B8-0236/2015
Débats :
Textes adoptés :

Résolution du Parlement européen sur la situation au Venezuela

(2015/2582(RSP))

Le Parlement européen,

–   vu ses précédentes résolutions sur la situation au Venezuela, en particulier celles du 27 février 2014 sur la situation au Venezuela[1] et du 18 décembre 2014 sur la persécution de l'opposition démocratique au Venezuela[2],

–   vu sa résolution du 20 avril 2012 sur la sécurité juridique des investissements européens en dehors de l'Union européenne[3],

–   vu les communiqués de presse du 23 février 2015 de la porte-parole de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, sur l'arrestation du maire de Caracas, Antonio Ledezma, et sur la situation au Venezuela,

–   vu la déclaration du 26 février 2015 du porte-parole du Secrétaire général des Nations unies sur la situation au Venezuela,

–   vu la déclaration du 25 février 2015 du secrétaire général de l'Union des nations sud‑américaines (Unasur) et ancien président de la Colombie, Ernesto Samper, sur la situation au Venezuela et la mort de Kluivert Roa, un écolier âgé de 14 ans,

–   vu la déclaration de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) du 24 février 2015,

–   vu l'avis du 26 août 2014 du groupe de travail sur la détention arbitraire de la Commission des droits de l'homme de l'Assemblée générale des Nations unies,

–   vu la déclaration du 20 octobre 2014 du haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme sur la détention de manifestants et de responsables politiques au Venezuela,

–   vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Venezuela est partie,

–   vu le rapport 2014/2015 d'Amnesty International intitulé "La situation des droits humains dans le monde", publié le 25 février 2015, et le rapport de Human Rights Watch sur le Venezuela intitulé "New Military Authority to Curb Protests" ("Une nouvelle autorité accordé à l'armée pour juguler les manifestations"), publié le 12 février 2015,

–   vu l'article 123, paragraphes 2 et 4, de son règlement,

A. considérant que, le 19 février 2015, Antonio Ledezma, élu démocratiquement à deux reprises maire du district métropolitain de Caracas et l'une des figures de l'opposition, a été arrêté arbitrairement par des officiers du service de renseignement bolivarien (Sebin) fortement armés, qui n'ont pas présenté de mandat d'arrêt ni aucun élément de preuve indiquant la culpabilité de M. Ledezma dans une infraction; qu'à la suite de sa détention, Antonio Ledezma a été accusé de conspiration et d'association de malfaiteurs – des délits passibles de lourdes peines d'emprisonnement au Venezuela – et incarcéré à la prison militaire de Ramo Verde;

B.  considérant que le fait de détenir des civils dans une prison militaire est incompatible avec les normes internationales; que le Venezuela a l'obligation de garantir la vie, le traitement humain et la sécurité de toutes les personnes privées de liberté, et d'assurer des conditions de détention conformes aux normes internationales applicables;

C. considérant que le président Nicolas Maduro a annoncé, lors d'une intervention à la radio et à la télévision nationales, le démantèlement d'un projet supposé visant à déstabiliser son gouvernement par un coup d'État, qui aurait impliqué les dirigeants de la Table de l'unité démocratique, Maria Corina Machado et Julio Borges, membres de l'Assemblée nationale, et Antonio Ledezma, maire de Caracas; que ces figures de l'opposition auraient également été associées à un projet d'assassinat du dirigeant de l'opposition Leopoldo López, détenu dans une prison militaire depuis plus d'un an; que, depuis sa détention, Leopoldo López a subi des actes de torture physique et psychologique et a été placé en isolement;

D. considérant que le président Maduro a également annoncé d'étonnants complots étrangers, projets de déstabilisation et tentatives d'assassinat présumés, signalés par l'administration nationale à plusieurs occasions;

E.  considérant que, par le passé, les dirigeants de l'opposition démocratique ont à de nombreuses reprises fait l'objet d'accusations infondées de participation à des projets supposés de déstabilisation et de coup d'État; que les actes d'intimidation et les mauvais traitements à l'égard des chefs de l'opposition et des étudiants emprisonnés qui ont participé aux manifestations de 2014 ont augmenté; que Leopoldo López, Daniel Ceballos et d'autres personnalités politiques de l'opposition sont toujours en détention arbitraire, que María Corina Machado a été démise de ses fonctions illégalement et arbitrairement et renvoyée du Parlement vénézuélien, et que le gouvernement du Venezuela menace de lever l'immunité parlementaire du député Julio Borges;

F.  considérant que l'on peut estimer que la présomption d'innocence a été violée lorsqu'une personne à l'encontre de laquelle des accusations pénales sont portées fait l'objet d'une détention provisoire sans justification appropriée, puisque, dans un tel cas, la détention devient une mesure de répression plutôt que de précaution;

G. considérant que, selon des organisations locales et internationales, un an après les manifestations pacifiques, plus de 1 700 manifestants sont en attente de jugement, plus de 69 sont encore derrière les barreaux, au moins 40 personnes ont été tuées pendant les manifestations, et que leurs meurtriers n'ont pas répondu de leurs actes; que la police, des membres de la garde nationale et des groupes progouvernementaux armés, violents et échappant à tout contrôle ont fait un usage excessif et systématique de la force et de la violence à l'encontre des manifestants;

H. considérant qu'un État démocratique ne doit pas criminaliser les dirigeants de l'opposition politique et doit garantir la participation de tous les secteurs à la vie politique du pays, ainsi que les droits de l'homme des personnes qui se déclarent comme faisant partie de l'opposition, comme l'a indiqué Human Rights Watch le 24 février 2015;

I.   considérant que des membres de la Cour suprême ont ouvertement rejeté le principe de séparation des pouvoirs, ont publiquement fait part de leur détermination à faire progresser le programme politique du gouvernement et statué de manière récurrente en faveur du gouvernement, validant le mépris du gouvernement pour les droits de l'homme; qu'en décembre 2014, la majorité favorable au gouvernement de l'Assemblée nationale a nommé 12 nouveaux membres à la Cour suprême par un vote à la majorité simple, à la suite de l'impossibilité d'obtenir une majorité des deux tiers, pour laquelle un consensus avec l'opposition aurait été nécessaire;

J.   considérant que la récente résolution 8610 du ministère de la défense autorise l'armée à utiliser des armes à feu pour maîtriser des "réunions publiques et des manifestations pacifiques"; que, d'après l'article 68 de la Constitution vénézuélienne, l'usage d'armes à feu et de substances toxiques pour contenir des manifestations pacifiques est interdit; que, d'après les normes internationales, le recours aux forces militaires dans les opérations de sécurité publique devrait être limité;

K. considérant que, le 24 février 2015, l'élève Kluivert Roa, âgé de 14 ans, a été tué par balle au cours d'une manifestation sur la pénurie de nourriture et de médicaments à San Cristóbal, dans l'État de Táchira, devenant ainsi la première victime depuis que le recours aux armes à feu pour maîtriser les manifestations a été autorisé; que, le 25 février 2015, le bureau du procureur général a annoncé qu'un officier de police avait été accusé d'homicide volontaire, entre autres crimes;

L.  considérant que la liberté d'expression et le droit de manifester pacifiquement sont les pierres angulaires de la démocratie; qu'il ne peut y avoir d'égalité et de justice pour tous sans le respect des libertés et des droits fondamentaux pour tous les citoyens; que de nombreuses informations confirment que les médias sont soumis à des actes de censure et d'intimidation de plus en plus fréquents;

M. considérant que le Venezuela est le pays d'Amérique latine qui dispose des plus grandes réserves d'énergie; que la population vénézuélienne souffre de graves pénuries de produits de première nécessité, que les prix alimentaires ont doublé et que le rationnement alimentaire a été renforcé; qu'en raison de l'incapacité de l'État à garantir le droit et à maintenir l'ordre, ainsi que de la polarisation politique croissante, le Venezuela est devenu l'un des pays les plus violents au monde;

N. considérant que seuls le respect des libertés et droits fondamentaux et un dialogue constructif et respectueux mené dans un esprit de tolérance peuvent aider le pays à sortir de cette grave crise et à surmonter les difficultés à venir;

O. considérant que la "mesa de diálogo" (la table du dialogue) entre le gouvernement et l'opposition a permis d'entamer des pourparlers qui ont malheureusement été interrompus sans avoir abouti;

P.  considérant que l'article 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE) établit que les investissements européens dans les pays tiers constituent un élément fondamental de la politique commerciale commune de l'Union européenne et font, dès lors, partie intégrante de sa politique extérieure; que, conformément au traité de Lisbonne, les investissements étrangers directs (IED) relèvent exclusivement de la compétence de l'Union européenne, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, point e), et des articles 206 et 207 du traité FUE;

Q. considérant que le gouvernement vénézuélien, tout particulièrement, a la responsabilité de respecter l'état de droit et le droit international étant donné qu'il a été élu membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies le 16 octobre 2014;

1.  se dit toujours vivement préoccupé par la détérioration de la situation au Venezuela et condamne le recours à la violence à l'encontre de manifestants; demande aux autorités vénézuéliennes de libérer immédiatement Antonio Ledezma, Leopoldo López, Daniel Ceballos et tous les manifestants pacifiques, étudiants et chefs de l'opposition détenus arbitrairement pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression et leurs droits fondamentaux, conformément aux exigences formulées par plusieurs organisations des Nations unies et autres organisations internationales; demande aux autorités vénézuéliennes de retirer les accusations sans fondement portées à leur encontre;

2.  demande aux autorités vénézuéliennes de veiller à ce qu'Antonio Ledezma, Leopoldo López, Daniel Ceballos et tous les autres prisonniers politiques reçoivent tout soin médical dont ils pourraient avoir besoin, et bénéficient d'un contact immédiat, privé et régulier avec leurs familles et les avocats de leur choix; s'inquiète vivement de la détérioration de l'état de santé des prisonniers;

3.  demande au gouvernement vénézuélien de mettre un terme à la persécution et à la répression politiques de l'opposition démocratique et aux violations des libertés d'expression et de manifestation, et le prie instamment de mettre fin à la censure des médias; rappelle aux autorités que les voix de l'opposition sont indispensables à une société démocratique;

4.  condamne l'assassinat de Kluivert Roa et de six autres étudiants, et exprime ses condoléances à leurs familles; demande au gouvernement de révoquer la résolution 8610 récemment adoptée, qui autorise les forces de sécurité à employer une force potentiellement mortelle, en ayant recours à une arme à feu ou à une autre arme susceptible de donner la mort, afin de réprimer les manifestations civiles, dans la mesure où cette résolution déroge à l'article 68 de la Constitution vénézuélienne;

5.  invite le gouvernement vénézuélien à se conformer à sa propre Constitution et à ses obligations internationales en matière d'indépendance du pouvoir judiciaire, de droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique, et de pluralisme politique, qui constituent le socle de la démocratie; demande au gouvernement vénézuélien de créer les conditions pour que les défenseurs des droits de l'homme et des ONG indépendantes puissent réaliser leurs activités légitimes de défense des droits de l'homme et de la démocratie; souligne que le gouvernement vénézuélien a la responsabilité particulière de respecter l'état de droit et le droit international en sa qualité de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies;

6.  demande au gouvernement vénézuélien de veiller à ce que les accusations fassent l'objet d'une enquête rapide et impartiale, sans laisser de place à l'impunité, dans le respect plein et entier du principe de la présomption d'innocence et d'une procédure judiciaire en bonne et due forme; rappelle que le respect du principe de séparation des pouvoirs est fondamental dans une démocratie et que le système judiciaire ne saurait être utilisé comme arme politique; invite les autorités vénézuéliennes à garantir la sécurité de tous les citoyens du pays, quelles que soient leurs opinions et leurs affinités politiques;

7.  se déclare préoccupé par l'éventualité que de nouvelles manifestations débouchent sur d'autres actes de violence, ce qui ne ferait que creuser le fossé qui sépare le gouvernement de l'opposition et polariserait encore davantage les événements politiques sensibles que connaît le Venezuela; invite les représentants de toutes les parties et de toutes les composantes de la société vénézuélienne à agir et à s'exprimer dans le calme; met en garde contre toute action susceptible de créer un climat de tension et de régression, ce qui pourrait conduire à une perte de légitimité et à une interdiction de l'opposition démocratique et/ou à une annulation des élections;

8.  se dit inquiet qu'au cours d'une année électorale, l'opposition politique ait été victime de détentions et d'attaques arbitraires, qui pourraient remettre en question tant la légitimité que l'issue du processus électoral;

9.  demande aux autorités vénézuéliennes, à l'approche des élections législatives, de mettre à profit cette période pour établir un processus politique inclusif basé sur le consensus et l'adhésion commune, par le biais d'un véritable dialogue national avec la participation réelle de toutes les forces politiques démocratiques dans le cadre de la démocratie, de l'état de droit et du respect plein et entier des droits de l'homme; invite en outre les deux parties à débattre des problèmes les plus graves auxquels le pays est confronté pour entreprendre les réformes économiques et de gouvernance nécessaires; invite les autorités vénézuéliennes à garantir la tenue d'élections législatives libres et équitables dans le cadre d'un processus pleinement inclusif, avec la participation de tous les acteurs démocratiques; invite tous les acteurs politiques à maintenir l'affrontement politique dans les limites de l'ordre constitutionnel, en résistant aux pressions en faveur d'une radicalisation de leurs actions;

10. encourage les partenaires régionaux du Venezuela, tels que l'Unasur et l'Organisation des États américains, à ouvrir des voies de dialogue et de compréhension entre les parties en conflit et à garantir la sécurité et la protection publiques, ainsi qu'un retour au calme et à la normalité au Venezuela;

11. invite instamment l'Union européenne, les États membres et la communauté internationale à faire des déclarations et à prendre des mesures en signe de solidarité avec la population vénézuélienne dans cette période difficile;

12. exhorte la Commission et le Conseil à étudier et à adopter toute mesure nécessaire pour garantir les intérêts européens et le principe de sécurité juridique des entreprises européennes au Venezuela;

13. demande au Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et à la délégation de l'Union européenne au Venezuela, ainsi qu'aux ambassades des États membres, de poursuivre leur observation attentive des enquêtes et des audiences judiciaires des responsables de l'opposition; réitère sa demande d'envoi au plus tôt d'une délégation ad hoc du Parlement européen chargée d'analyser la situation au Venezuela et de mener un dialogue avec toutes les parties au conflit;

14. rappelle qu'il demandera prochainement à la haute représentante et vice-présidente de réclamer la libération immédiate des manifestants qui ont été arrêtés de façon arbitraire depuis le début des manifestations;

15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice‑présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au gouvernement et à l'Assemblée nationale de la République bolivarienne du Venezuela, à l'Assemblée parlementaire euro-latino-américaine et au secrétaire général de l'Organisation des États américains.