RECOMMANDATION sur le projet de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord commercial anti-contrefaçon entre l'Union européenne et ses États membres, l'Australie, le Canada, la République de Corée, les États-Unis d'Amérique, le Japon, le Royaume du Maroc, les États-Unis mexicains, la Nouvelle-Zélande, la République de Singapour et la Confédération suisse

22.6.2012 - (12195/2011 – C7-0027/2012 – 2011/0167(NLE)) - ***

Commission du commerce international
Rapporteur: David Martin

Procédure : 2011/0167(NLE)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A7-0204/2012

PROJET DE RÉSOLUTION LÉGISLATIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur le projet de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord commercial anti-contrefaçon entre l'Union européenne et ses États membres, l'Australie, le Canada, la République de Corée, les États-Unis d'Amérique, le Japon, le Royaume du Maroc, les États-Unis mexicains, la Nouvelle-Zélande, la République de Singapour et la Confédération suisse

(12195/2011 – C7-0027/2012 – 2011/0167(NLE))

(Approbation)

Le Parlement européen,

–   vu le projet de décision du Conseil (12195/2011),

–   vu le projet d’accord commercial anti-contrefaçon entre l’Union européenne et ses États membres, l’Australie, le Canada, la République de Corée, les États-Unis d’Amérique, le Japon, le Royaume du Maroc, les États-Unis mexicains, la Nouvelle-Zélande, la République de Singapour et la Confédération suisse (12196/2011),

–   vu la demande d'approbation présentée par le Conseil conformément à l'article 207, paragraphe 4, et à l'article 218, paragraphe 6, deuxième alinéa, points a) et v), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (C7-0027/2012),

–   vu l'article 81 et l'article 90, paragraphe 7, de son règlement,

–   vu la recommandation de la commission du commerce international et les avis de la commission du développement, de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie, de la commission des affaires juridiques ainsi que de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (A7-0204/2012),

1.  refuse de donner son approbation à la conclusion de l'accord;

2.  charge son Président d'informer le Conseil que l'accord ne peut être conclu;

3.  charge son Président de transmettre la position du Parlement au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres et de l’Australie, du Canada, de la République de Corée, des États-Unis d’Amérique, du Japon, du Royaume du Maroc, des États-Unis mexicains, de la Nouvelle-Zélande, de la République de Singapour et de la Confédération suisse.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les négociations sur l'accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) ont débuté en juin 2008 et se sont achevées en novembre 2010 après 11 trains de négociations. Comme pour tous les accords internationaux, la Commission européenne, mandatée par le Conseil, a été la négociatrice en charge de l'ACTA au nom de l'Union européenne. L'ACTA étant un "accord mixte", puisqu'il relève des compétences tant nationales que de l'Union, les États membres étaient représentés aux négociations par les présidences tournantes.

L'accord a été conclu entre l'Union européenne, l'Australie, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, le Mexique, le Maroc, la Nouvelle Zélande, Singapour, la Suisse et les États-Unis. Les pays signataires doivent à présent ratifier l'accord, ce qui, dans l'Union européenne, signifie: ratification par les États membres et approbation du Parlement européen avant que l'accord n'entre en vigueur sur le territoire de l'Union.

ACTA, selon la définition qu'en donnent les négociateurs, est un accord commercial qui vise à parer à la contrefaçon à l'échelle commerciale et au piratage en ligne, en coordonnant au plan mondial l'application de la législation en vigueur sur la violation du droit d'auteur. La Commission affirme ne pas avoir l'intention de demander une modification de la législation européenne, mais de coordonner les procédures aux frontières pour lutter contre la contrefaçon de grande ampleur.

Les problèmes concernés par l'accord ACTA sont bien réels, et ils s'aggravent. La contrefaçon et le piratage se sont fortement développés, et sont de plus en plus répandus. Les conséquences de cette augmentation des activités illégales vont des pertes économiques à des risques sanitaires et sécuritaires. Faute d'une coordination mondiale efficace et renforcée de la protection du droit d'auteur, l'Union européenne a beaucoup à perdre.

La propriété intellectuelle (PI) est la matière première de l'Union. Votre rapporteur estime que l'Europe ne pourra être compétitive dans une économie mondialisée que si la mode européenne, les pièces d'automobiles européennes, les films européens et la musique européenne, sont suffisamment protégés. La coordination de la protection de la propriété européenne au plan mondial est vitale pour établir une Union européenne basée sur la connaissance et créer et préserver des emplois dans l'ensemble de l'Union.

Or, dans cette économie de la connaissance, les modalités du partage de l'information évoluent rapidement, et l'équilibre nécessaire entre la protection du droit de propriété intellectuelle et celle des libertés fondamentales évolue, lui aussi. À cet égard, les accords internationaux traitant d'un aspect quelconque des sanctions pénales, des activités en ligne ou de la propriété intellectuelle doivent définir avec précision le champ d'application d'un accord et la portée de la protection qu'il accorde aux libertés individuelles, de façon à éviter toute interprétation intempestive.

Les conséquences indésirables du texte de l'accord ACTA posent un problème sérieux. Sur des aspects tels que la criminalisation individuelle, la définition de la notion d'"échelle commerciale", le rôle des fournisseurs de services internet et l'interruption éventuelle de la circulation des médicaments génériques, votre rapporteur reste sceptique quant à la précision nécessaire du texte d'ACTA.

Les avantages escomptés de cet accord international sont plus que compensés par les menaces qu'il recèle pour les libertés civiles. Compte tenu du flou qui règne sur certains aspects du texte, et des incertitudes liées à leur interprétation, le Parlement européen ne peut garantir à l'avenir une protection appropriée des droits des citoyens dans le cadre d'ACTA.

Votre rapporteur recommande en conséquence au Parlement européen de refuser de donner son approbation à l'accord ACTA. Ce faisant, il importe de noter l'importance capitale d'une protection accrue des droits de propriété intellectuelle des producteurs européens opérant sur le marché mondial. Suite à la révision prévisible des directives européennes applicables en la matière, votre rapporteur espère que la Commission européenne présentera ultérieurement de nouvelles propositions pour protéger la propriété intellectuelle.

AVIS de la commission du dÉveloppement (5.6.2012)

à l'intention de la commission du commerce international

sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord commercial anti‑contrefaçon entre l’Union européenne et ses États membres, l’Australie, le Canada, la République de Corée, les États-Unis d’Amérique, le Japon, le Royaume du Maroc, les États‑Unis mexicains, la Nouvelle‑Zélande, la République de Singapour et la Confédération suisse
(COM(2011)0380 – C7‑0027/2012 – 2011/0167(NLE))

Rapporteure pour avis: Eva Joly

La commission du développement invite la commission du commerce international, compétente au fond, à proposer au Parlement de refuser de donner son approbation.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

4.6.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

20

1

3

Membres présents au moment du vote final

Thijs Berman, Ricardo Cortés Lastra, Corina Creţu, Véronique De Keyser, Nirj Deva, Leonidas Donskis, Charles Goerens, Eva Joly, Filip Kaczmarek, Gay Mitchell, Norbert Neuser, Birgit Schnieber-Jastram, Michèle Striffler, Alf Svensson, Keith Taylor, Ivo Vajgl, Iva Zanicchi

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Emer Costello, Enrique Guerrero Salom, Fiona Hall, Edvard Kožušník, Judith Sargentini, Horst Schnellhardt, Patrizia Toia

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Marisa Matias

AVIS de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'Énergie (5.6.2012)

à l'intention de la commission du commerce international

sur le projet de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord commercial anti-contrefaçon entre l'Union européenne et ses États membres, l'Australie, le Canada, la République de Corée, les États‑Unis d'Amérique, le Japon, le Royaume du Maroc, les États Unis mexicains, la Nouvelle Zélande, la République de Singapour et la Confédération suisse
(12195/2011 – C7‑0027/2012 – 2011/0167(NLE))

Rapporteure pour avis: Amelia Andersdotter

JUSTIFICATION SUCCINCTE

1. se félicite des objectifs formulés par les parties aux négociations sur l'accord commercial anti-contrefaçon (ACAC) en vue de lutter contre le commerce des produits de contrefaçon;

2. considère que la législation européenne relative aux droits d'auteur dans la société de l'information compte parmi les plus modernes et les plus respectueuses des accords internationaux en la matière;

3. reconnaît que l'ACAC regroupe un grand nombre de catégories différentes de droits de propriété intellectuelle (DPI), ce qui en fait un instrument universel de répression des infractions inadapté aux besoins spécifiques à chaque secteur dans la mesure où il traite de la même façon les biens matériels et les services numériques; s'inquiète de l'absence de définition de certains termes de base sur lesquels reposent les mécanismes d'exécution de l'ACAC; craint que cette situation n'engendre une insécurité juridique pour les entreprises européennes, et en particulier les PME, les utilisateurs de technologies ainsi que les fournisseurs de plateformes en ligne et de services Internet; relève également que les premiers bénéficiaires présumés de l'accord, la communauté artistique et les créateurs de logiciels, semblent particulièrement divisés sur les avantages éventuels et potentiels de cet accord;

4. salue le dessein manifesté par la Commission de renforcer l'industrie européenne; relève, néanmoins, que l'ACAC est, semble-t-il, contraire à l'ambition affichée par le Parlement européen dans l'agenda numérique, à savoir une Europe à la pointe du développement des technologies de l'internet[1], ainsi qu'à sa forte aspiration à promouvoir la neutralité de l'internet et l'accès de tous au marché numérique en ligne[2];

5.  rappelle que les rapports douaniers annuels de la Commission révèlent une progression constante des produits saisis suspectés d'enfreindre les DPI, avec une augmentation des cas recensés, qui sont passés de 43 500 en 2009 à près de 80 000 en 2010[3]; reconnaît cependant l'inquiétude autour du fait que les données relatives à l'étendue des atteintes aux DPI sont incomplètes et éparpillées; préconise des analyses d'impact objectives et indépendantes avant l'élaboration de propositions législatives;

6.  se prononce en faveur d'accords internationaux qui renforcent le respect des droits de la propriété intellectuelle, compte tenu de leur importance pour l'économie et le marché du travail de l'Union européenne, dans la mesure où des études récentes[4] de l'OCDE estiment que le piratage et la contrefaçon à l'échelle internationale représentent environ 150 milliards d'euros par an;

7. insiste sur la nécessité de défendre et de protéger un internet libre et ouvert ainsi que de préserver les droits de propriété intellectuelle; souligne qu'il n'existe aucune contradiction entre les droits de propriété intellectuelle et la liberté d'information, aussi bien en ligne que hors ligne;

8. considère que les obligations imposées par l'ACAC aux signataires en matière de protection des droits fondamentaux ne sont peut-être pas suffisamment soulignées; s'inquiète du fait que le texte de l'ACAC n'assure pas un juste équilibre entre le droit de propriété intellectuelle et la liberté d'entreprise, le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, exigence récemment confirmée par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne;[5] prend acte des préoccupations du Contrôleur européen de la protection des données quant aux effets de l'ACAC sur la confidentialité des données et s'inquiète, par conséquent, des retombées éventuelles de l'application de l'ACAC pour ce qui est de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne;

9. se voit, par conséquent, dans l'obligation de demander à la commission du commerce international de refuser de donner son approbation à l'accord.

******

La commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie invite la commission du commerce international, compétente au fond, à proposer au Parlement de refuser de donner son approbation.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

31.5.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

31

25

0

Membres présents au moment du vote final

Gabriele Albertini, Amelia Andersdotter, Josefa Andrés Barea, Jean-Pierre Audy, Zigmantas Balčytis, Ivo Belet, Jan Březina, Reinhard Bütikofer, Giles Chichester, Jürgen Creutzmann, Pilar del Castillo Vera, Dimitrios Droutsas, Christian Ehler, Vicky Ford, Gaston Franco, Adam Gierek, Norbert Glante, András Gyürk, Fiona Hall, Kent Johansson, Romana Jordan, Krišjānis Kariņš, Lena Kolarska-Bobińska, Marisa Matias, Angelika Niebler, Jaroslav Paška, Vittorio Prodi, Miloslav Ransdorf, Herbert Reul, Teresa Riera Madurell, Jens Rohde, Paul Rübig, Salvador Sedó i Alabart, Francisco Sosa Wagner, Patrizia Toia, Ioannis A. Tsoukalas, Claude Turmes, Marita Ulvskog, Vladimir Urutchev, Adina-Ioana Vălean, Kathleen Van Brempt, Alejo Vidal-Quadras, Henri Weber

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Maria Badia i Cutchet, Francesco De Angelis, Ioan Enciu, Françoise Grossetête, Satu Hassi, Roger Helmer, Jolanta Emilia Hibner, Ivailo Kalfin, Seán Kelly, Holger Krahmer, Zofija Mazej Kukovič, Vladimír Remek

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Franziska Keller

  • [1]  Résolution du Parlement européen du 5 mai 2010 sur un nouvel agenda numérique pour l'Europe: 2015.eu (2009/2225(INI)) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P7-TA-2010-0133&language=FR&ring=A7-2010-0066
  • [2]  Résolution du Parlement européen du 17 novembre 2011 sur l'Internet ouvert et la neutralité d'Internet en Europe http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2011-0511+0+DOC+XML+V0//FR
  • [3]  http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/customs/customs_controls/counterfeit_piracy/statistics/statistics_2010.pdf.
  • [4]  Étude de l'OCDE: rapport actualisé sur l'étendue de la contrefaçon des biens matériels, novembre 2009 http://www.oecd.org/dataoecd/57/27/44088872.pdf.
  • [5]  Affaire C-360/10 de la Cour de justice de l'Union européenne, paragraphe 47 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=119512&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=291042

AVIS de la commission des affaires juridiques (4.6.2012)

à l'intention de la commission du commerce international

sur le projet de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord commercial anti‑contrefaçon entre l'Union européenne et ses États membres, l'Australie, le Canada, la République de Corée, les États‑Unis d'Amérique, le Japon, le Royaume du Maroc, les États‑Unis mexicains, la Nouvelle‑Zélande, la République de Singapour et la Confédération suisse
(12195/2011 – C7‑0027/2012 – 2011/0167(NLE))

Rapporteure pour avis: Evelyn Regner

JUSTIFICATION SUCCINCTE

À la suite de l'adoption des directives de négociation par le Conseil le 14 avril 2008, les négociations sur l'accord commercial anti‑contrefaçon entre l'Union européenne et ses États membres, l'Australie, le Canada, le Japon, la République de Corée, le Mexique, le Maroc, la Nouvelle‑Zélande, Singapour, la Suisse et les États‑Unis d'Amérique (ACAC) ont débuté le 3 juin 2008. L'accord a été conclu le 15 novembre 2010 et le texte a été paraphé le 25 novembre, après 11 cycles de négociations.

La commission des affaires juridiques a été invitée à donner son avis sur la recommandation que la commission du commerce international devrait adresser au Parlement en ce qui concerne son approbation à la conclusion de l'ACAC par le Conseil au nom de l'Union européenne.

*******

La commission des affaires juridiques invite la commission du commerce international, compétente au fond, à proposer au Parlement de refuser de donner son approbation.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

31.5.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

10

12

2

Membres présents au moment du vote final

Raffaele Baldassarre, Luigi Berlinguer, Sebastian Valentin Bodu, Françoise Castex, Christian Engström, Marielle Gallo, Giuseppe Gargani, Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Gerald Häfner, Sajjad Karim, Klaus-Heiner Lehne, Antonio Masip Hidalgo, Evelyn Regner, Francesco Enrico Speroni, Rebecca Taylor, Alexandra Thein, Cecilia Wikström, Zbigniew Ziobro, Tadeusz Zwiefka

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Sergio Gaetano Cofferati, Luis de Grandes Pascual, Eva Lichtenberger, Axel Voss

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Mikael Gustafsson, Elisabeth Morin-Chartier

AVIS de la commission des libertÉs civiles, de la justice et des affaires intÉrieures (4.6.2012)

à l'intention de la commission du commerce international

sur la compatibilité de l'accord commercial anti‑contrefaçon entre l'Union européenne et ses États membres, l'Australie, le Canada, le Japon, la République de Corée, les États‑Unis mexicains, le Royaume du Maroc, la Nouvelle‑Zélande, la République de Singapour, la Confédération suisse et les États‑Unis d'Amérique, avec les droits consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
(12195/2011 – C7‑0027/2012 – 2011/0167(NLE))

Rapporteur pour avis: Dimitrios Droutsas

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, conformément à l'article 36, paragraphe 2, du règlement, formule les observations suivantes quant à la compatibilité de l'accord commercial anti‑contrefaçon entre l'Union européenne et ses États membres, l'Australie, le Canada, le Japon, la République de Corée, les États‑Unis mexicains, le Royaume du Maroc, la Nouvelle‑Zélande, la République de Singapour, la Confédération suisse et les États‑Unis d'Amérique (ACAC), avec les droits consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne[1]:

Cadre général

1.  reconnaît que les droits de propriété intellectuelle (DPI) constituent des outils importants pour l'Union dans le cadre d'une économie de la connaissance, et que le respect effectif de ces droits est essentiel; rappelle que les infractions aux DPI nuisent à la croissance, à la compétitivité et à l'innovation; souligne que l'ACAC ne crée pas de nouveaux DPI mais qu'il consiste en un traité de mise en œuvre visant à aborder efficacement la question des infractions aux DPI;

2.  réaffirme que l'Europe a besoin d'un accord international pour renforcer la lutte contre la contrefaçon, étant donné que celle‑ci occasionne chaque année un préjudice considérable aux entreprises européennes, mettant en outre l'emploi européen en péril; relève de plus que, souvent, les produits contrefaits ne respectent pas les exigences de sécurité européennes, faisant ainsi courir des risques sanitaires considérables aux consommateurs;

3.  rappelle que le niveau de transparence des négociations ainsi que de nombreuses dispositions de l'ACAC lui‑même ont été à l'origine de controverses que le Parlement a dû résoudre à maintes reprises à tous les stades de la négociation; souligne que, conformément à l'article 218, paragraphe 10, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE), le Parlement européen doit être immédiatement et pleinement informé à toutes les étapes de la procédure; estime qu'un niveau de transparence approprié n'a pas été garanti tout au long des négociations de l'ACAC; reconnaît que la Commission1 a fait des efforts pour informer le Parlement mais déplore que l'exigence de transparence ait été interprétée de façon très étroite, et uniquement à la suite des pressions exercées par le Parlement et par la société civile[2]; souligne qu'en vertu de la convention de Vienne sur le droit des traités, lors de l'interprétation d'un traité "[i]l peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu" (article 32); fait observer que les travaux préparatoires de l'ACAC ne sont pas tous accessibles au public;

4.  souligne, dans le même temps, qu'il est crucial de trouver un juste équilibre entre le respect des DPI et les droits fondamentaux, tels que la liberté d'expression, le droit au respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel, la confidentialité des communications, ainsi que le droit à une procédure régulière – notamment la présomption d'innocence et le droit à une protection juridictionnelle effective[3] –, et rappelle les traités internationaux[4], le droit européen[5] et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en matière de juste équilibre[6];

5.  souligne à cet égard que les DPI constituent eux‑mêmes des droits fondamentaux protégés au titre de l'article 17, paragraphe 2, de la Charte et d'accords internationaux[7];

6.  rappelle qu'un certain nombre de limitations intérieures et extérieures des DPI, notamment la prévention d'un usage unilatéral de ces droits[8], contribuent à la réalisation d'un juste équilibre entre le respect des DPI, d'une part, et les droits fondamentaux et les intérêts du public, d'autre part;

7.  fait remarquer que les droits fondamentaux reposent, de par leur nature, sur un certain nombre de principes[9]: ils sont universels, fondés sur les droits de la personnalité et les intérêts immatériels, intransmissibles et inaliénables, attachés à la personne, naturels et relèvent du droit public; note, à cet égard, qu'un certain nombre d'objets protégés par les DPI ne répondent qu'à une partie de ces caractéristiques et qu'il est par conséquent nécessaire d'établir une distinction entre l'utilisation d'instruments efficaces pour protéger ces droits, par exemple dans le cas des médicaments susceptibles de sauver des vies, d'une part, ou des brevets industriels destinés à protéger les dessins et modèles, d'autre part, et d'autres intérêts émanant d'autres droits fondamentaux, par exemple la protection de la santé humaine;

8.  réaffirme que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, a modifié fondamentalement le paysage juridique de l'Union, qui devrait se positionner de plus en plus comme une communauté de valeurs et de principes communs; rappelle que le nouveau système à niveaux multiples de l'Union en matière de protection des droits fondamentaux émane de sources différentes et s'applique par l'intermédiaire de mécanismes divers, y compris la Charte, juridiquement contraignante, les droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi que les droits fondés sur les traditions constitutionnelles des États membres et leur interprétation en fonction de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la CJUE[10]; insiste sur le fait que cette architecture renforcée des droits de l'homme ainsi que le niveau élevé de protection auquel l'Union aspire (le "modèle européen") doivent également présider aux activités extérieures de l'Union, dans la mesure où celle‑ci doit se montrer "exemplaire" en matière de droits fondamentaux[11] et ne pas donner l'impression d'autoriser le "blanchiment" de ces droits;

9.  estime que la dignité, l'autonomie et l'auto‑développement[12] des êtres humains sont profondément ancrés dans ce modèle européen et rappelle que le droit à la vie privée et à la protection des données et la liberté d'expression ont toujours été considérés comme des éléments essentiels de ce modèle, comme des droits fondamentaux et des objectifs politiques; souligne que cet aspect doit être pris en considération lorsque l'on hésite entre droit à la protection de la propriété intellectuelle et liberté d'entreprendre, tous deux protégés par la Charte;

10. rappelle les positions avancées par le Parlement dans sa recommandation du 26 mars 2009 à l'intention du Conseil sur le renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur Internet[13], qui présentent un intérêt pour le débat actuel, y compris en ce qui concerne l'attention constante qu'il convient d'accorder à la protection absolue et à la promotion accrue des libertés fondamentales sur Internet;

11. réaffirme que les limitations apportées à l'exercice des droits et des libertés reconnus par la Charte doivent être conformes aux dispositions de la CEDH et à l'article 52 de la Charte qui disposent que ces limitations doivent être prévues par la loi, nécessaires et proportionnées aux buts légitimes poursuivis;

12. rappelle que les accords internationaux conclus par l'Union doivent être compatibles avec les dispositions des traités, qu'ils sont contraignants pour les institutions de l'Union et les États membres (article 216, paragraphe 2, du traité FUE) et, conformément à la jurisprudence constante de la CJUE, qu'ils font partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union[14]; souligne que pour reconnaître les effets directs des dispositions d'accords internationaux, celles‑ci "doivent apparaître, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, et leur nature et leur économie ne doivent pas s'opposer à une telle invocabilité"[15]; souligne que la jurisprudence de la Cour de justice[16] selon laquelle les exigences découlant de la protection des principes généraux reconnus dans l'ordre juridique de l'Union, au nombre desquels figurent les droits fondamentaux, lient également les États membres lorsqu'ils mettent en œuvre des réglementations communautaires, et les obligations qu'impose un accord international ne sauraient avoir pour effet de porter atteinte aux principes constitutionnels des traités de l'Union, parmi lesquels le principe qui prévoit que tous les actes communautaires doivent respecter les droits fondamentaux;

13. regrette profondément qu'aucune évaluation d'impact spécifique des droits fondamentaux n'ait été menée sur l'accord et ne considère pas qu'aucun élément ne justifie la réalisation d'une évaluation d'impact sur l'accord puisqu'il ne va pas au‑delà de l'acquis communautaire et qu'aucune mesure de mise en œuvre n'est nécessaire[17], en particulier si l'on tient compte de la position adoptée par la Commission dans sa communication de 2010 sur la "Stratégie pour la mise en œuvre effective de la Charte"[18];

14. rappelle que la Commission a décidé de saisir la CJUE sur la question de savoir si l'ACAC est compatible avec les traités, en particulier la Charte[19];

15. respecte le rôle de la CJUE tel que prévu dans les traités; souligne, cependant, que l'évaluation effectuée par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures dans ce domaine doit tenir compte du rôle joué par le Parlement dans la protection et la promotion des droits fondamentaux dans l'esprit comme dans la lettre, dans le cadre des dimensions extérieure et intérieure, et dans une perspective englobant l'individu mais également la communauté; estime en outre qu'une telle évaluation devrait examiner si le modèle européen décrit ci‑dessus, qui requiert des normes élevées de protection des droits fondamentaux et qui compte la dignité, l'autonomie et l'autodétermination comme éléments centraux, figure dans l'instrument à l'examen;

Le défi de la certitude juridique et du juste équilibre

16. note que l'ACAC comporte des dispositions sur les droits fondamentaux et la proportionnalité, tant générales (notamment l'article 4[20], l'article 6[21]et le préambule) que spécifiques (notamment l'article 27, paragraphes 3 et 4[22]); indique cependant, dans ce contexte, que l'article 4 porte uniquement sur la divulgation de données à caractère personnel par les parties et que les références qui figurent à l'article 27, paragraphes 3 et 4, devraient être considérées comme des normes et des garanties minimales; souligne que le respect de la vie privée et la liberté d'expression ne sont pas de simples principes comme l'indique l'ACAC, mais sont reconnus comme des droits fondamentaux, notamment par le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la CEDH, la Charte et la déclaration universelle des droits de l'homme[23];

17. se demande si les notions mentionnées dans l'ACAC, telles que les "principes fondamentaux" ou le concept de "procédure équitable", sont compatibles avec les notions auxquelles fait référence la Charte, telles que les droits fondamentaux ou le droit à un procès équitable, dans les termes de son article 47;

18. note que des préoccupations ont été exprimées en particulier sur les dispositions qui laissent une marge de flexibilité dans leur mise en œuvre, au motif qu'elles sont susceptibles d'être appliquées dans l'Union d'une manière qui pourrait être illégale ou contraire aux droits fondamentaux;

19. estime en outre que, s'il est compréhensible qu'un accord international négocié par des parties affichant des traditions juridiques différentes soit établi en des termes plus généraux que la législation de l'Union[24], en tenant compte des différences de sens avec lesquelles lesdites parties traitent de l'équilibre entre droits et intérêts et en autorisant une certaine souplesse, il est également crucial que la certitude juridique ainsi que des garanties fortes et détaillées fassent partie intégrante de l'ACAC;

20. souligne qu'il existe une incertitude juridique considérable dans la façon dont certaines dispositions de l'ACAC ont été libellées, notamment l'article 11 (informations relatives à l'atteinte à un droit), l'article 23 (infractions pénales), l'article 27 (moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle dans l'environnement numérique) et, en particulier, l'article 27, paragraphe 3 (champ d'application de la mise en œuvre de mesures dans l'environnement numérique) et son paragraphe 4 (mécanismes de coopération); met en garde contre le risque d'appliquer des approches fragmentées au sein de l'Union, avec pour conséquence d'éventuels manquements aux droits fondamentaux, notamment le droit à la protection des données à caractère personnel, le droit à une procédure régulière et la liberté d'entreprendre; souligne que ces risques sont particulièrement présents au regard de l'article 27, paragraphes 3 et 4, compte tenu non seulement du manque de précision de ces dispositions, mais aussi des pratiques actuellement utilisées dans certains États membres (par exemple, la surveillance d'Internet à grande échelle par des entités privées), dont la conformité avec la Charte est discutable;

21. estime en particulier que la partie 5 intitulée "Moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle dans l'environnement numérique" nécessite davantage de clarté et de cohérence, dans la mesure où des dispositions imprécises et incomplètes pourraient donner lieu à des réglementations nationales divergentes, et où un système ainsi fragmenté constituerait un obstacle au marché intérieur, ce qui empêcherait, dans le contexte de l'environnement en ligne, l'utilisation transfrontalière élargie des objets protégés par les DPI;

22. rappelle qu'en vertu de l'article 49 de la Charte, nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou le droit international; fait remarquer, à cet égard, que dans la partie 4 intitulée "Mesures pénales", le champ d'application de plusieurs dispositions est ambigu;

23. partage les préoccupations exprimées par le Contrôleur européen de la protection des données dans son avis du 24 avril 2012 sur l'ACAC, notamment en ce qui concerne le manque de clarté du champ d'application, le caractère vague de la notion d'"autorité compétente", le traitement des données à caractère personnel par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) par des mesures volontaires de coopération en matière de mise en application et le manque de garanties appropriées pour ce qui est des droits fondamentaux;

24. fait remarquer, alors que plusieurs dispositions de l'ACAC (notamment l'article 27, paragraphes 3 et 4) ne revêtent pas de caractère obligatoire et, de ce fait, n'établissent aucune obligation légale pour les parties qui serait contraire aux droits fondamentaux, que le manque de spécificité des dispositions et l'absence de restrictions et de garanties suffisantes font planer le doute sur le niveau nécessaire de certitude juridique requis par l'ACAC (par exemple, des garanties contre l'utilisation abusive de données à caractère personnel ou la protection du droit à la défense); souligne que ces lacunes sont inacceptables dans un accord auquel l'Union est partie contractante; rappelle que d'autres accords internationaux ayant des incidences en matière de droits fondamentaux se caractérisent par un niveau de précision plus élevé et davantage de garanties[25];

25. estime que des mesures permettant d'identifier un abonné dont le compte aurait été utilisé en vue de porter atteinte à des droits supposerait la mise en place de diverses formes de surveillance de l'utilisation correcte d'Internet par les individus; souligne que la CJUE a décidé, en des termes non équivoques, que la surveillance de toutes les communications électroniques sans limitation dans le temps ni but précis, comme le filtrage par les FAI ou la collecte de données par des titulaires de droits, ne permet pas d'atteindre un juste équilibre entre la protection des DPI et la défense d'autres droits et libertés fondamentaux, en particulier le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir et de communiquer des informations, ou encore la liberté d'entreprendre (articles 8, 11 et 16 de la Charte)[26];

26. fait remarquer que l'ACAC ne comporte pas de garanties explicites concernant la protection des données personnelles sensibles, le droit à la défense (notamment le droit à être entendu) et la présomption d'innocence;

27. estime que l'ACAC ne fournit pas de garanties quant à la protection du droit au respect de la vie privée et des communications, tel que visé à l'article 7 de la Charte;

Le devoir de faire respecter les droits fondamentaux

28. juge décevant que des efforts supplémentaires considérables n'aient pas été entrepris pour consulter davantage tous les acteurs concernés et tenir compte de leurs avis au cours de la période de préparation des négociations de l'ACAC; déplore que l'ACAC ne réponde pas aux normes élevées de transparence et de bonne gouvernance que l'Union s'efforce d'appliquer; estime dès lors que l'ACAC arrive beaucoup trop prématurément, en particulier en ce qui concerne les domaines où l'Union n'a pas encore eu l'occasion de mener un débat public approfondi;

29. souligne que les FAI ne devraient pas avoir pour tâche de surveiller Internet et, partant, invite la Commission et les États membres à garantir la clarté juridique du rôle des FAI; estime que l'ACAC cible uniquement les infractions aux DPI à grande échelle, et permet aux parties d'exempter l'utilisation non commerciale de ses dispositions relatives aux procédures d'application pénales; constate qu'il est difficile d'établir la limite entre utilisation commerciale et non commerciale; souligne également qu'il est important de différencier le téléchargement non commercial à petite échelle du piratage;

30. estime que la contrefaçon et le piratage commis délibérément et à une échelle commerciale sont des phénomènes graves qui touchent la société de l'information et qu'il est dès lors nécessaire d'élaborer une stratégie globale de l'Union pour s'attaquer à ce problème; estime que cette stratégie de l'Union ne doit pas être centrée uniquement sur la répression ni sur les conséquences de la contrefaçon et du piratage, mais aussi sur leurs causes, et qu'elle doit respecter pleinement les droits fondamentaux dans l'Union tout en étant efficace, acceptable et compréhensible par la société dans son ensemble; rappelle qu'à la demande du Parlement européen[27], la Commission s'est engagée à adopter en 2012, dans le cadre de sa stratégie numérique pour l'Europe, un code des droits numériques dans l'Union européenne; demande par conséquent à la Commission de veiller à ce que ce code définisse clairement les droits d'utilisation des citoyens européens et détermine ce qu'ils sont autorisés à faire ou non dans l'environnement numérique, notamment lorsqu'ils utilisent un contenu protégé par les DPI;

31. souligne que les États dans lesquels on compte le plus grand nombre de violations des DPI, comme la Chine, le Pakistan, la Russie ou le Brésil, n'ont pas été invités à signer l'accord, et qu'il est peu probable que ces États le fassent dans un avenir proche, ce qui soulève des questions importantes quant à l'efficacité des mesures proposées par l'ACAC;

32. estime que lorsque les droits fondamentaux sont en jeu, il n'y a aucune place pour l'ambiguïté; est d'avis que l'ACAC n'a pas évité une telle ambiguïté et que, au contraire, il ajoute plusieurs niveaux d'ambiguïté différents; rappelle que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme établit que toute restriction des libertés et droits fondamentaux prévue par la loi doit être prévisible dans ses effets, claire, précise et accessible, ainsi que nécessaire dans le contexte d'une société démocratique et proportionnée aux buts poursuivis;

33. estime que l'ACAC n'apporte pas de garanties appropriées et n'assure pas un équilibre adéquat entre les DPI et d'autres droits fondamentaux, et que ses dispositions essentielles ne présentent pas le niveau requis de certitude juridique;

34. conclut, à la lumière de tout ce qui précède et sans préjudice de l'appréciation de la CJUE sur la question, mais en tenant compte du rôle joué par le Parlement dans la protection et la promotion des droits fondamentaux, que l'ACAC proposé qui a été soumis à l'approbation du Parlement européen est incompatible avec les droits consacrés par la Charte, et invite la commission du commerce international, compétente au fond, à recommander au Parlement de refuser de donner son approbation à la conclusion de l'ACAC.

JUSTIFICATION SUCCINCTE

Votre rapporteur estime que la protection des droits intellectuels en Europe est essentielle si l'on veut maintenir, sur notre continent, un avantage compétitif au sein d'une économie mondialisée interconnectée et en évolution constante. Les artistes et les innovateurs devraient être récompensés pour leur génie. Dans le même temps, ces mêmes artistes, ainsi que les militants, les dissidents politiques et les citoyens désireux de participer au débat public, ne devraient en aucun cas être entravés dans leur capacité à communiquer, à créer, à manifester et à agir. Cela est d'autant plus vrai aujourd'hui, à une époque où nous nous réjouissons qu'un nombre toujours plus important et incontrôlé de voix qui peuvent enfin se faire entendre s'élèvent des quatre coins du monde. Il incombe au Parlement, en tant que représentant unique de 400 millions de citoyens européens, de faire en sorte qu'aucun obstacle ne vienne empêcher ces voix de plus en plus nombreuses de se faire entendre.

La culture du partage de fichiers, rendue possible par les avancées technologiques remarquables de ces dernières décennies, soulève naturellement des problèmes concernant la façon dont nous avons prévu de rétribuer les artistes et de faire respecter les DPI au cours de ces mêmes décennies. Notre mission, en tant que décideurs politiques, consiste à relever ce défi en parvenant à un équilibre acceptable entre les possibilités qu'offre la technologie et la poursuite de la création artistique, qui représente l'un des atouts emblématiques de l'Europe dans le monde.

Nous nous trouvons à un moment décisif de ce débat et vivons à une époque charnière passionnante. En ce sens, votre rapporteur estime que l'ACAC arrive à un stade très prématuré et que l'adoption éventuelle du traité supprimerait toute possibilité d'organiser le débat public que mériterait pourtant notre patrimoine démocratique. Face à un défi aussi extraordinaire, il faut absolument que chaque expert dont nous disposons, chaque organisation ou institution concernée et disponible, chaque citoyen qui souhaite faire entendre sa voix participent, dès le départ, à la création d'un pacte social moderne et d'un régime de protection des DPI moderne. L'ACAC n'a jamais été conçu à cette fin. Bien au contraire, votre rapporteur estime que l'adoption de l'ACAC étoufferait prématurément le débat et ferait pencher la balance du côté des États membres en leur permettant de mettre en place des lois susceptibles de porter atteinte aux libertés fondamentales et de créer des précédents peu souhaitables pour nos sociétés futures. En insistant sur ces dangers, le présent avis vise à enrichir le débat ouvert par le Parlement et à aider ses membres à adopter une décision en toute connaissance de cause sur la question fondamentale qui est de savoir s'il convient d'adopter ou de rejeter l'ACAC.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

31.5.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

36

1

21

Membres présents au moment du vote final

Jan Philipp Albrecht, Mario Borghezio, Rita Borsellino, Emine Bozkurt, Arkadiusz Tomasz Bratkowski, Simon Busuttil, Philip Claeys, Carlos Coelho, Rosario Crocetta, Ioan Enciu, Cornelia Ernst, Monika Flašíková Beňová, Hélène Flautre, Kinga Gál, Kinga Göncz, Nathalie Griesbeck, Anna Hedh, Salvatore Iacolino, Sophia in ‘t Veld, Lívia Járóka, Timothy Kirkhope, Juan Fernando López Aguilar, Baroness Sarah Ludford, Svetoslav Hristov Malinov, Véronique Mathieu, Anthea McIntyre, Jan Mulder, Georgios Papanikolaou, Jacek Protasiewicz, Carmen Romero López, Birgit Sippel, Csaba Sógor, Renate Sommer, Rui Tavares, Wim van de Camp, Axel Voss, Renate Weber, Cecilia Wikström, Auke Zijlstra

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Alexander Alvaro, Vilija Blinkevičiūtė, Birgit Collin-Langen, Dimitrios Droutsas, Evelyne Gebhardt, Stanimir Ilchev, Iliana Malinova Iotova, Franziska Keller, Ádám Kósa, Juan Andrés Naranjo Escobar, Hubert Pirker, Zuzana Roithová, Carl Schlyter, Marie-Christine Vergiat

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Kriton Arsenis, Adam Bielan, Françoise Castex, Marielle Gallo, Esther Herranz García, Seán Kelly, Elisabeth Morin-Chartier

  • [1]  Prend acte de deux avis du service juridique du Parlement du 5 octobre 2011 et du 8 décembre 2011 sur l'ACAC (http://lists.act-on-acta.eu/pipermail/hub/attachments/20111219/59f3ebe6/attachment-0010.pdf).
  • [2]  Voir, par exemple, la résolution du Parlement européen du 10 mars 2010 sur la transparence et l'état d'avancement des négociations ACTA (JO C 349 E du 22.10.2012, p. 46) et la déclaration du Parlement européen du 9 septembre 2010 sur l'absence d'un processus transparent et la présence d'un contenu potentiellement controversé concernant l'accord commercial anti‑contrefaçon (ACAC) (JO C 308 E du 20.10.2011, p. 88).
  • [3]  Voir également, en ce sens, l'avis du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) du 24 avril 2012 (<http://www.edps.europa.eu/EDPSWEB/webdav/site/mySite/shared/Documents/Consultation/Opinions/2012/12-04-24_ACTA_EN.pdf).
  • [4]  À cet égard, voir l'article 7, paragraphe 1, de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord ADPIC) et les préambules du traité de l'OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) sur le droit d'auteur et du traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes.
  • [5]  Voir les considérants 3, 9 et 31 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (JO L 167 du 22.6.2001, p. 10).
  • [6]  Voir, en ce sens, le point d) de l'Avis des universitaires européens sur l'ACAC (http://www.iri.uni-hannover.de/tl_files/pdf/ACTA_opinion_200111_2.pdf); l'affaire C-275/06 Productores de Música de España (Promusicae) contre Telefónica de España SAU [2008] ECR I-271 (points 62 à 68), l'affaire C-70/10 Scarlet Extended SA contre Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM) (point 44), l'affaire C-360/10 Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM) contre Netlog NV (points 42 à 44) et l'affaire C-461/10 Bonnier Audio AB, Earbooks AB, Norstedts Förlagsgrupp AB, Piratförlaget AB, Storyside AB contre Perfect Communication Sweden AB.
  • [7]  Voir, par exemple, l'article 27 de la déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 15 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
  • [8]  Voir l'article 8, paragraphe 2, de l'ADPIC.
  • [9]  GROSHEIDE, W. Propriété intellectuelle et droits de l'homme: un paradoxe. 1e édition, Cheltenham: Edward Elgar Publishing, 2010 (p. 328 ISBN 978-1848444478 p. 21).
  • [10]  Résolution du Parlement européen du 15 décembre 2010 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2009–2010) – aspects institutionnels à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne (P7_TA(2010)0483, paragraphe 5).
  • [11]  Communication de la Commission intitulée "Stratégie pour la mise en œuvre effective de la Charte des droits fondamentaux par l'Union européenne" (COM(2010)0573, p. 3).
  • [12]  A Rouvroy et Y Poullet, "L'auto‑détermination en tant que concept‑clé" (http://www.cpdpconferences.org/Resources/Rouvroy-Poullet.pdf).
  • [13]  JO C 117 E du 6.5.2010, p. 206.
  • [14]  Voir l'affaire C‑135/10SC F contre Del Corso (point 39) qui renvoie également aux affaires C‑181/73 Haegeman et C‑12/86 Demirel.
  • [15]  Ibid. point 43.
  • [16]  Affaire C‑540/03 Parlement contre Conseil (point 105), affaire C‑402/05 P et affaire C‑415/05 P Kadi et Al Barakaat International Foundation contre Conseil et Commission (point 285).
  • [17]  Voir la note intitulée "Civil society meeting ACTA" (http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2011/february/tradoc_147497.pdf).
  • [18]  Ibid. n° 1.
  • [19]  Article 218, paragraphe 11, du traité FUE.
  • [20]  Respect de la vie privée et divulgation des renseignements.
  • [21]  Obligations générales relatives aux moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, et plus spécifiquement, protection appropriée des droits de toutes les parties et exigence de proportionnalité.
  • [22]  "selon ce que prévoient les lois et réglementations applicables de cette Partie"; […] "en conformité avec la législation de cette Partie, [en] préserv[ant] des principes fondamentaux comme la liberté d’expression, les procédures équitables et le respect de la vie privée".
  • [23]  Voir également, en ce sens, le paragraphe 64 de l'avis du CEPD susmentionné.
  • [24]  Document de travail des services de la Commission du 27 avril 2011 commentant l'"Avis des universitaires européens sur l'accord commercial anti‑contrefaçon".
  • [25]  Voir, par exemple, la convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité, STCE n° 185, Budapest, 23 novembre 2001.
  • [26]  Affaire C‑70/10 Scarlet Extended SA contre Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM) (points 47 à 49).
  • [27]  Résolution du Parlement européen du 21 juin 2007 sur la confiance des consommateurs dans l'environnement numérique (JO C 146 E du 12.6.2008, p. 370) (paragraphes 25 à 28).

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

21.6.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

19

12

0

Membres présents au moment du vote final

William (The Earl of) Dartmouth, Laima Liucija Andrikienė, John Attard-Montalto, Maria Badia i Cutchet, Daniel Caspary, María Auxiliadora Correa Zamora, Marielle de Sarnez, Harlem Désir, Yannick Jadot, Metin Kazak, Franziska Keller, Bernd Lange, David Martin, Paul Murphy, Cristiana Muscardini, Franck Proust, Godelieve Quisthoudt-Rowohl, Niccolò Rinaldi, Helmut Scholz, Peter Šťastný, Gianluca Susta, Iuliu Winkler, Paweł Zalewski

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Amelia Andersdotter, George Sabin Cutaş, Syed Kamall, Elisabeth Köstinger, Marietje Schaake, Konrad Szymański, Jarosław Leszek Wałęsa, Pablo Zalba Bidegain

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Richard Ashworth, Bendt Bendtsen, Françoise Castex, Philip Claeys, Anna Maria Corazza Bildt, Marielle Gallo