RECOMMANDATION sur le projet de règlement du Conseil relatif à la publication électronique du Journal officiel de l'Union européenne

30.3.2012 - (10222/5/2011 – C7‑0076/2012 – 2011/0070(APP)) - ***

Commission des affaires juridiques
Rapporteur: Zbigniew Ziobro

Procédure : 2011/0070(APP)
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A7-0087/2012
Textes déposés :
A7-0087/2012
Débats :
Textes adoptés :

PROJET DE RÉSOLUTION LÉGISLATIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur le projet de règlement du Conseil relatif à la publication électronique du Journal officiel de l'Union européenne

(10222/5/2011 – C7‑0076/2012 – 2011/0070(APP))

(Procédure législative spéciale – approbation)

Le Parlement européen,

–   vu le projet de règlement du Conseil (10222/5/2011),

–   vu la demande d'approbation présentée par le Conseil conformément à l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (C7‑0076/2012),

–   vu l'article 81, paragraphe 1, de son règlement,

–   vu la recommandation de la commission des affaires juridiques (A7-0087/2012),

1.  donne son approbation au projet de règlement du Conseil;

2.  rappelle au Conseil que, si l'obligation de statuer à l'unanimité, conformément à l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et si les procédures parlementaires nationales en cours au Royaume-Uni devaient aboutir à une quelconque modification du projet de texte, l'approbation du Parlement européen devra être sollicitée à nouveau;

3.  charge son Président de transmettre la position du Parlement au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux parlements nationaux.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Contexte

La Commission a présenté la proposition à l'examen le 4 avril 2011 dans l'optique de renforcer la sécurité juridique en élargissant l'accès à la législation de l'Union et en permettant à tout un chacun d'utiliser l'édition électronique du Journal officiel de l'Union européenne (Journal officiel) comme étant sa version officielle, authentique, à jour et complète. La proposition prévoit dès lors que la publication électronique équivaudra à une publication en bonne et due forme du Journal officiel. Toutefois, l'édition imprimée conserverait sa valeur juridique en cas d'interruption exceptionnelle, temporaire et imprévue de la publication électronique.

La modification proposée trouve son origine dans un arrêt rendu par la Cour de justice en 2007 qui dispose qu'il n'est pas possible de se prévaloir de droits légaux ni de faire respecter des obligations sur la base de la version électronique du Journal officiel[1].

La proposition traite aussi des conditions techniques auxquelles la publication électronique doit répondre pour équivaloir à une publication en bonne et due forme et établit les compétences de l'Office des publications de l'Union européenne dans ce domaine.

Conformément à l'article 5 du projet de règlement, il est prévu qu'il entre en vigueur le premier jour du quatrième mois calendrier suivant son adoption.

Choix de la base juridique

La base juridique proposée par la Commission est l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la clause dite de flexibilité, qui prévoit le recours à la procédure d'approbation, laquelle ne laisse que deux options au Parlement: approuver ou rejeter le projet. Lorsque, comme dans le cas présent, l'approbation du Parlement est requise pour un projet d'acte législatif, la commission compétente peut toutefois décider, en vue de favoriser une issue positive de la procédure, de présenter au Parlement un rapport intérimaire sur le projet, qui contient des recommandations concernant la modification ou la mise en œuvre de l'acte proposé (article 81, paragraphe 3, du règlement).

La règle qui existait avant la clause de flexibilité actuelle, l'article 308 du traité CE, ne prévoyait pas l'obligation d'obtenir l'approbation du Parlement. Il sera ainsi fait recours pour la première fois à la clause de flexibilité avec l'association du Parlement dans le cadre de la proposition à l'examen.

La Commission n'a fourni aucune justification quant au recours à la clause de flexibilité dans la proposition, tout comme elle ne débat pas du recours aux nouvelles bases juridiques introduites par le traité de Lisbonne.

Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice que "le choix de la base juridique d'un acte communautaire doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de l'acte"[2]. Le choix d'une base juridique incorrecte pourrait donc justifier l'annulation de l'acte en question.

Les débats sur ce dossier au sein de la commission des affaires juridiques et de la commission des affaires constitutionnelles se sont donc focalisés sur la question du choix de la base juridique appropriée.

La clause de flexibilité prévue à l'article 352 du traité FUE est une base juridique de dernier ressort, ce qui signifie qu'elle ne peut être utilisée que lorsque les traités n'ont pas prévu les compétences nécessaires pour que l'Union prenne, dans le cadre des politiques définies par les traités, des mesures pour atteindre l'un des objectifs fixés par les traités.

Le Journal officiel a été créé sur la base de l'article 191 du traité CE par la décision du Conseil de 1958[3] qui faisait appel à la théorie de la "compétence implicite" selon laquelle l'Union peut adopter des actes qui sont nécessaires à son fonctionnement même lorsqu'il n'existe aucune base juridique prévoyant une procédure législative. L'article 191 du traité CE disposait simplement que la législation de l'Union devait être publiée dans un journal officiel, mais ne prévoyait aucune base juridique. La décision du Conseil de 1958 a dès lors été adoptée conformément à la procédure décisionnelle qui prévalait à l'époque: le Conseil a arrêté la décision finale. L'article 191 du traité CE correspond aux articles 287 et 297 du traité FUE, qui maintiennent l'obligation de publier sans non plus fournir de base juridique. Un des raisonnements possibles mène par conséquent à penser que, sur la base du précédent de 1958, la proposition actuelle de la Commission devrait être adoptée sur la base de la théorie de la "compétence implicite", mais en utilisant ce qui est aujourd'hui la procédure décisionnelle prédominante, à savoir la procédure législative ordinaire.

Étant donné que l'existence d'une compétence implicite déroge au principe de l'attribution de compétence, elle doit être examinée avec rigueur. L'Union ne doit dès lors pouvoir recourir à une compétence implicite que lorsqu'il est nécessaire de veiller à l'effet utile des dispositions du traité. En outre, il convient d'établir la preuve objective du lien étroit entre la compétence implicite et la compétence expresse qu'elle complète afin que la Cour de justice puisse l'examiner. La disposition du traité prévoyant la compétence expresse à laquelle est associée la compétence implicite détermine la procédure décisionnelle que l'Union doit suivre dans l'exercice de ladite compétence[4].

L'Office des publications est un organe interinstitutionnel dont la responsabilité principale est de publier le Journal officiel. Ces activités sont régies par la décision 2009/496/CE, Euratom du 26 juin 2009 relative à l'organisation et au fonctionnement de l'Office des publications de l'Union européenne[5]. Cette décision n'est toutefois pas un acte législatif, mais un accord interinstitutionnel qui définit les détails et modalités pratiques de la publication du Journal officiel conformément à l'obligation à cet effet contenue dans les articles 287 et 297 du traité FUE.

Le rapporteur estime que, même s'il existe une compétence expresse prévoyant que l'Union publie des actes en vertu des articles 287 et 297, il n'existe aucune base juridique explicite applicable en l'espèce qui prévoit le recours à une procédure décisionnelle donnée. Le précédent précité relatif à la compétence implicite datant de 1958 a de plus été rendu obsolète par les nombreuses révisions du traité et modifications apportées aux procédures décisionnelles qui sont intervenues durant la cinquantaine d'années qui s'est écoulée depuis lors. Étant donné que la publication du Journal officiel et les activités correspondantes de l'Office des publications constituent des objectifs qui doivent être atteints en vertu des traités, l'utilisation de la clause de flexibilité de l'article 352 du traité FUE est appropriée.

Contrôle des parlements nationaux

La publication électronique du Journal officiel était l'une des priorités de la présidence hongroise (janvier-juillet 2011), compte tenu de l'importance que revêt l'accès des citoyens à la législation de l'Union. Étant donné les réserves exprimées au sein du Conseil en lien avec le contrôle qui doit être exercé par les parlements nationaux, la demande formelle du Conseil sollicitant l'approbation du Parlement européen n'a pas été transmise avant le 13 mars 2012.

Conformément à l'arrêt rendu en 2009 par la Cour constitutionnelle allemande[6] relatif au traité de Lisbonne, le législateur allemand (le Bundestag et le Bundesrat) aurait à se prononcer sur le recours à la clause de flexibilité dans les cas où la proposition concernée pourrait éventuellement étendre les pouvoirs de l'Union au-delà des traités. Aussi, il se pourrait que les représentants allemands au sein du Conseil ne donnent pas leur approbation formelle au nom de l'Allemagne à une proposition de la Commission basée sur l'article 352 du traité FUE tant que ces conditions préalables imposées par la Constitution allemande ne sont pas remplies.

La délégation allemande au Conseil a ainsi émis une réserve d'examen parlementaire, ce qui a eu pour conséquence de suspendre la procédure dans l'attente de la levée de cette réserve, une fois les procédures internes à l'Allemagne achevées. Des réserves similaires ont également été exprimées par les délégations de la République tchèque et du Royaume-Uni. Tandis que les réserves exprimées par l'Allemagne et la République tchèque ont été levées avant la fin de 2011, le Royaume-Uni, au moment de la rédaction de la présente recommandation, n'a pas encore levé la sienne. Le Royaume-Uni a toutefois déclaré qu'il est prêt à accepter le contenu de la proposition, sous réserve de l'issue des procédures au sein de son parlement, et a entretemps donné son accord à la demande d'approbation du Parlement européen.

Justification en faveur de l'approbation

Le rapporteur estime que le texte du Conseil apporte une réforme bienvenue de la manière dont le Journal officiel est publié, étant donné qu'il prévoit un renforcement de la sécurité juridique et une amélioration de l'accès des citoyens aux actes juridiques de l'Union européenne. Actuellement, la quasi-totalité des lecteurs ne consulte que la version électronique des actes juridiques de l'Union. Le fait que les versions électroniques des actes juridiques ne sont pas juridiquement contraignantes est inacceptable en soi et crée de l'insécurité juridique quant au contenu précis des actes actuellement disponibles dans la base de données EUR-LEX. De plus, la consultation des versions papier du Journal officiel est un processus long et coûteux qui n'est entrepris que par très peu d'utilisateurs. La réforme améliorera donc la sécurité juridique et réduira les coûts d'accès pour les citoyens et les entreprises. Il convient d'accueillir très favorablement ce type de réforme au sein de l'Union.

Les modifications qu'il est proposé d'apporter sont purement de nature technique et ne remettent en aucun cas en cause des choix politiques éventuels sur lesquels le Parlement européen, en son rôle de colégislateur, doit se prononcer. Il convient dès lors que le Parlement donne son approbation à ce projet de règlement du Conseil afin qu'il entre en vigueur dès que possible.

  • [1]  Arrêt dans l'affaire C-161/06, Skoma-Lux, Rec. 2007, p. I-10841, point 48.
  • [2]  Affaire C-45/86, Commission/Conseil (préférences tarifaires généralisées), Rec. 1987, p. 1439, point 5; affaire C-440/05, Commission/Conseil, Recueil 2007, p. I-9097; affaire C-411/06, Commission/Parlement et Conseil (8 septembre 2009) (JO C 267 du 7.11.2009, p. 8).
  • [3]  Décision portant création du "Journal officiel des Communautés européennes", JO 017 du 6.10.1958, p. 390. Voici le texte intégral de ladite décision:
                   LE CONSEIL DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE,
                   vu l'article 191 du Traité instituant la Communauté Économique Européenne; vu les propositions              formulées par le président de l'Assemblée Parlementaire, les présidents de la Haute Autorité, de la   Commission de la Communauté Économique Européenne et de la Commission de la Communauté   Européenne de l'Énergie Atomique;
                   considérant qu'il est opportun que la Communauté Économique Européenne, la Communauté     Européenne du Charbon et de l'Acier et la Communauté Européenne de l'Énergie Atomique disposent   d'un journal officiel commun;
                   DÉCIDE:
                   de créer, en tant que journal officiel de la Communauté au sens de l'article 191 du Traité instituant la       Communauté Economique Européenne, le "Journal Officiel des Communautés européennes".
                   Fait à Bruxelles, le 15 septembre 1958.
                   Par le Conseil
                   Le Président
                   ERHARD"
  • [4]  Voir Lenaerts & Van Nuffel, European Union Law, troisième édition, Sweet & Maxwell 2011, p. 120 et 121.
  • [5]  Décision 2009/496/CE, Euratom du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social européen et du Comité des régions du 26 juin 2009 relative à l'organisation et au fonctionnement de l'Office des publications de l'Union européenne (JO L 168 du 30.6.2009, p. 41).
  • [6]  Arrêt du 30 juin 2009, disponible en anglais à l'adresse suivante: http://www.bundesverfassungsgericht.de/entscheidungen/es20090630_2bve000208en.html

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

27.3.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

21

0

0

Membres présents au moment du vote final

Luigi Berlinguer, Sebastian Valentin Bodu, Françoise Castex, Christian Engström, Marielle Gallo, Giuseppe Gargani, Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Sajjad Karim, Klaus-Heiner Lehne, Antonio Masip Hidalgo, Jiří Maštálka, Alajos Mészáros, Bernhard Rapkay, Evelyn Regner, Francesco Enrico Speroni, Alexandra Thein, Cecilia Wikström, Tadeusz Zwiefka

Suppléants présents au moment du vote final

Piotr Borys, Eva Lichtenberger, Dagmar Roth-Behrendt