RAPPORT sur les femmes en Turquie à l'horizon 2020

12.4.2012 - (2011/2066(INI))

Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres
Rapporteure: Emine Bozkurt


Procédure : 2011/2066(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A7-0138/2012
Textes déposés :
A7-0138/2012
Textes adoptés :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur les femmes en Turquie à l'horizon 2020

(2011/2066(INI))

Le Parlement européen,

–   vu la convention des Nations unies de 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son protocole optionnel de 1999, qui font partie du droit international et auxquels la Turquie est partie depuis 1985 pour la première et depuis 2002 pour le second, et vu l'article 90 de la constitution turque, qui énonce que le droit international prime le droit national turc,

   vu les conventions du Conseil de l'Europe, notamment la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique,

–   vu le document 11372 et la recommandation 1817(2007) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tous deux intitulés "Les parlements unis pour combattre la violence domestique contre les femmes: évaluation à mi-parcours de la campagne",

–   vu l'acquis communautaire concernant les droits de la femme et l'égalité des genres,

–   vu la décision du Conseil européen du 17 décembre 2004 d'ouvrir des négociations d'adhésion à l'Union européenne avec la Turquie,

–   vu le rapport de suivi 2010 concernant la Turquie, fait par la Commission (SEC(2010)1327),

–   vu la communication de la Commission sur la stratégie pour l'élargissement et les principaux défis pour 2010‑2011 (COM(2010)0660),

–   vu la communication de la Commission intitulée "Europe 2020: une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive" (COM(2010)2020),

–   vu ses résolutions des 6 juillet 2005[1] et 13 février 2007[2] sur le rôle des femmes en Turquie dans la vie sociale, économique et politique,

–   vu sa résolution du 9 mars 2011 sur le rapport 2010 sur les progrès accomplis par la Turquie[3],

–   vu l'article 48 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (A7‑0138/2012),

A. considérant que la Turquie est, en tant que pays candidat, tenue de se conformer à l'acquis communautaire et de prendre l'engagement de respecter les droits de l'homme, y compris les droits de la femme et l'égalité entre les sexes, et qu'elle est invitée à poursuivre tant la mise en œuvre et le suivi de la réforme législative que l'organisation d'actions visant à sensibiliser l'opinion à la lutte contre la violence faite aux femmes, notamment la violence domestique;

B.  considérant que la politique d'égalité entre les sexes offre des possibilités considérables en ce qui concerne la réalisation des objectifs d'Europe 2020 en contribuant à la croissance et au plein emploi;

C. considérant que la Turquie réalise des progrès limités dans l'amélioration et la mise en œuvre du cadre législatif visant à assurer une participation égalitaire des femmes à la vie sociale, économique et politique;

D. considérant que la Commission a souligné dans ses rapports intérimaires de 2010 et 2011 sur la Turquie que des efforts soutenus supplémentaires sont nécessaires pour transposer le cadre juridique existant dans les réalités politique, sociale et économique; qu'elle a indiqué en outre que l'égalité entre les sexes, la lutte contre la violence à l'encontre des femmes, notamment les crimes d'honneur ainsi que la lutte contre les mariages précoces ou forcés restent des problèmes majeurs pour la Turquie; que l'égalité entre les sexes, les droits des femmes et la prise en compte de la dimension égalitaire devraient être ancrés dans la nouvelle constitution turque qui va être élaborée;

E.  considérant qu'une action concertée et coordonnée est particulièrement nécessaire dans les domaines de la violence visant les femmes, de l'éducation, du travail et de la représentation, tant au niveau national qu'au niveau local;

Législation, coordination et société civile

1.  invite le gouvernement turc à défendre et à renforcer les principes d'égalité et les droits des femmes en adoptant et en modifiant le cadre législatif, en ce compris l'élaboration envisagée d'une nouvelle constitution;

2.  souligne que le sous-développement économique et social dans les zones défavorisées de la Turquie ainsi que les problèmes liés à l'immigration, à la pauvreté et aux structures sociales patriarcales qui prévalent aggravent les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées et fragilisent leur position; demande qu'une plus grande attention soit accordée à la nécessité de tenir compte des disparités régionales dans l'approche des droits des femmes et que les politiques soient formulées en conséquence, non sans reconnaître que les problèmes et les inégalités auxquels se heurtent les femmes d'origine kurde sont en général plus grands encore; demande au gouvernement turc d'engager l'ensemble des réformes nécessaires et de coopérer avec les conseils locaux pour faire en sorte que toutes les femmes, y compris celles d'origine kurde, jouissent de droits égaux;

3.  se félicite de la nomination d'un nouveau ministre de la famille et des affaires sociales et de la création, au sein du parlement turc, de la commission pour l'égalité des chances entre hommes et femmes qui s'emploie avec succès à mener des enquêtes, à rédiger des rapports et à tenir des consultations avec diverses organisations, y compris des ONG, sur des questions importantes comme, par exemple, la violence contre les femmes et les mariages précoces;

4.  souligne l'importance d'une coordination efficace pour assurer la prise en compte de la dimension d'égalité entre les sexes; se félicite dès lors des efforts déployés par le gouvernement turc pour renforcer la coopération dans ce domaine entre les autorités de l'État; engage le gouvernement turc à adopter de nouvelles stratégies, avec la participation active et non discriminatoire de la société civile, afin de garantir et de suivre efficacement la réalisation de l'égalité totale, notamment l'élimination des disparités salariales entre les sexes, et à transposer dans la pratique les résultats de cette coopération;

5.  souligne la nécessité de mettre en pratique la législation existante relative à l'égalité dans tout le pays, en prévoyant des ressources financières et humaines suffisantes, en garantissant la cohérence et en développant des mécanismes de contrôle fondés sur des objectifs solides et mesurables;

6.  invite le gouvernement turc à reconnaître l'importance de la participation de la société civile à l'élaboration et à l'application des politiques d'égalité et à veiller à y associer les ONG, au niveau central et au niveau local, en vue de mettre en place des politiques les plus favorables possibles aux femmes;

7.  se félicite des progrès accomplis par la Turquie en ce qui concerne la déclaration de tout enfant à la naissance, le pourcentage atteignant pour l'heure 93 %; souligne la nécessité d'une collecte cohérente et systématique de statistiques liées aux genres pour suivre les évolutions dans la mise en œuvre de la législation ou surveiller les lacunes du droit national;

8.  s'interroge sur les avancées accomplies par le gouvernement turc dans la reconnaissance du droit des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des personnes transsexuelles dans la vie publique;

Violence visant les femmes

9.  souligne que, d'après les informations officielles fournies par l'Institut statistique turc, 39 % des femmes turques ont connu la violence physique à un moment de leur vie; se déclare profondément préoccupé par la recrudescence et la gravité des actes de violence visant les femmes, notamment des crimes d'honneur, des mariages précoces et forcés, et s'inquiète de l'inefficacité des remèdes existants ainsi que du laxisme des autorités turques, dès lors qu'il s'agit de punir les auteurs de crimes ou délits dans ce domaine;

10. demande au gouvernement turc de prendre des mesures législatives, juridiques et financières plus efficaces pour prévenir les crimes d'honneur et punir les auteurs ainsi que l'ensemble des membres de la famille qui approuvent silencieusement la violence faite aux femmes, pour aider les victimes; demande au gouvernement turc si le nombre de victimes de "crimes d'honneur" a diminué à la suite de la modification du code pénal turc qui a fait du "crime d'honneur" une circonstance aggravante en cas d'assassinat; lui demande aussi combien de fois les juges ont statué sur des "crimes d'honneur" et quelles ont été les peines infligées dans ce contexte;

11. demande au gouvernement turc d'étudier l'augmentation subite du nombre de suicides de femmes en Turquie orientale et de mener une enquête approfondie sur le phénomène du "suicide d'honneur"; lui demande aussi de fournir aide et soutien aux femmes qui ont à subir la pression de leur famille et de leur entourage, de manière à éviter les situations où la famille, renonçant au crime d'honneur, en vient à forcer la femme au suicide;

12. estime que toute violence visant les femmes est inacceptable; demande au gouvernement turc d'adopter et d'appliquer une politique de tolérance zéro à l'égard de la violence visant les femmes en adoptant, en encadrant et en mettant en œuvre une législation appropriée à même de protéger les victimes, de punir les auteurs et de prévenir les actes de violence;

13. souligne que la modification de la loi n° 4320 relative à la protection de la famille s'impose et que cette modification devrait assurer un large champ d'application, des voies de recours efficaces et des mécanismes de protection, et qu'il faut appliquer rigoureusement et sans délai le cadre juridique, sans concessions, afin d'éliminer la violence visant les femmes et d'introduire des sanctions dissuasives et sérieuses pour les auteurs de violences visant les femmes; insiste sur la nécessité de qualifier d'infraction pénale la violence domestique faite aux femmes, notamment le viol conjugal, de prévoir les dispositions qui s'imposent pour éloigner les conjoints ou partenaires violents et de garantir aux victimes un accès réel aux tribunaux et aux dispositifs de protection;

14. demande au gouvernement turc de mettre en place un dispositif assorti d'indicateurs et d'un calendrier pour encadrer la mise en œuvre du plan national d'action visant à lutter contre la violence faite aux femmes et de s'engager fermement à doter ce plan de moyens financiers suffisants à sa charge;

15. préconise une formation poussée des personnels de la police, de la santé, des magistrats et des procureurs, des membres du culte et des autres personnes exerçant des fonctions officielles en matière de prévention de la violence domestique; réaffirme que pour compléter ces efforts, il faudrait un mécanisme permettant de dépister et de poursuivre les personnes qui s'abstiennent de protéger et d'aider les victimes, ainsi qu'une dotation budgétaire suffisante pour des mesures de protection;

16. se félicite de la création d'un service spécialisé dans la violence domestique au sein des services du procureur principal d'Ankara; souligne que, en assurant que l'ensemble de la procédure en cas de violences visant les femmes est mené par des procureurs spécialisés dans la violence domestique, en conférant à ce service le pouvoir de donner des ordres directs et immédiats à la police en vue d'arrêter l'auteur et de protéger la victime, en ce compris l'exécution immédiate d'ordonnances de protection et d'installation dans un refuge, ce service a franchi une étape importante dans la lutte contre la violence visant les femmes, la protection des victimes et la punition des auteurs; invite le gouvernement turc, pour étendre cette protection à l'ensemble du pays, à mettre en place des services de procureurs spécialisés pour traiter des dossiers de violences domestiques dans les autres provinces turques;

17. demande au gouvernement turc de garantir un accès réel des victimes aux informations juridiques appropriées, à une assistance juridique et aux procédures judiciaires pertinentes pour réclamer justice en faisant valoir leurs droits sans avoir à craindre de nouveaux actes de violence;

18. est favorable à ce que les mécanismes de protection soient également accessibles aux femmes d'origine immigrée qui sont confrontées à des problèmes supplémentaires (tels que la barrière linguistique, l'isolement au sein des familles etc.);

19. se félicite des initiatives du gouvernement turc en ce qui concerne la réorganisation du système de refuges, en concertation avec toutes les parties prenantes; fait observer que 65 centres d'hébergement accueillant actuellement dans le pays les femmes victimes de violence ne répondent pas aux besoins d'une population avoisinant les 70 millions; invite le gouvernement turc à créer des refuges équitablement répartis sur tout le territoire du pays et en nombre suffisant, conformément aux dispositions de la convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 relative à la prévention et à la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, à l'effet d'atteindre l'objectif qu'il s'est fixé dans la loi sur les municipalités et de créer un refuge dans toute commune comptant au moins 50 000 habitants; souligne que ces refuges doivent être répartis sur l'ensemble du pays, en veillant à un équilibre approprié entre régions rurales et régions urbaines; souligne qu'il importe de mettre en place des mécanismes destinés à renforcer la sécurité, les capacités et la surveillance dans les refuges existants et d'infliger des sanctions en cas de non-respect; il faut aussi y employer des travailleurs sociaux dûment formés et rémunérés et faire en sorte, par le biais de cours de formation professionnelle et d'autres services, que les femmes hébergées acquièrent les moyens de refaire leur vie, pour elles-mêmes et pour leurs enfants; souligne qu'il importe de tenir secrète la localisation de ces refuges, pour la sécurité des victimes;

20. souligne l'importance de soumettre à un traitement les hommes enclins à la violence et suggère donc que la réinsertion des hommes contre lesquels une mesure d'éloignement a été prononcée soit confiée à des services de probation;

21. se félicite de la mise en place de lignes téléphoniques d'aide ainsi que de centres pour les femmes où les victimes de violences bénéficient de soins médicaux et de conseils psychologiques pendant la durée des procédures en justice, afin d'éviter une victimisation répétée;

22. demande au gouvernement turc de criminaliser les mariages forcés et, par le biais de campagnes d'information, d'attirer l'attention des femmes et des hommes sur le droit au libre choix de leur partenaire; souligne qu'il importe de mieux informer les élèves et leurs parents de l'illégalité des mariages forcés;

23. se déclare profondément préoccupé par le statut juridique inférieur des femmes célibataires, des divorcées, des femmes ayant contracté des mariages islamiques illégaux et des femmes originaires d'un groupe minoritaire;

24. souligne l'importance de promouvoir le respect des femmes appartenant aux minorités religieuses et le dialogue interreligieux;

25. souligne l'importance de l'éducation pour rendre possible l'autonomie des femmes et faire prendre en compte l'égalité à tous les niveaux d'éducation;

26. fait observer que, conformément à l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies du 10 décembre 1948, le droit à l'éducation compte parmi les droits de l'homme;

27. se félicite de l'augmentation du taux de scolarisation des petites filles dans l'enseignement primaire (classes 1 à 8) et de la suppression virtuelle du fossé entre les genres dans ce secteur, mais regrette que, dans l'enseignement secondaire, le fossé se soit légèrement creusé; demande instamment au gouvernement turc de tout mettre en œuvre pour combler ce fossé et de prendre d'autres mesures pour permettre la scolarisation de tous les enfants;

28. préconise la promotion, dans le cadre du système scolaire, d'écoles professionnelles qui prépareraient les femmes à l'exercice de professions artisanales et de métiers de services;

29. invite le gouvernement turc à lutter contre l'exploitation sexuelle, les abus sexuels, la violence domestique, la pauvreté, l'analphabétisme et l'exploitation des petites filles et à fournir des chances égales d'accès à l'éducation, sans distinction fondée sur l'âge, la langue, l'origine ethnique et le genre;

30. s'inquiète de ce que le pourcentage de préscolarisation reste très faible pour les enfants de 0 à 5 ans et de l'absence de progrès en ce qui concerne la mise à disposition d'une infrastructure d'accueil et préscolaire; invite instamment le gouvernement turc à affecter des ressources suffisantes pour renforcer des services d'accueil des enfants abordables pour cette tranche d'âge; lui demande en outre de modifier sa réglementation qui fait l'obligation aux entreprises employant plus de 150 femmes de prévoir une garderie gratuite étant donné que cette disposition reflète une approche discriminatoire et donne à penser que c'est aux seules femmes qu'il incombe de s'occuper des enfants et dissuade les entreprise d'engager davantage de femmes;

31. invite le gouvernement turc à redoubler d'efforts et à multiplier les campagnes de sensibilisation pour éliminer l'analphabétisme et la pauvreté parmi les millions de femmes, en particulier celles d'origine kurde, les migrantes et les roms, et à accorder une attention particulière aux femmes vivant en zone rurale;

32. se félicite des initiatives du gouvernement turc telles que le projet d'atténuation des risques sociaux (octroi de prestations sous conditions) qui consiste à payer aux familles dans le besoin une somme d'argent pour chaque enfant fréquentant l'école primaire; prend acte du fait que le montant donné aux familles est plus important pour les filles que pour les garçons et que ce montant est remis aux mères; se félicite que cette solution permette de répondre simultanément aux problèmes de la scolarisation des filles et de l'autonomisation des femmes dans la structure familiale; fait toutefois observer que le décrochage scolaire demeure préoccupant, particulièrement parmi les familles des travailleurs migrants saisonniers et les enfants roms et appelle le gouvernement turc à soutenir et à utiliser pleinement le système d'alerte précoce pour les enfants à risque de décrochage et à éliminer les disparités régionales dans l'enseignement primaire et secondaire;

33. souligne que le système éducatif est le lieu idéal pour lutter contre les stéréotypes de genre; se félicite par conséquent de la mise en place de la commission pour l'égalité entre les sexes au sein du ministère de l'éducation; reconnaît les efforts déployés pour éliminer le vocabulaire, les images et les formules sexistes des manuels scolaires, mais constate qu'il convient de faire plus pour éliminer les préjugés sexistes desdits manuels à tous les niveaux d'éducation et de formation et demande au gouvernement turc de passer en revue les progrès réalisés pour éliminer les préjugés sexistes du matériel pédagogique;

34. demande aux établissements d'enseignement supérieur de rendre obligatoires les cours d'égalité entre les genres dans le programme de formation des futurs enseignants et au gouvernement turc d'ajouter cette matière dans les programmes de formation internes des enseignants;

35. souligne que pour garantir la participation des filles à l'éducation primaire obligatoire et éviter qu'elles ne soient privées de la possibilité de fréquenter l'école ou d'être forcées à se marier précocement, il est essentiel que, comme c'est le cas pour l'heure, l'ensemble du système éducatif primaire officiel reste unitaire et ne puisse être remplacé par l'enseignement libre ou l'enseignement à distance; se déclare préoccupé par l'initiative prise récemment, qui porte l'obligation scolaire de huit à douze ans, mais, dans le même temps, vise à instaurer la possibilité d'opter pour des solutions d'apprentissage libre au terme des quatre premières années d'éducation primaire;

Participation au marché du travail

36. souligne la participation très faible des femmes au marché du travail turc, bien en-deçà des objectifs prévus par la stratégie Europe 2020, et invite le gouvernement turc à mettre sur pied un plan d'action national pour garantir une plus grande participation des femmes au marché du travail;

37. encourage la poursuite d'initiatives dans le cadre du "projet d'interventions actives sur le marché du travail", dont le but est de réduire le chômage chez les femmes et les jeunes; invite le gouvernement turc à affecter davantage de moyens financiers, au titre de son propre budget, à la réintégration professionnelle des femmes au chômage;

38. invite le gouvernement turc à utiliser le plus efficacement possible les moyens financiers dont il dispose au titre du budget de l'Union dans des projets réalisés en Turquie; invite la Commission à veiller à évaluer minutieusement cette efficacité;

39. réclame instamment la mise en œuvre de la circulaire ministérielle 2010/14 relative à l'accroissement de l'emploi des femmes et à la réalisation de l'égalité des chances; renvoie à cet égard aux stratégies et mesures de l'Union européenne visant une représentation équilibrée et équitable des femmes dans les postes de direction;

40. demande au gouvernement turc d'encourager une participation active des femmes au marché du travail en promouvant notamment les mesures visant à garantir de meilleures conditions de travail, un salaire égal pour un travail égal, l'apprentissage tout au long de la vie, des horaires de travail flexibles et la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle;

41. constate que, si la Turquie vient d'améliorer sa législation réglementant le congé de maternité (porté de douze à seize semaines), le congé de paternité n'est prévu que pour les fonctionnaires, mais pas pour les autres travailleurs, et fait observer qu'un congé parental largement applicable est indispensable pour faire en sorte que les parents partagent les droits et les responsabilités en matière de garde des enfants et pour diminuer les inégalités sur le marché du travail; invite le gouvernement turc à instaurer un dispositifs de congé parental rémunéré pour tous les travailleurs, de manière à permettre aux pères d'assumer leur part de responsabilité dans la garde des enfants;

42. encourage les femmes à développer leurs propres activités économiques en tirant parti des moyens mis à leur disposition dans le cadre de programme de prêts comme le programme de prêts aux petites entreprises et à mettre à profit les programmes de formation offerts dans le cadre de la Kosgeb;

43. souligne qu'il importe de lutter contre toutes les formes de discrimination au travail, notamment la discrimination fondée sur le sexe, en ce qui concerne le recrutement, l'avancement et les prestations; demande à nouveau au gouvernement turc de réunir des données statistiques pertinentes et précises;

44. souligne l'importance d'offrir des cours de formation spéciale, un financement et une assistance technique aux employées au chômage et aux femmes entrepreneurs, afin de garantir l'égalité des chances dans l'accès au marché du travail;

45. souligne que la prolongation récente de la durée du congé de maternité (portée de douze à seize semaines) devrait être suivie d'une augmentation de salaire, afin de mieux garantir que les familles et les femmes ne soient pas pénalisées financièrement parce qu'elles ont des enfants;

46. demande instamment au gouvernement turc d'affecter des fonds pour mettre en place des services d'accueil des enfants abordables et largement accessibles, de même que des services d'accueil des personnes âgées ou handicapées, afin de renforcer l'emploi des femmes;

47. relève la faible participation des femmes aux organisations syndicales, en particulier au sein des organes directeurs de celles-ci; souligne qu'il importe de rendre les activités syndicales plus accessibles afin d'assurer une participation féminine accrue;

48. souligne que les femmes travaillent souvent dans des conditions déplorables, dans des entreprises familiales, sans être déclarées ni payées, et qu'elles sont par conséquent victimes d'abus et exploitées; demande au gouvernement turc de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre l'économie souterraine;

Participation politique

49. se félicite de l'augmentation du nombre de députées au parlement turc, qui est passé de 9,1 % en 2007 à 14,3 en 2011; constate toutefois que ce pourcentage reste faible et appelle de ses vœux une nouvelle loi relative aux élections et aux partis politiques pour mettre en place un système de quotas contraignant assurant une représentation équitable des femmes sur les listes électorales; se déclare préoccupé par la faible représentation générale des femmes dans la vie politique turque, aux postes de direction dans l'administration publique et dans les partis politiques;

50. souligne la nécessité, pour le gouvernement turc et les partis politiques, de réviser la loi électorale actuelle en vue d'une participation égale et démocratique des hommes et des femmes en politique, y compris d'une présence plus équilibrée des femmes à des rangs éligibles sur les listes;

51. encourage tous les partis politiques turcs à adopter des stratégies globales en matière d'égalité entre les sexes et des réglementations intérieures garantissant la présence de femmes à tous les niveaux;

52. se déclare préoccupé par le faible pourcentage de la participation des femmes au niveau politique local et invite tous les partis politiques à faire en sorte que cette situation se modifie pour des élections locales de 2014; constate qu'en Turquie, dans 1 % seulement des communes, le maire est une femme et, pour favoriser l'intégration des femmes, notamment dans la politique locale, demande dès lors qu'un système de quota contraignant soit instauré en ce qui concerne le nombre des femmes figurant sur les listes électorales;

Horizon 2000

53. invite la Turquie, pays candidat à l'adhésion, à adopter les objectifs de la stratégie Europe 2020 et à donner aux femmes les moyens de participer plus activement au marché du travail;

54. demande à la Commission d'accorder une place centrale aux droits des femmes dans les négociations avec la Turquie; souligne qu'il importe que la Turquie s'acquitte de ses obligations juridiques et politiques découlant de l'acquis de l'Union et des décisions pertinentes de l'Union et de la Cour européenne des droits de l'homme afin de faciliter l'ouverture du chapitre 23 des négociations d'adhésion concernant les aspects judiciaires et les droits fondamentaux, pour appuyer les réformes de la Turquie concernant les droits des femmes dans ce contexte;

55. invite la Turquie à remplir toutes ses obligations découlant de l'accord d'association CE-Turquie et de son protocole additionnel, que la Turquie n'a toujours pas mis en œuvre pour la sixième année consécutive, afin de prouver son engagement sincère à devenir une démocratie pluraliste à part entière, fondée sur le respect et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales des hommes et des femmes;

56. souligne que, s'agissant de l'ouverture du chapitre 19 des négociations d'adhésion concernant la politique sociale et l'emploi, essentiel pour améliorer la situation socio-économique des femmes et renforcer leur présence sur le marché du travail, une des conditions est que la Turquie soumette à la Commission un programme d'action relatif à la mise en œuvre de l'acquis dans chacun des domaines couverts par le chapitre 19, notamment l'adoption d'une approche de prise en compte de l'égalité entre hommes et femmes; propose que la direction générale chargée de la situation des femmes soit étroitement associée à ce processus;

57. souligne que l'agenda positif mis en place par la Commission pour compléter les négociations d'adhésion avec la Turquie devrait servir de plateforme pour promouvoir les droits des femmes et l'égalité entre les sexes en Turquie; invite la Commission à veiller à ce que la prise en compte de la dimension d'égalité entre hommes et femmes soit assurée au sein de tous les groupes de travail de l'agenda positif;

58. souligne qu'il importe de réévaluer les valeurs rigides ayant cours touchant au rôle des femmes dans la structure sociale et souligne que, en dernière analyse, un changement de mentalité s'impose pour donner réalité au cadre législatif;

59. appelle à l'organisation de campagnes de sensibilisation ciblées sur l'ensemble de la société et centrées sur les droits des femmes et l'égalité entre les sexes, la prévention de la violence fondée sur le sexe, la condamnation des crimes d'honneur et les préjugés sexistes dans les médias;

60. appelle les partenaires sociaux à s'engager activement dans la promotion du droit des femmes et de leur rôle dans la vie économique, sociale et politique et à les associer au dialogue social;

61. invite le gouvernement turc à mettre en place, à tous les niveaux du système éducatif, des programmes obligatoires promouvant l'égalité des genres et la tolérance;

62. suggère que soit lancé un projet national relatif au modèle de rôles des femmes et des hommes au centre d'un débat, étendu aux jeunes, sur l'avenir de la Turquie afin que les femmes et les hommes de toutes les tranches d'âge et de toutes les tendances politiques puissent coopérer sur une stratégie visant à transformer avec succès la structure patriarcale de la société en une société permettant une participation équitable et socialement acceptable des femmes à la vie politique, économique et sociale;

63. reconnaît qu'un changement de mentalité est impossible sans associer et faire participer les hommes au débat et réclame par conséquent que le gouvernement turc instaure des débats publics pour que les femmes et les hommes de tous les secteurs de la société turque puissent échanger leurs points de vue pour s'attaquer aux causes de la violence entre les genres et, finalement, réaliser une véritable égalité entre ceux-ci;

64. estime qu'une attention particulière devrait être accordée à l'autonomie des femmes dans les régions moins développées de Turquie; se félicite à cet égard des projets du gouvernement turc tels que l'offre de cours de formation professionnelle dans des centres sociétaux polyvalents dans le sud-est du pays, mais souligne la nécessité de multiplier les initiatives qui respectent et favorisent les droits de toutes les femmes et qui accordent une attention particulière à l'inclusion sociale et à l'autonomie des femmes en milieu rural, des chômeuses et des femmes en situation de pauvreté;

65. estime que, si la Turquie souhaite jouer un rôle de modèle pour les pays du Printemps arabe, elle doit poursuivre ses réformes avec détermination et garantir la mise en œuvre de la législation adoptée; rappelle que la Turquie devrait obtenir des résultats visibles et concrets dans l'application du principe de l'égalité et le respect des droits des femmes;

66. souligne le rôle capital des médias dans la défense des droits des femmes et encourage l'incorporation de l'égalité entre les sexes dans la formation interne des organisations des médias; attire l'attention sur l'importance de donner de la femme, dans les médias, une image évitant les stéréotypes sexistes;

67. souligne l'importance d'une budgétisation prenant en compte la dimension égalitaire étant donné qu'aucune des réformes ne peut être mise en œuvre sans ressources suffisantes;

68. demande à la Turquie de redoubler d'efforts pour mener des réformes de grande ampleur, satisfaire aux critères de Copenhague, dans l'intérêt de sa propre modernisation, et établir un climat de compréhension mutuelle et de respect avec l'ensemble des 27 États membres de l'Union, afin de permettre un échange des bonnes pratiques en matière d'égalité, avec tous, au bénéfice des femmes de Turquie;

69. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, aux femmes des Nations unies, au directeur général de l'OIT, au gouvernement et au parlement de Turquie.

  • [1]  JO C 157E du 6.7.2006, p. 385.
  • [2]  JO C 287 E du 29.11.07, p. 174.
  • [3]  Textes adoptés de cette date, P7_TA(2011)0090.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Pour élaborer son rapport, la rapporteure s'est fondée sur des études et sur des entretiens.

Pour ce qui est des études, il s'est agi notamment d'analyser un large éventail de données et d'avis recueillis auprès de différentes sources gouvernementales et de la société civile ainsi que d'actes législatifs dans le domaine des droits des femmes.

Outre les contacts réguliers qu'elle entretient avec diverses actrices, étant engagée depuis des années dans le mouvement en Turquie, la rapporteure a organisé des entretiens pour alimenter le présent rapport. Il s'est agi:

–  d'échanges de vues avec Štefan Füle, commissaire chargé de l'élargissement,

–  de deux missions en Turquie pour examiner la situation des droits de la femme.

Durant la première mission en Turquie, en avril 2011, la rapporteure a prononcé un discours lors d'une convention internationale sur l'égalité entre les sexes organisée par le PDUN et le parlement turc et s'est entretenue avec des femmes turques, notamment Güldal Akşit, qui était à l'époque présidente de la commission parlementaire sur l'égalité des chances; Nazik Işık, fondateur de l'association de solidarité entre les femmes, Aynur Bektaş, qui présidait le conseil des femmes chefs d'entreprise de l'Union des chambres et bourses de commerce de Turquie, Yazgülü Aldoğan, éditorialiste, Sertab Erener, artiste, Gülay Aslantepe, qui était à l'époque directeur de l'OIT pour la Turquie, Yakın Ertürk, rapporteur spécial des Nations unies sur la violence visant les femmes. La rapporteure a également visité des asiles pour femmes en compagnie d'İlke Gökdemir, chercheuse, et de Mor Çatı, bénévole, et elle s'est entretenue avec des femmes victimes de violences domestiques. Elle a animé un débat à l'université avec des jeunes filles (et des jeunes hommes) au sujet de leur avenir.

Lors de la deuxième mission en Turquie, en septembre 2011, la rapporteure a rencontré le ministre Egemen Bağıs, la ministre de la famille et de la politique sociale, Fatma Şahin, le ministre de l'intérieur İdris Naim Şahin, le ministre de la justice Sadullah Ergin, le ministre du travail Faruk Çelik, le ministre des finances Mehmet Şimsek, le ministre de l'éducation Ömer Dinçer, le président de la commission parlementaire pour l'égalité des chances, Azize Sibel Gönül, le président de la commission pour l'adhésion à l'UE Mehmet Sayım Tekelioğlu, le président de la commission des relations extérieures Volkan Bozkır, le coprésident de la commission mixte Turquie–UE Afif Demirkıran, le vice-président de la commission des droits de l'homme Mehmet Naci Bostancı, le chef du premier parti d'opposition (CHP) Kemal Kılıçdaroğlu, des représentants de la Fédération des syndicats de Turquie, le chef de la délégation de l'UE en Turquie, Marc Pierini, le président de l'association des entreprises de Turquie et des représentants de différentes organisations de femmes, lors d'une table ronde organisée à Istanbul dans la perspective de ce rapport.

–  une audition publique a été organisée au Parlement européen avec la participation de Leyla Coşkun, qui était à l'époque directrice générale sur la situation des femmes, Nur Ger, présidente du groupe de travail sur l'égalité entre les genres de l'association des entreprises turques, et Handan Çağlayan, spécialiste des droits de l'homme.

Législation

Il est relevé dans le rapport que le cadre législatif en matière de droits de la femme est dans une large mesure mis en place. Le gouvernement a adopté une législation, des documents de stratégie, des plans d'action nationaux et des protocoles concernant des aspects importants tels que la prévention de la violence visant les femmes, l'éducation des jeunes filles et l'élimination de l'illettrisme parmi les femmes ainsi que le renforcement de la participation des femmes au marché du travail. Toutefois, la transposition de cette législation n'était guère satisfaisante jusqu'à une époque récente. De plus, le manque de coopération entre le gouvernement turc et la société civile s'observe aussi dans le contexte des droits de la femme, ce qui est particulièrement regrettable étant donné que l'égalité ne peut être réalisée sans les efforts conjugués de l'ensemble de la société.

La rapporteure a enregistré un changement favorable en ce qui concerne la mise en œuvre de la législation et la coopération. Chacun des ministères compétents met sur pied des projets visant à transposer la législation relative à l'amélioration du niveau de vie des femmes. Plus important, ces ministères coopèrent dans le domaine de l'égalité entre les sexes. Au centre de la structure de coopération figure le ministère de la famille et de la politique sociale nouvellement créé. Il s'agit d'un ministère à part entière disposant d'un budget propre et il a immédiatement instauré une coopération structurelle avec d'autres ministères. Il organise par ailleurs des rencontres avec la société civile pour statuer sur des problèmes importants comme la restructuration du système d'asile pour femmes.

Cette évolution en est encore à ses débuts. C'est pourquoi le rapport, s'il reconnaît les progrès, ne se hasarde pas à oublier les carences anciennes de la Turquie.

S'agissant de la collecte de statistiques, des progrès ont été accomplis ces dernières années mais des données spécifiques ne sont pas toujours disponibles dans tous les secteurs.

Une modification récente de la constitution dispose qu'une action volontariste ne peut être considérée comme contraire au principe d'égalité. Cette possibilité doit être concrétisée par des dispositions d'exécution.

Violence contre les femmes

La violence contre les femmes est un des problèmes les plus urgents en Turquie. Deux ou trois femmes sont tuées chaque jour par leur conjoint, leur compagnon, un membre de leur famille ou un ex-conjoint. La législation en place, à savoir la loi 4320, présente des lacunes comme l'absence de mécanisme permettant d'éloigner sans délai l'auteur de violences domestiques de l'environnement de la victime. De plus, la police, les procureurs et les magistrats ne sont pas toujours d'accord en ce qui concerne la portée de la loi et la sanction à infliger. Il importe au plus haut point, à côté de la modification de la législation, à l'effet de mettre en place des solutions plus rapides et efficaces en cas de violences domestiques, de prévoir une interprétation et une application uniformes de la législation entre les autorités qui participent à sa mise en œuvre.

La rapporteure observe, ce qui est positif, une sensibilisation croissante, au sein de la société turque, aux problèmes de la violence visant les femmes. Les journaux, les émissions de télévision et différentes ONG en parlent chaque jour, ce qui est favorable aux réformes gouvernementales dans ce domaine. Le gouvernement a déjà reconnu l'existence du problème et ne prétend plus que les dossiers de violence domestique constituent des cas particuliers. Dans un effort pour éliminer la violence visant les femmes, les différents ministères forment le personnel de police, les magistrats, le personnel de santé et certains responsables religieux dans leur rôle en matière de lutte contre la violence visant les femmes. Le ministère de l'intérieur et celui de la famille sont occupés à restructurer le système d'asile pour femmes. Il faut absolument multiplier ces asiles. Le gouvernement turc est encore loin d'avoir atteint son objectif de construire un asile pour toute agglomération de plus de 50 000 habitants. La réalisation de cet objectif devrait constituer une priorité pour le gouvernement. Les asiles existants devraient être rendus plus sûrs et disposer de personnel formé et bien rémunéré et des cours de formation professionnelle devraient être offerts systématiquement aux femmes hébergées afin de leur permettre de se reconstruire avant de quitter les asiles.

Des lignes téléphoniques d'assistance ont été mises en place pour aider les victimes de violences. Des ressources suffisantes devraient être prévues et la restructuration nécessaire devrait être réalisée pour que les appels passant par ces lignes soient traités sans délai.

La rapporteure invite le gouvernement turc à adopter une tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes. Cette violence ne devrait pas rester impunie et des sanctions plus sévères devraient être infligées aux récidivistes. La violence visant les femmes diminuerait s'il devenait notoire que les auteurs sont punis sans exception.

Enseignement

Des campagnes cohérentes et incessantes lancées par le gouvernement turc et les ONG ont permis de combler pratiquement le fossé entre les sexes dans l'éducation primaire. Toutefois, ce fossé subsiste dans le secondaire et la rapporteure souligne qu'il faut concentrer les efforts sur cet aspect.

S'agissant du contenu de l'éducation, la commission pour l'égalité entre les genres du ministère de l'éducation fournit un travail important pour dépister les formules et images sexistes dans les manuels et les remplacer par un contenu exempt de stéréotypes, apprenant aux enfants l'égalité et le partage des responsabilités familiales.

Participation au marché du travail

Le taux d'emploi des femmes tourne autour de 24 % depuis quelques années. D'après l'Institut statistique de Turquie, le chiffre récent est proche de 30 %, ce qui reste cependant très faible. Ce problème fait l'objet de la circulaire ministérielle 2010/14 mais ce document n'est pas mis en œuvre de manière à appliquer les principes qu'il contient.

La rapporteure a suggéré un certain nombre de réformes pour accroître la participation des femmes au marché du travail. La mise en place d'un régime de travail à temps partiel fonctionnant de manière satisfaisante contribuerait largement à accroître l'emploi des femmes. Pour l'heure, c'est l'employeur qui décide qui travaille à temps partiel et les droits en matière de sécurité sociale des travailleurs à temps partiel sont presque complètement ignorés.

La rapporteure regrette que des services qui sont généralement considérés comme relevant de l'État‑providence, notamment accueil des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, soient considérés en Turquie comme des problèmes qu'il incombe aux seules femmes de résoudre. Cela contribue au faible taux d'emploi des femmes. Le rapport réclame donc que le gouvernement turc prévoie des fonds suffisants pour mettre en place des services abordables et accessibles.

Participation politique

À la suite des élections de 2011, le pourcentage de députées au parlement turc est passé de 9,1 à 14,3 %. S'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, ce pourcentage demeure faible. La rapporteure réclame une nouvelle législation relative aux partis politiques et aux élections qui mette en place un régime de quotas contraignant.

La rapporteure fait observer que si les organisations de femmes des partis politiques contribuent largement au succès des partis, cela ne se reflète pas dans la carrière politique des femmes. Elle trouve donc nécessaire que la présence des femmes à tous les niveaux de la gestion des partis soit assurée à travers le règlement interne desdits partis.

Horizon 2020 pour les femmes de Turquie

L'Europe se transforme pour retrouver la croissance d'avant la crise et la dépasser (Europe 2020). Une des priorités de cette stratégie est la croissance inclusive, qui englobe une participation accrue des femmes étant donné que l'Europe aura besoin de ses femmes pour devenir une économie compétitive d'ici à 2020. La rapporteure invite la Turquie, pays-candidat, à adhérer à la composante égalitaire d'Europe 2020 en s'engageant à réaliser l'égalité entre les genres puisque la Turquie sera confrontée aux mêmes difficultés dans ses efforts pour atteindre la croissance.

Après avoir effectué des recherches approfondies concernant la situation de la femme en Turquie et s'être entretenue avec différents représentants du public et des ONG, la rapporteure a pu constater qu'une aspiration partagée concerne un changement de mentalité visant à transformer la structure patriarcale de la société en une structure se fondant sur l'égalité entre les genres. Cela serait crucial pour mettre fin à la violence à caractère sexiste, pour accroître la participation des femmes et leur autonomie en général. C'est pourquoi la rapporteure formule un certain nombre de suggestions qui devraient permettre ce changement de mentalité.

La rapporteure souligne le rôle indispensable des médias pour ce qui est de réaliser ce changement de mentalité. Elle propose que des initiatives soient prises par les médias. Par ailleurs, la rapporteure souligne que ce changement de mentalité devrait idéalement être réalisé en mettant en place un mécanisme faisant intervenir les jeunes filles par rapport aux modèles de rôle féminin concernant l'avenir de la Turquie et la place des femmes dans cet avenir. Le second volet consisterait à associer les hommes à la transformation des mentalités. La rapporteure estime que ce second aspect devrait être réalisé à travers une campagne visant à créer une "alliance des genres" s'inspirant de l'alliance des civilisations, initiative coparrainée par Recep Tayyip Erdoğan, premier ministre de Turquie.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

27.3.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

28

0

0

Membres présents au moment du vote final

Regina Bastos, Edit Bauer, Emine Bozkurt, Andrea Češková, Iratxe García Pérez, Mary Honeyball, Lívia Járóka, Teresa Jiménez-Becerril Barrio, Nicole Kiil-Nielsen, Silvana Koch-Mehrin, Rodi Kratsa-Tsagaropoulou, Astrid Lulling, Elisabeth Morin-Chartier, Siiri Oviir, Antonyia Parvanova, Joanna Senyszyn, Joanna Katarzyna Skrzydlewska, Angelika Werthmann, Marina Yannakoudakis, Inês Cristina Zuber

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Franziska Katharina Brantner, Anne Delvaux, Sylvie Guillaume, Mojca Kleva, Ana Miranda, Antigoni Papadopoulou, Eleni Theocharous

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Elisabeth Jeggle