RAPPORT sur le rapport spécial du Médiateur européen concernant son enquête sur la plainte 2591/2010/GG contre la Commission européenne (aéroport de Vienne)

31.1.2013 - (2012/2264(INI))

Commission des pétitions
Rapporteure: Margrete Auken
PR_INI_SpecOmbud

Procédure : 2012/2264(INI)
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Cycle relatif au document :  
A7-0022/2013
Textes déposés :
A7-0022/2013
Débats :
Textes adoptés :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur le rapport spécial du Médiateur européen concernant son enquête sur la plainte 2591/2010/GG contre la Commission européenne (aéroport de Vienne) (2012/2264(INI))

Le Parlement européen,

–   vu le rapport spécial adressé par le Médiateur européen au Parlement européen,

–   vu l'article 228 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

–   vu la décision 94/262/CECA, CE, Euratom du Parlement européen, du 9 mars 1994, concernant le statut et les conditions générales d'exercice des fonctions du médiateur[1], et notamment son article 3, paragraphe 7,

–   vu l'article 205, paragraphe 2, première phrase, de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des pétitions (A7-0022/2013),

A. considérant que l'article 228 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne habilite le Médiateur européen à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen de l'Union concernant des cas de mauvaise administration dans l'action des institutions ou organes de l'Union;

B.  considérant que les plaintes déposées par les citoyens de l'Union constituent une importante source d'information sur les éventuelles infractions au droit de l'Union;

C. considérant que, conformément à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, "toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes, et organismes de l'Union";

D. considérant que ni les traités ni le statut du Médiateur ne définissent la mauvaise administration, laissant dès lors ce soin au Médiateur européen sous réserve de l'autorité interprétative de la Cour de justice; considérant que, dans son premier rapport annuel, le Médiateur a dressé une liste non exhaustive de pratiques qui relèveraient d'une mauvaise administration;

E.  considérant qu'après avoir été invité par le Parlement à fournir une définition précise et claire de la mauvaise administration, le Médiateur européen a déclaré dans son rapport annuel de 1997 qu'"il y a mauvaise administration lorsqu'un organisme public n'agit pas en conformité avec une règle ou un principe ayant pour lui force obligatoire";

F.  considérant que cette définition s'est accompagnée d'une déclaration selon laquelle, lorsqu'il examine si une institution ou un organe de l'Union a agi en conformité avec les règles et principes ayant pour lui force obligatoire, sa tâche prioritaire doit consister à établir s'il a agi légalement;

G. considérant que le Médiateur contrôle également l'application des codes de bonne conduite administrative que les institutions ont signés et qui décrivent les principes généraux du droit administratif, et notamment des éléments du principe de service, ainsi que de la Charte des droits fondamentaux, qui est entièrement applicable à chaque partie de l'administration propre de l'Union européenne;

H. considérant que le Médiateur, ayant présenté 18 rapports spéciaux en 16,5 ans, a jusqu'à présent agi de façon très coopérative et responsable en n'utilisant ces rapports au Parlement européen que comme instrument politique de dernier recours, démontrant ainsi qu'il favorise généralement les solutions consensuelles;

I.   considérant que ce rapport spécial porte sur la manière dont la Commission a traité une plainte qui lui a été soumise en 2006 par 27 organisations soutenant une initiative citoyenne luttant contre ce qu'elles considéraient comme les conséquences négatives de l'extension de l'aéroport de Vienne;

J.   considérant que l'article 2 de la directive "EIE"[2] prévoit que "les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que […] les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement […] soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences";

K. considérant que la Commission a conclu que les travaux en vue de l'extension de l'aéroport avaient été réalisés sans avoir procédé à l'évaluation des incidences sur l'environnement (EIE) obligatoire et qu'elle a adressé une lettre de mise en demeure à l'Autriche le 21 mars 2007 pour avoir omis l'EIE; considérant que, dans sa réponse du 7 mai 2007, l'Autriche n'a pas pu réfuter que les mesures d'infrastructure concernées avaient entraîné et entraînaient toujours une augmentation considérable du trafic aérien et des nuisances provenant du trafic aérien au-dessus de Vienne, à savoir que ces mesures avaient des incidences environnementales notables;

L.  considérant que, les travaux étant soit achevés, soit proches de l'être, la Commission a préféré – au lieu de traduire l'Autriche devant la CJUE – chercher un accord avec les autorités autrichiennes afin de remédier autant que possible à cette omission; considérant que la Commission a convenu avec les autorités autrichiennes que ces dernières réaliseraient une EIE ex post afin de déterminer, entre autres, les mesures d'atténuation requises pour réduire les incidences sonores sur la population vivant à proximité de l'aéroport;

M. considérant que le Médiateur a accepté ce choix de la Commission; considérant que les plaignants ont déploré la manière dont l'EIE ex post avait été effectuée, critiquant notamment le fait qu'ils n'avaient pas pu former de recours, comme le prévoit la directive "EIE", et que l'autorité chargée de mener l'EIE, à savoir le ministère autrichien des transports, était celle qui avait auparavant délivré les permis pour les travaux concernés, ce qui révélait un conflit d'intérêts;

N. considérant qu'après avoir examiné l'affaire, le Médiateur a estimé qu'il était dans l'impossibilité de conclure que la Commission avait veillé à ce que l'EIE ex post soit effectuée dans les règles; considérant qu'il a toutefois clos son enquête en considérant qu'il ne devait prendre aucune autre mesure, étant donné que la procédure était en cours et que la Commission avait déclaré qu'elle ne clôturerait la procédure d'infraction que lorsqu'elle serait convaincue que les mesures nécessaires avaient été prises par les autorités autrichiennes;

O. considérant qu'en novembre 2010, les plaignants se sont adressés une nouvelle fois au Médiateur, qui a ouvert une deuxième enquête, au cours de laquelle il a examiné le dossier de la Commission; considérant que son examen a révélé que le dossier ne démontrait pas que les protestations formulées par les plaignants durant la période de réalisation de l'EIE ex post avaient été abordées avec les autorités autrichiennes, ni que la décision du Médiateur sur la première plainte avait donné lieu à des échanges de correspondance, outre les rapports sur l'EIE transmis par l'Autriche;

P.  considérant que cette situation a amené le Médiateur à conclure que la Commission n'avait pas tenu compte des conclusions de sa première enquête, notamment que ses réponses au Médiateur n'avaient pas été cohérentes eu égard à la possibilité de recours juridique contre l'EIE ex post et qu'elle n'avait pas insisté pour désigner une entité chargée de mener l'EIE qui ne soit pas le ministère des transports, qui avait autorisé les travaux;

Q. considérant que le Médiateur a émis un projet de recommandation demandant instamment à la Commission de "revoir sa position au sujet du traitement de la plainte en infraction des plaignants concernant l'aéroport de Vienne et d'aborder les lacunes mises en lumière par le Médiateur" et soulignant que cela signifiait que "les actions ultérieures de la Commission dans les procédures d'infraction doivent tenir compte de l'obligation des autorités nationales de veiller à ce que i) les plaignants puissent former un recours et que ii) des mesures soient prises pour faire face à un conflit d'intérêt manifeste dans l'application de la directive 85/337/CEE";

R.  considérant que la Commission a soutenu dans sa réponse au Médiateur sur la première question qu'elle avait abordé le sujet du recours juridique avec les autorités autrichiennes, mais qu'elle avait accepté leur position selon laquelle cela aurait posé des problèmes au niveau du droit national en matière de procédure judiciaire et qu'elle a souligné que les autorités autrichiennes s'étaient engagées à garantir que les effets cumulatifs des travaux précédents, évalués uniquement ex post, seraient pleinement pris en considération lors d'une EIE d'une nouvelle troisième piste contre laquelle un recours juridique total serait possible;

S.  considérant que l'argument opposé par la Commission concernant la deuxième allégation de mauvaise administration était que la directive "EIE" ne prévoyait aucune disposition relative à la répartition des compétences dans la procédure EIE devant être menée dans les États membres; considérant que, conformément au principe de subsidiarité, il revient entièrement aux États membres, qui sont responsables de l'organisation de leur propre administration, de décider quelle autorité serait chargée des procédures au titre de la directive "EIE", et considérant qu'il relève d'un principe général du droit administratif dans tous les États membres qu'une autorité ayant pris une décision illégale qui a fait l'objet d'un recours administratif ou d'une décision judiciaire soit chargée de remédier à la situation;

T.  considérant que le projet de recommandation n'a dès lors pas porté ses fruits et que le Médiateur a estimé que cette affaire constituait un exemple de situation dans laquelle la Commission n'a pas pris les mesures correctrices qui s'imposaient en présence d'une infraction manifeste au droit de l'Union, en garantissant que l'évaluation des incidences sur l'environnement ex post soit menée impartialement, et n'a pas suivi comme il se doit les conseils du Médiateur concernant la possibilité de former un recours juridique contre cette évaluation;

U. considérant que le Médiateur a dès lors estimé qu'il était nécessaire de porter la question à l'attention du Parlement;

V. considérant que la Commission a adopté une proposition de révision de la directive "EIE" le 26 octobre 2012; considérant que sa commission des affaires juridiques a rédigé un rapport d'initiative législative demandant un règlement général de procédure administrative pour l'administration de l'Union;

Les recommandations du Médiateur

1.  salue le rapport spécial du Médiateur, qui relève des questions importantes liées aux problèmes relatifs à l'application de la directive "EIE" et au déroulement de la procédure d'infraction;

2.  rappelle qu'il y a mauvaise administration lorsqu'un organisme public n'agit pas en conformité avec une règle ou un principe ayant pour lui force obligatoire;

3.  observe que les allégations de mauvaise administration concernaient la manière dont la Commission avait géré la procédure d'infraction à l'encontre de l'Autriche, et notamment son incapacité à garantir à la fois que l'autorité qui avait délivré les permis pour les travaux sans l'évaluation des incidences requise ne soit pas responsable de l'exécution de l'EIE ex post et que le plaignant ait la possibilité de former un recours juridique contre cette évaluation;

4.  souligne que ce rapport spécial n'aborde pas la question de savoir si les autorités autrichiennes ont mal agi, mais si la Commission a manqué à ses obligations lors de l'examen et du traitement d'une plainte qu'elle avait reçue et en réponse aux demandes et recommandations du Médiateur dès la première enquête de ce dernier concernant cette affaire;

5.  partage l'inquiétude du Médiateur concernant les effets négatifs potentiels des conflits d'intérêts lors de la réalisation des évaluations des incidences sur l'environnement et convient qu'il y a lieu de chercher des moyens de remédier à ce problème, tout en comprenant les préoccupations de la Commission quant au dépassement de ses compétences si elle avait demandé aux autorités autrichiennes de désigner une autre entité en tant que responsable de l'évaluation ex post;

6.  conseille aux autorités compétentes dans les États membres d'être attentives aux conflits d'intérêts potentiels en l'état actuel du droit et de se préparer à ce que des modifications du droit de l'Union soient finalement adoptées à cet égard; souligne que les médiateurs nationaux jouent un rôle important pour aider les citoyens à agir contre d'éventuels conflits d'intérêts ou contre des cas de mauvaise administration en général au sein de l'administration des États membres;

7.  considère, en ce qui concerne la deuxième allégation du Médiateur, qu'il est en général essentiel de faire participer la population locale de manière honnête, active et complète à l'application de la directive "EIE", et estime donc qu'il convient de mener plus fréquemment des procédures de médiation ouvertes et transparentes avant la mise en œuvre de projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement local et la santé humaine; dans ce contexte, salue la médiation publique de grande envergure menée avant l'EIE au sujet de la construction d'une troisième piste à l'aéroport de Vienne, qui a également tenu compte de l'effet cumulatif (notamment les nuisances sonores) des agrandissements visés par la procédure d'infraction en question, et contre laquelle un recours total est possible;

8.  partage l'opinion du Médiateur selon lequel il relève d'une bonne administration de conserver et de tenir à jour des archives claires, car elles permettent par exemple au Médiateur européen de vérifier que ses recommandations ont été adéquatement prises en considération;

9.  considère également qu'il est recommandable, et qu'il s'agit d'un élément important en matière de bonne pratique administrative, d'entretenir une correspondance adéquate, claire et cohérente avec les plaignants pendant les procédures d'infraction, ainsi qu'avec le Médiateur pendant ses enquêtes;

10. se félicite de la déclaration de la Commission selon laquelle elle a l'intention d'améliorer ses pratiques sur ces deux questions – des archives écrites et une correspondance suivie – afin d'éviter les problèmes de communication rencontrés dans l'affaire en question;

11. souligne que la Commission et les autorités autrichiennes n'ont violé aucune législation européenne en vigueur lors de la réalisation de l'EIE ex post, qui se fondait sur une procédure sui generis négociée ad hoc; met cependant en évidence qu'une telle procédure, pour laquelle le droit européen ne prévoit aucune base juridique, doit rester exceptionnelle et qu'elle a été la conséquence d'un non‑respect antérieur de la directive, sur lequel il est impossible de revenir;

12. considère que, dans ses négociations avec les autorités autrichiennes, la Commission aurait pu déployer davantage d'efforts concernant la disponibilité d'un recours judiciaire, en gardant à l'esprit la transposition des dispositions en la matière (article 10 bis) en droit autrichien en 2005, et concernant le conflit d'intérêts du ministère autrichien responsable, en se fondant sur le principe fondamental de la jurisprudence de l'Union selon lequel il convient non seulement de respecter la lettre de la loi, mais également de tenir compte de son objet et de son esprit;

L'affaire de l'aéroport de Vienne, la révision de la directive "EIE" et le règlement relatif à la bonne administration

13. considère que les circonstances qui ont donné lieu à l'ouverture de la procédure d'infraction de la Commission et, par conséquent, à la plainte auprès du Médiateur européen, soulèvent d'importantes questions concernant la mise en œuvre par un État membre, dans ce cas l'Autriche, de la directive 85/337/CEE à cette époque; se félicite de ce que la révision de 2009 de la loi fédérale autrichienne transposant la directive "EIE" a dûment tenu compte, entre autres, des conclusions de la procédure d'infraction en question, mettant ainsi la législation autrichienne en conformité avec le droit européen à cet égard;

14. rappelle qu'au fil des ans, plusieurs affaires dans lesquelles des États membres ont prétendument permis que des projets soient autorisés et réalisés sans l'EIE requise ont été portées à l'attention de sa commission des pétitions;

15. estime que, dans les affaires où des projets sont très probablement en infraction avec les exigences essentielles de la directive "EIE", il convient que les citoyens concernés disposent d'instruments juridiques efficaces pour demander à l'autorité compétente en matière d'EIE d'apporter immédiatement des éclaircissements concernant la conformité des projets avec la législation de l'Union, afin de prévenir des dégâts irréversibles sur l'environnement lors de la mise en œuvre de ces projets;

16. observe également que la notion d'une EIE ex post n'est pas présente dans la directive "EIE" actuelle et que cet instrument a été négocié par la Commission pour tenter de faire face à une situation de fait, dans laquelle les permis avaient déjà été accordés et les travaux réalisés;

17. souligne que le cas de l'aéroport de Vienne met en lumière les faiblesses de la directive "EIE" actuelle, comme la manière de traiter les projets qui sont pratiquement irréversibles parce qu'ils ont déjà été mis en œuvre et que d'éventuels dégâts ont déjà été causés à l'environnement, ainsi que le problème des conflits d'intérêts au sein des autorités responsables, comme présumé dans l'affaire en question;

18. cite le rapport annuel 2011 de sa commission des pétitions, qui souligne la nécessité de garantir l'objectivité et l'impartialité en matière d'EIE; rappelle que la Commission a été invitée à renforcer la directive "EIE" "en arrêtant des paramètres plus clairs en ce qui concerne l'indépendance des études d'experts, la définition de seuils communs pour l'Union, le délai maximal pour conclure la procédure (en ce compris une consultation publique effective), l'obligation de justification des décisions, l'évaluation obligatoire des alternatives raisonnables et l'établissement d'un mécanisme de contrôle de la qualité";

19. salue la proposition de la Commission visant à réviser la directive "EIE" en vue de la renforcer; se déclare prêt à collaborer pleinement avec la Commission et le Conseil au cours de cette procédure de telle sorte que cette importante directive serve ses objectifs d'une manière toujours plus efficace et objective[3];

20. fait observer que la directive actuelle ne contient aucune exigence relative à l'objectivité et à l'impartialité des autorités responsables de l'octroi de l'autorisation et qu'elle ne fixe aucune condition de ce type pour les organismes qui réalisent une EIE; remarque que la directive ne renferme aucune disposition indiquant comment procéder lorsqu'un projet a déjà été mis en œuvre ou qu'il est presque terminé, ou comment les citoyens concernés pourraient, au moyen d'une procédure claire et non bureaucratique, obtenir immédiatement de l'autorité compétente en matière d'EIE des éclaircissements concernant la conformité avec la législation de l'Union de ces projets, qui sont très probablement en infraction avec les dispositions de base de la directive "EIE"; considère dès lors que la révision de la directive "EIE" offre une bonne occasion d'instaurer de telles conditions et dispositions;

21. considère que cette affaire montre également qu'outre les mesures destinées à renforcer les dispositions de la directive "EIE", il est nécessaire d'établir des procédures plus claires concernant les procédures d'infraction, de préférence par l'adoption d'un règlement général relatif aux procédures administratives pour l'administration de l'Union, renforçant ainsi la position du plaignant; considère qu'un tel règlement constituerait un cadre idéal pour préciser les obligations des autorités dans leur communication avec les plaignants dans une affaire d'infraction ou avec les organes représentant les citoyens européens (tels que la commission des pétitions et le Médiateur), notamment en instaurant l'obligation de réagir dans les plus brefs délais aux recommandations du Médiateur afin d'éviter des erreurs d'interprétation comme celles qui se sont produites dans l'affaire en question;

22. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au Médiateur européen, au Réseau européen des médiateurs ainsi qu'aux parlements des États membres.

  • [1]  JO L 113 du 4.5.1994, p. 15.
  • [2]  Directive du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (85/337/CEE), telle que modifiée.
  • [3]  COM(2012) 0628.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis 1999, l'infrastructure de l'aéroport de Vienne a été améliorée et étendue par le biais de plusieurs projets de construction qui ont été autorisés par le ministère fédéral autrichien des transports, de l'innovation et des technologies (BMVIT). Lorsque les plaignants ont introduit leur première plainte auprès de la Commission en 2006[1], celle-ci a conclu qu'une EIE aurait dû être effectuée conformément à la directive 85/337/CEE (la directive "EIE").

La Commission a également estimé qu'étant donné que l'autorisation avait été accordée et que les projets étaient déjà achevés ou proches de leur terme, l'objectif de la directive "EIE" ne pouvait être atteint. Dans le cadre de négociations avec les autorités autrichiennes, la Commission a accepté de s'abstenir de poursuivre la procédure d'infraction, cependant que l'Autriche était tenue de mener une EIE ex post simulant du mieux possible une EIE ex ante et permettant une évaluation complète des incidences environnementales des projets concernés.

Les plaignants ont critiqué la manière dont la Commission traitait l'affaire et ils ont introduit une plainte auprès du Médiateur européen. Le Médiateur a clos son enquête le 2 décembre 2009 par les conclusions suivantes:

-  Le BMVIT, l'autorité chargée de mener l'EIE ex post, était celle qui avait délivré les permis relatifs au projet. Comme le BMVIT était également l'autorité qui ne s'était pas initialement assurée du respect des dispositions de la directive 85/337/CEE, son implication donnait lieu à un conflit d'intérêts.

-  La Commission avait déclaré que l'EIE ex post serait réalisée conformément aux articles 5 à 10 de la directive "EIE". Les plaignants ont considéré que l'article 10 bis devait également s'appliquer. L'article 10 bis prévoit que les membres du public concerné "puissent former un recours […] pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public". La Commission n'a pas demandé de garanties spécifiques de la part de l'Autriche concernant l'applicabilité de l'article 10 bis. Le Médiateur a estimé qu'il était difficile de comprendre pourquoi la Commission n'avait pas cherché à obtenir de garanties explicites.

Le Médiateur a estimé qu'il était dans l'impossibilité de conclure que la Commission avait veillé à ce que l'EIE ex post soit effectuée dans les règles et, par conséquent, que sa procédure d'infraction avait été menée correctement. Il a fait remarquer que la Commission avait indiqué qu'elle ne clôturerait la procédure d'infraction qu'une fois assurée que les éventuelles incidences environnementales avaient été adéquatement évaluées et que les autorités autrichiennes avaient donné les suites nécessaires aux résultats de l'EIE. À ce stade, il a estimé que rien ne justifiait de nouvelles actions dans cette affaire et, en décembre 2009, il a décidé de clore son enquête en soulignant qu'il ne doutait pas que la Commission tiendrait compte de ses conclusions.

Le 30 novembre 2010, les plaignants se sont adressés une nouvelle fois au Médiateur, qui a ouvert une deuxième enquête[2] concernant i) l'allégation que la Commission n'avait pas correctement mené sa procédure d'infraction à l'encontre de l'Autriche, en particulier en ne s'assurant pas que l'EIE était réalisée dans les règles, et ii) la demande que la Commission garantisse l'exécution d'une EIE ex post en bonne et due forme, comprenant un mécanisme de surveillance auquel les plaignants auraient le droit de participer ou, si ce n'est pas possible, qui leur permettrait de porter l'affaire devant la Cour de justice.

L'examen du Médiateur mène à un projet de recommandation

La décision du Médiateur de clore l'enquête sur la première plainte, en décembre 2009, se fondait sur la déclaration de la Commission selon laquelle elle ne clôturerait sa procédure d'infraction qu'une fois assurée que les incidences environnementales des travaux d'extension de l'aéroport auraient été adéquatement évaluées et que l'Autriche aurait pris les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les mesures requises. À cette époque, l'EIE ex post était toujours en cours. Le Médiateur estimait dès lors qu'il était aisé à la Commission d'intervenir auprès des autorités autrichiennes pour aborder les questions soulevées dans sa décision de clôture. Toutefois, l'examen du dossier a démontré que la Commission n'en avait rien fait, et qu'elle avait seulement attendu le rapport final des autorités autrichiennes.

Le Médiateur avait souligné qu'il considérait que l'argument avancé par les plaignants, selon lequel l'implication du BMVIT constituait un conflit d'intérêts manifeste, semblait bien fondé. Il avait insisté sur l'importance de l'article 10 bis et sur le fait qu'il n'était vraiment pas certain que les citoyens pourraient former un recours contre l'EIE ex post en vertu du droit autrichien.

Le Médiateur a considéré qu'il aurait convenu que la Commission évalue les questions qu'il avait évoquées dans sa décision concernant la première plainte et il s'est interrogé sur les raisons qui l'ont poussée à ne pas le faire. Il a ajouté que ses doutes quant à la possibilité de recours au titre de l'article 10 bis avaient été renforcés par la réponse du ministre autrichien et de la Cour des comptes autrichienne.

Dans ces conditions, le Médiateur a estimé que l'allégation avancée par les plaignants, selon laquelle la Commission n'avait pas mené sa procédure d'infraction à l'encontre de l'Autriche, était bien fondée. Le Médiateur a dès lors présenté à la Commission le projet de recommandation suivant:

Il convient que la Commission corrige son approche du traitement de la plainte en infraction des plaignants concernant l'aéroport de Vienne, qu'elle comble les lacunes mises en évidence par le Médiateur dans sa décision du 2 décembre 2009 concernant la plainte 1532/2008 et qu'elle conclue son évaluation dans les meilleurs délais.

L'évaluation du Médiateur après le projet de recommandation

En examinant les arguments opposés par les parties après le projet de recommandation, le Médiateur rappelle qu'il avait déjà indiqué que, dans ces circonstances, la décision de la Commission de demander à l'Autriche de mener une EIE ex post était à la fois adaptée et raisonnable en principe. La question qui doit être examinée est dès lors de savoir si la Commission a veillé à ce que cette EIE ex post soit menée dans les règles.

Dans ce contexte, les doutes du Médiateur portent principalement sur deux éléments:

1. l'applicabilité de l'article 10 bis de la directive "EIE";

2. le conflit d'intérêts relatif à l'autorité qui a mené l'EIE ex post.

La Commission affirme que l'article 10 bis n'aurait pas été applicable si les travaux avaient été soumis à une EIE ex ante, car l'article a été introduit par la directive 2003/35/CE pour être mis en œuvre avant le 25 juin 2005. Le Médiateur considère cet argument plausible, mais il n'est pas convaincu que l'article ne devrait pas non plus être applicable à l'EIE ex post, puisque l'objectif de l'EIE ex post était de simuler du mieux possible une EIE ex ante. En outre, l'article concerne les voies de recours à la disposition des citoyens.

Le Médiateur ne voit aucune raison majeure qui empêcherait l'article de s'appliquer à l'EIE ex post. Les autorités autrichiennes ont omis de mener une EIE et, étant donné que la loi a évolué depuis lors, il semblerait juste que ces changements soient pris en considération, dans l'intérêt des citoyens concernés.

Le Médiateur observe que la Commission a déclaré qu'elle "restait persuadée" que l'article 10 bis n'était pas applicable. Lors de son examen de la première plainte, le Médiateur avait spécifiquement demandé à la Commission son avis sur cette question et celle-ci avait répondu qu'elle estimait "que ces éléments couverts par l'"EIE ex post" peuvent être soumis à l'examen juridique, tel que mentionné à l'article 10 bis de la directive". Quand le Médiateur a demandé à la Commission davantage d'explications sur le sujet, elle a ajouté que l'article 10 bis "pourrait devoir être interprété, même dans le cadre d'une EIE ex post, comme le fait de donner accès à la justice dans le cadre de la décision administrative relative à de possibles mesures ultérieures découlant des résultats de l'EIE ex post".

Selon le Médiateur, si l'on compare les observations présentées par la Commission, il apparaît que celle-ci n'a pas estimé nécessaire d'examiner en détail si l'article 10 bis était applicable à l'EIE ex post ou a fait des déclarations qui pouvaient amener les plaignants et le Médiateur à croire que l'article était applicable, même si la Commission pensait le contraire. Le Médiateur estime que chacune de ces deux interprétations possibles révèlerait un grave non-respect des principes de bonne administration.

La Commission a suggéré que le fait que les voies de recours prévues à l'article 10 bis n'étaient pas admissibles pour l'EIE ex post pouvait être corrigé par l'EIE en cours pour la troisième et nouvelle piste.

Concernant le conflit d'intérêts, le Médiateur répète qu'une autorité qui, en l'absence de l'EIE obligatoire, a délivré les permis pour les travaux devant être exécutés, est impliquée dans un conflit d'intérêts s'il lui est demandé de réaliser une EIE ex post.

La Commission a déclaré que le ministère agissait selon le principe de la légalité et de l'état de droit. Le Médiateur ne juge pas l'argument de la Commission convaincant et il conclut que celle-ci n'a absolument pas tenu compte de l'argument des plaignants selon lequel le ministère était impliqué dans un conflit d'intérêts manifeste.

Le Médiateur a dès lors présenté à la Commission la recommandation suivante:

Il convient que la Commission reconsidère son approche du traitement de la plainte en infraction des plaignants concernant l'aéroport de Vienne et qu'elle comble les lacunes mises en évidence par le Médiateur. Cela signifie que les actions ultérieures de la Commission dans la procédure d'infraction devront tenir compte de l'obligation imposée aux autorités nationales de veiller à ce que i) les plaignants puissent former un recours et ii) que des mesures soient prises concernant un conflit d'intérêts manifeste dans l'application de la directive 85/337/CEE.

  • [1]  Plainte 1532/2008/(WP)GG.
  • [2]  Plainte 2591/2010/GG.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

22.1.2013

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

19

0

0

Membres présents au moment du vote final

Margrete Auken, Elena Băsescu, Heinz K. Becker, Victor Boştinaru, Giles Chichester, Nikolaos Chountis, Carlos José Iturgaiz Angulo, Peter Jahr, Lena Kolarska-Bobińska, Miguel Angel Martínez Martínez, Ana Miranda, Chrysoula Paliadeli, Angelika Werthmann, Tatjana Ždanoka

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Zoltán Bagó, Birgit Collin-Langen, Jaroslav Paška, Axel Voss

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Jan Kozłowski