Résolution du Parlement européen du 5 juin 2008 sur la situation en Géorgie
Le Parlement européen,
— vu ses résolutions antérieures sur la Géorgie, en particulier celles du 26 octobre 2006(1) et du 29 novembre 2007(2),
— vu sa résolution du 15 novembre 2007 sur le renforcement de la politique européenne de voisinage(3) (PEV), et ses résolutions du 17 janvier 2008 sur une politique de l'UE plus efficace pour le Caucase du Sud(4), et sur une approche politique régionale pour la mer Noire(5),
— vu l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part(6), qui est entré en vigueur le 1er juillet 1999,
— vu le plan d'action de la PEV approuvé par le Conseil de coopération UE-Géorgie le 14 novembre 2006,
— vu la résolution 1808(2008) du Conseil de sécurité des Nations unies du 15 avril 2008, qui soutient l'intégrité territoriale de la Géorgie et proroge au 15 octobre 2008 le mandat de la mission d'observation des Nations unies en Géorgie (MONUG),
— vu les recommandations adoptées par la commission de coopération parlementaire UE-Géorgie du 28 au 30 avril 2008,
— vu les déclarations de la Présidence en exercice du Conseil, au nom de l'Union européenne, des 18 avril et 2 mai 2008, sur l'escalade des tensions entre la Géorgie et la Russie,
— vu le relevé de constatations préliminaires et les conclusions de la mission internationale d'observation électorale en Géorgie, du 22 mai 2008,
— vu les conclusions du 26 mai 2008 de l'enquête effectuée par la MONUG sur l'incident au cours duquel un drone géorgien a été abattu,
— vu les conclusions du Conseil Affaires générales et relations extérieures sur la Géorgie du 26 mai 2008,
— vu l'article 103, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que l'Union européenne reste déterminée à continuer à développer et à approfondir ses relations avec la Géorgie et soutient les réformes politiques et économiques nécessaires, les mesures visant à mettre en place des institutions démocratiques solides et efficaces et un pouvoir judiciaire efficace et indépendant, ainsi que la poursuite des efforts de lutte contre la corruption, afin que la Géorgie devienne un pays qui vive dans la paix et la prospérité et qui puisse contribuer à la stabilité dans la région et dans le reste de l'Europe,
B. considérant que, à la suite d'un décret présidentiel, les ministères et autres agences publiques russes ont été chargés d'établir des liens officiels avec des agences homologues dans les républiques géorgiennes séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud,
C. considérant que la Fédération de Russie s'est distanciée de la décision du Conseil des chefs d'État de la Communauté des États indépendants (CEI) du 19 janvier 1996, qui interdit aux États signataires toute coopération militaire avec les autorités séparatistes d'Abkhazie,
D. considérant que, en mai 2008, la Russie a unilatéralement déployé des troupes supplémentaires et acheminé de l'artillerie lourde en Abkhazie, sous les auspices d'une mission de maintien de la paix de la CEI, et a annoncé son intention d'établir 15 points de contrôle supplémentaires le long de la frontière administrative; considérant que des représentants russes ont annoncé que les troupes du bataillon russe stationnées en Ossétie du Sud pourraient être renforcées,
E. considérant que, le 20 avril 2008, un drone de reconnaissance géorgien a été abattu au-dessus de l'Abkhazie et que le récent rapport de la MONUG sur cet incident précise que le drone a été abattu par un avion russe; considérant que le rapport souligne également que la Géorgie devrait cesser d'envoyer ces drones de reconnaissance au-dessus de l'Abkhazie,
F. considérant que, depuis octobre 2007, aucune réunion officielle de haut niveau n'a eu lieu entre des représentants géorgiens et abkhazes sous les auspices des Nations unies; considérant que le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, a présenté de nouvelles propositions de résolution du conflit en Abkhazie, qui prévoient une large représentation politique aux plus hauts niveaux du gouvernement géorgien, des droits de veto sur tous les textes législatifs importants concernant l'Abkhazie, ainsi que des garanties internationales dans l'optique d'assurer un large fédéralisme, une autonomie illimitée et la sécurité,
G. considérant que la Géorgie a engagé des démarches officielles exigeant la révision des modalités actuelles de maintien de la paix ou le remplacement du contingent russe de maintien de la paix actuellement déployé en Abkhazie,
H. considérant que, le 15 mai 2008, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution A/RES/62/249vreconnaissant le droit des réfugiés et des déplacés internes ainsi que de leurs descendants, indépendamment de toute considération ethnique, à rentrer en Abkhazie et soulignant l'importance de préserver les droits de propriété des réfugiés et des déplacés internes, y compris les victimes des faits de "purification ethnique" rapportés,
I. considérant que les autorités de Tbilissi ont suspendu les entretiens bilatéraux avec Moscou sur l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour protester contre la décision russe de renforcer sa coopération avec les républiques autoproclamées d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud; considérant que l'interdiction par la Russie des importations de vin et de produits agricoles géorgiens est toujours en vigueur,
J. considérant qu'un plébiscite national s'est déroulé en Géorgie le 5 janvier 2008; considérant que, lors du sommet de l'OTAN du 2 au 4 avril 2008 à Bucarest, aucun plan d'action pour l'adhésion n'a été offert à la Géorgie, mais qu'un engagement politique a été pris sur une adhésion à terme,
K. considérant que l'octroi de la citoyenneté russe aux habitants de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, qui leur permet de bénéficier de l'accord relatif à l'assouplissement des formalités de délivrance des visas passé entre l'Union et la Russie, désavantage de plus en plus les citoyens géorgiens, puisqu'un tel accord n'est pas encore en place entre la Géorgie et l'Union,
L. considérant qu'en dépit des efforts visant à organiser des élections en Géorgie conformément aux normes internationales, la mission internationale d'observation électorale chargée de suivre les élections législatives du 21 mai 2008 a identifié certains problèmes auxquels il devrait être remédié en temps utile,
1. exprime sa vive préoccupation face à l'escalade de la situation en Abkhazie et invite toutes les parties concernées à s'abstenir d'actions qui pourraient déstabiliser davantage la situation; préconise des efforts internationaux renouvelés afin de permettre aux parties en présence de reprendre le dialogue et de relancer le processus de paix en vue de parvenir à un règlement durable et global;
2. exprime sa profonde désapprobation vis-à-vis de l'annonce de la Russie indiquant qu'elle compte établir des liens officiels avec les institutions des autorités séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie; déplore, à cet égard, la décision prise le 31 mai 2008 par le ministère russe de la défense d'envoyer des forces militaires en Abkhazie pour rétablir l'infrastructure ferroviaire et routière dans la région séparatiste conformément au décret présidentiel";
3. réaffirme son soutien sans réserve à la souveraineté et à l'intégrité territoriales de la Géorgie dans ses frontières internationalement reconnues et invite la Russie à revenir sur cette décision, qui affaiblit les efforts de paix internationaux auxquels la Russie participe également;
4. soutient les efforts consentis pour apaiser les dissensions, grâce à des entretiens entre le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), le président Saakachvili et le ministre des affaires étrangères russe, Sergey Viktorovich Lavrov; presse l'envoyé spécial de l'Union pour le Caucase du Sud de trouver des moyens de faciliter le dialogue entre toutes les parties concernées et d'essayer de restaurer un certain degré de confiance mutuelle;
5. invite instamment la Fédération de Russie à retirer immédiatement les troupes supplémentaires qu'elle a acheminées en Abkhazie; considère que les modalités actuelles de maintien de la paix doivent être révisées, étant donné que les troupes russes ont perdu leur rôle de force de maintien de la paix neutre et impartiale, et préconise une participation européenne accrue dans ces conflits gelés, afin de faire progresser le processus de paix;
6. invite le Conseil à envisager de soutenir la présence internationale dans la zone de conflit en envoyant une mission frontalière de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), en se fondant sur l'expérience positive de la mission européenne d'assistance à la surveillance de la frontière (EUBAM) entre la Moldova et l'Ukraine située en Transnistrie, tout en suggérant que les États membres pourraient prendre un rôle plus actif dans la MONUG; invite les Nations unies à renforcer le mandat et les ressources de la MONUG;
7. invite le Conseil de sécurité des Nations unies, l' dirigée par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les autres organisations internationales à soutenir les propositions présentées par le gouvernement géorgien concernant de nouvelles négociations et d'autres modalités de maintien de la paix, dont l'établissement progressif de forces internationales de maintien de la paix véritablement indépendantes;
8. demande à cet égard au Conseil et à la Commission de soulever avec fermeté cette question avec leurs homologues russes lors du prochain sommet UE–Russie et au cours des négociations sur un nouvel accord de partenariat renforcé, et invite instamment les autorités russes à ne pas s'opposer à une éventuelle mission PESD dans la région, et notamment à la présence de l'Union dans des opérations de maintien de la paix civiles et militaires;
9. demande qu'une enquête et des inspections soient réalisées par les Nations unies pour déterminer si toutes les résolutions concernées du Conseil de sécurité des Nations unies sont rigoureusement appliquées par tous les acteurs dans la zone de conflit, y compris quant à la présence d'armes lourdes;
10. prend acte du résultat des élections législatives du 21 mai 2008 et des conclusions de la mission internationale d'observation électorale constatant que la journée de scrutin avait été globalement calme et considérée en général comme positive, et que des progrès significatifs avaient été accomplis depuis les élections présidentielles de janvier;
11. souligne toutefois qu'il reste à accomplir des efforts en étroite coopération avec la communauté internationale, afin de traiter et de résoudre tous les problèmes identifiés au cours du processus électoral, causés par la mise en œuvre insuffisamment cohérente et incomplète des normes de l'OSCE et du Conseil de l'Europe, et d'améliorer et de consolider les progrès démocratiques de la Géorgie; invite les autorités géorgiennes à traiter toutes les plaintes relatives au processus électoral de façon transparente et à poursuivre sur la voie de l'amélioration, afin de renforcer encore la confiance dans le processus électoral;
12. invite toutes les forces politiques de Géorgie à respecter l'état de droit, à s'engager sur la voie du dialogue constructif et du compromis et à s'abstenir de toute nouvelle polarisation de la société géorgienne; est conscient que le manque de confiance entre le gouvernement et les partis d'opposition constitue un obstacle au progrès démocratique et souhaite que toutes les forces politiques recherchent une culture politique démocratique dans laquelle le débat politique se déroule au parlement et les opposants politiques sont respectés, avec un dialogue constructif visant à soutenir et consolider les fragiles institutions démocratiques géorgiennes;
13. soutient le souhait de la Géorgie d'accélérer le processus d'intégration engagé avec l'Union dans le cadre d'une PEV renforcée;
14. demande au Conseil et à la Commission d'accélérer l'ouverture des négociations sur le régime de visas entre la Géorgie et l'Union, afin de conclure les accords relatifs à la réadmission et à l'assouplissement des formalités de délivrance des visas avec la Géorgie dans un avenir proche, pour que les citoyens de Géorgie ne soient pas défavorisés par rapport aux titulaires de passeports russes dans les régions séparatistes;
15. se félicite des conclusions du Conseil du 18 février 2008 sur la PEV, concernant la nécessité d'entamer des négociations portant sur des accords de libre-échange larges et globaux lorsque cela s'avère possible; demande instamment à la Commission de parvenir rapidement à un accord avec la Géorgie sur les ambitions de cet État et d'obtenir un mandat de négociation des États membres; espère que les progrès se poursuivront sur cette question pendant la Présidence française;
16. se félicite de la création de la sous-commission UE–Géorgie sur la justice, la liberté et la sécurité, en vue de renforcer le dialogue bilatéral et de mettre en œuvre le plan d'action de la PEV;
17. espère que la Géorgie fera pleinement usage des possibilités financières supplémentaires offertes par le fonds d'investissement en faveur de la PEV, en particulier pour des projets en matière d'infrastructures, d'énergie et de protection de l'environnement, mais invite la Commission à prêter une attention accrue à l'éducation, au renforcement de la démocratie et au domaine social;
18. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux États membres, au Président et au Parlement de la Géorgie, à l'OSCE, au Conseil de l'Europe ainsi qu'au Président et au Parlement de la Fédération de Russie.