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Procédure : 2018/2900(RSP)
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RC-B8-0551/2018

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PV 29/11/2018 - 8.10
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P8_TA(2018)0475

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Jeudi 29 novembre 2018 - Bruxelles
Le scandale des «CumEx Files»: la criminalité financière et les lacunes du cadre juridique actuel
P8_TA(2018)0475RC-B8-0551/2018

Résolution du Parlement européen du 29 novembre 2018 sur le scandale des «CumEx Files»: la criminalité financière et les lacunes du cadre juridique actuel (2018/2900(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu la série de révélations baptisée les «CumEx Files» faites le 18 octobre 2018 par un consortium de journalistes d’investigation emmené par le média allemand à but non lucratif CORRECTIV,

–  vu le règlement (UE) nº 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), modifiant la décision nº 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/77/CE de la Commission(1) (le «règlement AEMF»),

–  vu le règlement (UE) nº 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision nº 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission(2) (le «règlement ABE»),

–  vu la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal (deuxième directive relative à la coopération administrative)(3),

–  vu la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration (sixième directive relative à la coopération administrative)(4),

–  vu le rapport(5) rendu en juin 2017 par la quatrième commission d’enquête du Bundestag allemand chargée d’examiner ce scandale,

–  vu ses résolutions du 25 novembre 2015(6) et du 6 juillet 2016(7) sur les rescrits fiscaux et autres mesures similaires par leur nature ou par leur effet,

–  vu sa résolution du 16 décembre 2015 contenant des recommandations à la Commission en vue de favoriser la transparence, la coordination et la convergence des politiques en matière d’impôt sur les sociétés au sein de l’Union(8),

–  vu sa recommandation du 13 décembre 2017 au Conseil et à la Commission à la suite de l’enquête sur le blanchiment de capitaux, la fraude fiscale et l’évasion fiscale(9),

–  vu sa décision du 1er mars 2018 sur la constitution, les compétences, la composition numérique et la durée du mandat de la commission spéciale sur la criminalité financière, la fraude fiscale et l’évasion fiscale (TAXE3)(10),

–  vu son débat en plénière du 23 octobre 2018 sur le scandale des «CumEx Files»,

–  vu la réunion conjointe des commissions ECON et TAX3 du 26 novembre 2018,

–  vu l’article 123, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A.  considérant que les termes «cum ex» et «cum cum», ou montages commerciaux d’arbitrage de dividendes, désignent une pratique de vente d’actions menée de manière à dissimuler l’identité de leur propriétaire réel et à permettre aux deux parties engagées dans la vente de demander le remboursement des taxes prélevées de leur impôt sur les plus-values de capitaux, alors que celui-ci n’a été payé qu’une seule fois;

B.  considérant que le scandale des «CumEx Files» a été rendu public grâce à une enquête menée en collaboration par 19 médias européens, qui a mobilisé 38 journalistes représentant 12 pays;

C.  considérant que 11 États membres auraient perdu jusqu’à 55,2 milliards d’euros de recettes fiscales du fait des montages «cum ex» et «cum cum»;

D.  considérant qu’il est néanmoins difficile de calculer le préjudice maximal, étant donné que de nombreuses actions ont démarré à la fin des années 1990 et sont prescrites depuis longtemps;

E.  considérant que l’enquête du consortium de journalistes européens dévoile que les marchés allemand, danois, espagnol, italien et français seraient visés en priorité par les pratiques commerciales cum ex, suivis par les marchés norvégien, finlandais, polonais, néerlandais, autrichien et tchèque, et que ces pratiques pourraient concerner un nombre inconnu d’États membres de l’Union ainsi que des pays de l’Association européenne de libre-échange (par exemple, la Suisse);

F.  considérant que des enquêtes sont en cours dans les États membres de l’Union les plus touchés;

G.  considérant que les montages «cum ex» et «cum cum» présentent plusieurs marqueurs de fraude fiscale et qu’il reste à évaluer s’il y a eu violation du droit de l’Union ou d’un droit national;

H.  considérant que ces pratiques criminelles impliqueraient des établissements financiers d’États membres de l’Union, y compris plusieurs grandes banques commerciales de renom;

I.  considérant que, dans certains cas, les autorités compétentes n’ont pas mené d’enquêtes approfondies à partir des informations fournies par d’autres États membres en ce qui concerne les révélations relatives aux cum ex;

J.  considérant que le fait que les investisseurs étrangers puissent demander le remboursement de retenues à la source sur les dividendes joue un rôle central dans les révélations;

K.  considérant que, depuis septembre 2017, la deuxième directive relative à la coopération administrative impose aux États membres de l’Union de se procurer des informations auprès de leurs établissements financiers et de les échanger chaque année avec les États membres de résidence des contribuables;

L.  considérant que la sixième directive relative à la coopération administrative impose à toute personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration qui présente des marqueurs prédéfinis, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre de déclarer ce dispositif aux autorités fiscales nationales;

M.  considérant que le mandat de la commission spéciale sur la criminalité financière, la fraude fiscale et l’évasion fiscale (TAX3) comprend explicitement tous les événements relevant des compétences de cette commission qui se produiraient durant son mandat;

N.  considérant que les lanceurs d’alerte ont joué un rôle essentiel, ces 25 dernières années, dans la révélation au grand jour d’informations sensibles au centre de l’intérêt public, ce qui a une nouvelle fois été le cas en ce qui concerne les révélations relatives au scandale des «CumEx Files»(11) ;

1.  condamne en termes forts la fraude et l’évasion fiscales récemment révélées qui ont conduit à des pertes pour les États membres s’élevant, selon les estimations publiées par plusieurs médias, à 55,2 milliards d’euros de recettes fiscales, ce qui porte un coup à l’économie sociale de marché européenne;

2.  souligne que d’après la directive anti-blanchiment(12), les infractions fiscales liées aux impôts directs et indirects sont incluses dans la définition globale d’«activité criminelle» et sont considérées comme des infractions sous-jacentes au blanchiment de capitaux; rappelle que les établissements de crédit, les établissements financiers, les conseillers fiscaux, les comptables et les avocats sont tous considérés comme des «entités assujetties» au titre de la directive anti-blanchiment et sont donc tenus de se conformer à une série d’obligations afin de prévenir, de détecter et de signaler les activités de blanchiment de capitaux;

3.  observe avec inquiétude que le scandale des «CumEx Files» a ébranlé la confiance des citoyens dans les systèmes fiscaux et souligne qu’il est indispensable la rétablir et de s’assurer que les préjudices causés ne se reproduiront pas;

4.  regrette que le commissaire responsable de la fiscalité ne reconnaisse pas la nécessité d’étendre le système actuel d’échange d’informations entre les autorités fiscales nationales;

5.  demande à l’Autorité européenne des marchés financiers et à l’Autorité bancaire européenne de mener une enquête sur les montages commerciaux d’arbitrage de dividendes de type cum ex ou cum cum en vue d’évaluer les menaces qu’ils font peser sur l’intégrité des marchés financiers et sur les budgets nationaux, de déterminer quels acteurs interviennent dans ces montages et à quelle échelle, d’évaluer s’il y a eu violation du droit de l’Union ou d’un droit national, d’évaluer les mesures prises par les autorités de supervision financière dans les États membres et de formuler à l’intention des autorités compétentes concernées les recommandations appropriées sur les réformes à effectuer et les mesures à prendre;

6.  insiste sur le fait que les révélations rapportées ne perturbent pas la stabilité du système financier de l’Union;

7.  recommande que l’enquête établisse les manquements aux missions de coordination et de surveillance des autorités de supervision financière, des autorités boursières et des autorités fiscales des différents États membres, qui ont permis que ces montages de vol fiscal perdurent pendant plusieurs années, bien qu’ils aient été connus;

8.  demande que les autorités européennes et nationales de surveillance soient chargées d’examiner les pratiques d’évasion fiscale, qui peuvent faire peser un risque sur l’intégrité du marché intérieur;

9.  souligne que ces nouvelles révélations semblent révéler de possibles lacunes dans les législations fiscales nationales et dans les systèmes en vigueur d’échange d’informations et de coopération entre les autorités des États membres; invite les États membres à mettre réellement en œuvre l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal;

10.  plaide pour un renforcement des échanges d’informations au niveau des autorités fiscales afin d’éviter les problèmes de confidentialité fiscale constatés dans certains États membres;

11.  presse les autorités fiscales de tous les États membres de désigner des guichets uniques, comme l’entend le groupe de travail international pour le partage des renseignements et la collaboration de l’OCDE, et invite la Commission à assurer et à faciliter la coopération entre eux afin de garantir un partage rapide et efficace entre les États membres des informations relatives aux dossiers présentant une dimension transfrontière;

12.  invite aussi les autorités nationales compétentes, le cas échéant, à ouvrir des enquêtes pénales, à utiliser les instruments juridiques permettant de geler les avoirs suspects, à soumettre à des enquêtes les conseils d’administration qui pourraient être impliqués dans le scandale ainsi qu’à prononcer des sanctions appropriées et dissuasives à l’encontre des parties concernées; estime qu’il convient de traduire en justice les auteurs de ces infractions et ceux qui les ont permises, c’est-à-dire non seulement des conseillers fiscaux, mais également des avocats, des comptables et des banques; insiste sur l’impérieuse nécessité d’en finir avec l’impunité des cols blancs et de faire mieux respecter les réglementations financières;

13.  demande aux autorités de l’Union et des États membres d’enquêter sur le rôle des fonds d’assurance et des autorités de surveillance du secteur des assurances dans ce scandale;

14.  invite les autorités fiscales nationales à tirer pleinement parti de la sixième directive relative à la coopération administrative en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, notamment les demandes groupées; demande en outre le renforcement de cette directive afin de rendre obligatoire la publication des montages d’arbitrage de dividendes et toutes les informations sur les plus-values de capitaux, y compris l’octroi de remboursements d’impôt sur les dividendes et sur les plus-values de capitaux;

15.  presse tous les États membres, dont les marchés semblent visés en priorité par les pratiques commerciales d’arbitrage de dividendes, d’enquêter et d’analyser de manière approfondie les pratiques en matière de versement de dividendes dans leurs juridictions, d’identifier les failles dans leurs législations fiscales qui peuvent être exploitées à des fins d’évasion ou de fraude fiscales, d’analyser l’éventuelle dimension transfrontière de ces pratiques et de faire cesser toutes les pratiques fiscales ayant des effets préjudiciables;

16.  insiste sur la nécessité d’une action coordonnée entre les autorités nationales afin de garantir le recouvrement de tous les fonds puisés illégalement dans les comptes publics;

17.  presse la Commission d’évaluer et les États membres de réviser et de mettre à jour les conventions fiscales bilatérales conclues entre États membres et avec des pays tiers, de manière à combler les lacunes qui offrent des opportunités pour se livrer à des pratiques commerciales à visée fiscale, en l’occurrence à des fins d’évasion fiscale;

18.  demande à la Commission de s’atteler immédiatement à l’élaboration d’une proposition visant à créer une police financière européenne dans le cadre d’Europol, qui soit dotée de moyens d’enquête propres, ainsi que d’un cadre européen d’enquêtes fiscales transfrontières;

19.  invite la Commission à réviser la directive concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents afin de combattre les pratiques d’arbitrage de dividendes;

20.  invite la Commission à évaluer le rôle des entités ad hoc et entités à vocation spécifique, révélé par les «CumEx papers», et, le cas échéant, à proposer de restreindre l’emploi de ces instruments;

21.  demande à la Commission de réfléchir à une proposition législative pour instituer une cellule de renseignement financier de l’Union, un centre européen pour le travail commun d’enquête et un mécanisme de signalement précoce;

22.  prie instamment la Commission d’évaluer s’il serait nécessaire d’instaurer un cadre européen en matière de fiscalité des revenus du capital afin de restreindre les opportunités qui déstabilisent les flux financiers transfrontières, créent de la concurrence fiscale entre les États membres et érodent les assiettes fiscales, sur lesquelles repose la pérennité des États-providence européens;

23.  relève que la crise de 2008 a eu pour conséquence une réduction générale des ressources et du personnel des administrations fiscales; invite les États membres à investir, pour les moderniser, dans les outils à la disposition des autorités fiscales et à allouer à cette mission les ressources humaines nécessaires, de manière à améliorer la surveillance et à réduire les décalages temporels et les déficits d’information; demande aux États membres de renforcer les moyens de leurs autorités financières, afin de garantir qu’elles soient pleinement aptes à déceler les pratiques de fraude fiscale;

24.  insiste sur la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte qui divulguent des informations, par exemple au sujet d’une fraude ou d’une évasion fiscale au niveau des États membres ou de l’Union; invite toute personne qui détiendrait des informations d’intérêt public à les communiquer, soit en interne, soit en externe aux autorités nationales, soit, si nécessaire, au grand public; demande l’adoption rapide de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes dénonçant les infractions au droit de l’Union compte tenu des avis adoptés par les différentes commissions du Parlement européen;

25.  se félicite de la proposition de la Commission du 12 septembre 2018 qui vise à modifier, parmi d’autres règlements, le règlement instituant l’ABE afin de renforcer le rôle de l’ABE dans la surveillance du secteur financier aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux (COM(2018)0646); insiste sur le fait que, conformément au mécanisme de surveillance unique, la BCE est chargée de prendre des mesures d’intervention précoce, au sens des dispositions pertinentes du droit de l’Union; estime que la BCE devrait contribuer à alerter les autorités nationales compétentes et devrait coordonner toutes les mesures prises en cas de soupçon d’infraction aux règles anti-blanchiment dans des banques ou des groupes faisant l’objet d’une surveillance;

26.  est d’avis que les travaux des commissions TAXE, TAX2, PANA et TAX3 devraient se poursuivre au cours de la prochaine législature, dans le cadre d’une structure permanente du Parlement, en tant que sous-commission de la commission des affaires économiques et monétaires (ECON);

27.  invite la commission spéciale TAX3 à réaliser sa propre évaluation des révélations des «CumEx Files» et à en faire figurer les résultats et ses éventuelles recommandations en la matière dans son rapport final;

28.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à l’Autorité bancaire européenne et à l’Autorité européenne des marchés financiers.

(1) JO L 331 du 15.12.2010, p. 84.
(2) JO L 331 du 15.12.2010, p. 12.
(3) JO L 359 du 16.12.2014, p. 1.
(4) JO L 139 du 5.6.2018, p. 1.
(5) Bundestag allemand, document 18/12700 du 20.6.2017.
(6) JO C 366 du 27.10.2017, p. 51.
(7) JO C 101 du 16.3.2018, p. 79.
(8) JO C 399 du 24.11.2017, p. 74.
(9) JO C 369 du 11.10.2018, p. 132.
(10) Textes adoptés de cette date, P8_TA(2018)0048.
(11) Audition organisée conjointement par les commissions ECON et TAX3 du Parlement européen le 26 novembre 2018 et intitulée «Scandale des ‘CumEx Files’: la criminalité financière et les lacunes du cadre juridique actuel».
(12) Directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) nº 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO L 141 du 5.6.2015, p. 73).

Dernière mise à jour: 6 février 2020Avis juridique - Politique de confidentialité