RAPPORT sur les conséquences institutionnelles des négociations d’élargissement de l’Union

2.10.2025 - (2025/2041(INI))

Commission des affaires constitutionnelles
Rapporteur: Sandro Gozi


Procédure : 2025/2041(INI)
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A10-0177/2025

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur les conséquences institutionnelles des négociations d’élargissement de l’Union

(2025/2041(INI))

Le Parlement européen,

 vu le traité sur l’Union européenne (traité UE), et notamment son article 31, paragraphe 3, et ses articles 48 et 49,

 vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 81, paragraphe 3, ses articles 83 et 136, son article 153, paragraphe 2, son article 192, paragraphe 2, son article 312, paragraphe 2 et son article 333,

 vu les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2022, des 29 et 30 juin 2023, des 26 et 27 octobre 2023, des 14 et 15 décembre 2023, et du 27 juin 2024,

 vu la déclaration de Grenade du Conseil européen du 6 octobre 2023,

 vu le rapport de la présidence du Conseil sur l’état d’avancement des travaux sur l’avenir de l’Europe du 10 juin 2024,

 vu la communication de la Commission du 23 mars 2024 sur les réformes et les réexamens des politiques avant élargissement (COM(2024)0146),

 vu ses résolutions du 16 février 2017 sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne[1], et du 11 juillet 2023 sur la mise en œuvre des clauses «passerelles» dans les traités de l’Union européenne[2],

 vu le rapport du 9 mai 2022 sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe, et sa résolution du 4 mai 2022 sur le suivi des conclusions de la conférence sur l’avenir de l’Europe[3],

 vu ses résolutions du 9 juin 2022 sur la convocation d’une convention pour la révision des traités[4] et du 22 novembre 2023 sur les projets du Parlement européen tendant à la révision des traités[5], y compris par l’activation de l’article 48 du traité UE demandant au Conseil européen de décider de la convocation d’une convention pour réformer les traités,

 vu sa résolution du 29 février 2024 sur l’approfondissement de l’intégration européenne dans la perspective des futurs élargissements[6],

 vu le rapport de Mario Draghi du 9 septembre 2024 intitulé «L’avenir de la compétitivité européenne», le rapport d’Enrico Letta du 17 avril 2024 intitulé «Much more than a market» (Bien plus qu’un marché) et le rapport de Sauli Niinistö du 30 octobre 2024 intitulé «Safer Together – Strengthening Europe’s Civilian and Military Preparedness and Readiness» (Plus sûrs ensemble: renforcer la préparation et l’état de préparation civils et militaires de l’Europe),

 vu le rapport du groupe de travail franco-allemand sur les réformes institutionnelles de l’UE du 18 septembre 2023 intitulé «Naviguer en haute mer: Réforme et élargissement de l’UE au XXI siècle»,

 vu l’article 55 de son règlement intérieur,

 vu le rapport de la commission des affaires constitutionnelles (A10-0177/2025),

A. considérant que neuf des dix pays qui aspirent actuellement à adhérer à l’Union européenne sont officiellement candidats, et le sont pour certains d’entre eux depuis de nombreuses années; que les pays candidats se trouvent à différents stades du processus et des négociations d’adhésion; que la Géorgie a unilatéralement suspendu les négociations d’adhésion à l’Union européenne le 28 novembre 2024;

B. considérant que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ainsi que d’autres défis géopolitiques actuels, notamment une évolution inquiétante des relations transatlantiques, ont donné un nouveau sens géostratégique et une nouvelle impulsion au processus d’adhésion à l’Union et à l’unification européenne;

C. considérant que l’adhésion à l’Union européenne demeure un processus fondé sur le mérite et sur une évaluation de la mise en œuvre par chaque candidat des critères de Copenhague et des réformes nécessaires, en particulier pour ce qui est des «fondamentaux», du respect des principes de la démocratie, de l’état de droit, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, ainsi que de l’alignement sur la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union, pour s’assurer que l’élargissement renforce l’Union ainsi que son marché unique plutôt que de les affaiblir;

D. considérant que l’élargissement constitue un engagement historique, un instrument fondamental de la politique étrangère de l’Union, une priorité géopolitique stratégique ainsi que l’une des politiques de l’Union les plus réussies, et représente un investissement dans l’avenir du continent européen;

E. considérant que les pays candidats devraient mettre résolument en œuvre les réformes nécessaires et réaliser des progrès concrets et irréversibles dans les domaines essentiels du processus d’élargissement; que l’Union et les États membres devraient fournir une assistance financière et technique aux pays candidats afin de satisfaire à ces critères; que les valeurs et les principes fondamentaux de l’Union ne sont pas négociables;

F. considérant qu’une Union élargie verrait sa puissance et son influence politiques, économiques et militaires renforcées sur la scène mondiale, tout en promouvant les valeurs démocratiques partagées dans l’ensemble de la région concernée par l’élargissement de l’Union; qu’un marché unique élargi est important tant pour l’Union que pour les pays candidats, et qu’il ferait de l’Union un acteur économique encore plus compétitif et un partenaire commercial attrayant; que toute absence de progrès en matière d’élargissement de l’Union saperait les intérêts de l’Union dans le domaine économique ainsi que sécuritaire, et pourrait, à terme, pousser les pays tiers sur le continent européen à s’aligner économiquement et politiquement sur d’autres blocs (par exemple, la Russie et la Chine), ce qui pourrait donner naissance à des régions économiques rivales et réduire l’influence économique mondiale de l’Union, tout en ouvrant la voie à des tentatives de déstabilisation menées depuis le voisinage immédiat de l’Union;

G. considérant que les pays qui ont adhéré à l’Union en 2004 – ainsi que l’Union dans son ensemble –ont connu une croissance économique substantielle et bénéficié de normes plus élevées dans plusieurs domaines, y compris une hausse du PIB par habitant de 30 % en moyenne; qu’en moyenne, tous les nouveaux États membres ont enregistré une croissance supplémentaire de 12 % de leur PIB par rapport aux prévisions de croissance s’ils n’avaient pas adhéré à l’Union, et que cette croissance a été perceptible dans les cinq ans qui ont suivi leur adhésion; qu’au cours des vingt dernières années, l’économie de l’Union a progressé de 27 %; que les pays qui faisaient déjà partie de l’Union au moment de l’élargissement de 2004 ont également connu croissance et prospérité et qu’il existe une relation de cause à effet claire entre, d’une part, l’expansion des marchés, la connectivité et les investissements et, d’autre part, l’élargissement; que chaque région connaît une croissance économique grâce à l’élargissement, mais qu’en terme relatif, les régions les plus pauvres connaissent la plus forte croissance économique;

H. que le PIB par habitant des Balkans occidentaux, de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie continue de se situer aux alentours ou au-dessous de 50 % de celui de l’Union, bien que certains pays candidats aient affiché une croissance économique stable au cours des dernières années, ce qui permet une approche fondée sur le mérite et tournée vers l’avenir; que le bilan de tous les élargissements de l’Union démontre l’incidence positive de l’adhésion à l’Union, de l’adhésion au marché unique de l’Union et de l’accès aux fonds structurels sur la convergence économique et sociale; que des études montrent que l’adhésion de dix nouveaux États membres diminuerait de 10 % l’écart du PIB par habitant entre l’Union et les États-Unis; qu’un accès élargi aux marchés du travail, à la capacité industrielle, aux technologies numériques, en particulier l’intelligence artificielle, et aux minéraux de terres rares essentiels, entre autres, permettrait à l’Union d’accélérer les transitions écologique, numérique et juste, tout en diminuant leurs coûts et en gagnant dans le même temps en autonomie stratégique à l’égard de la Russie, de la Chine et d’autres concurrents systémiques; que les scénarios combinant un élargissement substantiel et une forte convergence prévoient une augmentation du PIB de l’Union pouvant atteindre 10 000 milliards de dollars américains d’ici à 2035;

I. considérant que les instruments de préadhésion jouent un rôle important dans la mesure où ils fournissent une contribution précieuse dans le cadre de la conception d’outils d’aide modernisés adaptés aux besoins spécifiques de chaque pays, à l’instar du programme d’aide communautaire aux pays d’Europe centrale et orientale (Phare), de l’instrument de préadhésion pour l’agriculture (SAPARD) et de l’instrument structurel de préadhésion (ISPA);

J. considérant que certains pays tiers sont confrontés à différents niveaux d’instabilité politique et que la mise en œuvre des réformes liées à l’adhésion à l’Union dans ces pays devrait contribuer à la stabilité et à l’état de droit dans la région, comme cela a été le cas lors des élargissements précédents; que l’Union dispose d’une large panoplie d’instruments pour garantir le respect des valeurs fondamentales dans les États membres et préserver la stabilité politique du projet européen dans son ensemble; que cet ensemble d’outils doit encore être réformé et renforcé, notamment par la mise en œuvre cohérente du mécanisme de protection de l’état de droit et la sauvegarde effective des valeurs fondamentales de l’Union consacrées à l’article 2 du traité UE, y compris par la fixation de conditions dans le cadre financier pluriannuel (CFP) actuel et dans le suivant;

K. considérant que la Commission et le Parlement devraient mettre en place des campagnes de sensibilisation dans les États membres et les pays candidats afin que les citoyens soient correctement informés des possibilités offertes par l’élargissement, tout en luttant contre les activités de manipulation de l’information et d’ingérence menées depuis la Russie et d’autres pays en vue d’éroder le soutien de la population à l’élargissement;

L. considérant que le cadre institutionnel de l’Union, et en particulier ses processus décisionnels, doit être renforcé et amélioré pour l’Union européenne dans sa configuration actuelle, composée de 27 États membres; que la préparation de l’élargissement nécessite des réformes internes au sein de l’Union et que le processus d’élargissement devrait être mené parallèlement aux réformes institutionnelles et décisionnelles nécessaires en vue de préserver la capacité d’intégration de l’Union; que la perspective d’élargissements futurs rend plus nécessaire et urgente que jamais la réforme des institutions, des politiques et des procédures décisionnelles de l’Union;

M. considérant que les élargissements précédents ont souvent été précédés ou accompagnés de réformes institutionnelles internes en matière de gouvernance de l’Union et que ces processus d’élargissement ont généralement constitué un moteur puissant pour le développement et l’essor économique et démocratique des pays candidats;

N. considérant que dans sa déclaration de Grenade du 6 octobre 2023, le Conseil européen reconnaît que l’intensification nécessaire des efforts de réforme déployés au sein des pays candidats devrait s’accompagner d’un processus parallèle de travaux préparatoires et de réformes au sein de l’Union;

O. considérant que dans ses conclusions du 27 juin 2024, le Conseil européen établit une feuille de route pour les travaux futurs sur les réformes internes; que le Conseil européen est conscient que le renforcement de l’Union et de la souveraineté européenne nécessite des réformes permettant à l’Union de réaliser ses ambitions à long terme, de mener à bien ses politiques et ses priorités et de répondre aux nouvelles réalités géopolitiques et aux nouveaux défis dans ce domaine;

P. considérant que d’après ces conclusions, les réformes internes devraient progresser parallèlement au processus d’élargissement, pour faire en sorte que les politiques soient adaptées à l’avenir et financées de manière durable et que les institutions de l’Union continuent à fonctionner et à agir de manière efficace; considérant que le Conseil européen a invité la Commission à présenter en 2025 un réexamen approfondi des politiques, portant sur quatre volets, à savoir les valeurs et l’état de droit, les politiques, le budget et la gouvernance;

Q. considérant que la perspective d’un prochain élargissement expose l’Union à un triple défi: garantir l’efficacité des procédures décisionnelles (le défi de l’efficacité), réunir des ressources suffisantes pour atteindre ses objectifs stratégiques (le défi des pouvoirs et des ressources) et préserver la légitimité démocratique ainsi que la responsabilité de ses actions (le défi de la démocratie);

R. considérant que les réformes avant élargissement du cadre institutionnel de l’Union impliquent la promotion éventuelle de solutions d’intégration différenciées chaque fois que les traités le permettent; que les procédures prévues aux articles 20, 42 et 46 du traité UE sur la coopération renforcée et la coopération structurée permanente (CSP) permettent aux États membres qui le souhaitent d’approfondir leur intégration et de renforcer leur coopération dans le cadre des compétences non exclusives de l’Union;

S. considérant que les clauses «passerelles» pourraient être utilisées immédiatement pour passer de la règle de l’unanimité au vote à la majorité qualifiée dans des domaines d’action spécifiques; que le traité UE établit que l’objectif ultime de la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union est l’établissement d’une défense commune par décision unanime du Conseil européen, qui doit être compatible avec l’OTAN;

T. considérant qu’en raison de la flexibilité limitée des traités, il convient d’envisager une réforme plus approfondie au moyen de modifications ciblées des traités; que le Parlement a lancé la procédure de révision des traités et a soumis au Conseil des projets tendant à la révision des traités conformément à l’article 48, paragraphe 2, du traité UE;

Le coût d’une Union élargie non réformée

1. fait valoir que l’Union et les pays candidats ont toujours utilisé l’élargissement comme un outil politique et géopolitique pour promouvoir la démocratie, la stabilité, la sécurité et la prospérité sur l’ensemble du continent; est d’avis que l’élargissement de l’Union représente un investissement géostratégique à long terme;

2. souligne que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ainsi que d’autres défis géopolitiques accentuent l’urgence de poursuivre le processus d’élargissement; maintient qu’un élargissement réussi et durable nécessite une vision politique à long terme et des décisions audacieuses visant à promouvoir une Europe efficace, puissante et démocratique;

3. constate que l’expérience acquise montre que chaque nouvelle vague d’élargissement entraîne de nouveaux défis et de nouvelles possibilités de nature institutionnelle et politique qui devraient être abordés en temps opportun, de préférence avant que les pays candidats ne deviennent des États membres, afin de garantir le fonctionnement effectif de l’Union et d’éviter l’impasse institutionnelle; rappelle que chaque élargissement de l’histoire du projet européen a été précédé ou accompagné par les réformes institutionnelles internes nécessaires;

4. est conscient du fait que l’objectif de l’unanimité est de veiller à ce que les inquiétudes légitimes de tous les États membres soient prises en considération; estime cependant qu’une Union élargie nécessitera une coordination plus sophistiquée afin de faire face aux défis que pose le processus d’élargissement actuel; souligne qu’il importe de remédier aux difficultés causées par l’unanimité au sein du Conseil, y compris le recours à l’unanimité pour les étapes intermédiaires du processus d’élargissement, qui pourrait ralentir l’adhésion de nouveaux membres à l’Union en raison de questions bilatérales; rappelle que l’article 49 du traité UE permet de passer au vote à la majorité qualifiée sans qu’il soit nécessaire de modifier les traités; relève la structure et la gouvernance lourdes et dépassées du budget de l’Union, ainsi que la possible redistribution lors de l’allocation des fonds agricoles et de cohésion; rappelle que l’élargissement de l’Union donne l’occasion de recalibrer les principales politiques de l’Union en la matière; soutient les initiatives visant à rendre le processus décisionnel plus efficace, ce qui est essentiel pour renforcer la compétitivité de l’Union;

5. réaffirme sa position selon laquelle l’approfondissement de l’Union, son processus d’élargissement et l’unification européenne devraient aller de pair; souligne que des réformes institutionnelles et financières de l’Union sont nécessaires pour relever les défis du processus d’élargissement actuel et garantir la capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres et à promouvoir leur intégration réussie sans déstabiliser les économies des autres États membres ni exacerber les tensions sociales;

6. reconnaît que des solutions ad hoc pourraient servir de solutions temporaires, mais qu’elles manquent de la prévisibilité, de la transparence et de la responsabilité démocratiques, ainsi que de la durabilité à long terme que seules les réformes structurelles peuvent apporter;

Objectifs des réformes institutionnelles préalables à l’élargissement: efficacité, pouvoirs et démocratie

7. est fermement convaincu que les réformes institutionnelles de l’Union, indépendamment de la procédure décisionnelle pour leur adoption, devraient accroître la capacité de l’Union à agir de manière efficace et en temps utile; souligne que les réformes du cadre institutionnel de l’Union avant l’élargissement devraient répondre aux objectifs visant à améliorer l’efficacité de l’Union, et à la rendre plus puissante sur la scène mondiale, plus démocratique, légitime et responsable;

Le défi de l’efficacité

8. souligne que, afin d’améliorer l’efficacité de l’Union élargie, il conviendrait d’adapter la composition des institutions de l’Union et d’améliorer leur fonctionnement ainsi que leur efficacité; suggère que le processus d’élargissement soit soutenu par une participation précoce et étroite des pays candidats au fonctionnement des institutions de l’Union, par exemple grâce au statut d’observateur; relève que cet objectif pourrait être atteint de la même manière que lors de l’élargissement de 2004; prend acte, en tant qu’exemple positif de cette intégration progressive, des efforts consentis par la Commission en vue d’associer les pays candidats dans les domaines de la sécurité et de la défense, notamment en les mentionnant dans le livre blanc sur l’avenir de la défense européenne et dans la stratégie européenne de sécurité intérieure;

9. note que les réformes institutionnelles préalables à l’élargissement doivent tenir compte des conséquences de l’élargissement sur la composition du Parlement; souligne que, tout en assurant une représentativité démocratique appropriée, le Parlement doit rester d’une taille raisonnable; met an avant la nécessité d’accorder la priorité aux travaux internes et interinstitutionnels portant sur la définition d’un mécanisme permanent d’attribution des sièges, capable d’assurer une représentation démographique et géographique équitable, transparente et durable dans le respect du principe de proportionnalité dégressive; rappelle sa position selon laquelle la composition du Parlement devrait être examinée en même temps que le système de vote au Conseil;

10.  note que la composition actuelle de la Commission doit tenir compte de l’élargissement; rappelle, à cet égard, la flexibilité prévue par le traité de Lisbonne; souligne que toute réduction de la taille du collège des commissaires, conformément à l’article 17, paragraphe 5, du traité UE, doit continuer à garantir une composition de la Commission qui présente un équilibre sur les plans géographique et démographique ainsi qu’entre les femmes et les hommes;

11.  reconnaît la nécessité d’envisager la révision du fonctionnement et du processus décisionnel du Conseil dans la perspective de l’élargissement; insiste sur le fait que la majorité qualifiée doit être redéfinie afin d’améliorer l’équilibre entre les grands et les petits États et de maintenir des seuils plus élevés pour les décisions les plus importantes et les plus délicates sur le plan politique; rappelle à cet égard sa résolution du 22 novembre 2023 sur ses projets tendant à la révision des traités, notamment sur les majorités de vote au sein du Conseil; demande que le processus décisionnel du Conseil soit le plus transparent et le plus intègre possible dans le contexte de l’élargissement;

12. propose de renforcer et de réformer la procédure prévue à l’article 7 du traité UE en mettant fin à la règle de l’unanimité pour les décisions du Conseil européen, en établissant un calendrier précis et en faisant de la Cour de justice de l’Union européenne le juge des violations;

Le défi des pouvoirs et des ressources

13. demande une nouvelle fois la révision de la gouvernance du CFP, notamment en attribuant des pouvoirs colégislatifs à part entière sur le volet des dépenses du budget de l’Union, y compris l’adoption du CFP;

14. se dit convaincu que la clause actuelle de révision obligatoire en cas d’élargissement doit être maintenue dans le prochain CFP et que les enveloppes nationales ne doivent pas être affectées; souligne que le prochain CFP devra également mettre en place des mesures de transition et d’introduction progressive appropriées pour les grands domaines de dépenses, tels que la cohésion et l’agriculture, sur la base d’une évaluation en profondeur des incidences sur les différents secteurs;

15. est d’avis que le prochain CFP sera déterminant pour préparer l’Union à l’élargissement et les pays candidats à l’adhésion;

16. rappelle sa position qu’il a exprimée dans sa résolution du 7 mai 2025 sur un budget à long terme rénové pour l’Union dans un monde en mutation[7], selon laquelle le budget à long terme de l’Union doit s’éloigner de la limite historique restrictive de 1 % du revenu national brut agrégé que l’Union s’est imposée à elle-même; souligne que les rapports Draghi et Letta ont indiqué que d’importantes ressources propres supplémentaires sont nécessaires pour que l’Union devienne plus compétitive, mène à bien la transition écologique et juste et soit en mesure de se défendre de manière autonome contre une agression russe d’ici 2030;

17. souligne que le CFP pour l’après-2017 ainsi qu’un budget plus efficace, y compris le train de mesures relatif à de nouvelles ressources propres, devraient permettre à l’Union d’avancer de manière plus décisive vers un élargissement, tout en préservant les politiques, les priorités et les programmes actuels;

Le défi de la démocratie

18. souligne l’importance d’affermir la légitimité démocratique des politiques de l’Union en renforçant les droits en matière de prise de décision et de contrôle, y compris un droit d’enquête solide, conférés au Parlement européen, qui est la seule institution directement élue représentant les citoyens de l’Union;

19. souligne le rôle clé que jouent les parlements des pays candidats dans le processus d’adhésion à l’Union, notamment par l’adoption de la législation relative à l’adhésion, et met en avant à cet égard l’importance d’une coopération parlementaire et d’une recherche de consensus en ce qui concerne les questions relatives à l’adhésion à l’Union; rappelle que le Parlement européen est disposé à mettre à profit ses ressources politiques et techniques pour aider les parlements des pays candidats à faire avancer le programme de réformes liées à l’Union, y compris grâce à des activités de soutien à la démocratie; se félicite des progrès accomplis dans un certain nombre de pays candidats, notamment grâce à des activités de médiation et au processus de dialogue Jean Monnet;

20. souligne que la réforme du processus décisionnel de l’Union requiert de renforcer la position du Parlement en le plaçant sur un pied d’égalité avec le Conseil; demande une nouvelle fois que le Parlement jouisse pleinement du droit d’initiative législative, à savoir le pouvoir d’introduire, de modifier ou d’abroger un acte législatif de l’Union; se déclare convaincu qu’un droit d’initiative direct général consoliderait la légitimité démocratique de l’Union et donnerait à ses citoyens les moyens d’agir;

21. est conscient que les droits d’initiative directs du Parlement sont loin d’être suffisants pour lui permettre de représenter les citoyens, la société civile et les partenaires sociaux de l’Union au sein des institutions européennes, et qu’ils laissent dans les faits à la Commission un monopole sur l’initiative législative;

22. remarque que le traité de Lisbonne lui confère déjà des droits d’initiative directs, la compétence de s’organiser, une fonction de contrôle et une légitimité démocratique en tant que seule institution de l’Union directement élue par les citoyens;

23.  estime qu’il est essentiel d’améliorer la transparence et la responsabilité démocratique du Parlement, en renforçant la dimension européenne des élections et en établissant des règles électorales uniformes dans l’ensemble de l’Union; demande à l’État membre qui ne l’a pas encore fait de ratifier la décision du Conseil 2018/994[8]; invite le Conseil à mener des travaux sur les suggestions présentées dans la position du Parlement le 3 mai 2022[9]; demande une nouvelle fois au Parlement et au Conseil de faire avancer les discussions sur l’introduction d’un mécanisme permanent d’attribution des sièges au Parlement européen;

Moyens de mise en œuvre des réformes institutionnelles préalables à l’élargissement

24. estime que les objectifs susmentionnés des réformes institutionnelles préalables à l’élargissement peuvent être mis en œuvre par différents moyens, notamment en activant les flexibilités offertes par les traités actuels par une ou plusieurs modifications ciblées des traités;

25. rappelle qu’un certain nombre d’instruments de flexibilité, tels que les clauses «passerelles», la coopération renforcée, les abstentions constructives, la coopération structurée permanente (CSP) et les mécanismes de non-participation, sont déjà possibles dans le cadre juridique actuel de l’Union, comme l’ont clairement démontré les expériences de l’espace Schengen – l’une des plus grandes réalisations de l’Union – et de la monnaie unique; rappelle que des solutions d’intégration progressive, des dérogations temporaires et des périodes de transition peuvent être négociées pour certains domaines d’action dans le cadre des procédures d’adhésion;

26. rappelle sa position selon laquelle l’intégration différenciée devrait toujours se faire dans le cadre des traités et préserver l’unité des institutions de l’Union, et qu’elle ne saurait conduire à la création de dispositions institutionnelles parallèles ou de dispositions qui enfreignent indirectement l’esprit et les principes fondamentaux du droit de l’Union, mais qu’elle devrait permettre la création d’éventuels organes spécifiques s’il y a lieu, sans préjudice des compétences et du rôle des institutions de l’Union;

27. met en avant le fait que les flexibilités prévues par les traités actuels permettent d’aller plus loin afin de progresser vers une union européenne de la défense, sans pour autant nécessiter un processus exhaustif de réforme des traités; souligne que la mise en œuvre d’une union européenne de la défense qui soit permanente exigera à terme qu’une décision unanime soit prise conformément à l’article 42, paragraphe 2, du traité UE;

28. souligne que, dans le domaine de la défense, la CSP (ex-article 46 du traité UE) permet à un groupe d’États membres de progresser vers la création d’un système de défense européen; note que, bien que la CSP ait été principalement utilisée pour des projets de défense industrielle, elle dispose d’un plus large potentiel pour permettre aux États membres qui le souhaitent d’institutionnaliser sans délai la défense commune, même en l’absence d’unanimité au sein du Conseil européen;

29. souligne que, conformément aux dispositions existantes du traité, une décision prise à la majorité qualifiée permettrait la création d’un système de défense européen en vertu de l’article 42, paragraphe 6, du traité UE et de l’article 1er, point b), du protocole nº 10, tout en laissant la possibilité à d’autres États membres d’adhérer ultérieurement, comme ce fut le cas pour l’Union économique et monétaire; invite, à cet égard, la Commission et les États membres qui le souhaitent à activer sans délai les dispositions de la CSP à cette fin;

30.  insiste sur le fait que, pour réformer efficacement le cadre institutionnel de l’Union en vue de l’unification européenne, certaines modifications essentielles ciblées des traités sont indispensables; rappelle à cet égard les suggestions qu’il a formulées dans sa résolution du 22 novembre 2023 sur ses projets tendant à la révision des traités, en particulier en ce qui concerne la réforme du processus décisionnel dans l’Union, l’augmentation du recours au vote à la majorité qualifiée et à la procédure législative ordinaire, la composition de la Commission et le renforcement des compétences du Parlement européen; rappelle au Conseil européen l’obligation qui lui incombe en vertu des traités de donner suite à l’activation par le Parlement de la procédure ordinaire de révision des traités prévue à l’article 48 du traité UE;

31. invite la Commission et le Conseil à communiquer clairement les conclusions des réexamens des politiques et à mettre au point, en coopération avec le Parlement, une feuille de route réaliste et échelonnée pour la mise en œuvre des réformes institutionnelles nécessaires en lien avec le processus d’élargissement;

°

° °

32. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

 


 

EXPOSÉ DES MOTIFS

 

Le rapport expose la position du Parlement sur les réformes du cadre institutionnel de l’Union et la voie à suivre pour le fonctionnement futur d’une Union élargie.

Il a pour point de mire la création d’une Union plus puissante, plus efficace, plus compétitive et plus démocratique, fondée sur le principe du LIBRE choix POLITIQUE, en approfondissant l’intégration de l’Union afin de contribuer à relever les défis du XXIe siècle. Le cadre institutionnel de l’Union doit être modifié pour être en mesure de répondre aux enjeux de nature institutionnelle et politique, et les futurs élargissements sont le catalyseur de ce changement.

 

La première partie du rapport montre que si aucune réforme de l’architecture institutionnelle et de la prise de décision de l’Union élargie de plus de 30 États membres n’était entreprise, le coût en serait trop élevé et trop risqué. Par conséquent, la question qu’il convient de se poser n’est pas de savoir s’il faut élargir l’Union ou non, mais plutôt comment faire en sorte que l’Union et ses États membres bénéficient le plus du prochain élargissement. Les enjeux sont bien connus et décrits, et la nécessité d’une réforme est plutôt consensuelle, ce qui rend cet impératif d’autant plus urgent.

 

La deuxième partie du rapport examine les moyens – dans le cadre des traités et en dehors de celui-ci – d’aider l’Union élargie:

• à être plus efficace (grâce à une réforme de la composition et du fonctionnement des principales institutions de l’Union: le Parlement, le Conseil et la Commission);

• à accélérer sa prise de décision (grâce à la levée des vetos);

• à être plus puissante (en créant un système européen de défense et en stimulant les investissements);

• et à être plus démocratique et plus responsable (en renforçant les compétences du Parlement en tant que seule institution de l’Union élue au suffrage direct, ainsi qu’en réformant la loi électorale européenne).

 

La dernière partie du rapport propose des pistes de réflexions sur les moyens de mettre en œuvre les réformes institutionnelles préalables à l’élargissement, notamment:

• les flexibilités offertes par les traités actuels: les clauses passerelles, la coopération renforcée, les abstentions constructives, la coopération structurée permanente et les mécanismes de non-participation;

• et des modifications essentielles ciblées des traités, conformément aux propositions de réformes institutionnelles présentées par le Parlement dans sa résolution du 22 novembre 2023 sur ses projets tendant à la révision des traités.

 

Le rapport apporte une contribution opportune aux réexamens, attendus de longue date, des politiques avant élargissement par la Commission, au rapport de la présidence du Conseil sur l’état d’avancement des travaux sur l’avenir de l’Europe ainsi qu’aux conclusions du Conseil européen sur le même sujet.


ANNEXE: DÉCLARATION DES CONTRIBUTIONS

Le rapporteur déclare, sous sa responsabilité exclusive, n’avoir inclus dans son rapport aucune contribution de représentants d’intérêts relevant du champ d’application de l’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire[10], ou de représentants des autorités publiques de pays tiers, y compris leurs missions diplomatiques et ambassades, devant être énumérés dans la présente annexe en vertu de l’article 8 de l’annexe I du règlement intérieur.


 

INFORMATIONS SUR L’ADOPTION PAR LA COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND

Date de l’adoption

23.9.2025

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

18

9

0

Membres présents au moment du vote final

Gerolf Annemans, Brando Benifei, Gabriele Bischoff, Salvatore De Meo, Vasile Dîncu, Daniel Freund, Charles Goerens, Sandro Gozi, Patryk Jaki, Ľubica Karvašová, Juan Fernando López Aguilar, Thijs Reuten, Ernő Schaller-Baross, Bartłomiej Sienkiewicz, Sven Simon, Stanisław Tyszka, Reinier Van Lanschot, Alexandre Varaut, Adrián Vázquez Lázara, Sabine Verheyen, Loránt Vincze, Charlie Weimers

Suppléants présents au moment du vote final

Marc Angel, Sebastião Bugalho, Marieke Ehlers, Ana Miguel Pedro

Députés visés à l’art. 216, par. 7, du règlement intérieur présents au moment du vote final

Kosma Złotowski

 


 

VOTE FINAL PAR APPEL NOMINAL PAR LA COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND

18

+

PPE

Sebastião Bugalho, Salvatore De Meo, Ana Miguel Pedro, Sven Simon, Sabine Verheyen, Loránt Vincze, Adrián Vázquez Lázara

Renew

Charles Goerens, Sandro Gozi, Ľubica Karvašová

S&D

Marc Angel, Brando Benifei, Gabriele Bischoff, Vasile Dîncu, Juan Fernando López Aguilar, Thijs Reuten

Verts/ALE

Daniel Freund, Reinier Van Lanschot

 

9

-

ECR

Patryk Jaki, Charlie Weimers, Kosma Złotowski

ESN

Stanisław Tyszka

PPE

Bartłomiej Sienkiewicz

PfE

Gerolf Annemans, Marieke Ehlers, Ernő Schaller-Baross, Alexandre Varaut

 

0

0

 

 

 

Légende des signes utilisés:

+ : pour

- : contre

0 : abstention

 

 

Dernière mise à jour: 13 octobre 2025
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