RAPPORT sur le projet de deuxième protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, additionnel à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (7752/96 - C4-0137/96 - 95/0360(CNS))

9 octobre 1996

Commission des libertés publiques et des affaires intérieures
Rapporteur: M. Rinaldo Bontempi

Par lettre du 8 juin 1996, le Conseil a consulté le Parlement, conformément à l"article K.3, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, sur le projet de deuxième protocole à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (document du Conseil 7752/96), tel qu'il résulte des délibérations du Conseil. Ce projet se fonde sur la proposition de la Commission concernant un acte du Conseil établissant le protocole additionnel à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, additionnel à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes) (COM(95)0693).

Au cours de la séance du 15 juillet 1996, le Président du Parlement a annoncé qu"il avait renvoyé ce projet, pour examen au fond, à la commission des libertés publiques et des affaires intérieures et, pour avis, à la commission du contrôle budgétaire, à la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités ainsi qu'à la commission juridique et des droits des citoyens.

Au cours de sa réunion du 11 juin 1996, la commission des libertés publiques et des affaires intérieures avait nommé M. Bontempi rapporteur.

Au cours de ses réunions des 8 et 9 juillet 1996, des 26 et 27 septembre 1996 et des 7 et 8 octobre 1996, elle a examiné le projet de rapport.

Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté le projet de résolution législative à l'unanimité.

Ont participé au vote les députés Marinho, président; Colombo Svevo et Wiebenga, vice-présidents; Bontempi, rapporteur; d'Ancona, Caccavale, Camisón Asensio (suppléant Mme Cederschiöld), Chanterie (suppléant M. Lehne), D'Andrea, De Esteban Martin, Deprez, Elliott (suppléant M. Ford), Haarder, Hlavac (suppléant Mme Wemheuer), Lambraki (suppléant Mme Crawley), Lindeperg, Linzer, Lööw, Nassauer, Newman, Posselt, Reding, Schulz, Stewart-Clark, Terrón i Cusí et Van Lancker (suppléant Mme Zimmermann).

L'avis de la commission du contrôle budgétaire est joint au présent rapport; ni la commission juridique et des droits des citoyens ni la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités n'ont émis d'avis sur le projet de deuxième protocole à l'examen.

Le rapport a été déposé le 9 octobre 1996.

Le délai de dépôt des amendements sera indiqué dans le projet d"ordre du jour de la période de session au cours de laquelle le rapport sera examiné.

A. PROPOSITION LÉGISLATIVE - PROJET DE RÉSOLUTION LÉGISLATIVE

Projet de deuxième protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, additionnel à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (7752/96 - C4-0137/96 - 95/0360(CNS))

Ce projet est approuvé avec les modifications suivantes:

Projet du Conseil

Amendements du Parlement

(Amendement 1)

Titre

Deuxième protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, additionnel à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes

Deuxième protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, additionnel à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, concernant la responsabilité des personnes morales ainsi que le blanchiment

(Amendement 2)

Nouveau considérant

considérant qu'un instrument distinct réglementera les modalités de l'assistance et de la coopération judiciaire, ainsi que la compétence prioritaire et la coordination mise en oeuvre par la Commission européenne en cas de fraudes transnationales aux dépens du budget communautaire;

(Amendement 3)

Article premier, point c)

c) [par "corruption", les comportements visés aux articles 2 et 3 du premier protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, établi à Bruxelles par acte du Conseil le 26 juillet 1995,[

c) par "corruption", les comportements visés aux articles 2 et 3 du premier protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, établi à Bruxelles par acte du Conseil le ...,

(Amendement 4)

Article premier, point d)

d) par "personne morale", toute entité ayant ce statut en vertu du droit national applicable, exception faite des États ou des autres entités publiques dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique et des organisations internationales publiques.

d) par "personne morale", toute entité ayant ce statut en vertu du droit national applicable, exception faite des États ou des autres entités publiques dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique et des organisations internationales publiques, ainsi que toute entreprise économiquement active et ayant des droits et des devoirs spécifiques.

Les États membres font en sorte que, dans le respect de leur ordre juridique national, les responsabilités fixées par ce projet de deuxième protocole s'appliquent aux entreprises économiques actives (à patrimoine distinct), à statut juridique, moyennant indépendance apparente ou de fait de leurs titulaires.

(Amendement 5)

Titre II

Personnes morales

Responsabilité despersonnes morales

(Amendement 6)

Article 2, paragraphe 1

1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les personnes morales puissent être tenues responsables pour la fraude [et la corruption[ commise pour leur compte par toute personne ayant le pouvoir de décision ou de contrôle au sein de la personne morale, ainsi que pour la complicité, l'instigation ou la tentative relatives à une telle fraude [ou corruption[.

1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les personnes morales puissent être tenues pour pénalement ou administrativement responsables de la fraude et de la corruption commises sur leur ordre ou pour leur compte par toute personne ayant, de droit ou de fait, le pouvoir de décision ou de contrôle au sein de la personne morale. Sont assimilées à la fraude ou à la corruption la complicité, l'instigation ou la tentative y afférentes.

(Amendement 7)

Article 2, paragraphe 2

2. En dehors des cas déjà prévus par le paragraphe 1, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que la personne morale puisse être tenue responsable lorsque le défaut d'organisation, de surveillance ou de contrôle de la part d'une peronne visée au paragraphe 1 a rendu possible la commission d'une fraude [ou d'un acte de corruption[ par une personne soumise à son autorité pour le compte de la personne morale.

2. En dehors des cas prévus par le paragraphe 1, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que la personne morale puisse être tenue pour pénalement ou administrativement responsable lorsque le défaut d'organisation, de surveillance ou de contrôle de la part d'une peronne visée au paragraphe 1 a rendu possible la commission d'une fraude ou d'une corruption par une personne soumise à son autorité sur ordre ou pour le compte de la personne morale.

(Amendement 8)

Article 2, paragraphe 3

3. La responsabilité de la personne morale en vertu des paragraphes 1 et 2 n'exclut pas les poursuites contre les personnes physiques auteurs, instigateurs ou complices de la fraude [ou de la corruption[.

3. La responsabilité de la personne morale en vertu des paragraphes 1 et 2 n'exclut pas les poursuites contre les personnes physiques auteurs, instigateurs ou complices.

(Amendement 9)

Article 3, paragraphe 1

1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer qu'une personne morale déclarée responsable selon l'article 2 paragraphe 1 puisse faire l'objet des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, incluant en particulier les sanctions suivantes:

1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer qu'une personne morale déclarée responsable selon l'article 2 paragraphes 1 et 2 puisse faire l'objet des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, incluant, entre autres, les sanctions suivantes:

a) des amendes

a) des sanctions pécuniaires ou des amendes

b) des mesures d'exclusion du bénéfice d'un avantage ou d'une aide publique

b) des mesures d'exclusion du bénéfice d'un avantage ou d'une aide publique ou de la participation à des marchés publics

c) des mesures d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une activité commerciale

c) des mesures d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une activité commerciale

d) un placement sous surveillance judiciaire

d) un placement sous surveillance judiciaire

e) une mesure judiciaire de dissolution.

e) une mesure judiciaire de dissolution lorsque l'objectif ou l'activité essentielle de la personne morale consiste en activités frauduleuses ou en actes de corruption.

(Amendement 10)

Article 3, paragraphe 2

2.Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer qu'une personne morale déclarée responsable selon l'article 2 paragraphe 2 puisse faire l'objet des sanctions ou mesures effectives, proportionnées et dissuasives.

Supprimé.

(Amendement 11)

Article 3, paragraphe 3

3.Tout État membre peut déclarer, lors de la notification visée à l'article [X[ paragraphe 2, qu'il n'applique pas ou n'applique que dans des conditions spécifiques, une ou plusieurs des sanctions reprises sous les points c), d) et e) du paragraphe 1.

Supprimé.

(Amendement 12)

Titre III

Confiscation et blanchiment

Confiscation, déchéance ou saisie d'avantages illégaux et blanchiment

(Amendement 13)

Article 4

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour lui permettre de confisquer des instruments et des produits de la fraude ou des biens dont la valeur correspond à ces produits.

1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour lui permettre de confisquer et de verser, en tout ou en partie, au budget des Communautés européennes des instruments et des produits de la fraude ou de la corruption ou des biens dont la valeur correspond à ces produits.

2.Chaque État membre prend les mesures conservatoires nécessaires lorsqu'il est à redouter que la non-adoption de ces mesures compromettrait ou compliquerait considérablement la confiscation visée au paragraphe 1. Au nombre de ces mesures figurent en particulier:

a) le blocage de comptes;

b) la saisie d'objets;

c) l'interdiction d'aliéner ou de grever des biens immeubles.

(Amendement 14)

Article 5

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que soit érigé en infraction pénale le blanchiment, tel que défini à l'article 1 de la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux, des produits de la fraude, au moins dans le cas de fraude grave, au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la Convention.

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que soit érigé en infraction pénale le blanchiment, tel que défini à l'article 1 de la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux, des produits de la fraude ou de la corruption, au moins dans le cas de fraude grave, au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la Convention, ainsi que dans le cas de corruption d'une gravité comparable.

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les personnes morales puissent être déclarées responsables du blanchiment de produits de la fraude. Sont applicables en ce cas les sanctions prévues à l'article 3 paragraphe 1. La responsabilité de la personne morale n'exclut pas l'action pénale contre les personnes physiques ayant accompli des actes de blanchiment pour le compte de celle-ci.

(Amendement 15)

Article 6, paragraphe 1

1. Les États membres se prêtent mutuellement assistance pour toute procédure judiciaire en matière de fraude conformément à l'article 6 de la Convention.

1. Les États membres se prêtent mutuellement assistance pour toute procédure en matière de fraude, de corruption ou de blanchiment ainsi que pour l'exécution des sanctions qui en résultent.

(Amendement 16)

Article 6, paragraphe 3

3. Les États membres collaborent entre eux et avec la Commission dans le domaine de la lutte contre la fraude.

3. Les États membres collaborent entre eux et avec la Commission dans le domaine de la lutte contre la fraude, la corruption ou le blanchiment.

À cette fin la Commission prête toute l'assistance technique et opérationnelle nécessaire afin de faciliter la coordination des investigations engagées par les autorités nationales compétentes.

À cette fin la Commission prête toute l'assistance technique et opérationnelle nécessaire afin de faciliter la coordination des investigations engagées par les autorités nationales compétentes.

(Amendement 17)

Article 6, paragraphe 4, premier alinéa

4. Les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des éléments d'information avec la Commission aux fins de faciliter l'établissement des faits et d'assurer une répression effective de la fraude. La Commission et les autorités nationales compétentes tiennent compte pour chaque cas spécifique des exigences du secret de l'instruction.

4. Les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des éléments d'information avec la Commission aux fins de faciliter l'établissement des faits et d'assurer une répression effective de la fraude, de la corruption ou du blanchiment. La Commission et les autorités nationales compétentes tiennent compte pour chaque cas spécifique des exigences du secret de l'instruction.

(Amendement 18)

Article Z, paragraphe 1

1. [Les demandes d'entraide judiciaire en matière de fraude peuvent être faites directement entre les autorités judiciaires, et renvoyées par la même voie.

1. Les demandes d'entraide judiciaire en matière de fraude, de corruption et de blanchiment peuvent être faites directement entre les autorités compétentes, et renvoyées par la même voie. L'entraide judiciaire demandée doit être assurée immédiatement.

Les dispositions du présent Protocole n'affectent pas les dispositions complémentaires de toutes autres Conventions liant les États membres concernés.[

Les dispositions du présent Protocole n'affectent pas les dispositions complémentaires de toutes autres Conventions liant les États membres concernés.

(Amendement 19)

Article Z, paragraphe 2

2. [Conformément à l'objectif assigné à l'article 6, paragraphe 2, de la Convention et aux fins de l'efficacité et de la cohérence des investigations, celles-ci sont gérées en concertation entre les autorités compétentes chaque fois qu'une infraction de fraude concerne plusieurs États membres ou que des infractions de fraude qui concernent plusieurs États membres présentent un lien de connexité entre elles.[

2. Aux fins de l'efficacité et de la cohérence des investigations, celles-ci sont gérées en concertation entre les autorités compétentes chaque fois qu'une infraction de fraude, de corruption ou de blanchiment concerne plusieurs États membres ou que des infractions de fraude, de corruption ou de blanchiment qui concernent plusieurs États membres présentent un lien de connexité entre elles.

L'UCLAF assure, le cas échéant, la coordination de cette concertation. En cas de conflit, la médiation est assurée par le membre compétent de la Commission.

Résolution législative portant avis du Parlement européen sur le projet de deuxième protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, additionnel à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (7752/96 - C4-0137/96 - 95/0360(CNS))

(Procédure de consultation)

Le Parlement européen,

- vu le projet du Conseil, du 30 mai 1996 (7752/96 - 95/0360(CNS)),

- consulté par Conseil conformément à l"article K.3, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne (C4-0137/96),

- vu l"article 58 de son règlement,

- vu le rapport de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures et l'avis de la commission du contrôle budgétaire (A4-0313/96),

1. approuve, sous réserve des modifications qu"il y a apportées, le projet du Conseil;

2. invite le Conseil, au cas où il entendrait s"écarter du texte approuvé par le Parlement, à en informer celui-ci;

3. charge son Président de transmettre le présent avis au Conseil et à la Commission.

B. EXPOSÉ DES MOTIFS

I. Introduction

Depuis de nombreuses années, le Parlement européen s'emploie à faire pièce, dans le cadre des moyens dont il dispose, aux fraudes multiples commises au détriment du budget communautaire. On se reportera, notamment, à sa résolution du 24 octobre 1991 sur la protection juridique des intérêts financiers de la Communauté européenne[1], à sa résolution du 11 mars 1994 sur le pouvoir d'instruction et d'enquête autonome dont dispose l'Union dans le cadre de la protection juridique de ses intérêts financiers[2] ainsi qu'à sa résolution du 15 mars 1995 sur la proposition d'acte du Conseil de l'Union européenne portant établissement de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés et au projet de décision du Conseil relative à une action commune concernant la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne[3]. Enfin, renvoyons à la résolution contenue dans le rapport du Parlement européen, du 19 septembre 1996, sur les mesures destinées à donner suite à la Conférence interparlementaire sur la lutte contre la fraude au détriment du budget communautaire (23 et 24 avril 1996).

Au cours des dernières années, le Conseil s'est lui aussi employé à améliorer les bases juridiques de la lutte contre la fraude au détriment de la Communauté. Au nombre de ces bases juridiques, on retiendra principalement la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes[4] ainsi que le règlement (CE, EURATOM) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes[5].

Toutefois, les actes précités du Conseil ne représentent que de premières étapes qui devront être suivies de nombreuses autres. À ce jour, en effet, ces mesures n'ont pas produit l'effet qui serait nécessaire pour contrer durablement les activités frauduleuses exercées au détriment du budget communautaire. Au contraire, le nombre des irrégularités et des actes de fraude continue d'augmenter d'année en année (1992: 2 146 cas; 1993: 2 538 cas; 1994: 4 132 cas; 1995: 4 758 cas), tout comme ne cessent d'augmenter les incidences financières qui en découlent pour les Communautés européenne (1992: 204 millions d'écus; 1993: 403 millions d'écus; 1994: 1 087 millions d'écus; 1995: 1 146 millions d'écus). En 1995, environ 1,4 % du budget communautaire est tombé aux mains de contrebandiers et autres fraudeurs[6] (ce pourcentage ne couvre que les cas détectés par les États membres et la Commission; on estime que la zone grise de la fraude représente jusqu'à 10 % du budget communautaire).

Bien que des progrès substantiels aient déjà été réalisés en matière de détection des irrégularités

- notamment depuis que, en 1995, le service central de la Commission compétent pour la lutte contre la fraude (UCLAF, unité de coordination de la lutte antifraude) a été transformé en une unité opérationnelle et multidisciplinaire -, il convient que la Commission se voie attribuer des moyens d'action encore plus étendus dans le domaine des contrôles et des inspections sur place (ce sont de tels pouvoirs que prévoit un règlement qui est en cours de délibération). Cependant, comme ils gèrent quelque 80 % des deniers communautaires[7], ce sont surtout les États membres qui sont appelés à améliorer leurs moyens d'enquête.

Mais, dans le domaine de la lutte contre la fraude, il se pose aussi un autre problème: les sommes qui retournent à la caisse communautaire après détection des "irrégularités" sont minimes. L'expérience montre que seule une intervention rapide, assortie de mesures conservatoires, offre une chance réelle de recouvrer les montants détournés ou indûment versés. Le niveau peu élevé des taux de restitution est imputable principalement aux procédures de recouvrement - généralement très pesantes - appliquées dans les États membres. Dans ce domaine aussi, les moyens d'améliorer l'efficacité sont loin d'être épuisés.

Dans le but d'améliorer les moyens d'action dont dispose la Commission dans le domaine des vérifications et contrôles sur place et de renforcer la capacité et la volonté des États membres de mieux se conformer aux obligations qui leur incombent en vertu de l'article 209 A du traité sur l'Union européenne, on délibère, à l'heure actuelle, d'un certain nombre de projets d'actes du Conseil:

- le projet d'acte du Conseil établissant le protocole à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes et le projet de protocole, établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (fonctionnaires et membres); le Parlement européen a émis son avis à ce sujet le 22 mai 1996;

- le projet de convention sur la lutte contre la corruption à laquelle participent des fonctionnaires des Communautés européennes ou des États membres de l'Union européenne;

- la proposition (précitée) de règlement (CE, EURATOM) du Conseil relatif aux contrôles et vérifications sur place de la Commission aux fins de la constatation des fraudes et irrégularités portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes; le Parlement européen a rendu son avis sur la proposition de la Commission dès le 22 mai 1996; il a été à nouveau consulté par le Conseil, le texte ayant été modifié depuis.

Il est incontestable que cette multiplicité de projets engendre une certaine confusion, d'autant plus que les différentes propositions comportent de nombreux recoupements et doubles emplois. L'activité législative actuellement déployée dans le domaine de la lutte contre la fraude a malheureusement tendance à se solder par des actes qui prévoient des modalités à mettre en oeuvre à brève échéance (dans le semestre que dure une présidence), sans déboucher sur la mise au point de régimes généraux harmonisés entre eux et fondés sur une conception d'ensemble. Or, l'opacité qui en résulte sur le plan des bases juridiques ne facilite ni une détection efficace des fraudes ni leur répression durable. Le Parlement européen a dénoncé à plusieurs reprises ces lacunes législatives imputables tantôt au manque de clarté qui caractérise les compétences en matière de lutte contre la fraude (premier pilier/troisième pilier), tantôt à la lourdeur des délibérations menées dans le cadre du troisième pilier (le Parlement espère qu'une issue sera trouvée dans le cadre des délibérations afférentes à la Conférence intergouvernermentale).

II. Responsabilité pénale des personnes morales dans les régimes pénaux des États membres

En raison de leur importance économique croissante, la question de la responsabilité des personnes morales (entreprises) se pose depuis longtemps. Cependant, la possibilité de sanctionner spécifiquement les entreprises est fortement tributaire du régime juridique de l'État membre considéré. À la différence de ce qui se passe dans les pays où s'applique le droit coutumier (common law), les régimes juridiques d'Europe continentale interdisent en principe - sur la base de l'axiome de droit romain "Societas delinquere non potest" - de faire d'une personne morale le destinataire direct d'une sanction; seules sont passibles de sanctions les personnes physiques qui agissent pour le compte des personnes morales. Or, pour plusieurs raisons, cet état de choses ne convient plus: ainsi, la personne morale remplace généralement par d'autres les personnes physiques qui purgent des peines de privation de liberté, cependant que la "philosophie" de l'entreprise est maintenue. Quant aux sanctions pécuniaires qui sont infligées aux employés de la personne morale - et souvent payées par celle-ci -, elles ne produisent pratiquement pas d'effets durables sur l'entreprise, car l'importance de la sanction est généralement déterminée en fonction de la capacité économique de l'employé considéré, laquelle est bien inférieure à celle de l'entreprise.

Aussi, dans les dernières années, pratiquement tous les États membres où s'applique le régime juridique d'Europe continentale ont-ils commencé - surtout dans les domaines de la criminalité économique et de la criminalité environnementale - à prévoir un certain nombre de dérogations à l'axiome de droit romain précité et à introduire, tantôt dans le droit pénal, tantôt dans le droit administratif, diverses formes de (quasi-) sanctions applicables aux entreprises. Ainsi, outre que les cadres (dirigeants) y sont pénalement responsables, il est désormais possible, dans la plupart des États membres, d'infliger des amendes ou des sanctions pécuniaires aux personnes morales; de plus, dans plusieurs États membres, les fonds obtenus ou conservés illégalement par les entreprises peuvent être confisqués. En outre, certains États membres disposent de sanctions encore plus sévères (exclusion du bénérice d'aides, interdiction d'opérer dans un domaine déterminé, dissolution forcée).

Toutefois, en cherchant à créer une responsabilité directe des personnes morales, on s'est aperçu qu'un régime de sanctions fondamentalement fait pour les personnes physiques n'était pas transférable, tel quel, aux entreprises: pour pouvoir appliquer une sanction, il faut avant tout prouver la faute, ce qui est généralement très difficile dans le cas des organisations complexes où les processus de décision relèvent de niveaux et de mécanismes multiples; en enquêtant, les autorités se heurtent fréquemment à des structures où, en raison du cloisonnement des instances d'information, de décision et d'exécution, il est pratiquement impossible d'établir une responsabilité individuelle (on parle alors d'"irresponsabilité organisée"). De plus, il peut se faire que le régime de sanctions applicable aux personnes physiques ne le soit pas aux personnes morales (peine de privation de liberté), de sorte que, dans la pratique, la sanction consiste généralement en un simple prélèvement pécuniaire (sanctions pécuniaires, amendes, confiscation). Et, dans ce cas, l'effet préventif souhaité se révèle particulièrement faible là où des assurances couvrent la perte financière. Dans certains États membres, il est possible de dissoudre une entreprise (sanction que l'on peut assimiler à la peine de mort), mais, en fin de compte, on ne peut le faire que dans les cas extrêmes, d'autant plus que la dissolution est lourde de conséquences qui ne sont pas toujours prévisibles (par exemple, dans le cas des grandes entreprises, elle a souvent des répercussions économiques et sociales pour une région tout entière: pertes d'emplois, diminution du pouvoir d'achat, exode, etc.). Enfin, dans certains États membres, des considérations d'ordre constitutionnel empêchent de sanctionner pénalement les personnes morales (séparation rigoureuse entre droit judiciaire et droit administratif).

Compte tenu de ces multiples difficultés, il convient donc de faire preuve d'une souplesse maximale en proposant un régime de responsabilité des personnes morales, afin de permettre aux États membres d'intégrer plus facilement, dans leur régime juridique national, les sanctions requises.

III. Analyse du projet du Conseil et motivation des amendements

Le 19 janvier 1996, la Commission a transmis au Conseil et au Parlement une proposition relative à un deuxième protocole additionnel à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes[8]. Sur certains points, cette proposition contient des dispositions de grande portée concernant la protection pénale des intérêts financiers des Communautés. Le 8 juin 1996, le Conseil a présenté au Parlement, pour avis, un projet qui modifie la proposition de la Commission sur plusieurs points: non seulement ce projet prévoit une responsabilité générale (et, à la différence de la proposition de la Commission, non plus exclusivement pénale) de la personne morale en cas de fraude ainsi que l'inclusion de la fraude dans la liste des actes constitutifs du blanchiment, mais il met aussi expressément sur le tapis la question de l'extension du champ d'application de ces dispositions aux actes de corruption (au sens des articles 2 et 3 du premier protocole).

Font défaut, en revanche, quelques points importants, qui figuraient dans le texte de la Commission, dans le domaine de la coopération et de l'assistance judiciaire notamment. Tout en rappelant, par souci de vérité, que certains articles de la proposition de la Commission péchaient par un libellé confus et prêtaient le flanc à une application incertaine (le mécanisme de compétence prioritaire, par exemple), reconnaissons, en revanche, que l'introduction du registre, la fonction de coordination de la Commission, les relations directes entre autorités judiciaires et le rôle des magistrats de liaison préfiguraient utilement, s'il y échet, l'adoption

- rendue urgente désormais par la lutte contre la criminalité organisée - d'un instrument horizontal de coopération judiciaire.

Tout en prenant donc acte, hélas, de cette limitation de la portée du protocole, il convient, par ailleurs, de lancer sur-le-champ une initiative à la fois politique et institutionnelle qui tende à obtenir au plus tôt l'élaboration et la présentation d'un instrument ad hoc. Le texte devrait, essentiellement, viser à l'élimination des obstacles existants de droit substantiel en matière d'extradition et d'assistance mutuelle dans le domaine pénal et à l'encouragement et à l'accélération, sur le plan de la procédure, de la coopération judiciaire en matière pénale, ce tout en tenant compte de la teneur substantielle de la convention élaborée en son temps dans le cadre de la Coopération politique européenne (C.P.E.), mais qui n'est toujours pas entrée en vigueur faute de ratifications suffisantes.

Le projet à l'examen améliore néanmoins la proposition de la Commission sur plusieurs points. Ainsi, on se félicitera en particulier de l'assouplissement de la notion de responsabilité des personnes morales, de l'extension de cette notion aux actes de corruption ainsi que du développement des dispositions en matière de blanchiment et de confiscation. Certes, le Parlement reste d'avis que la législation en matière de protection des intérêts financiers des Communautés européennes devrait être arrêtée dans le cadre communautaire[9]. Mais, comme le Conseil ne partage pas cette opinion et, en adoptant la Convention, a opté pour un instrument juridique relevant du titre VI du traité sur l'Union européenne, il semble désormais judicieux, pour mener le débat concernant les actes qui complètent cette Convention, de rester dans la voie dans laquelle on s'est engagé. Rien que pour cette raison, le choix de la forme juridique du "protocole additionnel" est acceptable pour le Parlement: conformément à l'acte du Conseil, ce protocole doit être logiquement considéré comme un "autre instrument juridique" complétant la Convention "de manière à améliorer l'efficacité de la protection pénale des intérêts financiers des Communautés européennes".

Toutefois, le projet du Conseil soulève encore de nombreux problèmes de détail, dont on traite dans les paragraphes qui suivent et qui sont à l'origine d'un certain nombre d'amendements présentés par le Parlement européen.

a. Titre

Le titre proposé ne comporte aucune référence à la matière à régir. Or, une telle référence est nécessaire, fût-ce que parce qu'il convient d'éviter toute imprécision, tout manque de clarté et tout risque de confusion avec d'autres protocoles (additionnels). Aussi y a-t-il lieu d'insérer dans le titre une expression indiquant la matière à régir.

b. Définitions

Il semble logique et nécessaire que le "deuxième" protocole additionnel à la convention porte aussi sur la corruption au sens des articles 2 et 3 du "premier" protocole additionnel, car, dans les délits de fraude, on tente toujours de corrompre certains décideurs des institutions nationales et européennes. Les personnes morales devraient être passibles de sanctions non seulement en cas d'activités frauduleuses, mais aussi en cas d'actes de corruption; de même, il paraît bon de faire figurer au moins la corruption grave - par analogie à la fraude - dans la liste des actes constitutifs du blanchiment.

La définition de la personne morale est lacunaire, dans la mesure où elle ne couvre pas les entreprises qui, bien qu'ayant des droits et des devoirs spécifiques (différents de ceux des associés), ne sont pas organisées en tant que personnes morales au sens du droit national applicable. Dès lors, le régime de responsabilité ne s'appliquerait pas, par exemple, à telles sociétés de personnes ou à telles sociétés commerciales, même si elles comptent des personnes morales au nombre des associés. De plus, il est nécessaire de donner de la personne morale une définition plus générale, afin de combler les disparités entre les droits nationaux des sociétés. (Du même coup, on rendrait moins difficile à résoudre un problème qui se pose en matière de coopération interétatique: selon quel droit déterminera-t-on s'il y a personne morale?).

c. Responsabilité des personnes morales

Le libellé du titre II semble annoncer une définition. Or, cette section régit, en fait, la responsabilité des personnes morales. Ceci doit apparaître dans le libellé du titre.

Compte tenu de ce qui est dit des problèmes de principe, parfois même d'ordre constitutionnel, que poserait l'institution d'une responsabilité (exclusivement) pénale de la personne morale, il est plus réaliste de ne pas exiger des États membres un changement fondamental de régime (qui serait lié à l'instauration de sanctions exclusivement pénales). Par rapport à la proposition de la Commission, la formulation retenue par le Conseil facilite l'insertion de la notion dans les différents régimes nationaux de sanctions; cette formulation est aussi plus opportune, car elle permettra d'atteindre plus rapidement le but visé (établissement, dans tous les États membres, d'un régime général de responsabilité). Dans une optique préventive, il est primordial que la détection des fraudes et des actes de corruption devienne plus probable et que les personnes morales aient, elles aussi, à redouter des sanctions pénalisant les entreprises; en revanche, il importe moins que les sanctions infligées relèvent du droit pénal ou du droit administratif. On soutient donc en principe, en se bornant à le clarifier, ce que le projet propose à cet égard.

De plus, on se félicite expressément de ce que le régime de responsabilité de la personne morale prévoie, au nombre des faits générateurs de responsabilité, le défaut de surveillance ou de contrôle. Ainsi, l'existence d'un régime "d'irresponsabilité organisée" (tel qu'évoqué plus haut) ne permettra plus d'exonérer de toute responsabilité la personne morale.

d. Sanctions

Il n'est ni nécessaire ni opportun de scinder en deux paragraphes le texte relatif aux sanctions: dans les deux situations visées, des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives doivent être exigées. L'impératif de la proportionnalité de la sanction permet de tenir compte, avec une souplesse suffisante, du caractère plus ou moins véniel d'un simple défaut de surveillance, d'autant plus que les sanctions sont énumérées à titre d'exemple ("en particulier"). Les déclarations prévues à l'article 3, paragraphe 3, sont donc, elles aussi, superflues.

L'impératif de souplesse évoqué plus haut commande de faire figurer à la fois sanctions pécuniraires et amendes dans la liste des sanctions. S'agissant de la sanction la plus grave - la mesure judiciaire de dissolution -, il convient de prévoir des conditions supplémentaires garantissant que cette sanction ne s'appliquera qu'à titre exceptionnel. En effet, elle ne se justifie que lorque l'objectif ou l'activité principale de la personne morale consiste en activités frauduleuses ou en actes de corruption.

e. Confiscation

Comme les instruments ou produits déclarés recouvrés vont généralement à l'État qui les confisque, il convient de prévoir expressément, dans le protocole, que les fonds en question doivent être versés à la partie lésée (c'est-à-dire aux Communautés européennes). Dans certains cas, pour couvrir les frais de procédure liés aux décisions de confiscation et pour inciter davantage les États membres à recouvrer les sommes réputées perdues, on pourrait envisager un système analogue à celui qui est prévu à l'article 7 du règlement (CEE) du Conseil , du 4 mars 1991, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune[10]: sous certaines conditions, les États membres peuvent retenir 20 % des montants récupérés.

De plus, il faut que les États membres prennent des mesures conservatoires dans les cas où il y a lieu de craindre que la non-adoption de telles mesures compromettrait la confiscation ou la compliquerait considérablement. Les principales mesures conservatoires doivent être mentionnées à titre d'exemple ("en particulier").

f. Blanchiment

Cette disposition tient compte de la demande formulée au paragraphe 7, point i), de la résolution du Conseil du 6 décembre 1994[11]: la législation en matière de blanchiment de l'argent devrait être étendue à la protection des intérêts financiers des Communautés. Il convient donc d'ajouter à la liste des actes constitutifs du blanchiment les actes de fraude et de corruption. Cependant, pour décharger les tribunaux des États membres des cas de petite criminalité, il paraît opportun de ne retenir, à titre d'actes constitutifs, que les cas de fraude grave (au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la Convention) et (par analogie) de corruption grave.

  • [1] ()JO C305 du 25.11.1991, p.106.
  • [2] ()JO C91 du 28.3.1994, p.334.
  • [3] ()JO C89 du 10.4.1995, p.82.
  • [4] ()JO C316 du 27.11.1995, p.48.
  • [5] ()JO L312 du 23.12.1995, p.1.
  • [6] ()Rapport annuel1995 de la Commission européenne, du 8mai1996, sur la lutte contre la fraude.
  • [7] ()Commissaire Gradin, dans The European du 9mai1996.
  • [8] ()JO C83 du 20.3.1996, p.10.
  • [9] ()Voir notamment la résolution législative du 15mars1995 (JO C89 du 10.4.1995, p.82).
  • [10] ()JO L67 du 14.3.1991, p.11.
  • [11] ()JO C355 du 14.12.1994, p.2.

AVIS

(article 147 du règlement)

de la commission du contrôle budgétaire

à l'intention de la commission des libertés publiques

et des affaires intérieures

Rapporteur pour avis: Mme Diemut R. Theato

Au cours de sa réunion du 25 juin 1996, la commission du contrôle budgétaire a nommé Mme Diemut R. Theato rapporteur pour avis.

Au cours de sa réunion du 2 septembre 1996, elle a examiné le projet d'avis.

Au cours de cette dernière réunion, elle a adopté l'ensemble des conclusions à l'unanimité.

Ont participé au vote les députés Theato, président et rapporteur; McCartin, vice-président; Bardong, Fabra Vallés (suppléant M. Garriga Polledo), Kellett-Bowman, König, Tomlinson et Wemheuer.

La commission du contrôle budgétaire invite la commission des libertés publiques et des affaires intérieures à reprendre les amendements suivants dans son rapport:

I. Amendements à la proposition d'acte du Conseil établissant le protocole additionnel à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes:

Projet du Conseil

Amendements

(Amendement 1)

Nouveau considérant

considérant qu'un instrument distinct réglementera les modalités de l'assistance et de la coopération judiciaire, ainsi que la compétence prioritaire et la coordination mise en oeuvre par la Commission européenne en cas de fraudes transnationales aux dépens du budget communautaire;

II. Amendements au protocole additionnel à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes:

(Amendement 1)

Article 3, paragraphe 3

3. Tout État membre peut déclarer, lors de la notification visée à l'article [X[ paragraphe 2, qu'il n'applique pas ou n'applique que dans des conditions spécifiques, une ou plusieurs des sanctions reprises sous points c), d) et e) du paragraphe 1.

Supprimé.

(Amendement 2)

Article 4

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour lui permettre de confisquer des instruments et des produits de la fraude ou des biens dont la valeur correspond à ces produits.

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour lui permettre de confisquer des instruments et des produits de la fraude ou des biens dont la valeur correspond à ces produits. Chaque État membre prend des mesures pour restituer à la Communauté le produit de la fraude ou la valeur correspondant à ce produit, pour la partie correspondant au financement communautaire, en application des dispositions communautaires qui réglementent le secteur budgétaire concerné.

(Amendement 3)

Article 5

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que soit érigé en infraction pénale le blanchiment, tel que défini à l'article 1 de la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux, des produits de la fraude, au moins dans le cas de fraude grave, au sens de l'article 2 paragraphe 1 de la convention.

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que soit érigé en infraction pénale le blanchiment, tel que défini à l'article 1 de la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux, des produits de la fraude, au moins dans le cas de fraude grave, au sens de l'article 2 paragraphe 1 de la convention. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les personnes morales puissent être déclarées responsables du blanchiment de produits de la fraude. Sont applicables en ce cas les sanctions prévues à l'article 3 paragraphe 1. La responsabilité de la personne morale n'exclut pas l'action pénale contre les personnes physiques ayant accompli des actes de blanchiment pour le compte de celle-ci.

I. UNE RÉGLEMENTATION NÉCESSAIRE, UN INSTRUMENT INAPPROPRIÉ

La proposition d'acte du Conseil, présentée par la Commission afin d'établir un protocole à la convention sur la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, constitue un complément nécessaire de la réglementation prévue dans la dite convention, signée le 26 juillet 1995 [1].

En effet, ce dernier acte prévoit pour l'essentiel des dispositions de droit matériel (définition de la fraude; sanctions pénales). Il prévoit également des dispositions concernant la compétence, les procédures en matière de poursuites et d'extradition, de coopération et de résolution des différends sur l'interprétation et l'application de la convention; toutefois, ces réglementations de droit pénal formel et de procédure pénale se cantonnent à des principes généraux nécessitant, pour la plupart, d'être complétés par un acte supplémentaire. Le projet de protocole présenté par la Commission [2] visait à répondre à cette exigence, en ajoutant des dispositions en matière de:

- compétence prioritaire;

- entraide et coopération judiciaire;

- registre relatif aux poursuites pour fraude;

- compétence de la Cour de justice.

De surcroît, d'autres dispositons de droit pénal matériel sont ajoutées (responsabilité des personnes morales et blanchiment des capitaux).

La proposition de la Commission contribue donc à compléter le cadre juridique esquissé par la convention, en prévoyant la nécessité de réglementer des domaines, tels que la compétence et la coopération judiciaire, essentiels pour la poursuite efficace des fraudes transnationales.

L'instrument choisi, le protocole dans le cadre du titre VI du traité sur l'Union européenne ("Justice et affaires intérieures") n'est toutefois pas adéquat pour une matière, telle que la fraude au budget communautaire, qui devrait trouver sa réglementation dans le traité instituant la Communauté européenne. Nous renvoyons, pour un exposé détaillé des raisons qui militent en faveur de cette thèse, à la résolution du PE du 15 mars 1995, qui rejetait la proposition d'acte du Conseil concernant la convention, [3] et à l'avis rendu par la commission du contrôle budgétaire à la commission des libertés publiques [4].

La Commission a pris acte, de son côté, de la position du Parlement sur la nécessité d'un instrument communautaire; elle estime, toutefois, que le cadre institutionnel actuel ne permette pas de faire recours à un tel instrument, sans que cela préjuge la possibilité d'une évolution future.

Dans cette situation d'impasse institutionnelle, il nous semble alors approprié d'attendre les développements en matière de:

1. propositions sur la communautarisation du "troisième pilier", dans le cadre de la C.I.G.;

2. ratification de la part des Etats membres des conventions et protocoles signés dans le domaine du troisième pilier; la ratification est préalable à l'entrée en vigueur de ces actes.

Le présent avis se cantonnera donc, tout en marquant un désaccord sur la nature de l'instrument, à proposer des compléments à la réglementation envisagée par la Commission.

II. UNE RÉGLEMENTATION INADÉQUATE PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS

Le but de la réglementation proposée par la Commission était de compléter la convention. Le contenu du projet a été cependant largement amendé par le Conseil, qui en a réduit la portée, surtout en matière de coopération judiciaire. Le projet du Conseil paraît donc inadéquat par rapport aux objectifs initiaux.

A. RESPONSABILITÉ PÉNALE DES PERSONNES MORALES

Certains ordres juridiques nationaux ne prévoient pas la possibilité d'une responsabilité pénale des personnes morales, d'après un ancien principe de droit romain ("societas delinquere nequit": une personne morale ne peut commettre des crimes). C'est pourquoi le texte du Conseil retient une solution de compromis. Une responsabilité de nature pénale/administrative est prévue pour les personnes morales qui ont commis la fraude par le biais de personnes physiques exerçant un pouvoir de décision ou de contrôle et agissant pour le compte de la personne morale (articles 2 et 3). Le responsabilité de la personne morale n'exclut pas la responsabilité pénale des personnes physiques qui sont les auteurs, instigateurs ou complices de la fraude (article 2). Une responsabilité assortie de sanctions non définies, mais de caractère effectif, proportionné et dissuasif est prévue au cas où le comportement frauduleux a été réalisé par une personne physique soumise à l'autorité du décideur (article 3).

La question de la nature de la responsabilité de la personne morale (pénale, quasi-pénale, etc.) nous semble, dans le cas de figure, purement terminologique. En effet les sanctions dont le Conseil prévoit d'assortir une telle responsabilité, qui vont de l'amende à la dissolution de la personne morale, sont de nature à répondre aux finalités afflictives et dissuasives visées par les sanctions pénales.

Le compromis du Conseil est donc acceptable, à condition que le texte actuel soit conservé dans la version finale; aucun affaiblissement ne devrait être admis, en particulier en ce qui concerne la personne physique dont le comportement déclenche la responsabilité de la personne morale: outre le décideur, il devrait s'agir également de celui qui détient un pouvoir de contrôle dans la personne morale (article 2,1).

N'est en revanche pas acceptable la clause par laquelle les États membres pourraient se soustraire unilatéralement à l'obligation d'introduire certaines sanctions (article 3,3), car cela réduirait l'équivalence de la protection.

B. CONFISCATION ET BLANCHIMENT

La confiscation du produit de la fraude devrait s'accompagner de la restitution de la valeur confisquée au budget de la Communauté, pour la partie de cofinancement communautaire, en accord avec les dispositions particulières des réglementations sectorielles qui régissent les différents domaines budgétaires (pour les fonds structurels, par exemple, un réemploi est prévu dans le cadre des programmes opérationnels).

L'article 5 du projet, tout en érigeant en infraction pénale le blanchiment du produit de la fraude (au moins dans le cas de fraude grave), "oublie" de prévoir des sanctions contre les personnes morales; il est pourtant bien connu que le blanchiment du produit de la grande fraude internationale se fait par le biais de personnes morales appartenant aux circuits financiers et commerciaux. Il serait par conséquent à prévoir une responsabilité spécifique au moins de la même nature (non pénale) que celle qui est prévue aux articles 2 et 3 pour les fraudes des personnes morales.

C. ENTRAIDE ET COOPÉRATION JUDICIAIRE

Le projet suggéré par la Commission était axé sur trois piliers:

. une procédure d'investigation centralisée auprès d'un État membre prioritairement compétent (qui n'excluait pas la compétence des autres États concernés);

. une obligation d'entraide s'appuyant sur des rapports directs et sur un système de magistrats de liaison ainsi que sur la reconnaissance mutuelle de la valeur des preuves et des actes de procédure;

. une fonction d'assistance technique et de centralisation et diffusion de l'information exercée par la Commission, à l'aide également d'un registre relatif aux poursuites judiciaires.

Le projet de la Commission, tout en étant lacunaire sur certains aspects (par exemple en matière de compétence prioritaire), pouvait constituer le noyau d'un droit de la coopération transnationale, en matière de fraudes au budget communautaire.

Très peu d'éléments sont restés dans le projet du Conseil, qui prévoit seulement une vague obligation d'entraide, sans en définir le contenu (article 6). Le rôle de coordination de la Commission n'est pas formellement reconnu, car cette Institution peut seulement prêter l'assistance technique qui vise à faciliter la coordination des enquêtes (article 6,3) et échanger des éléments d'information avec les États membres (sans aucune obligation de la part de ces derniers).

Aucune compétence prioritaire ou procédure centralisée n'est prévue. Certains éléments qui auraient pu étayer le principe de la coopération (rapports directs entre autorités judiciaires nationales; enquêtes de commun accord; admissibilité des saisies) font par ailleurs encore l'objet de négociations.

Face à ces résultats si décevants, il y aurait lieu de se demander si le troisième pilier, tel qu'il est conçu actuellement, est l'instrument juridique le plus approprié pour réglementer la coopération judiciaire. Le projet discuté par le Conseil ne semble en tout cas pas amendable, non seulement parce qu'il n'est pas définitif [5], mais parce qu'il contient un nombre d'éléments insuffisant pour constituer une véritable réglementation de l'entraide et de la coopération judiciaire transnationale en matière de fraudes au budget communautaire [6]. Il y aurait lieu dès lors de prévoir la mise en chantier d'un instrument qui soit consacré à part entière à cette matière et qui contienne un noyau minimum réglementant:

. la compétence prioritaire en cas de fraudes commises à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté;

. l'entraide et la coopération au niveau pré-judiciaire et judiciaire (valeur des preuves; rapports directs entre autorités nationales; transmission des procédures, etc.);

. la fonction de centralisation des informations et de coordination de la Commission.

  • [1] ()JO C 316 du 27 novembre 1995, p. 48.
  • [2] ()COM (95) 0693.
  • [3] ()JO C 89 du 10.4.1995, p. 82. Rapport de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures-A4-0039/95.
  • [4] ()PE 211.096/déf. du 22.2.1995.
  • [5] ()Le groupe "coopération judiciaire en matière pénale" a reçu pour mandat d'examiner les éléments faisant encore objet de négociations.
  • [6] ()À titre d'exemple, la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, qui a été signée à Strasbourg en 1961, dans un cadre international, et qui devait avoir par conséquent une moindre portée, contient une réglementation détaillée des rogatoires, de la transmission des procédures, de la comparution de témoins, etc.