RAPPORT sur une nouvelle stratégie pour les zones de montagne
16 octobre 1998
Commission de l'agriculture et du développement rural
Rapporteur: M. Giacomo Santini
Par lettre du 4 février 1998, la commission de l'agriculture et du développement rural a demandé l'autorisation de présenter un rapport sur une nouvelle stratégie pour les zones de montagne.
Au cours de la séance du 13 mars 1998, le Président du Parlement a annoncé que la Conférence des présidents avait autorisé la commission à faire rapport sur ce sujet, et que la commission de la politique régionale avait été saisie pour avis.
Au cours de sa réunion du 22 janvier 1998, la commission de l'agriculture et du développement rural a nommé M. Giacomo Santini rapporteur.
Au cours de ses réunions des 22 et 23 septembre 1998, elle a examiné le projet de rapport.
Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté la proposition de résolution à l'unanimité.
Ont participé au vote les députés Colino Salamanca, président; Santini, rapporteur; Anttila, Cabezón Alonso (suppléant M. Campos), Chesa, Filippi, Garot, Goepel, Iversen, José Peres, Kofoed, Martin Ph., Mulder, Otila (suppléant M. Trakatellis), Poisson (suppléant M. Hyland), Redondo Jiménez, Rosado Fernandes, Sonneveld et Virgin (suppléant M. Sturdy).
La commission de la politique régionale a décidé qu'elle n'émettrait pas d'avis.
Le rapport a été déposé le 16 octobre 1998.
Le délai de dépôt des amendements sera communiqué en séance plénière.
A. PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Résolution sur une nouvelle stratégie pour les zones de montagne
Le Parlement européen,
- vu l'article 148 de son règlement,
- vu l'étude élaborée pour la Direction générale des Études sur "Les régions de montagne de l'UE: problèmes, impact des mesures et adaptations nécessaires",
- vu le rapport de la commission de l'agriculture et du développement rural et l'avis de la commission de la politique régionale (A4-0368/98),
A. considérant que les zones de montagne représentent environ 20% de la superficie agricole utile (S.A.U.) de l'UE,
B. considérant que l'activité agricole est fortement limitée dans ces zones par de nombreux facteurs, tels l'altitude, la déclivité des terrains, le manque de fertilité du sol, la faible densité de population, la fragmentation de la structure foncière,
C. considérant qu'un problème analogue se pose dans les zones arides et semi-arides en raison de la faiblesse et de l'irrégularité de la pluviométrie, ainsi que dans les zones arctiques en raison de la brièveté de la période de végétation et de la rigueur du climat,
D. considérant que, dans ces zones, les obstacles géomorphologiques rendent extrêmement difficiles les communications et les transports qui pâtissent également de l'éloignement des centres habités et des marchés,
E. considérant que les zones de montagne sont exposées au risque d'un dépeuplement progressif, lié au vieillissement de leur population et au manque d'attraits qu'elles présentent pour les jeunes qui auraient l'intention de s'y installer, mais sont découragés par les conditions de vie difficiles, l'isolement et les perspectives financières insuffisantes,
F. considérant que les zones de montagne et les zones arides et semi-arides représentent un patrimoine irremplaçable de ressources vitales pour l'ensemble de l'Union, en ce qu'elles garantissent la sauvegarde des eaux, des forêts, d'espèces et d'habitats rares, d'espaces voués à la tranquillité et aux loisirs,
G. considérant que ces zones, en raison de leur spécificité et de leur importance écologique et sociale, ne peuvent être assimilées aux autres zones rurales, mais exigent une stratégie d'intervention propre, adaptée à leurs exigences, considérant que l'ensemble des mesures en faveur des zones défavorisées doit donc être structuré de manière souple,
H. considérant que, dans le contexte des accords sur les transports transfrontaliers, il a été proposé d'introduire pour les zones de montagne, en particulier pour les vallées alpines, une clause particulière visant à reconnaître ces zones comme "zones sensibles" du point de vue environnemental,
I. considérant que les services fournis à la collectivité par les communautés de montagne ne se trouvent pas récompensés comme ils le devraient,
J. considérant les risques courus par les petites exploitations agricoles, qui peuvent difficilement faire face seules à la mondialisation des marchés,
K. considérant que ces zones ont besoin d'infrastructures de base (écoles, routes, services sociaux) pour éviter la désertification, à laquelle la dégradation qui les menace inévitablement si elles sont abandonnées ainsi que les difficultés et les coûts qu'implique le repeuplement donnent un caractère irréversible,
L. considérant que les handicaps naturels susmentionnés empêchent absolument l'agriculture des zones de montagne et des zones arides et semi-arides de concurrencer l'agriculture pratiquée en plaine,
M. considérant que, sur le plan économique, les interventions des instances nationales et communautaires doivent encourager les initiatives locales visant à promouvoir un développement endogène, basé sur la création d'activités diversifiées, dont les produits tirent le plus possible parti des ressources du terroir,
N. considérant que, sur le plan de l'environnement, ces interventions doivent contribuer à diffuser les connaissances nécessaires et à renforcer les compétences de tous les intéressés dans le sens d'une gestion rationnelle des ressources naturelles et d'un aménagement du territoire équilibré,
O. considérant que les indemnités compensatoires instaurées par l'Union européenne au titre de la directive 268/75 ont eu un impact positif sur l'exode de la population agricole des zones de montagne et des zones arides et semi-arides, mais qu'il est urgent de continuer à délimiter les zones de montagne en fonction de critères communautaires, les États membres devant les différencier selon la mesure dans laquelle elle sont défavorisées,
P. considérant qu'il est nécessaire de prévoir, dans le cadre des Fonds structurels, des initiatives communautaires comme le programme LEADER et de la nouvelle stratégie pour le développement rural, des interventions spécifiques pour les zones de montagne,
Q. considérant que l'examen de l'Agenda 2000, actuellement en cours, peut être l'occasion d'un débat fructueux notamment sur la problématique des zones de montagne, qui requièrent une attention à la mesure de leur importance sur les plans social, économique et écologique,
1. invite la Commission à renforcer, en coopération avec les régions et les gouvernements concernés, les mesures existantes en faveur des zones de montagne et, moyennant les adaptations nécessaires, des zones arides et semi-arides ainsi que des zones arctiques, consistant notamment à:
1.1 recueillir et mettre à jour toutes les informations disponibles, publier périodiquement des rapports et présenter au Conseil et au Parlement une communication sur les zones de montagne de l'UE;
1.2 présenter un "Plan d'action communautaire" en faveur de ces zones;
1.3 prévoir, dans le cadre des nouvelles mesures pour le développement rural comme des initiatives en faveur de la coopération transfrontalière, un programme spécifique pour les zones de montagne;
1.4 s'agissant de la réforme des Fonds structurels, et notamment du nouvel objectif 2, renforcer les procédures d'évaluation et de contrôle, délimiter précisément, au niveau communal ou intercommunal, les zones bénéficiaires, sur la base de critères d'éligibilité fondés sur les données les plus récentes, faciliter la mise en place des infrastructures de transport et de communication requises, renforcer les mesures compensatoires de l'Union pour les services que fournissent les populations des zones de montagne et des autres zones mentionnées à la collectivité sur le plan de l'environnement;
1.5 s'agissant des entreprises opérant dans les zones de grande valeur écologique, comme les parcs nationaux situés dans les zones de montagne, de prévoir des exceptions aux règles de l'UE relatives aux aides d'État;
1.6 pour les zones de montagne qui ne seraient pas éligibles au nouvel objectif 2, encourager les politiques nationales et régionales de compensation, par le biais d'accords de partenariat avec l'Union;
1.7 maintenir les indemnités compensatoires actuelles et les accroître de manière à améliorer leur impact sur le revenu agricole, afin, notamment, de lutter plus efficacement contre le dépeuplement;
1.8 assouplir, en outre, le régime des primes, le système actuel, basé sur la superficie et le nombre de têtes de bétail, ne permettant pas de compenser comme il le faudrait les handicaps naturels dont les intéressés ont à pâtir;
1.9 introduire ou maintenir, s'ils existent déjà, des taux différenciés plus avantageux pour les aides communautaires à l'investissement, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles et pour toutes les mesures d'intervention structurelle;
1.10 soutenir les modes de production durables, les races (comme par exemple l'élevage de bovins femelles à haute valeur généalogique, non en vue de la reproduction sur l'exploitation, mais en vue de la vente aux producteurs de lait) et les variétés locales;
1.11 examiner la possibilité d'exempter les petits producteurs de lait des zones de montagne du régime des quotas laitiers, sans pour autant remettre en cause le maintien général de ce régime, étant donné qu'il s'agit pratiquement toujours du seul type de production en mesure d'assurer leur survie et que le lait est en l'occurrence destiné à être transformé en produits locaux (beurre, fromage) de haute qualité;
1.12 prévoir, dans la PAC, des fonds spécifiques pour soutenir la production de lait, de viande et de bovins femelles pour la reproduction, produits qui constituent traditionnellement les éléments essentiels de l'agriculture de montagne, où ils sont souvent l'unique source de revenus;
1.13 étant donné que l'agriculture et la sylviculture fournissent dans les zones de montagne une contribution indispensable à la stabilité écologique et à la préservation des paysages naturels, il convient de financer davantage ces activités par le biais de programmes communautaires de l'environnement, en y intégrant la sylviculture, d'étendre les mesures agroenvironnementales aux pratiques sylvicoles et d'octroyer aux communes et aux organisations de sylviculteurs des zones de montagne et des zones arides et semi-arides des aides pour la prévention et pour la lutte contre les incendies de forêts et pour le reboisement, en prévoyant, pour ce dernier, des critères relevant de la protection de l'environnement, de la biodiversité et du paysage;
1.14 gérer, sur la base du principe de la subsidiarité, tous les types d'aide et d'intervention de la manière la plus décentralisée possible;
1.15 dans le cadre de la politique des transports, du programme pluriannuel pour le tourisme et du plan d'action pour la société de l'information, donner la priorité aux zones de montagne en ce qui concerne les transports à courte distance, surtout pour rendre compétitifs les produits des zones isolées, dont le transport vers les centres de transformation et de commercialisation se révèle très coûteux, pour la planification des différentes formes de tourisme, la coopération locale et la valorisation des cultures et des traditions locales ainsi que les nouvelles technologies de l'information;
1.16 encourager l'exploitation du potentiel d'énergie renouvelable que possèdent les zones de montagne, que cette énergie soit d'origine agricole, forestière ou éolienne, par l'octroi de primes et/ou de dégrèvements;
1.17 encourager les investissements dans les petites unités de production locale, l'artisanat traditionnel, en soutenant les jeunes exploitants par des aides financières ou des dégrèvements fiscaux, afin qu'ils puissent assurer la poursuite de la production traditionnelle, la commercialisation directe des produits, la création à courte distance de centres de collecte et de tri;
1.18 favoriser la création, en aval, de petites unités de séchage ou déshydratation du fourrage;
1.19 tenir compte des problèmes propres à la montagne lors des négociations en vue de l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale (PECO), notamment en ce qui concerne les aides et les interventions au titre de l'instrument financier de pré-adhésion;
2. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission
B. EXPOSÉ DES MOTIFS
(Le présent rapport a été rédigé sur la base des conclusions de l'étude: "Vers une politique européenne des zones de montagne - problèmes, impact des mesures et adaptations nécessaires", actuellement en cours de publication auprès de la Direction générale des Etudes du Parlement européen.)
1) CADRE GÉNÉRAL
Les zones de montagne sont redécouvertes comme une chance pour l'avenir de l'Europe. Toutefois, pour que ce potentiel des zones de montagne européennes puisse être exploité pleinement au profit de l'ensemble du continent, il est nécessaire d'améliorer le cadre des politiques de l'UE actuellement en place.
L'un des grands objectifs est de parvenir à définir une stratégie plus claire, plus cohérente et plus efficace pour la promotion d'un développement durable des zones de montagne de l'UE.
Les raisons justifiant la mise en place, au niveau de l'UE, d'une approche intégrée pour l'avenir des zones de montagne sont les suivantes:
- le patrimoine naturel et culturel commun, le flux des échanges liés au tourisme et aux transports, les infrastructures et les projets nécessitant une coopération transfrontalière, la migration des zones de montagne défavorisées vers les régions et les villes les plus développées appellent une action concertée entre les États membres de l'Union européenne;
- le problème de l'émigration et du dépeuplement reste sans solution; il s'accentue même dans certaines régions montagneuses des pays du sud et du nord de l'Europe, et il deviendra encore plus aigu avec l'adhésion de nouveaux États membres d'Europe centrale et orientale, si aucune stratégie appropriée n'est mise en place dans ces pays, en coopération avec l'UE, ce qui représente une menace majeure pour la cohésion de la future Union européenne élargie;
- les politiques européennes ont d'ores et déjà un impact majeur sur l'évolution des zones de montagne (politique agricole, politique environnementale, cohésion économique et sociale, transports), mais davantage d'intégration et de cohérence sont nécessaires, ainsi qu'une meilleure adaptation à la situation spécifique de certaines zones de montagne, à leurs besoins et à leurs possibilités;
- il faudrait mieux évaluer le potentiel réel que renferment les zones de montagne pour un développement durable, avant d'élaborer les réponses à apporter aux deux principaux défis auxquels l'UE aura à faire face demain, à savoir l'environnement et l'emploi, et ce dans l'intérêt mutuel aussi bien des villes que des zones de montagne.
L'UE a élaboré une politique en faveur des zones défavorisées et elle considère, d'une manière générale, les régions rurales comme un secteur prioritaire sur lequel concentrer à l'avenir ses initiatives. Ce sont là des orientations déterminantes pour l'avenir des zones de montagne.
Ces régions de montagne doivent néanmoins faire l'objet d'une attention toute particulière et d'une stratégie spécifique à l'échelon de l'UE, pour des raisons sociales, économiques et environnementales. Il ne s'agit pas ici d'opposer les zones de montagne à d'autres catégories de régions sensibles sur le plan économique, telles que les zones rurales ou les zones défavorisées, ou encore les régions sensibles sur le plan de l'environnement, comme les zones humides, les zones côtières ou les zones arctiques. Toutes ces zones justifient de procéder à une évaluation précise de l'impact des politiques communautaires et à une adaptation des mesures afin de développer leurs potentialités, de protéger leur environnement et de préserver la cohésion à l'échelon de l'Union.
Plus particulièrement, il ne s'agit pas d'élaborer une nouvelle politique structurelle spécifique ou une nouvelle politique de cohésion appliquant les mêmes critères à toutes les zones de montagne. Ce dont il s'agit, c'est de mieux adapter les instruments existants aux contextes locaux en vue d'assurer la cohésion économique et sociale.
Les principaux objectifs d'une stratégie communautaire pour les zones de montagne devraient être d'assurer une compensation équitable des services d'ordre écologique fournis à la société et de développer, non un système d'aide permanente, mais plutôt la capacité des populations et des communautés de ces régions à pratiquer elles-mêmes un développement durable, en mettant l'accent sur le potentiel existant - et non uniquement sur les handicaps - dans un contexte de cohésion et de compétitivité accrues à l'échelon européen.
Les nouvelles orientations de la politique agricole commune et de la politique structurelle ainsi que l'élargissement prochain de l'Union, mentionnés dans le cadre de l'Agenda 2000, préfigurent cependant des développements intéressants.
Il convient pour terminer de souligner que les problèmes des zones de montagne se situent au carrefour de deux questions essentielles pour l'avenir de l'UE au-delà de l'an 2000, en l'occurrence l'environnement et l'emploi. C'est autour de ces deux questions que devrait s'articuler la nouvelle stratégie de l'Union européenne à l'égard d'un développement durable des zones de montagne.
2) FONDEMENTS D'UNE NOUVELLE APPROCHE EUROPÉENNE DES ZONES DE MONTAGNE - LA COHÉSION ENVIRONNEMENTALE
Les zones de montagne représentent un patrimoine environnemental unique, sur le plan naturel comme sur le plan culturel, pour l'ensemble de l'Europe. Il procure des ressources vitales pour le bienêtre économique et social de l'Union qui doivent être préservées et gérées.
Pour protéger ce patrimoine unique, maintenir les équilibres hydrologiques et paysagers, le rôle protecteur des forêts, la biodiversité, l'ouverture de l'espace et la capacité d'accueillir les visiteurs en quête de repos, de détente et de récréation, il est indispensable d'y maintenir en permanence une population autosuffisante.
Pour que cette population puisse se procurer des moyens de subsistance dans les conditions du monde moderne, de la mondialisation, elle doit préserver, réinventer les bases d'un développement durable. Pour durer, ce développement ne peut être basé que sur une gestion saine des ressources locales, naturelles et humaines. Il doit être endogène, basé sur une économie identitaire qui puise sa force dans le sentiment d'appartenance des individus à une communauté, à son histoire, à son avenir, et qui peut espérer trouver une viabilité économique en mettant sur le marché des biens et services qui répondent à la demande croissante d'authenticité, de qualité et de beauté de la part des consommateurs. Les populations de montagne se sont pour la plupart déjà tournées vers le développement de produits agricoles et touristiques de qualité.
Il faut par conséquent compenser les services écologiques rendus à la société, par les populations des montagnes, par des services de base.
Il est donc nécessaire qu'en reconnaissance des services rendus à l'ensemble de la société par les populations de montagne, celles-ci perçoivent une compensation non pas aléatoire mais fixe, qui leur permette de maintenir leur présence, sous forme principalement d'infrastructures et de services de base.
Il existe certes des mesures compensatoires en faveur de l'agriculture de montagne, qui ont été établies à l'origine pour tenir compte des handicaps spécifiques à ces zones, et qui sont de plus en plus justifiées par la reconnaissance du rôle essentiel joué par les agriculteurs dans la gestion des paysages et des écosystèmes de montagne. Par ailleurs, le maintien d'une activité agro-sylvo-pastorale est certes indispensable et doit rester un des piliers de l'action communautaire vis-à-vis de ces zones. Mais le problème posé aujourd'hui va désormais au-delà. A quoi servirait de maintenir une activité agricole si par ailleurs la présence d'une vie permanente ne peut plus être assurée pour le reste de la population?
La politique de compensation nécessaire va donc bien au-delà de la politique agricole et de développement rural. Et il est légitime qu'elle implique, par principe, un partenariat régional, national et communautaire dans la mesure où les ressources des montagnes bénéficient à l'ensemble de l'Union.
Les fondements de cette politique communautaire de compensation sont donc d'ordre environnemental, au-delà des considérations de cohésion économique et sociale. Il s'agit de cohésion environnementale, un objectif nouveau à inscrire à moyen et à long terme dans la vision de la cohésion communautaire. A court terme, l'UE ne disposant pas d'instruments répondant à cet objectif, la solution consiste à proposer les adaptations nécessaires des dispositifs existants, dont principalement celui des fonds structurels.
Dans tous les cas, il est nécessaire que l'Union européenne développe une approche globale, intégrée et cohérente vis-à-vis des zones de montagne, pour mieux appréhender la très grande diversité de ses zones de montagne sans mettre en danger, mais au contraire en renforçant la cohésion communautaire, y compris par la coopération et la solidarité entre zones de montagne.
3) ORIENTATIONS PRIORITAIRES
Les orientations prioritaires suivantes sont proposées pour une nouvelle approche des montagnes par l'Union:
- rendre le territoire montagnard autonome et attractif pour les populations locales et les activités économiques par une approche communautaire de la compensation des surcoûts au niveau des communautés locales;
- protéger et valoriser le patrimoine montagnard sous tous ses aspects, naturels et culturels; soutenir et promouvoir les bases structurelles du développement durable des communautés de montagne;
- développer l'échange et la coopération entre communautés de montagne au niveau européen, en priorité entre les pays de l'Union et les pays candidats à l'adhésion.
La définition de cette nouvelle approche devrait passer par trois étapes. La première étape correspond à la phase de négociation des propositions de la Commission dans le cadre de l'Agenda 2000. L'objectif est une adaptation des règlements aux régions de montagne, par une meilleure identification de leurs besoins et de leurs possibilités, notamment dans les nouvelles propositions législatives de la Commission (Fonds structurels, réforme de la PAC, instruments de pré-adhésion). Cette identification doit être modulée selon le contexte.
La deuxième étape, qui suit immédiatement la première, doit déboucher sur un document où la Commission précise sa position quant à la situation que connaissent les zones de montagne. Ce document pourrait prendre la forme d'une "Communication de la Commission au Conseil sur les zones de montagne de l'Union", s'inscrivant dans la perspective de son élargissement.
La troisième étape devrait conduire, sur la base de cette Communication, à l'adoption d'un "Plan d'action" transversal traduisant en termes opérationnels la nouvelle approche communautaire des zones de montagne.
Ce plan d'action s'appuierait sur des instruments, des règlements et des mesures axées exclusivement sur les zones de montagne, des programmes, ou parties de programmes, prenant en compte de manière spécifique les montagnes dans le cadre des nouvelles initiatives communautaires, dont la coopération transfrontalière, internationale et interrégionale, et le développement rural, des nouvelles actions innovatrices et d'assistance technique relevant des Fonds structurels concernant certains secteurs névralgiques pour l'avenir des zones de montagne (tourisme, télécommunications, transports, éducation, formation et recherche, égalité des chances).
Ces trois étapes de la procédure de définition devraient s'appuyer sur une vision globale, cohérente mais aussi détaillée et précise des objectifs à atteindre. La définition d'orientations prioritaires - comme proposée - servira à préserver la cohérence des principes et des propositions qui pourront être avancés sur une base plus spécifique.
4) PROPOSITIONS SPÉCIFIQUES
1. Information, communication, suivi et évaluation des politiques communautaires vis-à-vis des zones de montagne
Eu égard au manque de transparence et de visibilité des interventions de l'UE vis-à-vis des zones de montagne, au manque d'informations aisément disponibles pour évaluer les besoins de ces zones, de même que l'impact des politiques en place, et à la nécessité de renforcer le contrôle et l'évaluation de toutes les politiques de l'UE, il est proposé de rassembler et de traiter les informations disponibles de manière à disposer d'une documentation facilement accessible et régulièrement remise à jour, ainsi que de publier en un seul volume les principaux règlements ayant un impact significatif sur les zones de montagne ("code montagne de l'UE").
2. Approche intégrée et territoriale des zones de montagne
Eu égard à l'expérience acquise en matière de développement rural par le biais du programme LEADER, et des enseignements à tirer des projets-pilotes en matière d'aménagement du territoire mis en oeuvre dans le cadre du programme TERRA, il est proposé de mettre en place une stratégie visant à améliorer l'approche intégrée et territoriale des zones de montagne, en tenant compte des interactions entre les différents niveaux de décision (intégration verticale), et en particulier d'organiser un séminaire sur les "zones de montagne et l'aménagement du territoire", de préparer une "Communication de la Commission au Conseil sur les zones de montagne de l'UE", en étendant et en adaptant aux zones de montagne la méthode appliquée aux zones côtières, telle qu'elle est présentée dans la "Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la gestion intégrée des zones côtières", de définir et de soumettre à l'approbation du Conseil, à partir de cette "Communication", un "Plan d'action communautaire à l'intention des zones de montagne", qui regrouperait de façon transversale un ensemble d'actions susceptibles d'êtres conduites par l'Union à travers différents règlements, programmes et initiatives communautaires. Il conviendrait enfin de mettre au point, dans le cadre de la nouvelle initiative sur le "développement rural", telle que prévue par l'Agenda 2000, un "sous-programme" spécifique pour les zones de montagne, en vue d'appliquer l'acquis méthodologique de LEADER à l'ensemble des zones de montagne de l'UE, en mettant l'accent sur des questions-clés en matière de développement durable des zones de montagne.
3. Echange et coopération entre les communautés montagnardes au niveau de l'Union
Vu la nécessité de rendre les populations et les communautés montagnardes plus actives et plus directement bénéficiaires des mesures prises en leur faveur, de mieux prendre en compte les retombées positives des mesures "douces" concernant les infrastructures et les structures de production, sachant enfin qu'un savoir-faire accru grâce à l'échange d'expériences entre les régions est primordial pour l'avenir des zones de montagne européennes, il est proposé de mettre sur pied, dans le cadre de la nouvelle initiative sur la "coopération transfrontalière, internationale et interrégionale", telle qu'elle figure dans l'Agenda 2000, un "sous-programme" spécifique pour les zones de montagne, en allouant par exemple une proportion équitable du budget à ces zones dans les futurs programmes, afin de diffuser l'information et de garantir une concurrence équitable aux régions montagneuses isolées.
4 Prise en compte des besoins et des potentialités spécifiques des zones de montagne dans le cadre de la politique de cohésion de l'UE
Compte tenu du caractère prioritaire de l'objectif 1, de la définition d'un nouvel objectif 2 et du maintien du Fonds de cohésion, il est proposé de renforcer les procédures d'évaluation, de contrôle, d'information et de communication dans l'utilisation de ces fonds, de manière à garantir que les zones de montagne soient dûment prises en compte, que les populations de ces régions soient conscientes des possibilités existantes et des résultats des mesures mises en oeuvre, et que la vulnérabilité de ces régions sur le plan environnemental soit bien prise en considération; il est également proposé d'effectuer, dans le cadre du programme unique adopté pour chaque région, en particulier au titre de l'objectif 1, une évaluation comparative détaillée (ex-ante et ex-post) des mesures adoptées et de leur impact sur les zones de montagne dans le contexte régional.
5. Améliorer la compensation pour les services fournis à l'ensemble de l'Union européenne par les communautés montagnardes à travers la gestion et la préservation des ressources naturelles et des services locaux
Dans le souci de fournir les infrastructures et les services nécessaires au maintien d'une population suffisante, et en particulier d'une population jeune, ainsi qu'à l'accueil saisonnier de visiteurs, ce qui confère un caractère prioritaire aux services de transports locaux, à l'éducation, à la santé, à l'information et à la communication, il est proposé de renforcer, à court terme, l'effet compensatoire des Fonds structurels et des Fonds de cohésion dans les zones éligibles.
6. Aide à l'agriculture et à la sylviculture de montagne
Eu égard aux mémorandums transmis à la Commission européenne par l'Autriche, la France et l'Italie sur l'agriculture et la sylviculture alpines, à l'avis élaboré par le Comité des régions sur une politique de l'agriculture de montagne en Europe, ainsi qu'au large consensus qui prévaut quant à ces activités traditionnelles, considérées comme les piliers de tout développement durable dans les zones de montagne, il est proposé de consolider l'aide au revenu des exploitations agricoles par le biais de paiements compensatoires, de conserver (de réintroduire) dans le règlement concernant le développement rural le principe du taux différencié en zones de montagne pour les aides à l'investissement, à l'industrie, à l'amélioration technique, à la transformation et à la commercialisation des produits (activités agricoles, pastorales, sylvicoles et autres activités de base).
Il serait en outre bon d'accorder une attention particulière au soutien à certains modes de production qui ne font pas l'objet de mesures appropriées, notamment les élevages de petits ruminants laitiers, et ceux basés sur les races et/ou les variétés locales, dans une optique de durabilité, d'étendre les mesures agro-environnementales aux pratiques sylvicoles et agro-sylvo-pastorales compatibles avec l'environnement, en prenant en compte les éléments-clés d'un développement durable pour l'agriculture et la sylviculture en montagne, d'évoluer (progressivement mais rapidement) vers des mesures d'incitation positives pour la gestion du territoire, les productions de qualité et les systèmes d'exploitation à faible niveau d'intrants, en regroupant les fonds alloués actuellement au titre des paiements compensatoires, d'une part, et de mesures d'accompagnement, d'autre part, en une seule procédure de paiement, le nouveau schéma compensatoire, avec suffisamment de transparence et de garanties pour l'avenir.
Enfin, il faudrait subordonner l'aide aux reboisements des terres agricoles aux principes de précaution et de compatibilité avec l'équilibre, l'ouverture des espaces et la préservation des paysages, la protection de l'environnement et de la bio-diversité, et inscrire clairement les communes et les collectivités locales de montagne sur la liste des bénéficiaires des aides prévues pour les opérations de maintien de la stabilité écologique des forêts, de protection et de création des systèmes de prévention des incendies assurés par les activités agro-pastorales.
7. Commercialisation et labellisation des produits et services de qualité dans les zones de montagne
Eu égard au fait que la commercialisation de biens et services clairement identifiés, offrant une garantie d'authenticité, est un moyen d'obtenir une valeur ajoutée acceptable sur le marché, de promouvoir la confiance des populations locales dans leur potentiel de développement et d'exportation, et de réduire ainsi, à terme, la dépendance des économies des zones de montagne à l'égard des politiques de cohésion, il est proposé de créer un label "montagnes de l'UE" complétant les mesures existantes de manière cohérente, en vue de promouvoir la compétitivité et la coopération entre les zones de montagne européennes pour l'exportation de leurs produits - marchandises et services - sur le marché mondial, ainsi que de préserver des normes de qualité élevées, mais adaptées à la réalité du contexte de production, en appliquant notamment des normes moins restrictives aux produits fermiers.
8. Encourager l'accès aux nouvelles technologies, aux télécommunications et aux transports afin d'inciter la population, et en particulier la population jeune, à demeurer sur place, à développer des formes de tourisme respectueuses de l'environnement, à concevoir, à créer et à attirer de nouveaux types d'activités et de nouvelles sources de revenus.
9. Les zones de montagne dans le cadre de l'élargissement de l'Union
Eu égard à la nécessité d'étendre la mise en place d'une nouvelle approche des montagnes aux perspectives d'élargissement de l'Union et à l'existence de progrès significatifs vers la prise en compte des spécificités des zones de montagne dans la plupart des pays candidats à l'adhésion, il est proposé de donner une place spécifique, dans le cadre du Programme PHARE, au soutien à des actions pilotes pour le développement durable et intégré en montagne.
Enfin, il faudrait, dès les premières phases de négociation, identifier comme une priorité le soutien à l'agriculture, à la sylviculture et au développement rural en montagne dans le cadre de l'instrument de pré-adhésion agricole, en accordant une attention particulière aux services de base rendus à la population, et au tourisme durable.