RAPPORT sur le Conseil européen de Laeken et l'avenir de l'Union
(2001/2180(INI))
23 octobre 2001
Commission des affaires constitutionnelles
Rapporteurs: Jo Leinen et Iñigo Méndez de Vigo
PAGE RÉGLEMENTAIRE
Au cours de la séance du 4 octobre 2001, la Présidente du Parlement a annoncé que la commission des affaires constitutionnelles avait été autorisée à élaborer un rapport d'initiative, conformément à l'article 163 du règlement, sur l'avenir de l'Union et que la commission économique et monétaire ainsi que la commission juridique et du marché intérieur et toutes les commissions intéressées avaient été saisies pour avis.
Au cours de sa réunion du 11 juillet 2001, la commission des affaires constitutionnelles avait nommé Jo Leinen et Iñigo Méndez de Vigo rapporteurs.
Au cours de ses réunions des 13 septembre 2001 et 1er, 11 et 22 octobre 2001, la commission a examiné le projet de rapport.
Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté la proposition de résolution par 23 voix contre 3 et 1 abstention.
Étaient présents au moment du vote Giorgio Napolitano (président), Johannes Voggenhuber (vice-président), Ursula Schleicher (vice-présidente), Jo Leinen, Iñigo Méndez de Vigo (rapporteurs), Teresa Almeida Garrett, Margrietus J. van den Berg, Georges Berthu, Guido Bodrato (suppléant François Bayrou), Jens-Peter Bonde, Elmar Brok (suppléant Luigi Ciriaco De Mita), Carlos Carnero González, Giorgos Dimitrakopoulos, Manuel António dos Santos, Andrew Nicholas Duff, Olivier Duhamel, Monica Frassoni, José María Gil-Robles Gil-Delgado, Sylvia-Yvonne Kaufmann, Alain Lamassoure (suppléant Christopher J.P. Beazley), Hanja Maij-Weggen, Cecilia Malmström, Hans-Peter Martin, Jacques F. Poos (suppléant Richard Corbett), Lennart Sacrédeus, Konrad K. Schwaiger (suppléant The Earl of Stockton) et Dimitris Tsatsos.
Les avis de la commission économique et monétaire et de la commission juridique et du marché intérieur sont joints au présent rapport.
Le rapport a été déposé le 23 octobre 2001.
Le délai de dépôt des amendements sera indiqué dans le projet d'ordre du jour de la période de session au cours de laquelle le rapport sera examiné.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Résolution du Parlement européen sur le Conseil européen de Laeken et l'avenir de l'Union (2001/2180(INI))
Le Parlement européen,
– vu le traité qui a été signé à Nice le 26 février 2001 et en particulier la déclaration n° 23 sur l'avenir de l'Union,
– vu la communication de la Commission relative à certaines modalités du débat sur l'avenir de l'Union (COM(2001) 178),
– vu le rapport relatif au débat sur l'avenir de l'Union présenté par la Présidence suédoise au Conseil Européen de Göteborg,
– vu sa résolution du 31 mai 2001 sur le traité de Nice et l'avenir de l'Union européenne[1],
– vu sa résolution du 25 octobre 2000 sur la constitutionnalisation des traités[2],
– vu le rapport annuel du Conseil européen sur les progrès de l'Union en 2000,
– vu la proposition de résolution sur le Haut représentant à la Commission (B5-0680/2000),
– vu l'article 163 de son règlement,
– vu le rapport de la commission des affaires constitutionnelles et les avis de la commission économique et monétaire ainsi que de la commission juridique et du marché intérieur (A5-0368/2001),
A. considérant la déclaration n° 23 annexée au traité de Nice qui prévoit la réforme des traités en 2004 précédée d'un nouveau processus de préparation ouvert et public,
B. considérant que le débat public qui s'est déroulé tout au long de 2001 a démontré un très large consensus autour d'une nouvelle méthode de réforme des traités basée sur le travail d'une Convention qui préparerait la CIG,
C. considérant que le dialogue avec les citoyens s'est révélé, jusqu'ici, insuffisant et qu'il doit donc s'intensifier et s'étendre tout au long du processus de réforme des traités,
D. considérant l'audition des parlements nationaux des États membres et des pays candidats qui a eu lieu à Bruxelles, les 10 et 11 juillet 2001,
E. considérant que les récents événements sur la scène internationale ont réintroduit de façon urgente dans l'agenda de l'Union les défis liés à la sécurité extérieure et intérieure,
F. considérant son avis sur le traité de Nice dont la présente résolution constitue la suite et le complément, traité dont les points faibles reflètent l'actuelle dérive intergouvernementale et, partant, l'affaiblissement de la méthode communautaire,
G. estimant que la première exigence des citoyens européens est que les décisions qui seront prises façonnent les politiques et les processus fondamentaux de l'Union de manière que celle-ci soit plus démocratique, plus efficace, plus transparente, plus saine et plus sensible aux questions sociales,
H. considérant que la prochaine réforme doit faire en sorte que les citoyens adhèrent pleinement au processus de la construction européenne et, dans cette perspective, sachent clairement qui fait quoi au sein de l'Union, ce que celle-ci doit réaliser et de quelle façon,
Les défis liés à l'avenir de l'Europe
1. réitère son engagement en faveur d'une Union européenne qui corresponde au projet originel d'union des peuples et des États, qui donne une réponse stable et durable aux exigences de démocratie, légitimation, transparence et efficacité qui sont incontournables pour continuer à progresser dans la construction européenne, notamment en vue de l'élargissement, le caractère démocratique de l'Union ne devant en aucun cas être sacrifié à l'efficacité; une Constitution pour l'Union doit constituer l'objectif de la Conférence intergouvernementale de 2003;
2. rappelle que les quatre sujets mentionnés dans la déclaration n° 23 annexée au traité de Nice ne sont pas exclusifs; estime dès lors que l'envergure de la réforme à venir et, par conséquent, le choix des thèmes à aborder par la Convention, doivent partir de l'analyse approfondie et rigoureuse des atouts et des faiblesses de l'Union ainsi que du rôle qu'elle est appelée à jouer au XXIe siècle;
3. estime que, mis à part les quatre sujets prévus à la déclaration n° 23 qui feront l'objet de résolutions spécifiques, le progrès politique, économique et social, la sécurité et le bien-être des citoyens et des peuples européens et l'affirmation du rôle de l'Union dans le monde exigent:
- a)l'élaboration d'une politique extérieure, de sécurité et de défense comprenant la définition des principes et des orientations généraux de la PESC et de la défense collective, et dont les objectifs doivent inclure celui de la lutte contre le terrorisme;
- b)l'inclusion de la PESC dans le pilier communautaire réunissant en un chapitre unique toutes les dispositions liées aux différents aspects de la politique extérieure;
- c)la reconnaissance de la personnalité juridique de l'Union;
- d)le renforcement dans le traité CE des droits fondamentaux, des droits des citoyens et de toutes les autres dispositions liées directement ou indirectement à l'action des institutions européennes en faveur des personnes en tant que détentrices d'un droit fondamental;
- e)l'élimination du déficit démocratique qui caractérise actuellement l’UEM et l’établissement d’un système économique et monétaire équilibré au moyen de la consolidation de la politique de cohésion économique et sociale, du renforcement de la politique de l’emploi et d'une coordination accrue des politiques économiques des États membres;
- f)l'élaboration d'une politique policière, judiciaire et pénale commune et, notamment:
- -fusion, dans le cadre communautaire, de la coopération judiciaire et policière en matière pénale, coopération judiciaire dans le domaine civil et mesures liées à la circulation des personnes;
- -reconnaissance de la pleine juridiction de la Cour de justice pour toutes les mesures liées à la réalisation de l'espace de liberté, de sécurité et de justice;
- -intégration d'Europol dans le cadre institutionnel de l'Union;
- -création d'un ministère public européen;
4. relève que les réformes institutionnelles ne constituent pas un chapitre fermé et considère qu'à l'ordre du jour de la réforme des traités doivent figurer les points qui n'ont pas été abordés ou réglés par le traité de Nice et qui sont indispensables à un fonctionnement plus démocratique et plus efficace des institutions de l'Union, dont:
- a)la mise à jour des fonctions du Conseil européen, du Conseil Affaires générales et des formations sectorielles du Conseil;
- b)le système des présidences du Conseil européen, du Conseil Affaires générales et des formations sectorielles du Conseil;
- c)la simplification des procédures législatives qui doivent se dérouler dans la transparence, le principe général étant, en matière législative, le recours au vote à la majorité qualifiée au Conseil et à la procédure de codécision avec le Parlement européen pour renforcer le caractère démocratique de l'Union;
- d)la disparition de la distinction entre les dépenses obligatoires et non obligatoires et, par conséquent, l'application de la procédure budgétaire correspondant aux dépenses non obligatoires à l'entièreté de la partie dépenses du budget, et l'intégration dans le budget de l'Union du Fonds européen de développement;
- e)l'introduction d'une hiérarchie des normes;
- f)la pleine participation du Parlement européen à la politique commerciale commune, aux relations économiques extérieures et à la mise en œuvre et au développement des coopérations renforcées;
- g)l'élection du président de la Commission par le Parlement européen;
- h)la désignation des membres de la Cour de justice et du Tribunal de première instance à la majorité qualifiée, sur avis conforme du Parlement européen;
5. exprimera de façon détaillée son avis concernant la portée de la réforme à travers de résolutions ultérieures adressées à la Convention;
Composition de la Convention
6. insiste pour la création d'une Convention dont la composition doit refléter le pluralisme politique européen et dans laquelle, par conséquent, et suivant l'exemple de celle qui a élaboré la Charte des droits fondamentaux, la composante parlementaire nationale et européenne soit largement représentée; estime qu'une telle Convention peut représenter une innovation indispensable au succès d'une réforme démocratique de l'Union européenne;
7. estime que la composition de la Convention doit être fondée sur le même principe qui a inspiré la composition de la Convention "Charte"; le Parlement européen doit y être représenté dans la même proportion par rapport aux autres composantes;
8. juge indispensable que les États candidats à l'adhésion soient associés à la préparation de la réforme des traités et que, par conséquent, ils participent à la Convention et aux travaux de celle-ci en tant qu'observateurs permanents à travers deux représentants du Parlement de chaque État et un représentant de chaque gouvernement;
9. estime que le Comité des Régions et le Comité économique et social doivent participer à la Convention à travers deux observateurs permanents de chaque organe pour associer ainsi les pouvoirs régionaux et locaux et les représentants des différentes catégories de la vie économique et sociale;
10. considère que, pour être efficaces, les travaux de la Convention doivent être dirigés par un Présidium agissant collégialement et composé du Président, du représentant de la Commission, de deux membres choisis par les représentants des parlements nationaux, de deux représentants du Parlement européen ainsi que du représentant de la présidence en exercice du Conseil et de la présidence suivante;
11. juge essentiel le rôle qui revient au Président de la Convention et, pour cette raison, estime qu'il doit s'agir d'une personnalité politique d'envergure et jouissant d'un grand prestige au niveau européen et dotée d'une expérience parlementaire; le Président doit être élu par la Convention;
12. estime que le Présidium doit être en charge des relations régulières avec le Conseil européen;
13. considère que le Présidium devra, après la fin des travaux de la Convention, participer pleinement et activement à tous les stades et niveaux de la CIG qui doit entériner la réforme des traités préparée par la Convention;
Méthode de travail de la Convention
14. estime que la Convention doit être autonome pour décider de l'organisation de ses travaux, le Président, assisté du Présidium, étant responsable de l'exécution des décisions de procédure adoptées par consensus des quatre composantes;
15. considère utile que la Convention soit assistée par un secrétariat interinstitutionnel;
16. juge essentiel que la Convention travaille dans la pleine transparence tant en ce qui concerne le déroulement des débats et des délibérations qu'en ce qui concerne les documents dont l'accès du public doit être assuré par tous les moyens possibles;
17. estime indispensable que le Parlement européen, les parlements nationaux et toutes les institutions européennes mènent, en parallèle aux travaux de la Convention, un dialogue actif avec les citoyens afin de pouvoir tenir compte des préoccupations de l'opinion publique;
18. soutient pleinement la proposition d'un Forum de la société civile, tel que proposé par la présidence belge lors du Conseil informel de Genval, qui permettrait à la Convention d'entretenir un contact étroit avec les citoyens afin que le résultat de ses travaux puisse tenir compte des inquiétudes, idées et priorités pour l'avenir exprimées par la société civile; propose que la Convention organise à cette fin des auditions publiques dans les États membres;
Mandat et calendrier de la Convention
19. estime fondamental, pour assurer une réforme efficace de l'Union, que la Convention se dote d'une procédure de prise de décision qui lui permette d'élaborer par consensus une proposition unique et cohérente pour la soumettre à la Conférence intergouvernementale en tant que seule base de négociation et de décision;
20. souhaite que la Convention entame ses travaux immédiatement après le Conseil européen de Laeken et les mène à bien en temps utile pour que la Conférence intergouvernementale puisse se clôturer à la fin 2003 sous présidence italienne, de telle manière que le nouveau traité puisse être adopté au plus tard en décembre 2003, que les élections européennes de 2004 donnent un élan démocratique au processus d'intégration européenne et que le Parlement participe au processus aux côtés de la Commission, dans les conditions les plus favorables possibles;
21. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux chefs d'État ou de gouvernement et aux parlements des États membres et des pays candidats.
OPINION MINORITAIRE
Conformément à l'article 161 du règlement
Jens-Peter Bonde, Georges Berthu et José Ribeiro y Castro
1. Il conviendrait de renégocier le traité de Nice.
2. Le prochain traité ne doit pas prendre la forme d'une constitution fédérale européenne. Il doit au contraire être élaboré dans le respect de la démocratie parlementaire et de la souveraineté des États membres.
3. Un catalogue de compétences doit délimiter les pouvoirs de l'Union européenne et spécifier quelles compétences reviennent aux parlements nationaux, sauf dans les cas où le traité confère expressément certains droits à l'Union européenne.
4. C'est aux parlements nationaux qu'il appartient de décider s'ils veulent que la décision soit prise à un niveau plus élevé.
5. Le monopole de l'initiative de la Commission doit être limité par des réunions communes entre 20 représentants issus de chacun des parlements nationaux.
6. Un commissaire doit rencontrer les élus d'un parlement national sur une base hebdomadaire.
7. Les négociations sur la législation doivent être publiques. En cas de décision majoritaire, un "opting-out" équilibré doit être rendu possible.
8. L'acquis existant doit être réduit à des questions plus générales, et les États membres devraient pouvoir bénéficier d'une plus grande liberté dans son application.
9. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit respecter la Cour européenne des droits de l'homme et les hautes cours nationales.
10. L'Union européenne doit se doter d'un code administratif moderne et favorisant la transparence, comme le propose le médiateur européen.
11. Les représentants nationaux de l'Union européenne doivent être responsables devant leurs États membres respectifs, qui leur attribueront une rémunération sur laquelle ils seront imposés.
12. Des conditions d'adhésion souples doivent être offertes aux pays candidats.
13. Les futurs traités doivent être soumis à des référendums[1].
- [1] Voir les 13 requêtes de "SOS Démocratie" [www.euobserver.com (faire la recherche sur "13 requêtes")].
AVIS DE LA COMMISSION ECONOMIQUE ET MONETAIRE
17 septembre 2001
à l'intention de la commission des affaires constitutionnelles
sur le Conseil européen de Laeken et l'avenir de l'Union (INI(2001)2180
Rapporteur pour avis: Christopher Huhne
PROCÉDURE
Au cours de sa réunion du 28 mai 2001, la commission économique et monétaire a nommé Christopher Huhne rapporteur pour avis.
Au cours de ses réunions des 19 juin, 10 juillet, 27 août et 13 septembre 2001, elle a examiné le projet d'avis.
Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté les conclusions suivantes par 29 voix contre 1 et 1 abstention.
Ont pris part au vote Christa Randzio-Plath (présidente), Philippe A.R. Herzog (vice-président), Christopher Huhne (rapporteur pour avis), Alejandro Agag Longo, Generoso Andria, Richard A. Balfe, Luis Berenguer Fuster, Pervenche Berès, Hans Blokland, Hans Udo Bullmann, Harald Ettl (suppléant Simon Francis Murphy), Jonathan Evans, Carles-Alfred Gasòliba i Böhm, Robert Goebbels, Lisbeth Grönfeldt Bergman, Pierre Jonckheer, Othmar Karas, Alain Lipietz, Astrid Lulling, Jules Maaten (suppléant Karin Riis-Jørgensen), Thomas Mann (suppléant Brice Hortefeux), Miquel Mayol i Raynal, Fernando Pérez Royo, John Purvis (supplant Piia-Noora Kauppi), Alexander Radwan, Bernhard Rapkay, Olle Schmidt, Charles Tannock, Marianne L.P. Thyssen, Ieke van den Burg (suppléant Helena Torres Marques), Theresa Villiers et Karl von Wogau.
JUSTIFICATION SUCCINCTE
La déclaration qu'adoptera le Conseil européen de Laeken ouvrira la voie à une nouvelle conférence intergouvernementale. Celle‑ci devrait être l'occasion d'apporter des modifications au traité, dans le but de rendre la politique économique et monétaire de l'Union européenne plus cohérente et plus harmonieuse, au travers d'un processus auquel le Parlement sera pleinement associé. Votre rapporteur pour avis propose d'examiner les points suivants:
Services financiers
Manifestement, la mise en œuvre rapide du plan d'action pour les services financiers, conformément aux recommandations du comité des sages présidé par M. Lamfalussy, s'est révélée malaisée. Le comité a souligné, à juste titre, que légiférer par délégation de pouvoirs était essentiel dans le domaine des services financiers si l'on veut que les décideurs politiques puissent réagir à l'évolution rapide du marché et des innovations. Il n'existe aucun instrument – que ce soient les traités, les accords interinstitutionnels en vigueur ou les décisions de comitologie – qui régisse de manière adéquate le cas de figure de la demande de délégation de pouvoirs au Parlement en tant que colégislateur. Or, pour celui-ci, il est difficilement concevable de se dessaisir des droits que lui confère la procédure de codécision s'il ne peut recourir à une procédure de rappel, au cas où le comité européen des valeurs mobilières et le comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières excéderaient la portée des compétences exécutoires qui leur auraient été déléguées ou ne respecteraient pas les procédures convenues en matière de transparence et d'ouverture.
Il est absolument crucial que la prochaine CIG précise les différences entre droit primaire et droit dérivé, les principes politiques étant fixés dans le droit primaire et les mesures d'exécution relevant du droit dérivé, mécanisme contraignant de rappel pour le Parlement à l'appui. Tant le Parlement que le Conseil doivent avoir la possibilité, en respectant strictement le principe de parallélisme, de contester l'adoption d'une décision en faisant valoir qu'une mesure d'exécution dépasse l'intention du législateur ou que le comité, dans l'exercice des compétences qui lui sont déléguées, ne respecte pas scrupuleusement les procédures convenues. Le Parlement devrait demander que la question du mécanisme de rappel soit inscrite à l'ordre du jour de la CIG qui doit être convoquée en 2004.
Politique économique (article 99)
Conformément à l'article 98 du traité, "Les États membres conduisent leurs politiques économiques en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté …". L'article 99, quant à lui, traite de la coordination des politiques économiques, sur la base des grandes orientations (visées au paragraphe 2) et de la surveillance multilatérale établie dans le cadre de l'UEM (paragraphe 5). Le Parlement n'intervient en rien dans l'élaboration et dans l'adoption des grandes orientations des politiques économiques. En vertu des dispositions actuelles du traité, c'est le Conseil qui, statuant à la majorité qualifiée, adopte ces orientations et, après seulement, informe le Parlement de sa décision. Votre rapporteur pour avis estime qu'une telle procédure devrait être modifiée de telle sorte que la consultation formelle du Parlement précède l'adoption de la recommandation par le Conseil. S'agissant de la surveillance multilatérale des politiques économiques, le Conseil peut décider à la majorité qualifiée d'adresser des recommandations à propos des dépenses publiques de tel État membre et, à nouveau, en informe le Parlement a posteriori. Votre rapporteur pour avis estime que l'adoption des modalités de la surveillance devrait s'effectuer conformément à la procédure de codécision, et non de coopération comme c'est le cas actuellement.
Meilleure participation du Parlement à la politique de concurrence
Le rôle du Parlement dans la politique de concurrence doit être renforcé. En vertu des dispositions du traité relatives à la réforme de la politique de concurrence (article 83) et à la réforme du régime des aides d'État (article 89), le Conseil statue à la majorité qualifiée, après simple consultation du Parlement. D'un point de vue démocratique, une telle procédure est insatisfaisante puisqu'elle implique que des dispositions législatives peuvent être adoptées au sein du Conseil contre la volonté de tel État membre, mais sans le garde-fou supplémentaire inhérent à la nécessité de l'approbation du Parlement. Il conviendrait d'y remédier en appliquant la procédure de codécision, comme dans les autres domaines qui requièrent la majorité qualifiée au Conseil.
Responsabilité démocratique de la BCE
Afin d'accroître la responsabilité démocratique de la BCE, il conviendrait d'organiser des auditions formelles de confirmation devant le Parlement avant de procéder à la nomination des membres du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, pour la personne de son président surtout. Le Parlement devrait être habilité à approuver ou à rejeter l'ensemble des nominations, comme il le fait pour le collège des commissaires européens.
Élargissement
Dans le contexte de l'élargissement, la CIG devrait modifier les traités de manière à répartir différemment les votes au sein du conseil des gouverneurs de la BCE. Certes, les gouverneurs des banques centrales nationales devraient tous conserver le droit d'assister au conseil des gouverneurs de la BCE, mais le nombre des voix disponibles devrait être limité à douze (six pour les membres du directoire et six pour les gouverneurs des banques centrales nationales). Afin de déterminer les membres qui disposent du droit de vote, il conviendrait de répartir les États membres en circonscriptions de taille similaire, comme c'est le cas au FMI.
CONCLUSIONS
La commission économique et monétaire invite la commission des affaires constitutionnelles, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les éléments suivants:
1. souhaite que le Conseil européen de Laeken élargisse l'ordre du jour de la prochaine réforme de l'Union tel que défini par la déclaration 23 annexée au traité de Nice pour inclure la question de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire;
2. constate que traités, accords interinstitutionnels et décisions de comitologie régissent de manière inadéquate le cas de figure de la demande de délégation de pouvoirs du Parlement en tant que colégislateur à la Commission, assistée du comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières, ce dans une très large série de domaines sensibles, d'après les recommandations du groupe Lamfalussy; estime que, pour que le Parlement accepte de déléguer de telles compétences de manière permanente, il doit disposer du garde-fou démocratique que constitue une procédure de rappel lui permettant de bloquer les mesures qui excéderaient les attributions découlant du droit primaire (ultra vires) et auraient été adoptées sans que soient respectées les procédures convenues de consultation et de transparence;
3. engage instamment la prochaine CIG à préciser les différences entre droit primaire et droit dérivé en ce sens que les principes politiques et les éléments essentiels sont fixés dans le droit primaire et que les mesures d'exécution relèvent du droit dérivé et à consacrer, dans une version révisée du traité, un mécanisme de rappel contraignant permettant et au Parlement et au Conseil, en tant que colégislateurs, d'exercer un contrôle démocratique efficace;
4. demande l'élargissement de la procédure de codécision à tous les domaines du droit économique, fiscal et de la concurrence et réitère sa demande de réduction du déficit démocratique en matière de politique de concurrence par l'extension de la procédure de codécision aux domaines dans lesquels les actes législatifs sont adoptés par le Conseil à la majorité qualifiée, notamment la réforme de la politique de concurrence (article 83) et la réforme du régime des aides d'État (article 89); souligne la nécessité d'étendre la procédure de codécision à la législation en matière de concurrence, qui relève aujourd'hui de la compétence exclusive de la Commission;
5. propose que, pour accroître la responsabilité démocratique de la BCE, des auditions formelles soient organisées devant le Parlement avant de procéder à la nomination des membres du directoire de la Banque centrale européenne, pour la personne de son président surtout; estime que le Parlement devrait être habilité à approuver ou à rejeter l'ensemble des nominations, comme il peut le faire pour le collège des commissaires européens;
6. estime que l'objectif de la stabilité financière au sein de la zone euro devrait être inclus parmi ceux poursuivis par la politique de la BCE;
7. est d'avis que, dans le contexte de l'élargissement, il conviendrait de modifier les traités de manière à répartir différemment les votes au sein du conseil des gouverneurs de la BCE; estime que les gouverneurs des banques centrales nationales devraient tous avoir le droit d'assister au conseil des gouverneurs de la BCE, mais que le nombre des voix devrait être limité à douze (six pour les membres du directoire et six pour les gouverneurs des banques centrales nationales), d'une part, et qu'aux fins de la sélection des membres disposant du droit de vote, il conviendrait de répartir les États membres en circonscriptions, comme c'est le cas au FMI, d'autre part;
8. demande que la procédure afférente à la coordination des politiques économiques (article 99) soit modifiée de telle sorte que les grandes orientations des politiques économiques soient arrêtées sur proposition de la Commission, qu'une position commune soit trouvée concernant les amendements du Parlement européen et que soit abandonnée, au profit de la procédure de codécision, la procédure de coopération en vigueur en ce qui concerne l'adoption des modalités relatives à la surveillance multilatérale des politiques économiques.
AVIS DE LA COMMISSION JURIDIQUE ET DU MARCHE INTERIEUR
11 octobre 2001
à l'intention de la commission des affaires constitutionnelles
sur le Conseil européen de Laeken et l'avenir de l'Union
(INI(2001)2180)
Rapporteur pour avis: Willy C.E.H. De Clercq
PROCÉDURE
Au cours de sa réunion 21 mars 2001, la commission juridique et du marché intérieur a nommé Willy C.E.H. De Clercq rapporteur pour avis.
Au cours de ses réunions des 10 septembre 2001 et 11 octobre 2001, elle a examiné le projet d'avis.
Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté les conclusions suivantes par 26 voix contre 1.
Étaient présents au moment du vote Ana Palacio Vallelersundi, (présidente), Ward Beysen, (vice-président), Willy C.E.H. De Clercq, (rapporteur pour avis), Paolo Bartolozzi, Luis Berenguer Fuster, Charlotte Cederschiöld, Bert Doorn, Raina A. Mercedes Echerer, Enrico Ferri, Marie-Françoise Garaud, Evelyne Gebhardt, Françoise Grossetête, Gerhard Hager, Heidi Anneli Hautala, Kurt Lechner, Klaus-Heiner Lehne, Neil MacCormick, Luís Marinho, Manuel Medina Ortega, Angelika Niebler, Ria G.H.C. Oomen-Ruijten, Joachim Wuermeling et Stefano Zappalà, Fernando Pérez Royo, (suppléant pour Enrico Boselli), Fiorella Ghilardotti, (suppléant de Arlene McCarthy), Helle Thorning-Schmidt, (suppléant de Willi Rothley) et Neena Gill (suppléant de Carlos Candal), conformément à l'article 153, paragraphe 2, du règlement.
JUSTIFICATION SUCCINCTE
1. Le Parlement européen a déjà adopté une première évaluation générale du Traité de Nice. Il s'agit donc désormais de procéder à l'évaluation de la révision effectuée dans notre domaine de compétences spécifiques, mais aussi de prendre date pour l'avenir, dès lors qu'une nouvelle CIG se profile à l'horizon 2004.
Evaluation de la révision effectuée
2. La commission juridique peut reconnaître des mérites substantiels au Traité de Nice, essentiellement en ce qui concerne les améliorations apportées au fonctionnement du système juridictionnel:
- le Parlement se voit reconnaître le droit de former devant la Cour un recours en annulation sans devoir démontrer un intérêt particulier (article 230 révisé) et de solliciter un avis préalable de la Cour sur la compatibilité d'un accord international avec le Traité (article 300 § 6 TCE révisé) ;
- des chambres juridictionnelles pourront désormais être instituées pour connaître en première instance de certains recours dans des matières spécifiques ; leurs décisions seront susceptibles soit d'un pourvoi, soit d'un appel devant le TPI (article 225 A TCE) ;
- la Cour siégera désormais, en principe, en chambres ou en grande chambre (article 221 TCE), et non plus obligatoirement en séance plénière" (ainsi que le suggérait l'avis de la commission juridique) ;
- le Tribunal de première instance s'affirme comme le juge de droit commun pour le recours en annulation, en carence, en responsabilité (article 225 § 1), la répartition détaillée des compétences entre la Cour, le Tribunal et les chambres juridictionnelles étant renvoyée au statut - ; par ailleurs il se voit reconnaître la possibilité de connaître de certaines questions préjudicielles ;
- sans devenir toutefois comme le proposait la commission juridique une compétence totalement autonome de la Cour, le règlement de procédure de celle-ci, du moins, ne requerra plus désormais qu'une approbation à la majorité qualifiée de la part du Conseil (article 223 révisé, la même disposition étant prise pour le TPI à l'article 224 révisé) ;
3. Néanmoins, la commission juridique peut regretter :
- que les juges et avocats généraux continuent d’être nommés d'un commun accord par les gouvernements des Etats membres, au lieu de l’être par le Conseil après avis conforme du Parlement européen comme le suggérait l'avis de la commission juridique ;
- que l'unanimité au Conseil soit maintenue pour toute révision du statut de la Cour ;
- que la faculté de poser à la Cour une question préjudicielle soit refusée aux juridictions intermédiaires dans le cadre du titre IV.
4. Le statut du député devrait constituer une prérogative exclusive du Parlement. Sans reconnaître tout à fait ce principe, le Traité de Nice a du moins admis que l'approbation du Conseil soit donnée à la majorité qualifiée (article 90 TCE) ;
5. Même si le champ d'application de la procédure de codécision a été étendu, aucun progrès n'a été fait dans les domaines fiscal et social, corollaires indispensables du bon fonctionnement du marché intérieur.
Perspectives pour l'avenir
6. Nous ne savons pas quel avenir sera réservé au traité de Nice ; mais nous savons déjà qu'une nouvelle CIG se réunira dès 2004 (cf. Déclaration 23 relative à l'avenir de l'Union). Dès lors, la commission juridique, au-delà de l'évaluation des résultats de Nice, devrait s’attacher à dégager les premiers éléments d'une nouvelle réflexion prospective.
7. Les améliorations apportées à Nice au fonctionnement du système juridictionnel devraient être préservées, quitte à entrer en vigueur séparément si nécessaire. Elles devraient de plus être consolidées et complétées à l'occasion de la CIG de 2004 grâce aux réformes suivantes :
- instauration d'un procureur européen ;
- autonomie de la Cour et du TPI pour la définition de leur règlement de procédure ;
- décision à la majorité qualifiée sur le statut de la Cour ;
- suppression des dispositions du Titre IV dérogatoires au droit commun en matière de recours juridictionnels.
8. La Cour de Justice devrait s'affirmer clairement comme la Cour Constitutionnelle, dont l’Union, de plus en plus hétérogène du fait de l'élargissement, ne pourra se passer. Cela suppose :
- que la Charte des droits fondamentaux soit incorporée dans les Traités et que la Cour en soit explicitement faite la garante ;
- que soient mis à l'examen les moyens de faciliter l'accès du citoyen européen à la Cour, quand il y va de la protection de ces droits ;
- que l'articulation des différents niveaux de pouvoirs (européen, national, régional) soit définie par le Traité, et que son respect soit placé sous le contrôle de la Cour.
9. Il est essentiel, enfin, de mieux garantir à l'avenir la bonne exécution du droit communautaire. Nous avions, dans notre avis précédent, proposé que la Commission puisse constater directement un manquement, par une décision susceptible bien entendu d'un recours en annulation: nous devons travailler avec énergie à faire progresser cette idée, et examiner comment aller plus loin.
CONCLUSIONS
En conclusion, la commission juridique et du marché intérieur demande à la commission des affaires constitutionnelles, compétente au fond, d'incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les éléments suivants:
1. estime que le traité de Nice introduit dans le système juridictionnel de l'Union européenne des améliorations substantielles qu'il convient de consolider en procédant à leur ratification rapide; estime nécessaire, si la ratification globale du Traité de Nice s'avérait compromise, d'assurer une entrée en vigueur séparée des réformes substantielles introduites par ce Traité pour le fonctionnement du système juridictionnel communautaire; souhaite en tout état de cause que la Conférence intergouvernementale de 2004 complète ce système juridictionnel de façon efficace;
2. espère que le processus d'élaboration du statut de député s'achèvera avant la Conférence intergouvernementale de 2004 et, en tout état de cause, sans devoir attendre la ratification du traité de Nice; estime que le Parlement devrait, dans ce domaine, avoir un pouvoir de décision autonome et que l'unanimité exigée en vertu de l'article 190-5 du traité de Nice sur le régime fiscal des députés n'est pas justifié;
3. considère que la Cour de Justice des Communautés européennes devrait, dans le futur, assumer le rôle d'une véritable Cour constitutionnelle de l'Union européenne, chargée de garantir le respect des droits fondamentaux;
4. souligne que l'élargissement exige, pour que l'Union européenne puisse fonctionner, la systématisation du vote au Conseil à la majorité qualifiée et de la procédure de codécision, y compris dans le domaine fiscal et le domaine social, corollaires indispensables du bon fonctionnement du marché intérieur ;
5. juge indispensable de mieux garantir la bonne exécution du droit communautaire : propose notamment, en ce sens, s'il n'existe pas d'autre moyen juridique ou administratif, que la Commission puisse constater directement un manquement, par une décision susceptible bien entendu d'un recours en annulation.