RAPPORT sur la communication de la Commission concernant la proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter par la Communauté au sein du Conseil des ministres ACP‑UE concernant le solde de l'ensemble des prêts spéciaux accordés aux pays pauvres très endettés (PPTE) ACP faisant partie des pays les moins avancés (PMA), qui subsisterait après l'application de tous les autres mécanismes d'allégement de la dette des PPTE
(COM(2001) 210 – C5‑0394/2001 – 2001/2158(COS))

28 février 2002

Commission du développement et de la coopération
Rapporteur: Mario Mantovani

Procédure : 2001/2158(COS)
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A5-0075/2002
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A5-0075/2002
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PAGE RÉGLEMENTAIRE

Par lettre du 25 avril 2001, la Commission a transmis au Parlement sa communication sur la proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter par la Communauté au sein du Conseil des ministres ACP‑UE concernant le solde de l'ensemble des prêts spéciaux accordés aux pays pauvres très endettés (PPTE) ACP faisant partie des pays les moins avancés (PMA), qui subsisterait après l'application de tous les autres mécanismes d'allégement de la dette des PPTE (COM(2001) 210 – 2001/2158(COS)).

Au cours de la séance du 3 septembre 2001, la Présidente du Parlement a annoncé qu'elle avait renvoyé cette communication, pour examen au fond, à la commission du développement et de la coopération et, pour avis, à la commission des budgets (C5‑0394/2001).

Au cours de sa réunion du 26 juin 2001, la commission du développement et de la coopération avait nommé Mario Mantovani rapporteur.

Au cours de ses réunions des 13 septembre 2001, 10 octobre 2001, 22 janvier 2002, 23 janvier 2002 et 21 février 2002, elle a examiné la communication de la Commission ainsi que le projet de rapport.

Au cours de la dernière de ces réunions, la commission a adopté la proposition de résolution à l'unanimité moins 3 abstentions.

Étaient présents au moment du vote Joaquim Miranda (président), Margrietus J. van den Berg, Marieke Sanders-ten Holte, Anders Wijkman (vice-présidents), Mario Mantovani (rapporteur), Yasmine Boudjenah, Marie-Arlette Carlotti, Maria Carrilho, John Alexander Corrie, Nirj Deva, Enrico Ferri (suppléant Fernando Fernández Martín), Michael Gahler (suppléant Jürgen Zimmerling), Vitaliano Gemelli, Karin Junker, Glenys Kinnock, Bashir Khanbhai (suppléant Luigi Cesaro), Karsten Knolle, Paul A.A.J.G. Lannoye, Nelly Maes (suppléant Didier Rod), Miguel Angel Martínez Martínez, Hans Modrow, Luisa Morgantini, Tokia Saïfi et Francisca Sauquillo Pérez del Arco.

La commission des budgets a décidé le 1er octobre 2001 qu'elle n'émettrait pas d'avis.

Le rapport a été déposé le 28 février 2002.

Le délai de dépôt des amendements sera indiqué dans le projet d'ordre du jour de la période de session au cours de laquelle le rapport sera examiné.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission concernant la proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter par la Communauté au sein du Conseil des ministres ACP‑UE concernant le solde de l'ensemble des prêts spéciaux accordés aux pays pauvres très endettés (PPTE) ACP faisant partie des pays les moins avancés (PMA), qui subsisterait après l'application de tous les autres mécanismes d'allégement de la dette des PPTE (COM(2001) 210 – C5‑0394/2001 – 2001/2158(COS))

Le Parlement européen,

–   vu la communication de la Commission (COM(2001) 210 – C5‑0394/2001[1]),

–   vu l'accord d'association ACP‑UE, notamment son article 66,

–   vu la campagne "Jubilé 2000", notamment la demande présentée par le Saint‑Siège,

–   vu la déclaration du Caire et le plan d'action adopté lors du Sommet Afrique‑Europe des 3 et 4 avril 2000,

–   vu la déclaration du Sommet du Millénaire des Nations unies (6‑8 septembre 2000),

–   vu la déclaration de Bruxelles et le plan d'action adopté en vue de la troisième conférence des Nations unies sur les pays les moins développés (20 mai 2001),

–   vu les déclarations du G8, notamment celles de Cologne (juin 1999) et de Gênes (juillet 2001),

–   vu la décision du Conseil du 6 juillet 1998 relative à une aide exceptionnelle en faveur des pays ACP les plus endettés (98/453/CE),

–   vu les résolutions de l'Assemblée paritaire ACP‑UE relatives à la charge de la dette dans les pays ACP (adoptées le 24 septembre 1998 à Bruxelles),

–   vu ses résolutions antérieures relatives à la dette extérieure des pays pauvres, notamment les résolutions du 16 janvier 1998[2] et du 18 mai 2000[3],

–   vu l'article 47, paragraphe 1, de son règlement,

–   vu le rapport de la commission du développement et de la coopération (A5‑0072/2002),

A.   considérant qu'en de nombreux cas, le volume de l'aide au développement perçue par certains des pays touchés par la crise de la dette est inférieur au volume remboursé dans le cadre du service de la dette,

B.   considérant que la majorité des pays qualifiés de pays pauvres très endettés (PPTE) par le FMI et la Banque mondiale sont des pays ACP et que la charge de la dette dans ces pays représente un obstacle important au développement économique et social,

C.   considérant la chute des prix des matières premières au cours des dernières années et le fait que, selon la Banque mondiale, le rapport dette/exportations est passé de 50,5 pour cent en 1975 à 236,9 pour cent en 1996,

D.   considérant que la dette des PPTE est ainsi passée de 147 milliards de dollars en 1989 à 214 milliards de dollars en 2001 et qu'elle représente pour eux un poids insupportable,

E.   considérant que l'initiative PPTE est très insuffisante pour résoudre ce problème et qu'en réalité, elle ne diminue pas la dette nominale des PPTE; observant que seuls 23 pays des PPTE, qui sont au nombre de 42, sont éligibles pour ce programme,

F.   considérant qu'en de nombreux pays en développement la pauvreté est susceptible de s'aggraver, d'autant que les événements du 11 septembre 2001 ont accentué le ralentissement économique mondial préexistant, et que c'est précisément une situation de pauvreté extrême qui peut engendrer à nouveau le désespoir,

G.   considérant que, pour briser la spirale de la pauvreté dans laquelle sont enfermés les PPTE, il est indispensable de s'attaquer aux causes qui sont à la base des conflits afin de garantir une paix durable et d'établir avant tout la paix, en vue d'autoriser l'emploi effectif des ressources dégagées au travers de l'allégement de la dette; en effet, en situation de guerre ou dans des conflits extrêmement violents (Angola, Colombie, Sierra Leone, Palestine, entre autres), les projets de développement sont à l'évidence condamnés à l'échec,

H.   considérant que les efforts déployés dans le sens d'un allégement supplémentaire de la dette mériteraient d'être inscrits dans le cadre des efforts globaux axés sur le renforcement des ressources mises au service des objectifs de développement social et humain,

I.   considérant que dans la déclaration de Göteborg et les conclusions de Laeken, le Conseil a réaffirmé l'engagement de l'UE dans le sens de la réalisation de l'objectif officiel défini par les Nations unies, à savoir consacrer 0,7 % du PNB à l'aide au développement et que, dans la perspective de la conférence des Nations unies sur le thème du financement au service du développement, prévue en mars 2002, et du Sommet de la Terre (septembre 2002) à Johannesburg, il faudra définir un calendrier précis assorti des mesures nécessaires en vue de la réalisation dudit objectif,

J.   considérant que les pays du G8 dépensent plus de 500 milliards par an en armements,

K.   considérant que le développement humain est indispensable à la réalisation des droits de l'homme et que les droits élémentaires, fondamentaux et également socioéconomiques, tels que le droit à la vie, l'accès de tous à l'éducation, le droit à la santé, au travail et au bien‑être sont les bases mêmes du développement humain,

L.   considérant, même si le Parlement ne dispose pas, hélas, de compétences par rapport au FED, qu'il reçoit chaque année des informations à caractère financier à son sujet et demeure compétent en ce qui concerne l'adoption annuelle de la gestion menée par la Commission quant à l'exécution du FED,

1.   signale qu'au cours des dernières années de nombreux prêts ont été octroyés aux pays ACP en vue de garantir le financement de la dette et des intérêts des prêts existants et non point pour réaliser de nouveaux investissements, et qu'il est indispensable de briser ce cercle vicieux qui favorise la pauvreté;

2.   accueille avec satisfaction la proposition de la Commission qui constitue un complément aux actions menées en faveur des pays les moins avancés dans le sens préconisé par le Parlement et qui permettra aux pays ACP les plus pauvres de progresser dans la lutte contre la pauvreté;

3.   déplore toutefois ne pas avoir été officiellement consulté à ce sujet;

4.   considère que l'initiative renforcée au service des PPTE qui reconnaît l'échec des programmes antérieurs fondés sur des stratégies strictement macro‑économiques et prétend établir un lien entre l'allégement de la dette et la réduction de la pauvreté (élément basé sur les documents stratégiques relatifs à la réduction de la pauvreté), d'où l'assouplissement des critères d'éligibilité, demeure toutefois insuffisante dans le cadre actuel de la mondialisation de l'économie;

5.   préconise d'autres efforts dans le sens de la révision des seuils de tolérance de la dette dans une perspective de développement humain;

6.   estime que le processus d'allégement de la dette publique devrait être accéléré et approfondi à condition que les gouvernements bénéficiaires des pays concernés respectent les droits de l'homme et les principes de bonne gouvernance et octroient la priorité à l'éradication de la pauvreté;

7.   souligne que la tolérance à long terme de la dette sera tributaire de l'application durable de politiques économiques saines, du renforcement de la gestion de la dette et de la mise à disposition d'un financement approprié; à cet égard, et dans le cadre des différentes initiatives de soutien à moyen et à long termes, les liens privilégiés qu'entretiennent certains États membres, généralement parmi les pays les plus industrialisés, avec certains PPTE, pourraient jouer un rôle déterminant quant au suivi de la phase d'ajustement et de transition économique après annulation de la dette, dans la perspective de l'intégration progressive de ces pays à l'économie mondiale;

8.   estime que le rehaussement de l'efficacité des dépenses publiques offre une des formes le mieux adaptées en vue de garantir que les ressources découlant de l'allégement de la dette, parallèlement aux autres ressources et à l'aide extérieure, contribuent effectivement à la réduction de la pauvreté;

9.   considère que les ressources supplémentaires que les gouvernements dégageront grâce à l'allégement de la dette devront être affectées à des projets sociaux au travers de plans concertés avec les donateurs et la société civile, contribuant ainsi à la progression des dépenses sociales en des domaines tels que l'éducation et les soins sanitaires primaires, le sida et autres mesures de réduction de la pauvreté;

10.   recommande que l'élaboration, conjointement avec les pays concernés, des documents stratégiques de réduction de la pauvreté soit un processus transparent de participation associant la société civile à la définition des priorités en matière de développement;

11.   relève que les documents stratégiques relatifs à la réduction de la pauvreté offrent un vecteur de structuration des partenariats avec les donateurs ainsi qu'un cadre en vue des interventions des donateurs et autres partenaires garantissant la bonne intégration des concours extérieurs au sein des programmes nationaux;

12.   demande à la Commission et aux États membres d'offrir une assistance technique aux pays ACP en vue de mettre au point des systèmes de gestion de la dette, y compris de la dette intérieure, ainsi que la mise en place de mécanismes assurant la conversion des bénéfices issus de l'allégement de la dette en programmes de développement humain à l'instar du modèle créé par le PNUD (dispositifs en matière de partenariat national), systèmes sur lesquels la coordination entre donateurs et IFM (institutions financières multilatérales) est susceptible de s'appuyer en vue d'assurer le contrôle de l'utilisation des ressources libérées;

13.   observe que le succès de l'initiative en faveur des PPTE exige une coordination entre les différents donateurs et pays bénéficiaires et que, dans la mise en œuvre des plans d'allégement de la dette, il est indispensable d'assurer une répartition équitable de la charge de semblable opération;

14.   invite instamment les banques et institutions financières des pays industrialisés à redoubler d'efficacité en matière de fourniture d'aide, à éliminer les entraves d'ordre bureaucratique ainsi qu'à harmoniser leurs procédures dans le sens de la réduction au strict minimum des délais et coûts inhérents aux transactions;

15.   souligne que contrôler rigoureusement l'action des mécanismes PPTE et des allégements de la dette proposés par ailleurs est indispensable dans la lutte contre la corruption et contre l'usage abusif des crédits et nécessaire pour garantir un allégement de la dette équitable, efficace et réalisable;

16.   considère, sachant que tous les États membres de l'UE ne sont pas représentés au sein du G8, que l'UE devra coordonner les propositions communautaires au sein de ce groupe, de la Banque mondiale et du FMI en vue d'offrir un concours financier important au service de l'allégement de la dette, en harmonie avec son rôle de principal donateur au monde;

17.   compte tenu des événements récents, l'initiative en faveur des PPTE devrait assurer une assistance supplémentaire au niveau de l'exécution sous réserve de changements fondamentaux intervenus quant au contexte économique national en raison de circonstances extérieures à caractère exceptionnel;

18.   estime que le commerce constitue une source importante de croissance et de réduction de la pauvreté, un meilleur accès aux marchés permettant de relancer largement le développement;

19.   invite les IFM, l'OMC et autres organisations multilatérales participant à "l'initiative de cadre intégré" en vue d'intensifier l'assistance technique liée au commerce avec les pays les moins développés afin de les aider à surmonter les obstacles internes à l'intégration commerciale;

20.   demande la révision des règles de l’OMC en vue de réaliser les objectifs de développement soutenable fixés à Rio en 1992 et estime que ces objectifs doivent servir pour définir des nouvelles règles des mécanismes directeurs de l’économie mondiale pour lutter efficacement contre la pauvreté;

21.   rappelle que l'initiative PPTE, et plus généralement les mesures d'annulation ou de réduction de la dette, ne doit pas servir de prétexte à une réduction de l'aide au développement;

22.   reconnaît que, pour la plupart des pays à faibles revenus, le bénéfice d'une assistance officielle au développement demeure un complément indispensable à la mobilisation des ressources nationales et aux investissements étrangers pour permettre la réalisation des objectifs en matière de croissance et de réduction de la pauvreté (objectifs 2015);

23.   rappelle à cet égard l'engagement de parvenir aussi rapidement que possible à l'objectif, fixé par l'ONU, d'une assistance officielle au développement qui représente 0,7 % du PNB, qu'ont pris l'Union européenne et ses États membres, affirmé lors du Conseil européen de Göteborg et réaffirmé lors du Conseil des ministres de la Coopération au développement du 8 novembre 2001 à Bruxelles; une proposition concrète de parvenir à l'objectif de 0,7 % et un échéancier précis de la part des pays les plus industrialisés (G8) constitueraient en ce sens un message convaincant dans le sens de l'association de la communauté internationale au succès de la conférence de Monterrey, s'agissant de l'avenir même de la coopération au développement;

24.   exige à nouveau que le FED soit intégré au budget global de développement de l'UE, d'où un rehaussement appréciable quant à la transparence, la visibilité et la cohérence de l'action extérieure de l'UE; invite la présidence espagnole, dans le contexte de la Convention sur l'avenir de l'Europe et des préparatifs d'ensemble de la future CIG, à présenter des propositions concrètes afin d'incorporer le FED dans le budget de l'Union européenne;

25.   charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil ACP‑UE, aux Nations unies, au FMI, ainsi qu'à la Banque mondiale.

  • [1] Non encore publié au JO.
  • [2] JO C 141 du 6.5.1998, p. 21.
  • [3] JO C 59 du 23.2.2001, p. 239.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Introduction

Le problème de la dette extérieure et la capacité d'en servir les intérêts demeure l'un des paramètres fondamentaux du développement économique des États ACP. Les pays les plus fortement endettés, dont la majorité se trouvent en Afrique, consacrent en moyenne 40 % de leurs ressources annuelles au service de la dette, ce qui réduit d'autant leurs capacités à offrir des services sociaux de base, tels la santé et l'éducation, en faveur de leurs populations. De manière paradoxale, l'aide au développement octroyée par l'UE et ses États membres en faveur des pays les plus pauvres du monde, ne suffit parfois pas à assurer le financement du service de la dette extérieure.

En raison de ce facteur, tant au sein de l'Assemblée paritaire que du Parlement européen, il a été demandé avec insistance la révision des différentes options politiques en vue d'aborder et de résoudre le problème, tout en favorisant la croissance économique et l'amélioration du niveau de vie des populations concernées. Le Parlement européen a demandé que l'UE et ses États membres prennent l'initiative et mettent au point une stratégie plus ambitieuse au sein des institutions financières internationales en vue de garantir une réduction ou une remise de dette plus rapide, conséquente et élargie en faveur des pays en développement les plus pauvres (cf. notamment les résolutions A4‑0382/97, B5‑0417, 0420 et 0428/2000).

Différentes initiatives

Figurent dans les principales catégories de dette extérieure les dettes des secteurs public ou privé, les dettes bilatérales ou multilatérales ainsi que les dettes à court et à long termes. Elles peuvent être qualifiées de prêts consentis à des conditions préférentielles (0,7 % par exemple) au service du développement ou octroyés sous forme de crédits non bancaires à l'exportation, par exemple en vue de garantir des exportations.

Le Club de Paris (dettes publiques bilatérales) et le Club de Londres (dettes privées) sont traditionnellement les entités chargées de la remise ou de la renégociation des dettes. C'est ainsi que le club de Paris a consenti une réduction à hauteur de 67 %.

En 1996, il est apparu à l'évidence que ces initiatives ne suffisaient pas pour résoudre la crise de la dette et que, en certains cas, la dette persistait à un niveau intolérable. L'initiative en faveur des PPTE a alors été lancée en vue d'élargir le champ d'application des initiatives antérieures pour aboutir au niveau de 80 %, avec pour la première fois l'allégement des dettes contractées auprès de la Banque mondiale, du FMI et autres dettes multilatérales.

Le caractère novateur de cette initiative tient, d'une part à la volonté d'aboutir à une remise internationale et coordonnée de la dette, y compris de la dette multilatérale, alors que les initiatives antérieures abordaient essentiellement le problème des dettes publiques bilatérales dans le cadre du Club de Paris et, d'autre part à la prise en compte du critère de la dette "intolérable" définie sur la base du rapport entre la dette accumulée et les exportations.

Le sommet du G7 tenu à Cologne en juin 1999 a décidé que l'initiative convenue en 1996 devait être renforcée dans le sens de l'accélération de l'approfondissement et de l'élargissement. Dans cet ordre d'idées, en décembre 1999, la Communauté et les États ACP ont décidé d'inscrire 10 milliards d'euros au budget du FED en faveur de l'initiative PPTE renforcée.

Dette, pauvreté et développement

L'alourdissement du service de la dette associé au recul continu du prix des produits de base a enfermé de nombreux pays en développement dans ce qu'il est convenu d'appeler "le piège de la dette", avec les nombreuses conséquences suivantes: outre le dysfonctionnement des marchés financiers et la menace qui pèse sur la stabilité financière des pays participants, les pays endettés et leurs populations se trouvent manifestement frappés puisque c'est à eux qu'incombe la charge de la dette et qu'ils sont privés des moyens propres à satisfaire leurs besoins fondamentaux (alimentation, santé et éducation). La sortie de devises nécessaires au service de la dette restreint l'autonomie financière nécessaire au développement. L'endettement élevé exerce un effet dissuasif sur les investisseurs et favorise l'évasion de capitaux. La pression de la dette impose souvent des monocultures d'exportation au détriment des productions traditionnelles pour l'approvisionnement du pays, d'où une aggravation de la pauvreté.

En d'autres termes, l'endettement engendre une spirale de pauvreté et freine le développement des pays touchés. À ce jour, le problème de la dette du tiers monde n'a pas été suffisamment envisagé sous l'angle de l'impact exercé sur le développement et la pauvreté.

L'initiative prise à Cologne lors du G7 de 1999 devait s'inscrire dans un cadre renforcé en faveur de la réduction de la pauvreté. Il s'agit néanmoins d'un niveau "tolérable" de la dette prenant pour référence un pourcentage des exportations, sans tenir compte des nécessités véritables de chaque pays quant à la mise en œuvre de stratégies de réduction de la pauvreté (santé, éducation), d'où des effets macro‑économiques qui ne bénéficient pas nécessairement aux plus pauvres.

C'est la raison pour laquelle la tolérance de la dette devrait être définie en rapport avec la situation de pauvreté de chaque pays. À cette fin, il convient de considérer que les ressources budgétaires de tout pays touché par la crise de la dette devraient avant tout être affectées à la réduction de la pauvreté et au développement humain. Le budget minimum nécessaire à la satisfaction de cet objectif fondamental (santé et éducation de base, lutte contre le sida, etc.) devrait être bloqué à cette fin, et seule une partie des ressources restantes devrait être jugée disponible en vue du règlement de la dette extérieure. En d'autres termes, le critère de la tolérance de la dette devrait être défini en rapport avec le développement humain et non point eu égard à des facteurs de durabilité macro‑économique.

Participation communautaire et position du Parlement européen

L'UE a d'emblée appuyé et participé pleinement à l'initiative en faveur des PPTE, au travers des crédits octroyés aux pays ACP bénéficiaires. Elle s'est ensuite engagée à octroyer une réduction de la dette en faveur des pays ACP susceptibles d'opter pour l'initiative PPTE dans le droit fil de la décision du 6 juillet 1998 (au sujet de laquelle s'est prononcé le Parlement dans sa résolution A4‑382/97).

Depuis l'adoption de l'initiative renforcée en faveur des PPTE en 1999, d'où la limitation du critère d'admissibilité, l'application rétroactive de nouveaux critères, l'accroissement du nombre de pays et l'accélération de la décision, le coût de cette initiative a progressé en des proportions telles que les remboursements possibles en conformité à la décision précitée du Conseil sont insuffisants. C'est la raison pour laquelle l'octroi de ressources supplémentaires en faveur les pays les moins développés de la zone ACP est indispensable.

Le Parlement européen a insisté, à de multiples reprises, sur la nécessité d'établir un lien entre la mise en œuvre de réformes économiques véritables et l'allégement de la charge de la dette, et ce, dans le cadre même de la lutte contre la pauvreté. Dans cet ordre d'idées, le Parlement estime que les indicateurs du développement humain et social devraient constituer des critères en application desquels pourraient être menées des actions en faveur de l'allégement ou de l'annulation de la dette. Le Parlement juge également important qu'une aide soit offerte en matière de gestion de la dette aux pays concernés, de manière à ce que soient respectés les principes démocratiques et de bonne gouvernance lors de l'utilisation des ressources dégagées au travers de l'allégement de la dettte.

Proposition actuelle

Afin de donner une impulsion nouvelle à l'engagement international en faveur de la réduction de la dette et de répondre à l'inquiétude croissante de la communauté internationale face à la marginalisation accrue des pays les moins développés par rapport à l'économie mondiale, la Communauté souhaite à présent proposer l'annulation totale des crédits liés à l'ensemble des prêts spéciaux consentis et définis dans le cadre des trois premières conventions de Lomé en faveur des pays ACP les moins avancés qui subsistent à l'issue de l'application des mesures d'allégement de la dette dans le cadre de l'initiative renforcée en faveur des PPTE. Les prêts spéciaux, qui sont des prêts à long terme consentis selon des conditions favorables, définis et octroyés aux pays ACP dans le cadre des conventions Lomé I‑III, ne sont plus utilisés depuis Lomé IV.

La Commission propose pour cette raison au Conseil une décision figurant dans le document donnant lieu au rapport du Parlement que devra adopter le Conseil ACP‑UE.

La participation actuelle de la Communauté à l'initiative renforcée en faveur des PPTE prend en compte la dette liée aux prêts spéciaux et aux capitaux à risques, tout en exigeant que les PPTE utilisent en premier lieu les crédits octroyés par la Communauté dans le cadre de l'initiative visant à rembourser la dette liée à tous les prêts spéciaux en cours avant d'entamer le remboursement des capitaux à risque. En de nombreux PMA de la région ACP, ce mécanisme normal d'allégement de la dette dans le cadre de l'initiative en faveur des PPTE suffit à l'annulation de tous les prêts spéciaux, ce qui n'est toutefois pas le cas dans tous les pays.

La décision que soumet la Commission au Conseil permettrait à tous les pays les moins développés de la région ACP franchissant le "seuil de décision"[1] dans le cadre de l'application du mécanisme normal en faveur des PPTE, de bénéficier dans l'immédiat d'une liquidation totale du service de la dette liée aux prêts spéciaux.

Votre rapporteur accueille naturellement avec satisfaction cette initiative, qui constitue un complément aux autres actions menées en faveur des PMA et permettra d'affronter efficacement le problème de l'endettement des pays les plus pauvres. La méthode utilisée apelle cependant quelques observations.

Étant donné que la proposition de décision ne touche pas aux crédits communautaires mais à ceux mis à la disposition par les États membres dans le cadre de la convention de Lomé ainsi que les ressources propres de la BEI, le Parlement européen, saisi du document pour information, n'est pas été officiellement consulté. En fait, le Conseil a adopté sa position en sa réunion du 14 mai 2001, document transmis au Parlement européen le 25 avril 2001, dans la perspective de la troisième conférence des Nations unies relative aux pays les moins avancés (14‑20 mai 2001). Si le Parlement européen ne dispose pas de compétences au sujet du FED, il reçoit annuellement, en ce qui concerne le volet budgétaire, des informations financières à son sujet et le Parlement a compétence pour adopter annuellement la gestion de la Commission en ce qui concerne l'exécution du FED. Étant donné l'inscription souhaitable du FED au budget communautaire et le fait qu'antérieurement le Conseil ait, à titre facultatif, consulté le Parlement au sujet du règlement financier applicable au financement des actions de développement menées dans le cadre de la convention de Lomé, votre rapporteur estime que le Conseil aurait pu consulter le Parlement lors de la transmission de la présente proposition.

En tout état de cause, l'application de la mesure proposée exige l'autorisation des pays ACP, puisque des crédits du FED sont en jeu à hauteur de 60 millions et, en ce qui concerne les délibérations du Conseil des ministres ACP du 6 décembre, il est à supposer que la Commission ait procédé à la mise en œuvre de la décision sans attendre la décision commune; en outre, le Conseil des ministres ACP s'est déclaré préoccupé par l'habitude que semble avoir commencé à contracter la Commission, à savoir l'affectation de crédits du FED non encore alloués sans consultation du groupe ACP ni prise en compte de la procédure décisionnelle.

Il est important qu'à la faveur de ce type de démarches soient respectées toutes les règles applicables en matière décisionnelle.

Gestion future de la dette

En raison de l'impact important d'un niveau élevé d'endettement sur le développement des pays touchés, l'assistance en matière de gestion de la dette devrait s'inscrire dans le cadre des programmes de son allégement, dans l'intérêt même des créanciers et des marchés financiers.

Il importe à l'avenir d'éviter la répétition du problème de l'endettement au travers d'un financement approprié des programmes et projets à venir. Il n'est guère sensé de poursuivre l'octroi de crédits en présence de possibilités incertaines de remboursement. Les pays touchés par les catastrophes naturelles ou qui sortent d'une guerre mériteraient une attention particulière.

L'initiative en faveur des PPTE se borne aux cas les plus graves, sans pour autant régler le problème de la dette. En effet, certains pays jugés à revenus moyens pourraient à l'avenir se trouver confrontés à une situation comparable et requérir une aide. Une assistance serait toutefois souhaitable afin que les pays puissent gérer plus efficacement leurs dettes tant intérieure qu'extérieure.

Il convient de rappeler que tant la convention de Lomé (article 241) que l'accord de Cotonou (article 66) prévoient une assistance technique en faveur des pays ACP en ce qui concerne la gestion de la dette, y compris la dette intérieure, les problèmes liés au service de la dette et les problèmes de balances de paiement, de manière à leur permettre d'exercer un contrôle plus efficace quant aux crédits extérieures relevant du secteur public et de superviser les prêts consentis par le secteur privé.

Dans cet ordre d'idées, la Commission et les États membres devraient institutionnaliser un système permettant d'avaliser par exemple les relations privilégiées de tel ou tel État membre avec certains des pays ACP les plus pauvres, afin de réaliser bilatéralement un suivi direct de sa gestion de la dette propre à assurer le respect des principes de bonne gouvernance et à transformer les bénéfices issus de la réduction du service de la dette en investissements destinés à réduire la pauvreté. Semblable système devrait par ailleurs être assorti d'un contrôle sur le terrain. Il serait important d'exercer un contrôle sur les efforts visant à réduire la pauvreté en vue d'assurer que les crédits budgétaires, l'allégement de la dette, les aides et les nouveaux crédits soient suivis des effets escomptés. Le mécanisme des partenariats nationaux lancé par le PNUD constitue une bonne initiative en ce sens. Les parlements et la société civile organisée dans les pays touchés peuvent jouer un rôle important en ce qui concerne le contrôle des nouveaux crédits.

Il importe en outre que l'allégement du problème de la dette ne serve pas de prétexte à la diminution de l'aide au développement, d'autant qu'une aide efficace au développement représente le meilleur remède au problème de la dette.

  • [1] Les pays doivent adopter des programmes d'ajustement et de réforme appuyés par le FMI et la Banque mondiale et les poursuivre pendant trois ans. À l'issue de cette première phase, l'admissibilité des pays à l'allégement de la dette fait l'objet d'une analyse de durabilité de la dette visant à déterminer la situation actuelle de la dette extérieure. Si les pays présentent un bilan satisfaisant en matière de réforme et de politiques saines, le "seuil de décision" est alors franchi et le FMI et la Banque mondiale se prononceront officiellement quant à l'éligibilité des pays, les volumes et modalités de l'aide sur la base de données actuelles.