RAPPORT sur le rôle de la cohésion territoriale dans le développement régional

25.7.2005 - (2004/2256(INI))

Commission du développement régional
Rapporteur: Ambroise Guellec


Procédure : 2004/2256(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A6-0251/2005
Textes déposés :
A6-0251/2005
Textes adoptés :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur le rôle de la cohésion territoriale dans le développement régional

(2004/2256(INI))

Le Parlement européen,

 vu le traité établissant une Constitution pour l'Europe et plus spécifiquement les articles I-3, I-14, II-96, III-220, III-365, paragraphe 3 et l'article 8 du protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité,

–   vu le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne tels que modifiés par l'Acte unique européen et par les traités de Maastricht, d'Amsterdam et de Nice, et plus spécifiquement les articles 158 et 159 du traité instituant la Communauté européenne,

–   vu ses résolutions du 7 février 2002[1] et du 22 avril 2004[2] respectivement sur les deuxième et troisième rapports de la Commission sur la cohésion économique et sociale,

–   vu sa résolution du 2 septembre 2003[3] sur les régions structurellement défavorisées (îles, régions de montagne, régions à faible densité de population) dans le cadre de la politique de cohésion et de ses perspectives institutionnelles,

–   vu sa résolution du 29 juin 1995[4] sur le document de la Commission intitulé "Europe 2000+ - Coppération en vue de l'aménagement du territoire européen" ,

–   vu le Schéma de Développement de l'Espace Communautaire (SDEC) adopté à Potsdam en 1999 par le Conseil informel des Ministres responsables de l’aménagement du territoire,

–   vu le Livre Blanc sur la Gouvernance européenne adopté par la Commission en juillet 2001,

–   vu l'avis du Comité des Régions du 10 avril 2003 sur " La cohésion territoriale en Europe",

–   vu les rapports de l'Observatoire en réseau de l'aménagement du territoire européen (ORATE), celui de 2004 sur la cohésion territoriale et le rapport intérimaire de printemps 2005, intitulé "À la recherche de potentiels territoriaux",

–   vu l'étude de février 2005 réalisée par Notre Europe sur " L'avenir de la politique de cohésion" à la demande de la commission du développement régional,

–   vu les conclusions du Conseil informel "Aménagement du territoire" du 29 novembre 2004 à Rotterdam,

–   vu les conclusions du Conseil informel des ministres sur la politique régionale et la cohésion territoriale des 20 et 21 mai 2005, ainsi que son projet d'élaborer, à l'échéance 2007, le document intitulé "État des territoires et perspectives de l'Union européenne",

–   vu l'article 45 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission du développement régional (A6‑0251/2005),

A.  considérant que la cohésion représente un des objectifs stratégiques de l'Union, puisqu'elle vise à promouvoir un développement harmonieux et homogène de l'ensemble du territoire, et que, suite à l'élargissement, l'Union doit accroître encore l'efficacité de la politique de cohésion, compte tenu des disparités beaucoup plus importantes qui apparaissent dans une Communauté de 25 États membres,

B.   considérant que la cohésion territoriale devient un nouvel objectif de l'Union et vient enrichir l'objectif de cohésion économique et sociale en lui donnant une dimension transversale, valable pour l'ensemble du territoire et l'ensemble des politiques communautaires,

C.  considérant qu'une politique de cohésion territoriale au niveau communautaire est d'une importance décisive pour le développement de l'Union en apportant une "valeur ajoutée communautaire" fondamentale, en mesure de renforcer les perspectives de développement durable,

D.  considérant que le but ultime de la cohésion territoriale est de développer au maximum l'ensemble du territoire, en évitant les concentrations géographiques des activités, et d'améliorer les conditions de vie de tous ceux qui y habitent, en assurant notamment l'égalité entre hommes et femmes,

E.   considérant que les ressources naturelles régionales et leur valorisation industrielle ont une grande importance pour le développement des régions mais également pour toute l'Union européenne et profitent dès lors à tous les citoyens de l'Union,

F.  considérant que l’intégration de la dimension territoriale dans les politiques communautaires est nécessaire et part du constat de l'impact réel des politiques sectorielles sur le territoire de l’Union, particulièrement la politique des transports, de l’environnement, de la concurrence et de la recherche,

G.  considérant que la révision à mi-parcours des stratégies de Lisbonne et Göteborg a été relativement décevante quant à l'opportunité d'inclure la dimension territoriale dans les objectifs prioritaires de l'Union,

H.  considérant que la méthode de fixation des orientations stratégiques de la Communauté pour la politique de cohésion inclut désormais la cohésion territoriale en tant que cadre pour l’intervention des Fonds,

1.   estime que la cohésion territoriale est un objectif fondamental de l'aménagement du territoire de l'Union et qu'elle donne son sens à la politique de développement régional;

2.   affirme que la cohésion territoriale s'exprime sur la base du principe d'équité entre les citoyens, quel que soit le lieu où ils vivent dans l'Union;

3.   demande en conséquence que le développement régional se fonde sur des programmes qui assurent l'égalité de traitement entre ses territoires, tout en préservant leur diversité, ce qui implique notamment une accessibilité appropriée des services d'intérêt général (SIG) et des services d'intérêt économique général (SIEG);

4.   demande que la dimension territoriale soit considérée comme un élément majeur des stratégies de Lisbonne et Göteborg;

5.   réaffirme qu'un développement harmonieux de l'ensemble du territoire de l'Union doit se fonder sur la mise en œuvre d'un modèle de développement spatial polycentrique, sur l'égalité d'accès aux infrastructures et à la connaissance ainsi que sur une gestion avisée du patrimoine naturel et culturel, comme le propose le SDEC;

6.   réclame que soient, en priorité, combattues les distorsions centre-périphéries et les disparités infra-nationales, pour renforcer la cohésion;

7.   souligne, dans cet esprit, l'importance de la coopération et du partenariat entre les centres urbains, les secteurs périurbains, et les zones rurales, notamment celles affectées de handicaps spécifiques;

8.   souligne également le rôle des villes, en particulier celui des villes petites ou moyennes, comme vecteur privilégié de croissance et d'équilibre territorial;

9.   préconise le renforcement de toutes les dimensions de la coopération territoriale, qu’elle soit transfrontalière, transnationale, ou interrégionale;

10.   souhaite que soit mis en oeuvre un mécanisme de croisement des politiques sectorielles qui ont un impact fort sur le développement des territoires de l'Union, et de la politique de développement régional;

11.   demande que soient appliquées les mesures préconisées par le Livre Blanc sur la Gouvernance européenne de juillet 2001, en vue d'une réelle gouvernance multi-niveaux et multi-secteurs, avec le renforcement de la coopération entre les trois niveaux d’acteurs territoriaux régional, national et européen, et basée sur le principe de partenariat avec tous les acteurs adéquats;

12.   réaffirme que le principe "un Fonds par Programme" permet de renforcer l'approche intégrée de la politique de cohésion et s'inscrit dans la logique même de la cohésion territoriale;

13.   demande que, pour mesurer le développement des régions et pour évaluer objectivement les obstacles à ce développement, notamment les handicaps territoriaux spécifiques, de nouveaux indicateurs territoriaux soient retenus, à côté du PIB, à savoir l'indice de décentrement et d'accessibilité, la dotation en infrastructures et en transport, le niveau d'activité en recherche et innovation, en éducation et formation, le niveau de diversification de la productivité dans la zone et le taux de chômage;

14.   demande à la Commission d’établir un système de vérification de l’impact qu’exercent les diverses politiques communautaires sur la cohésion territoriale dans l'Union et insiste sur le rôle du Parlement européen dans le suivi des résultats;

15.   réitère la demande, présente dans le troisième rapport sur la cohésion de février 2004, visant à l'adoption, au Parlement et au Conseil, d'une "Stratégie communautaire pour la cohésion", définissant des priorités claires et des lignes directrices concrètes pour les Etats et les régions, constituant le volet régional de la stratégie de développement durable de l'Union et se fondant sur les principes et les objectifs du SDEC;

16.   enfin, demande à la Commission d'élaborer, avant 2007, un Livre Blanc sur l'objectif de cohésion territoriale, qui précise, notamment, comment cet objectif doit être intégré dans le plan stratégique national de chaque Etat membre;

17.   charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

  • [1]  JO C 284 E du 21.11.2002, p. 329.
  • [2]  JO C 104 E du 30.4.2004, p. 1000.
  • [3]  JO C 76 E du 25.3.2004, p. 111
  • [4]  JO C 183 du 17.7.1995, p. 39.

EXPOSE DES MOTIFS

Introduction

Terminologie

La cohésion territoriale traduit l'objectif d'un développement équilibré et durable de l'Union européenne (UE) en termes territoriaux. En effet, la notion de cohésion territoriale repose, tout en la prolongeant, sur la notion de cohésion économique et sociale, et vient l'enrichir d'une dimension transversale, la dimension territoriale.

En tant qu'objectif politique, elle consiste à favoriser un développement harmonieux et équilibré de l'ensemble de l'Union européenne, en passant par l'intégration de la dimension territoriale dans les politiques communautaires.

La dimension territoriale de la cohésion suppose une organisation du territoire à l’échelle européenne, pour parvenir à un véritable aménagement du territoire européen, particulièrement en ce qui concerne la gestion des réseaux et des services, qu’ils soient matériels ou immatériels.

Evolution de la notion

L'Acte Unique européen a introduit la nécessité de réduire les différences entres les territoires de l'Union. Mais les réformes successives des traités ont oublié la dimension territoriale de la cohésion.

Bien que le traité d'Amsterdam ait mentionné la cohésion territoriale, il ne l'a pas placée dans le chapitre sur la cohésion économique et sociale mais dans l'article relatif aux services d'intérêt économique ; ceci explique pourquoi la cohésion territoriale n'a pas acquis une dimension pratique et effective, pourtant souhaitable.

Dans le traité instituant une Constitution pour l'Europe, la cohésion économique, sociale et territoriale (CEST) devient un objectif essentiel de l'Union européenne (article I-3). De plus, l'article III-220 ("Afin de promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale"), place la CEST au cœur de chaque politique de l'UE, puisqu'elle vise la promotion d'un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union,

Au cours des dernières années, la notion de cohésion territoriale a été peu à peu intégrée dans différentes résolutions[1] du Parlement européen, mais sous un angle minimaliste, pour attirer l'attention sur des zones particulièrement délaissées du développement régional (zones rurales, périphériques, de montagne, insulaires, à handicap permanent). Dans les dernières résolutions du Parlement européen (notamment celle sur le troisième rapport sur la cohésion économique et sociale[2]), on remarque que le concept de cohésion territoriale a pris plus de place et devient un réel outil du développement régional pour l'ensemble du territoire de l'UE.

I. La cohésion territoriale: du concept à l'opérationnalité: le biais de Lisbonne

1. Définition

Vers un projet commun

La première tentative formelle de définition vient de la Commission européenne, dans le troisième rapport sur la cohésion économique et sociale : "Le concept de cohésion territoriale va au-delà du concept de cohésion économique et sociale en l'enrichissant et en le renforçant. En termes de politique, l'objectif est de parvenir à un développement plus équilibré en réduisant les disparités existantes, en évitant les déséquilibres territoriaux et en rendant plus cohérentes à la fois les politiques sectorielles qui ont un impact territorial et la politique régionale. La préoccupation est aussi d'améliorer l'intégration et d'encourager la coopération entre régions."

Puis les conclusions du Conseil informel des Ministres en charge de l'aménagement du territoire à Rotterdam, en novembre 2004, précisent que la cohésion territoriale permet de traduire l'objectif d'un développement équilibré et durable de l'UE en termes territoriaux, que le concept intègre à la fois la dimension multi sectorielle et multi niveaux.

Il faut désormais donner un contenu à la notion, la rendre opérationnelle, afin que les 25 Etats membres convergent vers le même projet commun d’une véritable coordination de l'aménagement du territoire européen. En effet, le besoin de cohésion territoriale devient inévitable face aux nouveaux défis de l'UE à savoir, la réussite de l'élargissement et l'accroissement de sa compétitivité globale.

D'un point de vue pratique, la cohésion territoriale est prête à opérer car elle suppose, pour sa mise en œuvre, une coordination qui est possible dès maintenant grâce à une impulsion politique. En effet, il ne s'agit pas de créer une politique territoriale hiérarchisée et distincte de l'UE, mais d'intégrer la dimension territoriale dans les politiques communautaires, sans ajouter de contraintes administratives ou juridiques supplémentaires.

L'égalité des chances à travers le territoire

La cohésion territoriale correspond au principe d'équité entre les citoyens, quelque soit le lieu où ils vivent, ce qui implique des mesures visant à instaurer une égalité de traitement entre ses territoires en tenant compte notamment de la diversité de leurs situations géographiques et démographiques. Ainsi, la notion de cohésion territoriale doit être valable pour l'ensemble de l'Union.

2. Défis territoriaux

Intégration sans uniformisation

Le territoire de l’UE se caractérise par une grande diversité géographique et culturelle concentrée sur un espace restreint. Cet aspect le distingue d’autres grands espaces économiques mondiaux tels que les Etats-Unis, le Japon et le Mercosur. La diversité, qui est potentiellement l’un des principaux facteurs de croissance de l’UE, doit être préservée au fur et à mesure que l’intégration européenne progresse. Ainsi, les politiques qui agissent sur la structure spatiale et urbaine de l’UE doivent favoriser la continuité territoriale de l’Union sans pour autant uniformiser les identités locales et régionales, parce que celles-ci contribuent à enrichir la qualité de vie de l’ensemble des citoyens.

Le territoire européen émergent n’abolit pas les territoires nationaux, régionaux, locaux, bien au contraire, puisque l’aménagement territorial au niveau européen a pour but d’optimiser chaque spécificité comme source de croissance.

Ainsi plutôt que la notion réductrice du seul développement transfrontalier, la cohésion territoriale véhicule l’idée globale d’une desserte équilibrée du territoire.

Développement polycentrique

Il n’existe pour le moment qu’une seule grande zone géographique d’intégration économique d’importance mondiale : le cœur de l’UE, délimité par les métropoles de Londres, Paris, Milan, Munich et Hambourg.

Avec l’élargissement à l'Est, le défi de la cohésion prend une nouvelle dimension, puisque jamais l’UE n’a été confrontée à une si forte aggravation des disparités.

La poursuite d’un développement spatial concentré sur une seule zone dynamique d’intégration mondiale ne favorisera pas la réduction des disparités entre le cœur et une périphérie qui continue à s’étendre. La concentration des richesses sur un septième de la superficie communautaire peut nuire grandement à l’intégration à plus longue échéance parce qu’elle entraîne la sous-exploitation des ressources gisant dans la majeure partie du territoire, formée des régions périphériques.

Dans cette perspective, le développement d’un modèle polycentrique (et non plus un modèle de développement centre-périphérie) doit constituer un élément clé de la stratégie de cohésion territoriale de l’Union. Le Schéma de Développement de l'Espace Communautaire (SEDC) adopté en mai 1999 par le Conseil informel des Ministres chargés de l'aménagement du territoire, représente une base solide pour s’engager vers un aménagement efficace du territoire européen.

Importance stratégique des pôles urbains

La politique de cohésion doit non seulement atteindre les régions les plus pauvres, à situation particulière (ultra périphérie, insularité, montagne, sous-peuplement), et renforcer la coopération régionale dans ses dimensions transfrontalières, transnationale et interrégionale), mais aussi mieux coordonner les centres urbains avec les zones rurales et les régions périphériques; les villes, de toutes tailles, devant être considérées comme des éléments essentiels de croissance de territoires plus vastes.

De nouveaux indicateurs territoriaux

De nouveaux critères et indicateurs territoriaux, à côté du PIB, devraient être créés pour mesurer le développement d’une région et les obstacles à ce développement, tels les handicaps territoriaux spécifiques, l’indice de décentrement et d’accessibilité, la dotation en infrastructures et en transport, le niveau d’activité en recherche et innovation, en éducation et formation, le niveau de diversification de la productivité dans la zone.

3. Vecteurs de la Cohésion territoriale

Placer la cohésion territoriale au coeur des stratégies de Lisbonne et Göteborg

Le territoire est un élément stratégique pour toute approche intégrée de développement durable. Il forme le cadre le plus favorable à la conciliation des trois volets: compétitivité, cohésion sociale, environnement. Il est désormais nécessaire d'inscrire la politique de cohésion dans des orientations stratégiques définies au niveau communautaire, et d'assurer une déclinaison régionale et territoriale de la stratégie de Lisbonne et Göteborg.

Les progrès réalisés dans le cadre de la stratégie de Lisbonne sont relativement décevants. Au cours des quatre dernières années, la croissance économique durable au sein de l’UE a été beaucoup plus faible que celle enregistrée dans d’autres pays industrialisés ou économies émergentes. Il convient de noter que la diversité et la richesse des potentiels spécifiques des régions européennes n’ont pas été suffisamment prises en compte.

Les approches politiques et une meilleure coordination des politiques sectorielles visant au développement territorial intégré et permettant aux villes et aux régions d’exploiter leurs potentiels endogènes et de coopérer efficacement sur des questions cruciales, peuvent renforcer la stratégie.

Croiser les politiques sectorielles et les politiques structurelles

Entre les Etats, les disparités économiques se sont réduites d’un tiers (le PIB de l’Irlande est passé de 64% à 119% de la moyenne de l’Union entre 1988 et 2000), mais à l’échelle régionale, même si l’écart moyen s’est réduit dans le même temps de près d’un cinquième entre régions, le résultat est moins bon et d’une façon générale, les disparités infrarégionales ont tendance à croître, notamment au sein des régions métropolitaines: d’autres facteurs entrent en jeu, et surtout certaines politiques communautaires ont un impact territorial beaucoup plus important que la politique régionale européenne seule.

La problématique des impacts territoriaux des politiques communautaires non territorialisées (appelées sectorielles, par exemple, PAC, environnement, transports, concurrence, recherche) n’est pas nouvelle. Dans le contexte actuel, on constate une certaine évolution des politiques communautaires sectorielles vers une meilleure cohésion territoriale (évolution de la PAC notamment vers la diversification du développement rural), mais de nombreuses incohérences demeurent : les politiques communautaires se différencient de plus en plus dans leur mise en œuvre au niveau national et régional; la culture sectorielle communautaire est de plus en plus en porte-à-faux par apport aux attentes territoriales des collectivités et de la société civile, la gouvernance des politiques communautaires ne favorise pas la prise en compte des dimensions territoriales.

Gouvernance multi-niveaux des territoires

Ramener la cohérence entre les différentes interventions communautaires (sectorielles ou structurelles), nationales et régionales sur une zone, et assurer une meilleure articulation des différents niveaux territoriaux, implique un dialogue renforcé entre les trois niveaux d’acteurs territoriaux (infranational, national et communautaire) et un partenariat public-privé de meilleure qualité, tel que indiqué dans le Livre Blanc sur la Gouvernance, présenté par la Commission européenne en mai 2001.

Le Schéma de Développement de l'Espace Communautaire (SDEC) se situe résolument dans cette logique de décentralisation, de subsidiarité et de gouvernance. Il ne prétend nullement substituer une politique européenne d’aménagement du territoire à des politiques nationales ou régionales, mais invite à résoudre les problèmes au niveau le plus adéquat possible, compte tenu à la fois de la nature de ces problèmes et de l’organisation propres à chaque Etat. En même temps, il invite aussi à les traiter au plan européen, et l’apport du SDEC est de proposer le référentiel européen commun nécessaire pour la coopération.

De plus, le SDEC intègre l’approche du développement durable, en exprimant la nécessité de tenir ensemble les composantes économiques, sociales et environnementales du développement et d’impliquer aux différentes échelles, les acteurs publics, mais aussi les entreprises, la société civile: autrement dit de raisonner en terme de gouvernance et non seulement de gouvernement.

Coordination au niveau européen

La coordination au niveau européen devrait être assurée au niveau de la Commission européenne, appuyée notamment sur les travaux et outils de l’Observatoire en réseau de l’aménagement du territoire européen (ORATE).

Afin de mesurer systématiquement l’impact de ces politiques sur le développement durable et la cohésion de l’Union sur la base du SDEC révisé, la Commission mettrait en place une procédure d’évaluation stratégique de l’impact spatial. Cette procédure permettrait également d’identifier les interactions qui existent entre politiques communautaires agissant dans le même domaine thématique ou contexte spatial.

Cohésion économique, sociale et territoriale, but ultime de l'aménagement du territoire

L'aménagement du territoire est l'expression spatiale des politiques économiques, sociales et culturelles. L'Union européenne n'a pas de compétence relative à l'aménagement du territoire. Les traités ne l'ont pas prévu bien que il s'agisse d'une matière sensible pour les États. Les ministres chargés de l'aménagement du territoire ont élaboré les orientations en la matière au niveau communautaire.

Ils ont ainsi abouti, en Conseil informel (Potsdam, en 1999) à l'approbation du Schéma de développement de l'espace communautaire. Ce document non contraignant était cependant doté d'une influence importante en terme politique, puisqu'il a probablement conduit la Convention à ajouter la cohésion territoriale aux objectifs de l'Union. Le SDEC promeut un développement polycentrique et un nouveau rapport entre villes et zones rurales. Ces objectifs ont été rappelés à l'issue du Conseil informel des Ministres réuni à Rotterdam au mois de novembre dernier.

II. Une globalisation des objectifs et une simplification des instruments financiers de

         la CEST

La réforme des fonds structurels à partir de 2007, a intégré cette vision puisqu'elle recherche une amélioration stratégique de la politique de cohésion par une meilleure cohérence globale, un renfort de l'échelon régional, et une intégration de la dimension territoriale dans les projets. Cependant, des progrès restent à faire au niveau de la territorialisation des autres politiques communautaires ayant un impact régional.

1. Une diminution du nombre d'objectifs et des programmes, pour plus de cohérence

La diminution des objectifs, pour la prochaine période, doit doter la nouvelle politique régionale et de cohésion d'une plus grande cohérence.

Les efforts seront concentrés sur trois axes: Convergence, Compétitivité, Coopération territoriale européenne. Ces trois axes remplacent les trois objectifs des fonds structurels et les quatre programmes d'initiative communautaire (INTERREG, URBAN, EQUAL et LEADER +) de l'actuelle période de programmation.

La technique du mainstreaming sera de plus en plus utilisée : l'intégration du champs d'action des initiatives communautaires ainsi que des actions innovatrices dans les objectifs et les priorités des programmes opérationnels.

2. Une diminution du nombre des Fonds, pour plus d'efficacité

Pour financer les objectifs établis pour la période 2000-2006, il existe actuellement cinq fonds (quatre fonds structurels et un fonds de cohésion). Après 2007, dans le but de rendre moins complexe et plus efficace la politique régionale et de cohésion, les cinq fonds existants actuellement seront remplacés par trois fonds (réduction du nombre des fonds), dont deux structurels (FEDER et FSE) et un fonds de cohésion.

On applique ainsi le principe "un fonds par programme", sauf pour les programmes nommés "infrastructures" où le FEDER et le fonds de cohésion interviennent ensemble. Cela permettra de simplifier la gestion et le contrôle des fonds et d'améliorer ainsi l'effectivité des interventions.

3. Une politique régionale plus axée sur les objectifs prioritaires de l'Union Européenne

La politique régionale et de cohésion pour la période 2000-2006 visait le développement de l'Union pour en faciliter l'élargissement, et cela est devenu une réalité. Elle doit désormais trouver un nouveau dynamisme pour relever les nouveaux défis, afin que l'objectif de la cohésion territoriale devienne une réalité, quelque soit le budget attribué à la politique régionale et de cohésion.

Pour ce faire, la politique régionale doit :

- être plus axée sur les objectifs prioritaires tels que définis dans les stratégies de Lisbonne et Göteborg : "économie de la connaissance, compétitive et durable".

- se concentrer sur les orientations stratégiques communautaires sur la cohésion.

- agir d'une façon plus décentralisée, afin de simplifier la gestion et d'obtenir le meilleur résultat pour l'ensemble de l'Union et de ses citoyens.

- prendre en compte les spécificités territoriales, à savoir les caractéristiques culturelles, historiques, linguistiques et géographiques propres à chaque territoire.

III. Une nouvelle logique d'action dans la mise en œuvre des objectifs et des fonds de la CEST

1. La territorialisation de la politique communautaire de la CEST

La Commission, dans son troisième rapport sur la cohésion sociale et économique de février 2004, remarque que l'élargissement s'accompagne d'une augmentation importante des disparités entre régions. De plus, certaines régions de l'Europe des Quinze n'ont pas abouti à une convergence réelle, alors que les disparités y augmentent.

Or les régions apparaissent être le niveau d'application privilégié de la politique de cohésion : connaissant leurs capacités et leurs contraintes, elles sont les mieux qualifiées pour déterminer les besoins et procéder à une affectation optimale des ressources. Ainsi, le traité établissant une Constitution pour l'Europe accorde une place plus large aux régions, d'une part dans la détermination de leurs besoins et d'autre part dans la mise en oeuvre et le suivi des objectifs communautaires avec une autonomie financière accrue.

De même, la Commission introduit le principe de décentralisation visant à améliorer l'efficacité de la politique régionale. Le troisième rapport sur la cohésion préconise un partage des différentes responsabilités entre les instances chargées de gérer le budget communautaire et de veiller à la bonne réalisation des programmes. Il distingue l'UE d'une part, les Etats membres et les régions de l'autre. Une décentralisation selon ces niveaux apparaît nécessaire pour le respect du principe de subsidiarité et de bonne gouvernance. A noter que les régions sont de tailles et de compétences disparates selon les Etats membres, et qu'un travail de mise en cohérence préalable semble indispensable.

Importance des régions dans la détermination de leurs besoins

La Constitution européenne renforce le rôle du Comité de régions (Art. III-365§3), il est systématiquement associé á l'adoption des lois européennes et lois cadres européennes en matière de CEST. Il peut agir en justice par le biais du recours direct à la Cour européenne de justice, dans deux matières: le respect de ses propres prérogatives et du principe de subsidiarité (Art.8, Protocole sur "l'application des principes de subsidiarité et proportionnalité "). Le rôle des régions dans la gouvernance des politiques structurelles représente un enjeu proportionnel au degré de centralisation de l'Etat membre. Ainsi l'évolution communautaire favorise, pour une efficacité accrue, les phénomènes de décentralisation. L'émergence ou l'affirmation de l'échelon régional est une garantie de partenariat et de coopération, et donc de bonne gouvernance, l'Etat conservant la responsabilité financière pour la mise en oeuvre des fonds structurels et de cohésion.

Une autonomie financière régionale accrue dans la mise en œuvre et le suivi des objectifs communautaires

Les régions ont pris l'habitude d'élaborer leurs projets en anticipant le versement des montants financiers européens. Une proportion croissante des programmes communautaires est ainsi gérée par les administrations des collectivités territoriales des États membres.

Dans le troisième rapport sur la cohésion, la Commission propose que chaque Etat membre adopte le cadre de référence en concordance avec les orientations stratégiques de la Communauté pour la cohésion. Les règles d'éligibilité des dépenses pour les projets, selon la proposition de la Commission, ne seront plus communautaires, mais déterminées selon les procédures des États membres. Les Etats membres doivent non seulement permettre mais aussi encourager la participation active des régions dans l'élaboration de ces cadres de référence et dans la détermination des règles d'éligibilité, parce que la solution des problèmes est liée à la mise en œuvre d'une stratégie cohérente à l'échelle de la région entière. Ce scénario représente l'application effective des principes de subsidiarité et aussi de décentralisation à deux niveaux.

En définitive, les régions représentent désormais l'échelon territorial adéquat pour l'application des politiques de développement économique et social.

2. L'application du zonage aux politiques économiques et sociales européennes

Concernant la cohésion économique, sociale et territoriale, l'articulation entre les niveaux régional, étatique et communautaire, et aussi entre les différentes politiques communautaires, est nécessaire.

Territorialisation des politiques sectorielles communautaires pour plus de cohérence

La sectorisation des politiques communautaires est de plus en plus remise en question, parce qu'elle prend le risque de négliger les disparités territoriales, ce qui a des effets négatifs sur la compétitivité globale de l'économie de l'Union. Il est indispensable d'y remédier et de parvenir à un développement plus équilibré en réduisant les disparités existantes, en évitant des déséquilibres territoriaux et en rendant plus cohérentes à la fois les politiques sectorielles et la politique des régions.

La coordination spatiale des actions de développement rendra plus cohérent et compatible l'ensemble des politiques communautaires, au bénéfice d'une cohésion renforcée. De plus, la prise en compte des spécificités territoriales améliorera l'efficacité des politiques menées, et les régions sont bien placées pour en assurer la garantie. Dans le même esprit, la coopération entre les régions doit être encouragée. Ainsi, le rôle croissant des collectivités territoriales dans les phases de négociation, de mise en œuvre et de contrôle d'application des politiques sectorielles participe à l'acquisition de la cohésion territoriale.

Substitution d'une logique de flux à une logique de volume

La volonté de certains Etats de procéder à une réduction du budget communautaire, donc un montant financier réduit pour la politique régionale, conjugué au phénomène dit de "phasing out" (dépassement du seuil du 75% du PIB communautaire à la suite de l'effet statistique de l'élargissement), conduit à rechercher une nouvelle utilisation des fonds en privilégiant les effets leviers de la politique régionale, aussi bien financièrement que géographiquement.

L'interdépendance accrue entre les politiques communautaires demande une nécessaire mise en cohérence entre elles afin de favoriser leur dynamisme et leur efficacité.

Un meilleur résultat peut s'obtenir avec un moindre effort de financement, en utilisant au mieux les ressources dont on dispose. Dans ce sens, la proposition de la Commission européenne pour la période 2007-2013 introduit la décentralisation et la concentration à travers le principe "un fonds par programme".

Réductions des disparités interrégionales

Un des objectifs de l'Union est la cohésion économique et sociale. Elle n'existera pas réellement sans cohésion territoriale, et celle ci n'existera que si l'on réduit des disparités structurelles entre les régions. Ce sont par conséquent les régions qui doivent coopérer entre elles pour résoudre leurs problèmes et mieux connaître leurs possibilités de réussite, afin de renforcer la cohésion territoriale et rendre possible la cohésion sociale et économique. L'initiative communautaire INTERREG a été bien menée et les régions frontalières en ont tiré des profits. Le nouvel objectif de coopération territoriale européenne, inspiré de l'expérience INTERREG, intensifie la coopération à trois niveaux transfrontalière, transnationale, interrégionale. Pour renforcer la coopération transnationale, un Comité stratégique par programme devrait être mis en place à côté du Comité de gestion des programmes, avec pour rôle de définir les axes structurants du développement régional.

  • [1]       T4- 0399/1998, du 2/07/98 sur l'aménagement du territoire et le SDEC; T5- 0474/2001, du 20/09/01 sur les
           fonds structurels; T5- 0060/2002, du 7/02/02 Deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale.
  • [2]        T5- 0368/2004, du 22/04/04 Troisième rapport sur la cohésion économique et sociale.

PROCÉDURE

Titre

Le rôle de la cohésion territoriale dans le développement régional

Numéro de procédure

2004/2256(INI)

Base réglementaire

art. 45

Commission compétente au fond
  Date de l'annonce en séance de l'autorisation

REGI
13.1.2005

Commission(s) saisie(s) pour avis
  Date de l'annonce en séance



 

 

 

Avis non émis
  Date de la décision


 

 

 

 

Coopération renforcée
  Date de l'annonce en séance


 

 

 

 

Proposition(s) de résolution incluse(s) dans le rapport

 

 

 

Rapporteur(s)
  Date de la nomination

Ambroise Guellec
19.1.2005

 

Rapporteur(s) remplacé(s)

 

 

Examen en commission

30.3.2005

21.4.2005

 

 

 

Date de l'adoption

16.6.2005

Résultat du vote final

pour:

contre:

abstentions:

46

1

2

Membres présents au moment du vote final

Alfonso Andria, Stavros Arnaoutakis, Jean Marie Beaupuy, Rolf Berend, Jana Bobošíková, Graham Booth, Bairbre de Brún, Giovanni Claudio Fava, Iratxe García Pérez, Eugenijus Gentvilas, Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Ambroise Guellec, Konstantinos Hatzidakis, Mieczysław Edmund Janowski, Gisela Kallenbach, Miloš Koterec, Constanze Angela Krehl, Miroslav Mikolášik, Francesco Musotto, Lambert van Nistelrooij, Jan Olbrycht, István Pálfi, Markus Pieper, Francisca Pleguezuelos Aguilar, Bernard Poignant, Elisabeth Schroedter, Alyn Smith, Grażyna Staniszewska, Catherine Stihler, Kyriacos Triantaphyllides, Vladimír Železný

Suppléants présents au moment du vote final

Alfredo Antoniozzi, Inés Ayala Sender, Jan Březina, Simon Busuttil, Den Dover, Mojca Drčar Murko, Richard Falbr, Věra Flasarová, Karl-Heinz Florenz, Louis Grech, Ewa Hedkvist Petersen, Eluned Morgan, Mirosław Mariusz Piotrowski, Richard Seeber, Thomas Ulmer

Suppléants (art. 178, par. 2) présents au moment du vote final

Sharon Margaret Bowles, Albert Deß, Janusz Wojciechowski

Date du dépôt – A6

25.7.2005

A6‑0251/2005