RAPPORT sur la gestion des risques et des crises dans le secteur agricole

30.1.2006 - (2005/2053(INI))

Commission de l'agriculture et du développement rural
Rapporteur: Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf

Procédure : 2005/2053(INI)
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A6-0014/2006
Textes déposés :
A6-0014/2006
Textes adoptés :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la gestion des risques et des crises dans le secteur agricole

(2005/2053(INI))

Le Parlement européen,

–   vu la communication de la Commission au Conseil relative à la gestion des risques et des crises dans le secteur agricole (COM(2005)0074),

–   vu le mémorandum de la Commission du 6 septembre 2005 (MEMO/05/302), qui établit un "Plan en cinq points pour faire face à la hausse du prix du pétrole",

–   vu l'étude "Gestion des risques et des crises dans le secteur agricole, qui a été commandée par le Parlement européen,

–   vu l'article 45 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission de l'agriculture et du développement rural (A6-0014/2006),

A. considérant que les risques liés à la production agricole existent à différents niveaux et qu'il faut par conséquent faire une distinction entre ces risques pour les évaluer et y faire face:

      –  d'une part, les risques au niveau de l'exploitation, c'est-à-dire les risques individuels associés aux investissements et au financement, au recours à certains modes de production, à l'évolution des prix à la production et à la commercialisation,

      –   d'autre part, les risques au niveau des conditions naturelles et économiques extérieures, comme les changements climatiques et la variation des précipitations, la plus grande fréquence des catastrophes naturelles ou les effets de la libéralisation du commerce agricole, ainsi que les perturbations du marché imputables aux échanges commerciaux,

B.   considérant que, conformément aux objectifs de la politique agricole commune (PAC), la gestion des risques dans le secteur agricole doit servir avant tout l'intérêt général en garantissant l'approvisionnement de la population en produits alimentaires sains et en matières premières agricoles, ainsi que la préservation de l'environnement.

C.  considérant que, depuis la dernière réforme de la PAC en juin 2003, les instruments de stabilisation des marchés et des prix ont été progressivement démantelés et remplacés par des paiements directs découplés aux agriculteurs, de sorte que, d'une part, ceux-ci s'orientent davantage vers le marché et que, d'autre part, ils peuvent être exposés à plus de risques en ce qui concerne la production,

D.  considérant que le principe de la conditionnalité, qui impose aux agriculteurs des obligations en matière de protection de l'environnement et des animaux, a également été introduit dans le cadre de cette réforme,

E.  observant que, la conjoncture présentant progressivement davantage de risques qu'elle n'en présentait dans un passé récent, puisqu'il faut s'attendre à ce que les risques agricoles s'aggravent pour l'agriculteur sur le plan à la fois de la diversité, de l'ampleur et de la fréquence, l'évolution des risques agricoles devrait tenir à l'ampleur et à la fréquence des phénomènes naturels, à la conjoncture économique et aux dangers qui y sont liés, aux risques technologiques, aux perceptions sociales de l'environnement, à la sécurité alimentaire et au comportement des consommateurs,

F.   considérant que les risques que comportent, pour la production agricole, les changements climatiques, la dégradation des sols, la pénurie d'eau, l'érosion des ressources génétiques et d'autres facteurs iront croissants,

G.  considérant que les nouvelles techniques, telles que le recours au génie génétique dans l'agriculture, dont l'impact probable sur les êtres vivants et sur l'environnement reste pour l'instant une inconnue, présenteront également des risques particuliers, auxquels il faut faire face conformément au principe de précaution et à celui du "pollueur-payeur",

H.  considérant que la forte dépendance de l'agriculture européenne vis-à-vis des sources d'énergie fossile pour les engrais, les produits phytosanitaires et le fonctionnement des machines comporte des risques liés aux fluctuations du prix du pétrole et à la pénurie de pétrole, qu'il faut prévenir par des économies et par un plus large recours aux énergies renouvelables,

I.   rappelant que les assurances agricoles figurent parmi les aides d'État qui sont acceptées par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et que des partenaires commerciaux comme les États-Unis et le Canada mettent systématiquement en œuvre à la fois des aides intérieures aux mécanismes de garantie des revenus de l'agriculture pour compenser les répercussions des catastrophes naturelles et des paiements exceptionnels d'urgence destinés à compenser les dommages et les pertes de revenus dus à l'évolution des prix du marché (paragraphes 7 et 8 de l'annexe 2 de l'accord de l'OMC sur l'agriculture), ce qui contribue à créer un "filet de sécurité" garant d'une politique des revenus favorable aux agriculteurs, ce que l'Union européenne ne saurait ignorer,

J.    considérant que les trois options considérées par la Commission pour la gestion des risques et des crises (assurance contre les catastrophes naturelles, fonds de mutualisation et garantie des revenus) ne sont pas, en réalité, des mesures de précaution visant à réduire les risques ou les dommages, mais sont des modèles pour le financement d'indemnités en cas de dommage,

K.  considérant que la Commission propose de financer lesdites mesures par le point de pourcentage de modulation ou par les programmes nationaux de développement rural, ce qui, de l'avis d'experts, serait loin de couvrir le montant des crédits requis par ces mesures,

L.   considérant que les jeunes agriculteurs sont tout particulièrement exposés aux crises et aux catastrophes étant donné qu'ils sont souvent criblés de dettes à la suite de l'acquisition de leur exploitation,

M. considérant que les nouveaux États membres sont exclus du mécanisme de modulation jusqu'en 2013, que les paiements sont directement soumis dans ces pays au mécanisme d'augmentation progressive (phasing-in) et qu'il faut donc leur garantir la possibilité de bénéficier d'autres moyens de la PAC,

Propositions

En général:

1.   salue la démarche adoptée par la Commission, qui consiste à examiner différentes options pour la gestion des risques et des crises, tout en formulant des réserves quant à la philosophie qui sous-tend des propositions, exclusivement axées sur la compensation et l'indemnisation; demande à la Commission d'accorder plus de place à des mesures préventives, comme le recours à la vaccination et l'amélioration de la surveillance des importations illégales, pour réduire les risques et éviter les crises;

2.  estime que, pour conférer davantage de cohérence à la politique de gestion des risques et des crises, il faut veiller:

‑     à ce que les compagnies d'assurances, qu'elles soient publiques ou privées, ainsi que les sociétés d'assurances mutuelles exercent leurs activités d'assurance directe pour la couverture des risques assurables, soit d'une manière autonome, soit dans le cadre d'un régime d'assurance agricole;

‑     à ce que les États se bornent à couvrir les risques liés aux catastrophes naturelles non assurables et à ce que le financement par les États de telles activités soit autorisé sous certaines conditions;

‑     à ce que les aides d'État aux primes d'assurance et le financement par l'État de la réassurance des compagnies d'assurances soient autorisés, à condition de s'inscrire dans le cadre communautaire;

‑     à ce que la participation des assureurs et des agriculteurs assurés soit laissée à leur discrétion;

3.  estime que, en ce qui concerne le financement communautaire, si un cadre commun devait être adopté pour une politique des assurances et des dédommagements agricoles, les scénarios suivants sont envisageables:

‑     un financement communautaire sera prévu pour couvrir une partie des coûts de la création et du fonctionnement des systèmes de protection des revenus agricoles;

‑     le financement national et le financement communautaire seront compatibles avec les réglementations qui sont en vigueur actuellement ou qui le seront ultérieurement dans le cadre de l'accord de l'OMC;

‑     seuls seront financés les systèmes qui répondront aux normes minimales dans le cadre de la politique commune ou qui se conformeront à un calendrier des adaptations nécessaires;

4.   attire l'attention, dans ce contexte, sur les dégâts de plus en plus importants provoqués par les changements climatiques et par les catastrophes naturelles, comme les inondations, la sécheresse et les incendies, ainsi que sur les dégâts occasionnés par les épizooties, qui se propagent plus rapidement dans le monde du fait des transports d'animaux et des importations illégales;

5.  est d'avis que les propositions de la Commission ne tiennent pas suffisamment compte des risques et de crises éventuelles qu'implique la libéralisation des marchés agricoles dans le cadre des négociations de l'OMC; demande par conséquent à la Commission de considérer avec plus d'attention des instruments et des mesures qui peuvent permettre d'éviter un effondrement des prix, des crises sur les marchés, une perte de revenus pour les agriculteurs et tous les obstacles qui s'opposent à la poursuite de leur activité, et de réagir efficacement, ainsi que d'effectuer une analyse du rôle des mesures d'accroissement des prix coûtants dans le domaine du bien-être des animaux et de l'environnement;

6.  estime que les propositions de la Commission doivent tenir compte des situations de crise gravement dommageables pour les producteurs communautaires qui résultent de limitations aux exportations de produits agricoles de l'Union européenne instaurées par des pays tiers; invite dès lors la Commission à compléter en conséquence la définition qu'elle donne de la situation de crise;

7.  s'oppose avec force à tout renoncement à la préférence communautaire; estime qu'il est absolument indispensable de procéder à un examen plus attentif des instruments et des mesures utilisés par l'Union et par les États membres pour prévenir les risques et faire face aux crises; dans ce contexte, attire surtout l'attention sur la possibilité d'orienter l'offre afin d'éviter une surproduction et un effondrement des prix ainsi que sur les nouveaux programmes de développement rural; considère que le recours aux mesures prévues par les organisations communes de marché (OCM) demeure justifié dans des secteurs particulièrement sensibles, comme la production de fruits et légumes et estime qu'il convient de maintenir ce recours dans le cadre de la révision imminente de l'OCM des fruits et légumes;

8.  invite la Commission à mettre sur pied un mécanisme de filet de sécurité auquel il pourrait être fait recours non seulement dans les situations de crise affectant l'OCM de la viande bovine, mais également pour d'autres secteurs, comme les fruits et légumes, le vin, la viande de porc et les volailles;

9.  invite la Commission à évaluer l'efficacité de certaines mesures spécifiques telles que:

‑      l'aide au stockage en cas d'effondrement des prix;

‑     l'aide à la transformation visant à décongestionner le marché lorsque cette solution est possible;

‑     l'adoption de mesures de promotion visant à pallier les répercussions négatives éventuelles sur l'opinion publique et à minimiser leur effet (comme ce fut par exemple le cas de la consommation de viande bovine après la crise de l'encéphalopathie bovine);

‑     l'aide à la réduction volontaire de la production lorsque les perspectives de mise sur le marché s'annoncent peu favorables;

10.  recommande, compte tenu du vaste démantèlement tarifaire qui a été décidé dans le cadre de l'OMC pour les produits agricoles, que les conditions d'accès au marché soient définies, à titre de mesure préventive, afin d'éviter le dumping économique, environnemental et social; considère que les prélèvements auxquels les importations de produits agricoles sont soumises demeurent justifiés lorsque les conditions de production sont contraires aux droits de l'homme, ainsi qu'aux accords internationaux et à la législation européenne relatifs à la protection de l'environnement et des animaux; propose d'utiliser le produit de ces prélèvements pour assurer la sécurité alimentaire et éviter des crises dans les pays en voie de développement concernés;

11. estime que la Commission devrait proposer des sources éventuelles de financement pour les crédits proposés en faveur des nouveaux États membres; estime que les moyens financiers utilisés dans ce but ne doivent pas induire une réduction des aides que les nouveaux États membres reçoivent dans le cadre des paiements directs et de l'aide au développement des zones rurales;

12.  juge acceptable un cofinancement, par la Commission, les États membres, l'industrie agroalimentaire et les exploitations agricoles, des mesures destinées à prévenir les risques et faire face aux crises, à condition qu'il puisse se voir conférer un caractère contraignant et qu'il n'entraîne pas des inégalités entre États membres et groupements d'agriculteurs;

13. eu égard au fait que les mesures de développement rural sont nécessaires et permettent de prévenir les risques, se prononce contre la proposition de la Commission qui consiste à financer la gestion des risques et des crises uniquement par un point de pourcentage de modulation; estime en revanche, compte tenu des enjeux, qu'il est indispensable d'augmenter les crédits affectés à la prévention des crises, y compris les crédits mis en réserve; propose, dans ce contexte, de faire exception au principe de l'annualité du budget pour réagir face aux fluctuations des besoins en cas de crise;

14. invite la Commission, vu que le volume des moyens liés à la modulation varie d'un État membre à l'autre, à envisager des sources de substitution pour financer ces mesures, qui soient laissées au libre choix des États membres, comme par exemple un pourcentage fixé sur la base de la valeur brute de leur production agricole;

15.  demande à la Commission d'élaborer une analyse quantitative permettant une évaluation fiable des conséquences de la pénurie de pétrole qui se profile, ainsi que des scénarios possibles pour faire face à ce problème en prévoyant la possibilité d'octroyer une aide à l'achat des combustibles lorsque leurs prix font l'objet d'une augmentation exceptionnelle; estime que, parallèlement, la production des plantes énergétiques doit être rendue plus attrayante pour les producteurs, grâce à une augmentation substantielle de l'aide à l'hectare octroyée dans le cadre du règlement (CE) n° 1782/2003;

16.  demande à la Commission d'examiner les moyens d'inciter, dans le cadre des paiements directs et des programmes de développement rural, les agriculteurs à choisir des modes de gestion et autres méthodes qui limitent les risques;

17. demande à la Commission de porter une attention toute particulière à la situation des jeunes agriculteurs pour toutes ses actions en matière de gestion des risques et des crises;

18. estime que la politique de gestion des crises dans l'agriculture doit se fonder sur la souplesse et sur une approche pluraliste, le choix d'un modèle de gestion des crises seul et unique n'étant pas viable, vu la multiplicité des régimes d'assurance et les particularités nationales;

En ce qui concerne l'option 1: cofinancement des catastrophes naturelles par des régimes d'assurance privés

19. estime que, vu la pluralité des instruments qu'offrent les régimes d'assurance, le rôle de l'assurance est particulièrement important:

a) parce qu'il constitue l'instrument le plus éprouvé du marché, le plus complet sur le plan institutionnel, le plus connu et le plus utilisé;

b) parce que, pour cette raison même, il convient mieux que les autres instruments à un marché international des produits agricoles;

c) parce que l'aide à la prime d'assurance constitue une forme d'aide clairement acceptée dans le cadre de l'OMC;

d) parce que le marché des assurances peut se prévaloir d'une expérience considérable dans ce domaine et a déjà permis de remédier à des situations très complexes et que, dans le même temps, il permet de faire appel à des instruments innovants en matière d'assurance;

20.  accueille avec satisfaction les considérations de la Commission concernant le cofinancement des primes d'assurance payées par les agriculteurs au titre des assurances contre les effets des catastrophes naturelles et du soutien aux systèmes de réassurance; estime que cette solution exige d'engager davantage de moyens, à la fois du budget communautaire et des budgets nationaux, que n'en fournit la modulation proposée de 1 %; estime en outre que les conditions d'accès doivent être établies de façon très précise et qu'il faut également envisager la possibilité de soutenir cette formule en ayant recours aux budgets nationaux;

21.  estime que, dans certains États membres, le système a déjà donné satisfaction et demande à la Commission de présenter une analyse plus précise , par risque spécifique (comme la grêle, la sécheresse, les tempêtes) et par culture (comme le blé, le maïs, le colza), des prestations offertes par les compagnies privées d'assurance contre les catastrophes naturelles et les épizooties, de leurs coûts et de leur position concurrentielle et de les comparer avec les dépenses et les prestations actuelles des autorités publiques nationales et européennes;

22.  demande à la Commission d'établir un système d'assurance public financé par l'Union européenne pour les différents secteurs et modes de production afin de pouvoir mieux définir un cadre d'action pour la gestion des risques et la prévention des crises;

23. invite la Commission à mettre sur pied un système de réassurance cohérent et accessible à tous les États membres dans le cadre de la politique agricole commune;

En ce qui concerne l'option 2: fonds de mutualisation

24. se félicite que la Commission envisage d'encourager les fonds de mutualisation constitués par des producteurs; attire l'attention, dans ce contexte, sur la grande importance que revêtent les organisations de producteurs, qui sont à même d'obtenir une meilleure couverture en raison de la répartition des risques et du groupement des intérêts vis-à-vis des marchés financiers et de l'assurance privée;

25. met l'accent sur les avantages de la responsabilité collective dans le cas de fonds sectoriels ou intersectoriels, qui, eu égard à la mise en commun d'infrastructures, au recours aux aides publiques et aux réserves des producteurs, permet d'escompter une plus forte mobilisation, y compris en matière de prévention;

26. demande à la Commission, d'examiner la possibilité de protéger les agriculteurs contre la chute des prix par des marchés à terme et des garanties de prix, ou contre les pertes de marchandises par des régimes d'assurance privés;

27. estime indispensables des mesures nationales et communautaires d'accompagnement pour encourager les apports et les contributions du secteur privé par des allégements fiscaux et des facilités de crédit et faciliter ainsi la participation des producteurs aux fonds de mutualisation envisagés; attire tout particulièrement l'attention sur les exigences et propositions exemplaires formulées par le Parlement européen dans sa résolution du 15 novembre 2000[1] concernant l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de porc;

28. demande à la Commission d'examiner, pour les options 1 et 2, la possibilité d'établir une distinction entre la gestion des risques sociaux et la gestion des risques du secteur privé et, le cas échéant, de moduler l'aide accordée selon la taille de l'exploitation et les mesures de prévention des crises adoptées;

En ce qui concerne l'option 3: couverture de base contre les crises de revenus

29. prend acte des propositions de la Commission relatives à la fourniture d'une couverture de base contre les crises de revenus et estime que cette question doit être examinée dans le cadre de la future révision de la PAC;

30. attire l'attention sur les difficultés rencontrées, comme c'est déjà le cas au niveau national, pour la détermination et la reconnaissance du préjudice subi et des pertes de revenus; est d'avis qu'un tel système impliquerait de lourdes formalités administratives et serait coûteux;

31. demande à la Commission de ne pas prévoir d'aides publiques au revenu en cas de crise, qui entreraient en concurrence avec des régimes privés d'assurance, mais, au contraire, de rendre ces régimes beaucoup plus fiables et efficaces par des systèmes appropriés de contrôle qui les responsabilisent;

32. souligne que la Commission devrait se donner pour mission essentielle d'instaurer un mode d'intervention rapide et souple susceptible de répondre à toutes les situations de crise et propre à simplifier au maximum les procédures bureaucratiques, qui monopolisent un temps considérable et compromettent l'efficacité des mesures;

*

* *

33. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La production agricole, qui dépend des conditions naturelles et climatiques, est exposée à des risques particuliers, c'est pourquoi les prix et l'offre des produits agricoles sont également sujets à de fortes fluctuations. Associées à des problèmes économiques, à des catastrophes naturelles et à une pénurie d'énergie, ces fluctuations peuvent susciter des problèmes d'approvisionnement en denrées alimentaires et en matières premières agricoles, même dans l'UE.

Jusqu'à présent, la politique agricole commune de l'UE tenait compte de ces spécificités par la voie d'une réglementation et d'une stabilisation des prix et des marchés, principalement sous la forme d'interventions sur les marchés et de soutien des prix.

Dans certains cas, la politique agricole commune a également contribué à l'essor de modes de production qui ne sont pas viables à long terme et sont fortement tributaires des ressources en eau et en énergie et, dans certaines régions, a favorisé un type d'agriculture auquel elles ne se prêtent pas. Qui plus est, l'élevage industriel et l'expansion prise par les transports d'animaux ont accru les risques de propagation des épizooties.

Lors des dernières réformes de la politique agricole commune, ces instruments de gestion des risques et des crises ont été progressivement démantelés et remplacés par des aides directes au revenu allouées aux agriculteurs; du fait du découplage des paiements pour certains produits et certaines quantités et de la conditionnalité, les pouvoirs publics interviennent moins directement pour les prix et les marchés et fixent en revanche les conditions générales qui régissent l'octroi d'aides publiques, en ce qui concerne notamment les modes de production, l'environnement et la protection des animaux.

Il en résulte que la responsabilité de la prévention et de la gestion des crises et des risques des points de vue de l'orientation de la production, des méthodes utilisées, de la commercialisation et de la garantie des revenus incombe de plus en plus aux exploitations agricoles. Elles doivent de plus en plus s'orienter en fonction des marchés. Le deuxième pilier de la politique agricole, à savoir le développement rural, doit favoriser cette évolution et aider les agriculteurs à s'engager dans de nouvelles voies.

De nouveaux instruments de réduction des risques et de prévention des crises doivent établir un juste équilibre entre les régions productrices. Ils doivent créer des conditions telles qu'il soit avantageux pour les agriculteurs d'avoir une production qui réponde aux besoins du marché, qui soit adaptée aux spécificités locales et qui soit viable. Les efforts consentis par ceux-ci pour réduire les risques, comme la diversification de la production, la réduction de leur cheptel, une moindre consommation d'énergie, d'engrais et de produits phytosanitaires, une production adaptée à la région et le recours à la diversité génétique doivent être récompensés dans le cadre des instruments, existants ou à créer, de la politique agricole commune.

Les agriculteurs, pris isolément, ne sont pas en mesure d'éviter certains risques ou crises auxquels ils sont exposés ni de compenser les préjudices qu'ils peuvent subir. Les effets des changements climatiques, la propagation des épizooties[2] de même que les conséquences des fluctuations des prix résultant de la libéralisation croissante du commerce des produits agricoles figurent au nombre de ces difficultés.

Afin que la survie des exploitations agricoles ne soit pas menacée par de tels événements imprévus, il est nécessaire de mettre au point des systèmes qui permettent de compenser les pertes de revenus en cas de dommages.

À l'heure actuelle, les aléas de la production auxquels les agriculteurs de l'UE sont exposés sont couverts par divers régimes d'assurance au niveau national. L'Union européenne ne leur accorde une indemnisation que dans le cas d'épizooties.

L'apparition à plus long terme de nouveaux risques pour les producteurs agricoles est prévisible. Ainsi, du fait de l'érosion des ressources génétiques, les maladies pourraient se propager plus rapidement et avoir des conséquences plus graves, étant donné que des espèces et des races ayant des propriétés de résistance très différentes et encore inconnues aujourd'hui disparaissent. La pénurie croissante d'eau douce salubre peut renchérir considérablement la production animale et végétale dans les régions les plus chaudes d'Europe; ainsi, le gouvernement espagnol prévoit l'installation, coûteuse, d'usines de dessalement de l'eau de mer dans les régions méridionales du pays.

Il existe d'ores et déjà des signes d'une évolution du climat, qui pourrait toucher à l'avenir des zones climatiques entières, ce qui rendrait indispensable une restructuration de l'agriculture. L'épuisement des réserves de pétrole est également un danger prévisible. Avec l'utilisation d'engrais, de produits phytosanitaires et de machines, l'agriculture européenne est, au cours de ces dernières années, devenue fortement dépendante de sources d'énergie fossiles bon marché dont l'offre semblait illimitée. L'ampleur des risques que comportent la poursuite du renchérissement du pétrole et le déclin de la production dépendra des mesures que l'agriculture européenne adoptera pour ne plus être dépendante des énergies fossiles et du délai dans lequel elle agira. D'après certains experts, la production de pétrole culminera dans un proche avenir, aussi la reconversion économique doit-elle être entamée dans les plus brefs délais.

Par suite d'une concentration croissante et de la formation d'oligopoles, les agriculteurs tombent de plus en plus sous la coupe de grands groupes, tant en amont qu'en aval. L'utilisation de nouvelles techniques dans l'agriculture, telles que le génie génétique, en particulier la technologie Terminator, accroît la dépendance économique des sous-traitants, notamment lorsque le cahier des charges exige que l'achat de semences s'accompagne de l'achat des produits phytosanitaires correspondants. Si cette tendance se poursuit, l'agriculture deviendra de plus en plus spécialisée et intensive et, dès lors, encore plus exposée aux crises.

Par voie de conséquence, il faut établir dans l'Union européenne des instruments de gestion des risques et des crises pour l'agriculture, qui permettent de compenser de fortes pertes de revenus afin d'assurer la survie des exploitations agricoles, même en période de crise. Surtout, il y a lieu de créer, dans un cadre tout à fait nouveau et dans celui des instruments actuels de la politique agricole commune, des incitations à l'adoption de mesures préventives pour limiter ces risques et éviter les crises ainsi que pour réduire au minimum leurs conséquences.

Selon l'accord de l'OMC sur l'agriculture, les systèmes d'assurance ne sont admissibles que lorsqu'ils n'ont pas pour effet de soutenir les prix, qu'ils n'ont pas d'incidence sur la production et qu'ils ne créent pas de distorsions de concurrence, ou, du moins, les réduisent au minimum; le montant de l'indemnisation se rapporte aux revenus obtenus au cours d'une période de référence et ne compense pas plus de 70 % de la perte de revenus. Pour que l'assurance entre en jeu, les pertes doivent dépasser 30 % des revenus obtenus au cours de la période de référence.

PROCEDURE

Titre

Gestion des risques et des crises dans le secteur agricole

Numéro de procédure

2005/2053(INI)

Base réglementaire

Art. 45

Commission compétente au fond
  Date de l'annonce en séance de l'autorisation

AGRI
12.5.2005

Rapporteur(s)
  Date de la nomination

Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf
16.3.2005

Examen en commission

30.6.2005

22.11.2005

26.1.2006

 

 

Date de l'adoption

26.1.2006

Résultat du vote final

pour:

contre:

abstentions:

29

-

-

Membres présents au moment du vote final

Peter Baco, Giuseppe Castiglione, Albert Deß, Gintaras Didžiokas, Duarte Freitas, Jean-Claude Fruteau, Ioannis Gklavakis, Bogdan Golik, Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf, María Esther Herranz García, Elisabeth Jeggle, Heinz Kindermann, Albert Jan Maat, Jean-Claude Martinez, Mairead McGuinness, Neil Parish, Agnes Schierhuber, Willem Schuth, Czesław Adam Siekierski, Marc Tarabella, Witold Tomczak, Kyösti Tapio Virrankoski, Janusz Wojciechowski, Andrzej Tomasz Zapałowski

Suppléants présents au moment du vote final

Hynek Fajmon, Wiesław Stefan Kuc, Markus Pieper, Zdzisław Zbigniew Podkański, Karin Resetarits,

Date du dépôt – A6

30.1.2006

A6‑0014/2006

  • [1]  JO C 223 du 8.8.2001, p. 176.
  • [2]  Selon les estimations de la Commission, la crise de l'ESB aurait coûté 5 milliards d'euros pour la période comprise entre 1986 et 2000; pour l'épidémie de peste porcine, l'Union européenne et ses États membres ont dépensé au total 349 213 846 euros entre 1997 et 2004; en ce qui concerne la sécheresse en Espagne, le gouvernement de ce pays a chiffré à 1,7 milliard d'euros le montant du préjudice subi par l'agriculture.